Chroniques #5

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CHRONIQUES

livres, BD,

Musiques

LIVRES ET BD --------------------------------------------------------------LE MANUEL DU STREET ART Carlsson et Louie (Eyrolles 2011) Il ne manquait plus que ça, un manuel pour apprendre à faire du street art ! Le livre est bien fait et les informations sont de qualité, tout comme les photographies… Toutefois, il convient de dire que les arts de rue doivent avant tout se vivre dans la rue et que les règles de la rue sont simples : être motivé, vigilant, respecter les autres, montrer que l’on mérite d’être là et surtout gérer son stress et l’adrénaline car la plupart du temps, les lieux où l’on pose son œuvre sont illégaux. Pour le coup, penser que ce genre de pratique peut se vulgariser est une chimère… Le street art (et encore plus le graffiti) est une forme d’art qui n’est pas académique, loin de là ! Ce livre est donc agréable à lire, permet de comprendre comment cela fonctionne mais ne doit pas vous servir de manuel car il manque le chapitre avec ce titre : La rue est dangereuse ! TBY --------------------------------------------------------------CARNETS DE LÉONARD DE VINCI Romagnoli et Villata (Eyrolles 2011) Ce recueil est une petite mine d’informations

précieuses concernant les recherches sur Léonard de Vinci, du mécanisme d’une arbalète à une étude d’ombres portées en passant par l’anatomie ou l’architecture. Nous avons l’impression de rentrer dans l’intimité du maître au fil du temps et de ses projets. L’ouvrage contient de belles reproductions de ses croquis ainsi que des commentaires appropriés et enrichissants, notamment sur la provenance de ses projets en tout sens, les commandes ou simplement ses études pour un tableau. Mais de bout en bout, et d’une façon détournée, c’est toute une vie consacrée au travail et à la création qui se déroule au fil des pages. Un éclairage pertinent et particulier donc, qui satisfera l’amateur à la recherche du travail souterrain fourni par Léonard. VP --------------------------------------------------------------PARIS POCHOIRS Longhi et Maœtre (Alternatives 2012) "Paris Pochoirs" est un ouvrage qui double le plaisir : le plaisir de voir et le plaisir d’apprendre. Pour le plaisir d’apprendre, les pages de gauche : un texte précis, concis, maîtrisé, qui conte l’histoire vivante du pochoir à Paris, avec des déclinaisons chronologiques, par artiste ou par thème. L’ouvrage aborde l’évolution des techniques, s’interroge sur les supports de production et de pérennisation de cet art éphémère. Pas un artiste majeur ne semble

manquer… Pour le plaisir de voir, sur les pages de droite, une myriade des clichés, parfois historiques, qui prouvent la diversité et la vivacité de cet art, dont le principe de force et de beauté réside dans sa poétique, son message visuel simple, direct et efficace. Un vrai bonheur que de parcourir ces quatre décennies, surtout l’âge d’or des années 80, où l’on croise les figures mythiques de Marie Rouflet, Blek le Rat, Miss.Tic, où l’on découvre qu’officiaient déjà des artistes de talent comme Nice Art ou Epsilon Point (et quel plaisir de découvrir des œuvres du Bateleur !). L’ouvrage s’achève sur le "renouveau des années 2000", quand le pochoir survit et se réinvente, notamment avec Artiste Ouvrier, C215, Ender… Seul détail qui gâche un peu l’ouvrage, l’épaisse couverture cartonnée vraiment cheap. Le reste, que du plaisir… OB --------------------------------------------------------------LES MEILLEURS ENNEMIS, VOL. 1 David B. et Jean-Pierre Filiu (Futuropolis 2011) Après l’Orient médiéval et fantastique des "Chercheurs de Trésor", c’est l’histoire moderne du Moyen-Orient qu’aborde David B. dans cette nouvelle série. On y retrouve ce style bien particulier, tantôt réaliste tantôt allégorique, si parfait pour dépeindre acteurs et décors de la région. Ce premier tome débute par un extrait de "L’épopée de Gilgamesh", texte fondateur né en Mésopotamie

