DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°105
BENKIRANE PAR MONTS ET PAR VAUX
MONSIEUR BRICOLAGE A. Benkirane croit toujours en sa bonne étoile Les Islamistes du PJD n’écartent pas de leurs calculs électoraux une deuxième victoire aux législatives. Même si le bilan qu’ils affichent au sein d’une coalition bigarrée est pour le moins mitigé. Que d’indicateurs sont au rouge sang !
Janvier-Février 2016
PERSPECTIVES MED
1
2
PERSPECTIVES MED
ÉDITORIAL
DYNAMIQUE ROYALE
ALLAL EL MALEH
L
e soleil s’est levé autrement à Ouarzazate, capitale du Draa, avec le démarrage en grande pompe du plus grand parc solaire au monde « Noor-1». L’enjeu socioéconomique est d’importance à l’heure où Marrakech s’apprête à accueillir la COP-22. Le signal monarchique s’est voulu fort, en conformité avec les engagements d’un développement soutenable tenus à Paris lors de la dernière messe climatique. Tel est le prix d’un volontarisme de bon aloi sur le long chemin d’un développement décarbonné. Plus au Sud, c’est à Laayoune qui a abrité un Conseil des ministres, le premier du genre tenu dans l’une des provinces sahariennes récupérées, qu’une autre énergie royale allait être déployée pour donner la preuve à tous ceux qui doutent encore de la volonté du Maroc de prendre en main son destin n’en déplaise aux partisans d’un séparatisme alimenté par une Algérie toujours belliciste. L’accueil réservé au Roi donne le change à tous ceux qui caressent, encore, la chimère référendaire. Les milliers de citoyens qui acclamèrent le cortège royal auront certainement levé le doute quant au sentiment d’appartenance à la mère-patrie qu’est le Maroc. Y a-t-il meilleure expression d’appartenance que cette symbiose qui donne l’urticaire aux adversaires de la souveraineté marocaine ? En tout cas, ceux qui décortiquent les signaux d’une monarchie dynamique n’auront pas manqué d’interpréter, à sa juste mesure, la symbolique politique qui s’est exprimée à Laayoune. Le Maroc est décidé à traduire, sur le terrain, ce qu’il a toujours soutenu dans les fora mondiaux. L’offre d’autonomie élargie est en marche. Et les moyens déployés pour l’essor économique et social des provinces du Sud, colossaux au demeurant, sont à la mesure de l’engagement politico-diplomatique du Royaume. Que ce soit à Laayoune ou à Dakhla, rien n’est épargné pour imprimer une nouvelle dynamique à la croissance régionale qui tranche avec une gestion passée qui a permis l’installation de la rente et son recyclage tribal cartellisé. Voilà un changement de cap qui n’a d’égal, par ailleurs, que le large remue-ménage opéré au niveau des circuits diplomatiques. La nomination d’un nouveau ministre délégué aux Affaires étrangères, un quadra de l’appareil, s’est accompagnée d’un vaste mouvement d’ambassadeurs dans plusieurs capitales. Lequel imprime un nouveau tempo plus politique que « carriériste » à la machine diplomatique marocaine qui souffrait de ratés rattrapés in extremis par ce que les observateurs appellent la « jet diplomacy ». Le renouveau, à ce stade, se situe au niveau de l’assise « militante » qui manquait à la meccano, tout particulièrement dans les capitales où le poids de la société civile vaut son pesant d’or et où le chantage humanitaire et droitde-l’hommiste des séparatistes a fini par prendre. Réoccuper le terrain perdu et faire entendre la voix du Royaume, avec force certes, mais surtout avec la crédibilité qui s’impose, est la quête de la nouvelle démarche diplomatique. Les claques essuyées au niveau de Stokholm et de Bruxelles rappellent les limites de la diplomatie réactive en mal d’anticipation. Et c’est dans ce cadre-là qu’il faudra, sans doute, placer la démarche pour la réunion, au Maroc, d’un sommet arabe. L’initiative royale s’avère particulièrement pertinente et d’importance par les temps chaotiques qui courent. Certes, l’implication du Royaume sur l’échiquier arabe gagnerait, à coup sûr, à être plus lisible que ne le laissent entendre les va-t-en guerre. A l’élan solidaire et humanitaire qui a été imprimé à la frontière de la Libye et aux confins de la Syrie,- les hopitaux militaires déployés en Tunisie et en Jordanie ont contribué à atténuer, dans la limite du possible, les malheurs induits par l’instabilité,- on ne pouvait attendre mieux du Maroc que la convocation d’un sommet arabe. Histoire de contribuer autant que faire se peut à réconcilier ce qui peut l’être encore. Surtout que l’affaissement du monde arabe, avec la multiplicité des drames qui le ravagent, a occulté le grand drame que le peuple palestinien endure face à une entité sioniste que rien ne semble brider dans sa course barbare. Le monde arabe, en butte à un terrorisme aveugle et ouvert aux vents de la partition et de la déstabilisation, a mal à sa cohésion. Une telle fragilité doit être traitée dans l’urgence. Puisse l’appel marocain être entendu pour qu’un processus vertueux puisse enfin être enclenché. La paix et la stabilité du monde en dépendent largement.
PERSPECTIVES MED
3
POINTS CHAUDS
BENKIRANE À LA CROISÉE DES CHEMINS
GOUVERNER N’EST PAS BRICOLER
P17
SOMMAIRE 16
CHRONIQUE
18
POINTS CHAUDS
Bonjour les dégats LES OLIVES TOURNENT
La sécheresse pénalise le bilan Benkirane LE VENT TOURNE
22
24
DÉBATS
Refondation de la gauche UN PEUPLE, DES TRIBUS ET DES ZAÏM
28
MONDE
Grogne sociale en Tunisie JASMIN FÂNÉ…
34
MONDE
Terreur, confessionnalisme et Sykes-Picot ECHEC ET MAT ?
4
PERSPECTIVES MED
MONDE
21
POINTS CHAUDS
Islam, science & savoir LA FOI EN L’EDUCATION
26
MONDE
L’Algérie a mal TRANSITION RISQUÉE
In memoriam DA LHOUCINE AIT AHMED
30
CHRONIQUE
MONDE
La Libye gouvernée depuis Tunis COMMENT DÉLOGER DAECH ?
39
ÉCONOMIE
Prospectives économique AVIS DE TEMPÊTE
33
Vécu ici 2015 UNE ANNÉE MÉPHITIQUE
40
ÉCONOMIE
Loi des dinances 2016 ADOPTION SANS ENTHOUSIASME !
ÉCONOMIE CULTURE
49
ÉCONOMIE
Réforme des retraites APPROCHE BIAISÉE
60
ÉCONOMIE
Chine-Afrique ENTRE AMBITION ET RÉALITÉ
72
ENTREPRISES
Affaire Samir TOUT FEU, TOUT FLAMME !
95
SPORT
La FIFA toujours en feu DES ABUS PLEIN LES COUPES !
39 49 83 94
55
ÉCONOMIE
Retraite des parlementaires L’AFFAIRE SE “POPULISE
64
ÉCONOMIE
Réchauffement climatique LE MAROC PRÉPARE SA COP!
84
CULTURE
DOSSIER DU MOIS SPORT
57
ÉCONOMIE
Gestion du portefeuille de la cCMR LA MAMELLE DU TRÉSOR
72
ENTREPRISES
Affaire Samir TOUT FEU, TOUT FLAMME !
81
CULTURE
sociologie LES COMBATS DE F. MERNISSI
L. Poitras dénude l’oncle sam «CITIZEN FOUR», OSCAR ET ESPOIR
97
CHRONIQUE
SPORT
Dopage en athlétisme JUTEUX CONTRATS…
98
Juste pour rire GÉOPOLITIQUE DES LARMES
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI| RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ISSRAE TAYBI/PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES
PERSPECTIVES MED
5
VU LU
ENTENDU JET DIPLOMACY
PARIS AVANT MOSCOU
En ce mois de février, l’agenda diplomatique du Roi est des plus chargés. Attendu à l’Elysée où il sera reçu par le Président français pour un « tête à tête », le Souverain est aussi attendu à Moscou pour une rencontre au sommet avec le Président Poutine. Déjà, Fouad Ali Al Himma s’était rendu à Moscou pour préparer la visite royale qui a été retardée à plusieurs reprises. Cette visite revêt un grand intérêt au regard de l’évolution de la situation dans le monde marquée par un retour à la case « guerre froide». Le Maroc qui avait choisi le camp occidental, face au camp communiste de l’époque, ne cultive plus le tropisme d’antan. Et c’est vers un partenariat stratégique que le Maroc entend s’acheminer avec la Russie en attendant de sceller d’autres rapports, jugés eux aussi stratégiques, avec la Chine. Tel serait le couronnement pour une diplomatie ouverte pour laquelle la monarchie milite dans un monde d’ores et déjà multipolaire. Pour nombre de spécialistes, « l’intérêt du Maroc serait de capitaliser sur ses excellents rapports avec les USA pour s’ouvrir sur d’autres horizons prometteurs ». Pas à pas, cette nouvelle architecture se met en place.
Driss El Yazami, patron du Conseil national des droits humains (CNDH), entend boucler le rapport décennal de l’Instance équité et réconciliation (IER) avant de le soumettre à l’appréciation du Roi. Pour nombre d’acteurs, la démarche d’El Yazami pècherait par un excès d’optimisme, le dossier de l’IER ne saurait être bouclé et ficelé qu’une fois tous les cas, encore litigieux, comme le dossier des disparitions forcées, traités. Cela sans parler de nombreuses questions pendantes comme la gouvernance sécuritaire, la peine de mort, la CIP, le jugement des responsables des exactions, etc. « Pourquoi dès lors une telle précipitation ? » Telle est la question qui ronge nombre de militants des droits de l’homme qui, par ailleurs, soutiennent que le Maroc n’a pas réussi à enterrer les vieilles pratiques, la répression étant toujours en marche.
IER TOUT EST PLIÉ ?
Le 20 février approche et les militants qui avaient défrayé la chronique, il y a cinq ans de cela, ont pris quelques rides sans pour autant baisser les bas. La célébration de la date anniversaire du mouvement se fera dans plusieurs villes pour donner le change à tous ceux qui ont cru en la mort annoncée d’un tel mouvement de contestation. Comme quoi, les raisons de la colère n’ont pas disparu… Entre Laurent Fabius, ex-patron de la diplomatie française et Abdelbari Zemzmi, fkih défunt du PJD, un dénominateur commun existe. C’est la carotte ! Le premier qui atterrit au Conseil constitutionnel français trouvera tout le temps pour goûter à son plat favori : les carottes râpées. Alors que le deuxième qui a volé vers les Cieux réservait ce légume bien droit aux femmes célibataires portées sur la chose.
CAROTTE
PJD
PAS DE MANDAT POUR BENKIRANE SAAD EDDINE EL OTHMANI, DEUXIÈME HOMME FORT DU PJD, A ÉTÉ DES PLUS CATÉGORIQUES LORS D’UNE ÉMISSION TÉLÉ. BENKIRANE NE BÉNÉFICIERA PAS D’UN MANDAT SUPPLÉMENTAIRE À LA TÊTE DU PJD, CONFORMÉMENT AUX STATUTS DE LA FORMATION ISLAMISTE. POINT DE DÉROGATION À LA RÈGLE. DANS LA BOUCHE D’UN APPRENTI DIPLOMATE, UNE TELLE AFFIRMATION PREND TOUT SON SENS.
6
PERSPECTIVES MED
Medi1 TV
LE PARI RISQUÉ DE L’ACTU Médi-1 TV bouge. A sa façon. Il en va ainsi de la révision de la grille des programmes pour laisser la part belle à l’information. Avec un accent particulier réservé à la couverture de l’actualité africaine. Abbes Azzouzi, patron de la chaine, n’en démord pas. Il entend réussir son pari. Sauf qu’un tel engagement s’avère des plus hasardeux au regard des ressources humaines mobilisées pour la tâche. D’ores et déjà, dans les couloirs de la chaine, la grogne du personnel se fait sentir de plus en plus fort. Forçant la direction de la chaine à réagir via un communiqué dans lequel elle met en évidence sa ferme volonté à renforcer ses ressources humaines. Ce qui pousse les fines bouches de la chaine à dire que les promesses ainsi déclinées n’engagent que ceux qui y croient. « On ne trouve pas de bons journalistes sur les étals », assure-t-on.
PERSPECTIVES MED
7
VU LU
ENTENDU
SAHAM TOUCHE À TOUT
L’ÉDUCATION DANS L’ESCARCELLE Mezouar râle
Rien ne va plus au sein de la coalition gouvernementale depuis que le patron du RNI, (composante d’appoint qui sest greffée sur un Exécutif affaibli par la sortie tonitruante de l’Istiqlal), a décidé de voler dans les plumes de Benkirane et de son parti jugés dominateurs.
Anticipation
La diplomatie parallèle en charge du dossier saharien compte se déployer autrement que par le passé en invitant des représentants du Polisario à venir au Maroc. Tel est l’objectif que s’est fixée la Fondation Aït Idder qui organise, au Maroc, un colloque international dédié au dossier saharien.
Trafic
La sonnette d’alarme a retenti du côté de FRONTEX, organisme européen qui veille sur la gestion de la mobilité aux frontières de l’U.E. Selon cette structure, la demande en passeports marocains, falsifiés ou non, se fait pressante dans la zone Nord.
Recyclage
Etonnante est la grille des programmes politiques de TVM. Surtout lorsqu’on voit défiler d’anciens ministres qui traînent derrière eux un lourd passif, comme c’est le cas du harakiste Ouzzine. L’opportunité d’un tel passage est des plus énigmatiques. 8
PERSPECTIVES MED
Où s’arrêtera la boulimie de Moulay Hafid Elalamy ? Nul ne saurait le dire puisque le ministre et homme d’affaires qui a réussi dans les assurances et les médias est tenté par l’éducation, primaire et secondaire. Sana Éducation est née. Elle regroupe Tana Africa Capital, une structure d’investissement cofondée par la famille Oppenheimer (Afrique du Sud), le fonds souverain singapourien Temasek et le groupe Saham. Une première acquisition, de petite taille, a déjà été réalisée à Casablanca. Saham, pour rappel, a déjà investi la santé au Maroc (avec la construction d’un hôpital privé à Marrakech et l’acquisition de plusieurs cliniques et centres de soins à Tanger et à Casablanca) et cédé ses cliniques et son activité immobilière en Côte d’Ivoire. Comme il intègre le jeu de « l’économie des poucettes » en signant un accord avec Facebook. De quoi faire oublier l’assurance agricole qui a déjà fait du buzz depuis que la décision a été prise de marcher sur les platesbandes de la Mamda?
MAROC-UE LES GRAINS DE SABLE « Rien dans le droit international n’empêche l’Union européenne de conclure des accords commerciaux avec le Maroc, y compris ceux qui ont trait au Sahara. » Telle est en substance la réponse apportée par Federica Mogherini, Haute représentante de l’Union européenne pour la politique extérieure et la sécurité, à une question soulevée par Miguel Urban, eurodéputé du parti espagnol Podemos, qui épouse les thèses du Polisario sur la violation par le Maroc des ressources sahraouis. La chef de la diplomatie européenne a admis que la décision de la Cour européenne de Justice du 10 décembre dernier annule partiellement la décision « du Conseil sur la conclusion de l’accord agricole entre l’UE et le Maroc », mais elle a ajouté que cette même décision « ne vaut pas pour toute autre décision du Conseil par rapport à tout autre accord avec le Maroc ». Elle a aussi expliqué que l’UE s’inscrit dans le cadre des efforts de l’ONU pour trouver une solution politique juste et durable dans la région. A Rabat, les contacts avec la représentation de l’UE ont été réduits au minimum, malgré l’appel interjeté par le Conseil à la décision de la justice européenne.
POPULATION CARCÉRALE LE MAROC FAIT FORT DANS LA DÉTENTION ABUSIVE Selon l’Institut Britannique de Recherche sur la Politique Pénale, le Maroc se place en tête des pays arabes, avec la population carcérale la plus élevée. Pas moins de 76.794 prisonniers, dont 40% à titre préventif, meublent les prisons, selon les chiffres de l’administration pénitentiaire communiqués en août dernier. L’étude tempère ce classement en soulignant que le Maroc qui affiche un ratio de 222 prisonniers pour chaque 100.000 habitants, est devancé, en chiffres relatifs, par le Bahreïn et les Emirats Arabes Unis. N’empêche, l’affaire est suffisamment grave pour soulever la pertinence de l’incarcération préventive. Un des dossiers lourds à gérer par la Justice marocaine pour le moins tatillonne…
PERSPECTIVES MED
9
VU LU
ENTENDU NABYL BENABDELLAH
AFFAIRE DE « BLOCS » Le camarade Nabyl qui excelle dans la rhétorique ne peut pas s’assurer plein succès partout. Avec plus de quatre ans d’actions de proximité intéressée au sein de la coalition pilotée par les islamistes, au point de se révéler comme l’allié le plus sûr du PJD, ne voilà-t-il pas qu’il phosphore à plein régime. Ainsi, on l’a vu théoriser autour du retour au « bloc historique » dont il s’est défait en critiquant l’errance de la première force socialiste (celle qui a conduit l’USFP à assumer son refus de servir de faire valoir à une «démocratie islamique » qui peine à émerger) et les erreurs de jugement du premier parti nationaliste (l’Istiqlal ayant lâché la coalition en cours de route). Rien de plus normal à ce qu’un ministre en charge de l’Habitat parle de villes, de « smart city », de bidonvilles et de « blocs ». Sauf que la « Koutla » dont il ressort les vertus pour faire barrage aux nuisances des forces qui ne raisonnent qu’en terme de diktat a fait son temps. Une histoire ancienne pas suffisemment « sexy » pour créer l’engoûement des citoyens pour la politique et les jeux d’alliances qu’elle génère. On ne l’a pas souvent vu le patron du PPS se lancer corps perdu dans les batailles de société au point de crééer l’urticaire à son allié anhitorique. Les petits calculs, au mètre carré près, ont bien souvent marqué le marathon couru par Benabdellah, avec le plus grand sérieux, fidèle en cela au terme générique qui a marqué toutes les campagnes des « cocos ». Mais on peut lire à livre ouvert dans le jeu du ministre qui sait que le sens de « la bulle » dans l’immobilier est en tout point « kif-kif » en politique. L’explosion n’est jamais assez loin. Dopé aux arrangements avec les barbus d’aujourd’hui, El Haj Nabyl ne saurait échapper à l’opportunisme de la nature. Elle se charge de rappeler aux surfaits leurs limites. L’union fait la force. Voilà pourquoi le patron du PPS ferraille en faveur d’une réurgence de la Koutla. Reste à savoir si dans ce déménagement les meubles seront sauvés. C’est à voir !
DIXIT
« L’ENGAGEMENT DU MAROC DANS UNE FORCE TERRESTRE N’EST ABSOLUMENT PAS À L’ORDRE DU JOUR », A AFFIRMÉ LE CHEF DE LA DIPLOMATIE MAROCAINE METTANT AINSI UN TERME AUX SPÉCULATIONS SUR L’INTERVENTION DES FAR DANS LA ZONE MOYEN-ORIENTALE. SALAH EDDINE MEZOUAR A SIGNALÉ QUE « DES DISCUSSIONS SE TIENNENT EFFECTIVEMENT AUTOUR DE CETTE QUESTION MAIS EN DEHORS DU MAROC, DONT LES POSITIONS CONCERNANT LA SITUATION DANS LE GOLFE SONT CONNUES ». N’EMPÊCHE, LES FORCES MAROCAINES ONT DÉJÀ ÉTÉ PROGRAMMÉES DANS LES GRANDES MANŒUVRES ORGANISÉES AU NORD DE L’ARABIE SAOUDITE BAPTISÉES «TEMPÊTE DU NORD». Salah Eddine Mezouar
« Global Firepower », site spécialisé dans les questions de défense, classe l’armée marocaine au 6ème rang en Afrique, après l’Egypte, l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Nigéria et l’Ethiopie. Les FAR qui comptent 195. 800 hommes et 150.000 réservistes, mobilisent près de 1.215 tanks, plus de 280 avions, et une centaine de navires militaires, et disposent d’un budget annuel de l’ordre de 3,4 milliards de dollars. « Global Firepower » ajoute que le Maroc intègre le Top 50 des armées les plus puissantes au monde.
CLASSEMENT
10
PERSPECTIVES MED
AFRICOM LES FAR IMPLIQUÉS L’armée marocaine est impliquée dans l’opération «Flintlock 2016», organisée par le Commandement militaire des Etats-Unis pour l’Afrique (AFRICOM), se déroulant au Sénégal et en Mauritanie du 9 au 29 février. Pas moins de 1.700 militaires issus de trente pays participent à cette opération. Durant trois semaines, l’exercice a pour but «de renforcer et d’améliorer la coopération multinationale contre les groupes terroristes actifs en Afrique de l’Ouest et du Nord, en particulier ceux alliés au prétendu “Etat Islamique (EI)”, et à Al Qaida au Maghreb islamique (AQMI)».
PERSPECTIVES MED
11
VU LU
ENTENDU AMENDIS ASSIGNÉE EN JUSTICE
« MUCH LOVED »
LE PROCÈS TOURNE COURT
A Marrakech, la décision du tribunal de première instance prise le 10 février restera dans les annales de la Justice marocaine. En effet, le tribunal a rejeté, pour vice de forme, la plainte déposée par l’Association marocaine de défense du citoyen contre Louban Abidar et Nabil Ayouch. Une victoire symbolique qui consacre,
même sans le dire, la liberté de création. Le procès qui trainait depuis la sortie du film « Much Loved », frappé d’interdit au Maroc, a finalement mis un terme au suspens… Dommage que le film connaît des succès ailleurs, comme en Tunisie, alors que les censeurs marocains ont jugé bon de voiler la triste réalité de la prostitution au Maroc.
REMANIEMENT EN FRANCE FIÈVRE ALGÉRIENNE CONSEIL DE LA MAGISTRATTURE
M. AL HINI EXCLU ! Le ministère de la Justice a rendu public un communiqué consacré aux résultats des travaux du Conseil de la magistrature qui a entériné les propositions concernent la nomination de magistrats dans des postes de responsabilité et auprès de la Cour de cassation, la mutation d’autres, l’attribution de la qualité de juge honorifique à d’anciens magistrats, en plus de mesures disciplinaires à l’encontre de certains juges. Mais c’est la révocation définitive de Mohamed Al Hini, connu pour sa droiture et son militantisme en faveur d’une justice indépendante qui marque ainsi de son empreinte les travaux du Conseil. M. Ramid, ministre de la Justice, aura-t-il consommé le dérapage de trop dans le processus de réforme de la justice ? Tout porte à le croire, le département piloté par le PJD ayant fait grand cas de son refus de voir la justice marocaine sous l’emprise de juges engagés. Ceux-là mêmes qui du Club des magistrats aux autres structures parallèles ont milité et militent toujours pour l’indépendance effective de la Justice. De quoi demain sera-t-il fait ? Nul ne saurait le dire vu l’empressement avec lequel M. Ramid, ministre de la Justice et des libertés entend faire aboutir la réforme d’un secteur stratégique pour un Etat de droit.
12
PERSPECTIVES MED
Après Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation, et Myriam El Khomri, ministre du Travail, un troisième ministre possédant la double nationalité franco-marocaine a fait son entrée au gouvernement Valls comme ministre de la Culture. Il s’agit d’Audrey Azoulay, fille du Conseiller du Roi. Il n’en fallait pas plus pour qu’une levée de bouclier soit enregistrée à Alger. On prête ainsi à Saïd Bouteflika, frère du Président algérien, une réaction de désapprobation d’une « marocanisation » rampante de la vie politique française. « Mondafrique » rapporte que le courroux algérien a été officiellement notifié à un proche conseiller de F. Hollande. Pas de quoi fouetter un chat…
UNE LE PEN AU MAROC OPÉRATION DE CHARME ? Marion Maréchal Le Pen entend faire reluire son blason, à l’international SVP, depuis qu’elle a subi une défaite cuisante aux régionales. Au programme de sa tournée, Moscou, Rome, Tel-Aviv et Rabat seraient au menu. Reste à savoir si la députée du Front National qui déploie son opération de charme au-delà des Pyrénées réussira son coup. Souvenons-nous que son grandpère qui avait été reçu par feu Hassan II à Rabat avait alimenté la polémique au Maroc. La Maréchal du FN réussira-t-elle à passer inaperçue lors de son séjour dans le Royaume ? Certainement pas aux yeux de son fan club parmi les expatriés.
BMW
PERSPECTIVES MED
13
VU LU
ENTENDU LAHCEN SEKKOURI
RENTE SPORTIVE Il aura été plus judicieux de faire bon usage de la raclette au ministère de la Jeunesse et des sports que d’en trainer les scories. Ceux qui ont induit un surcoût pour la Mouvance populaire qui a perdu un de ses jeunes premiers sur lequel avaient misé bien des cadors. En tout cas, l’actuel ministre ne semble pas se soucier le moins du monde des injustices que le département expire à tous les étages. Sekkouri n’a pas fait grande preuve de diplomatie en reconduisant les privilèges indus dont jouissent les « stars » du sport national assimilés à des fonctionnaires fantômes. Ni de justesse dans ses décisions de promotion des cadres « pur jus » du ministère. Aux premiers les lauriers d’un surclassement qui ne fait que confirmer la règle de la survivance de la rente. Et aux seconds la descente aux enfers ! Lahcen joue là une mauvaise partie dont il sera comptable quand bien même il considérerait qu’il ne déroge point à la règle en suivant les sentiers battus par ses prédecesseurs fort populaires. En cette période de soudure, le dernier quart d’heure pour l’Exécutif, les milieux sportifs n’ont que les yeux pour pleurer l’absence d’une stratégie volontariste susceptible de redonner l’aura aux disciplines qui permirent au drapeau national de flotter haut dans les cimes. Voilà un vice de forme pour le consul que fut le ministre Sekkouri. Point de sursaut à attendre, donc !
HAKIMA EL HAITÉ
TOP CHRONO !
Il y a de ces ministres qui portent mal leur prénom. Il en va ainsi par la très peu sage Hakima de la version 2 de la coalition gouvernementale. Celle qui officie dans le ministère de l’Environnement n’a rien trouvé de mieux que de confirmer, par ses dires, qu’elle est brute de tout coffrage. Imaginons un peu que les Marocains singent la ministre, en travaillant 22 heures par jour… Allez, top chrono ! Nul n’aurait besoin de remettre en cause le rendement de l’administration, ce mamouth que l’on dégraisse toujours alors que le taux d’encadrement du pâys est faible, et encore moins évoquer la réforme de la CMR. Le pays offrirait un nouveau visage où la croissance du PIB se suffirait à elle-même, sans aller chercher plus loin dans la compilation des divers registres de la richesse immatérielle. Le Maroc aurait même damé le pion à la Chine et autres ateliers du monde au seul motif qu’ici bas, on est de parfaits travailleurs ! On aurait même fait l’économie de toutes les joutes autour du droit de grève. Mais tout cela est à mettre sur le compte du surmenage d’une responsable qui a un pied dans l’administration et l’autre dans le privé. A moins que ça ne soit qu’un mauvais rêve que Mme El Haité vend à ses pauvres coreligionnaires. Avec pareille ineptie, la ministre de l’Environnement a franchi le mur du son en baladant son monde dans la nature. Encore que la sagesse populaire peut aisément corriger ses torts. Ne dit-on pas que « la langue ne comporte pas d’os » ? Excusable, la ministre ? Elle peut l’être si elle avait défendu une semaine de 35 heures. Ou si elle avait fait son mea culpa en évaluant les dégâts sur l’homme, comme sur la nature, d’horaires de travail dignes des forçats. Dommage !
