Symptômes ou SMPTMS - Le
30 octobre 2010, Vitry-sur-Seine.
Au travers de ce texte, j'expose le rôle de la partition dans la performance « Symptômes ». Je présente tout d'abord brièvement le contexte, puis le dispositif technique qui a permis la naissance de ce qui est advenu. Je propose ensuite une interprétation de ce qui s'est passé, basée sur ce que j'ai vécu en préparant et en interprétant le dispositif, de telle sorte à pouvoir restituer au plus près la partition dans l'ensemble de la pièce. Quelques précisions làdessus seront ensuite apportées par l'extrait du texte de présentation tel que je l'ai écrit en 2010. Enfin, en explorant l'origine étymologique des termes symptômes et partition, je situe le plus précisément possible le sens et le rôle de la partition dans ce travail.
Pascale Gustin, 120 avenue de Clichy, 75017 Paris – 06 67 40 31 77
Symptômes ou SMPTMS - Le
30 octobre 2010, Vitry-sur-Seine.
1. Présentation. Symptômes est une performance sonore et visuelle qui a été présentée le 30 octobre 2010 à l'occasion du PHSF, Festival organisé par le collectif du tmp/lab de Vitry-sur-Seine. Une partition écrite à l'intention du public présent, a été distribué lors de la dernière partie de la performance.
2. Dispositif technique. Le dispositif technique était constitué de deux ordinateurs portables connectés l'un à l'autre (Ethernet), une caméra PS3, une bobine de transfo de récupération, un projecteur vidéo, un système son en sortie. Je disposais également de plusieurs documents administratifs personnels, de dictaphones numériques et analogiques, de plusieurs types de microphones différents. La manipulation raisons : •
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de ce dispositif n'était pas aisé pour moi pour plusieurs
Je devais tout à la fois manipuler des outils visuels (une petite caméra, des feuilles de papiers découpées) et des outils sonores (la bobine de transfo, le dictaphone, éventuellement les micros). Je devais également intervenir sur les deux ordinateurs que j'utilisais tour à tour (un spécifiquement dédié à l'image, l'autre spécifiquement dédié au son). Enfin, il était nécessaire de répartir dans le temps les différentes phases de la performance.
3. Ce qui s'est passé. Il s'agissait pour moi de jouer sur l'opposition, entre textes projetés et textes sur papier, pour une part. Ensuite, j'étais tentée par l'expérience d'un dialogue sonore entre deux ordinateurs, dialogue pratiqué au moyen de la bobine de transfo. Pour être plus précise, à l'aide de la bobine, j'amplifiais les ondes électromagnétiques de l'un et de l'autre ordinateur, tour à tour. Cela produisait deux timbres sonores différents, tels deux voix qui se répondent. En passant au dessus des champs électromagnétiques très rapidement, les sons produits rappelaient l'acoustique de la parole humaine. Cette idée m'est venue en écoutant les expériences dites « Electronic voice phenomenon »1. D'un dictaphone numérique émergeaient les sons vocaux d'une conférence enregistrée et étaient filtrés au travers de la capture du champ électromagnétique (brouillage de la voix, filtrage des sons des mots ). 1
« Le Phénomène de voix électronique (EVP en anglais) désigne la présence sur un enregistrement audio d'un message linguistique (en majorité un seul mot ou une phrase très courte) de provenance inconnue, inséré à l'intérieur du contenu principal. » → http://fr.wikipedia.org/wiki/Phénomène_de_voix_électronique
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Tout ceci participe à mon avis à une forme d'opacité ou d'accumulation des codes perceptuels et des genres (visuel, sonore, écriture, sons des mots de diverses origines et natures etc.) qui invite à multiplier les lectures/écoutes. De l'opacité des genres (le mot genre étant pris dans tous les sens du terme), Symptômes ou SMPTMS est celui du bruit diffus de l'être humain aux prises avec le Réel, (prise ou méprise du Réel : les textes/mots projetés à l'écran, documents administratifs de chômage, droits, aides etc. sont souligner/amplifier par le dispositif de projection.)
