Centralité de l'art contemporain

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CentralitĂŠ de l'art contemporain Par : Ridha Hajjaji


Comment définir l’art contemporain ? Pour Nathalie Heinich, l’histoire de l’art peut se scinder en trois grands paradigmes successifs – classique, moderne, contemporain - impliquant chacun une définition distincte de l’art. Dans le paradigme classique, l’art se doit d’être conforme aux canons hérités de la tradition, tandis que dans le paradigme moderne l’art est défini comme l’expression de l’intériorité de l’artiste (régime de singularité), ce qui implique parfois la transgression des canons classiques. Enfin, dans le paradigme contemporain, « l’art consiste en un jeu avec les frontières de ce qui est communément considéré comme de l’art. » (p. 50). Entre ces trois paradigmes, l’expérience esthétique diffère également : l’art contemporain recherchant la sensation, là où le classique cherchait l’élévation spirituelle et le moderne l’émotion esthétique. Parler de paradigme permet une approche objectivée de l’art : l’oeuvre peut changer de définition, ne pas se plier aux mêmes contraintes ou exigences selon les paradigmes, sans qu’il y ait à porter sur ces changements de jugement de valeur. La force de ce postulat de départ est également d’offrir au lecteur une vision synthétique et cohérente non seulement du fonctionnement interne du monde de l’art (puisque dans chaque paradigme tout change, de la définition de l’oeuvre à leur mode de circulation et au rôle des intermédiaires), mais aussi des controverses artistiques qui ont marqué le passage d’un paradigme à l’autre, depuis le milieu du XIXe siècle et le passage du paradigme classique au paradigme moderne. Paradigmes : Ensemble des différentes formes que peut prendre un mot, comme les déclinaisons ou la conjugaison d'un verbe. Postulat : Principe qui doit être admis comme vrai sans démonstration.


Comment définir l’art contemporain ? Dans le paradigme contemporain, seul le récit permet de rendre compte de « l’effet de surprise, d’interrogation, de trouble perceptif » (p.158) qu’engendrent les readymades, monochromes, performances, installations, photos et vidéos ; le discours sur l’œuvre représente ainsi un premier acte de valorisation, un premier pas vers « l’intégration d’une proposition artistique au monde de l’art contemporain » (p. 186), même si la prolifération de ces textes conduisent à une intellectualisation de l’oeuvre, à un « acharnement herméneutique » (p. 185) qui néglige l’approche sensorielle et émotive. « La présence de l’artiste » (chapitre 9) en aval de la fabrication de l’oeuvre est un autre élément de cette nouvelle mise en valeur. Rencontrer l’artiste devient parfois indispensable tant à la compréhension qu’à la valorisation de l’œuvre. À travers ce portrait du monde de l’art contemporain Nathalie Heinich apporte sans conteste des clés essentielles à la compréhension du jeu transgressif et endogame de l’art contemporain. Quant à la figure du collectionneur, ce dernier se trouve face à une confusion diffuse entre valeurs marchande et artistique ; dans un monde de l’art de plus en plus spéculatif, l’acte de collectionner est devenu une activité compliquée où il s’agit avant tout d’être considéré comme « un bon collectionneur », c’est-à-dire de faire montre d’une démarche personnelle (et non d’une approche spéculative). Herméneutique : Science qui a pour objet l'interprétation de textes philosophiques ou bibliques. Endogame : Qui épouse une personne d'un même groupe (social, religieux...). * Publié dans laviedesidees.fr, le 11 février 2015


L’artiste et le marché de l’art L’artiste a aussi subi une mutation et son rôle dans la société a changé. L’artiste ne se considère plus comme génial, «inspiré des dieux » ou « poète maudit », mais davantage comme un chercheur, un penseur. Indépendant des mécènes et des commandes, il prend en charge sa carrière et doit être un fin administrateur. Il travaille conjointement avec la galerie qui diffuse son oeuvre. (Damien Hirst) Le lien entre le collectionneur et l’artiste se transforme. Le collectionneur n’est plus seulement mécène au sens classique, il est aussi un intervenant majeur dans la reconnaissance de l’artiste et dans la diffusion de son oeuvre. Le marché de l’art occupe une place déterminante dans le monde de l’art depuis les années ’80. Un écart se creuse entre celui du marché et celui de la théorie de l’art, la valeur marchande ayant préséance sur la valeur esthétique.