14
PERSPECTIVES MED
MOSTAPHA RAMID
DURA LEX
Celui que l’on affublait du titre d’enfant terrible du PJD devenu ministre de la Justice ne fait toujours pas dans la dentelle. Il n’a pas la langue dans la poche lorsqu’il s’agit de défendre mordicus sa conception de la réforme d’un secteur des plus névralgiques. Mostapha, l’élu du PJD appelé de par ses fonctions à défendre aussi les libertés publiques, ne se contente pas deulement de sommer tous les partenaires à remballer leurs critiques. Il enfonce le clou plus loin en exigeant des sanctions contre tous ses contradicteurs. Nul besoin de rappeler, à ce propos, les tristes épisodes des deux juges convoqués à comparaître devant le Conseil de la magistrature. Dans les amphis, Ramid qui avait encaissé pleins de coups, y compris les plus mauvais aux dégâts psychologiques dévastateurs, semble décidé de rendre coup pour coup pour que rien ne lui échappe. Sauf lorsqu’il s’agit de remettre à l’endroit les forces de l’ordre qui débordent les manifestants avec les résultats que l’on sait. Là, le ministre préfère regarder ailleurs pour ne pas être pris à témoin. Mais l’Histoire ne pardonne pas les égarements d’un avocat qui, dans ses habits ministériels, fait preuve d’une raideur un tantinet coincée. Veiller à défendre les droits de l’homme quoi qu’il en coûte ? Dans une autre vie, peut-être ! Dure loi que celle à laquelle il s’agrippe pour s’assurer de la paternité incontestée de la réforme de la justice. Et advienne que pourra pour les pauvres hères de l’association Adala, et ils comptent des magistrats de grande valeur. Dura lex…
CHARAFAT AFILAL
ELLE MARCHE SUR L’EAU Il n’aura pas fallu plus que « Zouj Franc » pour mettre le feu aux poudres. Et la ministre en charge de l’Eau de boire la tasse. Comme quoi, en politique, il vau mieux tourner sa langue plusieurs fois dans la bouche avant de débiter quoi que ce soit. Bien sûr que l’on trouvera à la ministre progressiste bien des excuses, plates ou gazeuses, c’est selon. D’aucuns verraient dans les propos de Charafat le parler vrai d’une militante qui récuse le populisme. Sauf que la pauvre ministre s’est laissée ferrer elle-même dans son raisonnement en voulant faire passer la pilule des pensions des ministres et autres représentants de la nation à l’heure où la scène nationale suffoque de logorrhée autour de la réformette de la CMR en attendant la vraie réforme des retraites. D’autres verraient en notre Afilal une ingénieure que la course de fond en politique l’a propulsée là où elle est aujourd’hui, à la tête d’un département ministériel avec tous les honneurs que cela induit, c’est-à-dire en haut d’un perchoir d’où les salaires de la majorité des Marocains lui paraissent bien menus. Du coup, rien ne l’empêcherait de croire au miracle, celui qui consiste à marcher sur l’eau… Toujours est-il que l’histoire des « deux francs », comme d’ailleurs les 22 heures de travail par jour de son alter égo en charge de l’Environnement, ont fait le buzz. On imagine aisément les yeux pétillants de malice du ministre plein du PJD qui truste, lui, Energie, mines, environnement et eau. Lui, au moins, il est sauf depuis la fumeuse histoire des flûtes qui avait défrayé la chronique. Il y a de quoi sabler le champagne, là, non ? Camarade Afilal s’est déclarée outrée par autant d’acharnement contre elle et de harcèlement contre sa petite famille. Mais elle oublie au passage qu’elle a écorché vif de nombreux de ses semblables qui touchent des pensions représentant à peine la moitié du Smig. Et c’est bien là où le bat blesse !
PERSPECTIVES MED
15
CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGATS
LES OLIVES TOURNENT Par : Said Akechmir
«
L’idée est de créer l’image d’un pays de destination de qualité ». Ainsi parlait Abderrafie Zouiten aux médias conviés à une rencontre au cours de laquelle le DG de l’ONMT, en attendant la nouvelle enseigne, a livré sa recette pour le développement de l’industrie touristique nationale. Pour les vieux briscards du landernau médiatique, on croit encore rêver face aux assurances des responsables qui s’ingénient à trouver les mots justes pour parler de la crise qui affecte tout un secteur au confluent, faut-il le rappeler, de bien d’autres encore ! Car que retiendra-t-on de la phrase magique assenée par le patron de l’Office public si ce n’est qu’elle rappelle, à quelques nuances près, celles lâchées naguère par tous les acteurs, publics comme privés, mobilisés au chevet d’un secteur en mal de positionner « le plus beau pays du monde » dans l’agenda des TO ? Et on rebelote donc avec le déficit d’image qui colle, comme une seconde peau, à la destination magique du Royaume. Du coup, la solution résiderait, croit-on dur comme fer, dans une rallonge budgétaire de 400 MDH pour donner plus de prestance aux campagnes promotionnelles. Va donc pour cette nouvelle rallonge à laquelle, en toute bonne logique, les opérateurs privés eux-mêmes devraient participer. N’a-t-on pas materné les fameux CRT pour ce faire, chacune des régions devant assurer sa propre offre promotionnelle ? Bien sûr, il va de soi que le retour sur investissement a d’ores et déjà été calculé. Avec les harpons lancés à tout va, de la Mer Caspienne à la Mer de Chine, en passant par l’Atlantique Nord, l’ONMT table déjà sur des recettes touristiques additionnelles de 5 milliards de Dh. Ne vous décillez pas, le chiffre est rond à l’horizon 2018. Les filets dérivants devant tirer dans leur sillage 1,5 million de nouveaux touristes… On reconnaitra à Si Abderrafie, en ce début d’année, une fraicheur dans le langage qui transgresse la langue de bois chère à tous nos commis de l’Etat. Le déficit démocratique qu’il a su relever, à sa manière, en dévoilant les questions qui fâchent (comme les jupettes d’Inezgane ou encore l’interdiction de la projection at home de
LE TOURISME EST HABILLÉ DE SCORIES DÉSARMANTES
16
PERSPECTIVES MED
Much Loved), ont contribué à ternir l’image du pays. Et c’est bien là où le bât blesse : le mal est bel et bien en nous. A charge, pour nous, de savoir comment le traiter sans grand dégât. Car les touristes ne se nourrissent pas que de farniente et d’hospitalité, dit-on exemplaire ! Ils ont besoin de sentir le cœur d’un pays qui palpite, sonder son âme démocratique qui transparait vis ses projets de développement volontaristes. Et faire un tour dans les artères des grandes cités, y compris celles qualifiées pompeusement d’impériales, alors que leur capital est en pleine dépréciation face à un laisser-aller déconcertant, n’est pas près d’arranger en quoi que ce soit l’image reluisante que l’on entend vendre aux visiteurs. Les mendiants squattent les rondpoints et les estropiés assaillent les automobilistes. Et on ne parle pas des souks où les dépenaillés étalent leur misère. La démocratie n’est pas seulement cette construction idéelle qui trouve ses échos dans les institutions élues, elle est aussi l’expression d’une inclusion économique qui fait défaut. C’est bien cette réalité là qui est choquante. Comme l’est aussi la qualité des ressources humaines qui vivent aux crochets du tourisme faute de mieux. Le service dans les établissements classés est, à quelques exceptions près, des plus défaillants. Le professionnalisme fait lourdement défaut. Et last but not least, on n’oubliera pas de brocarder, ici et maintenant, la démarche qualité dont souffre le transporteur aérien national. A bord des vols RAM, la qualité du service à bord laisse largement à désirer. A commencer par les plateaux repas négociés au rabais. N’est-il pas vrai que les pilotes de ligne de la compagnie boudent le service à bord, eux qui n’ont pas plus d’exigence que les clients transportés ? Le pavillon national mérite, on n’en doute pas, un meilleur sort. Surtout lorsque le touriste, piqué au vif par les charmes du Maroc découvre, dès le début de son périple, que ça démarre déjà mal. Alors, ces 20 millions de touristes ? Mieux vaut en rêver, il paraît que ça distraie. Et pas qu’un peu avec les… Draemliner dont on fait grand cas. Au pays des olives, tout tourne. Evitons que le tourisme tourne court. En déployant, par devers nous-mêmes, les efforts nécessaires.
POINTS CHAUDS
BENKIRANE À LA CROISÉE DES CHEMINS
GOUVERNER N’EST PAS BRICOLER Soumis à la dictature du temps politique, Benkirane s’apprête à rendre son tablier de Chef du gouvernement. 2016 est l’année charnière. « Rien n’est perdu », estiment les aficionados du leader du PJD qui ne croient pas à l’usure du pouvoir. « Tout est gagné», jugent d’autres milieux qui évaluent l’expérience à l’aune de la normalisation des rapports avec le courant islamiste. Mais au-delà de ces approches, le bilan de Benkirane reste des plus mitigés. Même si l’apaisement aura été le mantra de son début de mandat, la gestion des soubresauts de ce qu’il est convenu d’appeler « Printemps arabe » ayant largement favorisé la montée en puissance de l’islam politique sur la scène. Le chef du gouvernement s’est évertué à donner les gages d’une loyauté à toute épreuve à une monarchie exécutive des plus entreprenantes. Quitte à jeter le trouble sur les portées réellement novatrices de la Constitution de 2011. C’est ce qui lui vaut, en gros, les critiques les plus acerbes d’une opposition décidée à reprendre la place qui lui échoit dans la société. En s’arcboutant sur une revendication démocratique de taille : la consécration de la monarchie parlementaire. Il faut dire que le train des réformes qui s’est ébranlé avec Benkirane comme machiniste n’aura pas fait que des contents. Même s’il s’est évertué à jouer la partition du populisme jusqu’au bout pour s’assurer l’adhésion des masses. La paix sociale s’avère d’une fragilité certaine, comme l’attestent le nombre de manifestations qui se déroulent dans le pays. Et la grogne n’est plus l’apanage des seuls adversaires politiques du PJD, comme le montre la montée
au créneau des syndicats. Mais aussi d’une bonne partie de la société civile. Autant dire que le mandat de l’Exécutif se termine avec un goût prononcé de l’inachevé. On est loin des promesses liées à la lutte contre la prévarication, passe-droits et autres rentes de situation. Les fameuses listes brandies tel un épouvantail pour conjurer le sort n’ont pas contribué grandement dans la lutte pour la moralisation de la vie publique. Quant à la demande largement exprimée contre l’autoritarisme, il faut dire qu’elle n’a pas subi le traitement de choc, révolutionnaire s’il en est, comme le rappellent les diverses campagnes de répression menées contre les divers corps protestataires. Face à un tel bilan, il se trouve des caciques du PJD qui croient toujours en leur bonne étoile pour rempiler à l’issue des législatives de 2016. Mais rien ne semble acquis pour autant. Surtout que l’Exécutif achève son mandat sous un mauvais présage : la sécheresse et ses aléas. « Gouverner, c’est pleuvoir !», disait-on. Jamais pareille parabole n’aura été aussi vérifiable. Les temps sont difficiles même si la facture énergétique a baissé de plusieurs crans… Et l’amplitude des inégalités sociales est telle (malgré ou à cause de la révision du système compensatoire) qu’il serait difficile de pouvoir compter sur le réservoir des électeurs qui ont contribué à monter la sauce PJD. D’autant que les avertis savent que le volontarisme qui a fait défaut au gouvernement aurait pu tonifier les stratégies de développement avec, à la clé, la recherche d’un rééquilibrage de la politique de l’emploi.
PERSPECTIVES MED
17
LA SÉCHERESSE PÉNALISE LE BILAN BENKIRANE
LE VENT TOURNE C’EST LE « PRINTEMPS » MAROCAIN QUI A FACILITÉ L’ACCÈS DES ISLAMISTES DU PJD À LA COGESTION DES AFFAIRES DU PAYS. MAIS C’EST L’ÉTÉ QUI RISQUE DE LEUR ÊTRE FATAL AVEC LE POIDS D’UNE SÉCHERESSE DÉSTABILISATRICE POUR L’ÉCONOMIE DU PAYS. AVEC CE QUE CELA COMPORTE COMME RISQUE DE DÉCLASSEMENT SOCIAL. EN TOUT CAS, LE BILAN DU GOUVERNEMENT BENKIRANE S’APPARENTE À UNE MOISSON D’ÉPINES. SUR PLUSIEURS DOSSIERS…
D
bien d’autres, que « l’étoffe » dont s’est paré Benkirane pour es Benkiranolâtres ? Parmi les tribus politiques, il en existe qui donner de la voix risque de s’effriter pour livrer du leader du ne jurent que par l’homme et sa dimension de « bête poliPJD la seule image qui lui sied aux yeux de ses détracteurs : tique». Les thuriféraires du bouillonnant patron du PJD n’héune baudruche, sans plus. Bref, il ne s’agirait ni d’un « miracusitent pas à louer en lui « le démineur » qui fonce tête baissée leux » phénomène médiatique, ni d’un « bouledogue » enragé pour accomplir les prouesses « politiquement suicidaires ». prompt à assumer le Brutus qui fut en lui. L’allusion est ainsi faite aux réformes dont ses prédécesseurs En l’espace d’un quinquennat, peut-on furent incapables ne serait-ce que dire sans risque de se tromper que le d’en lancer l’esquisse. Caisse de A. BENKIRANE EST-IL UN Chef du gouvernement a réussi, policompensation, droit de grève, régime des retraites… Autant de décisions RÉEL “BOULEDOGUE” QUI tiquement parlant, ses années de propédeutique ? S’il est aisé de basculer dans impopulaires qui, pourtant, ont fini le caricatural, vision réductrice par excelpar être digérées par le commun MORD OU UNE SIMPLE lence, on pourrait dépeindre le patron des mortels. Mais pour combien de de l’Exécutif sous les traits grossiers d’un temps, est-on tenté de dire. Car c’est BAUDRUCHE? Don Quichotte aux prises avec ce que lui de l’érosion du pouvoir d’achat de même continue de qualifier de « démons larges couches qu’il est question ici. » et autres « crocodiles ». Mais trêve de tartufferie quand bien Erosion qui agirait comme un descenseur social capable, à même le guignolesque l’emporte, fort malheureusement, sur le terme, de disqualifier les classes moyennes qui, et c’est une sérieux dès lors qu’il est question de parler « bilan ». Il faut raiévidence économique, assurent la dynamique de la consomson garder à l’heure où de nombreux clignotants sont passés mation interne. Et c’est à l’aune de ce constat, comme sur
18
PERSPECTIVES MED
RECIT À CONSTRUIRE
I.El Omary réussira-t-il à vaincre les réticences d’un D. Lechgar (en sandwich ici à câoté de M. Bakkoury) plus proche de H. Chabat?
au rouge. Préfigurant d’une situation des plus alarmantes qui risque de précipiter le pays vers l’inconnu. On le voit déjà avec la gestion chaotique de plusieurs dossiers conflictuels à caractère éminemment socio-économique. Et la crise des enseignants serait symptomatique d’un manque d’imagination au niveau d’un Exécutif prompt à s’enflammer pour restaurer l’aura d’un Etat qui ne saurait s’exprimer que via le recours au bâton, symbole de la puissance publique. Pour anecdotique qu’il soit, le tour de passe-passe entre le Chef du gouvernement et le ministre de l’Intérieur autour de la responsabilité de la dérive autoritaire traduit, à n’en point douter, un profond malaise que même le cynique renvoi à un prétendu « jeu de rôles » ne saurait occulter. Car ne voilà-t-il pas qu’un supposé chef d’orchestre n’arrive même pas à jouer une partition pour laquelle il a été mandaté. Le pauvre Benkirane « se fait balader » dans la gestion de plusieurs dossiers, à commencer par le Fonds de soutien agricole dont il s’offusquait d’ignorer les détails. Pis, la fin de sa mandature a failli tourner à l’aigre avec le chapitre de l’assurance contre les aléas climatiques qui a été ouvert, en profitant à une compagnie de la place détenue par un ministre, pour être fermé. Le scandale qui a fait le buzz dans la blogosphère a été étouffé dans l’oeuf. Et si la maîtrise de la chose économique semble lui échapper, lui qui a reconnu à maintes reprises, y compris face à des hôtes étrangers, les limites de sa culture en la matière, la comptabilité générale n’ayant rien à voir avec les calculs d’épicier, il n’en reste pas moins que sur d’autres dossiers aussi, il ne fait pas preuve d’une particulière sagacité. Que
Le pacte se dessine-t-il déjà entre USFP, Isiqlal et PAM pour ravir la vedette au PJD lors des prochaines législatives? Tout est fonction des programmes que les uns et les autres sont dans l’obligation d’offrir aux électeurs. Une part de rêve qui sortirait le champ politique de la morosité ambiante.
d’institutions publiques travaillent à la limite de la légalité, incapables qu’elles sont, faute de volontarisme politique, de remplir les missions pour lesquelles elles ont été créées. Le conseil en charge du lourd dossier de la concurrence, à titre d’exemple, en dit long sur la paralysie ambiante dont le pays n’a que faire. Idem pour le lourd dossier de la lutte contre la corruption. Alors que le mandat de l’Exécutif tire à sa fin, le pays s’installe déjà dans une « année blanche » marquée au feu d’une précampagne, les élections législatives étant déjà fixées pour début octobre, mais pas seulement. Ce qui n’exclue, en rien, l’agenda particulièrement chargé, sur le plan législatif, pour rattraper le temps perdu, en donnant corps à toutes les lois organiques encore en souffrance. Quitte à « bâcler le travail », le leader du PJD entend profiter des largesses de sa majorité pour siphonner la rage de ses détracteurs qui lui reprochent aussi bien les retards accumulés en matière de « conformité » avec les dispositions de la Constitution de 2011, que ses fuites en avant quant à l’interprétation, dans la pratique du pouvoir, des prescriptions constitutionnelles en avance par rapport à la perception que la majorité s’en fait. Dans sa logorrhée il faut y voir une dimension invisible de ce que les « islamistes » s’échinent à mettre en relief pour évacuer tout exercice de reddition des comptes de sa substance. Certes, on concédera que la conjoncture est des plus difficiles et que des économies plus solides bavent pour boucler les fins de mois. N’empêche, « les limites de la richesse » du pays, objectives à l’analyse du PNB, ne doivent en aucun cas justifier
PERSPECTIVES MED
19
vision panoramique nécessaire au pilotage du pays. L’urgence pèse de son poids dans la balance. C’est certainement ce qui explique les dérapages constatés au niveau de l’endettement qui dérive, dangereusement, tant au niveau local qu’international. Jamais le pays n’a atteint le seuil d’endettement comme celui qui marque l’année en cours : plus de 87% du PIB. Et le pire est à venir avec les perspectives moroses qui se présentent à cause de l’aléa climatique. Le taux de croissance programmé à hauteur de 3% relève du pari intenable. Et ce n’est pas pour rien que les perspectives élaborées aussi bien par Bank Al Maghrib que par le HCP, réduisent la voilure des projections de croissance autour de 1,5%... Au moment même où d’autres voies craignent pire. La somme de tous ces ingrédients appelle, avec force, à un changement de paradigme qui ne saurait être sans un nouvel attelage politique. Le pays est en droit de baigner dans un fluide différent. Ce qui ne saurait se faire sans un ré-enchantement de la politique auprès des plus larges couches de la population. Celles qui revendiquent une plus grande horizontalité dans ses rapports avec les décideurs.
les échecs. Et sur ce chapitre là, le gouvernement en collectionne. Comme le prouve la tension très forte qui pèse sur l’emploi. Réalité qui s’exprimera autrement avec les effets de la sécheresse en milieu rural. Cela sans compter les recalés des fermetures qui plafonnent à plus de 5.700 entreprises ! Pourtant, le Maroc n’est pas si pauvre en gisements de croissance. C’est ce que l’on mesure à l’aune de la richesse du sous-sol national dont une bonne partie n’a jamais été sondée pour être évaluée à sa juste valeur. Cela sans évoquer la nouvelle économie induite par la dynamique du développement durable. Et encore moins l’inscription du pays dans le circuit de la 4ème révolution industrielle, celle qui se base sur l’information et le savoir. Le drame consiste non seulement au niveau du risque de voir le pays rater le coche d’une telle transition économique, mais aussi sur le plan de l’inadéquation des stratégies de développement sectoriel faute de convergence. Et ce n’est pas pour rien que la rectification de l’aiguillage est revenue au Souverain. N’a-t-il pas appelé, solennellement, à recadrer les approches sectorielles pour un maximum de cohérence et de synergie? Même l’investissement public, dont le rythme est, soulignet-on, des plus soutenus depuis quelques années déjà, il faut croire que ses incidences sur la croissance restent marquées, selon nombre d’analystes, du sceau de la faiblesse. Voilà qui confirme, si besoin est, que le Chef du gouvernement travaille « la tête dans le guidon ». Ce qui l’empêche de disposer de la
20
PERSPECTIVES MED
ARCHITECTURE ÉLECTORALE
L’HEURE DE LA RÉFORME Pour les analystes politiques, l’architecture électorale en vigueur devrait subir les fourches caudines d’une réforme nécessaire pour permettre aux diverses formations politiques, grandes comme petites, de scorer électoralement. Bien entendu, ce sont les petites formations, généralement à gauche de l’échiquier politique, qui paient le prix fort d’une balkanisation prononcée de la scène partisane. Et c’est elles qui ont fait leur la revendication de la révision de l’architecture électorale, dans sa globalité. Aujourd’hui, l’USFP a décidé de prendre en charge une telle revendication et assure avoir soumis un mémo, dans ce sens, aussi bien au gouvernement qu’aux autres formations politiques. Mode de scrutin, découpage électoral, listes électorales, contrôle des bureaux de vote… Toute la panoplie appelle à être revue de fond en comble pour que la carte politique réelle puisse s’exprimer via les urnes. Un débat national devrait être initié dans ce cadre-là entre les diverses parties intéressées pour donner plus de visibilité et de lisibilité aux acteurs politiques comme à la masse des électeurs dont la défiance est proverbiale. La pertinence d’un débat national à ce sujet permettra une plus grande sensibilisation des électeurs potentiels quant à l’importance du jeu politique et des enjeux démocratiques qu’il charrie dans son sillage. Valeur aujourd’hui, la masse des électeurs mobilisable lors des diverses échéances n’excède pas, dans le meilleur des cas, les deux tiers.
ISLAM, SCIENCE & SAVOIR
LA FOI EN L’ÉDUCATION C’est à Laayoune que le Roi a interpellé les ministres de l’Education et des Habous et des affaires islamiques sur la réforme impérieuse de « l’éducation religieuse » telle que prodiguée aux élèves du primaire et du secondaire. Un processus vertueux de déradicalisation est ainsi enclenché.
U
n décideur politique ne saurait se détourner de la réalité. Et celle qui prévaut, actuellement, est liée à la menace terroriste qui plane sur le Royaume. Ceci est d’autant plus inquiétant que parmi les cohortes de Daech et d’Al Nosra, en Syrie comme dans d’autres théâtres d’opérations, on signale la présence de « katibas » composées de djihadistes marocains. Si les chiffres des services de sécurité marocains affirment qu’un peu plus de 1.500 combattants ont été enrôlés par les brigades du Djihad international (Daech agirait comme une pieuvre qui plonge ses tentacules au-delà de la zone moyen-orientale), il n’en reste pas moins que l’on ignore un pan de la vérité au regard de la forte présence de la communauté marocaine en Libye, pays en proie au chaos. Pour endiguer le mal à la racine, rien ne vaut l’enracinement de la culture de la tolérance et de la modération. Une culture qui n’est pas favorisée dans les bancs de l’école marocaine où les programmes liés à «l’éducation religieuse » consacrent, eux, et dans bien des chapitres, le rejet de l’autre et le culte de la violence. C’est la raison pour laquelle le Roi n’a pas hésité à apostropher les ministres concernés, celui de l’Education (en mal de réforme) comme celui des Habous et des affaires islamiques, à se liguer pour expurger le corpus éducatif de tout ce qui est susceptible de faciliter le basculement de la jeunesse vers la culture de l’exclusion et de l’excommunication, ferment du djihadisme. La mention spéciale faite par le Commandeur des Croyants
à l’éducation religieuse est loin d’être anodine. Bien au contraire, elle relève de l’urgence en attendant que la réforme du système éducatif soit enfin enclenchée. Avec pour espoir de le sortir des lignes observées actuellement et qui favorisent le « parcœurisme » plus que l’assimilation rationnelle et raisonnée. La démarche royale anticipe, on s’en doute, les résistances qui pourraient survenir à l’heure où le gouvernement renoue avec la censure dès lors qu’il est question d’ouvrages, même scientifiques ou fictionnels, jugés de nature à « choquer et ébranler la foi des Marocains». Mustapha El Khalfi, ministre Pjdiste de la Communication, s’évertue à agir en « veilleur du temple » alors que la logique voudrait que l’on ne critique que ce que l’on a lu, entendu, vu ou visionné. Dernière offensive du ministre Pjdiste en date avait ciblé « Sciences et avenir », dont les ventes restent confidentielles dans le pays, et les services d’El Khalfi ne l’ignorent pas, au seul motif que le dossier a été consacré à « Dieu et la science ». A l’heure où l’information circule à une vitesse foudroyante sur le net, pareille réaction épidermique ne fait que traduire la peur de l’autre et des discours qu’il véhicule. Et une grande vulnérabilité que consacre l’absence de tout esprit critique ; celui qui aide à faire la part des choses. Voilà qui rappelle l’approche qui avait longtemps prévalu parmi les pays arabes quant au rejet de tout ce qui est produit, sur le plan de la symbolique, par Israël. Jusqu’au jour où la défaite cuisante de juin 1967 a forcé les chantres de l’arabité à faire valoir un autre slogan pour le moins plus intelligent que la fermeture de l’esprit : « Faut connaître ton ennemi ! »
M.EL KHALFI S’ÉVERTUE À AGIR EN « VEILLEUR DU TEMPLE » ALORS QUE LA LOGIQUE VOUDRAIT QUE L’ON NE CRITIQUE QUE CE QUE L’ON A LU, ENTENDU, VU OU VISIONNÉ.
PERSPECTIVES MED
21
DÉBATS REFONDATION DE LA GAUCHE
UN PEUPLE, DES TRIBUS ET DES ZAÏM Peut-on parler d’un peuple de gauche dans le Royaume ? Le camp progressiste, divisé en plusieurs chapelles, est-il complètement rétamé ? Ses leaders sont-ils aussi fatigués que les moyens déployés pour réoccuper les espaces perdus ? Si l’état des lieux est loin d’être réconfortant, les raisons d’un sursaut qualitatif sont à espérer.
