Le Labyrinthe des Fées

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Le Labyrinthe des FĂŠes

Patricia Valentini


Tous droits de traduction, d'adaptation ou de reproduction réservés pour tous les pays.


PatriciaValentini

Le Labyrinthe des Fées

Merci aux Esprits de la Nature et à l'écriture, rien n'est impossible pour ceux qu'y croient.

Que la Beauté soit le Chemin.



« Allez les filles, journée copines bien méritée après un été chargé ! » Luna monta sur le vélo et se lança sur le sentier. Luna, Sophie et Surya, trois amies d’enfance amoureuses de la nature, étaient parties passer une journée à la plage. Une journée de repos pour se promener dans la forêt, marcher pieds nus sur le sable tiède. C'était un de ces derniers beaux jours d’été indien que la fin septembre leur offrait. Mais l’Univers — ou le destin, à vous de voir comment l’appeler — avait d’autres plans pour elles. Elles profitèrent de la matinée tranquillement entre jeux de plage, lecture et partage de rêves. À midi elles savourèrent le pique-nique sucré-salé, mélange de chocolat noir, biscuits à la cannelle et fromage de chèvre saupoudré des nouvelles de leurs vies actuelles et leurs projets à venir. Quelques mois sans se rencontrer et toute une journée pour se mettre à jour. Le pique-nique fini, Surya, allongée sur le tapis qu'elle avait tissé l'hiver dernier, se laissait bercer par les vagues pour entrer dans le territoire d’une sieste ensoleillée. Sophie décida d’avancer son travail de lecture et correction de sa thèse sur l’importance de l’art dans le monde de la surdité. Luna, pour sa part, avait choisi cet endroit pour passer du temps avec ses amies et aussi parce qu’elle savait qu’il y avait une forêt tout près de la plage. Elle avait besoin de sentir le parfum de la terre humide du sous-bois, les fougères, l’odeur fraîche et boisée de sapins et les petits sentiers qui commençaient à se couvrir de feuilles jaune d'or et orange.


Elle voulait aussi disposer de temps pour se retrouver seule, un appel de la Nature après quelques mois de vie au cœur du village où elle habitait et travaillait, dans son atelier-maison, comme elle l'appelait. Luna se mit en marche vers la forêt, sac au dos contenant bouteille d’eau, carnet-journal et quelques crayons (on ne sait jamais quand on aura besoin d’écrire ou de peindre). Écrire et peindre, c'est laisser une trace de mon passage sur Terre, ouvrir des portes intérieures pour moimême et pour ceux qui liront mes écrits ou regarderont mes tableaux. J'aime écrire des poèmes, des lettres, envoyer des cartes postales ; oui, écrire c'est important, c'est vital pour moi. Le sentier entre les sapins et les cèdres se transforma en un chemin bordé de cyprès aboutissant sur une énorme clairière apparue devant elle d’une manière inattendue avec deux énormes chênes plusieurs fois centenaires. Un rayon de soleil éclaira le chemin, Luna suivit la lumière. Elle l'avait lu des années auparavant dans La Prophétie des Andes : un rayon de lumière peut nous marquer le chemin à suivre. Luna marcha encore une dizaine de mètres, entourée de cyprès. Face aux deux chênes, elle trouva au pied des arbres une pierre taillée. Agenouillée à côté de celle-ci, elle en caressa la surface de sa main afin d'enlever les feuilles qui l'encombraient, découvrant l'inscription Depuis 1882.


Depuis 1882... et rien d’autre ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Elle resta vacillante pendant un moment face à la pierre ciselée. Au moment où elle leva les yeux, elle vit devant elle le Labyrinthe. Son intuition de visiter la forêt seule avait été claire, cette fois-ci elle l'avait écoutée. Les Esprits de la Nature, appelés aussi le petit peuple, lui parlaient depuis son enfance, les écouter était son secret. Luna se permettait d’écrire sur eux, de les dessiner, les faire apparaître pour les autres à travers ses écrits, ses contes et ses tableaux. Elle rêvait de les rencontrer un jour. Peut-être aujourd'hui serait-il ce jour ?



Changer de point de vue, de perspective ; regarder autrement pour voir avec les yeux du cœur. Rester ouvert à l’improbable pour que ça devienne réel. Réel, irréel... Où est la limite ? Voyager dans un autre espace-temps, celui des fées et des êtres subtils, celui du Labyrinthe du Bois, avec le parfum de terre et d’eau, les couleurs de papillons et les sons de la forêt. La lumière du ciel changea, un arc-en-ciel se dessina devant le Labyrinthe telle une porte de lumière, puis un deuxième arc-en-ciel forma une coupole et illumina la clairière. Une ronde d’étincelles autour des pierres formant le Labyrinthe souhaita la bienvenue à Luna. Elle pensa à ses tableaux, si semblables à ce paysage qu’elle avait maintenant devant ses yeux. J’ai le temps, les filles m’attendent sur la plage, je peux parcourir le Labyrinthe. Devant l’entrée du Labyrinthe, Luna enleva ses chaussures et marcha pieds nus sur la terre humide. Elle frémit de joie en sentant le parfum de la forêt qui lui rappela l’huile essentielle de vétiver qu’elle aimait tant, en s'imprégnant de cette lumière douce et joyeuse se promenant entre les feuilles des arbres.


