La Ville Empruntée : Pour Une Architecture Pirate

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LA VILLE EMPRUNTÉe

Paul Farou

Directrice d’études Émeline Curien

Master II

École Nationale Supérieur d’Architecture de Nancy


Remerciements Tout d’abord, j’aimerai exprimer ma gratitude envers Émeline Curien, ma directrice de mémoire qui tout au long de l’année fut à mon écoute, prête à débattre objectivement de mes idées et encourager leur développement. Aussi, je voudrais honorer Patrick Bouchain, Lucien Kroll et Beatriz Colomina pour leurs conférences respectives et l’esprit radical qu’ils m’ont transmis, ainsi que l’École Nationale Supérieure d’Architecture de Nancy pour les avoir invités. Ensuite, je tiens à remercier Nicolas Henninger, membre fondateur du Collectif EXYZT, ainsi que les membres du collectif Assemble, pour leur sincère ouverture au dialogue, leurs réponses et leurs visites, mais aussi pour la possibilité qu’ils m’offrent d’expérimenter avec eux la pratique de l’espace. Remercier aussi, et enfin, tous ces acteurs de l’urbain du quotidien, que j’ai pu croiser par moment lors de mes voyages, mais aussi à ceux que l’on ne voit pas forcément.


Otar Iosselani Michel Antoine Abchi

Vincent Parreira

Michel Onfray Silvia Grunnig Irbarren

Stéphane Gruet

Romain Paris

Christophe Laurens Loic Julienne

Antoine Nochy

Frederic Bonnet

Global Awards Bart Lootsma

Architecture

Emeline Bailly

Serge Renaudie

Patrick Degeorges Anne Marie Fèvre

Xavier Bonnaud

Marco Strathopoulos Marie Hélène Contal

Patrick Bouchain

Tiziana Vilani

Thierry Paquot

G Gilles Clément

Nicolas Soulier

Sigfried Kracauer Daniel Buren

Pierre Frey

Supertanker Estonoesunsolar

Exyzt

La Friche de e la Belle de Mai

Rem Koolhaas

G Studio Fat koelh Feld 72

ARM architcture

Caractère aractère Spécial

Périphériques

Muf architecture Raumlabor

Atelier Iruka

Philippe Simay

ANPU

Assemble

Superuse Studios

Rotor

Zygmunt Bauman

DUS

Practice

Team ZOo

Coloco

nOffice

Collectif ETC.

Atelier d'Architecture Autogéré

Joel Garreau

Biennale de Venise

MOTOelastico Lester Brown Mirko Zardini Giovanna Borasi

Markus Miessen

Melvin Webber Spatial Agency

Lucien Kroll Ars industrialis

Francoise Choay TEAM X

Bernard Stiegler

Eric Furnemont

CIAM

Georges Candillis Giancarlo De Carlo Bernard Herbecq

Marc Augé

Pierluigi Cervellati Engin F. Isin

Club de Rome Friedenreich Hundertwasser

Mark Purcell urcell Baudrillard

Walter Benjamin

Felix Guattari

Henri Lefevbre

Ivan Illich

Michel Conan

Paul Virilio

J. Huizinga

Gilles Deleuze Ernst Friedriche Schumacher

Bernard Jouve Christopher Alexander Michel de Certeau

Non-Plan

Cedric Price

Peter Hall Paul Barker

CoBrA

OBOM

SAR

Buckminster Fuller Daniel Defoe

Michel Foucault Nikolaas John Habraken

Ype Cuperus

Jacques Derrida

Guy Debord

Reyner Banham Constant Yona Friedman

L’internationale Situationniste

Bertrand André


Sommaire

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Avant-Propos

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1. Introduction

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1. 1. Critique de la modernité 1. 1. 1. Une urbanité croissante 1. 1. 2. Une modernité obsolescente 1. 1. 3. Une post-modernité aliénante 1. 2. Problématique 1. 3. Methode de Travail 2. Histoire de participer 2. 1. Prémices d’un droit à la ville 2. 1. 1. Henri Lefebre et les Situationnistes 2. 1. 2 Homo Ludens et l’utopie New Babylon 2. 1. 3. Du CIAM à la Team X 2. 1. 4. Cedric Price, penser l’impensable 2. 1. 5. Le Non-Plan 2. 2. Traces de radicalités 2. 2. 1. John Habraken, SAR, Support 2. 2. 2. Lucien Kroll et l’incrémentalisme 2. 2. 3. Christopher Alexander, Pattern Language 2. 2. 4. Construire Autrement

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3. Autour d’une écosophie 3. 1. Acteurs contemporains 3. 2. Moyens d’actions

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3. 2. 1. La demande 3. 2. 2 L’usage 3. 2. 3. La temporalité 3. 2. 4. La situation 3. 2. 5. L’imaginaire

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3. 3. Bon sens et Interet général

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4. La ville empruntée 4. 1. Architecture Pirate 4. 2. Borrowed City 4. 3. Markus Miesen, Crossbench Praxis 4. 4. Conclusion Archives 1. Bibliothèque 3. Périodiques 4. Webothèque

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Avant-propos Revenant d’un an d’échange culturel en Italie, j’ai pu visiter différentes régions, localités aux traits bien différents, et aux caractères bien marqués. J’ai pu notamment en tant qu’étudiant en architecture me rendre quelques fois à la Biennale d’Art et d’Architecture de Venise. Une visite qui à son dernier détour a su se démarquer, car c’est dans l’exposition présenter dans les jardins, où se trouvent les pavillons de la biennale, que j’ai remis en question mon approche quant à la pratique architecturale. L’exposition faisant une rétrospective, un catalogue des éléments qui jusqu’à aujourd’hui ont été fondamentaux dans l’architecture d’une part, et d’autre part un répertoire historique de l’influence de la modernité dans les pays présent à la Biennale. Il s’agissait donc de faire le point pour se confronter à la réalité, se rappeler d’où nous venons, ce que nous faisons, ce que nous voulons créer, mais surtout de questionné notre manière d’absorber cette modernité. En même temps que cette exposition cherchait surement une remis en cause des enjeux actuels en architecture et comment celle-ci peut faire sens pour les civilisations j’ai cherché à travers ce mémoire ce qui faisant donc sens pour moi en architecture et en tant qu’étudiant, futur praticien, mais aussi citoyen. C’est encore lors de la Biennale de Venise, en visitant le pavillon coréen que j’ai pu poser le regard sur l’oeuvre d’un collectif au nom étrange, MOTOelastico, et leur ouvrage Borrowed City, qui recherche des manières dont ont les habitants de Séoul d’utiliser illégalement l’espace public ainsi que leur installation, Borrowed City Flip, qui met ces interventions en scènes. C’est cette manière d’interroger la norme qui fait que l’acte est décrit et catégorisé comme illégale alors qu’il permet le profit et le mutuel respect de son environnement. C’est à partir de ce questionnement, et du décalage observer entre la norme, l’établissement de règles ou de conventions, et la réalité, l’expérience de la vie quotidienne, que j’ai commencé l’exploration d’alter-architectures. En recherchant et remontant les courants de pensée appartenant à ce même mouvement d’alterarchitectures, ou d’alter-interventions questionnant un ordre établi, et que l’on peut observer au quotidien et chez tous, j’ai pu découvrir diverses théories et évolutions, précisions de celles-ci, ainsi qu’analyser des processus afin de pouvoir les appliquer à travers mon projet de fin d’études. Une recherche qui alimentera une pensée autour d’un projet qui pose la question de l’héritage de friche universitaire ainsi que la manière d’habiter une «cité universitaire», en cherchant à travers la question du quotidien entre l’étudiant et la ville de faire s’exprimer librement la culture étudiante dans un programme autour de son logement.


Moto elastico Lester Brown Joel Garreau Melvin Webber

Markus Miessen

Introduction

Francoise Choay Mirko Zaridni

Giovanna Borasi

CIAM Zygmunt Bauman

Centre Canadien d’Architecture

Hannah Arendt

Le Corbusier

Spatial Agency Walter Benjamin

Marc Augé Henri Lefebvre

Patrick Bouchain

Ivan Illich Philippe Simay Bernard Stiegler Gilles Deleuze

Felix Guattari Thierry Pacquot

Manola Antonioli


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Lester Brown Joel Garreau Melvin Webber

Critique de la modernité

Francoise Choay

Aujourd’hui, nous savons que la majorité de la population mondiale vit dans des zones que nous considérons comme urbaines, des zones urbaines qui devraient d’ici 2050 accueillir environ 75 % de la population mondiale1. Seulement, une grande partie de cette nouvelle population urbaine se trouve au sein de quartiers aux frontières de la légalité, des quartiers tels que les slums, bidonvilles, et, où en 2050 se trouvera un tiers de la population mondiale.

Mirko Zaridni Giovanna Borasi

CIAM Zygmunt Bauman

De même au sein des villes, dans un tissu considéré par tous comme urbain et qui en est à l’origine, nous voyons, chaque jour, surgir des espaces inhabitables, propageant un état d’urgence que notre système sociétal, labélise, catégorise sous des nominations, ou plutôt d’acronymes, puisqu’il ne s’agit pas de noms, comme s’ils n’appartenaient pas à l’environnant urbain de la ville, qui montre bien sa rupture avec la ville. Dans ces lieux le lien social se dégrade, la confiance se perd.

Centre Canadien d’Architecture Hannah Arendt

Le Corbusier

Walter Benjamin

Henri Lefebvre

Patrick Bouchain

Il semble donc dans un contexte d’influence croissante de l’urbain sur la vie quotidienne que l’architecture soit l’affaire de tous. Nous en sommes tous les usagers, les victimes ou les privilégiés. Autant qu’elle nous concerne tous elle peut se trouver partout « dans une bordure de trottoir, la qualité d’une acoustique, le rapport entre une construction et un paysage... dans les lieux impensés que sont friches industrielles ou les territoires délaissés par l’aménagement, mais occupés par les hommes»2. Ces derniers que j’ai pu explorer au cours d’un mémoire sur l’appropriation des délaissés. Le «Droit à la ville» d’Henri Lefebvre3, mais le doigt sur ces questions de l’urbain, nouvel enjeu de société, et semble aujourd’hui plus que jamais d’actualité et nécessitant l’intérêt des praticiens d’aujourd’hui et la lecture pour ceux qui souhaite agir. Dans ce livre où l’auteur identifie la question de l’urbain, il semble passer à travers différents thèmes que nous devons explorer et qui sont, la croissance de l’urbanité, l’effet de la modernité sur la construction de l’urbain et de la société occidentale, ainsi que les enjeux qu’elles à pu provoquer à travers son application.

Ivan Illich

Philippe Simay

Bernard Stiegler

Gilles Deleuze

Felix Guattari Manola Antonioli

1. GARREAU, Joel, Edge City. Life on the New Frontier, New York, Doubleday, 1991 2. BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement, Actes Sud 3. Henri Lefebvre (1901-1991) est un sociologue français, ayant influencé les évènements de Mai 68, ayant fortement bousculer le monde de l’urbanisme à travers des oeuvres tels que Le Droit à La Ville et Critique de la Vie Quotidienne, qui retrouve depuis la fin des années 2000 un nouvel intéret au près des philosophes, sociologues et urbanistes, et qui à fortement influencé les mouvement radicaux des années 60-70 jusqu’aux pratiques alternatives d’aujourd’hui.


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Une croissante urbanité

Une Modernité obsolescente

Dans le livre de Melvin Webber1, et préfacé par Françoise Choay2, «L’urbain sans leu ni bornes» l’urbaniste américain explique que «l’urbanité cesse d’être caractéristique exclusive du citadin. Les populations de la “suburbie” et de l’“exurbie” figure parmi les plus urbains des hommes et, de plus en plus, les agriculteurs eux même participent à la vie urbaine de notre monde», preuve que l’urbain et ses modes de vie s’imposent dans le monde, puisqu’il est impossible de se considérer extérieur au milieu urbain sachant que même nature ou campagne sont confrontées à cette réalité urbaine, un constat partagé par Benjamin Walter3 qui pense la société moderne totalement cristallisée à échelle miniature dans l’espace urbain. Alors, si le monde entier dépend de la réalité urbaine et des modes de vie qui s’y rattachent, il semble évident que les moyens d’action résident au sein du «monde urbain, univers disparate et marque par de profondes différences» comme le décrit Mirko Zardini4, directeur du Canadian Centre for Architecture. C’est d’ailleurs dans les deux articles introductifs du livre, qu’il publie avec l’aide de Giovanna Borasi et la collaboration de plusieurs « acteurs », qu’est mis le doigt sur cette situation de dissolution de l’urbain, du contraste intérieur-extérieur, le ciblant un point urgent d’action, de reconsidération et de transformation.

Avec l’industrialisation, les modes de production ont radicalement changé. Alors que l’on cherchait par le progrès technique à répondre efficacement à la demande économique, son développement massif et la suprématie de la rationalité lui ont fait perdre conscience de ses limites.

C’est le constat aujourd’hui plus réel que jamais de l’hypothèse que faisait Henri Lefebvre d’une société née de l’industrialisation, ce qu’il appelle la «société urbaine» et de ce que Melvin Webber avait déjà noté dans la dissolution de l’urbain, qui n’est as de l’ordre uniquement de la ville. Nous ne pouvons cependant considérer la croissance urbaine des dernières décennies du seul point de vue physique ou spatial. C’est l’urbanité comme mode de vie qui tend à s’imposer aujourd’hui dans le monde. Cependant, nous sommes forcés de constater que l’urbanisme moderne, du moins dans ses débuts, redoutait fortement une telle « dissolution » de l’urbain. Alors qu’est-ce qui fait que les principes du modernisme ont pu aujourd’hui aboutir à une crise de l’urbanité telle qu’on la constate à travers l’expansion de bidonvilles, slums, ghettos et tous ces espaces en bord de légalité ou de société ?

1. Melvin Weeber est un urbaniste et théoricien de la ville, qui publia en 1964, l’urbain sans lieu ni borne, un texte considérant les notions de l’urbain et du non lieu, tel qu’on peut la retrouver chez Henri Lefebvre ou Marc Augé, au titre original plus évocateur : «Urban PLace and the Nonplace Urban Realm». 2. Historienne des théories et formes urbaines reconnue notamment à travers son ouvrage Pour une Anthropologie de l’Espace et sa critique de l’oeuvre moderne du Corbusier. Elle enseigna aux universités de Paris après une thèse consacrée à Alberti et aux utopies spatiales, elle a notamment été élue membre de l’académie des arts de berlin en 1999. 3. Walter Bejamin (1892-1940), philosophe, historien et critique d’art qui témoigne dans plusieurs de ses oeuvres une fascination pour la ville moderne. 4. Mirko Zardini, A La Reconquète de l’Urbanité, Actions: What you can do with the city, Juin 2008.

La réforme de la ville qu’a proposé le mouvement moderne se base sur un principe de contrôle d’utilisation des sols et de zonage sur lequel vient s’appliquer la séparation des activités dont une organisation des activités prédominantes de la vie humaine autour de quatre catégories que sont l’habitation, le travail et le loisir avec comme garant de fluidité et efficience de la machine urbaine, la circulation. Une approche qui implique une séparation temporelle des activités auquel doit répondre une «réduction optimale des temps de déplacement »1 en particulier du logement à l’usine, ce qui pose comme objectif sous-jacent le rendement du travail. Françoise Choay nous montre la Charte d’Athènes2 comme faisant « l’apologie inconditionnelle de la technique dans une description totalement surannée de la civilisation machiniste»3. Il s’agit donc pour le projet moderne de voir le travail en relation avec la machine et qui spatialement traduit « une idée du monde fondée sur le travail comme instrument de progrès économique et de régénération sociale»4. Fier de son progrès, la société machiniste produit de plus en plus de produits qui ne deviennent plus les réponses à un besoin. Alors vient la nécessité de créer le besoin chez le citoyen dans un souci d’une économie qui se veut en croissance infinie, puisque si le besoin n’est plus, la croissance ne peut plus être. C’est alors que la ville ne devient plus «l’expression d’une société de producteurs, mais d’une société de consommateurs »5, résultat peut-être aussi d’une société qui considère l’individu en fonction du besoin et non pas du désir. Cette considération de l’individu-consommateur, et cette imposition du besoin au lieu du désir, notamment dans l’expression fonctionnaliste de l’architecture moderne, qui dans l’illusion du progrès industriel imposent à des communautés diverses des standards d’espaces sur la base d’une généralisation selon la norme, le standard de la pensée moderne. Cependant cet imaginaire conditionné par le standard, laisse de coté la singularité des individus, les détachant de leurs identités, et créant le besoin d’appartenir à la communauté à travers sa production.

1. Mirko Zardini, A La Reconquète de l’Urbanité, Actions: What you can do with the city, Centre Canadien d’Architecture, 2008. 2. La Charte d’Athènes a constitué l’aboutissement du IVe Congrès international d’architecture moderne (CIAM) sous le thème de la ville fonctionnelle, elle compte 95 points sur la planification et la construction des villes dont elle traite les sujet suivant : es tours d’habitation, la séparation des zones résidentielles et les voies de transport ainsi que la préservation des quartiers historiques et autres bâtiments préexistants. 3. CHOAY, Françoise, La Charte d’Athènes en question(s), dans Françoise Choay, Pour une anthropologie de l’espace, Paris, Éditions du Seuil, 2006. 4. Mirko Zardini, A La Reconquète de l’Urbanité, Actions: What you can do with the city, Juin 2008. 5. BAUMAN, Zygmunt, Le coût humain de la mondialisation, traduit de l’anglais par Alexandre Abensour, Paris, Hachette Littératures, 1999


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Une postmodernité aliénante Cette transformation de l’individu en citoyen-consommateurs, fait passer le concept moderne de l’amusement (que l’on retrouve dans les premières discussions du CIAM1) à la consommation telle que le constate Hannah Arendt2 dans la condition de l’homme moderne, qui voit les loisirs de l’homme ne se consacrer qu’à la consommation et de manière proportionnellement importante en fonction du temps qu’il lui consacre. À travers ces activités de consommation de produits, ou de spectacles (souvent, l’un et l’autre se confondent), le citoyen-consommateur s’intègre dans des groupes de consommateurs autour d’une identité fragile «sujette à la manipulation et au détournement». Ces groupes aisément identifiables font l’objet d’un « vol d’identité »3 à travers un néototalitarisme qui assimile les revendications, se les approprient afin de les neutraliser et envahir notre quotidien.

