Essai ergjera Bateau de légende operug ergpeurp RAM Offshorer
La renaissance d’un Monte Carlo Offshorer
Les redans de la mer2 Surgissant du passé comme le célèbre squale du cinéma, un ancien Monte Carlo Offshorer à la carène légendaire vient d’être relooké par RAM avec la complicité du designer Mauro Micheli et de Carlo Riva. Texte Gérald Guétat - Photos Henri Thibault et archives RAM
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Essai ergjera Bateau de légende operug ergpeurp RAM Offshorer
La renaissance d’un Monte Carlo Offshorer
Les redans de la mer2 Surgissant du passé comme le célèbre squale du cinéma, un ancien Monte Carlo Offshorer à la carène légendaire vient d’être relooké par RAM avec la complicité du designer Mauro Micheli et de Carlo Riva. Texte Gérald Guétat - Photos Henri Thibault et archives RAM
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Au début des années 1980, les Offshorer ouvrent une ère nouvelle et entendent bien succéder aux Aquarama dans la légende de Monaco.
sablement de perfectionner des coques en V à virures profondes pour aller taquiner plus efficacement l’espadon au grand large.
Dans les dossiers de la Navy Comme dans tout bon roman d’aventures, il y a un scientifique dans le groupe, Bob Hobbs, mathématicien et architecte naval déjà remarqué par les chercheurs de l’US Navy pour ses équations compliquées sur la théorie des coques planantes. Entre ensuite en scène une paire d’amis incarnée t
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n 1975, Steven Spielberg entame sa fabuleuse carrière avec le succès sans précédent de son film Jaws, adapté en français sous un titre qui fera date : Les Dents de la mer. Mais, avant leur déferlement sur les écrans du monde entier, les requins mécaniques géants, façon Tintin, inventés pour le tournage près de Boston, commencent par effrayer l’équipe de réalisation par leurs défauts de fonctionnement au point que le film risque plusieurs fois d’être purement et simplement annulé par les producteurs. Personne ne songera donc par la suite à en réaliser une petite série. Rien de tel au même moment, plus au sud, en Floride, où une poignée de passionnés de pêche au gros essayent inlas-
Toujours aussi à l’aise dans l’écume, le RAM Offshorer revient à Monte Carlo après trente ans et n’a rien perdu de son caractère bien trempé.
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par Cal Connell, le motoriste fondateur de Crusader Marine, et par Carlo Riva, en quête d’une suite innovante à donner à sa vie de pionnier du nautisme après la vente de son fameux chantier en 1970. Bob Hobbs intrigue le duo italo-américain, lui qui a déjà construit un premier bateau baptisé Tridyne, essayé par le magazine de vulgarisation Popular Science en juin 1972. L’engin, qui y est déclaré «prometteur», est doté d’une carène en V très originale à trois étages marqués par deux redans.
En quête du secret de l’espadon Mais ce prototype en bois moulé, réalisé par un petit chantier de Miami, est atteint de graves défauts, de stabilité en particulier. Carlo Riva a repéré tout l’intérêt du procédé, mais, agacé par les certitudes de l’inventeur, préfère laisser Cal Connell travailler sur un nouveau prototype avant de l’expédier à Monaco où l’Ingegnere l’attend de pied ferme. Le reste est histoire connue avec le succès que l’on sait de la série des Monte Carlo Offshorer (voir l’encadré page suivante) sous la conduite de Patrizio Ferrarese jusqu’en 1988. Lorsqu’en 2012, ce dernier, alors à la tête du chantier RAM, reçoit un message d’un ancien client américain, c’est tout l’âge d’or des Offshorer qui refait brutalement surface. En
Plus de 3 000 heures de travail ont été nécessaires pour transformer l’ancienne coque n°092 en ce RAM Offshorer de génération 2.0.