Le chemin pour parcourir le Labyrinthe était assez large, environ un mètre ; une seule voie, aller et retour, impossible de se perdre. Entourée de pierres arrondies qui marquaient les bords du parcours en créant un muret d’une cinquantaine de centimètres de hauteur, Luna se laissa guider par l'envie d'approcher la lumière rouge transparente qui apparut devant elle. Peu à peu la lumière se transforma, un mini jardin de coquelicots se révéla sous ses yeux. Luna continua sa marche et découvrit sur le chemin quelques-uns de ses tableaux. Je ne comprends pas. Le doute l'envahit : cheminait-elle dans un rêve ou était-elle éveillée ? Je décris souvent mon travail comme de l'Art Onirique, je peins ou je rêve ? Puis, la réponse se présenta comme une évidence : Je rêve mon art et puis je peins. Les images apparaissent devant mes yeux comme des photos, images venues d'ailleurs, de nulle part, directes et subites comme des flashes. Souvent doutes et questions s'étaient manifestés à propos de son art :


Est-ce vraiment mon art ou suis-je seulement un canal pour exprimer des images, des idées et des possibilités créées par une source inconnue ? Souvent les artistes se disent être « les outils de Dieu, de l'Un, d'une source qui est au-delà de leurs pensées ».



Les coquelicots semblaient danser suivant la musique d’une brise légère sortie d'un endroit inconnu. Peut-être était-ce le souffle d’une fée ? Luna resta un moment debout face à cette danse et sa pensée devint réalité. La Fée Coquelicot se présenta avec sa jupe rouge vif : « Bonjour Luna. Bienvenue dans le Labyrinthe des Fées. - Bonjour, je vous appelle depuis si longtemps.» La surprise et le bonheur mêlés, Luna se lança dans une danse avec la fée en créant des tourbillons de pétales et de joie jusqu’à sentir qu’elle était prête à s’envoler. On aurait dit que ses pieds ne touchaient plus le sol. «Je danse, je vole, rouge vie, souffle des fleurs... Merci.» Pendant un instant, Luna se vit enveloppée des lumières rouges et aussitôt, le petit jardin de coquelicots se transforma en prairie parsemée de centaines de fleurs, surtout de coquelicots. Le Labyrinthe disparut, les arbres, le chemin, le paysage dans sa totalité changea comme par magie et un cercle rouge entoura Luna et la Fée Coquelicot. Elles s’assirent au milieu du cercle et la Fée coquelicot annonça : «Temps d’apprentissage. L’espace et le temps n'ont pas une réalité universelle, c'est différent pour chacun ; les images qui nous entourent, le regard qu'on porte sur chaque événement, sur les choses, les personnes, c’est chacun de nous qui les crée. Tu comprends ?


- Euh... Pas tout à fait. - C’est bon, c'est pour cela que tu es rentrée dans la forêt, que tu as vu le Labyrinthe et m'as rencontrée, pour apprendre et comprendre beaucoup de choses que tu sais déjà mais que tu as oubliées ou dont parfois tu doutes. Par exemple, maintenant nous sommes dans la prairie de coquelicots et quand tu voudras, tu seras de nouveau sur le chemin du Labyrinthe. À toi de créer ta réalité.» Discuter avec la fée donna à Luna un petit aperçu de ce que cette journée allait devenir. Elle remercia la fée et les coquelicots pour cette danse et ces réflexions. Elle prit une fraise qui apparut devant elle dans un des interstices des pierres du muret puis, guidée par l’intuition et les lumières qui changeaient de couleur au fur et à mesure qu’elle avançait, elle continua le chemin dans le Labyrinthe. Luna décida de jouer le jeu et de se laisser guider par son amour et sa reconnaissance envers les esprits de la nature et les êtres subtils. Sa confiance envers eux l’avait toujours sauvée dans les moments difficiles ou tristes de sa vie. Et si je chantais ? se dit-elle en murmurant ses mots. Une mélodie faite de notes, qui se réunirent juste pour le plaisir d’être ensemble, créa une harmonie que Luna ne connaissait pas. Son âme connaissait cette musique et les fées avaient sûrement fait appel à cette mémoire inconsciente pour l’accompagner dans le parcours.


Un parcours qui changerait la journée de Luna et ses amies, peut-être même leur vie.



Surya se réveilla lentement de sa sieste, s’étira, respira profondément l’air frais imprégné d’un soupçon de sel et regarda autour d'elle, apercevant Sophie, toujours en train de lire ses papiers. « Salut. Toujours occupée ? On avait dit : jour de repos. Tu sais ce que ça veut dire “repos” ? - Je sais, mais tu vois, pour moi lire c’est du repos. Comme créer, comme quand tu fais tes tapisseries. Tu comprends ? - Oui, bien sûr. Alors ça avance ? Cette thèse, c'est pour quand ? - Normalement, s’il n’y a pas de changement, ça devrait se faire dans deux semaines. - Luna n’est pas encore revenue de sa promenade dans le bois ? - Pas encore, tu sais comment elle est, toujours prête à partir et voyager, même si on avait dit “journée repos entre copines”. Et ton voyage à New York, ça se précise ? Tu pars avec la troupe ? - Je ne sais pas encore. Les jumeaux, c’est pas évident de les laisser. Jean-Baptiste doit trouver un remplaçant pour les cours de piano... Bref : assez compliqué. Les vacances en famille, on verra. »



Au loin à droite, Luna aperçut un mur fait d’arches et de colonnes. Le petit muret qui entourait le sentier du Labyrinthe devait être ce qui restait de cette colonnade. Sur les pierres, les rayons de lumière avaient failli l'éblouir, on aurait dit le soleil couchant avec ses reflets orange et dorés. Le soleil se couche ? J’ai passé la journée dans la forêt ? Les filles doivent s’inquiéter. Mais je ne peux pas revenir en arrière, je dois continuer jusqu’au centre du Labyrinthe, c’est cela le but : aller vers le centre, vers le cœur. Le temps n’est plus le temps comme je croyais, pas de passé, pas de futur, juste le présent. Oui, c'est ça, le présent comme un cadeau.