O
n entend souvent dire que le peuple marocain est éminemment conservateur. Mais rien ne vient étayer une telle thèse-affirmation au regard de la prégnance des idéaux de gauche au sein de diverses strates de la société. Autant dire que le peuple de gauche existe bel et bien sous les cieux dépeints, à tort, comme marqué au fer de l’aversion pour toutes les valeurs progressistes et modernistes. Même laminée par une expérience du pouvoir, apparentée à une parenthèse ouverte sur une « alternance consensuelle » pour être rapidement fermée au lendemain de « la transition monarchique », l’Union socialiste des forces populaires (USFP) qui agissait en véritable tête de pont reliant le disparate camp progressiste aux forces démocratiques historiques (le pacte avec l’Istiqlal faisant foi), n’en reste pas moins une force politique incontournable. Même si on lui réserve désormais la fonction d’appoint à défaut d’assumer les premiers rôles sur l’échiquier politique national. Et ce n’est donc pas étonnant de voir la nouvelle «boite à outils » socialiste comporter les
DÉPASSER LE JEU DES CONSERVATEURS N’EST PAS SI DIFFICILE
22
PERSPECTIVES MED
clés pour un recalibrage de la gauche. L’appel lancé il y a quelques semaines par Driss Lechgar, leader de l’USFP, pour le regroupement des forces progressistes n’est pas anodin. En ce sens qu’il répond, sans aucun doute, à une attente ressentie au niveau de la rive gauche de l’échiquier politique. L’enjeu est de taille à l’heure où l’exercice démocratique dans le pays appelle à une consolidation qui ne saurait se faire avec les milieux conservateurs qui peinent à être au rendez-vous des diverses prescriptions de la Constitution. Sur le métier proposé au peuple de la gauche, la bataille devrait être centrée sur ce champlà, avec les interprétations nécessaires à l’enracinement démocratique du pays. Un enracinement qui a pour point d’orgue le passage d’une monarchie exécutive à une monarchie parlementaire. Les socialistes qui tournent ainsi le dos au conformisme politique ambiant, comme au présupposé conservatisme de la société, rejoignent en cela la démarche entamée depuis 2011 par un collectif de gauche qui s’est positionné au côté de la jeunesse dont le dynamisme de la contestation allait faire émerger le Mouvement du 20 Février. Il s’agit de la Confédération qui regroupe PSU, PADS et Congrès Ittihadi. Reste à savoir si l’appel du pied de D. Lechgar arrive à point nommé pour « booster » une dynamique de gauche
qui semble avoir atteint ses limites… Notamment face à la résistance « électorale » du PJD et aux avancées « votatives » du PAM. Encore faut-il souligner que la majorité parlementaire n’a rien d’une expression majoritaire du pays. S’il y a toujours des raisons d’espérer, pour le cas d’espèce il ne faut pas minorer l’initiative lancée par l’USFP pour la révision de l’architecture électorale dans sa globalité qui consacre non seulement la balkanisation de la scène politique mais aussi l’aversion de larges couches d’électeurs potentiels pour les urnes, il n’en reste pas moins que le processus de revitalisation de la gauche pèche par plusieurs tares congénitales. A commencer par le penchant hégémonique dont a toujours fait preuve l’USFP à l’égard des autres forces considérées comme de simples appendices. En minorant les autres composantes progressistes, assimilées à des « hizbicules » sans poids ni épaisseur, toute démarche hégémonique n’a fait qu’enraciner dans les esprits la culture du ressentiment et la survivance des égoïsmes. Il est dès lors loisible de comprendre la réaction pour le moins tiède de la Confédération à l’endroit de l’appel de l’USFP. Les trois partis ayant adopté une plate-forme politique et idéologique qui constitue la base à toute démarche de rapprochement et non pas de fusion. Mais au-delà de la gestion calamiteuse des courants, comme de l’hypertrophie des égos, c’est ce qui a marqué la scène avant l’amorce du 3ème millénaire, il y a lieu de croire que « la traversée du désert de l’USFP et le chemin de croix de la troïka de la Confédération » incitent à mettre le curseur sur les éléments qui fédèrent les efforts plus que sur les facteurs de division. Car les forces du progrès ont intérêt à démentir la vulgate lancée du temps de Driss Basri (ancien puissant ministre de l’Intérieur qui a fait les frais de la transition monarchique) consistant à dire que le Royaume vivrait au rythme de « l’islamisme naissant et du socialisme finissant ». On est donc face à deux projets susceptibles de rapprocher les forces progressistes dans le pays. Auxquels se greffe une plate-forme de débats nourrie aux mamelons de la gauche radicale. Tout ce bouillonnement qui semble tatillon a de quoi rassurer : le temps n’est plus à la résignation. Le climat est donc propice pour changer « le désert politique » à gauche via un processus de revivification tous azimuts.
Place donc aux débats, intellectuel et politique, pour empêcher le dessèchement du champ politique et l’érosion imputée au camp progressiste. Si les caciques de l’engagement progressiste rechignent à accepter les lois du marché, celles qui ont conduit à la perte de toute nuance entre la gauche et la droite (et il ne s’agit pas d’un débat importé, le PPS ayant choisi de s’asseoir sur ses principes pour se maintenir au gouvernement), il doivent cependant accepter cette logique là : la demande progressiste existe bel et bien tant que vivra un peuple de gauche. Ce qu’il est opportun d’entreprendre, et il n’y a point de salut sans y sacrifier, c’est de recréer le lien entre tous ceux qui se reconnaissent dans un socle politique commun, avec un GPS recalé sur les valeurs universelles de la gauche. L’offre politique est capitale à ce stade là pour que les idées susceptibles de conduire au changement de la société reprennent la place qui leur échoient dans le champ politique. La fraicheur conceptuelle exigée doit ouvrir le débat plutôt que de le fermer. Faire preuve d’une intelligence collective a toujours constitué ce « nec plus ultra » qui a démarqué la pensée avant-gardiste. Une pensée à même de peser sur l’avenir du pays pour peu que la gauche soit décidée à ne plus parler qu’à elle-même, tout entresoi étant évidemment porteur des dégâts de la consanguinité. Le courage voudrait un recalibrage de la boussole politico-idéologique sur l’urgence démocratique, le renouvellement des pratiques comme du personnel politique. Car le danger est bien là : la pensée réactionnaire est, par les temps qui courent, plus diffuse et atomisée qu’il n’y paraitrait. Pour circonscrire les périls latents, rien ne vaut une démarche éminemment citoyenne. C’est à ce prix là que la refondation de la gauche pourra servir de catalyseur pour une réinvention de la politique. Le rassemblement s’accommode mal, il est vrai, des procès en trahsion et autres anathèmes. Le peuple de gauche est capable de surmonter son errance et ses déconvenues qui le maintiennent dans un étouffoir. Le coût induit d’une telle opération, que ce soit pour les tribus ou pour les Zaïms en présence, n’excède pas l’execice sain de la critique et de l’autocritique. Osera-t-on franchir le Rubicon ?
POUR CIRCONSCRIRE LES PÉRILS LATENTS, RIEN NE VAUT UNE DÉMARCHE ÉMINEMMENT CITOYENNE. C’EST À CE PRIX LÀ QUE LA REFONDATION DE LA GAUCHE POURRA SERVIR DE CATALYSEUR POUR UNE RÉINVENTION DE LA POLITIQUE.
PERSPECTIVES MED
23
MONDE L’ALGÉRIE A MAL Par A. Ben Zeroual
TRANSITION RISQUÉE... Avec une rente pétrolière qui s’étiole, l’Algérie a mal à son économie et à sa stabilité socio-politique. La multiplication des mouvements de contestation prouve la fragilité du modèle algérien. En mal de renouvellement politique aussi.
L
AVEC UN BARIL À 30 DOLLARS SUR TOUTE L’ANNÉE 2016, CELA SIGNIFIE QUE 72% DES DÉPENSES PRÉVUES POUR 2016 NE POURRONT PAS ÊTRE COUVERTES...
24
PERSPECTIVES MED
a situation est des plus explosives en Algérie. La contestation n’est plus une vue de l’esprit dans un pays habitué à jouer de la rente pétrolière pour l’achat de la paix sociale. De Batna à Mostghanem, les marcheurs rappellent au pouvoir les limites d’une gestion économique sans valeur ajoutée. Et le risque est grand de voir l’ffervescence sociale atteindre des sommets. Depuis que le pouvoir en place a choisi de faire la sourde oreille aux formations politiques qui demandent plus que des gestes cosmétiques pour hâter le changement. Même la loi de Finances 2016, basée sur des estimations erronées, est maintenue en l’état. Alors que les bases ayant servi aux divers calculs et projections tombent en désuétude à mesure que les cours mondiaux des hydrocarbures s’effondrent. Les explications vont bon train entre clercs. Le Fonds de régulation des recettes (FRR) qui permet d’éponger les déficits publics a jusque-là été constitué par les ventes d’hydrocarbures, mais à condition qu’il soit au dessus de 37 dollars le baril. Sous cette barre, la référence prise en compte pour la constitution de la loi de finances n’a plus de sens surtout qu’à 37 dollars le baril de référence, on était déjà dans le virtuel, selon certains experts. Car avancent d’aucuns, «il faut un baril à 108 dollars pour payer les dépenses de la loi de finances 2016». Dès lors, le contexte ne prête guère à l’optimisme. Avec un baril à 30 dollars sur toute l’année 2016, cela signifie que «72% des dépenses prévues pour 2016 ne pourront pas être couvertes par les recettes». Une épine dans le pied du gouvernement, contraint de trouver des moyens de financement pour poursuivre les investissements publics, assurer son fonctionnement, et ne pas donner un coup d’arrêt à une machine économique déjà bien enrayée. Le malheur algérien est là, lié intrinsèquement à ce que des experts appellent « la malédiction du pétrole ». Mais à ce malheur s’ajoutent
bien d’autres. A commencer par la panne du système lui-même. Une panne que consacre le projet de Constitution que le locataire du Palais El Mouradia vient de « libérer » à l’opinion. Après des années d’attente. Sans surprise, l’avant-projet de révision de la Constitution a été adopté en l’état par le Conseil des ministres présidé par Bouteflika. Même l’amendement de l’article 51 du projet, présenté pourtant par le FLN, n’a pas été pris en considération. «La nationalité algérienne exclusive est requise pour l’accès aux hautes responsabilités de l’Etat et aux fonctions politiques», y lit-on. Autant dire que le système n’hésite pas à broyer les siens pour faire passer au forceps la loi suprême qui consacre le statu quo. Ainsi, la voie semble balisée pour la présidence pour la promulgation directe de la loi portant révision constitutionnelle sans passer par les fourches caudines du référendum populaire. Pour peu que les trois quarts (3/4) des voix des membres des deux Chambres du Parlement la soutiennent. Un procédé des plus cavaliers aux yeux d’une opinion politique qui nourrissait l’espoir de voir consacrée une nouvelle république. Les réactions qui ont fusé au niveau des divers état-majors politiques confirment la frustration d’un pan de la société algérienne exclue d’un jeu politique hermétique que se partagent des castes fermées. Pour Louisa Hanoune, SG du Parti des travailleurs (PT), elle n’a pas trouvé mieux que de qualifier de « mascarade » une nouvelle qui consacre des « dérives graves ». La consternation est à son comble pour cette militante qui ne voit dans cet avant projet que des «titres et des slogans», «des aberrations», «des contradictions» et «quelques avancées contrariées». Pour elle, point de changement quant à la nature du régime qui demeure présidentialiste et sans séparation des pouvoirs. « Notre système n’est ni présidentiel ni parlementaire. Et cela n’est pas fait pour arranger les choses», critique-t-elle. «Nous avons revendiqué le renforcement du pouvoir parlementaire. Au lieu de cela, le Président renforce le pouvoir de l’opposition. Ce n’est pas normal, car l’opposition relève d’un autre aspect qui est le multipartisme !», rappelle-t-elle. La limitation des mandats n’échappe pas, non plus, à la vindicte de la militante de gauche. «En
2008, le président Bouteflika enlève ce verrou et en 2016, ce même Président le remet. C’est grave ! Il est dit que cette démarche fait partie des constantes nationales pour que les gens puissent y croire. Moi, je ne peux pas y croire. J’aurais cru si l’on avait introduit le droit du peuple à la révocabilité. C’est le peuple qui doit décider». Même la disposition portant sur l’officialisation de tamazight est critiquée par L.Hanoune. «On a précisé que l’arabe est la langue officielle de l’Etat. Mais pour tamazight, rien. » l’autre casse-tête pour la classe politique algérienne a trait à la neutralité de l’institution militaire lors des élections. Pour la leader du PT, « aucune référence » n’est faite sur ce point dans le projet de texte qui plus est n’évoque point « l’Etat civil ». Pour le parti Jil Jadid, le refus du projet est total. Soufiane Djilali, patron de cette formation, ledit projet « ne rend service qu’à une poignée de personnes et non au peuple. C’est une Constitution pour un Président omniprésent et au-dessus de la nation et non pas une Constitution d’une République du XXIe siècle.» A ses yeux, « dans la situation actuelle où il n’y a aucun processus de prise de décision, nous allons vers une véritable
catastrophe politique et sociétale. Nous allons carrément vers la dissolution du peuple. Nous devons en tant qu’opposition nous réunir afin de mettre en place une Constitution qui dessine réellement les bases d’un Etat de loi et trace les grandes lignes d’un programme à suivre pour une éventuelle période de transition. » Ali Benflis, chef de file de Talae Al Houriya, n’y est pas allé par quatre chemins pour fustiger la réforme en question. «L’initiative de la révision constitutionnelle n’avait pas pour objectif de régler les problèmes du pays, mais à régler les problèmes du régime politique en place». Plus résolu, il rappelle que « le mal profond dont souffre le pays n’est pas dans sa Constitution, qu’il suffirait de réviser périodiquement pour en guérir, mais dans le système politique lui-même qui a viré en un pouvoir personnel dont la vacance met l’Etat en danger.» Que reste-t-il aux politiques qui déplorent le verrouilage du système? La Coordination pour les libertés et la transition démocratique pourrait jouer un rôle. Le 27 mars, jour du congrès, réussira-t-il à dissiper le malaise algérien ? Rien n’est sûr…
DU DRS À L’ ADS Les pleins pouvoirs en matière de sécurité reviennent désormais au ministre conseiller Athmane Tartag, remplaçant de l’ex-patron du DRS, Mohamed Mediène. Le retour au schéma premier d’un DRS avec toutes ses «prérogatives» se précise, avec pour seule modification une nouvelle dénomination : la Direction des affaires de sécurité. Une séquence qui rappelle la restructuration opérée en 1990. Le général-major à la retraite A. Tartag est maintenu à la tête de cette nouvelle structure sécuritaire sous tutelle de la présidence de la République. Mieux encore, Athmane Tartag, qui a repris le costume de «civil» comme simple conseiller, est promu au rang de ministre- conseiller qui aura la lourde mission de coiffer tous les Services de renseignement des différents corps de sécurité. Police économique, intelligence économique, Service de la coopération opérationnelle et du renseignement antiterroriste (Scorat) et Direction générale de la sécurité et de la protection présidentielle (DGSPP) en font partie.
PERSPECTIVES MED
25
MONDE
IN MEMORIAM RENCONTRE AVEC DA LHOUCINE AIT AHMED La révolution broie ses enfants, dit-on. Celle de l’Algérie en a meurtri plus d’un. Et à leur tête Lhoucine Aït Ahmed qui avait un autre dessein pour son pays, démocratique et pacifié. Forcé à l’exil, il n’a jamais succombé aux vils marchandages qui consistaient à manger dans la main des militaires. Il est resté entier. Un grand homme s’en est allé. Ci-joint le témoignage d’Abderrahmane Mekkaoui.
A
bderrahmane Mekkaoui se souvient de sa première rencontre avec Da Lhoucine, leader charismatique de la révolution algérienne. C’était en 1996, dans l’appartement parisien du Dr Abdelkrim Al Khatib, son ami de toujours. Le charismatique leader drapé dans son austérité dégageait, dans le petit espace, toute son aura. C’est « le rêve maghrébin qui unissait les deux amis », se rappelle A. Mekkaoui. Un rêve qui va au-delà des méandres et autres calculs de chacun des deux pays voisins, l’Algérie et le Maroc. On sentait qu’entre Al Khatib et Da Lhoucine, l’amitié qui les lie, pour fusionnelle qu’elle soit, tire ses racines du combat pour la libération. Rien d’étonnant à ce que les deux hommes reviennent sur la naissance de l’armée de libération nationale et le FLN algérien. Da Lhoucine représentait le fer de lance à l’époque. Mais pas le seul. Un autre kabyle, Abban Ramdane, hantait la mémoire des deux hommes. Lhoucine Aït Ahmed, issue d’une famille soufie, à Sidi Yahia, relevant du chef lieu In Lehmam, à Tizi Ouzzou, partageait avec son hôte marocain plusieurs traits saillants. Les deux révolutionnaires Affinité religieuse, quotient intellectuel universitaire très rare à l’époque, et force de caractère, tout cela réuni faisait sortir du lot les deux révolutionnaires. Cela sans évoquer le dernier point commun, « la traversée de désert » à laquelle ils durent sacrifier, dans l’exil, la marginalisation, l’exclusion et le soupçon. Cette symbiose 26
PERSPECTIVES MED
entre les deux hommes a scellé une union de sang via le mariage du fils de Da Lhoucine, Salaheddine, avec la fille d’A. Khatib. Cette rencontre inopinée à Paris, se souvient A. Mekkaoui, était aussi une occasion pour Aït Ahmed de faire état de sa grande préoccupation pour le devenir algérien. Lui qui tentait l’impossible pour arrêter l’hémorragie en Algérie durant la décennie noire. Avec les encouragements de toutes les puissances occidentales et surtout l’appui l’Union socialiste internationale. « Toutes les avances des militaires pour récupérer Da Lhoucine étaient vouées à l’échec », rappelle A. Mekkaoui. Si le premier coup d’état opposa, en Algérie, un clan à un autre, le deuxième, celui de 1992, était l’oeuvre d’une cinquantaine de généraux contre le peuple. La lucidité de Da Ahmed n’a pas d’égale lorsqu’il est question de lire dans la table de la complexité algérienne. « Le destin de l’Algérie et le coup d’état ont été décidés avant même la victoire du FIS aux élections législatives», lâche-t-il. Après les élections, les islamistes, sous le conseil de plusieurs démocrates algériens, dont l’ex-Président Ben Bella, Aït Ahmed, et Mahri, ont été sollicités pour que le FIS fasse des concessions majeures qu’il a, finalement, accepté. Concessions qui allaient permettre au Président Chadli Benjedid de gouverner sans l’apport des islamistes. Abdelkader Hachani, qui a remplacé le chef historique du FIS Abbassi Madani, et Ali Belhadj ont présenté une feuille de route tangible pour garantir au
pays une sortie de crise. Une solution qui se déclinait en 4 points : - Le FIS va garder les sièges obtenus lors du premier tour, et se retirer du deuxième tour pour permettre aux autres partis d’avoir la majorité. - La nomination de Da Lhoucine comme Premier ministre de la coalition. - Le FIS se contentera trois ministères (Justice, Education et affaires sociales), - Les voisins de l’Algérie étaient d’accord pour cette nouvelle expérience que feu Hassan assimilait à un laboratoire qui servira la stabilité et le développement du Maghreb arabe. La réunion secrète entre Hachani et le beau frère de Chadli Bendjedi, au Club des Sapins, a été avortée par les militaires putschistes qui préparaient leur coup depuis la victoire des islamistes lors des municipales. C’est Ahmed Ouyahia, actuel directeur du cabinet du Président Bouteflika, qui a vendu la mèche. En déclarant que le peuple algérien n’acceptera jamais même une participation insignifiante des salafistes dans la gestion des affaires de l’Etat. Da Lhoucine Aït Ahmed confiait avec amertume que la rencontre de Saint Egidio était une occasion historique pour éviter à l’Algérie les 250.000 morts, 20.000 disparus et 4 milliards de dollars de dégâts… Sans compter ceux, collatéraux, qui ont accompagné la décennie noire. Avec un arabe classique digne des plus grands lettrés, Da lhoucne qui a joué un rôle important entre les différentes personnalités algériennes à Rome a été pointé du doigt et considéré comme un traitre à la solde de l’impérialisme et du sionisme. Comme Ben Bella et Mehri. A la fin de cette rencontre d’une heure, dans un cadre familial, tout maghrébin mesure combien sont lourdes de conséquences les petites combines qui ont marqué la grande histoire régionale. Aït Ahmed qui a toujours refusé de mettre sa main dans celle des militaires a même dissuadé son compagnon de route, le révolutionnaire Mohamed Boudiaf, de ne pas accepter la magistrature suprême. Le résultat, on le connaît tous : rompant son exil, à Kénitra, M. Boudiaf allait être sacrifié à Alger. Les séquences de son exécution par un coup de feu ont fait le tour du monde… Da Lhoucine s’est allé. Mais il est des vérités, défendues avec vigueur et fermeté, qui doivent être étalées pour que cesse la manipulation de l’histoire régionale. Comme la question de l’avion qui transportait les chefs historiques du FLN du Maroc vers la Tunisie et dont le détournement est imputable aux
officiers de la promotion Lacoste et à nulle autre partie. Le rôle du jeune Abdelaziz Bouteflika, chargé par les militaires de l’extérieur d’aller rendre visite aux chefs historiques aux arrêts dans une prison française, est avéré dans ce sombre épisode. Muni d’un passeport marocain qui lui a été délivré par Dr Abdelkhatib en personne, A. Bouteflika avait pour mission d’évaluer les cinq chefs révolutionnaires emprisonnés et faire le choix du premier Président de la république algérienne naissante. La balance allait pencher en faveur du colonel Abdelhafid Bousouf, alias si Mbarek et son adjoint Houari Boumediène, basé à l’époque à Oujda au village Coulouch. Tous les chefs historiques de la révolution algérienne répondaient, à l’unanimité, « qui vivra verra », selon Ait Ahmed. Histoire de ne pas trancher dans le choix du leader. Sauf Ben Bella, originaire de Maghnia, rendu célèbre par sa réplique historique « pourquoi pas moi ? ». Président d’un jour n’est pas président pour toujours. La succession à la tête de l’Etat algérien n’a jamais été une sinécure. On comprend, dès lors, pourquoi Da Lhoucine a opté pour l’exil tout en se faisant le chantre de la démocratie algérienne à construire. Lui, leader maghrébin, grand démocrate dans l’âme, qui a soutenu une thèse de doctorat d’Etat à Nancy, durant son exil, sur les droits de l’homme et les organisations africaines. Que l’âme du Dr Al Khatib repose en paix, lui qui caressait le rêve de la possibilité démocratique de Tanger à Tripoli.
LA MORT DE HOCINE AÏT AHMED SEMBLE AVOIR OUVERT LA BOÎTE DE PANDORE. LES VIEUX DÉMONS DES ANNÉES 1990 REFONT SURFACE SUR FOND DE POLÉMIQUES ENTRE ACTEURS DE L’ÉPOQUE.
Alors que des millions d’Algériens ont accompagné l’un des éminents dirigeants de la Révolution à sa dernière demeure, d’anciens responsables lancent des polémiques aux contours sombres. A commencer par les différentes sorties de l’ancien ministre de la Défense, Khaled Nezzar, qui a senti le besoin d’«apporter des précisions» sur des déclarations que feu Aït Ahmed avait faites de son vivant. Tel un sniper attendant une éventuelle cible, le général Nezzar sort sa grosse artillerie pour démentir des faits qui ont pourtant fait consensus jusque-là : jamais du vivant de Hocine Aït Ahmed, un ancien responsable a démenti le fait que le pouvoir ait proposé au fondateur du FFS de faire partie d’une direction (ou de la diriger) afin de sortir le pays de la crise. Mais ce
débat, qui s’est fait à sens unique puisque l’un des acteurs n’est plus de ce monde, a débordé sur la crise qui a secoué le pays durant les dernières années de la présence de Chadli Bendjedid à la tête de l’Etat. De la responsabilité de l’arrêt du processus électoral aux raisons qui ont poussé le défunt chef de l’Etat à remettre son tablier un soir de janvier 1992, en passant par les violences qui ont marqué le pays durant la période qui a précédé les élections législatives de décembre 1991, tout y passe. Et si le général Khaled Nezzar, qui était ministre de la Défense au moment des faits, a l’habitude d’assumer ou d’expliquer une partie des faits, l’intrusion du général Mohamed Betchine, qui n’était pourtant pas acteur direct à ce moment-là, veut rajouter une couche à cette polémique qui n’en finit pas d’évoquer d’autres acteurs beaucoup moins loquaces. C’est le cas de Mouloud Hamrouche que le général Nezzar accuse d’être derrière les brutalités qui ont suivi la grève du Fis-dissous en 1991. Dans ce capharnaüm que «les moins de 20 ans» ne comprennent pas forcément, des questions légitimes se posent. Il s’agit surtout de savoir ce qui motive tout ce beau monde à s’inviter aujourd’hui à une scène où il n’est pas dit qu’ils sont forcément des acteurs de premier plan. Leurs réputations étant faites depuis longtemps, les généraux Nezzar et Betchine ou encore Ali Haroun semblent des joueurs qui évoluent plutôt pour d’autres équipes qui tirent les ficelles derrière les rideaux. Car, personne n’ignore que dans les coulisses du pouvoir se jouent des duels ou des combats encore plus acharnés entre des acteurs qui se battent à couteaux tirés en vue d’acquérir une place dans la course à la succession qui se prépare. Il est vrai que Abdelaziz Bouteflika, même diminué physiquement, reste présent au cœur du débat politique. Mais, sauf coup de théâtre, le projet de la révision constitutionnelle est le dernier projet politique que son régime est en mesure d’offrir actuellement. Ce qui pousse des cavaliers embusqués à monter sur leurs chevaux et attendre le signal pour la course finale. Et ironie de l’histoire, 24 ans après l’arrêt du processus électoral — synonyme du début officiel de la décennie noire et sanglante —, ce sont encore des militaires de cette époque qu’on croyait lointaine qui font le débat. Ce qui signifie que le pays n’est toujours pas guéri de ses anciennes blessures malgré l’inscription de la «réconciliation nationale» dans le projet de révision constitutionnelle. PERSPECTIVES MED
27
MONDE GROGNE SOCIALE EN TUNISIE Par A.B.Z.
JASMIN FÂNÉ...
La crise en Tunisie s’est déclarée à tous les étages. A l’économie essoufflée se joint la panne sociale et la capitualtion politique face aux islamistes. Qui aurait cru que le jasmin se fânerait aussi vite ? Une situation des plus inquiétantes… Que, pourtant, des intellectuels avaient prédit!
