Droits & Libertés Editorial
l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe qui a dénoncé dans ce projet le rétablissement du pouvoir d’ingérence politique dans le fonctionnement de la justice et le risque d’une justice à deux vitesses.
La France d’après ? Non, la France d’antan ! La France d’après, annoncée par Nicolas SARKOZY, qu’est-ce finalement, sinon le retour, avec les oripeaux du XXIème siècle, de la France d’antan ? Dès que l’on se penche, en effet, sur la question des droits et libertés, l’on est aussitôt amené à égrener une longue liste des atteintes, reculs ou stagnations qui nous heurtent et nous révoltent, nous, socialistes, hommes et femmes de gauche. Bien sûr, il existe une forte et légitime demande de sécurité de nos concitoyens mais la progression des atteintes aux personnes (+4,8% sur les douze derniers mois) est la preuve éclatante s’il en est besoin que les réponses ne peuvent se limiter au registre sécuritaire et au champ répressif. Pour l’actuel gouvernement, l’inflation de textes, les coups de menton et les effets d’annonce après chaque fait divers tiennent lieu de politique là où lutte contre les inégalités sociales et territoriales, renforcement des services publics et de la prévention, allocation de moyens à la justice et aux services pénitentiaires, reconquête des zones de non-droit et police de proximité sont dramatiquement absents. Et que dire de l’affaiblissement des contrepouvoirs avec, pour ne citer que trois exemples, la réforme de l’audiovisuel et la collusion entre médias, groupes dépendant de la commande publique et proches du pouvoir, les graves régressions en matière d’autonomie des collectivités locales – le Grand Paris en étant une illustration caricaturale -, la suppression programmée du juge d’instruction ? Peu flatteur pour notre pays, cette dernière réforme a été fustigée récemment par
Ces sujets, d’apparence technique, sont essentiels et l’objet de la présente lettre est d’apporter régulièrement des informations ainsi qu’un éclairage pédagogique et engagé afin que chacun et chacune s’en saisissent ensuite pour prendre part au débat citoyen et au combat pour la défense de nos valeurs.
Christine FREY Secrétaire fédérale aux droits et libertés
Le Pacs ? Connais pas ! L’on a fêté le 13 octobre dernier les dix ans du vote du Pacs par les députés, Pacs porté en son temps sur les « fonts baptismaux » par Patrick BLOCHE qui fut, avec Jean-Pierre MICHEL, le rapporteur de cette réforme emblématique. Le Pacs, contrat qui permet à tous les couples d’organiser certains aspects de leur vie commune, connaît un grand succès grâce à sa simplicité et à sa modernité : plus de 146 000 Pacs ont été conclus en 2008 (pour 273 500 mariages) par des couples de sexe différent ou de même sexe. On en a dénombré 7 428 à Paris. Et pourtant ! Malgré la « consécration » que représente ce succès croissant d’année en année (22 276 Pacs « seulement » en 2000) et alors que, depuis son existence, les arrondissements de gauche à Paris proposent aux pacsés qui le souhaitent une cérémonie en mairie, les élus de droite du XVème (arrondissement où 564 Pacs ont été conclus en 2008) viennent de réaffirmer leur totale opposition à toute célébration dans leur mairie. Encore un exemple de « la France d’antan » ?
Fédération de Paris du PS - Lettre de la Commission fédérale Droits et Libertés
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Le rapport Sarkozy-Leger Certains princes de la Renaissance ont connu, découvrant une toile qu’ils avaient commandée à tel maître, la surprise (parfois divine si le génie était passé par là) de ne rien reconnaître de leur commande. C’est une émotion que Nicolas Sarkozy n’a sans doute pas connue en découvrant le rapport qu’il avait commandé sur la justice pénale. Pourtant, les membres de ce comité ne manquaient pas d’indéniables et multiples qualités. Mais celles-ci, au lieu de servir d’inspiration, servirent de caution : le Prince a voulu, il a fait appel à des spécialistes pour crédibiliser cette volonté, les spécialistes se sont exécutés. Si, comme ces princes de la Renaissance commandant une toile pour agrémenter leur intérieur, l’objet de ce rapport se limitait aux petites affaires de Nicolas Sarkozy, la méthode se comprendrait. Mais il s’agit là des grandes affaires de la France. Il s’agit là d’une institution qui, pour avoir failli quelques fois, a aussi apporté son lot de bienfaits à la démocratie française, si bien que la question de son avenir méritait mieux qu’une commande exécutée à la va-vite par un cénacle étroit. Méprisante. On ne peut mieux qualifier l’attitude d’un chef d’Etat qui consiste à saisir un groupe d’experts d’une question qu’une loi récente, non encore en vigueur, votée par sa famille politique, a déjà pour but de régler. Il est toujours paradoxal de constater que le mépris des lois vient souvent de ceux qui dépensent la plus belle énergie à afficher une « tolérance zéro » à l’égard de ceux qui les violent. La loi du 5 mars 2007 a proposé en effet, après de longs mois de travaux et de débats dans le cadre d’une commission d’enquête parlementaire, d’instituer la collégialité de l’instruction, afin d’éviter les erreurs pouvant être commises par des juges d’instruction seuls à seuls avec leur dossier.