Sur le côté, entre le chemin et les pierres, Luna vit un cœur formé par un bouquet de calendulas, les fleurs aux couleurs du soleil couchant ; une fleur qu’elle apprécie spécialement pour faire une macération dans l’huile d’amande et obtenir la meilleure des huiles pour la peau. Elle continua sa marche. L'idée de David, son compagnon, d'avoir une petite maison dans le bois, un endroit de retraite et création, apparut comme l'image d'un rêve qui pourrait se réaliser. À mon retour il faudra qu’on en parle, c’est vrai que les bois et la forêt ont une énergie particulière, calme et en même temps vivifiante ; ils abritent plein de sons, de couleurs, de vie, d'êtres visibles et invisibles. Une cabane dans le bois, comme les cabanes de rondins des pionniers ou en Sibérie comme l'a raconté Sylvain Tesson. Il a passé six mois dans une de ces cabanes de la taïga russe pour “être”, arrêter de courir et de voyager, être présent à la nature et à soi. Peut-être David et moi pourrions trouver un terrain avec un cabanon à rénover ?



À ce moment-là, Luna se rappela un poème qu'elle avait écrit quelques années auparavant : Êtres invisibles, Faits avec des fruits de la forêt Ils sont venus à ce monde matériel D'une autre vie D'une vie passée. Il y a quinze ans, Séparés par des milliers de vagues d'océan Je vous ai rencontrés. Vous êtes toujours là Monde invisible Êtres sensibles. Luna sortit le cahier de son sac et se mit à dessiner la cabane dans le bois à côté d'un petit labyrinthe. Rêver pour que les rêves deviennent réalité. La phrase d'Éleanor Roosevelt, lue dans un journal il y a longtemps, vint s’agrafer au dessin : « L'avenir appartient à ceux qui croient en la beauté de leurs rêves. » Mes rêves, mélange d'images et d'émotions. Parfois je suis ballottée par ces émotions comme un bateau dans une mer déchaînée. Promenée par des vagues de pensées et des sentiments, du passé au futur et du futur au présent et encore.


La description bouddhiste du mental montré comme un singe qui saute d'une branche à l'autre dans un arbre était parfaite. Croyait-elle toujours à la beauté de ses rêves ? Sur le chemin du Labyrinthe, la colonnade était toujours à sa droite mais trop loin pour la visiter tout de suite. Luna ne voulait pas sortir du chemin, elle pourrait sauter sur le muret mais ce n’était pas son genre. Elle ne voulait rien laisser de côté, ni perdre l’occasion de voir d’autres fées, d’autres fleurs ou entendre d’autres mélodies. Les mots de Thich Nhat Hanh résonnaient dans sa mémoire et dans son cœur. Pas à pas dans le moment présent, le souffle me guide. J’inspire, je suis ici et maintenant, j’expire, je continue. Chaque instant, un enseignement, un message à recevoir et à transmettre. Écrire est aussi une manière d'être présent ; écrire pour se souvenir, pour éclaircir des rêves et des pensées, écrire pour laisser une trace et pour exprimer des émotions. Je pourrais comparer l’âme avec l’océan et les émotions avec les vagues. La Terre et le corps humain sont constitués d’eau, le véhicule des émotions qui nous emmènent en bas et en haut. Des vagues de l’océan comme les vagues de nos humeurs. Tout est Un, mais les émotions se distinguent ici et là : plus fortes, plus douces, avec ou sans écume, des caresses dans une mer tiède ou des vagues destructrices d’un tsunami.


On reconnaît les vagues-émotions qui nous constituent ou nous envahissent, qui nous mènent par le bout du nez ou nous réjouissent. Parfois on ne les reconnaît pas et tout d'un coup “Surprise!” On est assailli par elles comme un château peut l'être par des ennemis. Ça nous tracasse, mais parfois ça nous élève aussi. L'idéal, le juste milieu: être conscient et devenir, jour après jour, plus équilibré. Les émotions n’ont rien de mauvais en elles-mêmes, il faut juste qu’elles ne nous aveuglent pas, qu’elles ne guident pas nos vies. La mer calme, un beau paysage! Mais il faut faire attention aux marées, au vent, aux vagues, au doux parfum qui remplit l'air, aux brises qui nous amènent des secrets à découvrir. Être conscient, c’est ce qui compte.