L
e feu de la contestation couve toujours en Tunisie où la transition politique post-Benali cherche encore ses marques. Il a suffi de l’embrasement de Kasserine, ville marginalisée qui se trouve à quelques encablures du Mont Chaambi, où les djihadistes tunisiens se sont réfugiés, pour que la trainée de poudre enflamme d’autres foyers dans plusieurs régions du pays, dont Tunis, la capitale. Le chômage rampant qui affecte la jeunesse, doublé d’un horizon économique bouché, la croissance frôlant le zéro, agit comme un véritable thermomètre de la colère populaire contre le gouvernement en place. Un gouvernement Essid-2 qui vacille déjà sur ses fondations en l’absence de perspectives économiques prometteuses. Certes, le chef du gouvernement invité au Forum de Davos s’est précipité de rentrer au pays en faisant un crochet par Paris où il a reçu l’assu-
LA TUNISIE SOUFFRE DES DISPARITÉS
28
PERSPECTIVES MED
rance d’une aide d’un milliard d’euros qui s’étale sur 5 ans. Mais le pays qui a vu « la révolution du Jasmin » nobellisée a besoin de beaucoup plus de milliards pour asseoir un développement plus inclusif, éloigné de la vision étriquée du tourisme de masse dont bénéficient essentiellement l’espace balnéaire. L’affaire est plus sérieuse qu’il n’y paraitrait à l’heure où le taux de chômage parmi les jeunes atteint des moyennes ahurissantes, frôlant les 30% dans les régions marginalisées, comme à Kasserine. On comprend dès lors pourquoi la contestation a fait tâche d’huile. Cinq ans après la chute de la dictature Ben Ali, les mêmes slogans restent d’actualité : « travail, dignité et justice sociale ». Autant dire qu’il s’agit-là d’un désavoeu aux gouvernements successifs incapables de résoudre la crise de l’emploi et à réduire les disparités régionales. En 2015, le taux de chômage a dépassé la barre des 15% et le taux de pauvreté dépasse les 20%... La réaction du chef de l’Etat tunisien, comme celle du gouvernement, seront-elles à même de contenir un ras-le-bol généralisé ? Habib Essid
s’est évertué à mainenir ouvert le Conseil du gouvernement pour parer au plus urgent… Et c’est en fonction des mesures qui seront annoncées, en consultation avec les forces politiques, que la tension sociale pourrait être gérée. Mais en parallèle, l’ex-ministre de l’Intérieur promu patron de l’Exécutif maintien allumés tous les radars sécuritaires. La grande peur, annonce-t-on, serait de voir les terroristes profiter du chaos social pour agir. L’UGTT, fer de lance de la mobilisation de masse, ne se sent pas concernée par les appels à la mobilisation lancés par les jeunes. Seul le front de gauche s’avère réactif, au même titre que la formation islamiste « Atahrir ». Nidaa Tounes, qui a perdu la majorité au Parlement, et En-Nahda, parti islamiste avec lequel la transition est assurée, sous la présidence de Béji Caid Essebssi, en appellent, eux, au calme. Une réaction qui n’est pas pour plaire au front de gauche qui voit d’un très mauvais œil l’attellage qui conduit le pays vers… le mur ! Ce n’est donc pas pour rien que le leader Hammame se déclare prêt à gouverner pour changer l’ordre des choses. La situation politique est des plus délicates à l’heure où des critiques de plus en plus fortes se font à l’endroit du chef de l’Etat qui, dans sa gestion peu démocratique et foncièrement dynastique de Nidaa Tounes, rappelle les tares liées au recyclage, sous d’autres habits, de l’ancien système « dégagé ». Tout en pactisant davantage avec les islamistes d’En-Nahda, sortis vainqueurs du dernier remaniement. Même Rafaâ Ben Achour, un des inconditionnels de BCE, a décidé de geler son adhésion aux structures de Nidaa Tounes qui connaît une cabale qui l’a amoindri jusqu’au sein du parlement. Pas moins de 23 élus ont claqué la porte en signe de protestation non seulement contre l’absence de démocratie qui affecte leur structure partisane hétéroclite, mais aussi et surtout contre le recul face aux islamistes d’En-Nahda. D’ailleurs, il n’est pas étonnant de voir H. Essid se délester du ministre des affaires islamiques qui avait osé sanctionner des Imams, adoubés par En-Nahda, qui officiaient dans des mosquées où la politique devait être bannie. Hafedh Caid Essebssi, homme fort sorti du congrès de Sousse, est-il à même de restaurer l’espoir rassembleur suscité par un Nidaa Tounes plus diviseur que
jamais ? Rien n’est acquis… Et c’est dans cette perspectve-là qu’il faudra placer l’appel lancé par un groupe d’intellectuels dan le 3 décembre 2015, en faveur de l’instauration d’un nouveau cadre politique et civil élargi capable de faire face efficacement aux dangers qui menacent le pays. Les 42 signataires avaient exprimé leur déception quant au rendement du pouvoir actuel. Ils ont indiqué que depuis les dernières élections législatives et présidentielle, la situation du pays ne cesse d’empirer. Soulignant un flou total dans le programme économique, social et culturel du gouvernement actuel et une détérioration évidente du contexte sécuritaire et économique qui devient alarmant. Le communiqué des 42 fait part d’une lenteur dans les traitements des dossiers de corruption et d’assassinats politiques. Le procès des meurtriers de Choukri Belaïd traine toujours… Il évoque, par ailleurs, le conflit actuel qui divise le parti au pouvoir Nidaa Tounes ainsi que le double discours mené par le parti Ennahdha « qui se dit modéré alors qu’il continue à défendre ses acolytes qui veulent s’imposer dans les mosquées et qui sèment la zizanie chez les citoyens ». Le pouvoir tunisien est-il toujours sourd face à cet appel à la raison ?
SEBSSI JOUE ...ET PERD La Constitution tunisienne prévoit que le 1er parti au Parlement désigne le chef du gouvernement. Si Nidaa Tounes perd la première place qui lui échoit, depuis que le Congrès de Souss a consacré la ligne dynastique des Sebssi, le risque est grand de voir la vie politique chamboulée, avec le retour en force des islamistes d’Ennahda, toujours à l’affût. Jusque-là, le chef du gouvernement, Habib Essid, a été désigné par Nidaa Tounes. Mais son équipe est soutenue par Ennahdha (69 députés), l’Union patriotique libre (15 députés) et Afek Tounes (8 députés), en plus de Nidaa Tounes (86 députés), soit un total de 178 députés sur les 217 de l’ARP. Il a suffi que la question du congrès constitutif soit à l’ordre du jour de Nidaa Tounes pour que toutes les divergences refassent surface au niveau du parti, fondé en 2012 par le président Béji Caïd Essebsi, et devenu depuis 2014 la première force politique en Tunisie. Pour la deuxième fois, un groupe de députés du parti dépose des requêtes pour quitter le bloc parlementaire du parti, fort de 86 membres sur les 217 que compte l’Assemblée des représentants du peuple (ARP). Le nombre des démissionnaires est suffisamment élevé pour que Nidaa Tounes perde la place de 1er parti à l’ARP, car Ennahdha compte 69 députés.
PERSPECTIVES MED
29
MONDE LA LIBYE GOUVERNÉE DEPUIS TUNIS
COMMENT DÉLOGER DAECH ? Par L.M.
Il faudra plus que du flair à l’homme d’affaires tripolitain Fayez Sarraj, propulsé à la tête d’un gouvernement d’union nationale, pour normaliser la Libye. La pression de l’immédiat consiste à réconcilier un peuple déchiré par le tribalisme, désarmer la multitude de milices et endiguer le terrorisme.
A
lors que des bruits de botte se faisaient de plus en plus entendre dans plusieurs capitales occidentales, une sortie de crise semble se dessiner, en ce début d’année, en Libye. Un gouvernement d’union nationale a été formé conformément à l’accord politique signé, le 17 décembre dernier à Skhirat, par des représentants des factions libyennes. Il faut croire que le Conseil présidentiel de neuf membres a réussi la prouesse de désigner, en l’espace d’un mois, un gouvernement d’union nationale. L’affaire n’aura pas été pliée d’avance au regard des divers intérêts en jeu. Surtout que plusieurs propositions de gouvernement avaient capoté faute d’un subtil et bon «dosage régional». Désormais, c’est à Fayez Sarraj que revient la dure tâche de diriger une équipe de 32 ministres, le tout dans l’objectif de normaliser la situation
RIEN N’EST ENCORE JOUÉ EN LIBYE EN PROIE AU CHAOS
30
PERSPECTIVES MED
d’un pays en proie au chaos depuis la chute de Kadhafi. Il s’agira donc pour cet Exécutif de réconcilier les Libyens entre eux, de désarmer les milices qui sévissent dans le pays et, enfin, de combattre le terrorisme daechien qui alimenterait ce que des spécialistes s’accordent à nommer « Africanistan ». Intérimaire, le gouvernement Sarraj dispose d’un mandat de deux années qui doit s’achever par la tenue des élections générales. Mais il est vrai que la mission dévolue à cet Exécutif n’est pas si facile. D’abord, parce qu’il doit bénéficier de l’appui du Parlement de Tobrouk, le plus rétif. Même si jusqu’à présent, l’accord politique signé le 17 décembre dernier sous l’égide de l’ONU n’a encore été ratifié ni par le Parlements de Tripoli ni par celui de Tobrouk. On comprend dès lors les raisons qui ont amené la chef de la diplomatie de l’Union européenne (UE), Federica Mogherini, a exhorter la Chambre des représentants en Libye et le
Parlement reconnu internationalement à se réunir rapidement pour approuver ce gouvernement d’union nationale. Faisant ainsi preuve du « même esprit de compromis » qui a favorisé le démarrage du processus de normalisation. Car aux yeux de la responsable européenne qui appuie, y compris financièrement, le processus de réconciliation en cours, «la Libye est à un moment critique et il est crucial que tous les acteurs politiques et de sécurité défendent les intérêts de leur pays». Et de marteler que «seul un
LE CLANISME ASSIS SUR LE TRIBALISME FRAGILISE UNE CONSTRUCTION NATIONALE PÉRENNE
gouvernement libyen d’union, soutenu par tous les citoyens, sera en mesure de mettre fin à des divisions politiques, vaincre le terrorisme et relever les nombreux défis, sécuritaires, humanitaires et économiques, auxquels le pays est confronté». Signes encourageants, les trois principales régions du pays, à savoir la Tripolitaine, le Fezzan et la Cyrénaïque, sont également représentées et chacune d’elles détient au moins un portefeuille de souveraineté. Plus, comme les milices de l’Ouest libyen l’ont exigé, le général Khalifa Haftar, commandant des forces loyales au pouvoir de l’Est, ne fait pas partie de l’Exécutif qui ne compte qu’une femme. Ainsi, le portefeuille de la Défense est allé à Al Mehdi Ibrahim Al Bourghouthi, la Justice revenant à Abdesselam Al Djenidi et l’Intérieur à Al Aaref Al Khodja. Quant à la diplomatie, elle a été confiée à Marwan Ousriouil, Mahmoud Faraj l’épaulant à la Coopération internationale. Quant aux Finances, le portefeuille a été confié à Taha Moha-
med Sarkaz… En attendant que la situation sécuritaire soit maîtrisée à Tripoli, c’est depuis Tunis que le nouveau gouvernement libyen a décidé de travailler. Ceci à l’heure où les terroristes de l’Etat Islamique n’en finissent pas de faire étalage de leur force en s’attaquant aux ports pétroliers d’Es-Sider et de Ras Lanouf, les capacités de stockage de ce dernier étant toujours en feu. Selon de nombreux spécialistes, les raids spectaculaires de Daech contre ces terminaux pétroliers relèveraient de la diversion. Conquérir ces terminaux ne représentait aucun réel intérêt puisque leurs pipelines sont rattachés à des champs pétroliers qui ne fonctionnent plus depuis plusieurs mlois déjà. Probablement, l’objectif consisterait plutôt d’endommager davantage la production nationale de pétrole et partant miner les ressources d’un éventuel gouvernement d’union nationale. Daech chercherait à faire oublier la prise de Bin Jawad, ville limitrophe de Syrte déjà passée sous son contrôle. L’intérêt de Bin Jawad est des plus stratégiques puisqu’elle représente un des verrous facilitant le contrôle des gisements pétroliers.
BRUITS DE BOTTES L’inquiétude reste à son summum vis-àvis du chaos libyen. « Nous ne pouvons pas permettre que le statu quo perdure en Libye », avait martelé, à Rome, le secrétaire d’État américain John Kerry. « C’est dangereux pour la viabilité de la Libye, et maintenant que Daesh renforce sa présence, c’est dangereux pour tout le monde », avait-il dit. D’après l’ONU, l’EI compte 2 000 à 3 000 combattants en Libye, dont 1 500 à Syrte. Parmi eux figurent des Libyens partis combattre en Syrie et de retour dans leur pays, mais aussi des étrangers venus notamment de Tunisie, du Soudan ou du Yémen, voire du Maroc. En tout cas, Paris n’hésite pas à donner de la voix dès lors qu’il s’agit de trancher, «militairement », dans le dossier libyen. Contrairement à Rome qui privilégie une approche diplomatique. Rejoignant en cela la position exprimée par Alger. Algériens, tunisiens, égyptiens, soudanais, nigérians et tchadiens, expriment leur inquiétude face au danger djihadiste. D’autant plus que Daech bénéficie déjà de l’appui de Boco Haram…
PERSPECTIVES MED
31
MONDE LA FRANCE DÉBORDÉE PAR L’EXTRÊME DROITE
LES RAISONS DE LA COLÈRE
Par : Abou Sarah
Qu’elle twitte ou pas avec des photos nauséeuses mettant en scène l’exécution d’otages en Syrie pour se différencier des atrocités commises par les sbires d’Al Baghdadi, Marine Le Pen et Daèch ont le même objectif : semer la zizanie en France. Ces deux vampires se détestent cordialement mais se nourrissent les uns des autres et qu’importe l’éthique.
O
n l’a vu lors des manifestations contre le mariage gay et la théorie des genres. Les groupuscules d’extrême droite avec leurs cohortes de fascistes aux cranes rasés côtoyaient sans gêne les fanatiques catholiques en soutane. Ce mélange des genres va plus loin puisqu’il accepte le temps d’une coalition de circonstance de manifester avec des barbes nourries et des foulards fleuris. Qu’il est dangereux ce tableau qui prône le respect des uns des autres mais qui, en réalité, livre de lui l’image d’un serpent vénéneux pour la démocratie. Leur action est loin d’être anecdotique par les temps qui courent puisque les deux mettent en avant la théorie du complot dont ils sont les « victimes ». C’est que la République à bon dos. Derrière la défense de la laïcité, principe honteusement squatté par l’extrême droite, le Front National défend les racines Judéo Chrétiennes de la France. Leur nouvelle tête de gondole, j’ai nommé la petite fille Marion Maréchal Le Pen, va beaucoup plus loin dans ses déclarations. Lors d’un meeting à Toulon, en région Provence Alpes Côte-d’Azur qu’elle croyait pouvoir ravir à l’UMP, elle déclare tout de go: “ Nous ne sommes pas une terre d’Islam, et si des Français peuvent être de confession musulmane, c’est à la condition seulement de se plier aux moeurs et au mode de vie que l’influence grecque, romaine, et seize siècles de chrétienté ont façonné”. Dans ce même meeting, Robert Ménard, ex-journaliste devenu chantre de l’extrême droite a joué sur le registre d’I have a dream, ou plutôt cauchemar, «Je veux retrouver notre France, celle de Louis XIV, de Napoléon, et celle, si le ministère de l’Intérieur me l’autorise, de Charles Martel “ tout un symbole et d’ajouter “Je veux continuer à vivre dans un pays ou l’on parle Français et non pas un espèce de sabir de banlieue, (...) je veux continuer à me promener dans des villages bâtis à l’ombre des églises” !! De leurs côtés, les fondamentalistes musulmans ne veulent pas non plus de la République. Quid de ses valeurs puisque la Charia a autorité sur toutes les lois terrestres ? Leur objectif est de revenir au temps des conquêtes et d’islamiser les « infidèles » y compris par la force. A titre d’exemple, les droits de
32
PERSPECTIVES MED
la femme, on s’assied dessus puisqu’elle doit être entièrement voilée et n’a d’existence qu’à l’ombre de son mari. Dans leur logique moyenâgeuse elle doit rester l’éternel mineur. Les programmes scolaires doivent se soumettre aux dogmes obscurantistes. Darwin et sa théorie de l’évolution est une hérésie à combattre, etc, etc… Voilà qui fait que les simples d’esprit des deux bords se rejoignent pour épouser aveuglément, dans l’entre soi, des préceptes éculées qui poussent les composantes de notre belle France à se tourner le dos. Après une longue période où ils n’osaient pas étaler haut et fort leur vomissure, le temps est venu pour eux de prêcher à visage découvert. Le FN ne veut plus de musulmans et surtout de maghrébins que soumis et totalement dissous dans leur nauséabonde bouillabaisse. Mais ce qu’ils oublient, c’est qu’il est loin le temps des colonies, des Fatma dans les cuisines et des Mohamed larbins de service. La haine de l’autre est l’exacte alternative aux souffrances de pans entiers de populations étrangères ghettoïsées et stigmatisées. C’est exactement ce que proposent les fanatiques à la solde des oulémas et d’obscures politiques qui poussent à la sédition. Aux deux extrêmes nous exprimons notre total refus car si le monde s’ouvre, leur seule proposition est le repli sur soi. Nous vous disons tout simplement que votre modèle et votre logiciel sont périmés. Il est grand temps de jouer une autre partition ou l’ouverture à l’autre doit être l’alpha et l’oméga de votre réflexion, si tant est que vous en ayez une. Regardez autour de vous, juste au-delà du Rhin, là où l’Allemagne avec à sa tête une Dame courageuse mais oh combien exemplaire, a su ouvrir les frontières de son pays à des centaines de milliers de syriens alors que la majorité des pays voisins, France comprise, freinaient des quatre fers?! Elle est où la France que l’on aime ? Elle n’est surtout pas dans les dernières propositions de l’Exécutif de créer deux types de citoyens en dépit de tout bon sens. C’est à se poser la question si l’objectif n’est pas d’attiser la haine et la colère, encore et encore. C’est pour cette raison qu’il faut crier ; ça suffit !
CHRONIQUE VÉCU ICI
2015 UNE ANNÉE MÉPHITIQUE
D
écidément, rien ne nous a été épargné. Hormis les dieux du ciel qui nous gratifient d’une météo clémente, les hommes sont d’une imbécillité à toute épreuve. Ca a commencé avec les attaques contre Charlie Hebdo et l’élan exceptionnel de solidarité avec les victimes et surtout avec la volonté de tous, ou presque, de défendre les valeurs de la République. Très vite, comme après chaque événement, aussi dramatique qu’il puisse être, la vie a repris son cours et les enseignements de cette barbarie contre des hommes de valeur furent quasiment oubliés pour que la vie politique en France se focalise sur les courbes du chômage qui ne cessent de grimper alors que celle de la popularité de l’Exécutif ne cesse de s’effondrer. A cette époque, le Premier Ministre tentait d’expliquer, à raison, la dérive des frères Kouachi en parlant de ghettos et de faillite du système d’intégration. En effet, il est vain de se voiler la face. Les tueurs sont nés et ont grandi en France sans aucun rapport avec les origines géographiques de leurs parents qui dans le cas présent les ont abandonnés. Enfant d’immigrés Espagnols hissé au sommet de l’Exécutif, il était dans son rôle d’appuyer là où ça fait mal et d’insister sur le rôle primordial de l’école de la justice sans pour autant oublier le volet sécuritaire qui se devait d’être renforcé au vu des failles repérées ici et là. Le tollé suscité par ses déclarations dans les bancs de la droite, toutes tendances confondues, ne s’est nullement estompé. Pour cette droite à la dérive, il fallait cogner fort. Le consensus national n’est qu’une vue de l’esprit. Il fallait frapper les esprits en vue des élections régionales qui se profilaient et qui donnaient le Front National gagnant. La communauté maghrébine n’était pas à la fête. Si dans la majorité des cas, ces citoyens d’outre Méditerranée furent aussi bien choqués que le reste du peuple français, force est de constater qu’une partie n’était guère émue par le volet humain du massacre et de son pendant symbolique. Pour ces derniers, les journalistes de Charlie Hebdo « l’on cherché » puisqu’ils ont blasphémé. Quant aux morts de l’hyper Casher, c’était des juifs. Et dans ce cas précis, le parallèle
LA FRANCE SE CRISPE, SE DROITISE ET SE REFERME SUR ELLE-MÊME. POURTANT, CE N’EST PAS LÀ SA VOCATION.
Par : Mustapha El Maleh
avec les morts palestiniens dans les Territoire occupés est vite fait. Le 13 novembre, Paris est à nouveau endeuillée. Cette foisci, les morts sont beaucoup plus nombreux et rien ne justifie leur assassinat si tant est qu’on puisse trouver l’once d’une raison valable aux morts de janvier. C’étaient des jeunes qui faisaient la fête en écoutant la musique. D’autres étaient paisiblement attablés sur des terrasses de café avant que la mort ne les fauche prématurément. Le choc fut rude et il est toujours difficile à encaisser. François Hollande a parlé de « guerre » devant la représentation nationale. A l’intérieur du pays, des mesures exceptionnelles ont été prises pour assurer la sécurité de tout un chacun. Sur les rives orientales de la Méditerranée, les frappes se sont intensifiées contre Daèch. Sonnés, nous étions émus et le monde, dans son écrasante majorité, le fut aussi. Sincères, certains politiques ont suspendu leur campagne électorale. D’autres essuyèrent leurs larmes de crocodiles pour surfer sur l’onde de choc des attentats. Ce fut du pain béni pour les nazillons propres sur eux de ce pays. Parce que « la langue n’a pas d’os » comme le dit si bien l’adage marocain, les langues se sont encore déliées. Encore une fois, il fallait faire profil bas. Et contrairement au lendemain prometteur du 7 janvier, celui du 13 décembre fut sombre. Le Front national réalisa un score historiquement élevé. Les électeurs de gauche ont su sauver les meubles contrairement aux calculs mesquins de Sarkozy, habitué du fait… Et parce l’échéance prochaine est celle de mai 2017, quoi de mieux que de surenchérir sur la dérive droitière dans laquelle ce pays s’enfonce. Pour le Premier ministre, il n’est plus question de comprendre le pourquoi de la réussite de l’entreprise terroriste de Daèch dans son funeste lavage de cerveaux qui conduit une infime partie de nos jeunes à tuer et à se suicider, mais de cogner fort comme si la réponse sécuritaire serait l’unique réponse. Contrairement aux dires de Mme Taubira, garde des sceaux, le Président de la République François Hollande maintient le projet de déchéance de la nationalité des terroristes français d’origine étrangère ! L’extrême droite l’a rêvée, la Parti socialiste est en passe de l’exhausser. Ce reniement est tout simplement suicidaire et les calculs seront, à coup sûr, perdant non pas pour les prétendants à l’Elysée mais pour la France, terre des droits de l’homme. Je ne peux qu’emprunter à une certaine Valérie le titre de son réquisitoire contre le Président : Merci pour ce moment !
PERSPECTIVES MED
33
MONDE
TERREUR, CONFESSIONNALISME ET SYKES-PICOT
ECHEC ET MAT ?... Comment se profile le nouveau « Grand Moyen-Orient » que léguera le Président Obama et dont se bercent les aficionados de la stratégie « néo-conservatrice »? Un Irak morcelé, une Syrie meurtrie, un Yémen détruit et une Palestine oubliée. L’indicible terreur des djihadistes se nourrit, dans la région, aux mamelles d’une opposition confessionnelle de façade. Sunnites et chiites sont les grands perdants dans cette poudrière qui n’en finit pas de tonner. En se jouant des bornes géodésiques léguées par Sykes-Picot.
L
e séisme qui secoue depuis les cinq dernières et longues années la région du « Grand Moyen Orient » a pour épicentre la Syrie. Mais les ondes telluriques dépassent le seul cadre de ce pays en proie à une destruction systématique pour n’épargner ni la rive sud, ni la rive nord de la Méditerranée. De l’Atlantique à la Mer Rouge, l’état d’alerte est général. La somme de toutes les peurs se cristallisant sur l’organisation terroriste « Etat Islamique » dont la fulgurante expansion épouse la fragilisation des Etats où l’Islam était habitué à s’exprimer autrement que par les bombes. Les experts es terrorisme islamiste n’ont-ils pas trouvé le graal lorsque Boco Haram a déclaré, depuis le Nord du Nigéria, sa flamme pour Daech ? Avec une « Africanistanie » en devenir, le Sahel profitant de l’immense râtelier à ciel ouvert qu’est devenue la Libye depuis le « dégagement » atlantique de Kadhafi, il faut croire que l’affaire n’est pas aussi mince que l’on croit. Et sa gestion dépasse, sans aucun doute, le seul rendez
DÉTRUIRE DES ÉTATS- NATION POUR REMODELER LE PROCHE-ORIENT
34
PERSPECTIVES MED
Par A. Ben Driss
de « Génève-3 » devant consacrer les pourparlers de paix entre les factions en conflit en Syrie. On comprend dès lors les raisons qui ont poussé la Russie à intervenir fortement, depuis septembre dernier, dans le bourbier syrien. Là où on dénombre plus d’un millier de groupes armés nourris par les appétits régionaux inavoués, Moscou craint, en effet, « l’effet domino » que l’on prête au djihadisme. D’autant que des Tchétchènes y figurent en bonne place. Comme on ne saurait interpréter autrement l’investissement de la Chine dans la région, comme vient de le démontrer la tournée régionale du Président Xi Jinping. Le facteur Ouigour devant être pris en compte puisqu’il pèse, à lui seul, quelque 20 millions d’âmes qui ne sont pas insensibles aux dérives du wahhabisme. Et dans cette configuration là, il n’y a que trois acteurs régionaux pour minorer le péril daechien. L’Arabie Saoudite qui considère que le véritable ennemi est tapi à Téhéran, ne ménageant aucun effort pour tenter de contenir l’influence iranienne, qui prendra plus de muscle avec l’accord sur le nucléaire et son retour en grâce parmi le concert des nations, quitte à mobiliser le monde sunnite contre les chiites. La Turquie qui s’accom-
moderait bien du djihadisme régional pour peu que la prétention indépendantiste kurde soit évacuée par l’instrumentalisation des groupuscules armés en Syrie, comme en Irak. Et last but not least, Israël dont les stratèges s’accommoderaient plus de Daech que d’un Hezbollah aguerri par l’expérience qu’il s’est forgé sur le front syrien. On comprend dès lors la complexité du dossier syrien dans lequel plusieurs acteurs se sont arrogés un droit d’immixtion avouable ou non. Rendant improbable toute solution négociée sous l’égide des Nations Unies. D’ailleurs, cela transparait à travers la multiplication des délégations appelées à être associées, ou non, au rendez-vous Genève. Si Washington et Moscou ont convenu que ni l’EI ni le Front al-Nosra ne seraient inclus dans les pourparlers de paix, il n’en reste pas moins que l’administration Obama insiste pour que des groupes djihadistes tels qu’Ahrar al-Sham et Jaish al-Islam, qui partagent tout avec Al-Qaïda, devraient être inclus en tant que «rebelles modérés ». Ce que le gouvernement russe exclue tout en demandant à ce que les YPG kurdes syriens soient associés quand bien même la Turquie opposerait son veto. L’imbroglio devant lequel se trouve l’envoyé spécial des Nations Unies, Staffan Di Mistura, est des plus inextricables. Sans évacuer l’approche diplomatique, il faut se rendre à l’évidence que toute solution au problème syrien relève de la compétence de Damas. Le pouvoir syrien qui a fait montre d’une grande résilience face à une adversité des plus barbares mesure, sur le terrain, l’efficacité du parapluie déployé sur son sol par la Russie. Ce qui lui a permis de regagner les terrains perdus sur plusieurs fronts, de Lattaquié à Homs, Hama et Idleb. Sur le terrain, c’est l’axe de la résistance aux hordes des djihadistes qui a tendance à se renforcer, contrairement aux attentes des forces coalisées qui, depuis cinq ans, cherchaient à faire tomber Damas. Que l’on se souvienne des véritables desseins qui ont été ourdis dans divers « commandements stériles » contre une Syrie qui n’aura péché que par son aversion à tout diktat qui mettrait son indépendance en jeu. Géopolitiquement parlant, c’est le rejet de la Pax Americana qui pèse de tout son poids dans la balance de la déstabilisation de la Syrie. Soutien inconditionnel du
Hezbollah libanais et du Hamas à Gaza, le pion syrien dérangeait par son autonomie toutes les capitales de la région qui nourrissaient l’espoir de siphonner l’aspiration palestinienne à faire valoir ses droits historiques pour mieux diluer la normalisation avec l’entité sioniste. Et géo-économiquement, c’est la maîtrise du « sol syrien » devant servir de hub gazier régional, mettant en opposition les prétentions du Conseil de coopération du golfe (CCG) et de l’Iran, qui était recherchée. Tous ses desseins sont-ils tombés en désuétude pour que la paix advienne en Syrie ? Rien n’est moins sûr. La Turquie qui suit de près l’évolution de l’armée syrienne le long de sa frontière se dit disposée à intervenir pour empêcher toute tentative des YPG à passer sur la rive ouest de l’Euphrate et de relier les deux cantons kurdes de Kobane et Afrin. Cette « ligne rouge », dessinée par Ankara, connaîtra-t-elle le même sort que celui qui a été réservé à la fameuse « No Fly Zone » promue auprès de l’administration US ? L’Arabie Saoudite finira-t-elle par abandonner la pression qu’elle exerce, y compris sur les Nations Unies, pour que ce qu’elle considère comme « djihadistes modérés » aient droit au chapitre ? D’ores et déjà, il faut se rendre à
l’évidence : les frontières léguées par Sykes-Picot n’ont jamais été aussi poreuses que par les temps qui courent. Reste à savoir jusqu’où iront les prétentions géopolitiques des uns et des autres qui dessinent à coups de guerres par procuration. Daech se contentera-t-il de jouer le rôle de supplétif pour lequel il a été créé où réussira-t-il à s’affranchir du jeu auquel s’adonnent nombre de marionnettistes? That’s a question.