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il y a plus de 2000 ans et qui préfigure la situation actuelle en Irak. Un grand bond dans le temps nous emmène à l’époque de la piraterie en Méditerranée, pour entrer dans cette "histoire des relations entre les Etats-Unis et le Moyen-Orient" (sous-titre de la série) : deux siècles de conflits peu connus du grand public, pour lequel la présence américaine dans la région est surtout liée à l’exploitation du pétrole au XXe siècle et aux guerres actuelles en Irak et en Afghanistan. Avec au scénario Jean-Pierre Filiu, historien du monde arabe et fin connaisseur de sa langue et de sa culture, le rappel bienvenu de ces faits ne pouvait mieux être mené. Hormis au premier chapitre, seuls quelques dialogues, toujours percutants, parsèment le récit et le lecteur se trouve happé par la narration, dense et au découpage précis. On attend la suite avec impatience, le 1er tome s’achevant en Iran au début des années cinquante, alors que les Etats-Unis s’imposent comme première puissance occidentale. MLB --------------------------------------------------------------L’ESPION DU PRÉSIDENT Recasens, Hassoux et Labbe (Robert Laffont 2012) Squarcini, dit le "Squale", est un personnage intrigant. Né au Maroc d’un père corse et d’une mère sicilienne, il a fait carrière dans la police et le renseignement français, à l’époque de Pasqua, puis navigue habilement dans le sillage de Sarkozy, avant que ce dernier ne le nomme à la tête de son "FBI à la française", la DCRI (fusion de la DST et des RG.). Le livre possède plusieurs facettes intéressantes, notamment celle de décrire avec finesse Squarcini comme un méridional à la verve sympathique, un vrai-faux gentil qui aurait pour seul défaut de ne pas savoir dire non, surtout à sa hiérarchie, et qui serait "plus compromis que corrompu" ; il déclare à un des auteurs : "Fais ton bouquin. S’il est bon, je te paie un coup à boire, sinon je te pète le nez !"… Bien plus que l’enquête fouillée qui révèle la privatisation de l’appareil d’Etat au service du Président (le "Squale" est chargé, entre autres, de la sécurité de la première femme du Président, qui réside en Corse), privatisation à laquelle on s’est finalement habitué (depuis la République des Mallettes et L’oligarchie des Incapables), c’est la description du fonctionnement de la DCRI, obtenue grâce à des interview "off", toujours secrets et tendus, qui fait de ce livre un très bon document. On y découvre des agents isolés, qui n’ont pas de vision globale, de simples collecteurs d’information, avec des moyens techniques impressionnants et un sentiment d’impunité ("tout est permis à condition de ne pas de faire piquer.."). En somme un livre passionnant, très bon support pour un roman d’espionnage où se mélangent pouvoir, technologie, barbouzerie, cercles de jeux et mafia corse… sauf qu’ici c’est bien réel. OB --------------------------------------------------------------L’OLIGARCHIE DES INCAPABLES Coignard et Gubert (Albin Michel 2012) Ce livre est éprouvant et dangereux, il donne envie de faire la Révolution, il faut le lire absolument… Enquête ethnographique détaillée de ces personnes qui "gèrent" la maison France (politiques, hauts fonctionnaires, PDG des grand groupes industriels, directeurs de banques, intellectuels…), il décrit sans concession les faits et mentalités de tous ces gens qui nous dominent (dans le sens hiérarchique du terme) avec ce constat clair : leur seule motivation est l’argent (toujours plus d’argent !) et le pouvoir qu’il procure. L’État et les entreprises ne sont pour eux que des outils servant à élargir leur réseau d’influence et accroître leur patrimoine. Cette dérive du tout argent avait déjà gangrené les groupes industriels français (le livre parle justement de Messier, Tapie...), mais nos hauts fonctionnaires et politiques, fascinés par toutes ces richesses, sont devenus accrocs aux lingots et font la course aux millions. Et si seulement leurs émoluments allaient de paire avec leur performances ! Mais non, peu importent les résultats: les incompétents seront remerciés avec des primes de départs généreuses, récupéreront aussitôt un autre poste de prestige, certains même seront décorés de la légion d’honneur... Donc pourquoi être efficace, seul le réseau compte... À ce petit jeu de Monopoli truqué, où tout devient intérêt privé, y compris les ressources de l’Etat, ils sont forcément gagnants

