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C’est mon droit

Même petits, les enfants aussi ont droit à une vie privée. Et, d’après la loi, ils peuvent saisir le Défenseur des droits, même sans en informer leurs parents.

Le Défenseur des droits est une autorité indépendante, nommée par le président de la République qui emploie 250 juristes pour veiller au respect des droits et des libertés. La journaliste Claire Hédon occupe cette fonction depuis 2020 et elle est chargée de publier un rapport annuel sur les droits des enfants. Dans le dernier, qui portait sur le droit à la vie privée, elle alerte notamment sur les problèmes soulevés par le numérique et les réseaux sociaux.

QU’ENTEND-ON PAR VIE PRIVÉE DES ENFANTS ?

CLAIRE HÉDON : On la conçoit très bien pour les adultes mais on voit moins de quoi il s’agit concernant les enfants. Or, la vie privée ne démarre pas à 18 ans. C’est flagrant avec les réseaux sociaux où ce qui est de l’ordre du journal intime se retrouve sur la place publique. La vie privée englobe tout ce que l’on ne souhaite pas soumettre au regard de l’autre et cela concerne aussi les enfants. Mais c’est systématiquement mis en balance avec le souci de sécurité des parents qui veulent savoir ce que fait l’enfant et où il est, on peut le comprendre, bien sûr, mais dans certaines limites. L’important, c’est que les parents réalisent que, parfois, cela constitue une atteinte à la vie privée de l’enfant. Prenons l’exemple du contrôle parental, indispensable à certains moments, il faut se demander jusqu’à quel âge le mettre en place, informer l’enfant en toute transparence des dangers et lui expliquer que ce contrôle a pour but de le protéger. La géolocalisation peut être excessivement intrusive… Cela doit être fait en concertation avec l’enfant et adapté selon son âge. Un adolescent peut voir ses amis sans être en permanence sous contrôle. A-t-on le droit de vérifier le téléphone de son enfant ? C’est une question de proportionnalité… Le souci de sécurité des parents est légitime mais les enfants ont des droits et doivent être écoutés.

COMMENT AVEZ-VOUS MENÉ CE RAPPORT ?

C.H. : Nous avons consulté 1 100 enfants, via les associations de terrain. Le Défenseur des enfants, Eric Delemar, s’est aussi rendu à des ateliers pour écouter des groupes d’enfants. Ils n’ont pas été entendus individuellement, mais ont pu réfléchir et dialoguer ensemble, c’est ce qui est intéressant. C’est important d’entendre ce qu’ils ont à dire. Sur la vie privée, ils ont des idées précises : « Ne pas fouiller dans mes affaires », « ne pas toucher à mon corps si je ne suis pas d’accord », « ma mère poste des photos de moi petit, c’est la honte ». Je pense qu’il y a des règles, il faut demander l’accord de la personne pour publier sa photo. Entre enfants aussi, ils devraient se poser cette question pour éviter les dérives… Pensons aussi au phénomène des enfants influenceurs. La loi qui encadre l’exploitation commerciale des enfants prévoit des mesures de protection de leur rémunération, l’exercice direct par l’enfant de son droit à l’oubli et l’obligation pour les parents de demander une autorisation préalable à l’administration avant de le faire participer à un tournage par exemple.

ET LES PARENTS BLOGUEURS QUI EXPOSENT LEURS ENFANTS ?

C.H. : Il faut que les adultes s’interrogent – est-ce que je le fais dans l’intérêt de l’enfant ou dans mon propre intérêt ? –, qu’ils aient conscience que leurs enfants peuvent avoir le sentiment d’avoir été utilisés. La question majeure du numérique, c’est la sécurité. Les parents ont une obligation de protection contre toutes les formes de violence et Internet constitue aussi une source de violence. Nous sommes souvent saisis pour des cas de harcèlement à l’école qui dégénèrent sur les réseaux sociaux. Nous préconisons une formation à la lutte contre le harcèlement et une éducation au numérique tous les ans, dans les écoles, pour enfants et parents. Tous les ans, car on ne dit pas la même chose suivant l’âge de l’enfant. Il est interdit d’aller sur les réseaux avant 13 ans (l’âge légal à partir duquel un mineur est responsable de ses actes devant la loi, ndlr)

QUELS SONT LES POUVOIRS DU DÉFENSEUR DES DROITS ?