Un massif de boutons d’or apparut devant Luna. La Fée habillée en jaune, jouant à cache-cache avec les fleurs, avait entre ses mains un pétale, elle le posa devant Luna et puis un autre un peu plus haut et un autre encore... dans l’air, mais tous tenaient ensemble. Elle forma un pont de pétales pour que Luna passe sur le massif de fleurs sans les toucher. Une fée architecte de ponts d’or, pensa Luna en remerciant la fée d’avoir créé ce pont pour elle. « Comment as-tu fait pour que les pétales tiennent entre eux ? - Juste comme ça!» Et la fée-enfant continua à jouer avec des pétales en créant d’autres petits ponts sur les chemins. «Juste comme ça, je vois» répéta Luna, créer notre réalité. Par peur de distraire la Fée qui était très concentrée sur la construction des ponts, Luna resta là, debout face aux boutons d'or. Elle sortit son cahier et ses crayons et se mit à dessiner les fleurs, puis elle écrivit quelques pensées à propos des ponts pour y réfléchir et s'en souvenir plus tard. Dessiner, écrire, créer, c'était sa vie de tous les jours. Créer des ponts est un art magique aussi bien dans le plan physique, avec les ponts qui relient les berges d'une rivière ou une île au continent, que dans les œuvres des artistes. Ils créent des ponts entre l'extérieur et l'intérieur, le réel et l'irréel, le divin et l'humain.


Une idée qui se matérialise, puisque toute création a été d'abord une idée et le pont... Chaque jour, à chaque instant, il faut avoir un regard nouveau, comme celui des enfants. S'émerveiller face aux fleurs, aux couleurs de la nature, aux êtres subtils qu'on n'a pas l'habitude de voir au quotidien. Respirer en conscience et être présent. Luna venait de recevoir encore un merveilleux cadeau. Ce moment avec la Fée architecte lui rappela l'importance de l'imagination et la certitude de pouvoir créer à partir de notre force intérieure. Nous sommes tous des créateurs. Elle remercia les esprits de la nature, termina son croquis de fleurs, rangea son carnet et les crayons puis avança dans le labyrinthe. L’art et les mathématiques ne sont pas si éloignés que cela finalement. Pourquoi pas des ponts de pétales construits par une fée-enfant habillée en bouton d’or ? Pythagore et toutes ses créations mathématiques pour ceux qui ont voulu expliquer, comprendre et interpréter la nature. Léonard de Vinci avec ses œuvres d'art et ses inventions. Les mandalas naturels comme les fleurs, les fruits, les atomes, le corps humain, les cellules, les galaxies, l’univers entier; tout a un lien avec l'harmonie du nombre d'or.


Tout est en harmonie naturelle et l’homme a voulu copier, dessiner cette harmonie ou la peindre. J’ai étudié tout ça aux Beaux-Arts, parfois ce fut assez théorique mais finalement j'ai appris à regarder et le monde autour de moi a pris une autre dimension. Quelle merveilleuse découverte!



Luna dessinait et créait des mandalas naturels avec des fleurs, des branches ou des pierres depuis son enfance, sans trop savoir ce que c’était vraiment. Le centre, des cercles en expansion, des spirales, harmonie des couleurs et formes. Plus tard elle put mettre des mots sur ses dessins et peintures. D’après les anthropologues et ethnologues, on retrouve en grande quantité des mandalas et des dessins de labyrinthes chaque fois que l’humanité vit une période de crise. Ce n’est pas un hasard si on les utilise maintenant pour s’harmoniser et calmer le mental. Même dans certaines écoles, les instituteurs font dessiner des mandalas aux enfants pour les aider à être plus concentrés ! Observer la nature pour apprendre et s'harmoniser soimême.


Luna avait oublié l'heure et la date. Elle ne pensait plus à ses amies qui l’attendaient sur la plage, ni à David qui l’attendait à la maison. Elle était rentrée dans un état de conscience autre que celui de la vie quotidienne, une autre fréquence de l'espacetemps, celui du monde subtil. Elle se sentait en liberté sans y penser vraiment. Juste le moment présent, un cadeau.

Pendant qu’elle marchait, elle voyait que le chemin l’éloignait du centre du Labyrinthe mais elle savait que c’est souvent comme ça : partir, s’éloigner, revenir et repartir. Toujours en mouvement, c'est la vie elle-même. Suivre le rythme de ma respiration. Mon souffle en harmonie avec le Souffle de l'Univers. Je continue, j’avance, je m’éloigne du centre pour arriver au centre, je sais, c’est le Chemin. Temps de marche, temps de réflexion, temps pour moi en dehors du Temps.


Merci Ă la Nature. Merci Ă la Vie.



Luna continuait le chemin en chantant un de ses mantras préférés, « Om Mani Peme Hum ». Les pierres du muret du Labyrinthe laissaient entrevoir ici et là des trèfles, mais occultés par d’autres feuilles. Elle les aperçut, s’agenouilla pour les regarder de près : un vert intense, quelques touches de gris-noir au centre. Elle ne put s’empêcher de sortir son carnet pour les dessiner. J’ai toujours chanté mais il m’a fallu attendre des années pour trouver ce que je voulais chanter, ou plutôt ce que mon âme voulait chanter : des mantras, des phrases sacrées venues d'Orient jusqu'à nous pour que le cœur et la voix deviennent Un. Les pieds sur terre et la tête dans les étoiles, des énergies qui me parcourent de haut en bas, de bas en haut, énergie vitale qui voyage et me traverse, et au centre, le cœur. Est-ce que je trouverai des trèfles à quatre feuilles ? D’où vient cette histoire des trèfles de bonne chance ? Je devrais le chercher dans mes livres... Ou bien, trouverais-je une fée pour me répondre ?