LA PRESSSION DE RIYAD Selon un article sur le site Web Foreign Policy , l’envoyé spécial de l’ONU pour la Syrie Staffan de Mistura a indiqué au Conseil de sécurité des Nations unies que l’Arabie saoudite sabotait sa tentative d’amener un large éventail de groupes d’opposition syriens aux pourparlers de Genève. Il a dit que le soi-disant Haut Comité des négociations (HNC), bricolé à Riyad par la monarchie saoudienne et dominé par les milices islamistes, avait rejeté la participation aux pourparlers de tous les autres groupes. Il a dit au Conseil de sécurité que le HNC et ses « parrains » insistaient sur « la primauté et l’exclusivité de leur rôle en tant que ‘LA’ délégation de l’opposition. » Mais loin des coins lambris où se joue la diplomatie, c’est la population civile qui continue à payer le plus lourd tribut de la guerre déclarée depuis 2011 : plus de 260.000 morts sont à déplorer…
PERSPECTIVES MED
35
PANORAMA
IMMIGRÉS
FLOTS CONTINUS
Plus de 972.000 personnes avaient traversé la mer Méditerranée, à fin décembre, selon HCR. En plus, l’OIM estime que plus de 34.000 s’étaient rendus en Bulgarie et en Grèce après avoir traversé la Turquie », ont indiqué mardi l’OIM et le Haut-Commissariat de l’ONU pour les réfugiés (HCR). Les arrivées par mer cette année ont été ainsi presque cinq fois plus nombreuses qu’en 2014. Il s’agit du « flux migratoire le plus élevé depuis la Seconde guerre mondiale» en Europe, a souligné l’OIM. En 2015, « le nombre de personnes traversant la Méditerranée a augmenté régulièrement, depuis environ 5.000 en janvier pour atteindre un pic mensuel de plus de 221.000 en octobre». Le périple des migrants n’est
pas sans danger, soulignent les humanitaires: au moins 3.700 sont morts ou portés disparus. La très grande majorité des réfugiés et migrants – plus de 821.000 – est passée par la Grèce. 816.000 d’entre eux sont arrivés par la mer.Au total environ 150.000 sont arrivés depuis janvier en Italie, près de 30.000 en Bulgarie, plus de 3.800 en Espagne, 269 à Chypre et 106 à Malte, selon l’organisation basée à Genève… Parmi les migrants qui ont traversé la Méditerranée, « une personne sur deux cette année – un demi-million de personnes – étaient des Syriens fuyant la guerre dans leur pays », selon le HCR et l’OIM. Les Afghans ont représenté 20% des arrivées et les Irakiens 7%.
DANS LE MONDE, LE NOMBRE DE DÉPLACÉS DEVAIT DÉPASSER ET DE BEAUCOUP LES 60 MILLIONS EN 2015. « UN ÊTRE HUMAIN SUR 122 A ÉTÉ CONTRAINT DE QUITTER SON FOYER », SIGNALE UN RAPPORT ALARMANT DU HCR.
GUERRE DE L’EAU
LA PASSION DU NIL C’est à Kahrtoum que les négociations entre les ministres des Affaires étrangères et de l’Irrigation d’Egypte, d’Ethiopie et du Soudan ont démarré autour du barrage de « Grande Renaissance ». La construction en cours du barrage par Addis-Abeba avait provoqué de vives protestations de la part du Caire. L’Egypte qui tire 85% de son eau du Nil Bleu venant d’Ethiopie y voit un casus belli. D’autant que l’Ethiopie a fait sienne « la politique du fait accompli » décriée par les Egyptiens. Addis-Abeba qui a proposé, en signe de bonne volonté, de ne pas commencer le remplissage du barrage avant que des consultants internationaux ne se soient prononcés sur l’impact du barrage sur le Soudan et l’Egypte
36
PERSPECTIVES MED
PRINTEMPS ARABES DES COUPS ET DES COÛTS Lors de la huitième session de l’Arab Strategy Forum (ASF), lancé en 2001 par l’émir de Dubai et premier ministre des Emirats Sheikh Mohammed Bin Rashid Al Maktoum, les conclusions d’une étude du forum sur le coût du printemps arabes ont été dévoilées à la mi-décembre. En quatre ans, les pays touchés ont perdu 833.7 milliards de dollars. En se basant sur des chiffres de la Banque mondiale, de l’Organisation des nations unies (ONU) et de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), l’ASF a proposé un bilan financier et humain des révolutions qu’ont connu la Tunisie, l’Egypte, la Libye et la Syrie. De 2011 à 2015, les pays touchés ont perdu 833.7 milliards de dollars. Les pertes en infrastructures se chiffrent à 461 milliards, celles du PIB à 289 milliards. La crise des migrants, elle, coûte 48.7 milliards, tandis que les pertes en actions et en investissements s’élèvent à 35 milliards. 103.4 millions de touristes ont déserté les pays touchés par le printemps arabe. Le coût humain des révolutions est, lui aussi, astronomique. 1.34 millions de victimes (morts et blessés) sont à déplorer, et 14.389 millions de réfugiés. Ceci, sans compter « le coût psychologique des révolutions » selon le président du forum Mohammed Al Gergawi.
CONSTITUTION TURQUE
HARO SUR LES KURDES… «Il n’est plus correct de les accepter comme des interlocuteurs après leurs récentes déclarations qui frôlent l’insolence», a déclaré A. Davutoglu à Istanbul, en évoquant les pourparlers autour d’une nouvelle constitution turque devant consacrer le régime présidentiel tel que voulu par le « Sultan » Erdogan. Ce message est à l’adresse du Parti démocratique des peuples (HDP, pro-kurde), quatrième force politique de Turquie, qui avait appelé à l’autonomie des régions du Sud-Est. Le Congrès pour une société démocratique (DTK), organisation qui chapeaute les mouvements kurdes turcs, dont en premier lieu le HDP, avait lancé un appel à l’autonomie, en pleine offensive de l’armée dans la région qui a plus de 200 morts dans les rangs du Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK), mouvement kurde armé actif depuis 1984.
XXXXXX
DRONE CHINOIS EN IRAK Les drones tueurs ne sont plus l’apanage des Reaper, Predator, Sentinel de l’US Army. Désormais, des drones chinois armés leur livrent concurrence sur le théatre… irakien. Début décembre l’armée irakienne a rendu publiques des images d’attaques du « CH-4» contre des posistions de Daech, à Ramadi.. Ce drone vole à moyenne altitude et peut transporter jusqu’à 350 kilos d’armements, deux missiles anti-tank et deux bombes guidées par satellite.
TEL AVIV ASSASSINE EN SYRIE
AL-KUNTAR LIQUIDÉ SAMIR AL-KUNTAR, UN DES OFFICIERS SUPÉRIEURS DU HEZBOLLAH, A ÉTÉ LIQUIDÉ DANS UNE FRAPPE ISRAÉLIENNE SUR UN IMMEUBLE DE LA VILLE DE JIRMANA, AU SUD DE DAMAS. LA CHAÎNE SYRIENNE SATELLITAIRE AL-IKHBARIYA A MONTRÉ DES IMAGES DU SECTEUR BOMBARDÉ ET A DIT QUE PLUSIEURS MISSILES ONT CIBLÉ L’IMMEUBLE DE 6 ÉTAGES ET L’ONT RÉDUIT À DES DÉCOMBRES. KUNTAR, DRUZE LIBANAIS, A ÉTÉ INCARCÉRÉ EN ISRAEL POUR L’ATTAQUE DE 1979 CONTRE DES COLONS JUIFS À NAHARIYA, ET A ÉTÉ LIBÉRÉ DANS LE CADRE D’UN ACCORD NÉGOCIÉ PAR TEL-AVIV POUR RÉCUPÉRER LES CORPS DE DEUX SOLDATS TUÉS EN JUILLET 2008.
SOUS LE MANDAT OBAMA
ON TUE LES AFROAMÉRICAINS !
LE WASHINGTON POST A PUBLIÉ RÉCEMMENT UNE ENQUÊTE EXHAUSTIVE (DISPONIBLE SUR LE WEB) SUR LE NOMBRE DE PERSONNES ABATTUES PAR LA POLICE EN 2015. PAS MOINS DE 965 PERSONNES, DÉTAILLE LE QUOTIDIEN US, ONT SUCCOMBÉ AUX RAIDS POLICIERS DANS DIVERS ETATS. TRAIT COMMUN À TOUTES LES VICTIMES, ELLES SONT TOUTES DES AFROAMÉRICAINS. ET IL Y A DE FORTES CHANCES POUR QUE L’HÉCATOMBE SE POURSUIVE DANS DIVERS ETATS DEPUIS QUE LA JUSTICE US A JUGÉ BON DE «BLANCHIR» TOUS LES AGENTS DE POLICE À L’ORIGINE DE CES FORFAITURES.
PERSPECTIVES MED
37
38
PERSPECTIVES MED
ÉCONOMIE &
MARCHÉS
L PROSPECTIVES ÉCONOMIQUE
AVIS DE TEMPÊTE
a dernière année du mandat de Benkirane promet d’être douloureuse. Et l’expression de dame nature en est la preuve. Sans pour autant tomber dans les imprécations métaphysiques de la causalité, les multiples promesses du gouvernement s’effritent au même titre que l’émergence économique, hélas toujours dépendante des humeurs des cieux. Ainsi après la reprise exceptionnelle de 2015, et à la lecture des différents pronostics de croissance, cette année s’annonce pour le moins catastrophique. Et pour cause, le retard des pluies et ce qu’il engendre comme conséquences pour le secteur agricole qui agit comme locomotive. En effet, le PIB agricole expliquerait en partie la baisse de la prévision de croissance économique de 5 à près de 3% selon le ministre de l’Economie et des finances, dans le sens où les activités agricoles devront connaitre un recul de 1,8% sur la base d’une récolte moyenne. Sur cette même base, Bank Al Maghrib prévoit 2,1% tandis que le Centre marocain de conjoncture plonge ses perspectives à 1,2% soit le niveau le plus bas jamais observé depuis des lustres. Au regard de ces chiffres, il serait opportun d’évaluer, selon le principe constitutionnel de réédition des comptes, les réformes douloureuses dont l’impact est pour le moins douteux que ce gouvernement a entrepris et entend finaliser avant de rendre le tablier. Le moins que l’on puisse faire c’est de se demander ou sont partis les milliards consentis au développement du secteur agricole afin de lui assurer une certaine viabilité. Et ce qui est valable pour ce secteur l’est aussi même pour le secondaire qui n’a connu de l’émergence que le nom. Car, faut-il le rappeler, l’embellie des expéditions des secteurs aéronautique et automobile ne saurait égaler en valeur la norme du secteur des phosphate et dérivés. Si l’objectif escompté de cette émergence industrielle est la création d’emploi, le taux de chômage ayant dépassé la barre des 10%, force est de constater que ce gouvernement est loin de ses objectifs. Bref, l’exécutif a choisi de satisfaire au diktat des institutions internationales en matière d’équilibres macroéconomiques et d’en faire payer le prix au peuple qui l’a élu. Un mal subi que le marocain lambda ne saurait pardonner comme en témoigne la grogne sociale qui ne cesse de s’amplifier. PERSPECTIVES MED
39
ECONOMIE LOI DES DINANCES 2016
ADOPTION SANS ENTHOUSIASME ! Par A.M.
Le projet de loi de Finances 2016 a été adopté après le parcours habituel entre les deux Chambres du Parlement. Cette ultime loi des finances qui scelle le mandat législatif de l’actuel Exécutif, reste pâle aussi bien au niveau de ses orientations que ses objectifs. Timoré, le taux de croissance prévu s’inscrit en faux vis-à-vis loin des promesses gouvernementales.
I
l aura fallu 70 jours pour que l’examen du projet de budget par les deux chambres du Parlement soit bouclé. Exit donc les navettes ! La loi de finances au titre de l’année budgétaire 2016 a fini par être approuvée, sans grandes surprises, par 154 voix (contre 56 et 24 abstentions). L’ultime budget du gouvernement Benkirane avant les législatives de 2016 a donc franchi le Rubicon. Sans pour autant tracer un réel cap pour une croissance forte et durable. L’Exécutif, transi par la volte-face climatique, s’est basé sur des hypothèses marquées au fer de la continuité. Tant il est vrai qu’il reste soumis, une année après l’autre, à une structure figée au niveau des composantes et du volume des dépenses et des recettes. Sur le plan de la croissance économique, véritable aiguillon pour les acteurs économiques et sociaux sur la manière dont le gouvernement conçoit la conjoncture générale et détermine le degré des efforts publics et l’ambition du gouvernement durant l’exercice, le plafonnement à 3,5% est bien modeste. Les yeux toujours braqués sur
LE BUDGET 2016 N’EXPRIME PAS DE VOLONTARISME DÉBRIDÉ
40
PERSPECTIVES MED
un ciel peu clément, l’ambition de croissance s’est cristallisée sur la base d’une récolte céréalière moyenne de 70 millions de quintaux. Projection qui verse dans l’optimisme au regard du déficit pluviométrique qui, cumulé qu’à Dieu ne plaise, risquerait de compromettre tous les pronostics. Ceci est d’autant plus vrai que le paradigme agricole reste déterminant pour les autres indicateurs économiques, principalement l’emploi, la consommation et la production. Quoi qu’il en soit, cet objectif de croissance remet en cause les choix économiques adoptés durant ces quatre dernières années et leur capacité d’influencer positivement le modèle économique, l’ampleur de son impact sur la réduction des fragilités structurelles dont souffre l’économie nationale. Même le Plan Maroc Vert qui a mobilisé des budgets colossaux n’arrive pas à conjurer le mauvais sort. Les indicateurs sont encore loin de passer au vert !
DÉBAT DÉSÉQUILIBRÉ
L’Exécutif peut s’estimer heureux face à une représentation plus encline à conjuguer la faconde partisane ou à jouer les intérêts catégoriels. Et si décalage il y a, c’est bel et bien au niveau de la
gestion démocratique des joutes entourant le projet de budget et son examen. Le suivi assuré par le Médiateur pour la démocratie et les droits de l’Homme (MDDH) des différentes étapes de débat et d’adoption de la loi de Finances au niveau de la Chambre des Représentants, en dit long sur les limites de l’exercice. Le débat parlementaire sur le budget demeure limité par des contraintes structurelles. Il s’agit premièrement des limites constitutionnelles et juridiques du rôle législatif qui, malgré les avancées enregistrées en matière de renforcement du contrôle exercé par l’institution législative à l’égard du gouvernement, du point de vue des dispositions de la Constitution de 2011 y afférentes ou encore de celui de la loi organique de la loi de Finances dans sa nouvelle version, celui-ci « demeure limité ». Comme en témoigne le bilan des votes au sein de la Chambre des représentants avec refus par le gouvernement de plus de 100 amendements sur un total de 240 proposés par la majorité et l’opposition. Le gouvernement s’est contenté d’accepter 51 amendements, le reste ayant été tout simplement retiré. Ce qui s’avère révélateur, selon le MMDH, du fait que le pouvoir exécutif se réserve la mission de maintenir l’équilibre financier de manière unilatérale sans tenir compte de l’avancée apportée par l’article 77 de la Constitution, prévoyant une responsabilité partagée du Parlement et du gouvernement quant à « la préservation de l’équilibre des finances de l’Etat ». Dans le même sens, le Médiateur relève aussi un retard au niveau de la mise en œuvre des dispositions de la loi organique de la loi de Finances relatives à sa lisibilité pour les représentants, ce qui empêche les législateurs d’exercer leur droit législatif avec efficacité. Et ce, malgré l’accroissement de l’ampleur des informations et de la documentation présentée par le gouvernement.
SUPRÉMATIE TECHNOCRATIQUE
Les discussions du projet de loi de finances se sont éloignées, à maintes reprises, des dispositions contenues dans le projet, en raison de l’incapacité des députés de s’approprier le projet, d’en relever les limites et les principales orientations, généralement de nature technique. Sur ces derniers
points, le gouvernement se préserve dans sa supériorité nette dans le processus d’élaboration de la loi de Finances surtout en matière de ressources et moyens matériels et humains mis à sa disposition. De surcroît, l’impact des échéances électorales relatives aux élections des conseils des collectivités territoriales, des membres de la Chambre des conseillers et de son président ont donné lieu à des distorsions importantes aussi bien au niveau de la majorité que de l’opposition. Les rangs de l’opposition parlementaire ont été fragmentés, et les évènements ont démontré la fragilité de la majorité qui soutient le gouvernement, ce qui a rendu plus floue la vision de la scène politique et ses principaux alignements. Ceci pose un ensemble d’interrogations profondes quant à la capacité du gouvernement et de sa majorité à poursuivre la mise en œuvre de leurs engagements annoncés dans le programme gouvernemental en perspective des prochaines élections législatives. En contrepartie, le MDDH relève que la capacité de l’opposition parlementaire à présenter de vraies alternatives est aussi fortement soulevée, surtout à la lumière de la multitude des opinions exprimées au moment du vote sur le projet de loi de finances, entre le refus, l’abstention et l’approbation. Au-delà, les conclusions émises par le Médiateur attestent d’une faiblesse au niveau de l’appropriation par le chef du gouvernement de ses nouvelles fonctions constitutionnelles et une orientation vers l’approbation de la gestion technocratique des politiques publiques, avec tout ce que cela suppose comme concrétisation de l’idée de la supériorité des choix technocratiques qui engendre une consécration de l’irresponsabilité organisée, celle qui anéantit tout lien entre la responsabilité et la reddition des comptes.
LA LISIBILITÉ DE LA LOI ORGANIQUE LAISSE À DÉSIRER À L’HEURE OÙ LA TRANSPARENCE EST À L’ORDRE DU JOUR
Ainsi, aux problèmes liés à la vision économique se greffe ceux, non moins importants, de la gouvernance. Ce qui en dit long sur le chemin qui reste à parcourir sur la voie de la croissance et de la consolidation démocratique. L’heure du bilan a-t-elle pour autant sonné ?
PERSPECTIVES MED
41
ECONOMIE FINANCES PUBLIQUES Multipurpose template
LES EFFETS DES RECETTES Dans un fatras de chiffres, on relèvera que le poids de l’impôt, directs et indirects s’alourdit.
D
‘ après les statistiques de la Trésorerie générale, la situation des finances publiques à fin novembre 2015 fait ressortir une hausse de 0,7% des recettes ordinaires à 180,7 Mrds Dhs, pour des dépenses ordinaires en recul de 6,6% à 183,7 Mrds Dhs. Au registre des recettes ordinaires, les recettes fiscales ont progressé de 2,5% à 160,3 Mrds Dhs. Les impôts directs ont gagné 3,6% à 68,7 Mrds Dhs, les impôts indirects ont bondi de 2,2% à 70,7 Mrds Dhs et les droits de douane ont progressé de 0,1% à 7,1 Mrds Dhs. En revanche, les droits d’enregistrements & de timbre ont cédé 0,4% à 13,9 Mrds Dhs. Côté recettes non fiscales, leur recul de 11,8% à 17,8 Mrds Dhs est du particulièrement à la dégradation des recettes « monopole & participations » de -23,7% à 7,1 Mrds Dhs. S’agissant des dépenses ordinaires, cellesci recouvrent une amélioration de 0,6% des dépenses au titre des biens & services à 141,4 Mrds Dhs. Dans cette catégorie,
LE POIDS DE LA DETTE SE CONFIRME... AVEC UNE COMPENSATION ALLÉGÉE
42
PERSPECTIVES MED
les dépenses du personnel ont augmenté de 1,1% à 93,8 Mrds Dhs. En revanche, les autres biens & services ont baissé de 0,4% à 47,7 Mrds Dhs. On notera aussi l’accroissement de 14,3% des charges en intérêts de la dette à 25,7 Mrds Dhs (+14,9% en intérêts de la dette intérieure à 22,7 Mrds Dhs et +9,9% en intérêts de la dette extérieure à 3,0 Mrds Dhs). Par ailleurs les dépenses de compensation ressortent en repli de 50,6% à 16,6 Mrds Dhs et les dépenses d’investissement engagées par l’Etat ont augmenté de 1,7% à 47,6 Mrds Dhs. Dans ces conditions, le solde ordinaire ressort négatif à -3,0 Mrds Dhs contre un solde négatif de -17,3 Mrds Dhs à fin novembre 2014. Au total, la situation des charges et ressources du Trésor fait état d’un déficit budgétaire de 41,6 Mrds Dhs (Vs. Un déficit de 50,5 Mrds Dhs à fin novembre 2014). Ceci étant et compte tenu d’un besoin de financement de 44,8 Mrds Dhs et d’un flux net négatif du financement extérieur de 1,7 Mrds Dhs, le Trésor a eu recours au financement intérieur pour un montant de 46,5 Mrds Dhs.
MAGHREB-BMICE
TOURISME
EN BERNE! Selon l’Observatoire du Tourisme, les arrivées touristiques aux postes frontières reculent de 7,4% en octobre 2015, comparativement à la même période de l’année précédente, pour se fixer à 736 120 personnes, dont 267 264 MRE (-14,2%) et 468 856 touristes étrangers (-3%), établissant ainsi le cumul des arrivées sur la période janvier-octobre 2015 à 8 847 087 personnes (-0,7% comparativement à janvier-octobre 2014). Sur le seul mois d’octobre, les plus fortes variations concernent les arrivées en provenance d’Italie (-16% à 26 130 personnes), de Belgique (-14%) et d’Espagne (-11%) à 36 022 et à 130 375 touristes respectivement. Seul le Royaume-Uni affiche une légère progression de 2% à 55 781 touristes. Concernant les nuitées dans les établissements d’hébergement classés, elles ressortent en baisse de 3% à 1 649 545 en octobre 2015, recouvrant un repli de 8% à 1 216 721 nuitées pour les non-résidents et une hausse de 13% des nuitées pour les résidents à 432 824 nuitées. Sur les 10 premiers mois de l’année, le nombre de nuitées régresse de 6,9% à 15 857 109 comparativement à la même période de l’année précédente. Par ville, Marrakech arrive à la première position du classement des destinations par nuitées avec 587 869 nuitées (-2%), suivie par Agadir-Ida-Outanane avec 384 698 nuitées (-8%). Dans ces conditions, le taux d’occupation national se fixe à 43%, en recul de 2 points par rapport à l’année précédente. Pour leur part, les recettes voyages en devises se déprécient de 1,1% à 5,2 Mrds Dhs sur le mois d’octobre 2015, contre un repli de 0,9% à 50,9 Mrds Dhs pour la période janvier-octobre 2015.
ENERGIE
UN TERMINAL GAZIER À TANGER MED ?
ENFIN OPÉRATIONNELLLE Après près 24 ans de gestation depuis la signature en 1991 de l’accord-cadre portant sa création entre le Maroc, l’Algérie, la Tunisie, la Libye et la Mauritanie, la Banque Maghrebine d’investissement et de commerce extérieur (BMICE) a été officiellement lancée le 21/12/15 sous l’égide de l’Union du Maghreb Arabe. Basée à Tunis, la BMICE sera dirigée par un Conseil d’Administration et une Direction Générale avec un mandat respectif de 3 et 4 ans, selon un principe de rotation entre les pays membres. Mohamed DJELLAB, ancien ministre algérien des Finances, a été nommé à la Présidence du Conseil d’Administration alors que la direction générale échoit à Nouredine ZEKRI, ancien Secrétaire d’Etat tunisien au Développement et à la Coopération. La banque est ainsi dotée d’un capital initial de 150 M $ libéré au quart (soit 37,5 M $ avec une contribution de 7,5 M $ par pays membre) qui sera porté à 500 M $ après le bouclage des derniers aspects juridiques et politiques. L’établissement dont le démarrage des activités est attendu au T1 2016 et qui s’adressera à un espace économique comptant près de 100 millions de consommateurs, devrait servir de source de financement des projets communs d’infrastructures et participer à l’édification d’une économie maghrébine intégrée en développant des échanges commerciaux intra-maghrébins et en contribuant au renforcement de la circulation des biens et des capitaux entre les pays. Dans ce sillage, plusieurs réalisations à forte valeur ajoutée auraient été identifiées, à l’image du TGV maghrébin, de l’autoroute maghrébine ou du train Trans-Maghreb. L’objectif final de cette banque serait d’atténuer le coût du « non-Maghreb » qui, selon les estimations du FMI, varie annuellement entre 2% et 3% du PIB, alors que le commerce intra-régional représente moins de 3% des échanges globaux.
La société en charge du développement et de la gestion du complexe industrialo-portuaire Tanger Med (TMSA), envisagerait la mise en place d’un terminal GNL (Gaz naturel liquéfié). Installé à Tanger Med II (TM2), le projet sera destiné à l’importation et le stockage du GNL pour l’avitaillement (Bunkering) des navires fréquentant tout le complexe portuaire de Tanger Med. Il vise aussi à alimenter d’autres marchés en GNL, essentiellement le secteur industriel de la région du nord-ouest du Maroc. A noter que Tanger Med II SA, filiale de TMSA, s’apprête ainsi à lancer une étude faisabilité pour évaluer notamment l’intérêt à mettre en place une installation d’importation et une filière de distribution de GNL, en considérant à la fois les aspects économiques, techniques, environnementaux et réglementaires. Un appel d’offres vient d’être lancé à cet effet.
PERSPECTIVES MED
43
ECONOMIE BALANCE COMMERCIALE A.M.