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l’apparition des nouveaux espaces-temps, liés au numérique, la possibilité grandissante d’ouverture, de flexibilité et d’une plus grande marge de liberté individuelle, mais en même la prolifération d’un contrôle territorial et de la vie de tous auquel il est de plus en plus difficile d’échapper. C’est Manola Antonioli9, qui en analysant l’oeuvre Deleuzienne tire de cette définition de ce qui fait aujourd’hui la mondialisation, aspirante à l’abolition des frontières, la production d’un espace décrit comme «lisse» voire un «corps sans organes absolu»

Il semble alors que la technicisation de notre environnement fasse ressortir de notre expérience du quotidien des pratiques de plus en plus machinales et à travers ce quotidien c’est son expérience en tant qu’environnement sensoriel qui s’est métamorphosé. Notre expérience du quotidien, aujourd’hui, est le produit d’une intensification de la vie nerveuse qui vise à « exacerber et épuiser les sens »4 et qui conduit le citadin vers un état de choc permanent que fait naitre l’absorption intense d’informations jetables qui, au fil du temps le blase. L’urbain étant dissous et son information de plus en plus intense l’individu, aussi se dissous dans la société, par ses images qu’absorbe sa conscience. Celle-ci réalisant de plus en plus que mes expériences se retrouvent parmi tellement d’autres aussi communes, qu’elles ne m’appartiennent plus. Bernard Stiegler5 l’exprime ainsi: «mon passé étant de moins en moins différent de celui des autres (...) il perd de sa singularité, c’est-à-dire que je me perds comme singularité». Montrant que l’absorption intense de ces informations sensorielles qui envahissent l’urbain implique la corrosion des expériences sensorielles de l’individu, et la dissolution de son identité. Il va plus loin en expliquant que si la singularité de l’individu n’est plus il est donc impossible pour lu de s’aimer, car il n’a plus son intimité ne lui appartient plus, il n’a plus le savoir de sa singularité. Alors que l’urbain semble être le lieu d’expression de l’homme et le riche domaine de « possibilités inattendues», on constate au contraire la société urbaine est propice ces «vols d’identité», mais aussi le créateur de «consommateurs défectueux»6. Chaque jour elle est l’expression d’un fossé grandissant entre le milliard des toujours plus riches et celui des toujours plus pauvres, avec une répercussion directe sur l’urbain, qui se voit «de plus en plus marqué par les divisions et les contrôles»7, des systèmes d’exclusion toujours plus performants, visibles et invisibles qui envahissent l’espace urbain. Gilles Deleuze traite de ce phénomène « schizophrène » en tant qu’établissement de « société de contrôle »8. Il voit à travers 1. Les congrès internationaux d’architecture moderne ou CIAM, sont nés du besoin de promouvoir une architecture et un urbanisme fonctionnels. La première rencontre eut lieu en 1928, à La Sarraz (Suisse), et Le Corbusier y joua un rôle important. 2. Hannah Arendt (1906-1975), connue pour ses travaux sur l’activité politique, le totalitarisme et la modernité, notament à travers La Condition de l’Homme Moderne, était une philosophe allemande naturalisée américaine. 3. Mirko Zardini, A La Reconquète de l’Urbanité, Actions: What you can do with the city, Juin 2008. 4. SIMAY Philippe, Walter Benjamin : la ville comme expérience dans , PACQUOT thierry et YOUNES Chris, Le Territoire des Philosophes, La Découverte, 2009 5. STIEGLER Bernard, De la Misère Symbolique, Le Monde, 10.10.03 6. BAUMAN, Zygmunt, Le coût humain de la mondialisation, traduit de l’anglais par Alexandre Abensour, Paris, Hachette Littératures, 1999

7. BROWN, Lester R., Le plan B : pour un pacte écologique mondial, traduit de l’anglais par Pierre-Yves Longaretti, préface de Nicolas Hulot, Paris, Calmann-Lévy, Souffle Court Éditions, 2007 8. DELEUZE Gilles, Post Scriptum sur les Sociétés de Controle, dans Pourparlers, Les éditions de minuit, 1990. Gilles Deleuze (1925-1995) est un philosophe français qui des années 1960 jusqu’à sa mort, Deleuze écrit de nombreuses œuvres philosophiques très influentes, notamment sur la philosophie elle-même, la littérature, le cinéma et la peinture et qui à longuement entretenu une relation d’esprit avec Félix Guattari à travers différents écrits. 9. ANTONIOLI Manola, Gilles Deleuze et Félix Guattari : pour une géophilosophie, dans PACQUOT Thierry et YOUNES Chris, Le Territoire des Philosophes, La Découverte, 2009


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Moto elastico Markus Miessen

Problématique Nous l’avons montré, l’avènement d’une société urbaine, tel qu’en fait l’hypothèse Henri Lefebvre dans Révolution Urbaine1, devient chaque jour de plus en plus une réalité, que donc, à travers une société urbaine, il s’agit d’une dépendance de chacun de l’urbain et c’est donc au sein de l’urbanité comme mode de vie que réside les moyens d’action.

Mirko Zaridni Spatial Agency

Henri Lefebvre

Thierry Pacquot Marc Augé

Patrick Bouchain

Marie Hélène Contal

Cependant, le quotidien de l’homme ne lui appartient plus, il se lève à l’heure fixer par son réveil synchroniser selon des horaires internationaux, pour arriver dans une voiture qui n’a pas été conçue pour lui, mais pour des millions, dans laquelle il se trouve hors de toute réalité et dans laquelle il devient simplement une machine qui répond mécaniquement aux codes qu’on lui adresse (feu vert, stop, limitations de vitesse....) il écoute sa radio qui lui livre des informations qui quelque heures plus tard n’auront surement aucune valeur et ne seront pas transmises, il arrive au travail dans une zone ou il vient de poser le pied, une zone qu’il appelle «travail»... Une quotidienneté dont on pourrait faire une analogie avec le récit de Marc Augé dans Non-Lieux2 dans lequel il décrit le parcours d’un homme sur le point de prendre l’avion. Aujourd’hui l’interprétation classique de la commande chez l’architecte, ne propose qu’à l’architecte de produire une architecture qui plaira au politique et se pliera sous le conditionnement de la société soidisant moderne avec tout l’imaginaire qu’elle sous-tend et passera au travers des réalités du territoire dans lequel l’oeuvre s’inscrit. C’est pour cela, je pense qu’il faut s’intéresser à ce que l’on appelle aujourd’hui Architectures alternatives, pratiques qui par définition font front aux normes traditionnelles et par leur caractère non conventionnel elles permettent d’éviter le conditionnement. En cela Marie-Hélène Contal nous livre un ressenti assez clair de la remise en cause d’une définition de l’architecture en quatrième de couverture de Réenchanter le Monde3. En effet, elle y fait ressortir un doute dans l’efficacité d’une architecture qui, traditionnellement, est définie comme « une oeuvre de commande » à répondre aux enjeux «d’épuisement de ressources ou le développement inégal» et affirme que l’architecte qui se veut contemporain doit affronter ces réalités de la société contemporaine. De même que la production architecturale, qui subit l’idéologie du contrôle en réponse au dysfonctionnement social et économique, c’est aussi l’urbain qui est concerné avec tout ce qu’il comporte comme mode de vie. Nous l’avons vu l’addition croissante de dispositifs visant au contrôle de la société produit paradoxalement de plus en plus de ségrégation, de sentiment d’exclusion et donc d’individuation qui sont au centre des problèmes de notre société contemporaine qui a créé un homme dont on vol l’identité et qui a perdu ses repères historiques, géographiques et sociaux, en bref territoriaux.

1. LEFEBVRE Henri, La Révolution Urbaine, Paris, Gallimard, 1970 2. AUGÉ Marc, Non Lieux, Introduction à une Anthropologie de la Surmodernité, Seuil, 1992 3. CONTAL Marie Hélène, Ré-enchanter le monde - L’architecture et la Ville Face aux Grandes Transitions, Éditions Alternatives, 2014


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Avec la perte de repère de l’homme qui vit un quotidien rompu au sein d’une civilisation machiniste qui ne lui correspond pas, c’est donc l’avènement d’une politique du contrôle et d’un processus de pasteurisation dans l’urbain, on fait tout pour éviter la propagation d’un virus, ce virus c’est l’autre, l’étranger, le clochard, le flâneur, le marginal, qui ne se sent pas faire partie de la société et qui en est conscient. Ce processus que l’on voit aujourd’hui de plus en plus fréquemment dans les villes du monde entier conduit vers une perte de confiance en l’autre, on se méfie de tout et de tous, le lien social se dégrade. À partir du constat qu’établit et des enjeux qu’apportent cette critique de la modernité, il m’a paru intéressant de comparer la proposition de la ville empruntée, qui venait en réponse à la commande des pavillons de la biennale sur la question de l’absorption de la modernité, et qui pose donc les mêmes questions que notre critique. En effet, la ville empruntée, telle qu’elle est exprimée dans l’oeuvre apparait comme une réponse artistique, voire utopique, cependant il ne s’agit pas dans ce mémoire de venter en quoi les démonstrations de Borrowed City4 montre la solution incontestée à notre problème de l’urbain. En revanche ce qui est intéressant à travers sa recherche c’est de saisir en quoi elle remet en question la notion d’appropriation de l’urbain, que ce soit par la puissance d’action du citadin, par le positionnement de l’architecte, la notion même de propriété, et d’autres problématiques liées à la question d’urbanité, dans un second temps elle est d’autant plus fascinante par sa capacité à surgir de l’urbain même et de ses usagers, et non d’une vision utopique, d’une théorie non confrontable à la réalité, elle reflète une pratique déjà existante, base expérimentable. À travers l’identification de la Ville empruntée qui procède tout au long de ce mémoire, c’est l’occasion de faire valoir la pertinence des idées, des théories et expérimentations qui posent les mêmes questions d’enjeu actuel que pose la ville empruntée, et de les confronter à son expression dans la pratique urbaine afin d’en faire émerger l’appropriation de l’urbain qu’elle propose et les conditions critiquables qu’elle implique. C’est cette confrontation entre les oeuvres reconnues de penseurs de l’urbain et de leur praticité dans les initiatives quotidienne et citoyenne, alimentant chaque jour ce répertoire de la ville empruntée, qui fait apparaitre les moyens d’action au sein de l’urbain, sa potentialité, et les perspectives qu’elle ouvre. Il s’agit donc ici, pour moi d’essayer de comprendre sur la base des attitudes marginales, des moyens d’actions mises en oeuvre par ces populations mis à l’écart par la société contemporaine afin de s’approprier l’urbain, comment et par quels moyens les pratiques architecturales alternatives ouvrent de nouvelles conceptions du mode de vie urbain en vue de donner aux citoyens des moyens d’action au sein de la société.

4. BRUNO marco, CARENA Simone, KIM Minji, Borrowed City: Motoelastico, Damdi, Séoul, 2013

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Methode de travail Afin de saisir au mieux la notion de ville empruntée à laquelle j’ai été récemment confronté, mon travail à travers ce mémoire nécessite une observation des recherches menées au sein du livre Borrowed City, des notions qu’elles soulèvent et des enjeux qui la constituent et de la rapproché à des pratiques anonymes qui entoure aussi mon environnement et qui m’ont orienté dans cette direction de l’architecture. Alors, pour en faire émerger le but et la raison il faut se plonger dans une histoire de la pensée radicale pour comprendre aussi d’où vient et vers ou elle se dirige. Voilà pourquoi mon introduction consiste en courte critique de la modernité, afin de remettre en contexte notre société ainsi que l’idée participative et en ressortir les enjeux du XXIe siècle. Une fois toutes les notions éclaircies et les outils en main, il est alors possible de jeter un regard critique sur les projets participatifs contemporains dans leur processus de conception ainsi que dans leur réalisation, et de les confronter aux enjeux desquels ils se revendiquent et la pertinence de leur réalisation au sein de la société. Il s’agit par l’analyse de ces projets aussi d’en développer les différents moyens par lesquels passent les architectes de ce mouvement et d’en voir aussi les limites. Une fois ceux-ci identifiés je confronterai les limites et les moyens légitimes qui seront ressortit de ces analyses à la notion de ville empruntée qu’évoque les recherches menées dans Borrowed City ainsi qu’avec une théorie du Crossbench Praxis qui vient comme réponse théorique aux pratiques observées par MotoElastico en vue d’ouvrir de nouvelles possibilités de la pratique architecturale alternative. C’est pourquoi pour l’élaboration du mémoire, la méthode consistait en l’exploration des pensées radicales qui permettent d’imaginer la ville empruntée, un voyage d’archéologie architecturale que je comprends comme un aller vers la ville empruntée. Cette exploration de diverses notions ou d’outils qui participe à la ville empruntée est exprimée par cette constellation d’acteurs mis en relation et qui forment une carte mentale, sur laquelle s’appuyer et permettre à l’autre une exploration approfondie. Ces cartes mentales n’ont pas pour but d’être exhaustives, ni d’être fixe ou d’imposer un catalogue d’acteurs légitimes, au contraire elles se proposent comme une galaxie de pensée qui se regroupe selon des thématiques ou des liens sociaux communs, gravitant autour de cette même conscience que cherche à exprimer la ville empruntée, et dont le vide ne demande qu’à se remplir de sens au fil de l’exploration. Ces cartes servent de point de repère en fonctions des différentes périodes, ou thématiques que nous allons analyser, n’étant pas fixes elles montrent aussi dans chaque partie les différents courants s’intéressant à la thématique, et n’étant pas fixes, elles montrent une superposition des thématiques selon les acteurs. Cependant, la présentation globale de ce mémoire reflète ce voyage retour de la ville empruntée à la réalité, à savoir confronter les théories et pratiques mises en place par les architectes, les idées communes à la ville empruntée, et les enjeux, les moyens aussi que reflètent les expériences de pratique de l’espace en marge des conventions. Ce voyage retour qui apparait à travers le cheminement de ce mémoire. C’est ce voyage retour qui permet aussi la critique d’une telle pratique de l’espace et de sa conception, afin d’affiner et d’en cerner les points sur lesquelles la ville empruntée peut être pertinente, ou son potentiel à le devenir. Finalement, il s’agit d’un aller-retour autour de l’idée de la ville empruntée, qui cherche à en ouvrir les perspectives, à faire émerger l’enjeu qu’elle représente.


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Asger Jorn

Joan Huizinga

CoBrA Patrick Bouchain

Yona Friedmann

L’internationale Situationniste

Constant Nieuwenhuis

Histoire de participer Lucien Kroll

Bertrand André

Notre voyage débute par l’exploration et l’évolution d’une pensée née autour de la rupture de la modernité, symbolisée par la publication du Droit à la Ville avant de nous amener sur une analyse des pratiques alter-architecturales contemporaines ainsi qu’aux recherches les accompagnant.

Collectif ETC Guy Debord

Il s’agit donc d’établir une sorte d’état des lieux, ou d’état de l’art, des procédés architecturaux qui ont pu être pensés depuis cette prise de conscience liée à la critique de la modernité d’en rassembler les points forts pour les critiquer et évaluer leur faire-valoir face à l’intervention du citoyen dans l’urbain.

Mouvement Mai 68

Aldo Van Eyck

Ype Cuperus

Zofia & Oskar Hansen Henri Lefebvre

Jacob Bakema

OBOM Ivan Illich

Giancarlo de Carlo

John Habraken

Team X

Georges Candillis SAR Shadrach Woods

CIAM Alison & Peter Smithson

Independent Group Christoher Alexander

Non-Plan Cedric Price Joan Littlewood

Wikihouse Peter Hall Paul Barker Buckminster Fuller Reyner banham

Une première partie nous dévoilera des courants de pensée et l’élaboration de théorie, voire utopie, qui relève de cette crise d’urbanité, pour les comparer et essayer de cerner ce que peut représenter l’idée du droit à la ville, par leurs convergences et les divergences entre leurs oeuvres et l’ouvrage de Lefebvre. Ensuite, nous nous attarderons sur quelques architectes, dont les années de pratiques suivent celles de nos penseurs, qui conscient de cette crise urbaine, et reconsidérant la pratique architecturale par rapport au citoyen, vont chercher à élaborer une pratique architecturale citoyenne. Opposant ou constatant une continuité entre la pratique et la théorie cette archéologie nous permettra de prendre compte les perspectives ouvertes et les devenirs possibles. À la fin de cette exploration, nous aurons constitué une base de ce qui a déjà pu être fondé ou ce qu’il reste à chercher dans l’expérimentation de l’architecture alternative. L’objectif d’établir cette base est de pouvoir ensuite la critiquer par rapport aux enjeux d’aujourd’hui, aux possibilités qu’offre la société comme actions dans l’urbain, mais aussi identifier à partir de cette connaissance, les points sur lesquelles s’appuient ces altre-actions d’aujourd’hui en vue de l’idée de ville empruntée.


Asger Jorn Joan Huizinga

CoBrA

Yona Friedmann

L’internationale Situationniste

Constant Nieuwenhuis

Nous avons pu voir en quoi les architectes de la modernité ont largement contribué à l’établissement de l’espace urbain tel qu’on le connait aujourd’hui dans notre société. Une manière de concevoir la ville qui nous semble amplement critiquable, et qui a été au fil du temps, largement critiquée par diverses philosophe, sociologues, urbanistes et architectes.