Carlo Riva, à l’origine du premier Offshorer en 1973, a participé avec enthousiasme au défi relevé par Patrizio Ferrarese à la tête de RAM.
effet, un amoureux des bateaux et de Monaco dans les années 1980 s’est mis en tête de faire restaurer une ancienne coque mais en lui donnant un aspect résolument contemporain, un Offshorer de génération 2.0 en quelque sorte. À la fois ravi et inquiet d’une telle demande, Ferrarese réunit alors son état-major de pointe à Sarnico. Une chose est certaine : la carène de l’engin n’a pas pris u n e ride
en quarante ans. Une coque, la numéro 092 sortie d’usine en 1981, a été choisie pour se prêter à une délicate opération de chirurgie esthétique. Ce n’est pas que la vedette des années disco ait beaucoup vieilli grâce une solide santé, mais l’évolution des modes et du maquillage l’a immanquablement datée. C’est Mauro Micheli qui est enrôlé pour devenir le directeur artistique du projet. Fondateur du studio Officina Italiana Design, il est l’auteur de tous les Riva depuis la fin des années 1990. Fort de cette expérience remarquable et d’un sens aigu de la juste harmonie entre matières nouvelles et coloris, Micheli va travailler sur tout ce qui est situé au-dessus de la ligne de flottaison. Voici qu’après une série d’esquisses sur papier, l’artiste, armé d’un gros feutre marqueur, trace déjà sur le gel-coat poncé, les zones et les lignes qu’il entend rajeunir. Aussitôt après, le bateau retourné est confié aux mains expertes des restaurateurs
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Le RAM Offshorer a été entièrement mis à nu avant de recevoir sa nouvelle peau de requin argenté.
Devant la maquette du prototype des années 1980, le designer des Riva, Mauro Micheli, lance les premières idées de relooking.
Après la restauration d’un Aquarama Special en acajou, les maîtres artisans de chez RAM s’attaquent à un Offshorer.
Au fait…
Dans les années 1970, pilotes playboy, sponsors et jolies filles donnèrent aux courses offshore des allures de rêve. Surfant sur la vague, le Monte Carlo Offshorer arriva à point nommé.
Aventure industrielle à l’âge d’or de l’offshore Passer rapidement d’une le prototype du Monte ébauche de carène Carlo Offshorer 28’, puis révolutionnaire aussi passent à la série dans un inventive soit-elle à un chantier tout neuf au nom produit fini et de qualité prometteur de «Mare e exige de la méthode. Sole» construit spécialeCette dernière n’a jamais ment à Vintimille, à manqué à Carlo Riva la frontière et à portée comme en témoigne son immédiate de Monaco rôle déterminant dans par camion. En 1977, le le développement du chantier devient Offshorer Monte Carlo Offshorer dès Marine sous l’administrales années 1970. À peine tion de Patrizio Ferrarese, «retraité» après la vente qui lance le 30’ en relais du de son chantier au groupe 28’, dont la série s’arrête Whittaker, ce voyageur au n°39. Le 30 pieds devient curieux ne peut se alors une silhouette résoudre à passer devant familière en Méditerranée une bonne idée nautique avec 101 unités produites sans chercher à la réaliser. jusqu’en 1988. Les Monte La fréquentation assidue Carlo Offshorer étaient des pionniers américains très bien construits en de l’offshore comme Dick fibre de verre avec, déjà, Bertram, Don Aronow, Cal des renforts en carbone, Connell ou Bob Hobbs lui comme les restaurateurs fournit plusieurs occasions de RAM ont pu s’en d’aller de l’avant. Entre apercevoir lors de 1973 et 1976, Carlo Riva, la renaissance de la coque restant dans l’ombre, et n°092 de 1981 en RAM ses équipes vont produire Offshorer n°01. 97
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du chantier qui viennent de poser en groupe devant le splendide Aquarama Special qu’ils ont à peine terminé, encore plus beau que neuf. Passant avec virtuosité de l’acajou précieux à la résine, ils n’en sont pourtant pas à leur première expérience avec les matières plastiques. RAM restaure aussi les productions récentes comme l’Aquariva sans parler de commandes spéciales confiées, en voisin, par la firme Riva.