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puisqu’ils sont joueurs, arbitres et font eux-mêmes les règles. Le pire est que tout cela leur semble juste ! Le livre se termine sur un chapitre au titre inquiétant, mais bien argumenté : "Nous sommes en 1788 !" OB --------------------------------------------------------------L’INTRUSE Roannie et Oko (Vertige Graphic 2010-2012) Cette série en 4 tomes nous propose un carnet de voyage peu ordinaire : l’auteur du scénario, Roannie, membre d’une ONG, a effectué plusieurs séjours en Palestine et nous livre son témoignage. Dans les albums publiés à ce jour, l’histoire court sur ces 10 dernières années et n’omet aucun fait marquant de cette période (blocus de Gaza, opération "Plomb durci", flottilles pour la paix…), mais elle s’attache surtout à décrire le quotidien des Palestiniens (t.1 et 2) comme des Israéliens (t.3), ainsi que celui des militants internationaux (t.4). Le récit est passionnant, dense et détaillé, parfois même un peu trop dans le dernier tome, où les dialogues sont plus informatifs que réalistes. On suit volontiers les pérégrinations de Roannie, qui laisse voir ses impressions plutôt que ses actions, et ce malgré un dessin peu accrocheur (celui des personnages surtout) et qui apparaît de plus en plus jeté. Seul le travail d’après photographies, trop utilisé et visible au début (de simples retouches à la palette au 1er tome), évolue de manière positive avec, au quatrième tome, un découpage intéressant fait d’une alternance de scènes dessinées (les militants) et d’autres réalisées sur photos (les Palestiniens). Chaque volume contient en outre un dossier (chronologies, cartes…) bien utile pour mieux comprendre le conflit israélo-palestinien. La paix semblant de plus en plus impossible, ce carnet de bord devrait connaître d’autres suites… MLB --------------------------------------------------------------CHAOS ET CHRONIQUES MÉTALLIQUES Mœbius (Les Humanoïdes Associés 2011) Au moment où je débute cette chronique, Mœbius rejoint ad patres d’illustres auteurs de bande dessinée comme Franquin ou encore Hugo Pratt. La lecture de ces deux ouvrages illustratifs, dont les chapitres sont ordonnés autour de thématiques correspondant aux diverses œuvres proposées et mises en relations les unes avec les autres, procure un plaisir profond et nous permet de nous (re)plonger dans l’univers d’un des plus grands dessinateurs du XXe siècle, reconnu dans le monde entier… Ces dernières années, les institutions et les musées ont fini par le célébrer comme il se doit ! À la lecture de "Chaos" puis des "Chroniques Métalliques", il est troublant de constater que la plupart des dessins ont nourri l’imaginaire de nombreux créateurs à travers le monde, et même celui des graffeurs ! Deux livres indispensables ! Et merci de nous avoir fait autant rêver… R.I.P. TBY --------------------------------------------------------------JR 28 MM (2004/2010) JR et Berrebi (Alternatives 2011) Le travail photographique et "militant" de JR nous plonge dans les aberrations de notre monde contemporain où le capitalisme sauvage à visage caché et inhumain transforme le monde en une vaste zone de prédation : les conflits et la misère sont essentiels pour que perdure ce système. Pour le coup, se rendre en Palestine, en Israël, au Kenya dans les zones non touristiques, dans les favelas des mégalopoles brésiliennes ou encore dans notre banlieue du 93 délaissée par les pouvoirs publics depuis trente ans est très certainement un acte militant car un témoignage mais aussi, à travers l’art de l’image, un moyen de donner la parole à ceux qui ne peuvent pas la prendre. Les visages photographiés puis collés et mis en scène par JR permettent à ces inconnus, que les sociétés développées refusant d’entendre ou de voir, d’avoir le temps d’un instant le droit de cité ! Bravo pour ces témoignages et ces belles images ! TBY --------------------------------------------------------------BLUE ESTATE (TOME 1) Viktor Kalvachev & Co (Ankama 2012) Après le monumental "Phérone" qui a réussi à ébranler les fondations de l’Amérique bien pensante, Viktor Kalvachev pousse loin la récidive, dans ce qui restera l’un des titres les plus violents de la collection de polars noirs de chez Ankama, la bien nommée "Hostile Holster". Ici le "Mexican Standoff"