Bertrand André Guy Debord

Mouvement Mai 68

Alors que, souvent, on pense que la rupture avec la Charte d’Athènes, et donc la conception moderne de la ville, s’établit dans les années 60 avec l’apparition des groupes utopistes, il m’est apparu à travers une sorte d’archéologie de l’architecture radicale que les considérations liées à une critique de la modernité semblent émerger dès les années 50. Cette émergence de consciences marginales envers les codes établies par la Charte d’Athènes se traduit de manière diverse et à travers divers acteurs sur les bases de plusieurs influences. Les travaux que nous allons traverser dans cette première partie naissent tous autour de l’ouvrage majeur et marqueur de cette rupture qu’est le droit à la ville d’Henri Lefebvre. Bien que toutes les recherches ne témoignent pas forcément d’un lien direct avec l’ouvrage ou l’auteur, il est s’agit à travers cette exploration d’observé les similitudes entre le droit à la ville et ces différentes recherches, ainsi qu’en noter les perspectives qu’elles ouvrent envers cette idée dans des contextes culturels divers ou communs.

Zofia & Oskar Hansen Aldo Van Eyck Jacob Bakema

Henri Lefebvre

Giancarlo de Carlo

Team X

Georges Candillis

Shadrach Woods

Prémices d’un droit à la ville

CIAM Alison & Peter Smithson

Independent Group Non-Plan Cedric Price Joan Littlewood

Peter Hall Paul Barker Buckminster Fuller Reyner banham


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Henri Lefebvre et les situationnistes Face aux problématiques que suscite l’application de la Charte d’Athènes dans notre construction de la société, un homme, en la personne d’Henri Lefebvre, va provoquer une profonde remis en question des principes alors en place au sein du CIAM. C’est en 1946 qu’il publie le premier tome de son ouvrage Critique de la vie Quotidienne1 dans lequel la question de l’individu et de la praxis concrète occupent une place majeur. La Critique de la Vie Quotidienne aura une forte influence sur le mouvement de L’Internationale Situationniste2. Dans cet ouvrage Lefebvre pose la question de l’urbain comme contradictoire, c’est à dire en ce qu’il est à la fois l’espace productif dune société de consommation et de contrôle, mais aussi le terrain de possibles expériences inattendues, imprévisibles, et donc lieu de transformations. En cela Lefebvre fait écho aux situationnistes menés par Guy Debord3, et aura fortement influencé le groupe situationniste CoBrA4, qui eux voit dans l’urbain un «nouveau théâtre d’opération dans la culture». Historiquement le mouvement situationniste prend ses racines dans une continuité de l’Internationale Lettriste. Il me semble important de s’attarder sur la relation entre Henri Lefebvre et les situationnistes autour de la question urbaine, dans le sens où elle permet une première approche vers un Droit à la Ville par la transformation de la ville pour une autre vie. L’objectif situationniste se veut contre la société du spectacle en introduisant au sein de sa culture la participation totale. Le mouvement situationniste entend la pratique architecturale comme devant promouvoir le citoyen au rang d’acteur, en le faisant participer à la construction de situations. Par la « construction de situations »4, il faut comprendre la possibilité pour chaque citoyen de créer de façon transitoire des ambiances, du jeu, des événements, vécus, des «moments de vies singuliers et collectifs». Cet objectif, que l’on peut également considérer comme manifeste, implique, dans la pensée de l’IS, que ces constructions de situations devront être exprimées à travers une architecture mobile et modulable, avec laquelle chacun pourrait se permettre de réinventer son quotidien par une série d’expérimentations. Il s’agit de proposer, en opposition à une machine à habiter qui réduit l’existence humaine à des besoins primaires, un habitat considérant le corps comme instrument de découverte, instigateur de nouvelles pratiques de par son interaction avec ce qui l’environne. Au sein d’une société telle que la pense Guy Debord, le citoyen peut se permettre la réinvention du quotidien au travers du désir, un désir alors renaissant au coeur des villes, qui en s’exprimant invente de nouvelles formes de vies et offrant de l’événementiel. L’urbain, alors, ne laisserait aucune place à l’ennui, à travers ces multiples réinventions du quotidien on libérerait l’individu de l’aliénation, provoquée par la normalisation du quotidien et la spécialisation du travail, en transformant «la vie en oeuvre d’art»5. 1. LEFEBVRE Henri, Critique de la vie quotidienne, 1946 2. Internationale situationniste représentait à ses débuts l’expression d’une volonté de dépassement des tentatives révolutionnaires des avant-gardes artistiques de la première moitié du xxe siècle, le dadaïsme, le surréalisme1 et le lettrisme, orientée vers une critique de la société du spectacle, ou société « spectaculaire-marchande », accompagnée d’un désir de révolution sociale. 3. Guy Debord (1931-1994) est un écrivain, essayiste, cinéaste, poète et révolutionnaire français. C’est lui qui a conceptualisé3 la notion sociopolitique de « spectacle », développée dans son œuvre la plus connue, La Société du spectacle (1967) 4. CoBrA ou l’Internationale des artistes expérimentaux (IAE) est un mouvement artistique créé en 1948 par les poètes Christian Dotremont, Joseph Noiret et les peintres Karel Appel, Constant, Corneille, et Asger Jorn. 5. SIMAY Philippe, Une Autre Ville Pour une Autre Vie, dans, Droit de Cité, Rue descartes, 2009


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1. 2.

1. 3.

4.

1. DEBORD Guy, The Naked City, 1957, Illustration de l’hypothèse des plaques tournantes en psychogéographique 2.3. DEBORD Guy, Mémoires, 1959 4. BERTRAND André (membre de l’Internationale Situationniste), Le Retour de la Colonne Durutti, détournement d’illustration, 1966


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Homo Ludens et l’utopie New Babylon En parallèle avec le développement de la pensée situationniste, certains artistes et architectes vont porte un intérêt particulier pour l’oeuvre de Johan Huizinga, «Homo Ludens»1, dans lequel il décrit l’importance primaire de l’élément jeu au sein de la culture et pose l’homme sur le modèle du joueur. Huizinga définit cet élément du jeu comme « une action libre, sentie comme fictive et située en dehors de la vie courante, capable néanmoins d’absorber totalement le joueur, action dénuée de tout intérêt matériel et de toute utilité»2, le jeu devient donc moyen de création culturelle, ainsi que révélateur du potentiel des réalités quotidiennes, le jeu permet de constamment réinventer les règles de manière provisoire. Dans sa définition, Huizinga poursuit, «le jeu ne correspond à aucun besoin élémentaire, bien qu’il les présuppose tous. » Le jeu semble renouer avec l’art de se perdre dans la ville, une notion déjà mise en avant par Walter Benjamin par le biais du regard du flaneur3, expérimentateur du quotidien. On peut faire le parallèle entre la notion de dérive élaborée par les situationnistes et le modèle de l’homme-joueur développé par J.Huizinga dans le sens où tous deux se posent comme instrument de réinvention du quotidien. C’est chez Constant Nieuwenhuys4 que l’on retrouve se parallèle, pour qui la séparation des activités engendrées par le fonctionnalisme donne sa valeur à l’homme par sa capacité à produire de a richesse. Ces deux courants de pensée ont fortement influencé l’artiste, fondateur du groupe CoBrA, des influences que l’on retrouve dans l’ouvrage «New Babylon»5 représentatifs d’un travail d’une vingtaine d’années et initiés en 1956. L’ouvrage se veut en lien avec l’Internationale Situationniste, son titre d’origine étant « Dériville », faisant allusion à la notion de « dérive » si chère à L’IS. Il n’est pas surprenant de voir dans son oeuvre une telle influence, Nieuwenhuis, au cours de sa vie aura d’ailleurs souvent affaire aux acteurs de L’IS (Asger Jorn avec qui il fonde CoBrA) et en fera même parti grâce à l’intérêt commun porté autour de l’urbanisme unitaire. Notion qui pendra forme en 1958 lors de la déclaration d’Amsterdam6, dans laquelle les situationnistes cherchent à fonder un cadre social, utilisant tous les arts et technologies visant à la création d’ambiances et la construction de situations inédites. Cependant, la divergence des idées au sein du discours entre Nieuwenhuys et Debord le poussera rapidement à quitter l’IS. Le projet de « New Babylon » consiste en une série de maquettes, dessins, esquisses, collages ainsi que des essais, manifestes, films et présentations constituant une forme de propagande critiquant les 1. Joan Huizinga 1872-1945) est un historien néerlandais, spécialiste de l’histoire culturelle dans la lignée de Jacob Burckhardt. En 1938, dans Homo Ludens, Huizinga étudie l’influence du jeu sur la culture européenne. 2. HUIZINGA JOHN, Homo Ludens, 1938 3. Je fais référence au personnage inventer par Benjamin dans ses poèmes mais aussi à l’image qu’en fait Phillippe Simy dans Le Territoire des Philosophe, ou il analyse la pensée urbaine de Walter Benjamin. 4. Constant Nieuwenhuys, plus connu sous le nom de Constant, fonda en 1948, avec Corneille, Karel Appel et son propre frère, Jan Nieuwenhuys, l’Experimentele Groep in Holland. Il fit aussi partie du mouvement CoBrA dont il fut le théoricien. 5. Constant, New Babylon, Art et utopie, textes situationnistes, édition établie et présentée par Jean-Clarence Lambert, Paris, Cercle d?Art, 1997. New Babylon est un projet utopique d’urbanisme développé développé par Nieuwenhuys mais reconnu de l’Internationale Situationniste. 6. Texte écrit par Constant et Debord et publié en 1958 dans l’Internationale Situationniste #2 December 1958. Le texte arrive comme un manifesto du situationnisme.


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structures sociales qui lui sont contemporaines. La société que prône l’ouvrage tourne autour de l’idée d’une automation totale libérant l’homme du besoin de travailler et le remplaçant par une vie nomade où l’homme s’adonne à la créativité par le jeu et en rupture avec l’architecture traditionnelle et les structures sociales qu’elles impliquent.

1.

La ville dessinée dans New Babylon devient un réseau flottant sur plusieurs niveaux d’espaces intérieurs interconnectés, se propageant indéfiniment dans l’espace et laissant l’espace libre, en dessous, à la circulation des véhicules, au-dessus, au trafic aérien pouvant se déposer en toiture. Au sein d’une telle « ville » les habitants déambuleraient à pied, ou plutôt, « dériverait » dans un intérieur labyrinthique où l’homme peut se permettre la reconstruction d’atmosphères et où l’environnement est spontanément reconfiguré. Alors la vie sociale passerait par le jeu architectural, et l’architecture deviendrait l’expression de l’interaction des désirs. New Babylon a provoqué beaucoup de débats dans les écoles d’art et d’architecture faisant émerger un questionnement sur le rôle futur de l’architecte et Constant, pensant son projet au seuil d’une fin de l’art et de l’architecture, prévoyait la transformation des arts traditionnelle en une forme collective de créativité. Malgré sa position provocatrice, l’oeuvre sera largement publiée à l’international, lui attribuant une forte position dans l’architecture expérimentale et influençant de prochains architectes, mais se fera oubliée lorsque Nieuwenhuis arrêtera d’y travailler en 1974. Les divergences d’avis avec Guy Debord lui vaudront une lourde critique de la part de l’Internationale Situationniste en rapport à l’urbanisme unitaire préalablement collaboré avec Nieuwenhuis et pointant du doigt les limites d’une telle utopie et son détachement viv à vis de la déclaration d’Amsterdam, ce que Debord clarifiera en 1959, «l’urbanisme unitaire n’est pas une doctrine, mais une critique de l’urbanisme. Aucune discipline séparée ne peut être accepté en elle même, nous allons vers une création globale de l’existence»1. instrument de contestation visant a renverser l’organisation dominante de la vie. À cela, Constant répond d’un autre avis, pour lui il reste des concepteurs et des semi-joueurs au sein d’une société qui n’est pas encore pas mûre pour une révolution, des interprètes de l’homo ludens pour qui il est temps d’imaginer «une autre ville pour une autre vie»2. À son tour, L’internationale Situationniste, qui verra pourtant, lors de Mai 68, un prolongement de ses pratiques ludiques, ne pourra jamais expérimenter la construction et la réinvention du quotidien et subira le désabusement d’Henri Lefebvre qui dressera un constat du mouvement situationniste dans son dernier tome de «Critique de la vie quotidienne»3, résultat de constructions de situations en manque d’un caractère durable et d’un discrédit de celles-ci vis-à-vis d’une théorie révolutionnaire. Lefebrvre décrit, dans ce constat, que «la théorie de la révolution dans le quotidien devait avoir des répercussions imprévues. La connaissance critique allait engendrer l’hypercriticisme, a la limite la pure et simple négation abstraite de l’existant, le refus du réel traité comme un théâtre d’ombres... sur la voie de l’hypercriticisme, l’intelligentsia gauchiste a démoli toutes les valeurs avec d’excellentes raisons, mais en détruisant les raisons de vivre. Elle a scié la branche sur laquelle elle s’appuie. 1. DEBORD Guy, L’Architecture et le Jeu, op. cit., p. 158 2. Titre d’un texte de Constant publié en 1959 dans le bulletin n° 3 de l’I.S 3. H. Lefebvre, La Critique de la vie quotidienne, t. 3, 1981, Paris, L’arche

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1. 2. Constant Nieuwenhuys, 1963, lithographie sur papier, série de 10 lithographies 40,8 x 76,8 x 3 cm, MACBA Collection. 3. Constant «New Babylon (concept)», 1974 4. Constant «New Babylon (concept)», 1974 5. Constant Nieuwenhuys, Secteur Jaune (detail) (Yellow Sector), 1958, wood, metal, Plexiglas, 9×37 x 35”. 6. Constant Nieuwenhuys,Symbolic Representation of New Babylon, 1969, collage on paper, 55×60”. Photo: Victor E. Nieuwenhuys. 7. Group sectors, 1959 Coll. The Hague’s Municipal museum


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Du CIAM à la TEAM X Introduction de l’Open Form Au même moment, une scission se crée entre la première et la nouvelle génération des participants aux CIAM’s, au congrès d’Otterlo, en hollande, où le couple de Zofia et Oskar Hansen1 fait une déclaration sur le concept d’Open Building, l’Oeuvre ouverte. Le congrès d’Otterlo signera en même temps la mort des CIAM’s, dont la création de la Charte d’Athènes fut si péjorativement critiquée par Henri Lefebvre, et l’avènement de la TEAM X, l’un des plus importants groupes radicaux des années 60. Mais quelle pensée est à l’origine de la TEAM X, en quoi consiste le principe d’Open Building développé par les Hansen ? C’est au sein même des CIAM’s2 que l’on peut observer l’apparition d’une nouvelle génération de participants proposant de nouvelles idéologies en réaction envers les horreurs de l’utopie moderne au sein des deux dernières guerres mondiales et faisant émerger l’importance de la pratique spatiale quotidienne et la critique de l’exiztenzminimum3 en vue de la « création d’un environnement physique qui satisfasse les besoins émotionnels et matériels de l’homme et stimuler sa croissance spirituelle »4. En 1951 au CIAM de Hoddesdon, en Angleterre, la délégation britannique, dont font partie le couple Alison et Peter Smithson5, propose La MARS grid en réponse à la grille des modernistes, établit à partir de la grille originale de planification de la ville, avec comme points de composition la région, la place et le « core », littéralement, noyau. Au CIAM suivant, en 1953, à Aix-en-Provence, on voit deux nouvelles propositions de grilles. La première basée sur «l’Habitat du Plus Grand Nombre», appelé le GAMMA Grid, et qui s’inspire de l’observation des slums des villes d’Afrique du Nord, l’autre, le UR Grid, pour UrbanReindentification qui elle s’inspire des pratiques spatiales quotidiennes en Angleterre. De manière plus importante, c’est au cours du CIAM X que la nouvelle génération se détachera du mouvement moderniste, dans une volonté même de repenser l’organisation en place au sein des CIAM. C’est alors que le TEAM X voit le jour à travers la dizaine de membres de la nouvelle génération qui organisent en 1956 à Dubrovnik, en Hollande, la dixième édition du CIAM. Les membres faisant partie de cette organisation regroupent le couple Smithson, Aldo Van Eyck, Giancarlo de Carlo, Jacob B. Bakema, George Candillis et Shadrach Woods. Viennent avec ce congrès l’émergence de deux thématiques: celle de la relation avec les autres arts et celle du community planning. Pendant CIAM X, ce sont 35 grilles différentes furent présentées tandis qu’aucun des membres « fondateurs »6 ces CIAM’ s n’y fut présent, suite à leur résignation, ou n’y présentèrent quelconque projet. 1. Oskar Hansen (1922–2005), architecte, artiste et professeur l’Academy of Fine Arts de Warsaw qui publia, en 1959, l’Open Form manifesto. 2. Il faut garder en tête que c’est par les CIAM que fut crée la charte d’athènes, et qu’ils représente une union fortement symbollique du mouvement moderniste. 3. Exiztenzminimum : minimum acceptable pour la surface habitable, la densité, l’air frais, d’accès à l’espace vert, accès aux transports et tout autre service à rendre aux habitants. 4. Déclaration de Bridgewater (C.I.A.M. 6, 1947) 5. Le couple d’architectes britanniques, Alison Smithson (1928-1993) et Peter Smithson (1923-2003) ont sont souvent associés au style New Brutalist, qui voit naitre le Royal National Theater à Londres, et membres de l’Independent Group. 6. Entendez par la le groupe qui participa à l’établissement de la charte d’Athènes, emmené par Le Corbusier.