Luna avait déjà aperçu une lumière sautillante près des feuilles. Elle prit son carnet et ses crayons, regardant un peu ailleurs pour ne pas importuner la fée qui arrivait à peine. Parfois elles ne veulent pas être vues, il faut leur laisser le temps, respirer tranquillement et attendre. Luna prit son temps, s’assit face aux trèfles sans fixer le regard pour voir cette énergie de vie, leur aura, la luminosité qui entourait tous les êtres vivants, et commença à dessiner avec sa main gauche. Moins précis, certes, mais plus relié au sentiment et à la vibration de la nature qui l’entourait. « J’aime bien, continue. Est-ce que tu veux d’autres trèfles ? Je peux t’en apporter. » Alors, subitement, Luna se retrouva dans un bosquet de trèfle... géants. « Eh ! Merci... Tu t’appelles ? - Mon nom ? Ah, les étiquettes ! Pourquoi voulez-vous mettre des étiquettes à tout ? Je suis moi, une fée au milieu d’un bois de trèfles et toi tu les dessines. Tu peux m’appeler la Fée Trèfle. Cela te convient-il ? - Oui, désolée, tu as raison. Comment as-tu créé le bosquet de trèfles géants ? - Tu voulais les dessiner, j’ai pensé que ce serait plus facile s’ils étaient grands. On crée notre propre réalité. Tu t'en souviens ? - Oui, je sais, tout simplement. Pas toujours évident mais je m'en souviens. En tout cas, merci. »


Créer notre propre réalité, c'est possible.



Imaginer un monde meilleur, le meilleur des mondes, pour ainsi le créer. Sans imaginer on ne peut pas créer, la vie est création. Danser ma vie au rythme des saisons, des rencontres, des couleurs et des rêves. Parfois, quand j’inspire et je chante, toutes les peurs disparaissent comme des oiseaux qui s’envolent vers d’autres horizons. Je continue le chemin, j’avance, je reviens dans l’autre sens, la colonnade est maintenant à ma gauche, ok. Je connais l’histoire : avancer et revenir sur ses pas, sauf que ce n’est jamais le même endroit. Même quand je crois que c’est la même chose, la même situation, la même histoire, c’est toujours différent. Un peu ou beaucoup. Le temps n’est pas linéaire et l’espace compte bien plus de trois dimensions. Ce n’est plus un secret mais il y des personnes qui ne veulent pas le croire. Une spirale dans l’espace, mon histoire inscrite dans l’histoire d’une famille, d’un pays, d’une culture... et tout cela change tout le temps. Passé. Présent. Futur. Simultanéité des lieux, des espaces. Il faut juste être attentive, regarder avec le centre de l'intuition, le troisième œil, l'ājñā. Sentir, réveiller les sens puis écrire ou peindre.


J’écris pour moi, pour me souvenir, éclaircir mes idées. J’écris aussi pour ouvrir des portes : d’abord les miennes, vers d’autres idées, d’autres réalités, d’autres dimensions ; puis celles les autres, pour que tous sachent qu’il y a maintes possibilités, il faut savoir décider et choisir. Écrire peut aussi être une méditation, une pratique pour être présente. Pratiquer la Pleine Conscience, telle qu'elle est enseignée par le maître bouddhiste Thich Nhat Hanh, semble assez facile à suivre, il s’agit juste d’être présent, présent à chaque instant, à chaque activité, à chaque pensée. Mais avec tous les stimuli, les projets et activités que la société nous fournit en permanence, ce n’est pas si facile. Présent ne veut pas dire ne pas avoir de projets mais avoir des projets sans s’attacher aux résultats. Lâcher prise. Méditer au quotidien serait une solution à l'accélération, à tout le stress que la société génère ; se centrer, suivre sa respiration, son souffle. Spiritualiser la matière et la vie quotidienne. Je me rappelle une citation lue quelque part : « Nous sommes des êtres spirituels dans un corps physique et non un corps physique avec un esprit.»


La création et l’art sont aussi des chemins pour spiritualiser la matière ; amener le Divin aux niveaux physiques et matériels de la troisième dimension. Il y a une grande confusion sur ce que sont l’art et la mission des artistes mais en lisant ce que les artistes pensent et ce que les maîtres spirituels enseignent, on peut trouver des réponses. L’art est seulement possible quand il œuvre à élever l’esprit ; le reste est de l’imitation, de la copie ou de l’artthérapie. Très utile parfois, certes, mais ce n’est pas de l’art. Cela paraît difficile à expliquer mais je suis d'accord. Je crois qu’il est temps de le dire, de me dire à moimême et d'arrêter de chercher les pourquoi et les comment : être conscient, présent, spiritualiser la matière et la vie quotidienne, puis partager.