sert juste d’introduction. On flingue, on estourbit, on découpe, mais on n’achève pas toujours. Le blanchiment d’argent à la Russe se teinte vite de sang spaghetti et, à force de raconter des salades, les deals tournent vite au vinaigre. Au bout du compte, des stars de l’écran has been, des strip-teaseuses volubiles ou des gros arnaqueurs mafieux, difficile de savoir qui remporte la palme du plus mauvais comédien. De toute façon, inutile de s’en faire, “Blue Estate”, c’est comme la vie : personne ne s’en sortira vivant… MICEAL --------------------------------------------------------------FIRST WAVE Brian Azzarello, Phil Noto et Rags Morales (Ankama 2012) Dan Dowd, propriétaire très louche du club Meows de Gotham, se fait descendre. Jusqu’ici, rien de très surprenant. La routine, quoi. Puis voilà que Batman brandit une paire de 45, que Black Canary est noire, et que Gotham semble s’être déplacée sur la West Coast dans les années 40. En plus, le Chevalier Noir est encore un débutant qui va se heurter à Doc Savage et… au Spirit de Will Eisner ? Ne regardez pas votre verre de bourbon ! Le vrai responsable de tout ça, c’est Mister One Hundred Bullets, himself, Brian Azzarello, lequel a décidé de nous livrer sa vision pulp des origines des trois héros et de plusieurs autres personnages mythiques. Épaulé par des dessinateurs virtuoses, Phil Noto tout en subtilité et style rétro, et Rags Morales qui livre ici son meilleur travail depuis “Identity Crisis", le scénariste aux multiples Eisner Awards a ciselé pour DC une aventure old school que la maison Ankama a su adapter avec brio. À siroter sans aucune modération. MICEAL --------------------------------------------------------------ON N’EST PAS LÀ POUR RÉUSSIR Fabcaro (La Cafetière 2012) Un petit livre rouge, non pas celui de Mao mais celui de Fabcaro ! Il raconte en plusieurs strips de quatre cases avec humour, dérision et malice le rapport des auteurs avec leur public. Un dessin précis et d’une grande finesse qui permet de montrer des situations ubuesques qui donneront à réfléchir à certains sur la manière de poser des questions ou de parler à des créateurs. La dernière scène résume parfaitement ce que la plupart des gens pensent de l’art et de la manière de l’exprimer à travers des œuvres : un passe-temps sympa ! Mais bon, en lisant cette BD, on s’amuse surtout de sa propre bêtise ! TBY --------------------------------------------------------------JR. ARTOCRATIE EN TUNISIE JR, Zeghal et Berrebi (Alternatives et Cérès 2011) L’idée de ce livre est né dans l’esprit de Slim Zeghal qui voulait réaliser une mosaïque de portraits de Tunisiens… JR était partant mais encore fallaitil que le pays se libérât de son odieux dictateur ! Janvier 2011, la révolution libère le pays et le projet peut devenir réalité : "de l’art par les Tunisiens, pour les Tunisiens !"… "Artocratie" prend forme et des installations photo fleurissent un peu partout en Tunisie, dans des endroits emblématiques de l’histoire de ce pays mais aussi des années de plomb ! Les visages photographiés par JR et six collègues tunisiens sont multiples et très variés, comme l’est la population. Le livre, qui rend compte de cette aventure artistique et citoyenne, est une réussite ! Une édition franco-tunisienne de qualité avec un texte bilingue français-anglais pour toucher un large public, friand de connaître l’après-révolution dans cette terre devenue un passage obligé de street art international. La diversité des images exposées dans la rue a remplacé le portrait du Satrape de Carthage. À lire absolument. MLB --------------------------------------------------------------DÉBUT DE SIÈCLE Monsieur le chien et Delente (La Cafetière 2012) C’est l’histoire d’un mec… En effet, c’est bien une BD sur la vie ordinaire d’un gars ordinaire qui s’ennuie et cherche son âme sœur sur Internet. Ses amis lui organisent des rencontres avec d’autres amies célibataires, lui prodiguent des conseils sur son look et sa manière de draguer… Bref, c’est la "lose" ! Malgré des rencontres d’une soirée et des petites amies qui occupent, il demeure seul, encore et toujours seul. Il finit son périple dans d’autres contrées… Une bande dessinée qui aborde donc des sujets qui touchent de nombreuses personnes dans les pays riches : la solitude. Le dessin et la