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Or, c’est bien en 1959, au congrès d’Otterlo que se signe la fin des CIAM et la naissance du raisonnement autonome du TEAM X. alors que les précédentes éditions des CIAM’s rassemblait un millier de spectateurs, celle-ci n’en rassembla que 43, afin de permettre un libre échange et une active contribution et éviter la présence de participants inactifs simplement spectateurs de l’avant garde. À Otterlo Aldo Van Eyck présente ces « Cercles d’Otterlo » ou l’on voit, dans l’un, le Parthénon, la Maision Particulière de Van Doesburg ainsi que le plan d’un village algérien, dans l’autre un groupe d’Indien Kayapo dansant en unisson, ainsi que quelques inscriptions autour, dans les cercles, connectant le diagramme. À travers ses deux cercles, Aldo Van Eyck met en avant la relation entre le domaine architectural et la réalité des relations humaines, le premier cercle propose une réconciliation des traditions architecturale afin d’en tirer un potentiel assez riche par rapport à la complexe réalité humaine, le deuxième lui montre cette incertitude du mouvement humain qui évolue dans le temps et avec les autres. Van Eyck nous indique que l’architecture doit composer avec cette constante et constamment évolutive réalité humaine, non pas, en ne considérant que ce qui a changé, mais aussi ce qui a su se pérenniser. Il propose l’imagination comme dénominateur commun entre l’homme et la nature. L’intervention de Van Eyck signe officiellement un retour à un certain humanisme dans l’architecture, la présentation de ces « cercles d’Otterlo » vient alors comme une sorte d’introduction à la déclaration de Hansen à propos de l’Open Form. Ce qu’Hansen propose dans une architecture Open Form, c’est l’inclusion au quotidien de l’individu au sein du collectif, le rendre indispensable à la création de son environnement. Hansen voit dans l’open architecture, une manière d’incorporer des changements dans le temps et l’usage et le développement des interactions au sein ce cette architecture. Il décrira lui même sa théorie comme étant « à propos de compositions variables, une mise en avant des procédés de la vie sur un fond urbain. L’oeuvre artistique de l’Open Form consiste à modeler l’espace cognitif, interprété comme un fond surlignant les événements constamment évolutifs dans la vie de la nature et de l’homme. L’idée est d’intégrer harmonieusement les formes vivantes biologiques terrestres avec l’espace dédié à l’activité humaine. Respectant l’individualité de chaque réservoir, l’art de l’Open Space crée une atmosphère spatiale propice à la réflexion, s’opposant ainsi à l’art de l’objet dominant dans l’espace, que le culte dogmatique dicte»7. Oskar Hansen poursuivra son concept de l’Open Form qu’il illustrera à travers plusieurs projets qui illustrent cette préoccupation pour l’appropriation physique et mentale de l’oeuvre, tels que le Countermemorial d’Aushwitz8 ou le pavillon polonais9 présenté à l’exposition internationale de Sao Paulo en 1959.

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Linear Continuous System10, principe bâtissant la ville sur un système linéaire, en contraste avec le modèle traditionnel basé sur la propriété, profitant à l’égalité entre les habitants, s’ouvrant sur la nature tout en maintenant à proximité les infrastructures au centre de la ligne. Vient ensuite l’échelle intermédiaire, celle du Mezzo, s’applique aux ensembles résidentiels, dont Hansen dresse plusieurs exemples d’un millier d’habitants au sein desquels la forme ouverte se trouve dans les espaces communs où l’habitant est libre d’utilisation. La dernière échelle, la plus petite, celle du Micro s’applique aux commandes individuelles telles que les musées, monuments et résidences individuelles, au sein desquelles l’Open Form prend sa forme originale.

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7. 6.

En développant son travail sur l’Open Form, Hansen chercha à catégoriser son travail sur différentes échelles, qu’il, au fil du temps, définit sur trois niveaux. Son niveau le plus grand, celui du Macro, consiste en une idée de planification de l’échelle du pays, du continent, auquel Hansen applique le principe de 7. Traduction personnele de HANSEN Oskar, Towards Open Form, 2005 8. Countermemorial d’Auschwitz : Le projet montre un concept innovateur autour de la notion de monument en considérant le site comme monument propre avec commme élément central une route de pavé noir d’un kilomètre de long pour 70 mètres de large, coupant le site en diagonale à travers le camp et pétrifiant tout sur son chemin, laissant le reste du site se laisser porter par le temps et l’entropie. 9. Pavillon Polonais de 1959 : Le pavillion d’Izmir, appelé aussi HT Structure (Hansen-Tomaszewski) est une structure basée sur un module parabolloid, se dépliant dans l’espace permettant la formation constante et ouverte de toitures de construction très légère et un rythme mathèmatiques de formes evolutives. 10. Ce systême vient en opposition à l’idée traditionnelle de la ville concentrique, il à été expérimenté à petite échelle sur le projet d’Osiedle Słowackiego estate à Lublin (1961) et Przyczółek Grochowski estate à Varsovie (1963).

1. Oskar Hansen, projet non réalisé du mémorial d’Auschwitz-Birkenau, 1958 2. Van Eyck, Smithsons et Bakema a Otterlo (Pays Bas) CIAM’59, Nederlands Architectuurinstituut, Rotterdam 3. Urban Re-identification (UR) grid, Alison et Peter Smithson, 1953 4. Aldo Van Eyck, Les cercles d’Otterlo 5. Oskar Hansen, Lech Tomaszewski, Pavillion Polonais à Ismir, 1955 6. Oskar Hansen, Lech Tomaszewski, HT Structure, 1955 7. Oskar Hansen, Études du Linear Continuous System


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Cedric Price, penser l’impensable Étudiant à l’Architectural Association dans ce contexte contestataire entre les membres des CIAM’s (dont les Smithsons), et amis de Buckminster Fuller1, l’architecte britannique Cedric Price est un personnage emblématique de l’architecture anticonventionnelle, sans limites, jamais fixe. Sa production sera inspirée par les questions de liberté personnelle et les notions de progressisme en vue de donner à l’individu les moyens d’agir en société. Ces projets sont le résultat d’une conviction que l’architecture doit permettre aux citoyens de penser l’impensable. Architecte provocateur il remet en cause la façon traditionnelle de concevoir l’architecture et l’acte même de construire, à ce propos il écrit que lors d’une commande il se demande si le client ne ferait pas mieux de divorcer plutôt que de construire une nouvelle maison. Pour Price le temps fait partie intégrant du projet architectural, il le conçoit comme la quatrième dimension en architecture. En effet, Price pense que les effets architecturaux évoluent dans le temps et découleraient de l’usage, du climat, et d’autres conditions qui nous sont largement incontrôlables. Ainsi, pour Price l’architecture n’agit pas en en réponse à un instant précis, mais plutôt comme une proposition de possibilités futures, en cela il commente d’ailleurs que «l’architecture doit être préventive plutôt que curative»2. Aussi le projet architectural étant alors une ouverture de possibilités ainsi qu’une anticipation de futurs usages, il s’agit, lorsqu’il conçoit, d’accepter la capacité à changer et être changé comme un processus continu plutôt qu’intermittent. De même que le projet accepte l’adaptabilité, la mutabilité, la transformation, il doit être capable de répondre ou plutôt de s’adapter dans une même durée à des opinions diverses afin d’éviter de tomber dans un système consensuel. Car le consensus, selon Price, au sein du projet participatif, en opposant les opinions en vue d’un projet final contredit leur intention générale d’un développement de l’individu par la constitution implicite d’une norme de la majorité et donc d’une aliénation de la minorité. Afin de montrer l’ambition révolutionnaire de Cedric Price dans la conception architecturale, attardonsnous d’abord sur trois projets de l’architecte britannique, dont deux n’auront pas été réalisés. Commençons par la volière du London Zoo (1961), aussi nommée Snowdon Aviary3, première réalisation de l’architecte, et qui malgré sa petite échelle ainsi qu’un usage relatant plutôt d’une communauté volatile qu’humaine, exprime déjà les principales considérations de l’architecte dans le processus conceptuel. De composition d’apparence complexe, le design est pourtant très simple, et d’une surprenante clarté. Afin de laisser le maximum d’espace libre au vol des oiseaux la structure, majoritairement en aluminium et acier est décrite par deux colonnes en tension permanente encrée dans un bloc béton a chaque extrémité et aux cotés desquelles sont posés, de chaque cotés, deux tétraèdres (quatre au total). Reliant les deux colonnes, un pont en béton précontraint permet l’observation des oiseaux. L’enveloppe est créée par la combinaison d’un filet accroché aux câbles en tension entre les structures métallique. Ainsi la volière permet la transformation en accrochant les câbles différemment autour des quatre tétraèdres, une utilisation du volume optimale pour les oiseaux, un éclairage optimal ainsi qu’une forte relation à la nature, mais aussi la possible d’être démontée lorsque la nécessité de la volière n’est plus.


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Il est important de noter que la réputation de Cedric Price s’est principalement fondée sur le radicalisme que présentent les idées de ses projets non réalisés. Le Fun Palace (1960-1974), projet commandé par la directrice de théâtre et fondatrice de l’innovant Theatre Workshop, Joan Littlewood4. Ce projet non réalisé, pose les bases d’une architecture qui se propose, comme ont pu la décrire les situationnistes, comme une toile de fond sur laquelle vient s’exprimer la pratique des usagers libres de toute modification organisationnelle de l’espace répondant à la spontanéité du désir créatif. Fun Palace fut le projet qui l’établit au rang des architectes les plus avant-gardistes de son temps. L’idée majeure autour de la conception du Fun Palace était de réaliser un laboratoire de l’amusement, comprenant des équipements de danse, musique, théâtre et spectacles pyrotechniques. Colonne de la pensée de Price et fil conducteur de la conception du Fun Palace, était l’idée qu’à travers la juste utilisation de nouvelles technologies, le public pourrait avoir un contrôle sans précédent sur son environnement, en résultant un bâtiment qui pourrait réagir aux besoins de l’utilisateur et des diverses activités y prenant place. Sur les documents faisant la promotion du projet on pouvait lire : « Choisis ce que tu veux faire — ou observe quelqu’un d’autre en train de le faire. Apprends comment s’y prendre avec les outils, la peinture, les bébés, la mécanique, ou bien écoute simplement ta chanson favorite. Danse, parle ou prend l’ascension jusqu’où tu peux voir comment d’autres font fonctionner les choses. Installe-toi dans l’espace avec une boisson et mets-toi à l’écoute de ce qu’il se passe autre part dans la ville. Essayes de déclencher une émeute ou commencer une peinture — ou allonge-toi et observe le ciel.»5 Faisant usage d’une structure en acier à l’air libre, entièrement desservi par des grues à portique mobiles, le bâtiment comprend un « kit de pièces »6 : modules de murs préfabriqués, plateformes, planchers, escaliers, et plafond qui pouvaient être déplacés et assemblés grâce aux grues mobiles. Pratiquement chaque partie de la structure était variable. En toiture un système de store mobile protège les utilisateurs des caprices climatiques tandis que des barrières de vapeur ou d’air chaud éliminent le besoin de murs extérieurs. L’espace résultant modifie sa forme grâce à des barrières variable et temporaire (panneaux de fibre, barrière optique, rideau d’aluminium, rideau acoustique).

1. Les Smithons qui agissent à cette époque de manière influente en grande bretagne notamment à travers le New Brutalism. Buckminster Fuller (1895-1983) est un architecte, designer, inventeur et auteur américain ainsi qu’un futuriste, Il a également mis au point de nombreuses inventions, principalement dans le domaine de la conception architecturale, la plus connue restant le dôme géodésique, et qui entretiendra un lien amical avec Cedric Price au cours de diverses conversations. 2. PRICE Cedric, The Square Book, Wiley-Academy, 2003 3. Du now de Lord Snowdon qui pris la resposabilité de la construction travaillant avec Cedric PRice et Frank Newby. 4. Joan Littlewood (1914-2002) est une directrice de théatre de grande envergure, elle est considérée par les britanniques comme la «mére du théâtre moderne». 5. Traduction personnelle du commentaire de promotion du projet Fun Palace. 6. PRICE Cedric, The Square Book, Wiley-Academy, 2003 7. Ibid.

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«Sa forme et structure, ressemblante à un énorme chantier naval dans lequel des enveloppes, destinées à accueillir théâtres, cinémas, restaurants, ateliers et espaces de rassemblement, peuvent être assemblées, déplacées, réorganisées ou rejetées continuellement » affirme Price. Bien qu’il ne fut jamais construit, le Fun Palace fut un projet de grande influence, allant jusqu’à inspirer Richard Rogers et Renzo Piano pour le projet du Centre Georges Pompidou de Paris. Tout comme il conçoit son bâtiment comme éternellement transformable, Cedric Price passera encore quatorze années à travailler et retravailler son Fun Palace. En même temps, qu’il apporte des modifications à cette oeuvre majeure de l’architecture britannique, en 1964, Price se penche sur un projet qu’il initie de son propre gré, mais qui ne verrais pas non plus le jour, d’une échelle beaucoup plus importante et à la racine d’une critique du système universitaire traditionnelle, Potteries Thinkbelt. Repensant radicalement la base du concept de l’université, la proposition de Cedric Price prévoyait une ressource d’apprentissage mobile accueillant 20000 étudiants7 faisant usage des infrastructures qu’offrait une zone industrielle en déshérence. Le projet vient en réponse à l’éruption quelque peu irréfléchie des constructions de campus des années 1960. Le projet de Price consistait alors en une transformation de sites en ruines des poteries de la région de Staffordshire, en Angleterre, afin d’y insérer un domaine d’éducation supérieur, principalement autour des voies ferroviaires desservant la région. Cette utilisation des infrastructures existantes permet l’’évolution de la région en une communauté d’apprentissage largement répandue tout en promouvant sa croissance économique. Sa proposition profita du chômage, du programme de logement local, d’un réseau ferroviaire récurent, de grands espaces vacants, d’un sol instable et d’une demande nationale à l’égard de scientifiques et ingénieurs. Cedric Price s’intéressa à encourager le potentiel existant. Plus encore les rames pouvaient être reconfigurées en espaces d’études afin que l’enseignement soit transportable. Il ne s’agit donc pas d’un unique bâtiment, mais d’un réseau de salles de classe mobile et de laboratoires placés sur les voies ferrées existantes afin de pouvoir se déplacer des logements modulaires aux unités administratives en passant par une bibliothèque, une usine sur place ou un centre informatique. Ce mouvement permet à beaucoup de variantes au sein du système d’être réorganisée au gré des besoins. Le projet prévoyait trois lieux majeurs de transport formant une aire triangulaire se diffusant sur 100 km2 et comprenant chaque ville comme partie de l’institution. Profitant de la modularité des rames de trains, les classes et laboratoires pouvaient être reliés formant des unités plus vastes allant jusqu’à des volumes s’élargissant sur trois voies et reliés par des murs gonflables et des platelages portables. Parmi les intentions du projet était aussi le souhait de combiner les résidences étudiantes avec les locations du conseil local. Ainsi Price s’intéressa aussi à différents modes de logement, en tout quatre formes d’unités résidentielles aux noms provocateurs ( sprawl, capsule, crane et battery), mais facilement intégrables à l’habitat local.


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1.

5.

6. 2.

3.

7.

8. 4. 1. Axonomtrie pour le London Zoo Aviary Regents Park, London 1960-1963 2. Plan pur Potteries Thinkbelt, Staffordshire, Angleterre, 1965 3. Vue, superposition de dessins sur phtographie, de Potteries Thinkbelt, 1965 4. Études des diiférents modes d’habitation autour de Potteies Thinkbelt, 1965 5. Axonométrie diagramtique 6. Plan du Fun Palace 7. Coupe Perspective du Fun Palace 8. Vue d’hélicoptère sur le Fun Palace.


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Le Non-Plan En guise de conclusion, pour cette partie, je souhaiterai que l’on s’attarde sur une des dernières propositions utopiques des années 60, car elle rassemble dans l’essence l’ensemble des préoccupations et des propositions préalablement décrites et se trouve incroyablement proche de l’idée de ville empruntée. Cette expérience utopique développée par Paul Barker, Peter Hall, Reyner Banham1 et incluant aussi l’architecte Cedric Price fut publiée en 1969 sous le nom de Non-Plan, et ce 3 ans avant Learning From Las Vegas2. À l’époque, et on le retrouve encore aujourd’hui, un aménagement était considéré comme réalisé lorsqu’il était terminé, cependant personne ne s’occupait de vérifier s’il fonctionnait, les journaux recyclant les discours d’intentions le jour même des inaugurations plutôt que de dresser une critique de ses effets, soucis que seuls les habitants gardaient en tête. L’intérêt de dresser l’esquisse de la théorie du Non-Plan né de cette critique des conventions d’aménagements dépassées appelant à redonner aux citoyens un certain contrôle afin de permettre l’élaboration de processus autogérés. La question derrière le constat accablant de l’aménagement territorial de l’après-guerre était de se demander si les choses auraient pu être pires s’il n’y avait jamais eu de planification. La publication de Non-Plan devient alors une protestation envers l’établissement élitiste du «bon goût»3 un point que Paul Barker considère lui-même comme commun aux situationnistes, tant il visait à combattre l’ordre établi et l’uniformité contrôlée de l’environnement bâti. D’une manière ou d’une autre, tout doit être surveillé, rien ne doit être autorisé à survenir. En réponse à cette pensée carcérale, l’idée derrière Non-plan était que lorsqu’un professionnel conçoit des communautés il devrait fortement réfléchir avant d’imposer à d’autres une manière de vivre, car chacun possède ses propres habitudes et idées. Alors que la planification cherche à combattre l’hétérogénéité, sinon en apparence, du moins dans la capacité à transformer, le Non-Plan quant à lui encourage les irrégularités et exploite les particularités, il cherche à explorer de nouveaux moyens d’inclure la population dans la conception de leur environnement en contournant l’aménagement bureaucratique et donnant l’opportunité au peuple de bâtir l’environnement dans lequel il souhaite vivre ou travailler. Concernant la conception, les rédacteurs du Non-Plan reconsidèrent même la manière de tester la qualité d’un édifice non pas par sa capacité à endosser le rôle pour lequel elle fut bâtie, mais sa capacité et adaptabilité continue à répondre aux usages qui lui seront attribués dans le temps. Paul Barker va jusqu’à appeler cela le test du Non-Plan4. 1. Paul Barker est un journaliste britannique né en 1935. Peter Hall (1932-2014) était un urbaniste anglais professeur à la Bartlett, Londres. Peter Reyner Banham (1922-1988) était un critique d’architecture anglais, connue pour ses ouvrages théoriques, notament L’Architecture des Quatres Écologies. Tous les trois ont participé à la diffusion du principe théoriques qu’est le Non-Plan mais aussi à sa diffusion dans les médias à travers la publication d’un article collaboratif au sein du magazine New Society, dont Paul Barker est membre fondateur. 2. VENTURI Robert, BROWN Denise Scott, Learning From Las Vegas, 1972. LIvre qui a suscité la controverse à sa parution, appelant les architectes à être plus réceptifs au goût et aux valeurs du «commun» et moins présomptueux dans l’érection de monuments narcissiquement héroique, et exposant notament la notion du «canard» et du «hangar décoré» 3. BARKER Paul, Non-Plan Revisited : or the Real Way Cities Grow, Journal of Design History, 1999. Un article qui reprend le chapitre de Paul Barker dans Non-Plan an Experiment in Freedom, tel qu’il est sortie dans sa publications et va plus loin dans l’analyse du Non-Plan et de sa compréhension en la confrontant à son expérience de cette théorie dans la ville de la période où il écrit. 4. Ibid.


