L'introuvable définition de l'ingénierie idéale. Revue Urbanisme - Mars 2013 - 33e Colloque FNAU

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Perspectives

Perspectives

TA B LE RO N D E

“l'introduction de partenaires privés ne fasse perdre l'identité et la notion d'ingénierie publique au sein de l'agence”. C’est pourquoi elle souhaite plutôt que la constitution d'un réseau d'ingénierie publique puisse aider à la décision, apporter des éclairages et impulser des études de faisabilité. “Les ingénieries publique et territoriale doivent avoir des rôles clairement définis, et intervenir davantage en complémentarité”, a-t-elle estimé. Au lieu de favoriser une ingénierie privée qui, selon elle, “déploie des modèles standardisés éloignés de la réalité du terrain”, mieux vaudrait donc améliorer le fonctionnement des différents niveaux d'ingénierie publique.

L’INTROUVABLE DÉFINITION DE L’INGÉNIERIE IDÉALE Les agences d’urbanisme n'ont pas le monopole de l'ingénierie territoriale. Comment les questions de concurrence et de solidarité des territoires se posentelles à l'échelle des agglomérations, des départements, voire des régions ? Et quelles sont les sources de progrès possibles ? Synthèse des débats de la seconde table ronde conclusive par Pascale Decressac L'objet même des agences d'urbanisme est pratiquement sans frontière(s). La question métropolitaine et territoriale ne se laisse d’ailleurs pas enfermer dans des périmètres, et la coexistence constatée au sein des agences entre la mise au point de procédures de planification et les logiques de projet et d'innovation, de plus en plus prégnantes semble-t-il, en attestent.

Entre concurrences et solidarités En évoquant la création et le fonctionnement de l’Agence d'urbanisme Atlantique Pyrénées (Audap), née en 2002 et dont le champ d’action correspond à deux communautés d'agglomération (et bientôt une troisième), ainsi qu’à des territoires “intermédiaires” et ruraux, MariePierre Cabanne, vice-présidente du Conseil général des Pyrénées atlantiques, conseillère régionale Aquitaine et vice-présidente de l’Audap, a estimé que “c'est au niveau politique d’assurer à la fois la vision et la capacité à mettre en œuvre”. La mission de l’agence d’urbanisme est alors, en bonne logique, de mener la réflexion prospective sur le devenir du territoire, tout en recherchant les moyens de mise en œuvre de ses projets. De son côté, l’agence de développement et d’urbanisme du grand Amiénois (Aduga), créée en 2005, associe quelque 381 communes, en grande majorité rurales, autour de la capitale régionale, Amiens. Pour son maire

Mireille Ferri

Gilles Demailly

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Marie-Pierre Cabane

Gilles Demailly, président du Pays du grand Amiénois, l’agence doit miser sur la solidarité entre territoires urbains et ruraux. Elle a donc vocation à permettre de “construire ensemble un SCoT avant tout pragmatique” plaçant au cœur des réflexions les questions d’habitat, de déplacement, de “bien grandir” et de “bien vieillir”.

Question de dosage

Dans l'“hyper-territoire” francilien, “il est indispensable, pour créer la solidarité, de dépasser des découpages administratifs”, a remarqué Mireille Ferri, conseillère régionale d'Île-de-France, vice-présidente de l’Institut d’aménagement et d’urbanisme de la région d’Île-deFrance (IAU) et de la FNAU. Si la cartographie et les grands schémas ne peuvent, à cette échelle, constituer un outil assez fin, les agences doivent “aller au plus près des territoires et intervenir en soutien pour fabriquer du projet”, non pas en compétition mais en coopération avec d'autres agences en Île-de-France et en dehors.

Penser “plus large” que le territoire de référence Dépasser les frontières administratives pour adopter une logique de projet est donc le maître-mot. Gilles Demailly a ainsi estimé que l'Aduga devrait participer aux réflexions sur le Grand Paris, mais aussi à l'élaboration du SCoT du pays d’Abbeville, compensant ainsi l’absence d’agence d’urbanisme sur ce territoire. “L'agence permet aux collectivités territoriales de penser bien au-delà du territoire administratif”, a assuré pour sa part MariePierre Cabanne. Elle permet ainsi de mener une réflexion politique “transversale”. De fait, a renchéri Mireille Ferri, “les agences nous permettent de ne pas être enfermés dans des réflexions territoriales purement institutionnelles ou administratives”. Mais sans doute faut-il pouvoir imaginer, quand c’est opportun, de nouvelles formes de contractualisation et une réflexion décloison-

née autour de projets structurants, comme c'est le cas sur l'Axe Seine où six agences d’urbanisme coopèrent avec la Région Île-de-France pour “trouver une cohérence de projet”, a indiqué l’élue francilienne. Travailler davantage selon une logique de projet que de contrat et rechercher en toute circonstance la défense de l'intérêt public en associant davantage les membres fondateurs (les collectivités) et les partenaires (par exemple l'université), tel est le fonctionnement souhaité par Gilles Demailly. Toutefois, Marie-Pierre Cabanne craint que

“Nous réfléchissons au sein de l’IAU à la mise en place d'un comité des partenaires permettant d'élargir la gouvernance et la coopération et d'introduire de nouvelles thématiques”, a souligné de son côté Mireille Ferri. Doutant que la puissance publique ait les moyens de porter seule tous les chantiers, elle a jugé au contraire indispensable de mobiliser l'ensemble des forces sociales, incluant les acteurs privés, non seulement pour la mise en œuvre, mais aussi dès l'étape de réflexion. Deux manières de voir la même question, donc. Pour Gilles Demailly, les agences doivent simultanément réfléchir sur le long terme tout en s'adaptant, quand c’est nécessaire, au “temps court” de l'action. La combinaison des échelles serait de ce point de vue source d'inventivité et d'innovation. “La recherche menée dans (ou avec) les agences d'urbanisme est essentielle pour décrypter les évolutions”, a souligné Mireille Ferri. Néanmoins cette mission plus abstraite doit s'accompagner d'un travail de terrain concret. “Tout est une question de dosage et d'adaptation au territoire”, lui a répondu Marie-Pierre Cabanne, positionnant in fine l'agence comme “un outil d'aménagement au service d'une logique de développement”, c’est-à-dire une structure capable de “servir le projet de développement” mais n’excluant pas de cette démarche la société civile et les citoyens, experts incontournables du quotidien… Pa. D.

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