Parlons art contemporain 2010 / projet AGAVF


Artprice : rapport sur le Marché de l’Art Contemporain 2016 De façon générale, le Marché de l’Art Contemporain conserve heureusement sa rentabilité sur le moyen et le long termes. En dépit de plusieurs ajustements, l’indice des prix démontre que ce secteur maintient toute sa vitalité acquise au début des années 2000. Les 1 370 % de croissance en 16 ans se passent de tout commentaire.

- Places de marché et enjeux géo-économiques :

Bien que New York et Londres concentrent l’essentiel des recettes d’Art Contemporain, des marchés locaux se consolident en Europe comme en Asie. Une vaste opération stratégique rapproche des grandes Maisons de Ventes (comme par exemple Sotheby’s et China Guardian…) à l’échelle planétaire.

- Réorganisation du Marché :

Les Maisons de Ventes délaissent temporairement la course aux records pour se recentrer sur les œuvres abordables, assurant ainsi la stabilité des prix, le dynamisme des échanges et la liquidité de l’Art Contemporain. Celui-ci prouve cette année sa robustesse et sa maturité. Les performances des artistes contemporains aux enchères offrent le panorama le plus significatif du Marché. Ce classement reflète toute la diversité des échanges, permet de suivre la compétition entre les stars du Marché et fait apparaître les dernières préférences des collectionneurs. Une présence active des artistes chinois dans le Top 500 démontre que le Marché de l’Art en Chine verrouille chaque segment. Ce dernier étant à nouveau numéro 1 mondial, devant les USA, pour le Marché de l’Art global au premier semestre 2016. L’Art Contemporain (12 % du marché global contre seulement 2,8 % en 2000) nécessite d’être appréhendé différemment de l’Art Impressionniste ou Moderne. La cote et les indices d’un artiste contemporain sont en effet constamment soumis à l’influence de nombreux événements qui la rendent d’autant plus sensible. Artprice.com, rapport sur le Marché de l’Art Contemporain


Analyse du Marché de l’Art 2008-2015 Après avoir cédé leur première place à la puissance chinoise pendant cinq ans, les États-Unis reprennent leur position dominante sur le Marché de l’Art grâce à des adjudications new-yorkaises explosives. De l’autre côté du Pacifique, le réajustement du marché chinois se stabilise positivement au second semestre 2015. Malgré un contexte économique particulièrement négatif, le Marché de l’Art occidental se porte remarquablement bien, enregistrant un produit de ventes 2015 équivalent à celui de 2014 (11,2 Mrd$). Cette santé de fer est portée par la constitution de nouvelles collections muséales à travers le monde, notamment aux États-Unis, en Europe, au MoyenOrient et dans la Grande Asie. Artprice.com


Analyse du Marché de l’Art 2008-2015 L’art du XIXème siècle (artistes nés entre 1760 et 1860) et l’art ancien ont en commun d’appartenir à une élite cultivée et raffinée qui ne se déleste pas facilement de ses oeuvres. Lorsqu’une pièce emblématique passe aux enchères, le monde entier s’y intéresse, notamment les grands acheteurs asiatiques. La demande est mondiale pour Vincent Van Gogh, Claude Monet, Paul Gauguin,Edouard Manet, Edgar Degas, Paul Cézanne, Gustave Courbet, John Constable et Georges Seurat, seules signatures de qualité muséale du XIXème siècle à passer les 10 m$ en 2015. La meilleure enchère de l’année revient à L’allée des Alyscamps (1888) de Van Gogh, acquise 66,33 m$ par un collectionneur asiatique (Sotheby’s New York, le 5 mai 2015), bien qu’elle n’ait coûté “que” 11,7 m$ en 2003 (Christie’s). Cinq enchérisseurs ont fait grimper son prix de 460 % par rapport à la cote affichée il y a 12 ans. Artprice.com