Un défi en V et contre tous L’Offshorer est entièrement mis à nu et tous ses équipements d’origine sont complètement démontés. La plupart seront remplacés par des pièces neuves ou par des accessoires dessinés spécialement. Les innovations qui firent la gloire du modèle initial comme la console centrale sont évidemment conservées et mises en valeur par un traitement contemporain. 98
Au premier plan, Luigi Paltenghi, directeur technique du chantier, collabore directement à chaque phase du projet avec Mauro Micheli.
Le succès d’un film n’est jamais garanti d’avance et la pose de la pellicule chromée du RAM Offshorer a demandé une grande virtuosité.
Quarante ans après son lancement, Carlo Riva évoque l’aventure du premier Offshorer à Anselmo Vigani, directeur général de RAM.
Fidèle à son style élégant et dépouillé, Micheli propose plusieurs palettes de couleurs et de matériaux pour l’aménagement, dont certains comme le Corian. Le pont sera doté d’une claire-voie beaucoup plus grande et teintée. Ainsi, autant l’intérieur va se dis-
tinguer par une efficace sobriété, autant l’extérieur va être l’objet d’un défi esthétique et technique avec cet étonnant film miroir apposé sur toute la coque jusqu’à l’amorce de la carène. L’idée est de surprendre et de fasciner le spectateur comme si le nouvel
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Tapi au fond de la darse de chez RAM comme dans une base secrète, le nouvel Offshorer chromé, presque furtif, commence ses essais.
La beautÊ de la carène du RAM Offshorer sollicite les soins les plus attentifs.
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30 ans séparent ces deux versions de l’Offshorer 30’, le grand pionnier des carènes à double redan, souvent imité encore de nos jours.
Offshorer, avec sa fantastique carène, avait pu abolir toute notion de temps en fonçant sur les eaux entre rêve et réalité. Carlo Riva, à 91 ans et dont les bureaux sont mitoyens, ne manque pas un épisode du processus de revitalisation de la machine qu’il a mise au point voici plusieurs décennies.
Nostalgique et ultra moderne Dans une industrie en constante mutation comme la construction nautique, il est rare de voir le fondateur d’un chantier aussi prestigieux que Riva pouvoir discuter de questions de fond avec le designer qui veille aujourd’hui sur le stylisme des yachts qui portent encore son nom. Au printemps 2013, la nouvelle unité baptisée RAM Offshorer avec un graphisme spécifique est en voie d’achèvement. Les nouveaux moteurs sont en place, traduisant la même volonté de continuité et de modernité qui préside à l’ensemble du projet. Ce sont donc des V8 à essence qui ont été choisis, deux MerCruiser de 310 chevaux, laissant au rayon des bons souvenirs les anciens V8 Riva «350» à la sonorité réjouissante mais à la soif inextinguible. De ce fait, le cahier des charges original est respecté aussi bien en matière de poids que de puissance, mais le rendement est considérablement amélioré avec des émissions plus en phase avec les exigences actuelles. D’ailleurs, dès sa mise à 100
Le RAM Offshorer conserve un style «vintage» par ses lignes d’arbre et hélices, mais les performances sont bien au rendez-vous. Précurseur des années 1970, l’Offshorer le fut en plusieurs points, dont la console centrale adoptée ensuite par de nombreux chantiers.
Le RAM Offshorer indique l’évolution du design contemporain vers des intérieurs très dépouillés en contraste avec une coque flamboyante.