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i2

En effet, il est très difficile de savoir ce qui est bon pour l’autre, en ce sens un développement qui suit son cours sans trop de prescriptions semble plus juste. La ville n’est pas un programme informatique, elle possède un mode de vie qui lui est propre. Les villes les plus rigoureusement planifiées, telles que le Prais d’Hausmann et Napoléon III, ont tendance à être les moins démocratiques. Nous ne pouvons prédire quelles innovations se pérenniseront ou lesquelles viendront à mourir, en ce sens la planification, en se basant sur des prédictions, n’a aucun sens. Bien sûr, il est tout à fait acceptable de poser des règles restrictives très basiques, et le Non-Plan n’y est pas hostile (on le verra lorsqu’il prend forme dans un article de Price). Par exemple concernant des zones non aedificatoria ou bien une limite quant à la hauteur des bâtiments. Cependant, cela doit rester au stade le plus minime possible.

1.

2.

3.

1. Une proposition de la part de Cedric Price de ce que peut être le Non-Plan comme sa collaboration à l’article de New Society. Cet article prend forme de liste dans laquelle Price énumère ce qui doit être interdit ou ce qu’il doit être interdit d’interdire, ainsi que les dispositifs à mettre en place à remplacer ou à éliminer afin de pouvoir établir un urbanisme sur les fondements du Non-Plan. 2. Un exemple des illustrations que l’on pouvait trouver dans L’article sur le Non-Plan, et qui fait écho au livre de Venturi, Learning From Las Vegas. 3. Une photo aérienne d’un bidonville, comme représentation, peut-être éxagérée, du genre de développement anarchiste et pourtant sensible qu’aurait proné un urbanisme sur la base du Non-Plan.


Simone Kroll

Patrick Bouchain

Lucien Kroll

Collectif ETC

Tracés de radicalité Tandis que les années 50, semblent jeter les premières lignes d’une manière de penser l’architecture par rapport à son ancrage réel dans la société, ces préoccupations vont trouver écho à travers une prochaine génération d’architecte. Quand les Situationnistes, Nieuwenhuis, Friedman, la Team X ou Cedric Price, ouvre la voie pour de nouvelles architectures, conscientes et soucieuses de l’homme et son environnement, ils créent un véritable détachement, une réelle révolution dans la manière de concevoir l’architecture. Cependant, nous réalisons assez rapidement que de telles propositions sont difficilement acceptées, voire intégralement rejetées, dues au contexte hostile dans lesquelles elles sont introduites. Bien sûr il n’est de révolution facilement acceptée par l’ordre établi, et ce moment montre bien la marque d’un début de l’une d’entre elles. Le seul regret qu’on puisse en avoir est de n’en récupérer qu’un héritage théorique qui n’a pas laissé de réelles traces dans l’environnement architectural bâti.

SAR John Habraken Ivan Illich Ype Cuperus

C’est précisément ce à quoi vont alors s’atteler les prochains architectes sur lesquels nous allons nous pencher. Eux aussi élaboreront leur théorie, souvent descendante de celles préalablement étudiées, mais ce qu’il est plus important de noter à travers leur découverte, c’est surtout le passage de la théorie à la pratique. Dans ce chapitre observerons comment ces principes radicaux ont pu être développés et de différentes manières, mais aussi la mis en place de tels processus à travers des projets concrets. Ainsi nous serons à même d’attester d’un ancrage réel d’une architecture soucieuse de sa société, dans son histoire, par quels moyens d’interventions, comment ces projets sont-ils appréhendés, quel est leur principe novateur par rapport aux processus « normaux » de projet ? Comment ces projets posent-ils les bases d’une différente manière d’exercer le métier d’architecte ?

OBOM

Christoher Alexander

Wikihouse


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John Habraken, Supports Architecte néerlandais, diplomé de TU Delft en 1955, il s’interesse, comme s’intitule son livre, aux alternatives face au logement de masse1. Il est intéressant de noter un interet tout particulier pour le logement, un interet qui, aupréalable, ne faisait pas partie des principales préoccupations du monde de l’architecture, et qui sera le point central de la réflexion d’Habraken, réfléxion autour de laquelle il élaborera la théorie de l’Open building (à ne pas confondre avec Open Form) intégrant les notions de Support and Infill. Le point de départ de cette théorie vient de l’hypothèse (peut être quelque peu optimiste) que, si les citoyens, soucieux de l’environnement qui les entourent, chercheront à l’entretenir voire l’améliorer, alors l’environnement bati doit encourager les habitants à être responsable de leur propre territoire. Un environnement distinguant clairement les espaces et parties dont l’occupant doit avoir la responsabilité rendra propice le besoin pour l’habitant d’en être responsable, il semble alors évident qu’un batiment doit être concu de manière a ce que chaque partie s’addresse clairement a l’ensemble des individus la concernant. Ainsi la répartition du processus constructif doit refleter les différentes strates de prises de décisions et la définition des responsabilité entre chaque ensemble d’individus2. Habraken définit alors cette division du processus par plusieurs descriptions des connexions entre les éléments du bati, créant à leur tour des édifices autorisant leur modification ou désassemblage et ainsi transformant la construction en acte de fabrication en opposition avec la reproduction standardisée industrielle.

De plus cette recherche autour de la théorie de l’Open Building, devient la clé pour une réduction du gaspillage en solicitant une coordinations entre dimensionnement et positionnement plutôt que la découpe improvisée sur place, utilisant ainsi l’information plutot que l’énergie, permettant aussi la réutilisation des éléments constructifs et leur durée de vie.

1.

2.

Pour Habraken, comme il fut le cas chez Cedric Price et le Non Plan, «nous ne devrions pas prédire ce qui va se passer, mais essayer de prévoir l’imprévu»3. Afin de pouvoir s’adapter à l’imprévu, il suggère donc l’introduction de différents niveaux de prise de décisions dans le processus constructif concernant le tissu urbain, le support et l’«infill»4, les deux derniers faisant réference au squelette du batiment et à son aménagement. Ces cette séparation entre support et aménagement qui définit la colonne vertébrale de l’Open Building par sa distinction de différent niveaux de controles, de responsabilité et enfin de technique, dans l’intention de restaurer une relation naturelle entre l’habitant et son environnement tel qu’on le constate depuis de des millénaires avant notre époque. Au fil du temps et des intérets pour cette théorie, un laboratiore dont il est maintenant directeur, la SAR (Stichting Architecten Research) établie en 1965, explore les perspective énoncé dans son livre, tandis qu’un autre, le groupe OBOM de TU Delft, étudie depuis les années 80 étudie les questions relatives à la mise en oeuvre de telles idées en pratique. Avec la SAR il developpera le concept du Tartan Grid, une maille d’une trame de 10 et 20 cm comme base de conception pour différent niveau de décision et précision, modèle largement exporté à l’internationale.

1. HABRAKEN, N.J., Supports an alternative to mass housing, Amsterdam, 1961 2. CUPERUS Ype, Housing for the Millions, The challenge ahead, conference papers, Hongkong, 1996. Ype Cuperus et aujourd’hui à la tête de l’OBOM Research Group. 3. HABRAKEN, N.J., Supports an alternative to mass housing, Amsterdam, 1961 4. En anglais le terme «Infill» sous-entend un acte de remplissage, de prise de possesion d’un espace.

4. 3.

1. La composition de Glyphes réalisé par John Habraken et accompagnant l’ouvrage Supports, an Alternative to Mass Housing. Des glyphes qu’Habraken préfère comme représentation des notions liés à l’habitat, car par leur abstraction né de l’imaginaire d’Habraken, nait ainsi de l’intéraction des ces glyphes entre eux, la participation à la construction d’un autre imaginaire remplit par celui qui le percoit. 2. L’échelle des niveaux de responsabilités 3. Tartan Grid : La maille d’une trame de 10 et 20 cm développée par la SAR et qui sert à prévoir les emplacements, les épaisseurs, comme un outils multidisciplinaire de la construction. 4. Une série de figure représentant la dimension évolutive du principe du Support et de l’Open Building, autorisant à une strcture existante de se développer, se transformer dans le temps en fonction des usages qui habite l’espace.


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Lucien Kroll et l’incrémentalisme Lucien Kroll, architecte belge, ou plutôt tel qu’il se décrie, an-architecte1 remet en question la position de l’architecte dans le processus architectural et pose les bases d’un processus participatif faisant des habitants une réelle entité vivante et donnant vie au bâtiment. Nous verrons les notions d’incrémentalisme et de participation, en vue d’une architecture dite «habitée»2

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simple construction du bâtiment, la participation habitante selon Kroll doit permettre l’appropriation, la modification, l’amélioration progressive des logements par les habitants eux-mêmes. Il lui arrivera de retourner à la mémé quelques années plus tard, constatant autant de changement architecturaux que sociales, voyant les cloisons mobiles qu’ils y avaient installées créer de nouvelles chambres plus spacieuses faisant naitre des colocations entre étudiants et notant la constante responsabilité des habitants vis-à-vis de leur environnement, refaçonnant et encourageant selon vouloir une autogestion de la vie étudiante.

« Donc inorganique, cela doit viser les minéraux qui se juxtaposent, les répétitions mortes d’éléments identiques, les systèmes mécaniques simples, sans histoire et sans avenir. Nous venons à l’instant de définir l’urbanisme et l’architecture moderne»3, voilà à quel point l’architecte tient en horreur la machine moderniste. C’est cette même machine que Kroll cherche à combattre à travers de multiples initiatives, surtout en France, concernant les grands ensembles et les villes nouvelles, architectures qu’ils considèrent d’ordre militaire. Des grands ensembles qu’il dégrade, les réduisant à l’échelle humaine et non plus de la machine, ainsi que des villes nouvelles qu’ils restructure ou déstructure (selon le point de vue) selon les habitudes des habitants afin d’encourage l’appropriation d’un lieu qui leur appartient. Malheureusement, la force de ces projets, la peur de l’inconnu, sa capacité d’émancipation dans la construction et le désordre qu’il implique font souvent peur à l’ordre établi et lui vaudront beaucoup d’invendus, projets non réalisés.

1.

Cette démarche que l’architecte construit au fil de ses rencontres, puisque c’est par la rencontre qu’il réalise ses projets — «Pas d’habitants, pas de plans !»4 —, il la qualifie d’incrémentale, «façon désorganisée de s’en sortir ». Le terme d’incrémentalisme désigne cette même idée que sollicitait le Non-Plan, une méthode prônant le développement individuel au sein d’une communauté. L’incrémentalisme de Kroll agit comme suivi réactif du processus constructif, préférant aux grands sauts de la planification une agglomération progressive d’espace habité conçu autour d’une communauté d’individus à l’image de la constitution biologique d’un corps vivant. On sent d’ailleurs que l’architecte, à plus long terme, aimerait voir proliférer, comme chez les champignons (l’image plairait à sa compagne jardinière) des initiatives constructives, issues des préoccupations habitantes, non planifiées. Penchons-nous alors sur le projet iconique d’architecture participative, qui fait la controverse de l’architecte, la Maison Médicale de Louvain, baptisé par ses habitants, la Mémé. Né d’une intention collective de la part des étudiants en médecine de Louvain, la petite communauté fait appel à Lucien Kroll pour l’élaboration de résidences étudiante, visant ainsi à devancer l’institution universitaire UCL, afin de pouvoir créer une manière de vivre qui leur est propre et non par des codes institutionnels préétablis qui ne leur correspondent finalement pas. Le projet de la Méme est de faire « de la culture étudiante son véritable maitre d’ouvrage »5. Ayant naturellement compris que l’enjeu du programme se situe dans la diversité de ses habitants, il fera participer les étudiants à la construction de leur résidence, permettant à chacun d’eux de concevoir son propre espace de vie ainsi que la manière qu’ils auront de vivre en communauté à travers la gestion de parties communes, jugeant « irrationnel d’imposer des éléments identiques à des habitants divers» les rendant «identiques, amorphes ou révoltés»6. Plus qu’une 1. Contraction des mots «architecte» et «anarchiste» 2. Citation de Lucien Kroll dans BOUCHAIN Patrick, Simone et Lucien Kroll : Une Architecture Habitée, Actes Sud, 2014 3. KROLL Lucien, Architectures Organiques? dans BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement : Comment Faire ?, Actes Sud, Paris, 2006 4. Citation de Lucien Kroll dans BOUCHAIN Patrick, Simone et Lucien Kroll : Une Architecture Habitée, Actes Sud, 2014 5.6. Ibid.

2.

3. 4.

1. Schémas représentatifs de l’idée d’incrémentalisme 2. Axonométrie du projet de la Mémé éalisé par lucien Kroll en 1970 3. Photographie de la Mémé, Martin ARGYROGLO pour le lieu unique, dans le cadre d’une exposition rétrospective de l’oeuvre Krollienne dirigée par Patrick Bouchain. 4. Schémas de Lucien Kroll illustrant la possibilité d’évolution à long terme d’un grand ensemble, selon les caractéristiques incrémentalistes.


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Christopher Alexander, les Patterns Architecte-mathématicien, Chistopher Alexander s’intéresse à l’«empowerment», c’est-à-dire à la manière d’aider les populations à se réapproprier leur environnement bâti. Notamment à travers l’idée de Pattenr langage comme outil d’empowerment afin que tout un chacun puisse construire sur diverses échelles. Dans son livre A City Is Not a Tree, Alexander nous explique sa manière de comprendre le monde à travers la métaphore de l’arbre comme image erronée de la ville et la révèle, dans une opposition entre ville traditionnelle et ville artificielle, fonctionnant comme organisme sur plusieurs échelles. Dans A City Is Not a Tree1, Alexander expose une critique du diagramme « arbre » et de son application suprême dans l’urbanisme de l’époque, une structure diagrammatique ou chaque élément prend place dans un système hiérarchique pyramidal, par le biais de sous-catégories connectées par des regroupements de plus en plus englobant. Selon Alexander, la structure diagrammatique « en arbre », représentant notre manière de concevoir les villes nouvelles, est la manière la plus aisée pour l’esprit humain de véhiculer une pensée complexe. Cependant, la ville n’est et ne peut pas appartenir à cette structure «en arbre». Pourquoi? Car «la ville est un réceptacle pour la vie» et «si ce réceptacle empêche la superposition des différents aspects de la vie en son sein, car ramifié en arbre, celui-ci serait comme un bol plein de rasoirs sur le fil, prêt à découper ce qu’il contiendrait», il continue, «dans un tel réceptacle, la vie se ferait découper en morceaux.»2

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Trente ans avant l’idée de la Wikihouse et des fablabs, Alexander constitue un réel dictionnaire, une sorte « Conception pour les nuls » dans lesquels il décrit 253 Patterns différents autour des villes, les édifices et la construction5. Son but, créer une méthode pouvant aider la manipulation d’une grande quantité d’information complexe à travers l’identification de ces Patterns (motifs) qui se retrouvent abondamment dans l’environnement bâti et se combinant forme un système, un langage. Il se referre, dans les patterns, aux relations entre objet, et non pas aux objets eux-mêmes, pouvant être identifié, arrangé, réarrangé et réutilisé comme la relation entre les mots visant à former un langage. Ainsi définissant les grandes lignes des ces langages, il s’agit pour tout un chacun d’apprendre à le parler, et donc concevoir, ou d’en créer un nouveau.

1.

Face à l’arbre, base de la ville qui nomme « artificielle »3, il propose l’alternative de ville « naturelle », s’inspirant du modèle des organismes biologiques. C’est sur une structure diagrammatique ouverte, où les parties se connectent sur différents niveaux de relations et les éléments interagissent de manière flexible, sans l’aplomb de hiérarchie, que la ville «naturelle» peut voir le jour. Un tel modèle tend à faciliter et rendre propice une multiplication des connexions et de niveaux informels de relations entre éléments. Au centre de cette théorie se trouve l’idée que la qualité d’une conception ne se base pas sur un bon fonctionnement mécanique des éléments, mais plutôt de régions spatiales s’amplifiant les unes les autres dans un tout plus large. Cela implique de ne plus considérer l’environnement en le fractionnant, mais comme un dispositif d’éléments, « Patterns » 4 chacun soutenant et émancipant les autres dans un tout complexe et interdépendant, tel un organisme naturel. En parallèle avec son raisonnement sur la ville naturelle, définissant un fonctionnement basé sur le pattern, Alexander cherche à encourager l’autoconstruction. Ayant déjà fait l’état de ces Patterns, Alexander va plus loin en les identifiant dans la ville et son mode de construction, un langage, qu’il appelle Pattern Language. Un langage, ou plutôt des langages, déjà visible dans les architectures les plus traditionnelles et qui rappel la capacité que chacun peut avoir d’apprendre à concevoir un bâtiment.

1. ALEXANDER Christopher, A City Is Not a Tree, [en ligne]. RUDI, 1997-, mis à jour en 2000 [consulté le 11 mars 2015]. Disponible sur : http://www.rudi.net/books/200 2. ALEXANDER Christopher, A City Is Not a Tree, [en ligne]. RUDI, 1997-, mis à jour en 2000 [consulté le 11 mars 2015]. Disponible sur : http://www.rudi.net/books/201 3. Ibid. 4. Terme venant de l’ouvrage : ALEXANDER Christopher, A Pattern Language: Towns, Buildings, Construction, Center for Environmental Structure of Berkeley, 1977. 5. Cet outils de conception est aujourd’hui en ligne et disponible pour tous sur le site www.patternlanguage.com

2.