Au loin, la forêt entourait le chemin du Labyrinthe, un rideau de verdure comme une protection qui cacherait cet endroit sacré des regards extérieurs. Envahie par une émotion de joie et de grâce, Luna fut consciente de vivre un moment, ou plutôt une journée, unique dans sa vie. Les forêts, poumons de notre planète, quelle paix et quel silence, et en même temps une symphonie de sons et de couleurs ! Quand je plonge dans une piscine, c’est pareil. Ce silence m’entoure, me berce, m’enveloppe, me protège, pour me permettre de sentir mes sons et mes couleurs intérieures. Le bleu turquoise de l'eau se mimétise avec le carrelage autour de moi. Je sens l'énergie du bleu et le chakra de ma gorge s’illumine. La vibration des couleurs peut nous aider à nous soigner, comme les gemmes et les huiles essentielles. La nature est une grande ressource. La théorie des couleurs apprise à l'École des Beaux-Arts m’a instruite mais les couleurs sont beaucoup plus qu’une théorie.



La Fée des Iris attendait patiemment que Luna revienne de ses rêveries des eaux turquoise, percevant la joie de Luna plongée dans ses pensées sur l'eau et les couleurs, elle décida de créer un lac sur le chemin du Labyrinthe. Luna prit conscience du chemin et du lac juste à temps pour ne pas mettre les pieds dans l’eau. Les fées sont souvent très drôles, elles ont une manière assez unique d’expliquer les choses. « Bonjour. - Bonjour. Tu aimes l'eau, n'est-ce pas ? Les lacs, la mer, les rivières ? - Oh oui, j'adore. Merci pour ce lac. Peut-être pourrionsnous nager un peu pour nous rafraîchir ? - Oui, super ! » Aussitôt dit, aussitôt fait, Luna et la Fée des Iris plongèrent dans le lac, dont l'eau était aussi bleue que les pétales de la robe de la fée. Entre rires et éclaboussures, une fois de plus le temps parut s'arrêter pour Luna. Elle ne pensait plus au chemin ni au Labyrinthe, encore moins à Surya et Sophie restées sur la plage ce matin même... Ou était-ce hier ?


Luna sortit du lac, remercia la Fée des Iris et se remit à marcher sur le Labyrinthe. Des états de présence éveillée et rêve se mêlaient. Luna sentait bien que la réalité d'une promenade dans la forêt se confondait avec cette autre réalité, celle des rencontres avec le monde subtil au-delà du temps linéaire et de l'espace en trois dimensions. Je dois avancer et rentrer, il me semble difficile de ne pas penser aux filles sur la plage et en même temps, je ne peux m'empêcher de vivre cette aventure inespérée. Cette pensée sur ses amies ramena Luna à d'autres réflexions. Les amis, la famille, son amoureux. Tous les liens créés dans le temps, depuis quand ? Depuis combien de vies ? Âmes sœurs, âmes jumelles, groupe d’âmes. Le livre qu'elle avait lu à ce sujet, "Les familles d’âmes", l'avait bien aidée à comprendre comment s’organisent tous ces liens. L’amour, dans toutes ses formes, avec les plus proches, les moins proches, les très éloignés, tout un circuit, comme un labyrinthe, à parcourir chaque fois. Apprendre à communiquer, créer des vrais liens, des liens sans attachements. Des liens d’amour, de respect, de liberté pour pouvoir grandir. Les amies, la famille de l’âme, reconnaître ceux qui nous accompagnent pendant que nous voyageons sur cette merveilleuse planète pour avancer ensemble. De temps en temps on se perd de vue puis on se retrouve. Un clin d’œil et voilà, on partage.


Comme elle l'avait appris quelques années auparavant, il faut être attentif aux coïncidences, aux retrouvailles, pour ne pas passer à côté du message.



Les asters longeaient le muret du Labyrinthe et la couleur bleue-mauve des pétales attira le regard de Luna. Elle marchait et simultanément des pas se dessinèrent devant elle. Les fleurs sont les êtres qui se rapprochent le plus facilement de l'âme humaine, disait Edouard Bach. J’adore les asters. J'ai lu il y a quelques jours que ce nom vient du grec et signifie “étoile”. Très intéressant, j’aime aussi les étoiles. Je les peins, les brode, les regarde le soir et si c’est à coté de la petite lune-bébé croissant, c’est encore mieux. Un de mes poèmes raconte l’histoire d’un enfant venu des étoiles. Attirance inévitable si je pense que tout a commencé dans les étoiles, l’Univers infini qui nous entoure, les êtres d’autres mondes, d’autres dimensions, d’autres galaxies. Et dire que certains croient être seuls ! Merci les asters... et les étoiles. Luna ne voyait plus la colonnade. Les derniers reflets du soleil couchant disparurent sans prévenir. L’atmosphère changea, des éclairs suivis de tonnerres se manifestèrent dans le ciel. Une annonce de tempête ou juste une pluie passagère ? Lors du deuxième tonnerre, Luna sursauta, surprise dans ses rêveries. La pluie commença à tomber.