C.H. : Nous avons deux missions : rétablir les personnes dans leurs droits à partir des réclamations que nous recevons et promouvoir les droits et les libertés. Nous alertons le gouvernement et le Parlement sur ce que nous observons. Environ 3 500 réclamations par an concernent les droits des enfants mais peu d’entre elles émanent des enfants euxmêmes. Or, ils peuvent nous saisir directement, à n’importe quel âge, sans en informer leurs parents : par téléphone, par courrier (qu’ils n’ont pas besoin de timbrer), sur le site ou en allant voir un de nos délégués territoriaux. Nous intervenons de façon gratuite et confidentielle et 80 % de nos interventions se font par le biais de la médiation. Nous n’avons pas de pouvoir de contrainte mais nous avons celui d’enquêter et de présenter des observations devant les tribunaux.

QUEL EST L’IMPACT DE CE RAPPORT ?

C.H. : Le rapport annuel consacré aux droits de l’enfant fait partie de nos obligations, fixées par la loi. Nous effectuons un suivi de nos recommandations. Celui de l’an dernier portait sur la santé mentale des enfants et nous continuons d’alerter la Première ministre et le ministre de la Santé sur l’accès aux soins… Nous ferons de même sur celui-ci, notamment pour la formation aux dangers du numérique à l’école. Parmi nos recommandations, j’attire l’attention sur l’importance des cours d’éducation sexuelle à l’école : inscrits dans la loi depuis 2001, ils sont très peu enseignés. Or c’est essentiel pour lutter contre le harcèlement sexuel, notamment sur les réseaux sociaux. Le thème du prochain rapport sera l’accès au sport, aux loisirs et à la culture, qui ne sont pas des « petits droits ». J’espère que nous pourrons faire évoluer les pratiques et avancer des propositions pour permettre aux enfants de vivre mieux.

Propos recueillis par Maïa Bouteillet u Défenseur des droits. Tél. : 09 69 39 00 00. Défenseur des droitsLibre réponse 71120, 75342 Paris Cedex 07. Tous les rapports sont consultables en ligne : Defenseurdesdroits.fr.

EN FAMILLE, PARTEZ

À LA DÉCOUVERTE DES GRANDS COMPOSITEURS ET D’UN CONTE ENVIRONNEMENTAL

Les petits riens

Le dernier ouvrage d’Adrien Parlange, Les Printemps, évoque des moments de la vie d’un homme, de la petite enfance à ses 85 ans. Comme dans chacun de ses livres, l’auteur invente un dispositif qui accompagne le texte, ici la découpe des pages est une ouverture sur les souvenirs du narrateur, persistants tout au long du récit. Ce sont 33 instants, des petits riens mais aussi de grands moments évoqués : l’émotion suscitée par une première fraise, les rencontres amoureuses ou amicales, les voyages… Les images du présent au fil des pages sont complétées par les images du passé. Un souvenir superposant l’autre, sur des aplats de couleur mauves, orange, verts. Et, le lecteur est à la fois émerveillé par la justesse des sentiments et la simplicité de leur formulation. C’est beau et c’est pour toute la famille. u Les Printemps. A partir de 4 ans. D’Adrien Parlange. Ed. La Partie. 22,90 €.

De l’amour

Un petit garçon voudrait comprendre ce que veut dire aimer, quand il va voir sa grand-mère pour lui demander ce qu’est l’amour, cette dernière l’envoie faire un tour du monde. Sur sa route, il rencontre un pêcheur, un comédien, une charpentière, un poète... qui lui donnent une réponse qui n’est jamais la même car, pour chacun, elle est intime, liée à sa propre personne ; l’amour est ce qui lui tient à cœur, qui motive sa quête. Un récit initiatique plein de poésie et de charme, illustré par les beaux dessins de Carson Ellis, aux aplats de gouache aux couleurs douces. De retour dans la petite maison rose, il se délecte des odeurs du dîner, de ses pieds nus dans la terre et de la chaleur des bras de sa grand-mère. Un très bel album pour parler d’amour et de cette quête qui fait grandir. u L’amour, c’est quoi ? A partir de 5 ans. De Mac Barnett et Carson Ellis. Ed. Hélium. 17,90 €.