1. Diagrammes représentant la structure arbre et la structure dite du pattern, de la ville naturelle. 2. Le Hall de la salle à manger d’un centre pour sans-abri de San Jose où Christopher Alexander décide d’aller plus loin dans la conception de la salle à manger, lieu de répis pour les sans-abri, lui apportant une dimension spirituelle, identitaire, en concevant une charpente rappelant celles des monastères américains. La spécifité de cete charpente résidant dans le matériau utilisé, ici la charpente n’est pas en bois, mais bien en béton, dû aux coûts de sa construction et à sa facilité de fabrication, elle illustre aussi la dimension incrémentaliste de son processus conceptuel, s’attardant sur chaque détail point par point.


Construire autrement Les architectes précédemment exposés semblent tous s’attacher autour de deux thèmes qui sont le rapprochement de la figure d’architecte envers le public et la question de sa position et son rôle dans le procédé architectural, ainsi que le point de vue porté sur la la manière de construire, l’attachement aux savoirs faire, a la tradition, l’utilisation de l’industrie comme outils de construction. Ces deux questionnements présents chez ces architectes sont révélateurs de l’application des pensées radicales dans la concrétisation du projet architectural, du construit et du réel. De plus on pourra noter la présence émergente des idées d’outils de convivialité développés par Ivan Illich, dans le sens ou chacun de leurs principes, le support, l’incrémentalisme participatif ou le pattern langage, se présente tous comme une mis à disposition d’outils de conception constructive, voire de la construction elle-même, pour tous et sans un préalable besoin de facultés intellectuelles particulières. Cependant il dénote tous d’un mode de construction selon un certain nombre de codes, ou de conventions à établir, ou établi. Ces théories, bien qu’elles permettent une ouverture de l’architecture à la disposition du public à travers cette mise à disposition des outils en vue d’entreprendre une construction, n’exploite cependant pas le potentiel unique et propre à l’individu qu’est l’imagination. En effet il semblerait que dans les faits, et non pas forcément la volonté, la mise en place de telles guides ne font que ressortir des formes préexistantes sans en remettre en cause le réel intérêt quand peut être l’imaginaire de l’individu lui permettrait peut être une plus forte relation à l’environnement bâti et surement une plus grande cohérence.


Mirko Zardini

Tatjana Schneider

Giovanna Borasi

Centre Canadien d’Architecture

Jeremy Till

Autour d’une écosophie Nous savons donc qu’il existe des alternatives concrètes à une architecture aliénante et criminogène. Les utopistes des années 50 ont ouvert une brèche, le trio des années 60 en s’y est inscrit et en à donner le tracé. Aujourd’hui avec l’éveil d’une conscience nouvelle de l’environnement, et l’héritage intellectuel et architectural qui nous a été légué, l’expérimentation devient possible.

Nishat Awan

Spatial Agency

Muf architecture Raumlabor

EXYZT

Assemble Collectif ETC

Felix Guattari

Mathieu Poitevin

Patrick Bouchain

Global Awards for Sustainable Architecture

Michel Onfray

Thierry Paquot

Pourquoi une réémergence soudaine ? On pourrait déjà citer le constat d’un bilan écologique alarmant, qui fait qu’une bonne partie de la population déjà commence à prendre conscience de son empreinte écologique sur Terre et qu’ils s’intéressent à d’autres manières de vivre en respectant l’écosystème dont ils font partie. On pourrait très bien parler d’une autre forme de prise de conscience, d’un niveau social, peut être moral, qui, du à une augmentation des moyens mis à disposition par les nouvelles technologies, s’est vu de plus en plus informée, par des médias de plus en plus efficaces, sur les inégalités sociales qui règnent au sein des relations entre peuples que ce soit au niveau local comme international. Ou peut être pourrions nous parler d’une allégorie de la caverne de Platon dont plusieurs ont trouvé la sortie, grâce à une liberté de pensée, et plus encore en recherche l’issue, des individus, des communautés qui se libèrent du besoin obsolète et imposé, obéissant au désir et cherchant l’échappatoire aux contrôles incessants. Ces questions qui commencent à émerger, on les retrouve dans l’ouvrage du philosophe français Félix Guattari, paru en 1989, dont la lecture a surement influencé cet engouement. Dans son livre Les Trois Écologies1, Guattari développe l’idée d’une Éco-Sophie2, renvoyant à une sagesse ou plutôt conscience de l’habiter et qui passe par trois niveaux différents d’écologie. Notons toutefois que l’idée d’écosophie ne vient pas avec la volonté d’être une solution à échelle globale, mais plutôt comme un outil, rappelant la notion d’outil de convivialité d’Illich, visant à l’appréhension de situations. Ces différentes écologies, il les nomme ainsi : l’écologie mentale, l’écologie sociale et l’écologie de la nature. L’écologie mentale prônant la singularité, la subjectivité de l’individu ou de la communauté d’individus. L’écologie sociale liée aux réalités sociales et économiques, «socius». Enfin, l’écologie environnementale, concernant les rapports à la nature et les considérations écologiques habituelles. Le livre naissant du constant alarmant de notre empreinte écologique, il s’agit pour Guattari de s’attaquer au problème non pas simplement en agissant sur le coté environnementale, mais bien d’instaurer un organisme superposant les trois niveaux d’écologie rétablissant un ordre dans l’écosystème, et non pas un ordre lié au contrôle. « Car l’agencement des êtres comme des vies, des maisons autant que des villes, des individus et des générations, des peuples et des nations, suppose une écologie généralisée qui mobilise toutes les disciplines à même de contribuer à ce chantier inédit.» 3 1. GUATTARI Félix, Les Trois Écologies, Galilée, Paris, 1989 2. Contraction des mots «éco» (du grec oïkos signifiant l’habitat) et «sophia» (signifiant en grec «sagesse») définissant une forme de sagesse de l’habiter. 3.ONFRAY Michel, Principes de Contre-renardie, dans BOUCHAIN Patrick, Construire Autrement : Comment Faire, Actes Sud, Paris, 2006


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Acteurs Contemporains

Moyens d’actions

Plus de quarante après la petite bombe sociologique d’Henri Lefebvre, c’est comme une rivière souterraine qui refait surface avec l’apparition d’une nouvelle constellation d’architectes, dans la lignée de ceux dont nous avons appris les alternatives. On pourra d’ailleurs les qualifiés, pour les professionnels d’« Alterarchitectes » comme l’exprime L’Alter Architecture Manifesto1, de Thierry Paquot, ou d’Acteurs, comme l’illustre Actions2, du Centre Canadien d’Architecture.

Puisqu’il s’agit alors d’acteurs, des individus qui agissent en communauté, peut-être ne faut-il pas voir ces créations comme oeuvres, mais comme actions. Des actions, car issuent toutes d’initiatives personnelles ou communautaires s’exprimant dans leur environnement, insérant le doute dans les codes établis, ou cherchant à déclencher des possibilités, des moyens d’action sur notre urbain.

Aujourd’hui avec l’apparition de ce bourgeonnement, des chercheurs ce sont intéressés à cette progression, et il devient de plus en plus facile de s’y référencer, des ouvrages tels qu’AlterArchitectures et Actions vous donneront déjà un bon catalogue de professionnels ou citoyens en action, tandis que Spatial Agency met à jour une sorte d’AlterWiki3 à propos des différents architectes et mouvement qui ont pu se manifester en tant qu’alternative urbaine en proposant un travail de cartographie mettant en relation les organismes en fonction des thématiques qu’ils abordent ou par leur proximité dans le temps ou par leur collaboration, permettant à l’utilisateur d’apprendre des théories déjà expérimentées selon les thématiques qui le concerne. Si nous en revenons à la carte mentale qui figure à l’ouverture de ce mémoire on peut voir ce que j’appelle une galaxie, parmi les constellations représentées, et qui illustre bien ce bourgeonnement de plus en plus étincelant par son nombre et ses actions, de collectifs souvent et de collaborations architecturales présentes dans le monde et prenant une activité de plus en plus signifiante. La création des Global Awards for Sustainable Architecture symbolise et officialise l’établissement de se rassemblement architectural, récompensant depuis 2007 montrant une démarche engageante au niveau de son action sociétale, sociale, écologiquement innovante. Mais ce mouvement ne vient pas seulement d’une prise e responsabilités au sein du corps architectural, non, en effet il s’applique beaucoup plus largement à travers différentes organisations, associations, manifestations (pas dans le sens d’un mouvement, mais plutôt dans le fait de manifester une manière d’être). Des communautés comme celles des Hackers, des Freegans, des jardiniers de la guérilla urbaine, des urbex, des street artists, et d’autant d’autres actes explorant des manières de vivre autrement toutes aussi diverses De tous ces acteurs nous allons en sélectionner qu’une partie, en fonction de leur pourvoir d’action, de la force du discours, mais aussi par la simplicité d’application dans une vie quotidienne. Bien qu’oeuvrant tous sur des échelles différentes, de moyens, de production, de taille, nous verrons que certaines notions restent décisives quant à leur conception.

1. PAQUOT Thierry, AlterArchitectures Manifesto. Observatoire des processus architecturaux et urbains innovants en Europe, 2012. Ouvrage rassemblant un catalogue de textes et de descriptions de projets alternatifs. 2. BORASI Giovanna, ZARDINI Mirko, Actions: What You Can Do With the City, Centre Canadien d’Architecture, 2008. Ouvrage receuillant différents textes de différents «acteurs» ainsi qu’un catalogue illustré de leurs «actions». 3. Le site web www.spatialagency.net fait suite à un ouvrage du même nom, et repertorie chaque jour, dans une base de donnée ouverte à tous, de nouveaux acteurs de la pratique urbaine alternative.

C’est le potentiel de transformation la vie urbaine qui est important dans toutes ces initiatives, et non pas forcément leur pérennité, car l’action se compose d’un début, d’un instant où à lieu une transformation, puis d’une fin. Certaines ne témoignent pas forcément de changements architecturaux, et pourtant elles en transforment les lieux ou du moins la conscience que nous en avons. Ces points sur lesquels jouent les acteurs permettent la transformation, la considération de notre environnement urbain, nous les appellerons des moyens d’action. Les pages suivantes s’attardent, à travers plusieurs actions et acteurs, sur ces moyens d’action. Parfois, nous pouvons observer que plusieurs actions se retrouvent sur diverses échelles à jouer sur des moyens communs et que plusieurs moyens d’action sur diverses échelles sont employés communément dans une action. De même que pour les acteurs mis à disposition, il s’agit d’une constellation d’individus et de communautés dont j’ai pu rencontrer les projets au cours de mon étude, et que je propose ayant constaté une forme de cause commune à travers leur expression. Cette constellation proposée fait bien sûr parmi d’une galaxie d’autres actions qui ne demandent qu’à être expérimentée. Une galaxie dont le point central de gravité serait cette cause commune à tous les acteurs. C’est à partir du constat et de l’interprétation de ces moyens d’action que nous allons explorer cette constellation d’actions, afin d’essayer de mieux cerner l’enjeu de cette cause qui rassemble l’ensemble de ces acteurs.


La demande La question de la demande s’attaque à la position du trio architecte, client, environnement. C’est le moment clef pour les futurs choix. Il s’agit non pas d’appliquer le standard de la requête, mais plutôt d’inviter à la discussion. Poser les questions

qui permettent de situer, mais aussi de mettre le doigt sur les points sensibles. Il s’agit aussi pour l’architecte d’apporter son savoir, mais aussi pour lui parfois pour lui de le mettre de coté et être à l’écoute, conscient des préoccupations, des habitudes, d’un certain être et d’un certain avoir (qu’est-ce qui est à moi, qui se que je donne à l’autre), et d’un contexte toujours particulier. L’architecte

La friche est un bel exemple de la question de demande. et de maitrise d’oeuvre et d’ouvrage. C’est dans son rapport entre l’architecte et l’habitant que la friche exprime aujourd’hui toute la valeur de la culture. Au cours de son processus, les architectes ont réuni les collectivités, les structures artistiques, pour former une collectivité territoriale qui pourrait mieux porter sa voix, son opinion au cœur de la ville. La friche à su réévaluer la valeur démocratique d’une œuvre architecturale, en appliquant dans le site une demande qui naît de la nécessité du site de ce qui veut, et peut être fait, réalité d’un imaginaire collectif. Elle forme sa propre institution dans laquelle elle forme ses propres règles. C’est l’expression du local, à l’échelle de la ville.

De la même manière dont la friche a joué sur la demande pour évoluer comme réel organisme, d’autres opérations parfois plus clandestines se réalisent. À Camnden town, nord de Londres, on peut voir les propriétaires investir tout l’espace disponible pour montrer ce qu’il vend. À Shoreditch, le village Underground se crée autour d’une

friche qu’ils investissent à leur manière, rajoutant des rames aux fonctions de logement. À Templehof feld, Berlin c’est le voisinage, qui s’opposant par referendum, y à imposer avec l’initiative de Raumlabor, une dynamique autour de l’appropriation de ce grand espace par les citadins.

conscient n’impose pas sa création, sa création est dans l’inventivité qu’il met en place pour créer l’habitat destiné a son habitant et l’émancipant, et non le normalisant dans des produits du matériel standardisé. Aborder la question de la demande signifie souvent la remettre en cause, Cedric Price, à ce propos questionnait toujours l’avis du client se demandant s’il y avait dans la demande le

La Friche de Belle de Mai

besoin de construire*. Il s’agit pour l’architecte de faire l’analyse de ce que l’urbain peut déjà offrir ou par accès ou par action, et en pensant chaque construction dans ce qu’elle offre au client ou au public. Enfin, la demande n’est pas immortelle, sa fonction et ses usages se transforment il faut ainsi considérer son évolution dans le temps, une fois ses occupants partis et de nouveau venus.


L’usage Partant d’une question moins formelle,il fait appel à quelque chose parfois plutôt conventionnel. Non pas dans le sens de conventions, ajustées par des codes pour un contrôle du bon fonctionnement des choses, mais plutôt au sens des cadres qui

Les images présentées ci dessous évoque un paysage sculpté par l’usage. Que ce soit les berges du Spree à Berlin, qui à sur beaucoup de sites en friches deviennent le lieu de rassemblement des populations, que ce soit pour profiter de la quiétude de l’eau, pour un pique-nique, pour y peindre ou célébrer un événement, le contexte culturel berlinois invite la population à reprendre position ensemble sur un territoire délaissé. Que ce soit sur les façades colorées que l’on puisse trouver à Kentish town, à Camden, Londres, ou à Friedrischain ou Kreuzberg, les communautés habitantes ont pris le choix de chacune se démarquer par le simple acte de la peinture ou sculpture en façade, prononçant chez chacun une différenciation de chaque individu, il s’agit parfois de repère pour les façades de Kentish town, ou de mise en avant d’information afin d’afficher le maximum de la marchandise en vente, ou bien de revendiquer une idéologie, un mode de vie, pour les quartiers berlinois. Par l’usage c’est l’expression du quotidien qui s’installe dans un ensemble d’individus ainsi qu’une discussion qui s’installe dans cette communauté et qui forme une base d’identités à différentes échelles des individus.

engendrent certaines situations, parfois liées au contexte culturel, mais assez souvent liées au territoire. Par exemple, le fait d’aller se baigner à la plage ou d’y pêcher, cadre changeant en fonction de la volonté de partager un moment avec d’autres par l’attraction qu’offre la plage ou plutôt de s’échapper seul dans la nature environnante.

C’est ce que l’on semble apercevoir sur la rive sud de Londres, avec les interventions ponctuelles et praticables au Queen Elizabeth Hall, su des projets du Southbank Centre. On y voit un Rooftop Garden* offrant de s’installer pieds nus sur un gazon profitant d’une boisson et d’une vue sur la rive nord de la ville. Ou l’installation d’un restaurant dans quelques containers rapidement agencés afin d’y inviter à manger. Il y a encore une chambre pour tout visiteur londonien qui voudrait passer une nuit à bord d’une cabine d’un «Nautilus» échoué en haut de la falaise de Southbank. Finalement les installations invitent à y vivre autour, mais en l’imposant, cependant on note l’apparition de siège facilement mobile et transportable afin de laisser la libre installation des citadins sur les terrasses de la rive sud afin d’y proposer surement de nouveaux usages. C’est ce principe de proposer des usages que l’architecte trouve propices au lieu, mais aussi d’accepter de sa part les propositions liées aux libres usages de ces lieux par ses habitants et la manière dont ils façonnent ce monde qui leur appartient. Puis il s’agit d’en discuter, de rendre réalisable, sans négliger,

De la même manière l’usage est peu conventionnel, car il n’appartient pas à une relation de service entre le client et le constructeur ou l’architecte, d’un service entre deux personnes. L’usage nait d’une relation beaucoup plus intime entre lui seul, son désir, et son environnement. Une sorte de révolte à chaque acte d’usage exprimant par l’action une prise de liberté, de parole. L’usage

la capacité, innovation, mais aussi le bon sens et le vivre ensemble. Cette manière de sculpter l’intervention ou le projet, se retrouve au marché de Camden Lock par exemple ou l’enfilade d’espaces prédestinés au stockage, la manufacture, aux étables, ce sont transformé dans un contexte de paupérisation en un vaste marché à la manière des médinas du Maghreb, sachant s’habituer à leur budget, à leur espace, leur clientèle, la quotidienneté de leurs habitants proposant un habitat. C’est aussi la transformation du Dalston Mill en Eastern Curve Garden, qui né d’une intention ponctuelle du barbican de proposé des architectures radicales dans la ville a invité Exyzt à y pirater un moulin génération locale

lors de la conception ne doit pas être planifié, car planifié il se fixe et implique d’enfermer ses usagers dans une soumission à l’usage forcé du bâtiment. Au contraire l’usage est à penser de manière à ce que la conception serve de base propice et fertile au développement de futurs et nouveaux usages. L’architecture faisant place à l’usage devient alors lieu expressif d’expression.

sur une voie ferroviaire désuète, invitant le public à le visiter plus en profondeur, met aussi en prenant hautement du recul sur le site dans la ville. Le Projet s’étant vue transformé pour le moment en parc de coeur d’ilot proposant un jardin public en coeur d’ilot ou tout est à disposition pour apprécier un moment autour de la culture du tea time, anglais. L’on y accueille la culture de nourriture, la possibilité de s’installer à l’extérieur ou à l’intérieur selon le temps et l’envie de se réchauffer autour d’un feu ou de participer à un atelier. Deux manières différentes d’accueillir un moment de vie sur plusieurs échelles autant sur l’espace, l’affluence, mais aussi le temps, dans le quotidien comme dans plus long terme.