DÉTENTE ÉNERGÉTIQUE
À
fin novembre 2015, le déficit commercial s’est atténué de 19,7% à 140 milliards de dirhams par rapport à la même période de 2014. Cette évolution s’explique par l’effet conjugué de la baisse de 6% des importations à 335,3 Mrds Dhs et de l’augmentation de 7,1% des exportations à 195,3 Mrds Dhs. Le taux de couverture s’est ainsi amélioré de 7,1 points de pourcentage à 58,2%. Le repli des importations résulte en grande partie de la baisse de 29% de la facture énergétique, en liaison avec les reculs de 58,7% des achats du pétrole brut et de 22,1% de ceux de gasoil et fuel et, dans une moindre mesure, de la diminution de 15,2% des importations des produits alimentaires, en particulier le blé. Dans le même sens, les acquisitions de biens de consommation ont légèrement diminué de 1% à 64 Mrds Dhs. En revanche, les importations de biens d’équipement ont augmenté de 8,3% à 78,9 Mrds Dhs, mais compte non tenu des acquisitions d’avions, la hausse aurait été de 4,9%. Pour sa part, la progression des exportations traduit la poursuite de la bonne performance à l’export des phosphates et dérivés, des secteurs de l’automobile et de l’agro-industrie. Les ventes de l’OCP ont progressé de 20,6% à 40,9 Mrds Dhs. De même, les expéditions du secteur automobile se sont améliorées de 18,5% à
LE POIDS DE LA DETTE SE CONFIRME... AVEC UNE COMPENSATION ALLÉGÉE
44
PERSPECTIVES MED
44,4 Mrds Dhs, en liaison principalement avec l’augmentation de 23,8% des exportations de la construction automobile. Parallèlement, les exportations du secteur agricole et agro-alimentaire se sont accrues de 12,3% tirées principalement par l’accroissement de 14,4% des ventes de l’industrie alimentaire. Pour les autres secteurs, les expéditions de l’aéronautique et de l’industrie pharmaceutique ont enregistré des hausses respectives de 5% et de 7,3%. Concernant les autres rubriques du compte courant, la baisse des recettes touristiques a poursuivi son atténuation entamée en juillet à 0,9%. Quant aux transferts des MRE, ils ont enregistré une augmentation de 3,6%, plus rapide que celle de 2,5% observée à la même période de 2014. Tenant compte de ces évolutions, le déficit du compte courant à fin 2015 devrait se situer à 2,2% du PIB. Pour ce qui est du compte financier, le flux net des IDE s’est établi à 27,7 Mrds Dhs, en hausse de 4,1% par rapport à fin novembre 2014, suite à la progression de 2,2 Mrds Dhs des entrées d’investissements, alors que les sorties de même nature ont crû de 1,1 Mrd Dhs. Dans ces conditions, l’encours des réserves internationales s’est accru de 23,9% en glissement annuel à fin novembre 2015, pour s’établir à 220,8 Mrds Dhs, soit l’équivalent de 6 mois et 26 jours d’importations de biens et services. Il devrait assurer la couverture de près de 7 mois d’importations de biens et services à fin 2015.
COMPENSATION
LA CURE SE POURSUIT PROFITANT DE LA DÉTENTE DES PRIX DES PRODUITS PÉTROLIERS ET AGRICOLES, LE MONTANT DES SUBVENTIONS RELATIVES AU GAZ BUTANE ET AU SUCRE ENREGISTRE À FIN NOVEMBRE UN ALLÉGEMENT DE 59% À 12,6 MRDS DHS (VS. 30,9 MRDS DHS À FIN NOVEMBRE 2014), INTÉGRANT DES CRÉANCES DUES AUX OPÉRATEURS DE 3,1 MRDS DHS, DONT 56,2% AU TITRE DU GAZ BUTANE. NOTONS QUE CE DERNIER MONTANT
GAZ BUTANE ET SUCRE PESENT DANS LE PANIER DE LA MÉNAGÈRE COMPREND LES CRÉANCES D’AOÛT, DE SEPTEMBRE ET D’OCTOBRE 2015 (OCTOBRE NON ÉCHU). A FIN OCTOBRE 2015 ET À PÉRIMÈTRE ÉGAL, LA CHARGE DE COMPENSATION RELATIVE AU GAZ BUTANE ET AU SUCRE DIMINUE DE 37,7% À 9,7 MRDS DHS COMPARATIVEMENT À LA MÊME PÉRIODE DE L’ANNÉE PASSÉE. PAR COMPOSANTE, LA CHARGE DE COMPENSATION LIÉE AU GAZ BUTANE SE REPLIE DE 46% À 6,5 MRDS DHS, PROFITANT DE LA BAISSE DE LA SUBVENTION UNITAIRE DE 47% AYANT LARGEMENT CONTREBALANCÉ LA HAUSSE DE 0,63% DE LA CONSOMMATION. LA CHARGE DE COMPENSATION DU SUCRE A ÉVOLUÉ PROPORTIONNELLEMENT À SA CONSOMMATION SUR LES NEUF PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE 2015, ACCUSANT AINSI UNE LÉGÈRE BAISSE DE 1% À 2,6 MRDS DHS.
Le cabinet britannique de conseil en gestion des risques pour les entreprises, Control Risks, vient de publier son rapport annuel des risques pour les entreprises. Le Royaume figure dans la liste des pays à «faible risque» pour les entreprises mondiales, au même rang que les Etats-Unis, le Canada ou encore la France. Selon le rapport, les entreprises du monde peuvent s’installer dans les pays se trouvant dans cette catégorie et y faire des affaires en toute sécurité. A titre de comparaison, en Afrique du Nord, le Maroc constitue une exception puisque l’Algérie et l’Egypte présentent un risque «élevé» alors que la Tunisie affiche un risque «moyen». Quant aux grands pays émergents, les risques vont d’assez élevés (Chine, Turquie et Brésil) à « élevés » (Afrique du Sud).
GESTION DES RISQUES LE MAROC CLEAN !
LÉGÈRE BAISSE DES PRIX À LA CONSOMMATION Selon la note du Haut-Commissariat au Plan -HCP-, l’indice des prix à la Consommation enregistre une baisse de 0,5% à fin novembre 2015. Cette évolution est due au recul de 1,3% de l’indice des produits alimentaires et la stagnation de celui des produits non alimentaires. La variation à la baisse de l’indice des produits alimentaires découle principalement de la diminution de 7,9% des prix des fruits, de 4,6% de ceux des poissons et fruits de mer, au moment où les prix des huiles et graisses ont enregistré une légère hausse de 0,4%. En glissement annuel, l’indice des prix à la consommation enregistre une hausse de 0,9% à fin novembre 2015 consécutive à la progression de l’indice des produits alimentaires de 2,1% et au repli de celui des produits non alimentaires de 0,2%. Les évolutions enregistrées pour les produits non alimentaires s’expliquent par une diminution de 4,5% pour le transport et une augmentation de 2,4% pour les restaurants et hôtels. Dans ces conditions, l’indicateur d’inflation sous-jacente affiche une variation mensuelle négative de -0,2% et une évolution de +1,2% sur une année glissante.
PERSPECTIVES MED
45
ECONOMIE CONJONCTURE A.M.
VARIABLES INDUSTRIES
L
es résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture de BANK AL MAGHRIB pour novembre indiquent globalement une stagnation de la production industrielle et du TUC et une hausse des ventes et des commandes par rapport au mois précédent. La stagnation de la production dans le secteur industriel recouvre des évolutions différenciées par branche d’activité. En effet, si la production aurait accusé une baisse dans les industries « agroalimentaires » et « chimiques et para-chimiques », elle aurait, en revanche, marqué une hausse dans les branches « textile et cuir », « électrique et électronique » et « mécanique et métallurgie ». Dans ces conditions, le Taux d’Utilisation des Capacités de production (TUC) serait resté quasiment au même niveau du mois d’octobre, soit 70%, traduisant sa stagnation dans l’ensemble des branches, à l’exception de l’« électrique et électronique » qui a affiché une légère hausse. Concernant les ventes globales, elles auraient marqué une progression dans l’ensemble des branches, à l’exception de
LA CONJONCTURE N’EST PAS FLORISSANTE POUR TOUS LES SECTEURS
46
PERSPECTIVES MED
l’« agroalimentaire » où elles se seraient inscrites en baisse. Les hausses des ventes observées globalement dans les branches restent valables dans toutes les sous-branches, à l’exception de l’« industrie textile » et le « travail des métaux » qui auraient accusé une diminution. Par destination, l’amélioration des ventes globales aurait concerné aussi bien les ventes locales que celles destinées à l’étranger. Au niveau de la demande, les industriels déclarent une augmentation des commandes reçues en novembre dans l’ensemble des branches. Concernant le carnet de commandes, il est resté à un niveau inférieur à la normale pour l’ensemble des branches industrielles. La sous-branche « industrie automobile » se démarque par un niveau de carnet de commandes supérieur à la normale. Pour les trois prochains mois, les entreprises s’attendent globalement à une amélioration de la production dans l’ensemble des branches, à l’exception des industries «mécaniques et métallurgiques» et « électriques et électroniques». Pour les ventes globales, la hausse serait au rendez-vous, à l’exception des industries de l’«électrique et électronique» qui anticipent une baisse.
TRAFIC AÉRIEN LE FRET CARTONNE
A fin novembre 2015, le volume du trafic aérien commercial enregistre une hausse de 1,79% à 16 277 168 passagers comparativement à la même période de l’exercice écoulé. Sur le seul mois de novembre, le trafic aérien commercial affiche une progression de 1,77% à 1 294 098 passagers, incluant une légère augmentation de 0,99% du trafic commercial international à 1 147 981 passagers et une amélioration de 8,28% du trafic domestique à 146 117 passagers. Par aéroport, celui de Casablanca (Mohamed V) accapare en novembre 2015 45,57% du trafic global à 589 708 passagers (+5,77%) tandis que celui de Marrakech en draine 23,85%, soit 308 600 passagers (-7,67%). Côté faisceau géographique, l’Europe arrive en première position avec une part de 70,55% du trafic commercial global, suivi du Maroc avec 11,29% et du reste de l’Afrique avec 6,9%. Pour leur part, les mouvements d’avions dans les aéroports nationaux ressortent en légère baisse de 0,43% à 12 105 déplacements, dont 49,41% affectés à l’aéroport Mohammed V, 19,63% à celui de Marrakech et 7,71% à celui d’Agadir. Enfin, le trafic fret aérien s’élève à 5 888,91 tonnes contre 4 477,56 en novembre 2014, soit une nette augmentation de 31,52%.
Profitant d’un retournement inattendu des tendances sur les prix des matières premières, en particulier ceux du pétrole, qui ont provoqué une baisse des dépenses en devises, les avoirs extérieurs du Royaume ont connu une nette amélioration. En effet, le stock de devises s’est élevé à 213,1 milliards de dirhams à fin septembre 2015 en progression de 20,8% par rapport à l’exercice précédent. Ainsi, le stock actuel permet de couvrir plus de six mois et demi d’importations des biens et services. Reflétant, dans une moindre mesure, une amélioration des balances des échanges avec l’extérieur, cette embellie est due, essentiellement, à des facteurs exogènes se résumant dans la baisse de la facture énergétique fortement réduite après la chute vertigineuse de la facture énergétique. Cette aubaine devrait, donc, constituer une occasion en or pour l’amélioration de l’offre exportable.
EMBÉLLIE TROMPEUSE DU STOCK DES DEVISES
LIBÉRALISATION DES PRIX DES HYDROCARBURES
RODAGE CONTINU
La libéralisation des prix des hydrocarbures, entrée en vigueur à partir du 1er décembre, laisse la place au libre jeu de l’offre et de la demande. Les prix à la pompe sont désormais fixés par les opérateurs qui sont « invités » à mettre sur le marché des produits pétroliers de qualité conformes aux standards et des quantités suffisantes pour couvrir les besoins. Les pouvoirs publics exigent des distributeurs d’assurer un approvisionnement continu du marché et de maintenir un niveau de stock minimum de sécurité pour éviter toute pénurie. D’importants investissements devront être effectués pour accroître la capacité de stockage des opérateurs et les distributeurs ont la possibilité de proposer à l’Etat des projets ad hoc dans le but d’obtenir son soutien. En parallèle, des améliorations devraient être apportées en terme de qualité des produits notamment via la généralisation du 10 ppm et la mise en œuvre de sanctions plus sévères à l’encontre des opérateurs défaillants (projet de loi complétant le dahir de 1976 sur les hydrocarbures) pouvant aller jusqu’au retrait définitif de l’agrément. Enfin et étant donné la maturité de l’industrie, les pouvoirs publics ne comptent pas instaurer une autorité de régulation propre au secteur. Toutefois, la commission interministérielle en charge du suivi des prix tiendrait, dans le cadre du processus de libéralisation, le rôle de gendarme. Enfin, les distributeurs devraient procéder à la révision de leurs contrats avec les gérants de stations-service et les grands comptes et auraient la possibilité, si besoin est, de fixer un prix maxima à ne pas dépasser dans les points de vente de leurs réseaux.
PERSPECTIVES MED
47
ECONOMIE POLITIQUE MONÉTAIRE A.M.
TAUX MAINTENU !
B
ank Al Maghrib maintient le taux directeur à 2,5%. C’est la décision prise par son Conseil qui a tenu sa réunion mardi 22 décembre. Le Conseil de Bank Al Maghrib a pris en compte la prévision d’inflation en ligne avec l’objectif de stabilité des prix et des incertitudes qui entourent les perspectives économiques à l’échelle nationale et internationale. La banque centrale estime que la croissance nationale devrait s’établir à 4,5% en 2015, portée principalement par une production céréalière record d’où l’orientation positive des activités agricoles avec une amélioration de 14,6%, au moment où le PIB non agricole devrait limiter sa hausse à 3,3%. Au volet paiements et, sur la base d’un prix moyen du baril à USD 52,5 en 2015 et des recettes en dons provenant des pays du CCG de 4 Mrds Dhs, le déficit du compte courant devrait ressortir à 2,2% à fin 2015. Dans ces conditions, les réserves de change devraient maintenir leur progression pour assurer la couverture de près de 7 mois d’importations à fin décembre 2015. Sur le plan budgétaire, le déficit hors privatisation a observé une baisse de 12,4 Mrds Dhs selon les dernières statistiques de 2015. Ainsi, le déficit budgétaire ressortirait en ligne avec l’objectif de 4,3% du PIB en cette
BAM CHERCHE À GARANTIR LA STABILITÉ MONÉTAIRE.
48
PERSPECTIVES MED
fin d’année et devrait, selon le projet de la loi de finances, baisser davantage pour se situer à 3,5% du PIB à fin 2016. Par ailleurs, la croissance du crédit bancaire a ralenti de 1,8% en moyenne au 3ème trimestre à 0,7% en octobre 2015. Tenant compte de ces évolutions et de la prévision de la croissance non agricole, la progression du crédit bancaire a été revue à la baisse à 0,5% à fin 2015, mais devrait s’améliorer à 3% en 2016, selon Bank al Maghrib. Quant à 2016, BAM revoit la croissance à la baisse. Celle-ci devrait se situer à 2,1% avec une décélération de sa composante non agricole à 2,7% et une contraction de la valeur ajoutée agricole de 4,3%. Cette évolution serait attribuée au redressement toujours lent de l’activité chez les pays partenaires, combiné à la dissipation des effets positifs de la campagne agricole exceptionnelle de 2014-2015, avec en prévision une production céréalière qui pourrait être moyenne de la campagne agricole 20152016. Néanmoins, la baisse prolongée des cours des matières premières et la bonne performance de certains secteurs à vocation exportatrice pourraient tempérer les incertitudes qui entourent la croissance des activités non agricoles. De son côté, le déficit du compte courant devrait s’établir autour de 1% en 2016. Une situation due au prix moyen du pétrole à 51,4 $ en 2016. Elle profite, également, des entrées en dons du CCG de 13 Mrds Dhs prévus en 2016.
DOSSIER DU MOIS
RÉFORME DES RETRAITES
APPROCHE BIAISÉE LA CMR BRÛLE. UNE LAPALISSADE SI ON CONSIDÈRE QUE LE FEU N’EST PAS D’AUJOURD’HUI ET QUE LES COMPTES NE SONT PAS BONS. POUR ÉVITER LA FAILLITE D’UN SYSTÈME, MARQUÉ D’UNE CERTAINE OPACITÉ, COMME LE CONFIRME LA GUERRE DES CHIFFRES, A. BENKIRANE EST DÉCIDÉ À TAPER DANS LA FOURMILIÈRE. POUR EMPÊCHER L’EFFONDREMENT D’UN RÉGIME QUI VACILLERA TOUJOURS À MESURE QUE LE GISEMENT DES COTISANTS S’AMENUISE. LA CMR EST VICTIME DU « DÉGRAISSAGE DU MAMMOUTH », ALORS QUE LE TAUX D’ENCADREMENT DANS L’ADMINISTRATION PUBLIQUE RESTE FAIBLE. DÈS LORS, N’EST-IL PAS OPPORTUN D’ABANDONNER LA LOGIQUE ARITHMÉTIQUE POUR ADOPTER UN AUTRE LOGICIEL AVEC, EN SON CŒUR, UN SEUL MOTEUR QUI VAILLE : L’EMPLOI ? STRATÉGIQUE AFFAIRE… PAR MOHAMMED TALEB PERSPECTIVES MED
49
DOSSIER DU MOIS
CE QUE CHACHE LA RÉFORME DE LA RETRAITE Alors que la Caisse marocaine des retraites passe par une période creuse (son Conseil d’Administration est gelé depuis fin 2014), le Chef du gouvernement vient d’ôter le voile sur la « réforme de la retraite » devant les Conseillers. Une réformette paramétrique qui cache un vide institutionnel et manifestement un retour, 16 ans en arrière.
L
e Maroc a été l’un des premiers pays a adopter, au niveau de la CMR, « la gouvernance représentative » ou le tripartisme selon les normes de l’Organisation internationale du travail (OIT). Ce concept a fait du Royaume un des rares pays du sud à concrétiser la résolution de l’OIT selon laquelle les organes de gouvernance doivent représenter l’ensemble des parties prenantes. Il a ainsi, marqué son chemin sur la voie de la modernisation de son modèle social, fruit d’un travail de longue haleine associant syndicats, gouvernements -en particulier celui de l’alternancefonctionnaires et associations des retraités . De cette dynamique là, l’actuel Exécutif n’entend pas parler. Aux oubliettes, donc ! « Durant ses 86 ans de vie, la gouvernance au sein de la CMR a connu trois phases marquantes : la période du protectorat qui s’étale depuis sa création en 1930 jusqu’à 1956, puis une période tout à fait obscure entre 1958 et 2000 lorsque ses instances de gouvernance étaient gelées et un retour à la normale depuis 2000 avec la tenue de son premier Conseil d’Administration (CA) présidé par le Premier ministre Abderrahmane El Youssoufi. Depuis cette date (25 janvier 2000), la Caisse a fait un effort inédit de normalisation et de modernisation. Avant la tenue de son deuxième CA présidé par le ministre de l’Economie et des finances Fathallah Oualaalou, le 29 avril 2000, et dont les travaux se sont achevés, entre autres, par la création d’un Comité Permanent de suivi issu dudit Conseil ( CPICA), le concept de gouvernance était méconnu ». La création de ce Comité, qui reflète une composition réduite du CA et siège dans l’intervalle des sessions de ce dernier tend, essentiellement, à éviter que la CMR revive l’expérience amère de l’époque précitée de 1958-2000. Il s’est vu assigner des attributions pratiques et stratégiques dont notamment la préparation, en bonne et due forme, des sessions du CA et le suivi de l’exécution de ses décisions. Conscient de l’impact négatif de la problématique de l’équilibre financier des régimes de retraite à moyen et à long termes, ce Comité a incité le CA à adopter, lors de sa troisième session tenue en janvier 2001, une résolution invitant solennellement les
50
PERSPECTIVES MED
pouvoirs publics à organiser un colloque national sur la réforme des régimes de retraite. La mise en œuvre de cette résolution à été effective par l’organisation dudit colloque en décembre 2003. Il s’ensuit la création en janvier 2004 d’une commission nationale présidée par le Premier Ministre ainsi qu’une commission technique chargée de la réforme. Tout allait pour le mieux jusqu’en 2009 ! Depuis, la Caisse a connu un succédané de changements inédits à cause des tergiversations de l’autorité de tutelle qui n’a pas estimé opportun d’encourager la dynamique enclenchée par le passé.
IDEES REÇUES ET CONTREVERITES
Cela aurait pu être amusant si ce n’était pas aussi grave. Après 4 ans au pouvoir, sans se soucier de la réalité du régime des pensions civiles « seule cible » de sa réformette, le gouvernement Benkirane se plie aux exigences des instances internationales et fonce tête baissée vers une réforme téléguidée. « Le passage au forceps de la réforme paramétrique, qui pourtant ne se veut ni décisive ni définitive par ce gouvernement sourd au refus des syndicats et des représentants des adhérents, cache derrière lui un déficit de gouvernance énorme », prévient Mohammed Bouzakiri, représentant des affiliés des administrations publiques au sein du Conseil d’administration de la CMR. « Une catastrophe de gouvernance aux répercussions calamiteuses », craint-il. L’autre représentant des affiliés du régime des pensions civiles (RPC), Hassan El Mardi considère que « le discours de Benkirane lors de son passage devant les Conseillers n’a rien apporté de nouveau ». « Il faut d’abord s’entendre sur la situation réelle des régimes de retraite, autrement dit sur le diagnostic ». Aux yeux du secrétaire général du syndicat populaire des salariés (SPS) « on devait se poser avant tout la question nodale : y a-t-il vraiment déficit ? ». Pour le syndicaliste, « tout ce qui a été dit relève des idées reçues qui se basent sur des données incohérentes et bien loin de représenter la situation financière réelle de la CMR». Au chapitre des idées reçues déplorées
par les représentants des affiliés, qui sont, selon eux, autant d’erreurs que de faux fuyants, la liste est longue. «A. Benkirane évoque la raison de la pérennité pour nous convaincre ! Le respect de cette condition est au cœur du pacte intergénérationnel, sur lequel repose le principe de solidarité et
de répartition, alors pourquoi cet alarmisme soudain ? ». Mohammed Haitoum, un autre syndicaliste membre du comité technique de réforme, confie que « le traitement de la petite réforme paramétrique en pipe n’apporte rien en soit ». Selon cet UMTéiste, « nous devons accéder à l’ère de
INTERVENTION DE LA BANQUE MONDIALE, AUDIT ET «DÉMAQUILLAGE» Le Conseil d’administration avait décidé en 2003 de constituer une commission selon une approche participative (adhérents et syndicats, tous les concernés, toutes les parties prenantes devraient y être représentés) pour calculer les arriérés que l’Etat devait débourser en faveur de la CMR. Cependant, les pouvoirs publics avaient procédé autrement. Une commission technique, dont la composition se limita aux seuls représentants du ministère des Finances (Directions du Budget, du Trésor et des Assurances, TGR) et de la CMR, a dû travailler pendant deux ans (jusqu’ en 2005) pour essayer de chiffrer les arriérés de l’Etat. Durant la même année 2005, il y a eu l’opération du départ volontaire qui avait pour objectif de réduire le train de vie de l’Etat, en particulier la masse salariale, et par conséquent les dépenses de fonctionnement. « Sans l’implication du CA, la CMR aurait pu subir l’impact financier du départ volontaire », raconte un membre du CPICA. «Le CA avait fait pression pour obtenir 7,2 MMDH de la part de l’Etat. Cette somme a été versée sur 4 avances. Sans l’intervention du ministre de l’Economie et des finances, on aurait pu assister à des magouilles. Sous pression, on a fini par calculer également les revenus potentiels de placements », soutient-il. La décision du départ volontaire a été prise par le ministre de la Fonction publique de l’époque Mohammed Boussaid. Et c’est l’actuel ministre de l’Economie et des finances et artisan de ladite opération qui pilote, comme par hasard, l’actuelle réforme. Il faut souligner que le chiffre précité n’a pas été accepté par l’Etat et qu’il a fait l’objet d’un audit de la Banque Mondiale qui l’avait validé. L’opération qui avait concerné près de 30.000 fonctionnaires avait pour but de réduire la masse salariale qui n’avait pas baissé pour autant. Pis, durant toute la période 2001-2009, l’encours de la dette du Trésor a suivi un trend baissier sauf en 2005 (baisse de 18,1 points de PIB ; le taux d’endettement était passé de 64,2% de PIB à 46,1 en 2009). Pourquoi l’exception de 2005 ? Durant cette année, la hausse de la dette s’explique par la hausse de l’encours de la dette intérieure (46,8% du PIB) suite à la conversion des arriérés constitués à l’égard de la CMR, au titre de la part patronale pour un montant de 11 MMDH en bons de trésor et à l’opération du départ volontaire à la retraite qui a coûté une enveloppe de 11 MMDH.
PERSPECTIVES MED
51
DOSSIER DU MOIS la réforme globale parce cette réformette est loin de résoudre le problème ».
L’ETAT, JUGE ET PARTIE
« L’excédent existe depuis les années 80, c’est Benkirane qui a rappelé, dernièrement, que le rapport actif/retraité était de 12 contre 1 en disant que ce rapport est de 2 à 3 contre 1 seul aujourd’hui. Cependant, personne ne se demande ou sont passés les excédents. Un membre de la Commission nationale s’interroge sur cet « oubli». Pas mieux qu’un contre-exemple pour contredire les premières impressions. Une source bien informée s’interroge : « si on a pu constituer une réserve de plus de 85 milliards de dirhams (Mrds Dhs) à partir de 2000 (chiffre officiel fortement contesté par Hassan El Mardi qui avance 90 Mrds Dhs et Bouzakiri qui parle, lui, de 120 Mrds Dhs), alors qu’elle aurait été la réserve constituée entre 1958 et 1990 date choisie par le gouvernement pour commencer à comptabiliser ses arriérés ? ». Dans ce sillage, faut-il le rappeler, la mise en œuvre, par le gouvernement Abdellatif Filali de la réorganisation de la CMR en vertu de la loi 43-95 de (1996) prévoyait une période transitoire de 3 ans permettant un retour progressif à la normale après de 40 ans de gel des organes institutionnels de gestion de la CMR. Durant toute cette période 19581996, la Caisse était un simple service, promue en division relevant du ministère des Finances et plus précisément de la Trésorerie générale du Royaume (TGR). La même source rappelle que l’Etat, qui est en même temps l’autorité de tutelle et le patron et demeure dans l’obligation d’honorer sa part « patronale », a fait, en 2005, une conversion en bons de trésor de ses arriérés constitués à l’égard de la CMR au titre de la part patronale estimés à 11 Mrds Dhs (voir encadré). Du même avis, M. Haitoum déplore que « ces arriérés n’aient pas été revalorisés ». Outre cet ancien de la commission nationale de réforme constituée en 2004, H. El Mardi va plus loin en affirmant que « le rendement potentiel des arriérés que la Caisse n’a pas pu placer est estimé à plus de 20 Mrds Dhs ». Les opposants à la réforme telle que présentée par le Chef du gouvernement sont, dans leur ensemble, d’accord sur le fait que la commission chargée d’évaluer ces arriérés ne respectait
52
PERSPECTIVES MED
pas les règles de bonne gouvernance. A titre anecdotique, cette commission avait à choisir entre trois chiffres et a fini par opter pour le plus bas. Et d’aller plus loin en assurant que le gouvernement n’a pas cessé de combler le déficit du régime des pensions militaires (RPM) par le surplus du régime des pensions civiles (RPC) qui est le seul concerné par la réforme gouvernementale. C’est d’ailleurs, ajoutent-ils, l’une des raisons essentielles de la situation actuelle du RPC. « Quoi qu’on en dise, on ne saurait dissimuler la responsabilité morale de l’Etat. La composition de cette commission n’a pas reflété les principes de bonne gouvernance pour ne pas dire pire. L’Etat ne devrait pas être arbitre et partie dans cette affaire », résume une source proche du dossier.