4. Extrait du texte de présentation (2010). « Les ondes électromagnétiques (sonores) de l'ordinateur sont mises en relation avec des éléments visuels (projection vidéo de lettres/mots imprimés) et voix enregistrées sur dictaphone numérique. Le capteur (une bobine) saisit les signaux sonores; ils sont réinjectés et étirés dans la durée par un programme informatique. C'est une approche du temporel autant visuel que sonore. Des fragments de mots, visibles à l'écran deviennent des espaces concrets qui s'accrochent à l'écran puis se dissolvent par l'utilisation de la technique connue sous le nom de "motion blur". Symptômes explore les espaces de similitudes ou de dissension entre texte et image (hyper-graphie numérique, couches et recouvrements), le son des mots, le signal et le bruit, les possibilités et impossibilités du geste et de l'action. En un sens, et à l'aide de différents types de traitements algorithmiques, Symptômes cherche à déceler les potentialités expressives ou excessives de ces espaces à la limite. [...] Un texte, sous forme de partition est distribué un peu avant la fin de la performance. Ce texte est le suivant : SYMPTÔMES - Pascale Gustin - Le 30 octobre 2010 - PHSF - tmp/lab PARTITION (Final) Temps 1 : Attendre l'extinction complète du volume sonore. Temps 2 : Compter mentalement, en commençant à 0, jusqu'à un chiffre arbitrairement choisi compris entre 5 et 10. (0, 1, 2, 3, 4, 5, ... ) Temps 3 : Arrivé à ce chiffre, chiffonner la feuille de papier (A4). IMPORTANT : La durée, la rapidité avec laquelle vous compterez ainsi que la force, la vitesse à laquelle vous froisserez la feuille de papier dépendra entièrement de votre choix. Ce texte/partition restitue la lecture à l'intérieur de l'espace personnel de chacun-e. Le bruit du papier froissé est concret, aléatoire en fonction du nombre de personnes ainsi que dans sa répartition temporelle, puisque chacune choisit arbitrairement le moment de son geste. De cette manière, ce travail provoque une continuité entre le traitement
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numérique de l'image, du son, du/des langage-s et le texte, le geste et l'espace réel, concret.»
5. Étymologie. Symptôme : du grec συμπίπτω, « rencontrer ». Le mot σύμπτωμα, en grec, signifie « accident », « coïncidence » ; il est constitué du préfixe σύν, « avec » et de πίπτω, « arriver », « survenir ». Le symptôme est donc, à l'origine, « ce qui survient ensemble », ce qui « concourt » ou « co-incide », au sens littéral du terme. → http://fr.wikipedia.org/wiki/Symptôme Partition est à prendre dans un sens un peu étendu, c'est à dire, d'une part dans son sens étymologique, du latin partitio qui signifie : «Partage, division, répartition», d'autre part, dans un sens plus caché, diffus, originel (1175) particion «participation» → http://www.cnrtl.fr/etymologie/partition Ainsi, les termes de Symptômes et de partitions s'entre-croisent dans la diversité de leurs sens, sans se superposer pour autant (se confondre). Ce qui survient ensemble, concourt, co-incide du fait d'une participation des divers éléments en présence.
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6. Processus minutieux. La partition écrite arrive à un moment particulier de la pièce - à la fin, tandis qu'un son long et continu se fait entendre ; il faut lire cette partition puis l'exécuter ou pas. Personne n'y est obligé. La partition finale est-elle là pour résoudre les difficultés à faire cohabiter le contrôle et le hasard ? Comment et pourquoi cette partition m'est-elle venue à l'esprit ? Est-ce pour résoudre une dissension face à la réunion des processus minutieux du programme et l'abandon total du geste banal, quotidien, manipulateur d'objets techniques ? Est-ce pour résoudre une confusion, une forme d'inconfort avec la pièce, pour faire s'évaporer quelque chose, une dissonance, faire fusionner quelque chose... l'écrit et l'abandon ? Est-ce de l'extérieur et par le déroulement, la suite, la succession des opérations ou des événements, les dérapages du hasard qu'arrive la netteté ? « Dans l'improvisation, l'effet de distanciation est double, étant donnée que la situation de l'interprète est elle-même troublée. Puisque l'interprète et le public se retrouvent dans une situation qu'ils n'ont pas pu anticiper, la séparation entre eux n'est plus si évidente. » → http://www.cacbretigny.com/praxis_nonconstituee.pdf
Ces choix de travail sont issus de mes préoccupations concernant nos relations aux technologies actuelles : procédures minutieuses de la programmation, de la gestion des signaux électriques, l'absence de lien direct entre le geste couplé à la technologie et ses effets sur les phénomènes perçus (ou non perçus) sont mis en relation avec un geste abandonné proche de celui de la vie quotidienne. Ce qui m'intéresse n'est pas le contrôle absolu, la monstration d'aptitudes techniques ou d'un savoir faire, la démonstration de ce contrôle comme une forme d'habileté, mais plutôt de faire entrer la performance au sein de l'ensemble des pièces techniques (la performance en devient une des composantes). Le terme de performance étant questionné ici aussi de cette manière : comment l'être humain (peut) se doit d'être le manager performant de sa vie ? Quelles sont les conditions de la performance sociale ? Note : je ne possède pas de traces vidéo et/ou d'enregistrements sonores de cette performance, si ce n'est deux photographies, le programme informatique qui m'a servi à la jouer, ainsi que le texte/partition final.
Paris, le 13 novembre 2012
Pascale Gustin, 120 avenue de Clichy, 75017 Paris – 06 67 40 31 77