Enveloppée par les gouttes d'eau qui créaient un cercle multicolore autour d’elle, une sorte d’inquiétude l’envahissant, Luna sentit arriver la réaction de courir pour se protéger de la pluie. Mais où ? Pourquoi ? La pluie, c'est juste de l’eau ; je sens sa fraîcheur mais je ne suis pas mouillée. Réel ou irréel, ce chemin est magique. Encore un message à retenir. Vivre l'instant présent et ne pas faire de suppositions. Ça a l'air tout simple et pourtant... Nous connaissons tous la peur face à l’inconnu, aux choses que nous ne comprenons pas tout de suite. Surya, mon amie astrologue, m'a déjà parlé de l'influence des astres sur notre personnalité et nos états d'esprit. Selon qu'il fait beau ou qu'il pleut, on ne ressent pas la même énergie. Certaines personnes aiment l'été, d'autres préfèrent la douceur des journées d'automne. Pour certains, le plus important c'est le changement de saisons et que les jours ne se ressemblent pas. Luna réfléchissait à ses peurs et comment les changements extérieurs, le climat, les différentes ambiances peuvent provoquer ou induire des changements intérieurs, quand soudain la pluie s’arrêta et une brise tiède effleura son visage. Le changement d'atmosphère la transporta à son enfance. L'anniversaire de ses six ans, le souvenir de sa sœur jumelle tombée malade, la peur, puis sa vie bouleversée pour toujours.


Revenir au moment présent, aujourd'hui est une journée pour découvrir, apprendre, vivre une nouvelle expérience. Avançons. Luna continua son parcours se voyant, une fois de plus, s’éloigner du centre du Labyrinthe.



S’éloigner de son centre, de son cœur, de sa mission ? La peur de perdre le chemin - son chemin - la gagna. Luna s'arrêta, regarda de nouveau le chemin, se centra sur sa respiration et resta un instant les yeux fermés. Son chemin, sa mission, sa voie, elle ne devait pas l'oublier. Encore une respiration profonde et consciente : apporter la spiritualité à la matière à travers l’art. La peur de perdre sa liberté avait toujours été une sensation très présente en elle. S'engager ou avoir une mission, c'est un beau cadeau et en même temps une responsabilité. Cette envie d'appartenir et en même temps ce besoin viscéral de liberté. Contradictoire ? Complémentaire ? Luna commença à accepter sa liberté et aussi la liberté de choisir. Elle avait choisi une vie d'artiste avec les pour et les contre, elle avait choisi d'être libre des messages ou consignes données par la famille et la société, elle avait choisi d'être elle-même et cela était son engagement, suivre son cœur et transmettre. Naître à la liberté d'être soi-même, celui que l'on est. Retour vers le centre, mais il faut encore marcher. Suivre le chemin, mon chemin, c’est créer et la création est le sens de ma vie, le sens de toutes les vies... même s'il y a des personnes qui ne le savent pas ou n'y croient pas.


Luna s'approchait de l’entrée du Labyrinthe, prête à tourner une fois de plus et s’éloigner du centre, du message, de la vision. Mais elle savait qu'en suivant le chemin et les messages, elle arriverait au centre, à la source. Elle eut besoin de s’asseoir, fatiguée et en même temps remplie d’énergie. Apprendre demande toujours de l’énergie mais en donne aussi. Connecté au ciel et à la terre, l'être humain est un axe pour laisser l’énergie voyager et le purifier en recréant l’harmonie et l’équilibre. Assise sur l'herbe, elle décida de faire quelques respirations profondes et méditer sur les messages reçus, juste être. Peut-être faire quelques āsana, le yoga m'aide toujours à me détendre et me centrer. Mieux se connaître en commençant par le corps est une des possibilités, à chacun la sienne. Luna avait découvert le yoga en cherchant - toujours en cherchant - une manière pour se centrer. C’est avec Indra Devi, appelée aussi la Dame du Yoga, une maître de hatha yoga, pionnière du début du XXe siècle, qu’elle avait trouvé son chemin pour se connecter avec le corps et l’esprit en même temps. En tant que potière, le travail avec l’argile lui avait montré aussi que le corps était une unité. Pour faire de la poterie, il faut à la fois avoir développé une certaine force physique et appris à se détendre tout en restant centré et respirant dans le rythme et la coordination.


L’argile a besoin de la pression des mains, mais pas trop, la vitesse du tour en harmonie avec le mouvement de mains pour faire monter la pièce, respirer pour que tout se passe dans le rythme. Des années plus tard, elle avait appris à filer avec un rouet, et il s’est avéré que là aussi, il fallait harmoniser le rythme des pédales avec le mouvement des mains pour donner de la laine au rouet et créer le fil, sans oublier de respirer pour accompagner ces mouvements. Mieux se connaître pour être en harmonie avec soimême, la nature et les êtres visibles ou invisibles. Créer dans l'harmonie du corps et de l'esprit. Les grands maîtres parlent de l’harmonie corps-mentalesprit, l'harmonie comme synonyme de beauté et santé. Spiritualiser la matière c’est aussi incarner l’art et ses visions. Matérialiser la création qui souvent arrive dans des moments autres que ceux de l’atelier, face au chevalet ou au métier de tissage. Elle finit une courte séance de yoga, juste le temps de se centrer après toutes les émotions de la journée. Mais ce n’est pas fini. Je dois continuer, je dois arriver au centre du Labyrinthe... puis sortir. Depuis quand suis-je ici ?



Après le yoga et la méditation, Luna était dans cet état entre rêve et sommeil, elle pouvait sentir son cœur battre doucement, dans le rythme de la nature et de la forêt autour d'elle. Les oiseaux revenaient de leurs découvertes de la journée se poser pour la nuit. Il commence à faire sombre. Un changement de perspective. L’entrée, le chemin, la sortie? La nature, endroit plein d'enseignements, là où on peut trouver toutes les questions et les réponses de ce monde et de l'Univers; les visions de vérité, l’harmonie, la beauté. Tout cela m'entoure et j'en fais partie. Je remercie la vie et ses enseignements. Il fait nuit, je dois me mettre en marche pour rentrer.