2009, LE TOURNANT
Dans le long processus normatif visant l’instauration des règles de gouvernance représentative enclenché en 2000, la Caisse a connu deux périodes distinctes. Durant la période 2000-2010, tous les budgets étaient assujettis à une discussion rationnelle avant délibération par le Conseil d’administration (CA) qui est, de par la loi (article 6 de la loi 43-95 de 1996 portant réorganisation de la CMR), investi de tous les pouvoirs et attributions nécessaires à l’administration de la Caisse marocaine des retraites. Le CA avait décidé, conformément au dernier alinéa de l’article 6, « la création d’abord en 2009 d’un comité d’allocation des actifs et puis d’un comité d’audit en 2010 ». Il a délégué à ces deux comités certains de ses pouvoirs de veille sur les placements et le contrôle et audit des comptes. Toutefois, les décisions et propositions de ces deux comités doivent être entérinées par le CA. En 2009, il y a eu départ à la retraite de l’ancien DG Mohamed Bendriss Benahmed. Alors que l’on s’attendait à la nomination du secrétaire général, Ahmed Bensaid, il y a eu nomination de l’actuel DG Mohammed Alaoui Abdellaoui, qui venait de la CDG ! Depuis cette date, contrairement à ce que stipule l’article 7 de la loi 43-95, le DG outrepasse « tous les pouvoirs et attributions nécessaires à la gestion de la Caisse qui lui sont, selon le même article, délégués par le conseil d’administration». Normalement, la loi précitée
encadre l’action du DG : « Il exécute les décisions du conseil d’administration et, le cas échéant, celles du comité visé au dernier alinéa de l’article 6 », explique un avisé. Dans ce cadre, les représentants des affiliés, également membres dudit conseil, s’indignent : «Nous assistons aujourd’hui à un accaparement des pouvoirs par un DG qui gère plus de 95% des comptes de la caisse et ce en l’absence de tout contrôle sérieux. Il est le seul à décider en ce qui concerne le portefeuille (plus de 85 milliards de dirhams). Les budgets de gestion et d’équipement sont les seuls assujettis au contrôle à priori du contrôleur de l’Etat et à posteriori des inspecteurs de la Cour des comptes », assurent-ils. « Comment se fait-il que le DG de la CMR qui, aux termes de la loi, censé assister (en compagnie du contrôleur d’état) aux réunions du conseil d’administration, avec voix consultative » (article 3 du décret d’application de la loi 43-95 précitée), décide de tout, et tout seul, en l’absence du CA qui n’a tenu aucune réunion en 2015, ni celle du 31 mai ni celle du 30 novembre?». De quoi révolter Mohammed Bouzakiri. De son côté, Hassan El Mardi regrette avec amertume le fait que «pour la première fois depuis sa réorganisation, la CMR va fonctionner en 2016 avec un budget qui n’a pas été validé par son CA. Ce qui demeure en parfaite contradiction avec le texte de loi régissant cette institution et en particulier son article 6. « Est-ce que l’Etat est incapable de décréter l’allongement des prérogatives de l’actuel CA ? Cela s’explique par une seule chose : il y a anguille sous roche. « Pour certaines parties, cette paralysie du conseil faciliterait la passation de certaines choses », conclut un observateur de la réforme. Faut-il s’alarmer de ce coup mortel porté à la bonne gouvernance ?
«L’ETAT NE DEVRAIT PAS ÊTRE ARBITRE ET PARTIE DANS CETTE AFFAIRE »
POINT DE VUE Par : Mustapha Chanaoui, SG de la CDT-Santé et membre de la commission nationale pour la réforme des retraites et du CESE
LES ABERRATIONS DE BENKIRANE A entendre le Chef du gouvernement défendre sa réforme de retraite dans l’hémicycle on croirait que la situation du régime des pensions civiles (RPC) de la Caisse marocaine des retraite (CMR) est on ne peut plus alarmante. Présentée par Benkirane telle que la seule échappatoire possible pour sauver le RPC, cette réforme s’est fondée sur des notions ambiguës et des postulats complètement erronés. Explications.
L
e Chef du gouvernement veut à tout prix appliquer les directives et les instructions des institutions financières internationales (FMI et BM), qu’il n’a cessé de critiquer dans l’opposition, à savoir, faire payer aux fonctionnaires, entièrementn la facture de ce qu’il appelle la « réforme » du système de retraite. Une réforme qu’on peut résumer dans la maudite trinité « travailler plus, cotiser plus et percevoir moins ». Cela veut dire, que nous, fonctionnaires, travaillerons plus du fait du relèvement de l’âge de départ à la retraite à 65 ans ou 63 ans, contribuerons plus vu qu’on devrait désormais cotiser 14% du salaire brut au lieu de 10% pour percevoir, in fine, une pension de retraite inférieure. Car le mode de calcul de la pension change avec la réduction
des droits à travers la baisse du taux d’annuité de 2,5% à 2% et le changement du salaire de référence du calcul de la pension par la prise en compte de la moyenne des salaires des huit dernières années au lieu du dernier salaire en vigueur actuellement. Sombres perspectives que nous rejetons entièrement au sein de la CDT. Le Chef du gouvernement a fondé sa décision sur deux notions qu’il a utilisées à mauvais escient et de façon erronée : la première est ce qu’on appelle « la dette implicite » du régime des pensions civiles, la seconde étant le «déficit technique du régime », c’est-à-dire que les recettes qui n’arrivent plus à couvrir les dépenses, soit les pensions, ce qui pousse à puiser dans les réserves du régime.
LA GRANDE TROMPERIE Nous avons mis l’accent sur l’argument du Chef du gouvernement en lui précisant, à plusieurs reprises, qu’il avait tort et qu’il s’est basé sur des concepts peu signifiants pour le cas du RPC. Que signifie le concept ou la notion de dette implicite ? Cela suppose, d’une manière simplifiée, que si on est dans le cas du système fermé –ce qui n’est pas le cas du RPC parce que l’administration publique continue de recruter-, que nous devons faire le cumul des engagements du système, c’est à dire les droits acquis des personnes déjà en retraite et plus précisément les pensions à verser aux retraités (et aux veuves ou enfants en cas de réversion),
TRAVAILLER PLUS, COTISER PLUS, GAGNER MOINS!
PERSPECTIVES MED
53
DOSSIER DU MOIS
“DETTE IMPLICITE” LA GRANDE SUPERCHERIE
54
PERSPECTIVES MED
les droits acquis des cotisants actifs actuels sur la base de leurs cotisations passées , et parfois on y ajoute les droits futurs des cotisants actuels c’est-à-dire les cotisations qu’ils continueront à verser jusqu’à la fin de leur vie active. Dans notre cas, la dette implicite s’élèverait à 700 milliards de dirhams. En revanche, les fonds de réserve du système sont estimés à plus de 81 milliards de dirhams à fin septembre 2014. Se basant sur cela, les responsables prétendent que cette réserve ne peut financer qu’une petite partie de cette dette implicite, etc. Comme s’il fallait que le système dispose de provisions (épargnes) équivalentes ou proches de la valeur de la dette, ce qui est faux. Ce que les responsables du gouvernement omettent de dire, est que nous sommes dans un système géré par répartition (système solidaire), ce qui signifie que les revenus des contributions des adhérents actifs financent les pensions des retraités et le reste est placé dans les réserves. D’autant plus que ce régime se base sur des prestations définies qui ne nécessitent pas forcément un équilibre entre le niveau des cotisations effectuées au cours de la période d’engagement ou de cotisation et la valeur globale des pensions distribuées. Ce mode de prestations définies est préconisé par l’Organisation internationale du travail qui défend les droits des travailleurs. Les responsables avancent que les régimes doivent disposer impérativement d’une réserve équivalente à la dette implicite, c’est une grande tromperie. Autant dire que le concept de «dette implicite» n’a finalement pas de sens, c’est une sorte de signal d’alarme pour annoncer aux décideurs qu’ils ont cumulé beaucoup de droits acquis et qu’il faut qu’ils fassent des ajustements, mais il est utilisé de manière orientée suivant des scénarii alarmistes invoquant un supposé effondrement des régimes de retraite. Les visées de telles hypothèses sont claires : le gouvernement Benkirane veut faire supporter des mesures paramétriques lourdes, dangereuses et douloureuses aux adhérents des régimes. Nous ne cessons depuis des années de rappeler qu’aucun régime de retraite n’a fermé dans le monde sous prétexte de «dette implicite». Seule la «dette explicite» doit être solvable et remboursée aux créanciers dans les délais. La référence à la «dette implicite» peut-être une manière
pour surveiller les équilibres des régimes.
BENKIRANE, ULTRA LIBÉRAL Ce concept de dette implicite est très défendu par les ultras libéraux qui préconisent qu’il faut effacer et absorber cette dette implicite ou la faire diminuer de façon très importante. Et ce, bien sûr, aux dépens des contribuables, que ce soit pour les régimes des retraites ou pour la dette implicite publique en général. Cela revient à dire qu’il faut renoncer à la protection sociale et aux services publics, donc un désengagement presque total de l’Etat. Vu que Benkirane défend cette thèse, on a l’impression qu’il est devenu un ultra libéral sans le savoir. Il n’a pas cessé de s’interroger «d’où va-t-on ramener les 700 milliards ? C’est le PIB du Maroc. Est-ce que vous voulez ruiner l’économie nationale ? ». Tout en affirmant que la Caisse va s’effondrer etc… Tout cela est complètement faux. Pire, le Chef du gouvernement affirme fermement, sur la base de fausses informations, que nous allons commencer à puiser dans les fonds de réserves qui sont de 85 milliards (selon la direction et 120 milliards selon les représentants des adhérents au Conseil d’administration), ce qui conduira, selon lui, à son épuisement. Pour ce qui est du deuxième argument avancé par A. Benkirane à savoir le déficit technique, il y a lieu d’expliquer que le déficit technique correspond à la situation où les contributions (recettes) ne permettent pas de couvrir les pensions distribuées (dépenses). Les différentes expériences de par le monde confirment que ce déficit peut être comblé de plusieurs façons. Sauf chez nous où les responsables affirment que ça passera par le recours aux réserves. Lors d’une réunion de la Commission nationale (2 décembre 2014) présidée par le Chef du gouvernement, j’ai montré à ce dernier, documents officiels à l’appui, que les rendements du portefeuille (bénéfices des placements) qui s’élevait, rien que durant les neuf premiers mois, à 4 Mrds de Dhs pourraient couvrir les déficits techniques de 2014 (0,7 Milliards de Dhs selon le CA) et de 2015 estimé à 2,8 milliards. La réponse du Benkirane était confuse et très intrusive : « Si ce que vous dites est vrai ça sera autre chose ! » Avant de rectifier le tir pour dire qu’on ne peut pas laisser ce dossier pour le prochain gouvernement. Cette fuite en avant est une reconnaissance implicite de la validité de nos arguments.
RETRAITE DES PARLEMENTAIRES Par : M.T
L’AFFAIRE SE “POPULISE” Au Parlement, agora où l’on débat des préoccupations des citoyens, personne n’a osé avant la bourde de la ministre déléguée chargée de l’Eau, Charafat Afilal, devenue désormais «la ministre à deux francs», évoquer la question de la «très chère retraite» des parlementaires et des ministres. Le tollé provoqué sur les réseaux sociaux a vite été récupéré par les partis pour anticiper leurs campagnes.
L
a polémique nourrie par les retraites des parlementaires et des ministres ne semble pas être prête à se calmer. En témoignent les deux pétitions pour l’annulation de ces indemnités qui ont atteint des records de signatures. En effet, la pétition initiée sur la plus grande plateforme de pétitions en ligne Avaaz a eu l’appui de plus de 22600 signataires, sans parler de la requête publiée par la chroniqueuse, Salama Ennaji, sur « ipetitions.com » qui a recueilli un record de plus de 54.000 signatures en moins de 15 jours. Ces pétitions qui reflètent l’indignation de plus en plus généralisée des Marocains contre ce qu’ils considèrent comme «rente» en faveur des députés siégeant dans l’hémicycle et les commis de l’Etat n’a pas laissé indifférents les partis politiques. A commencer par le leader de la coalition gouvernementale en passant par les partis de l’opposition et les partis de l’extrême gauche, tous les protagonistes cherchent à instrumentaliser le débat en leur faveur. C’était le tonitruant député du PJD, Abdelaziz Aftati qui a ouvert le bal appelant à stopper « cette injustice ». Depuis, un large mouvement de dénonciation s’est emparé des politiques ! Néanmoins, aucune voix, ou presque si l’on excepte le leader de la Mouvance populaire, formation de la majorité, ne s’est élevée pour défendre la retraite des parlementaires ou des ministres. Peut-être de peur d’avoir le même sort que la tristement célèbre ministre déléguée ou peut-être aussi parce que la question de l’intégrité des gestionnaires de la chose publique ne semble pas trop
occuper les consciences ici-bas.
POPULISME GÉNÉRALISÉ La montée au créneau du député PJDiste, qui considère la retraite des parlementaires comme un «vice» et celle des ministres comme «la mère de toutes les rentes», n’a pas laissé de choix aux autres politiciens que d’exprimer leur indignation. Ne pas dénoncer signifie l’opposition à une revendication populaire. Chose qu’aucun des partis ne peut oser à l’approche des législatives. En effet, après A. Aftati c’était autour du ministre de l’Enseignement supérieur, Lahcen Daoudi, de considérer que «ces retraites font partie de l’ère de la rente» et qu’il n’a pas de problèmes avec leur annulation. Toujours du côté des PJDistes, le Conseiller Abdelali Hamieddine a appelé à une révision de la loi 92-24 relative aux pensions des députés de la Chambre des représentants ainsi que la loi 99-53 qui concerne ceux de la Chambre des conseillers. Pour celui-ci, il est temps de mettre fin à ces pratiques incompatibles avec le principe de la justice car, selon lui, le pays a besoin d’une «moralisation capable de rétablir la confiance du citoyen en les institutions et aussi de réconcilier les Marocains avec la politique». Du côté de l’opposition, l’annonce du groupe PAM de son intention de proposer un projet de loi visant une remise en question de fond en comble de l’actuel système n’a pas laissé les autres indifférents. C’est le cas, en l’occurrence de l’UC, l’Istiqlal et aussi l’USFP. Le premier secrétaire, Driss Lachgar, a indiqué «qu’il faut immuniser l’argent public contre toutes aberrations surtout de la part des parlementaires et des ministres
LORSQUE LES RÉSEAUX SOCIAUX DÉNONCENT LA RENTE
PERSPECTIVES MED
55
DOSSIER DU MOIS qui doivent donner l’exemple». Tout comme le PAMiste Aziz Benazouz, Lachgar précise en ce qui concerne leurs cotisations que «personne ne peut remettre en cause le droit des parlementaires à récupérer cet argent, mais à hauteur des prélèvements». Le plus jeune député du Parlement (élu à 21 ans), Yassine Radi, qui a été sujet à fortes critiques sur les réseaux sociaux, a déclaré sa volonté de renoncer à son droit à la retraite. Notons que la photo du fils du conseiller UC Idriss Radi et neveu du doyen des parlementaires l’USFPiste Abdelouahed Radi, n’a pas cessé de défiler sur les réseaux sociaux. Pour sa part, le porte-parole de l’Istiqlal, Adil Benhamza, considère que cette polémique «a remis en cause la crédibilité du travail des institutions, des parlementaires et des ministres». «Notre position au sein du PI se résume en l’inacceptation du fait que l’Etat supporte, via l’argent public, les déficits du système de retraite des parlementaires et aussi la retraite des ministres», dit-il en assurant que «l’Etat doit lever la main en ce qui concerne ces retraites». Devant l’animateur Mohammed Tijini et sur la même émission qui a déclenché la polémique (Daif Aloula), Benhamza a raconté que «son père qui faisait partie des Forces auxiliaires touchait une retraite de 700 Dhs» et qu’après son décès sa mère «touchait en tant que veuve du pensionné 400 Dhs» estimant que «cette situation ne doit pas perdurer» et que son parti va « réserver un traitement juridique à cette question». A scruter les prises de position des différents hommes politiques sur ce sujet, on remarque qu’ils ont tous, dans le but de se dédouaner, affirmé qu’ils ont travaillé depuis des années sur ce dossier ! Alors pourquoi ont-ils attendu le déclenchement de cette polémique ?
LE REVERS DE LA MÉDAILLE A travers cette indignation de plus en plus généralisée du droit des parlementaires à une retraite, nos politiques favorisent sans en avoir l’intention l’antiparlementarisme. En effet, sur l’ensemble des dénonciateurs de cette «injustice», on n’a pas entendu un seul se soucier de la situation financière des députés et son impact sur leur intégrité. Aucun de ces défenseurs de l’argent public n’a estimé nécessaire qu’il faut préserver, quoique relativement, les députés de la corruption et garantir leur dignité après mandat.
56
PERSPECTIVES MED
Personne d’entre eux n’a posé la question sur la démocratisation du recrutement des députés ou de l’accès des citoyens à la gestion de la chose publique parce qu’être parlementaire n’est, finalement, pas un métier mais une fonction à durée déterminée. Les longues carrières de quelques dinosaures de la scène parlementaire ne doivent pas occulter que la mandature de la majorité d’entre eux n’excède pas une législature. La plupart d’entre eux servent la communauté -ou dans certains cas se servent eux mêmesdurant un mandat de l’ordre de 5 ans. Il en résulte que chaque député exerce avant son mandat et même en parallèle ou après une activité professionnelle. Ce qui suppose que nous sommes devant 3 cas de figures : un fonctionnaire qui a déjà une retraite, un salarié qui a aussi la même chose ou quelqu’un qui exerce une activité libérale et qui peut souscrire à une retraite privée (par capitalisation). Et donc, il n’est pas question de parler d’une volonté de pénalisation de nos politiques ! Cependant, certains diront que l’exer-
cice de leur mandat crée une rupture dans la vie professionnelle des parlementaires et des ministres. Certains vont même jusqu’à dire que les conditions de son exercice ainsi que les « clichés » de la société rendent difficile la réinsertion des parlementaires exceptés les fonctionnaires. Ce qui revient à dire qu’il n’est pas question de mettre tous les parlementaires dans le même panier. Néanmoins, et c’est là où le bat blesse, le régime des pensions des parlementaires, constamment déficitaire, est toujours supporté par le budget général de l’Etat. Il est certes, du droit de monsieur tout le monde de débattre du montant de ces pensions et de le contester. Mais il ne faut pas que ça soit d’une manière tronquée, il faut revoir la rémunération des parlementaires et de tous les commis d’Etat. La logique voudrait que plus de solidarité entre les Marocains soit manifeste via une réforme globale des régimes de retraite qui ne couvrent actuellement que 30% des actifs marocains.
LE CONTRIBUABLE À LA RESCOUSSE DE LA CNRA
Au Maroc, la retraite des parlementaires est gérée par la « Caisse nationale de retraites et d’assurances (CNRA), un établissement public doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière qui fonctionne sous la garantie de l’Etat (la Caisse de dépôt et de gestion CDG). Selon des informations fournies par la CNRA au quotidien « Akhbar Al Yaoum », rien qu’en 2014, les pensions de retraite versées ont atteint en ce qui concerne la Chambre des représentants 56.87 MDhs. Dès lors, on peut s’interroger : comment un régime par répartition peut-il se permettre de verser des retraites supérieures au revenu global perçu par les actifs ? C’est très simple. Pour 38.58 MDH de cotisations, les contributions et subventions versées par le budget général ont atteint plus de 18,29 MDhs : près de la moitié des cotisations ! Pour ce qui est de la Chambre des conseillers, la situation n’est pas meilleure. Durant la même année, la Haute chambre a versé 14,35 MDhs à la CNRA tandis que cette dernière a distribué au profit de 186 conseillers 16,91 MDhs, le déficit étant de 2,6 MDhs. Soulignons que les cotisations ne sont pas régulières sans parler des engagements de retraites futures sur les droits déjà acquis pour plus de 730 (Représentants sans compter des Conseillers) qui représentent des milliards et ne sont même pas évalués jusqu’à présent. Autrement dit, les Marocains auront à supporter, pour des années encore leurs élus…
GESTION DU PORTEFEUILLE DE LA CMR
LA MAMELLE DU TRÉSOR Par M.T.
Au moment où le gouvernement va chercher la solution à la question de l’équilibre financier du régime des pensions civiles dans la poche des adhérents, plusieurs analyses avancent une autre piste de réforme. Celle de la fructification du portefeuille du régime. Si l’encours du fonds de réserve a connu une augmentation annuelle de 30% depuis 1996, il y a lieu de s’interroger pourquoi cette évolution devrait freiner aujourd’hui ?
À
force de dramatiser la situation du régime des pensions civiles (RPC) de la CMR, on perd des yeux que le RPC est doté d’un fonds de réserve, dont la profondeur fait de la Caisse un « Market Maker » sur le marché financier marocain. En effet, depuis 1996, année de sa réorganisation en établissement public doté de la personnalité morale et de l’autonomie financière, la CMR est devenue un acteur clé du paysage institutionnel de la gestion d’actifs. Et jusqu’à 2014, le portefeuille du RPC est passé de 2 milliards de dirhams (Mrds Dhs) à 85 Mrds Dhs, selon les chiffres officiels, voire beaucoup plus selon les représentants des adhérents qui l’estiment à plus de 120 Mrds Dhs.
COMMENT FRUCTIFIER LES FONDS DISPONIBLES AUTREMENT ?
Loin de cette cacophonie des chiffres, la CMR détient, officiellement, à travers le placement des actifs du RPC, plus de 20% des créances de l’Etat et demeure, ainsi, un des investisseurs institutionnels incontournables sur le marché de la dette publique. Cette posture est, également, vérifiée sur le compartiment secondaire de la dette sur lequel la CMR se positionne avec une part de marché indéniable et un volume d’affaires conséquent. C’est ce qui pousse plusieurs analystes depuis l’entame de la réflexion sur la réforme par une commission ad hoc en 2004 à affirmer qu’une meilleure gestion des fonds de réserve des caisses de retraite et en particulier de la CMR pourrait constituer le «chemin du salut » et repousser les échéances d’épuisement de leurs réserves. Néanmoins, fructifier au mieux les fonds disponibles demeure entravé par des contraintes réglementaires, mais aussi par la main mise de l’Etat sur ces fonds ! La prédominance impérative de par PERSPECTIVES MED
57
DOSSIER DU MOIS
la loi mais aussi la pratique des bons de Trésor limite la rentabilité du portefeuille de la caisse. Au lieu de laisser la CMR investir les marchés financiers qui permettent une rentabilité supérieure, les pouvoirs publics se sont, pendant longtemps, servi des réserves de la Caisse pour financer le Trésor en exigeant de la CMR de détenir par la force de la loi un minimum de 80% des valeurs de l’Etat. Quoique ce taux ait été revu à la baisse en 2010 par un arrêté du ministre de l’Economie et des finances (n° 1606-10 du 19 mai 2010) qui l’a ramené à 50%, la part de l’obligataire domine toujours les différentes classes d’actifs. Selon un rapport du Comité d’allocation des actifs estampillé « confidentiel », la part de l’obligataire constituait 85% en 2014 contre 87,3% en 2013.
LE DIKTAT DU TRÉSOR
LE FINANCEMENT DU TRÉSOR CONSTITUE UN FREIN RÉEL À LA VALORISATION DE LA CMR
58
PERSPECTIVES MED
Les modalités de fonctionnement des provisions de prévoyance et des réserves de la CMR ainsi que la répartition des ressources entre les emplois autorisés en ce qui concerne la gestion des actifs sont fixées par voie réglementaire (arrêté du 7 novembre 1997). La CMR prend les habits d’un investisseur avec un univers d’investissement fixe et une liste des classes d’actifs dans lesquels il peut faire fructifier les réserves constituées. Les excédents dégagés par les régimes des pensions de retraite, essentiellement par le RPC puisque le RPM (régime des pensions militaires) connaît un déficit chronique souvent financé par des avances du RPC, sont investis essentiellement dans les valeurs de l’Etat et celles jouissant de sa garantie. Cette situation fait de la CMR une « succursale » de la Trésorerie générale du Royaume. En effet, au moment où des opportunités de placement qui peuvent rapporter jusqu’à 20%, voire plus, se présentent, la CMR se contente d’une rentabilité de 5 à 6%. A titre d’exemple, pendant que la CIMR se permet une rentabilité dépassant les 15%, la CMR reste prisonnière de placements dans des classes d’actifs bien définies par la loi mais aussi imposés par la pratique. Faut-il le rappeler, la caisse a été tenue, avant la modification de l’arrêté en 2010, de placer des fonds à 80 % au minimum dans des valeurs de l’Etat (bons du Trésor et les émissions garanties par l’Etat) et les 20% restants placés pour 17 % dans les actions cotées et les titres négociables sur un marché réglementé comme les OPCVM catégorie actions et diversifiée (pour 10 % maximum), ainsi que dans les obligations privées cotées, les certificats de dépôts, les bons des sociétés de financement et
les OPCVM obligataires (le tout pour 7 %) et le reste (3 %) dans l’immobilier, mais à la condition expresse que l’opération soit autorisée par le ministre des Finances. Toutes ces contraintes ont impacté négativement le taux de rendement de la CMR. Entre 2003 et 2012, la rémunération moyenne des placements dépassait à peine les 5,1%. Ce diktat est justifié par un argument qu’on ne cesse de rabattre : la sécurité maximale des placements! Chose qui est loin d’être concrète puisque le marché boursier (BVC) avait un rendement moyen de 13% entre 2000 et 2010 contre 5% seulement pour les obligations.
L’AGGIORNAMENTO ATTENDU
Dans ce qui aurait pu être une véritable mue, le Conseil d’administration de la CMR (du 8 septembre 2009) avait, en se référant aux résultats d’une étude sur l’amélioration de la gestion du portefeuille réalisée par le cabinet français Actuaria, décidé de baisser la part des valeurs de l’Etat et celles jouissant de sa garantie de 82 à 60% du total des placements. Une décision restée lettre morte, malgré la publication de l’entrée en vigueur de l’arrêté du 19 mai 2010 donnant cette possibilité. Le
changement de direction de la Caisse, avec l’arrivée de Mohammed Alaoui El Abdellaoui, y serait pour quelque chose. Apparemment, la théorie selon laquelle une meilleure gestion permettrait de repousser les échéances des déficits techniques ne semble pas être du goût de la nouvelle direction. Selon un rapport des travaux du Comité d’allocation des actifs pour l’année 2014 estampillé, lui aussi, « strictement confidentiel », « la structure du portefeuille du RPC, à fin 2014, reste majoritairement dominée par les titres obligataires (88,2% du total des placements), dont 8,1% représentés par des placements en valeurs émises ou garanties par l’Etat ». Cette situation ne concerne pas que le RPC mais la caisse en général. Le document ajoute que « la structure des placements de la caisse demeure à prédominance toujours obligatoire (...) Les obligations et les bons qui se sont élevés à plus de 63,26 Mrds Dhs, en 2014, représentent 75,03% dominés essentiellement par les bonds de Trésor (59, 15) et les obligations garanties par l’Etat (1,49) tandis que le reste est placé », peut-on lire sur ledit rapport. Or, d’après un haut responsable de la caisse qui a requis l’anonymat, « une meilleure gestion
des réserves n’est pas nécessairement celle qui va nous permettre de repousser les échéances d’épuisement des réserves parce que les rendements des placements des réserves ont un faible impact sur l’horizon de viabilité du régime surtout s’il s’agit d’un horizon court ». Et d’ajouter que « la politique des placements dépend de l’horizon de viabilité du régime et évolue selon que l’on réalise une réforme ou pas ». Autant dire qu’ « en l’absence de réforme, les fonds de réserve (85 milliards de dhs) du RPC, financeraient les déficits durant les 6 prochaines années (horizon 2022) ». Ces révélations s’avèrent en parfaite contradiction avec les engagements pris dans le contrat programme 2011-2013 signé avec l’Etat. Dans la mesure où la caisse s’est engagée à « garantir les meilleures conditions pour l’optimisation des placements des réserves financières des régimes de retraite » et « explorer de nouvelles techniques de gestion des réserves financières ». En fait, la CMR n’a rien concrétisé dans ce sens. Et pour cause, l’état anémique des deniers publics ne permet pas au gouvernement d’abandonner la vache à lait qu’est la CMR. Difficile est le sevrage. D’où la réforme de…facilité !