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CHRONIQUES narration sont efficaces et donnent un côté docufiction à cet album qui est en réalité une fiction. Un agréable moment de lecture. TBY --------------------------------------------------------------GRAFFITI TATTOO Ket (From Here To Fame 2011) Le graffiti a influencé toutes les expressions artistiques depuis son apparition dans les années 70. Il en est une où des graffeurs se sont même imposés par leur style et la maîtrise du lettrage : le tattoo. Avec cet ouvrage remarquable, qui brosse un état des lieux dans plusieurs pays, nous pouvons découvrir des tatouages d’une finition et d’une perfection admirable puisant dans les images du graffiti et la manière d’agencer lettrages et personnages. Certains tatoueurs sont également des peintres de renom. Un bon début pour connaître cette pratique ! TBY --------------------------------------------------------------BOUNCER, L’INTÉGRALE Jodorowsky et Boucq (Les Humanoïdes Associés 2010) Une des séries emblématiques de Boucq est enfin disponible dans une version intégrale regroupant tous les tomes. Pour le coup, la lecture nous

MUSIQUE DOC SINGE "Kiss Of The Beast" (Ascetic/Module) Doc Singe a réussi à réunir autour de lui une brochette impressionnante de MC’s. Kool Keith, M.F. Grimm, Pace Won, John Robinson, 2Mex, Count Bass D ou encore Finsta (Finsta Bundy) et Branesparker (Freestyle Professors) se sont tous prêtés au jeu et posent leurs voix sur les productions électriques du beatmaker français. Avec des sonorités qui sentent bon le New York des années 90, Doc Singe recrache des samples sombres pour un style boom-bap rafraîchissant. Compositions et superpositions de sons créent un univers très cinématographique, semblable à une promenade dans la Big Apple des vertes années du Hip-Hop. Le titre "Sun God" à lui seul suffira à convaincre quiconque que le compositeur maîtrise sont sujet. Le phénoménal "Set It Off" met Pace Won en orbite et provoquera à n’en pas douter des crises de tremblements chez les nostalgiques des jours de gloire de la East Coast et convaincra les plus réfractaires que ce producteur est à surveiller de près. TABMOW --------------------------------------------------------------DJ FORMAT "Statement Of Intent" (Project Blue Book/La Baleine) Cela faisait déjà 7 ans que l’anglais DJ Format n’avait plus fait parler de lui par album interposé. Pour son 3e album, il renoue magistralement avec cette alchimie musicale atemporelle faite de beats nerveux, de samples aussi puissants qu’éclectiques, d’instrumentistes virtuoses (The Nostalgia 77 Quintet) et de MC’s pugnaces. Entamé par une rafale de scratches, "Statement Of Intent" ne perd à aucun moment sa pression initiale, constamment alimentée par une inventivité musicale qui semble intarissable et des recrues très en verve tels l’omniprésent Sureshot La Rock (des Diggers With Attitude) ou Mr. Lif qui comblent parfaitement le retrait d’Abdominal, principal MC du précédent opus. Morceaux vocaux trépidants et instrumentaux onctueusement jazzy alternent, tous plus réussis les uns que les autres, jamais avares en clins d’œil aux références old school de DJ Format. À l’écoute de cette démonstration, on se doute que le producteur britannique n’a pas fini de subjuguer son auditoire. YC --------------------------------------------------------------G-ZON (LA MEUTE) "Musique Nuisible" (Pleine Lune/MVS) Un album d’une force incroyable, que ce soit dans les lyrics ou dans la musique : authentiquement Hip-Hop avec un son old school comme on aime.