La temporalité La notion de temporalité se rattache aux différentes échelles de temps de vie d’un bâtiment, de sa continuité ou sa spontanéité, de sa pérennité ou de son obsolescence programmée. Mais il s’agit aussi de questionner la temporalité d’un projet, le

Les actions que nous pouvons observer relatent tout, d’expérimentation de temporalité d’usage ou de construction sur multiples échelles. Par exemple, des endroits qui pourraient être perçus comme non-lieu, les dessous de pont par exemple, ne prévoyant pas d’usage particulier montrent naturellement un des structures ou usages issus de temporalités différentes. On y trouve des chaises longues, pour une terrasse en été ou pour improviser une terrasse en fin d’après-midi, on y pose des étalages, pour y accueillir un marché au livre protéger par le toit que procure le pont, mais on y accole aussi quelques parois pour pouvoir y stocker un bar qui peut fermer et ouvrir au long de l’année.

calendrier du chantier, ou le temps accorder à la mise en place d’un processus. Cette question autour de la temporalité nous l’avons déjà amorcé avec l’oeuvre de Cedric Price qui pensait ses oeuvres comme des organismes mortels, qu’il faudrait un jour démolir. Il s’agit dans l’action alternative d’aller plus loin que le concept de vie et de mort du bâtiment, il s’agit aussi d’y instaurer certains moments de la journée,

Aussi de manière incrémentaliste, on peut voir que l’agrégation d’actions autour d’un bâtiment, au fil du temps commune à modifier notre perception de la forme architecturale, à modifier son sens et donc nous permet d’y projeter différents usages ou d’en imaginer de nouveaux. C’est le cas de Southbank par exemple ou ponctuellement des éléments parasites le bâtiment existant, ou à Friedrichain, où ce sont les habitants qui ont parasité les bâtiments qui en trouvant une nouvelle manière de les interpréter s’est inventé une sorte de village festif, ou encore dans Place au changement, à St Étienne ou le collectif ETC est venu interprété le site, en le dépeignant directement, proposant d’ouvrir un dialogue sur ce qu’il peut s’y construire.

du point de vue de l’individu qui veut s’exprimer, de l’offre environnementale laissant prévoir cette action. Le terme «d’actions» représente à ces biens la manière dont la conception alternative perçoit le projet par rapport à son implantation temporelle. L’action à un début, une fin et un pendant, le pendant agit exprime l’intention et la création de l’individu sur le potentiel environnemental. Comme

The Reunion Par rapport à la temporalité le site de The Reunion est, je pense, le plus expressif. Le site, fait fait hôte à l’atelier de Nicolas Henninger, fondateur du collectif EXYZT, ainsi que plusieurs événements, mais compte aussi de nombreuses transformations constructives. Accueillant en 2008 le Southwark lido, l’Urban orchard en 2010, l’Urban physic garden en 2011 et The Reunion en 2012 et toujours active. Site et représentatif de cette notion de temporalité dans la proposition qu’il fait à son

l’action il naît d’une décision émergeant du désir né d’un contexte, et il en subit ou fait subir les conséquences, qui se répercuteront sur l’usager si non intégré, ou sera absorbé dans la communauté. L’action comme le projet est cette sorte de révolte qui prend parole, exprime la considération d’une population en sont temps, son ancrage et le futur qu’elle lui offre.

environnement comme potentialités de site à appréhender dans un futur proche, mais il propose aussi son autogestion ne représentant pas un poids dans la communauté, mais plutôt cherchant par l’expérimentation et les propositions d’apporter quelque chose à sa culture afin que celle-ci l’absorbe et s’émancipent au tour d’un désir commun. C’est pour cela que le site ce transforme chaque année, différemment et selon les initiatives personnelles ou collectives, de gens concerné et trouvant dans ce renouvellement du site une nouvelle toile sur laquelle s’exprimer.


La situation Elle est parfois moins évidente à percevoir, car elle ne procède pas directement d’une décision qui appartient à l’homme. Cette situation c’est d’ailleurs le temps et l’usage qui la façonnent. Elle nait de ce que le site permet. Bien sûr le

À Camden Market par exemple, le déclin des transports fluviaux a causé le désintérêt des bâtiments industriels autour du canal, permettant à quelques hommes le réinvestissement de ces lieux en workshop d’artisanat. Aussi un marché s’installe a coté tous les week-ends. Tout cela accueillant aussi la génération punk, et lui donnant un caractère, une identité. C’est cette superposition, d’événements, d’interactions entre organismes, sa situation, qui au fil des années permet à faire évoluer le Camden Market en un gigantesque village marchand, à la manière d’une médina. À partir de cette situation qu’il exploite, c’est un quartier au caractère particulier qui se forme et qui commence attirer. Cette attraction s’ajoute

site est influencé par la manière dont à l’homme qui le vit, mais elle ne représente pas forcément. Il s’agit de comprendre comment le site existe en son sein et s’il n’existe pas encore, quels sont les moyens mis à dispositions pour le faire exister. Quelles en sont les potentialités et les responsabilités ? Il s’agit de se défaire de son enveloppe pour y jeter un premier regard, ne

percevoir que les premières essences du lieu, ces qualités sensorielles. Interpréter et questionner son espace, sa lumière, sa température, son affluence, son hospitalité. Par ce processus vient alors par l’expérience naturellement une prise de mesure sur le lieu qui remis dans la perspective du quotidien font émerger l’esquisse de nouveaux usages dans le site. La situation

donc à la superposition, la situation. Le marché, conscient de cette nouvelle situation va chercher à se réorganiser afin d’en profiter. Ainsi le marché exprime son désir d’accueil en ouvrant tous les jours de la semaine, accueillant donc de nouveaux usages et de nouveaux espaces, et va réaliser des travaux d’aménagement du paysage renforcer l’accès et la promenade au public, sorte d’inclusion du nouveau public qui le fait vivre.

de cet espace un caractère de piste, de mis en mouvement s’exprimant par l’apparition de de terrain sports, ou de piste d’athlétisme, voire à plus grande échelle géographique une piste cyclable couverte par le réseau ferroviaire. Ou chez Assemble qui réinterprétant la situation d’une ancienne maison qui imposa la division de la structure viaire, y réalisa une proposition de coexistence du sujet maison et des objets pont. Le collectif y présenta temporairement une structure rappelant l’ancienne maison du paysage d’Hackney, mais en lui greffant une salle de projection sur l’aile faisant profiter la maison de la situation qu’elle entretient avec le pont.

Ce peut être aussi l’interprétation d’une structure existante dans un site délaissé au sein d’un contexte urbain intense et retranscrivant les codes des habitudes de l’environnement bâti, comme ces dessous de pont londonien ou la pratique du paysage londonien fait ressortir

a plusieurs échelles et n’importe quelles interventions s’exprime et laisse sa toujours une trace parmi l’une de ces strates de situation formant ce qui sera plus tard autre situation, la consistance d’un nouveau site, propices a différents usages, de nouveaux façonnés par ses précédents cycles d’usages.

C’est aussi le cas dans l’interprétation urbaine de l’usage de la bordure en lui ouvrant les possibilités d’usages reflétant le paysage urbain. Ou le Templhof Feld, cet aéroport, grand espace réservoir dans Berlin, qui en accueil de plus petit profitant de sa situation climatique qu’offre ce grand espace.


L’imaginaire Cela fait appel au moment le plus créatif de notre décision dans la phase de conception. L’imaginaire intervient lorsque nous nous projetons, à partir de notre identité de notre pratique quotidienne, sur cette situation dont nous avons pris les mesures et

qui permet ce calibrage du quotidien sur l’espace, laissant la libre expression de l’usage d’un individu puis d’une communauté. C’est l’imaginaire par sa capacité abstraction du réel en tant qu’outils, qui nous permet inventer des modes de représentations mentales, des décisions qui se calibrent par rapport à notre

L’imaginaire lorsqu’il s’exprime le mieux aboutit aux projets les plus surprenants, d’un «monde enchanteur» tel que dirait Bouchain, et parfois réalise des interventions qui fonctionne et transmettre leur message le mieux. Par exemple lorsque le code de la peinture, tel qu’on pu le voir précédemment s’applique à un escalier il suscite l’oeil du visiteur pour l’inviter au Rooftop garden de Southbank. De même que l’aménagement en toiture au village underground devient propice au logement d’artistes, ou que la façade arrière devient la toile de street artists invités. Ou bien la cabine hôtelière reconsidérant une manière de voir la

conscience environnementale, se façonnant à travers se que nous souhaitons-en qu’individu comme société représentant la communauté à laquelle nous souhaitons appartenir. L’imaginaire permet comme pour le pirate de se mettre en décalage par rapport aux règles qui régissent notre monde, de les remettre en cause pour parfois mieux les ajuster où les affranchir constatant leur

ville et d’y habiter. Certains architectes ont très bien saisi cette application dans le projet de la projection d’un imaginaire. Reconsidérant les codes que nous sous-entendons aux formes urbaines, les réinterprétant afin de donner lieu à de nouvelles manières de transmettre ou de mettre en oeuvre. La plupart, devant s’écarter des régulations normatives, reste à caractère éphémère, pouvant ainsi appliquer des principes rapidement applicable et transportable, mais revendiquant en même temps l’universalité des possibles qu’ils suscitent et des possibilités que nos imaginaires susciteront.

obsolescence. Gardons toujours en compte que l’imaginaire appartient à une vision poétique du monde et qu’il ne cherche pas à être efficace dans un fonctionnement mécanique, il ne serait pas régulier, et c’est de sa singularité dans le temps que naitra l’application diverse d’usages dans le temps. L’imaginaire finalement comme application de l’éveil de conscience.

On voit apparaitre par l’expression de ces imaginaires, et la transformation des codes et signes qui forme notre langage culturel, des stations essences inutilisées reconverties en salle de projection cinématographique, le Cineroleum du Studio Assemble, ou bien leur stade de théâtre, visant à confronter le monde éphémère et spectaculaire avec celui représentatif de l’interprétation lié au théâtre. Ou bien même la naissance d’un opéra au sein d’une station de métro, explorant les capacités spatiale et temporelle liées à nos usages quotidiens, et leur possibilité négligée par le manque d’expérimentation des ces espaces.


Bon sens et interet général Cette notion commune à ces interventions, Patrick Bouchain dans ses oeuvres l’aborde très franchement. Il s’agit de la question du bon sens, une sorte d’intérêt commun, un intérêt général qui profite mutuellement à chaque individu ou communauté qui y participe. Afin de permettre la vie en société, nous établissons des règles qui s’appliquent communément à l’ensemble d’individus auxquelles nous appartenons en vue de notre intérêt général. Ces règles que nous établissons s’accordent à la vie sociale, et nous les expérimentons dans notre quotidien et les confrontons à la réalité. Cependant en les expérimentant nous les remettons en questions, parfois faisant apparaitre leurs absurdités, ou parfois constant leur manque d’application. Cependant, la bureaucratie et son millefeuille administratifs, rendent lentes la transformation et la réévaluation des ses règles, ou dans notre système, lois, et en diluent, dans la généralisation, les protestations leur étant liés. C’est d’ailleurs par cette prise de conscience du manque de pouvoir d’action au sein du système qui structure sa société, que les individus dont nous avons illustré les actions se sont transformée en acteurs, aux dépens de l’ordre établi. Il est assez dommage en revanche de constater par l’émergence de telles initiatives, un manque de débat concernant ces règles, et que de plus, leur élaboration ne semble plus concerner ses citoyens. Une désinvolture qui montre bien aussi un manque d’enseignement, d’expérimentation ou de connaissance à son égard. Mais cela se tourne vers une question d’éducation et non plus d’architecture, bien que l’architecte ait un rôle médiateur lors du projet et qu’il doit acquérir une conscience culturelle importante, l’architecte n’est pas enseignant et les citoyens ses élèves, pas plus qu’il ne connait tout sut tout. Nous avons pu voir à travers l’exploration des moyens d’action par lesquels passent les acteurs d’aujourd’hui, que certaines règles ont été modifiées, contournée, ou utiliser afin d’atteindre cet internet mutuel. Des règles dictées par les lois, par le conditionnement, ou par des structures préétablies à diverses échelles. Il s’agit pour chacune de ses interventions d’une prise de risque, mais aussi de responsabilité, mais surtout de liberté des acteurs cherchant à bouleverser les codes afin de mieux se les approprier. L’action vient comme une révolte, l’expression d’un regroupement d’individus aux intérêts partagés agissant dans un but précis, celui de ses désirs. Une insoumission à l’autorité qu’elle juge compromettre le chemin de son accomplissement, cherchant à déstabilisant la communauté sur laquelle elle agit, dans le but de lui apporter un intérêt qui lui sera mutuel.

En ce sens les moyens d’action qui se redéfinissent en fonction des enjeux culturels pourraient refléter l’acquisition ou du moins la conscience d’outils de convivialité, faisant de l’urbain un espace appropriable et amplifiant l’action de tous. Ainsi l’action telle qu’elle prend lieu dans les interventions décrites, semble à son tour décrire l’expression d’individus face à une situation, qui chacun trouve une manière de se révolter, non pas par la violence, mais par sa singularité, son capital culturel ainsi que son potentiel imaginaire, c’est-à-dire s’indigner face à l’ordre établi, cherchant par le décalage et le questionnement de la norme qui l’empêche d’agir parmi ce qui le fait vivre. Au-delà de l’action, c’est donc la révolte qui apparait comme un droit, comme celui de la ville, pour transformer l’urbain.


Thierry Paquot

La Ville Empruntée La dernière partie du mémoire dévoile une ouverture vers une nouvelle conception de la ville qu’est la ville empruntée. Nous avons vu avec les théories des situationnistes jusqu’au Non-plan, que les projets architecturaux sont voués à évoluer, et qu’il ne s’agit pas d’imposer de nouveaux usages en fonction d’une mécanique de la ville, mais de prévoir l’inattendu et permettre à l’architecture de s’ouvrir vers l’autre, son environnement, ses individus. Les trois architectes qui ont posé les bases de la traduction de cette pensée en pratique, définissant introduisant et diffusant des modes opératoires alternatifs. Ceux-ci ont permis de donner une voie, une liberté d’action aux citoyens sur leur environnement bâtit, cependant leur philosophie radicale ne leur permet pas une grande expérimentation et une large écoute dans le contexte culturel de l’époque. Aujourd’hui nous voyons émerger des interventions un peu partout dans le temps et l’espace qui parfois sans s’en rendre compte expérimente dans la pratique, nous permettant une interprétation et des comparaisons. Les acteurs de ces interventions, que nous avons nommé « actions » relatent toutes d’une prise d’initiative, d’un questionnement de l’ordre établi, mais aussi souvent d’un contournement des règles. De même, ils nous rappellent que l’appropriation ne passe pas du fait de la propriété, mais du lien avec l’imaginaire de la personne qui se l’approprie, qui y projette le quotidien de ses désirs. Enfin, nous avons pu par l’exploration de cette constellation d’actions, qu’en émergeait toujours une résultante de bénéfice mutuel.

Marco Strathopoulos

MOTOelastico

Markus Miessen

Marco Bruno Minji Kim Simone Carena

Nous allons donc nous intéresser à différentes notions qui, bien que n’étant pas physiquement liés, reflètent la même pensée de questionnement de la norme, d’apport mutuel entre organismes, ainsi que prise d’action, initiative personnelle qui rend propice l’expérimentation urbaine. Partantes aussi de l’idée que la propriété n’est pas un facteur d’appropriation. De l’envie de permettre aux gens d’exprimer leurs idées, de les expérimenter, les confronter à la réalité, sur le principe que si l’expérience est sienne elle n’est pas propriété pour autant et, ne fonctionnant pas peux facilement laisser place ou bien, être absorbée par son environnement en cas de bonne coexistence.


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Architecture Pirate L’image du pirate est souvent associée dans notre esprit par le corsaire, assoiffé de richesse, et dénue de responsabilités et pillant le public. Mais si l’on s’attarde un peu plus, vient aussi l’image du pirate informatique, le hacker, un individu se décalant des règles en piratant les systèmes informatiques, mais qui montrant les failles du système et prouvant ses capacités innovantes, devient par la suite un membre de l’organisme piraté, s’intégrant avec ses définitions grâce à un service donné constituant un intérêt pour l’organisme piraté. Force est de constater, ensuite que c’est justement cette mise à la marge, le décalage ou parfois la position d’illégalité, ce qui constitue «l’échelle du pirate», qui permet l’intégration au sein d’un système normatif et à échelle supérieure apportant l’innovation et améliorant la structure initiale. Il y a aussi le thème de gratuité apporté par les pirates informatiques, piratage qui devient pour ceux qui savent le manier, et cela peut aujourd’hui être n’importe qui, un outil de distribution de culture et de savoir impressionnant. Cet outil de piratage d’ailleurs et aujourd’hui partager par une grande partie de la population, et bien que les règles qui établissent notre société jugent ces actions illégale, ses utilisateurs n’y accordent peu d’attention, car conscient qu’il est bénéfique pour lui comme il l’est aussi pour beaucoup d’autres. La pensée libertaire et les innovations sociales ont d’ailleurs souvent été en relation avec l’histoire de la piraterie. Étant dotée de contre-pouvoir s’étant fondée sur des communautés en dehors de l’état par indépendante physiquement et idéologiquement, et faisait preuve d’un partage de richesse et de structure sociale, qui par rapport aux sociétés de l’âge d’or revendiquant un système de soi-disant «droit commun», se voyait cependant plus égalitaire. Finalement à travers l’activité pirate et sa marginalité s’exprime aussi les malaises de la société, ses décalages, mais aussi une réponse à des problématiques concrètes et actuelles de manière souvent plus pérenne que d’autres interventions plus normales ou normées, et nous permet de pointer du doigt les absurdités de notre structure sociale. De nombreux clans de pirates élisaient les dirigeants. On élisait le capitaine ainsi que le quartier-maître qui détenait un contre-pouvoir, pouvait convoquer l’Assemblée, où chaque homme avait le droit à la parole et une voix de vote, et pouvait aussi faire procès contre le capitaine, qui refusant se verrait exilé. Les butins obtenus se partagent suivant un schéma préalable, les pirates blessés de bataille recevant parfois une prime, le capitaine ne recevant jamais plus de deux fois le butin d’un autre. « À quoi penses-tu d’infester la mer ? », lui dit Alexandre. Et le pirate de répondre : « À quoi penses-tu d’infester la terre ? Mais parce que je n’ai qu’un frêle navire, on me nomme brigand, et parce que tu as une grande flotte, on te nomme Empereur.»1. Simple histoire de point de vue donc.