Répartition géographique du marché Alors qu’une soixantaine de pays pratiquent des ventes aux enchères, le triumvirat États- Unis - Chine - RoyaumeUni constitue à lui seul 87,5 % du Marché de l’Art en termes de recettes. Les trois puissances génèrent en effet 14 Mrd$ des 16 Mrd$ du résultat global. Les performances annuelles donnent les États-Unis grand gagnant avec 38 % de recettes mondiales pour seulement 12 % des lots vendus. Les acheteurs chinois participent à la progression du marché américain (+9 % en 2015), mais les recettes annuelles chinoises perdent 27 % (presque 2 Mrd$) comme annoncé dans les chiffres du premier semestre 2015 par Artprice et AMMA. La deuxième moitié de l’année 2015 connaît en effet une légère amélioration. La Chine représente 30 % du marché mondial et le ralentissement ne nuit pas à l’attractivité de Hong Kong auprès des maisons de ventes occidentales.

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L’art contemporain gagne 1 200 % de volume en 15 ans Si le secteur contemporain perd de la vitesse comparé aux résultats records de 2014, il n’en gagne pas moins 1 Mrd$ en 10 ans. Plus de 45 600 oeuvres contemporaines se sont vendues cette année en Occident, quatre fois plus qu’en 2005, pour des recettes annuelles de 1,2 Mrd$ (contre 93 m$ en 2000). Or, près de la moitié de ces recettes repose sur la cote exceptionnelle de 10 artistes seulement, tous classés au Top 100 par produits de ventes annuels. Les élus du marché sont majoritairement européens et américains. Ils se nomment Jean-Michel Basquiat (132,3 m$ annuel), Christopher Wool (113,9 m$), Jeff Koons (56,7 m$), Peter Doig (47,6 m$), Martin Kippenberger (40 m$), Rudolf Stingel (30 m$), Richard Prince (29,2 m$), Yoshitomo Nara (29 m$), Damien Hirst (24,6 m$) et, seul artiste chinois, Zeng Fanzhi (23,4 m$). L’explosion du prix de leurs oeuvres est organisée par les grands prescripteurs du marché : Mark Grotjahn fait partie de l’écurie Gagosian et Chris Ofili est soutenu par Charles Saatchi Autres valeurs spéculatives : Rudolf Stingel (né en 1956) a signé quatre nouveaux records d’enchères en 2015 (pour des oeuvres vendues entre 2,9 m$ et 4,7 m$ à Londres et New York) et Jonas Wood (né en 1977), protégé de Larry Gagosian, a battu son propre record à 21 reprises en 2015, pour atteindre un sommet équivalent à 840 000 $, le 16 octobre 2015 chez Christie’s Londres (Untitled (M.V. Landscape)).


Répartition géographique du marché Le Marché de l’Art ne peut cependant pas être réduit aux trois centres névralgiques États-Unis - Chine Royaume-Uni, car 41 % des oeuvres d’art vendues aux enchères dans le monde s’échangent ailleurs. En premier lieu en France (13 % des lots), en Allemagne (9 %) et en Italie (5 %) ; mais aussi en Belgique et au Japon (3 % chacun), en Suisse, en Australie ou au Canada (2 %). Rappelons encore la bonne densité de lots vendus dans des pays tels que l’Autriche, les PaysBas, la Suède, la République Tchèque, l’Espagne, la Pologne, l’Afrique du Sud et l’Irlande, qui ont chacun vendu 5 000 à 6 000 oeuvres en moyenne courant 2015. Le coeur de ces marchés est abordable et les résultats spectaculaires à six ou sept chiffres très rares.

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Bipolarité : Chine & États-Unis L’art contemporain est un pilier du marché chinois comme du marché américain. Depuis son émergence spectaculaire aux enchères, la Chine s’impose comme un redoutable compétiteur face aux États-Unis dans une course aux prix toujours plus hauts, en privilégiant les artistes chinois et en opérant, depuis 2006, des rattrapages de cotes impressionnants face aux artistes occidentaux essentiellement vendus entre Londres et New York.

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Netographie Artprice.com

laviedesidees.fr, le 11 fĂŠvrier 2015

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