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Cette loi n’a pas encore été appliquée puisque son entrée en vigueur est fixée au 1er janvier 2010. Elle est certes loin de révolutionner la justice pénale. Mais le fait est : une solution aux problèmes soulevés par le juge d’instruction était proposée et ne sera peut-être jamais appliquée car, en face du Parlement ayant voté une loi, il y a un homme ayant dicté un rapport. Et quel rapport ! Il parvient à faire disparaître les avantages du juge d’instruction tout en perpétuant ses défauts. S’agissant des avantages, le juge d’instruction offre cette garantie précieuse aux justiciables d’une enquête menée en toute indépendance. Dans des procédures d’importance, ce juge a prouvé sa grande utilité sociale, menant des enquêtes qui, s’il avait fallu attendre l’initiative du Ministère Public, dépendant du Garde des Sceaux, n’auraient jamais vu le jour ou ne seraient jamais allées jusqu’à leur terme. Or, les membres du comité suppriment le juge d’instruction et répartissent ses attributions entre le Parquet, qui disposerait ainsi du monopole des enquêtes pénales, et un juge de l’enquête et des libertés, titulaire d’un illusoire pouvoir d’injonction en cas d’inertie du Parquet dans les affaires dites « sensibles ». Pourtant, s’il y a une vérité partagée par tous les praticiens de la procédure pénale, c’est bien celle-ci : lorsque le Ministère Public ne veut pas poursuivre, il ne poursuit pas et le seul moyen alors de faire aboutir les investigations est de se substituer à lui. C’est grâce à l’intervention d’un juge d’instruction aux lieu et place du Parquet que certaines affaires ont pu être examinées par la justice. Et il ne s’agit pas seulement des affaires politico-financières auxquelles tous pensent en premier, mais aussi des affaires plus modestes dans lesquelles une
sur la justice pénale personne est, par exemple, victime de violences commises par un fonctionnaire de police. Si nous voulons à l’avenir que la justice continue à traiter ce type de dossier, il n’y a qu’une seule solution : doter de pouvoirs d’enquête une autorité indépendante du pouvoir exécutif. Cette autorité était le juge d’instruction. Si demain il n’est plus, cela devra être : - Soit le Ministère Public, organe de poursuite composé d’agents organisés selon la même hiérarchie interne qu’aujourd’hui, mais responsables devant le seul Conseil Supérieur de la Magistrature, ce qui permettrait d’assurer à la fois l’unité de la politique pénale et l’indépendance de ceux qui la portent ; - Soit un service public de la défense des mis en cause et des victimes, composé d’avocats spécialistes se dédiant à temps plein à cette charge, et disposant du pouvoir de saisir la police judiciaire d’enquêtes pénales au même titre que le Parquet, dès lors que dans cette hypothèse, ce dernier resterait dépendant du pouvoir exécutif. L’indépendance est à l’une de ces deux conditions. S’agissant des défauts, la loi a assigné au juge d’instruction le lourd devoir d’instruire « à charge et à décharge ». Le fait est qu’il n’y parvient pas toujours et que, trop souvent, les justiciables présentés devant lui ne le distinguent en rien d’un Procureur et sentent dans les questions du premier la même présomption de culpabilité que dans les questions du second.