RAM offshoRER 2013 RAM Offshorer 01 - Coque n° 092 de 1981 Longueur hors tout 8,92 m Largeur 2,44 m Déplacement 3,2 t Motorisation 2 x V8 MerCruiser 310 ch Carburant Essence Capacité réservoirs 2 x 250 l Nombre de passagers 8 Vitesse de pointe 50 nœuds Consommation à 2 800 tr/mn 80 l/h Autonomie à 2800 tr/mn 185 milles CoNtACt Chantier Informations
RAM (Sarnico, Italie) www.ram-riva.it
l’eau à Sarnico, avec ses deux lignes d’arbre et de nouvelles hélices, le bateau va atteindre facilement les cinquante nœuds en se jouant du clapot, comme au bon vieux temps. Peu après, la coque polie comme un miroir taillera la route du lac d’Iseo vers Monaco pour des retrouvailles émouvantes avec son port de naissance.
Le RAM Offshorer abrite deux V8 MerCruiser de 310 chevaux, une puissance équivalente à celle d’origine mais avec un bien meilleur rendement.
Avant de lui laisser vivre sa nouvelle vie, c’est Patrizio Ferrarese qui prend le volant d’une unité qu’il a tant pilotée par le passé mais qui a été transfigurée par le traitement esthétique audacieux qu’elle a reçu. La coque miroir intrigue et fascine, en jouant sans cesse avec les éléments sans jamais
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Le dernier bateau de Carlo Riva
Le tableau de bord est équipé d’instruments d’origine Riva tandis que le volant de voiture de course est signé MoMo. 101
RAM SARnico
Maître dans l’art de la jouvence Connu pour ses restaurations de Riva en bois, le chantier sait aussi traiter des cas exceptionnels en plastique et des projets uniques.
Avec sa carène à deux redans et trois plans, qui n’a pas pris une ride, le RAM Offshorer se joue des vagues comme un poisson dans l’eau.
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Bateau de légende
en fixer l’image un seul instant. Devenu presque invisible comme un vaisseau furtif, le RAM Offshorer lancé à pleine vitesse révèle soudain sa présence par un sillage écumant. Sans aucun doute, sa carène se montre toujours aussi à l’aise en mer formée et ce n’est un secret pour personne que le plan d’eau de la Principauté n’est pourtant pas tendre avec les «petits» runabouts.
Un miroir poli qui décoiffe
Héritier direct de l’expérience et du goût de Carlo Riva pour la précision, RAM est le spécialiste historique de la restauration des unités en acajou, mais pas seulement...
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AM a été fondé en 1957 par Carlo Riva au cœur de son chantier pour créer un site pilote dans l’entretien des bateaux, leur restauration et la formation de ses concessionnaires. Alors que la firme Riva a changé plusieurs fois de mains, de Whittaker en 1970 au groupe chinois Weichai, RAM n’a jamais quitté ses locaux d’origine. Véritable sanctuaire pour les collectionneurs, RAM reste aux mains de la famille Riva. Carlo a toujours ses bureaux dans un local mitoyen. Son gendre Patrizio Ferrarese en est le président, secondé par son neveu
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Anselmo Vigani. La rénovation des Riva en bois est toujours l’activité centrale, la maison pouvant se prévaloir d’une légitimité unique. Mais, RAM, au contact quotidien du chantier Riva et de ses unités en plastique, se voit confier des commandes d’exception, telles la transformation des Iseo choisis comme tender de Venus, le yacht de Steve Jobs. Le projet RAM Offshorer démontre à son tour la capacité du chantier à répondre à des défis originaux.
En effet, ce qui frappe aujourd’hui est la modestie d’une unité de seulement trente pieds au milieu de l’armada des super yachts alors qu’il y a quarante ans, elle faisait bonne figure au ponton. Elle sera donc sans doute parfaitement dans son rôle en jouant les tenders à l’occasion. Les nostalgiques prétendent souvent qu’au cinéma, les remake sont rarement réussis. Avec le RAM Offshorer version 2013, il est bien agréable de les démentir. L’histoire retiendra sans doute aussi qu’il est probablement le dernier bateau supervisé avec la complicité de Carlo Riva, comme l’héritier inattendu d’une longue lignée. Ce n’est pas là une de ses moindres originalités, avec toute la valeur qui peut s’attacher à une œuvre unique signée par l’atelier d’un maître. n