permet de mieux pénétrer dans la psychologie des personnages et ce monde "Western" vu par Jodorowsky où tout est possible. Le dessin et la couleur font parfois penser à "Blueberry", mais une telle référence ne doit pas occulter le trait si particulier de Boucq, à la fois fin et appuyé. Du grand art ! Les amateurs apprécieront certainement et ceux qui ne connaissent pas cette histoire ne seront pas déçus. Un cadeau à s’offrir ! TBY --------------------------------------------------------------WELCOME TO AMERICA Pierre Druilhe (Ego comme X 2008) Cette autobiographie est le fruit d’un auteur davantage connu pour ses albums humoristiques. Il nous décrit par des images un peu charbonneuses, parfois même hésitantes, et des mots précis et incisifs, ses souvenirs de voyage aux Etats-Unis. Il mélange ses fantasmes de dessinateur et les images qu’il ne cesse de recevoir comme des instantanés de ses lectures d’enfance... C’est d’une certaine manière le récit d’un Français en Amérique qui se découvre un côté "touriste de base" et oublie toute la richesse culturelle de ce pays. L’auteur revient sur ses angoisses d’auteur et sur les difficultés de son métier, comme dans de nombreuses bandes

dessinées de ce genre… Cela peut intéresser certains mais pas forcément le grand public qui aurait eu envie d’approfondir l’aspect découverte d’un pays qui fait rêver… Un ouvrage qui demeure malgré tout intéressant graphiquement. MLB --------------------------------------------------------------DOGGY BAGS, SEASON 2 Run, Bablet, Singelin, Ozanam et Kieran (Ankama 2012) Prête à emporter, dorée à souhait par le V8 qui ronronne sous cette carrosserie brûlante, elle n’attend que vous le 19 avril prochain. Nan, pas la bombe de la couverture ! La saison 2 du hit du label 619, Doggy Bags. Trois nouvelles histoires noires, sordides, violentes, à vous dresser les poils. Si Run et Singelin viennent remettre une couche de polish acide sur le capot, saluons pour ce joli numéro l’arrivée d’un nouveau duo de psychopathes particulièrement survoltés, les “Trans-Aman Boyz", avec Ozanam au scénario et Kieran au dessin, qui après s’être faits la main avec “We Are The Night", échappent définitivement à tout contrôle avec le totalement délirant “Elwood And The 40 Freak Bitches". Doggy Bags 2, de toute façon, c’est trop tard, vous êtes déjà mordus ! MICEAL ---------------------------------------------------------------