1. Saint Augustin, La Cité de Dieu, Livre IV. §IV, 413. Dans ce paragraphe, Saint augustin dresse une critique de l’état qui, si manquant de justice, incarne de plus en plus le personnage de brigand. Il met en place cette critique à travers un dialogue entre Alexandre le Grand et un pirate captif. 2. STRATHOPOULOS Marco, Architecture Pirate?, dans PAQUOT Thierry, Alterarchitectures Manifesto, Paris, Infolio, 2012, p320

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Il s’agit alors pour l’architecture d’agir comme un court circuiteur d’institutions, et offrant au citoyen la possibilité de réclamer ce qui lui est de droit en instaurant une discussion avec le public. L’architecture pirate2 agit comme la communauté pirate, autour d’une ligne politique qui structure la vie de son habitant et celui dans sa communauté, s’établissant autour d’un contrat social commun aux individus dont il se sent parti et dont il détient la responsabilité. Tels des pirates, les architectes doivent faire preuve d’imagination dans l’interprétation et le contournement des règles. Cette activité pirate permet de maintenir ce trait d’union aussi indispensable que fragile entre les nouveaux besoins, les pratiques innovantes qui tentent d’y répondre et les textes qui les encadrent.


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Borrowed City, Motoelastico Borrowed City1 est un ouvrage qui témoigne d’une recherche de procédé d’appropriations de l’espace urbain à Séoul, formant un catalogue de comportements d’ailleurs souvent illégaux, pirate donc. Ce catalogue explicite la notion d’intérêt mutuel autour de l’action d’une personne qui s’invente un espace dans l’urbain tel qu’il l’entend et en harmonie avec l’organisme ville qui l’entoure. Au lieu de proposer une théorie utopique, elle se base au contraire sur des moments vécus et expérimentés, pour en faire ressortir l’imaginaire de ville empruntée. La recherche menée dans Borrowed City relève donc de ces activités pirates que l’on peut retrouver dans notre quotidien. Elle relève tout d’une petite révolution, un acte en vue d’un intérêt bénéficiant à la communauté et à l’individu. L’individu se mettant en règle et, parfaitement conscient de liberté qu’il se permet par rapport à son environnement, il profite des meilleures conditions pour faire ce qu’il sait ou ce qu’il veut faire. C’est par la conscience de ce qu’il entoure et des relations qui entretiennent son fonctionnement que l’individu ou la communauté, dépendant de l’échelle, peut se permettre de jouir du bien de responsabilité public, dans le but d’atteindre un intérêt commun. Par «borrowed» il s’agit la donc de cette prise d’action sur un espace, mais n’en faisant pas propriété, d’un organisme souhaitant jouir de ce qu’il offre sachant le pouvoir d’occupation qu’il peut y instaurer par rapport aux fonctionnements de son environnement. C’est vraiment la question de propriété qui est au coeur du sujet dans Borrowed City, et par cela, percevoir plus justement celles liées à l’appropriation. Essayons d’aborder la première, la propriété. Qu’en est-il aujourd’hui du terme de propriété ? Relativisons par rapport à notre usage quotidien de qui est réellement de notre propriété dans notre habitat. Dans un pays comme l’Angleterre par exemple, la propriété de la maison peut se transmettre dans la famille, de génération en génération sans rachat, cependant, il ne vaut que pour 100 ans à partir duquel moment, la propriété doit être revendue. Si J’achète une maison, et cela prendra du temps avant même que je puisse être assez économiquement stable pour m’offrir un crédit, elle m’appartiendra, une fois que 20 ou 30 ans plus tard j’ai pu remboursé ce prêt qui m’eut été offert, le temps qu’il me faudra pour faire ce que j’avais l’intention d’y faire, ou bien elle se verra léguée à des générations de descendants, mais à un moment ou un autre, celle-ci ne dépendra plus de mes intentions, elle ne dépendra plus non plus de mon titre de propriété, et tout cela n’aura-t-il pas été qu’un emprunt de ma part à la société. Ce que je mange, je bois, la terre que je foule m’appartient-elle au sens de propriété? En y réfléchissant, nous trouverons assez rapidement qu’il n’en est pas le cas. Que la plupart de ce que nous créons, ce que nous appelons «culture» qui s’oppose donc à ce qui est de la «nature», ne sont qu’un emprunt de notre part, que nous transformons pour nos biens (on notera peut être la proximité des sens ici du mot «bien»), mais qui est rendu à cette dernière.

1. BRUNO Marco, CARENA Simone, KIM Minji, Borrowed City, MOTOelastico, 2013

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Nous l’aurons donc compris, la notion de propriété, dans la définition du mot est complètement obsolète quand à l’idée à laquelle elle renvoie aujourd’hui. Et le sens que nous attribuons maintenant au mot propriété appartient plutôt à la notion d’appropriation. Il s’agit donc de faire distinction nette entre propriété et appropriation, dans le sens où pour nous approprier l’un nous n’avons pas besoin de sa propriété, tout comme la propriété n’implique par forcément l’appropriation.

1.

2.

3.

5.

4.

6.

1. 2. BRUNO Marco, CARENA Simone, KIM Minji, Borrowed City, MOTOelastico, 2013. Relevé des particularités de l’urbain de Séoul liés à l’usage quotidien de ses citoyens. 3. 4. Ibid. Relevé des éléments urbains permettant le signalement et la mise en place d’une telle mutation de l’urbain. 5. Ibid. Analyse des dispositifs urbains mis en place par les citoyens, ainsi que leur possible expansion en tant qu’outils de la vile de demain. 6. Borrowed City Flip, Flip book mural sous forme de 12 Panneaux à palette mettant en action les processus constructifs et de mis en place des outils urbains développés dans le livre.


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Markus Miessen, Crossbench Praxis Dans The Nightmare of Participation1 l’architecte, théoricien et critique Markus Miessen2, introduit son texte en décrivant le paradoxe de la participation qui va dans le sens du consensus, c’est à dire, par la compromission pour obtenir une majorité, ou la simple imposition d’une considération majoritaire qui paradoxalement, d’en l’objectif de satisfaire sa population, ne correspondra qu’a l’avis majoritaire et excluant peut être le savoir et l’expérience des minorités, et tant pis ceux qui ne marchent pas comme les autres, s’excluant de l’extérieur et se confortant dans ses propres règles, sans jamais plus apprendre des autres. Le problème se résout aussi dans ce facteur d’inclusion, considérant que chaque personne n’a d’autre envie que d’agir selon de bonnes intentions, et qui pousse le participant à être d’accord, car ne faisant pas cette action serait mal vue, avec un manque de critique envers le proposition, les conceptions, les projets qui affectent son environnement. À cette approche paradoxale de la participation, Markus Miessen répond l’accusant d’éviter, par ce facteur d’inclusion de tout un monde de bonne conscience, le conflit. On peut considérer bien sûr qu’a la racine de tout projet participatif apparait le conflit entre les idées apparaissant au sein d’une communauté, cependant, appliquant la loi du consensus, les prises de décisions au cours du projet ne reflète de les compromis qui satisferont les préjugés de la majorité, mais ne feront pas pour autant naitre un projet satisfaisant ces usagers puisque réduis à vivre sous la règle de ce compromis. Pourtant, visant la démocratie, la participation consensuelle pourtant vise au règne de la majorité. Ensuite, Miessen nous présente le «Crossbench Practioner» figure radicalement étrangère à une forme de situation. Ce Practioner donc, n’a pas d’appréhension par rapport à une situation, il se retrouve donc seul avec sa culture et son imagination, une manière de vivre. Face à cette situation, le Practioner applique son savoir-faire, transforme, créer, cherchant du mieux qu’il sache à atteindre ses désirs. Hors le Crossbench practitioner ne pas permis dans la participation consensuelle, car son décalage par rapport à la majorité ne lui permet par l’action, l’expression ni la remise en question dés règles empêchant l’accomplissement de ses désirs. Quelque part, le crossbench practiontioner ressemble au personnage du pirate, qui par sa culture et son décalage saisi parfois mieux les enjeux de certaines situations, en profitent comme elles peuvent, et mettant le doigt sur la faille d’un système ce dernier s’y intéresse, l’incluant lui et son être afin imaginer de nouvelles perspectives.

1. MIESSEN Markus, The Nightmare of Participation (Crossbench Praxis as a Mode of Criticality), Sternberg Press, Berlin, 2011. L’ouvrage n’étant pas publié en francais, cette partie du mémoire relate aussi d’une diffusion du discours perçu à travers la lecture de cet ouvrage et de sa traduction. 2. Markus Miessen (1978) est un architecte allemand, à la tête aujourd’hui de l’agence collaborative Studio Miessen et fondateur du nOffice. Il a publié de multiples ouvrages dont Did Someone Say Participate? qui lui a valu une place dans les meilleurs livre d’architecture de tout les temps selon le journal The Independent. Il fut aussi Professeur à l’Architectural Association London entre 2004 et 2008 et fondateur de la Winter School Middle East.

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Le projet ne doit pas être issu de la simple satisfaction des images mentales de la majorité d’individus, mais elle devrait tirer part des conflits qui naissent au sein des différentes thématiques et communautés. Car c’est par le conflit, le fait de confronter les idées, qu’émerge la critique, non seulement de l’avis de l’autre, mais aussi du sien, car par l’analyse de l’autre lui va pouvoir se questionner et par la sienne questionner mon raisonnement et l’apprentissage qui le structure. C’est par le conflit, et la critique qu’il implique, que jaillissent les véritables désirs, et sachant que, comme l’homme, ces désirs évolueront en fonction des situations, c’est pourquoi la pratique architecturale doit entretenir ces conflits déclencheurs de débats entre communautés afin de réévaluer, d’innover ou de transformer. Il ne s’agit pas d’installer la bien séance, mais de permettre la révolte.


Conclusion Dans notre introduction nous avons pu voir différents aspects de la vie urbaine contemporaine, nous l’avons décortiqué afin d’en saisir les enjeux et la problématique. Elle nous a permis de faire l’état des lieux de la manière dont la modernité, mais surtout le mouvement moderniste d’après-guerre, mené de tête par Le Corbusier, et s’inscrivant dans la société par le biais de la Charte d’Athènes, à façonnée notre paysage. Par paysage, je veux entendre ici le paysage au sens large, autant urbain que rural, visuel que sonore ou odorant, jusqu’au paysage social, culturel et naturel qui, aujourd’hui, affiche un constat alarmant. Cherchant la libérer l’homme de l’emprise du passé, en faisant même table rase et misant sur le progrès industriel pour fournir une architecture fonctionnelle astreignant l’homme de toutes contraintes liées aux tâches quotidiennes les modernistes on visé à créer à partir d’une croissance de l’industrie et d’une séparation de l’industrie une mécanique parfaitement fluide et efficace de la ville. À outrance, cette architecture dite fonctionnelle a vu ses arguments progressistes pour une libération de l’homme se transformer pour se confondre en une forme d’industrialisation de l’être humain même. Le voyage retour que nous avons fait à travers ce mémoire depuis les années 50 jusqu’à aujourd’hui nous a permis de suivre un fil conducteur d’architectes, d’urbanistes, de philosophe, mais aussi et surtout plus simplement de citoyens, qui, chacun à leur manière cherche à soigner par les moyens qui leur sont permis, mais aussi parfois défendu, de soigner une société atteinte d’une maladie stérilisante. La première partie de ce voyage nous a permis de faire émerger les idées principales d’une architecture visant le droit à la ville, en rapport à l’influence du livre d’Henri Lefebvre à l’époque et des moyens qu’ils prônaient de mettre en oeuvre afin d’aspirer à une société plus démocratique. De plus ces idées, très novatrice pour l’époque, bien qu’elles ne furent pour la plupart qu’utopies et donc issues de pensées abstraites, elles ont permis de nouvelles ouvertures pour l’architecture et les architectes. La deuxième partie, fit une rapide description des outils mis à disposition pour l’humain par plusieurs architectes suite au contexte de rupture par rapport aux CIAM’s. Quand les utopistes de la fin des années 50 jetaient les bases de propositions sociétales alternatives à la vision moderne, les acteurs leur faisant suite ont fait preuve d’une réelle expérimentation de ces alternatives par la théorie, établissant ainsi un raisonnement concret et précis, mais surtout par la mise en pratique de ces idées en construction architecturale dans la réalité du monde contemporain. Cependant limités par les moyens technologiques de l’époque ou par le conditionnement déjà fortement enclin, les projets peinent à prendre place en société, mais témoignent de réelles possibilités constructives, et laisse derrière eux les traces d’une architecture alternatives, comme des modèles pour de futurs élèves. Les projets que nous avons analysés dans la dernière partie nous permettent de faire émerger des points rétro actifs sur lesquels les architectes contemporains se permettent de jouer pour transformer la ville chacun à leur manière afin de redonner aux citoyens le contrôle de son territoire. Il s’agit souvent de questionner les limites mêmes auxquelles se frottent le projet, et


souvent en les questionnant, dépasser les normes faussement imposées, voire même de remettre en cause leur perspicacité et celle d’un contrôle de l’ordre. En effet il semble que ces projets, mais aussi ce qu’ont délibéré pendant des années d’autres architectes, et ce que prône aujourd’hui une recherche telle que Borrowed City ou le Crossbench Praxis, n’est pas une organisation ordonnée de la ville ou un contrôle des actes de la population, mais au contraire, d’impliciter cet ordre dans les relations communautaires par l’émancipation de l’individu au sein de la société afin qu’il puisse prendre pleinement conscience de l’environnement autant bâti que socioculturel dans lequel il se situe l’incitant à prendre conscience de la responsabilité qui lui est propre vis-à-vis de l’autre, et donc d’y instaurer une certaine confiance. L’architecture que j’appelle ici à devenir pirate, vise alors, contre l’établissement de règles négatives, restrictions, un affranchissement, par la réduction au minimum de règles, positives tant que possible et comme le propose le non-plan, laissant libre cours à l’expression humaine et donc à sa prise de responsabilité dans la transformation de la ville, de l’urbain et donc de notre quotidien. À travers la mise en oeuvre de ces actions que nous avons pu voir plus tôt, on perçoit les moyens et les stratégies appliqués, mais aussi une volonté de faire lien Un mouvement se créer autour d’un savoir-être, désappointé du manque de proposition, visant à reconsidérer les codes établis, à déstabiliser la hiérarchie. Autour des acteurs qui font partie de ce mouvement c’est l’idée aussi qu’ils représentent des individus de corps disciplinaire très différent, et qu’il est par conséquent possible d’agir, et un devoir d’expérimenter, sans attendre l’autorisation, mais surtout d’initiative personnelle quelque soit cette personne. Il s’agit aussi pour nous, nous pas en tant qu’acteurs, de convenir communément d’une telle flexibilité dans les processus mis en oeuvre. Tout comme Bernard Stiegler conçoit que la société contemporaine manque cruellement d’esthétique, et du détachement de l’art par rapport la question politique, il est aussi tant pour chacun de «redevenir acteur de son quartier» par le simple geste de s’installer sur une chaise et apprécier l’espace en bas de son logement. À travers cette ambition de promouvoir la possibilité d’action du citoyen sur sur territoire, on peut trouver un écho à la définition de joie chez Spinoza, qui la caractérisait comme étant le passage d’une puissance action moindre à une plus grande. Le chapitre de la ville empruntée nous fait reconsidérer notre notion de propriété et d’appropriation. En effet elle fait le constat de l’obsolescence de notre notion de propriété matérielle, d’un espace, par rapport à ce qu’elle implique vraiment dans l’appropriation. Par un tel constat, l’approche de l’emprunt, comme base de la ville empruntée, remet en question la notion de propriété en la rapprochant plus du terme de l’appropriation. Si l’on admet que la propriété dépend alors de l’appropriation d’un individu ou d’une communauté sur une espace parce qu’ils peuvent mutuellement en profiter, s’emprunter, alors la notion de propriété tend, comme Ivan Illich le proposait, à la création d’une «Conscience nouvelle de la propriété comme un bien véritablement public.»

Comme le droit à la ville, la ville empruntée cherche un urbain qui permet de nouveaux rapports au politique, à identifier les responsabilités territoriales et les communautés qui en appellent à être responsable, leur gouvernementalité parfois. L’idée de la ville empruntée vise l’expérimentation et la promotion de la culture démocratique, et la prise de responsabilité. Mais il s’agit aussi de s’ouvrir aux idées des citadins, et par delà instaurer en sollicitant une relation de confiance. Mais nous avons vu aussi que cette question de la démocratie qui passe à travers le processus participatif. En effet si la participation permet de mieux porter la parole du citoyen elle ne doit pas pour autant s’installer dans le confort du consensus, celui-ci ne remettant pas en cause les intentions d’une communauté par «statis», manque de confrontation dans un accord commun, qui ne permet pas la critique. Il ne s’agit pas de faire des compromis entre les usagers, mais plutôt de faire naitre les débats, faire émerger les divergences, créer du conflit pour poser les bonnes questions et mieux identifier. Ne pas recréer la norme, mais justement la transgresser, pour redéfinir où alimenter un projet, si possible un projet de vie. Faire un pas de côté pour mieux observer la voie sur laquelle on se trouve.


Archives


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