Les temps modernes

Les illustrations soignées et délicates de La Soupe Lepron ne laissent pas présager qu’il s’agit d’un manifeste contre le capitalisme et l’industrialisation. Qui aurait pu penser que ce simple potage cuisiné chaque année par M. Lepron avec l’aide de ses enfants, le jour de l’automne, devienne célèbre et convoité à travers le monde ? Si bien que pour répondre à la demande, une usine voit le jour, des boîtes de conserve rappelant celles d’Andy Warhol sont produites en quantité. Les nuits de M. Lepron se transforment en cauchemar. Les critiques commencent à pleuvoir, la soupe n’aurait plus le même goût… Las de la rumeur, l’usine est définitivement fermée et M. Lepron retrouve le plaisir de sa soupe annuelle en famille. Un album à la fois poétique et politique qui célèbre le bonheur et le goût des choses simples. u La Soupe Lepron. A partir de 6 ans. De Giovanna Zoboli et Mariachiara Di Giorgio. Ed. Les Fourmis rouges. 17,50 €.

La folle journée

Noa est invité à l’anniversaire d’Alma, sa maman le réveille pour une journée marathon. Noa est bougon, il ne joue jamais avec Alma et la perspective de retrouver toute sa classe ne le réjouit guère. Pas le temps pour les lamentations, les voici dans la foule des grands magasins pour trouver un cadeau, prendre le bus et courir sans arrêt. Dans la frénésie de la grande ville, Noa perd tour à tour sa veste, sa casquette et même le cadeau ! Quelle journée ! Une fois arrivé chez la petite Alma, tout le monde réalise que la maman s’est trompée de jour. Pas si grave, ce sera l’occasion de déguster un goûter en petit comité et de rentrer à la maison pour ne rien faire… C’est ce que préfère Noa et sa maman aussi finalement ! Ce récit est illustré à l’aquarelle, dans une palette colorée pleine de vie qui traduit à la fois la tendresse et l’énergie de cette folle journée… u Une maman si pressée. A partir de 4 ans. De Sara Lundberg. Ed. Seuil Jeunesse. 14,90 €.

L’évolution

Nous sommes à la veille d’un long voyage qu’une famille entreprend vers le Sud pour fuir le dur hiver. C’est le début d’une aventure de nomadisme au temps de la préhistoire, adultes et enfants se déplacent. Ils vont braver les aléas de la nature : lutter contre les tempêtes, croiser des animaux sauvages, s’entraider pour les passages difficiles, faire du feu, explorer les grottes… Le format à l’italienne permet d’avancer dans différents paysages, et donne du rythme au fil des voyages. Ici, animaux et humains cohabitent, les groupes se meuvent et en rencontrent d’autres, une histoire de l’humanité en somme dans des paysages singuliers. u Un long voyage. A partir de 4 ans. De Danslecieltoutvabien. Ed. Les Grandes Personnes. 22 €.

Carrément beau

Dans cet album, un carré et un chat gris forment un duo parfait pour jouer et inventer un espace de tous les possibles. Ce carré aux contours jaunes peut être une fenêtre, une commode, une gamelle, une porte. Parfois la forme géométrique est contenant, refuge et d’autres fois devient un espace d’où l’on observe le monde. Les enfants pourront s’amuser à identifier ce qui est dedans ou à l’extérieur du carré : un insecte qui réchappe des griffes du chat et s’envole au-delà de la forme, ou encore la queue de l’animal qui dépasse sous un buffet. Les illustrations à l’aquarelle, dans un délicat noir et blanc, apportent légèreté et finesse à l’ensemble. u Un carré. A partir de 3 ans. De Somin Ahn. Ed. CotCotCot éditions. 14,50 €.

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