Le titre "Esprit Hip-Hop Exigé" est un véritable plaidoyer pour la culture Hip-Hop et tout ce qu’elle a de positif ; dans "Le Quartier D’où Je Viens", G-Zon parle de sa cité avec des mots qui ne peuvent pas laisser insensibles, surtout quand cela évoque de vieux souvenirs… Du premier au dernier titre de l’album, on ressent le rythme et la générosité de l’artiste, ainsi que son âme : ce n’est pas qu’un simple album de rap, c’est une bombe acoustique ! Big up à G-Zon et à toute La Meute. Du lourd, du bon son et des mots percutants. À découvrir ! TBY --------------------------------------------------------------ROBERT GLASPER EXPERIMENT "Black Radio" (Blue Note/EMI) Alors que bien des musiciens de jazz ont suscité l’ennui lorsqu’ils se sont essayés à fusionner leur maîtrise de l’instrument au hip-hop et à la new soul, Robert Glasper fait mouche. Le pianiste américain livre avec ce 5e album une onctueuse collection de morceaux où les compositions jazzy donnent une force inattendue à d’excellent(e)s vocalistes (Erikah Badu, Lalah Hathaway, King, Ledisi, Chrisette Michele, Musiq Soulchild, Bilal, Meshell Ndegeocello…) et quelques MC’s inspirés (Lupe Fiasco, Mos Def (Yasiin Bey), Shafiq Husayn…). La grande musicalité de l’ensemble ne dérape jamais vers l’ennui que peut engendrer un de ces sordides piano bars et c’est bien là la grande force de Robert Glasper. Une belle surprise qui se conclut par une très réussie reprise du "Smells Like Teen Spirit" de Nirvana. YC --------------------------------------------------------------THE ROOTS "Undun" (Def Jam/Barclay/Universal) Ce 13e album studio des papas rappeurs de Philadelphie est un disque concept. Ils y racontent la vie fictive et la chute de Redford Stephens, en remontant le temps depuis le moment de sa mort. À leur manière, ils abordent les valeurs importantes qui auraient dû le guider dans la vie et la difficulté de s’en sortir lorsque l’on grandit dans un milieu déshérité, abandonné par tous. Musicalement, c’est un savant mélange de sonorités soul et groovy appuyées par les beats toujours impeccables de ?uestlove, mêlant harmonieusement orgues vibrants et pianos pétillants. "Undun" se consomme comme une véritable symphonie, cohérente, avec des mouvements, des montées en puissance et des moments ou le temps semble se figer. C’est indéniablement un des meilleurs albums des Roots, sans doute le plus abouti de ces dernières années. On écoute en boucle "Make My", "I Remember", "The Other Side" ou "Redford". Quand la musique élève encore plus des textes déjà intelligents, c’est là que le rap gagne ses lettres de noblesse. TABMOW ---------------------------------------------------------------

FELA "Live In Detroit 1986" (Strut/La Baleine) Personnage central de la musique du 20e siècle, Fela Kuti n’a pas fini de peser sur la création musicale tant sa discographie est puissante et addictive. Créateur de l’afrobeat en compagnie du batteur Tony Allen, l’œuvre de Fela est aussi puissante que dansante, aussi politique qu’érotique. C’est tout cela que l’on retrouve dans cet excellent "Live In Detroit 1986", enregistré quelques mois après la libération de celui qui était un des plus actifs opposants aux dictatures qui se sont succédées au NIgéria. La qualité d’enregistrement est superbe et les 4 longs morceaux déroulés durant plus de 2 heures 30 parviennent sans temps mort à maintenir l’attention de l’auditeur intacte. Merci au label Strut d’avoir permis la commercialisation de cette pépite. YC --------------------------------------------------------------UNION "Analogtronics" (Fatbeats/Musicast) Excellent 1er album qui arrive à créer avec brio une alchimie entre le son Hip-Hop, des ambiances électro et de la bonne Soul. En invités, MF Doom, Guilty Simpson ou encore Elzhi de Slum Village entre autres permettent aux deux compositeurs français qui forment Union de se laisser aller sur certains morceaux à des improvisations qui ne déplairont pas aux mélomanes. Une fois encore, le Hip-Hop prouve son infinie vitalité, notamment lorsqu’il est associé à d’autres musiques par des virtuoses ! TBY --------------------------------------------------------------PINK FLOYD "The Wall - 3 CD Experience Edition" (Pink Floyd/EMI) Le graffiti posé sur le mur blanc ne justifie pas à lui seul la présence de ce classique de Pink Floyd initialement paru en 1979 dans nos pages. Indiscutablement, ce 11e album vendu à plus de 30 millions d’exemplaires dans le monde a eu une influence colossale, consciente ou non, sur un nombre incalculable de gens. Ce n’est certes pas le plus réussi du groupe culte anglais qui a perdu à la fin des années 70 pas mal de ces membres emblématiques (Syd Barrett, Richard Wright…) et est devenu la chose du mégalomane Roger Waters mais les envolées lyriques de ce concept album également décliné en film en 1982 par Alan Parker ont laissé à la postérité une belle brochette de classiques ("Another Brick In The Wall"…). De plus, cette énième réédition remasterisée est une belle réussite, offrant un 3e CD bourré de démos enregistrées durant la création en studio de "The Wall". Une intéressante immersion dans les méandres de la créativité de Waters, Erzin et Gilmour. YC

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