C’est ce qui perd la fonction aux yeux du corps social, marqué notamment, et à juste titre, par la catastrophe judiciaire d’Outreau. Le juge d’instruction a su être indépendant. Il n’a pas toujours su être juste et protéger les personnes accusées à tort. Mais en quoi le comité Leger, en le supprimant, garantirait aux justiciables une plus grande protection face aux erreurs judiciaires ? Ce que le juge d’instruction n’a pas toujours su faire, le Ministère Public le saura encore moins. Inutile donc de préconiser, comme le comité, l’ajout dans la loi de l’obligation faite au Parquet d’agir « à charge et décharge ». Là n’est pas son rôle, là ne sont pas ses gènes. Laissons-le avec sa seule raison d’être, qui a sa noblesse comme la défense a la sienne : accuser au nom du peuple. C’est donc du côté des avocats des justiciables qu’il faut regarder. Le comité l’a fait et qu’a-t-il donné en guise de compensation à la suppression du juge d’instruction ?
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Un deuxième entretien de 30 minutes entre le gardé à vue et son avocat et le droit pour l’avocat d’assister aux interrogatoires du gardé à vue en cas de prolongation de la mesure, exceptions faites des infractions relevant de la criminalité organisée, du trafic de stupéfiants et du terrorisme. Ainsi face au bouleversement constitué par la disparition du juge d’instruction, le comité propose seulement deux nouveaux « droits » de la défense, un seul en vérité tant le premier (le droit à l’entretien de 30 minutes) d’une part existe déjà et d’autre part relève plus du soutien psychologique que d’un droit de la défense. Quitte à bouleverser la procédure pénale, le comité aurait pu avoir l’ambition et le courage d’unifier la matière par le haut, en appliquant à toutes les enquêtes menées par le Parquet les règles régissant l’instruction notamment l’accès au dossier et le droit à l’assistance d’un avocat pour tous les interrogatoires et auditions. En outre, aucune disposition n’est prévue pour s’assurer que chaque justiciable, quelle que soit sa condition, puisse défendre utilement sa cause. Les parties disposent aujourd’hui d’un « service public de la preuve » en la personne du juge d’instruction. Demain, la recherche des preuves sera privatisée et la qualité des défenses (qu’il s’agisse des mis en cause ou des victimes) variera donc en fonction de la fortune de chacun. Ce rapport conduit donc à une double inégalité : - Une inégalité entre l’accusation et la défense ; - Une inégalité au sein même de la défense, entre les uns (riches) et les autres (pauvres). Ses propositions sont des régressions travesties en avancées.
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Supprimer le juge d’instruction tout en maintenant accusation et défense telles qu’elles sont ne fera qu’ajouter de nouveaux vices aux vices actuels de la justice. Nul n’y gagnera. Ni les personnes mises en cause, ni les victimes. Ne parlons pas de l’idéal de justice qui n’a jamais paru si inatteignable qu’aujourd’hui à ceux qu’il anime quotidiennement, qu’ils soient du siège, du parquet ou du barreau.
Paul LE FEVRE Avocat - section 19ème Jean Jaurès
Alerte disparition ! Dans son avant-projet de loi sur le statut du beau parent, déposé en mars dernier par la ministre de la Famille, Nadine MORANO, les familles homoparentales, explicitement citées dans l’exposé des motifs, faisaient l’objet d’un timide mais réel début de reconnaissance. Mais c’était sans compter avec les résistances de l’UMP et des forces conservatrices de tout poil : le député Jean LEONETTI vient d’y remédier. Nommé le 9 avril dernier à la tête d’une mission sur « la modernisation de la législation sur l’autorité parentale et le droit des tiers » par le Premier ministre, il vient de rendre son rapport. Sans surprise, il y préconise l’abandon de tout ce qui peut faire référence aux familles homoparentales et ne propose bien sûr rien qui puisse permettre de sécuriser les relations de l’enfant avec l’autre parent de même sexe. On est loin du discours d’un Barack OBAMA qui, célébrant le « Jour de la famille » aux Etats-Unis, a déclaré : « Que les enfants soient élevés par deux parents, un parent seul, des grands-parents, un couple de même sexe ou un tuteur, les familles nous encouragent à faire de notre mieux et nous permettent d’accomplir de grandes choses. »
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