Luna vit un tapis de violettes, ces petites fleurs qu’on découvre de loin d’abord grâce au parfum, puis par la couleur. Une présence qui nous invite par les différents sens et nous permet d’être présents à notre corps, à nos sensations, l’empreinte de la matière. Maintenant c’est bon, je commence vraiment à m'approcher du centre. Je suis le chemin, même s’il y a encore des courbes et des changements de direction, je découvre la puissance de la source. Elle m’appelle, je sens la lumière qui rayonne. Je respire, présente, consciente du rythme. L’harmonie du temps et du silence : les pas, le mouvement et le repos, comme dans la musique. Créer sa propre vie, son rythme, sa musique. Musique de l’âme qui rappelle le son de l’Univers. Écouter mes sons intérieurs, mes rythmes, mon silence. Vivre ma vie et transmettre. Chacun son rythme, chacun sa musique et son art. Je crée ma vision pour la vivre jour après jour, dans le moment présent. J’approche du centre.



Il commence à neiger mais je ne veux ni courir ni me protéger. Je veux sentir les flocons de neige sur moi. Ils me touchent à peine et disparaissent en créant des rayons de lumière. Lumière d’arc-en-ciel, lumière de lune et de soleil. Lumière de l’âme. Flocons qui voyagent, depuis quand ? Depuis où ? Trop de voyage ? Ils arrivent doucement, réunissant toutes les couleurs et tous les sons. Ils arrivent, ils m’accompagnent. Déjà l’hiver ? L’été ? Combien de temps suis-je restée dans la forêt ? J’ai mon sac, mon carnet-journal, mes dessins. Je crée mon chemin, ai-je créé cette réalité ? Je dois continuer, arriver au centre. La neige disparaît, la lumière me guide. Des oiseaux posés sur des branches, un instant et ils sont partis. C’est rapide un petit oiseau, toujours rapide. Des impressions. Ce qui reste du passé, ce sont des impressions, des images. Quelques pas encore pour parcourir le jardin intérieur et je serai arrivée. Le présent, c’est tout ce que je peux vivre. Dans le présent, je peux modifier une pensée, une habitude, un état d’esprit. La colonnade entoure le trésor de la source couverte de neige. Les cristaux reflètent la lumière verte de la forêt, l’arc-en-ciel des fleurs et les fées qui m’ont accompagnée pendant ce long voyage vers le centre, vers ma mission, vers moi.



Arrivée au centre du Labyrinthe, Luna respira profondément, regarda autour puis dirigea son regard vers la terre. Elle vit le mandala. Des cristaux et des fleurs formaient un mandala, un équilibre naturel. L'harmonie et la paix émanaient de lui. Une source d’eau sortait du centre du cercle, le dessin fait de fleurs multicolores entourait le jet d’eau qui, avec ses gouttelettes dansantes, créait des dizaines d’arcs-en-ciel. Le chemin qu’elle venait de parcourir quelques instants auparavant représentait la synthèse de sa vie: des fleurs semblables à des pensées, variées et pleines de couleurs ; des oiseaux et d’autres insectes qui fredonnaient leurs sons, et cette harmonie, cette beauté qui l’accompagnerait vers l’extérieur, vers la vie quotidienne, sa vie de tous les jours. La nature est le livre sacré de tous les enseignements. L’art est un chemin spirituel.


Sa vision était devenue sa mission : spiritualiser sa vie quotidienne et la matière à travers la création et l'art pour donner un ancrage à l’être spirituel. Transmettre et partager. En partant du centre vers l'extérieur, Luna sortit du Labyrinthe comme un papillon sort de sa chrysalide, transformée pour toujours. Une sorte de purification s’était produite pendant son chemin. La légende de la licorne, animal mythique associé à la pureté, revenait à sa mémoire. Les rencontres avec les fées des fleurs, leurs messages, tout était présent pour confirmer son rêve, sa mission de vie, le sens d’être venue sur cette planète. Elle était heureuse et en même temps confuse, perdue dans le temps, incertaine quant au nombre d’heures — de jours? — qu'elle venait de passer dans la forêt. Luna sentit le vertige la gagner mais son bonheur ne pouvait se trouver pâli par ce sentiment d’inconnu. Il faisait jour, elle reprit ses chaussures et se mit à marcher. En sortant de la forêt, Luna arriva à la plage où elle avait laissé ses deux amies d’enfance et de vie.


Quand Sophie et Surya la virent arriver, elles commencèrent tranquillement à faire des signes avec les mains. Luna sentit que tout était en ordre, personne ne semblait confus ou désespéré comme si elle avait disparu depuis longtemps. Les retrouvailles parurent tout à fait naturelles. Pendant qu'elle s'installait sur la plage avec ses amies, Luna prit le temps de réfléchir à la manière de raconter à Surya et Sophie ce qu'elle venait de vivre. Elle se demandait si elle allait partager tout de suite ce voyage magnifique dans la forêt ou plutôt attendre avant de leur en parler. « Alors, c’était bien la petite promenade dans le bois ? » demanda Surya, toujours la plus curieuse des trois. « Euh... Oui, sympa, jolie forêt. Quel heure est-il ? »


Novembre 2018 ISBN 978-2-9536828-4-7




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