VALABLE SUR LE PLAN, FAILLITE DANS L’EXÉCUTION ! Après autorisation du Conseil d’administration en 2009, la direction de la CMR a conclu un nouveau contrat-programme (2011-2013) avec l’Etat visant, essentiellement, la mise en place de projets relatifs à la gestion des portefeuilles financiers. Ces derniers devaient permettre à la CMR de devenir une «organisation agile», capable d’anticiper les changements. Ce CP qui est resté confiné aux casiers des responsables. Idem sur le plan du pilotage financier, la CMR s’était engagée à « explorer de nouvelles techniques de gestion des réserves financières », mais rien n’a été fait! Justifier l’échec par la rigidité du cadre législatif ne peut être un argument acceptable puisque l’Etat est supposée apportera le soutien et la réactivité nécessaires aux propositions de la CMR visant à faire évoluer le cadre législatif et réglementaire de la politique de placement des réserves, conformément aux décisions qui seront prises par le conseil d’administration et à la réglementation en vigueur ». Aucune proposition n’a été faite, selon des membres du Conseil d’administration. Il n’est donc plus question de textes, mais plutôt de volonté. Peut-être que le statuquo ménage-t-il certains intérêts…
PERSPECTIVES MED
59
ECONOMIE CHINE-AFRIQUE Par Abou Marwa
ENTRE AMBITION ET RÉALITÉ Les relations sino-africaines continuent de s’affermir comme en témoigne le lot de promesses 2015 scellant le Forum de coopération sino-africaine (FCSA) tenu début décembre à Johannesburg. Des promesses qui attisent les intérêts des pays africains, le Maroc en tête. L’investissement de l’Empire du Milieu représenterait-il le palliatif à la dépendance historique à l’Europe ou encore aux USA ?
L
es célébrations du dernier « Forum de la coopération Chine-Afrique » tenu pour la première fois en terre africaine, à Johannesburg, ont donné à voir des relations au beau fixe entre le Continent et la deuxième économie du monde. Tant les relations économiques sino-africaines deviennent de plus en importantes. La Chine est devenue le premier partenaire commercial de la région : les exportations de l’Afrique, dans son ensemble, vers la Chine sont passées de 6% en 2003 à un quart des exportations totales en 2014. Le commerce sino-africain a atteint 220 milliards de dollars l’année dernière, avec des investissements chinois totalisant 32,4 milliards de dollars vers la fin de cette année. En 2015, les échanges sino-africains devraient approcher de 300 milliards de dollars. Les investissements directs au cours du premier semestre 2015 se sont élevés à 1,19 milliard de dollars. La grande convergence des stratégies de développement ainsi que la complémentarité établie entre les deux parties représentent autant d’opportunités pour asseoir une coopération gagnant-gagnant. Forte de ses avantages comparatifs en matière d’expérience de développement, de technologies applicables, de financement et de marché, la Chine peut aider l’Afrique à résoudre deux goulots d’étranglement entravant son développement, à savoir les déficits d’infrastructures et le manque de personnel qualifié. De quoi faciliter l’expression de la richesse du continent et de son potentiel en matière de croissance et d’amélioration du bien-être social. Nul besoin de rappeler que la Chine a aidé l’Afrique à construire 5.675 km de chemins de fer, 4.507 km d’autoroutes, 18 ponts, 12 ports, 14 aéroports et terminaux,
“LA ROUTE DE LA SOIE” PASSE AUSSI PAR L’AFRIQUE...
60
PERSPECTIVES MED
64 centrales électriques, 76 installations de sports, 68 hôpitaux, plus de 200 écoles et 23 centres de manifestation agricole. Et l’empire ne compte pas s’arrêter là. Plus, elle a signé 245 nouveaux contrats d’aide économique et effacé 156 postes d’endettement de 31 pays africains. Par ailleurs, Pékin a également signé des accords d’aide médicale avec 41 pays d’Afrique.
LE PLEIN D’ANNONCES
A Johannesburg, le président chinois Xi Jinping a dévoilé un programme d’aide à l’Afrique de 60 milliards de dollars sur les trois prochaines années. Objectif : aider l’Afrique à s’industrialiser, à moderniser sa production agricole, à renforcer les compétences de ses employés, à développer les infrastructures et à améliorer les services de santé. Dix grands projets destinés à promouvoir la coopération avec l’Afrique dans les trois prochaines années sont dans le pipe. Dans un discours prononcé devant les dirigeants africains participant au sommet du Forum sur la coopération sino-africaine (FCSA), Xi Jinping a expliqué que ces projets ont pour objectif de réaliser la mise à niveau des relations sino-africaines. Les projets concernent l’industrialisation, la modernisation de l’agriculture, les infrastructures, les services financiers, le développement vert, le commerce et la facilitation des investissements, la réduction de la pauvreté et le bien-être, la santé publique, les échanges entre les peuples, et la paix et la sécurité. Ces programmes, a souligné le président chinois, visent à aider les pays africains à faire face à trois défis, à savoir l’insuffisance des infrastructures, la pénurie de talents et le manque de fonds, à accélérer l’industrialisation et la modernisation de l’agriculture, et à réaliser un développement indépendant et durable. Pour assurer la
bonne mise en œuvre de ces initiatives, le président chinois a annoncé que le soutien financier programmé inclura 5 milliards de prêts à taux zéro et 35 milliards de prêts à taux préférentiels.
APPÉTIT CONTESTÉ
Les effets d’annonce étaient nombreux lors du sommet de Johannesburg. De plus, la promesse de Xi Jinping d’allouer 60 milliards de dollars d’aides au développement pour les pays africains n’a pas manqué de déclencher de nombreuses réactions. Si le montant semble colossal en comparaison des promesses d’aides américaines (37 milliards en 2013) et indiennes (10 milliards en octobre), les crédits à l’exportation et les prêts à taux préférentiel en constituent la majorité (35 milliards). Cette générosité mesurée montre que les dirigeants chinois, au-delà des discours et des ambitions affirmées, ont des moyens limités, alors que les pays africains devront désormais faire avec une croissance de la demande chinoise de matières premières plus modérée que par le passé. Sur un autre registre le niveau des IDE chinois en Afrique montre que la Chine a encore du retard vis-à-vis des partenaires « traditionnels » des pays africains, Europe et Etats-Unis. En effet, son poids financier est loin d’être équivalent à son importance commerciale. Même si depuis 2003 les IDE chinois (dont la définition par le ministère du Commerce chinois est plus souple que celle de l’OCDE, car elle inclut les prestations de services comme les constructions d’infrastructures) ont augmenté, ils sont encore loin du niveau des pays développés. Selon les données disponibles, la Chine ne serait même pas dans les cinq premiers investisseurs internationaux. Et
cette tendance à la baisse devrait perdurer en 2015.
LE MAROC À L’AFFUT
Le Maroc n’y est pas parti de main morte et l’empire cache à peine son intérêt pour le royaume. La Chine considère le Maroc comme un acteur très important sur la scène africaine, voyant en lui une porte d’entrée sur le continent. Le Royaume est incontournable dans l’amorce d’un partenariat win-win entre la Chine et l’Afrique dans la mesure où ses potentiels incontestables, notamment ses avancées politiques et économiques et son ancrage africain, lui permettent d’entretenir de fortes relations politiques, économiques
et culturelles avec l’Empire du Milieu d’une part, et avec l’Afrique, d’autre part. A. Benkirane qui a fait le déplacement à Johannesburg considère que le Forum marquera le point de départ d’une nouvelle étape du processus de consolidation des relations sino-marocaines. Dans cette perspective, le potentiel d’emplois chinois délocalisables serait en mesure d’atteindre 85 millions dont près de 10% pourrait revenir à l’Afrique. Et à en croire le ministre de l’Industrie, du commerce, de l’investissement et de l’économie numérique, M.H. Elalamy, le Maroc est en position pour capter le plein potentiel d’investissement et maximiser les créations d’emplois.
FINANCEMENT PARTIEL D’UNE CIMENTERIE À SETTAT PAR L’INDUSTRIAL AND COMMERCIAL BANK OF CHINA (ICBC) En marge du China-Africa Investment and Financing Forum, le Groupe Anouar Invest a signé avec l’Industrial and Commercial Bank of China (ICBC) une convention de financement pour un montant de 171 millions de dollars. Cette dernière porte sur le financement partiel par la banque, de la construction d’une cimenterie dans la province de Settat, confiée clés en main au groupe Sinoma-CDI, par la filiale d’Anouar Invest, Atlantic Ciment, d’une capacité de production de 2,2 millions de tonnes par an. Cette cimenterie, dont le montant total d’Investissement avoisine les 3 Mrds Dhs, sera dotée des meilleures technologies en matière de qualité et de protection de l’environnement. Notons que cette opération de financement sera la 1ère à être réalisée au Maroc par ICBC, la plus grande banque au monde.
PERSPECTIVES MED
61
ECONOMIE RÉFORME DE LA POLITIQUE FONCIÈRE
AU-DELÀ DE LA CATHARSIS Par A.A.M.
Les dysfonctionnements et contraintes dont souffre le foncier ont été mis à nu lors des assises tenues à Skhirat. Multiplicité des systèmes et caractère transversal des problématiques sont autant de facteurs handicapants. D’où l’impérieux recadrage royal.
D
ans une approche de durabilité telle que conçue dans les objectifs du millénaire pour le développement, la question foncière est l’un des chantiers sur lesquels le pays s’engage. Objectifs ; clarifier et régulariser une situation chaotique. Les assises nationales sur « la politique foncière de l’Etat et son rôle dans le développement économique et social» ont constitué l’occasion propice pour établir un diagnostic de la réalité du secteur foncier et sa place dans la dynamique de développement que connaît le pays. Identifier les contraintes majeures et proposer les grandes lignes d’une politique foncière nationale intégrée et efficiente, telles furent les missions allouées à ces assises placées sous le haut patronage royal. Et c’est au conseiller Abdellatif Menouni qu’est revenue la tâche d’affranchir l’assistance en donnant lecture à la lettre royale, texte qui a pointé aussi bien les atouts que les défis d’un secteur considéré comme « facteur de production stratégique et un levier fondamental pour le développement durable dans toutes ses dimensions » et constituant « l’assise principale pour stimuler l’investissement productif, générateur de revenu, créateur d’emplois, et aussi pour lancer des
LA PROBLÉMATIQUE FONCIÈRE SE RÉSUME DANS LA MULTITUDE DES SYSTÈMES FONCIERS
62
PERSPECTIVES MED
projets d’investissement dans les différents domaines de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme, des services… il fournit la plate-forme de base pour la mise en place des différentes infrastructures et des équipements publics. C’est aussi sur lui que repose la politique de l’Etat dans le domaine de l’urbanisme et de la planification urbaine. Et c’est par lui fondamentalement qu’est garanti le droit du citoyen au logement». Le diagnostic de la gestion actuelle du foncier tous régimes confondus, aussi bien sur le plan de la maîtrise de la structure foncière, de la sécurisation de l’assiette foncière et de l’apurement de sa situation juridique et matérielle, que sur le plan de l’utilisation et de la mobilisation des terrains, a fait ressortir des dysfonctionnements et contraintes qui résultent de plusieurs facteurs historiques, sociaux, économiques et autres.
MULTITUDES DE SYSTEME, LE GRAND OBSTACLE
Constituant la problématique centrale de la politique foncière nationale, cette diversité des régimes est considérée par le Président de l’Union Méditerranéenne des Géomètres, Aziz hilali comme étant « un problème très grave ». Aux yeux de ce spécialiste, « la problématique foncière se résume dans la multitude des systèmes fonciers. On vit déjà avec 7 régimes (immatriculés, non immatriculés, guich, jomouâ (terres collectives), habouss etc.) et par conséquent, il y a plusieurs gestionnaires de chaque système. Quand on parle du domaine public de l’Etat, il faut spécifier est-ce qu’il s’agit du domaine
privé de l’Etat ou du domaine des collectivités locales, pour les terres Jomouâ c’est l’Intérieur, ce qui est immatriculé relève, principalement, de la responsabilité de l’agence de conservation foncière…donc plusieurs système et plusieurs responsables et aucune coordination ». Pour l’expert, « il ne s’agit pas d’une affaire relevant des compétences des seuls politiciens, et encore moins des seuls techniciens. C’est plutôt un débat qui doit être tenu entre tous les partenaires à commencer par les décideurs mais aussi d’autres intervenants ». Seul le débat responsable est capable de répondre aux dysfonctionnements et restrictions qui entravent l’apurement de la situation juridique et matérielle du foncier et l’organisation de son échange et de son utilisation. Dans ce sillage, le Souverain a exhorté l’ensemble des acteurs présents et concernés à adopter une vision globale intégrant toutes les dimensions juridiques, institutionnelles, organisationnelles et procédurales, et tenant compte des spécificités de ce secteur ainsi que de la nature complexe et imbriquée de sa structure, qui est due à l’interpénétration d’une multitude de facteurs historiques et socio-économiques. Pour A. Hilali, il est temps de dire « stop » !. Car « les Marocains ne peuvent pas coexister avec tous ces systèmes », s’alarme-t-il. « S’il y avait autrefois ce qui pourrait justifier cette situation (des causes politiques, sociales ou culturelles), aujourd’hui, il faut moderniser », renchérit-il. Comment ? L’ingénieur géomètre estime qu’ « il faut chercher un système qui répond à nos attentes mais aussi aux besoins des citoyens» en vue « d’assurer la sécurité du foncier ainsi que l’intégration de la propriété dans le circuit économique ».
UN ARSENAL JURIDIQUE OBSOLETE
Le message royal a été on ne peut plus clair quant à la nécessité d’une révision et d’une modernisation du dispositif juridique encadrant le foncier, public et privé, notamment en raison de la diversité de ses régimes et de l’absence ou l’obsolescence des textes juridiques le régissant. Une révision qui doit aller dans un sens garantissant la protection et la valorisation du capital foncier, ainsi qu’une efficacité accrue de son organisation, outre la simplification des procédures de sa gestion, de sorte qu’il puisse jouer le rôle qui lui revient dans le renforcement du dynamisme économique et social du pays. Cette observation royale qui a trait à la désuétude
de l’arsenal juridique régissant le foncier tous régimes confondus fait d’ores et déjà l’unanimité chez les acteurs. Soulignons que de nombreux textes juridiques régissant le foncier remontent au début du siècle dernier, soit du temps du Protectorat. D’autre part, la diversité de la structure foncière a donné lieu à la multiplicité des textes juridiques régissant le foncier sous ses différentes formes, engendrant ainsi la dispersion et le chevauchement des règles applicables à la propriété foncière, avec ce qui s’en suit en termes de statuts juridiques compliqués et complexes. Il est vrai que le législateur marocain, conscient de l’importance de l’actualisation de l’arsenal juridique régissant le foncier, avait procédé, à plusieurs reprises, à l’adoption d’une série de textes qui visent à atténuer l’acuité des problèmes que connait ce secteur vital. Cependant, en dépit de cet important effort législatif, l’arsenal juridique est resté entaché de plusieurs dysfonctionnements à commencer par l’absence d’une vision globale et intégrée pour l’actualisation et la modernisation du dispositif juridique régissant le foncier, de manière à être en phase avec les développements économiques et sociaux actuels et les rôles renouvelés du foncier dans le développement. De surcroît, la non-adaptation des différents textes juridiques régissant le foncier avec les autres qui portent sur l’aménagement du territoire reste patente. Cela sans parler de la politique législative qui souffre d’un déficit de coordination et de convergence, eu égard au fait que les textes législatifs et réglementaires sont élaborés selon une approche isolée propre à chacun des départements ministériels. C’est ce qui fait que dans certains cas, on aboutit au chevauchement des textes tandis que dans d’autres, l’arsenal législatif souffre de l’absence des décrets d’application et des mécanismes réglementaires nécessaires pour sa mise en application, de manière à être en phase avec les évolutions économiques et sociales. Résultat : le Maroc connaît un déficit abyssal d’immatriculation.
MECONNAISSANCE DU TERRITOIRE
« C’est vraiment aberrant d’avoir au grand maximum 10% de terrains immatriculés au Maroc. C’est grave alors que nous avons des compétences fortes et crédibles », déplore un autre spécialiste. Dès lors, qu’est ce qui manque pour redresser la situation ? Outre le manque de coordination et de cohésion, l’absence de volonté semble être la princi-
pale entrave à une modernisation du cadre foncier au Maroc. « Aujourd’hui, il faut réunir tout le monde et discuter afin d’avoir un seul système », soutient-il. Alors que la réponse à la question de l’unification des systèmes fonciers au Maroc est devenue, donc, une revendication voire un impératif après l’initiative royale, le ministre de l’Habitat et de la politique de la ville, Nabil Benabdellah affirme qu’ « il faut arrêter de rêver. C’est une chose qui ne va pas être possible à brève échéance », soutient-il. Selon lui, « il faut contrôler les systèmes fonciers actuels. L’essentiel et de maitriser mieux le statut juridique existant. Quant à vouloir, aujourd’hui, instaurer un seul système foncier, je crois que c’est peut être envisageable dans le très long terme ». Dans cette perspective, A. Hilali estime qu’ « on peut fermer les yeux et dire qu’on peut travailler avec le cadre actuel avec deux petites choses : la volonté politique de mettre les moyens nécessaires pour mener une grande campagne d’immatriculation au Maroc. Il faut mettre les moyens et travailler pour élaborer un cadre juridique qui devrait faciliter notre système complexe et très lourd. La moyenne d’immatriculation est entre 7 à 9 ans par affaire. Je ne crois pas en cette moyenne, car la réalité est plus grave (10 à 15 ans) », conclut-il. Les assises du foncier méritent plus qu’un état des lieux passé au crible. Elles invitent à l’instauration d’une politique globale et intégrée revêtant un caractère stratégique pour ce secteur clé qui agit comme un levier d’activation de la dynamique de développement. Ceci est d’autant plus urgent que le territoire connaît des chamboulements imputables à l’accélération des dynamiques sociale, économique et démographique.
C’EST ABERRANT D’AVOIR AU GRAND MAXIMUM 10% DE TERRAINS IMMATRICULÉS AU MAROC. PERSPECTIVES MED
63
ECONOMIE RÉCHAUFFEMENT CLIMATIQUE Par Abou Marwa
LE MAROC PRÉPARE SA COP! L’Accord de Paris sur le climat vise à contenir le réchauffement en dessous de 2 °C par rapport aux niveaux préindustriels et à poursuivre l’action menée pour limiter l’élévation des températures à 1,5 °C. Mais il souffre de bien des faiblesses : pas de mention des énergies renouvelables, objectifs peu précis et lointains, et il est peu contraignant juridiquement. Seul bémol, un soutien financier aux pays pauvres.
A
es 195 pays plus l’Union européenne, réunis à la conférence COP21 sur le climat à Paris, ont réussi à adopter à l’unanimité un accord « historique » sur le changement climatique dans la mesure où tous les pays ont reconnu que le réchauffement était un problème grave et que des mesures d’urgence s’imposaient pour le combattre. A la différence des autres COP, la stratégie actuelle innove en ce sens que tous les pays présentent leur contribution déterminée au niveau national (Intended Nationally Determined Contributions ou INDC) correspondant aux efforts qu’ils estiment pouvoir réaliser. Ces engagements sont ensuite agrégés et évalués pour savoir s’ils permettront de tenir l’objectif global. Ainsi, les pays ont déclaré que l’élévation de la température devrait être maintenue « nettement en dessous de 2°C par rapport
52% D’ÉNERGIES RENOUVELABLES AU MAROC D’ICI 2030.
64
PERSPECTIVES MED
aux niveaux préindustriels ». Sur l’insistance de certains petits Etats insulaires, ils ont ajouté que des efforts supplémentaires devaient être consentis pour limiter le réchauffement climatique à 1,5°C. Dans ce sens, l’effort politique doit être revu à la hausse car le document final de la COP21 admet d’ores et déjà que les engagements sur le climat (ou INDC), publiés par les pays participants, ne permettront pas, une fois agrégés, de rester sous les 2°C. L’accord prévoit que la COP s’engage à effectuer un inventaire tous les cinq ans à compter de 2018. On ignore, cependant, ce qu’il adviendra, si certains pays ne tiennent pas leurs objectifs, ni comment les pays seront amenés à redoubler d’efforts si le total des INDC reste bien en deçà des niveaux prévus. Le financement à hauteur de 100 Mrds $ par an des projets d’atténuation et d’adaptation dans les pays en développement a été confirmé. Mais la COP a exhorté les pays développés à revoir à la hausse
leur aide financière conformément à une feuille de route précise pour tenir leurs engagements à partir de 2020. Les pays ont, par ailleurs, convenu que cette enveloppe de 100 Mrds $ n’est qu’une base de départ et que le montant sera revu à la hausse dès 2025. Là aussi, l’absence de feuille de route claire constitue un sérieux obstacle à la mise en place des politiques climatiques.
DE PARIS A MARRAKECH
Après Paris, le Maroc sera le pays hôte du 7 au 18 novembre 2016 à Marrakech de la 22e conférence mondiale sur le climat, au cours de laquelle l’application des engagements pris à Paris par la COP21 passera au peigne fin. Le Royaume qui avait déjà accueilli en 2001 la 7ème Conférence des Parties à la Convention sur les Changements Climatiques (COP7) à Marrakech, et qui demeure dépourvu de réserves en hydrocarbures, a été fortement plébiscité à Paris grâce notamment à sa politique énergétique volontariste et qui prône le renouvelable comme pilier de son développement responsable et durable. Le développement de centrales solaires et éoliennes parmi les plus importantes au monde, classera le Maroc parmi les pays les plus avancés en terme d’action climat. La CNUCED (Conférence des Nations unies sur le commerce et le développement) n’a pas manqué de saluer cette contribution, soulignant que le royaume est classé 1er parmi les pays en développement et 9ème au plan mondial pour la performance de sa politique climatique. Dans ce sens, et lors de son intervention dans le cadre de la COP 21, le roi a rehaussé les objectifs initiaux du pays et a déclaré que le Maroc
prenait l’engagement d’atteindre 52% d’énergies renouvelables d’ici 2030. Un engagement exemplaire confirmé par la contribution déterminée du Maroc à la Convention Cadre des Nations Unies sur les Changements Climatiques. Alors que les pays du G20 semblent disposés à financer de vastes programmes d’énergies
renouvelables en Afrique, l’expertise du Maroc devrait se révéler plus que jamais opportune et permettre au Royaume de donner à sa filière Energie une véritable dimension continentale. Cela sans parler de la bonification de la charte nationale relative à la sauvegarde de l’environnement et du développement durable.
MASEN ASSURERA DÉSORMAIS LE PILOTAGE DES ÉNERGIES RENOUVELABLES Sur instructions Royales, l’Agence marocaine d’énergie solaire (Masen) assurera désormais le pilotage des énergies renouvelables notamment solaires, éoliennes et hydroélectriques. C’est ce qui ressort d’une session de travail consacrée au secteur de l’énergie organisé le samedi 26 décembre, et qui a réuni le chef du gouvernement, les conseillers du roi Fouad Ali El Himma et Yassir Znagui, le ministre de l’Economie et des finances, le ministre de l’Energie, le directeur de l’Onee Ali Fassi Fihri, la directrice de l’Office national des hydrocarbures et des mines Amina Benkhadra et le président du directoire de Masen, Mustapha Bakkoury. Ponctuée par un communiqué du cabinet royal, cette mue de l’agence a pour objectif de donner des moyens institutionnels et économiques renforcés aux acteurs nationaux afin que les objectifs annoncés soient tenus et que les synergies attendues soient à la hauteur de la vision stratégique énoncée par le monarque à Paris. Une réorganisation voulue en haut lieu signe l’amorçage du« processus de convergence de la politique énergétique du Royaume qui permettra le renforcement de l’ambition nationale en matière de développement des énergies renouvelables, en ligne avec l’objectif de porter la part des sources renouvelables dans le mix électrique national de 42% en 2020 à 52% en 2030 ». Tout en conservant leur autonomie de gestion respective, l’Office national de l’électricité et de l’eau potable (Onee) et l’agence Masen seront appelés à travailler en parfaite intelligence afin de confirmer le leadership continental et mondial du Maroc en matière de transition énergétique. Ils devront ainsi opérer à travers des liens organiques plus forts et un pilotage stratégique unifié.
PERSPECTIVES MED
65
ECONOMIE HARO SUR LES SACHETS EN PLASTIQUE
LES INDUSTRIELS AUX ABOIS ! Par M.T.
Les sacs en plastique seront prohibés en juillet prochain. Depuis l’adoption de la loi les interdisant, rien ne va plus chez les fabricants. Le flou subsiste toujours quant aux mesures d’accompagnement promises par le gouvernement. Sans compter l’informel, ce ne sont pas moins de 300 entreprises et plus de 50.000 emplois qui sont menacés.
A
près avoir fait cavalier seul en décidant d’interdire les sacs en plastique sans concertation avec les producteurs, le ministère de l’Industrie avait promis des mesures d’accompagnement visant à assurer la « reconversion » des unités menacées vers d’autres activités pro-environnement ! Près de deux mois après l’adoption de la loi 77-15 mettant fin à la fabrication, la commercialisation et l’utilisation des sacs en plastique, les industriels demeurent toujours dans l’expectative. « Nous n’avons aucune idée des alternatives prétendues par la tutelle », confie Bouchaïb Kasbane, président de l’Association marocaine des producteurs des sacs, sachets et films en plastique (AMP2SF). Dépourvu de vision, le ministère de tutelle qui a donné un délai de « grâce » de six mois aux professionnels, la loi ne prendra effet qu’en juillet 2016, vient d’envoyer un questionnaire que les professionnels qui sont pour la « reconversion » doivent remplir ! Reconversion vers quoi ? Les membres de l’AMP2SF n’ont toujours pas la moindre idée.
LA PROFESSION PEINE TOUJOURS À CONTOURNER CE PROBLÈME.
66
PERSPECTIVES MED
CHARRUE AVANT LES BŒUFS
Censé lancer des initiatives de sensibilisation et d’accompagnement des unités industrielles pour reconvertir leurs activités vers une production de plastique pro-environnement, le gouvernement a fait cas de la nocivité des sacs en plastique sans se soucier des retombées socio-économiques d’une telle décision. Ira-t-on jusqu’à sacrifier 50.000 emplois ? Le plus important, aux yeux de l’Exécutif, est d’être en phase avec les législations des partenaires internationaux. Accords de libre-échange et autres accords d’association obligent. Néanmoins, si les députés européens avaient voté en 2013 la réduction des sacs en plastique de 80%, il faut rappeler qu’ils avaient prévu cinq ans pour sa mise en application (la date limite étant 2019). Et pour ce faire, ils ont prévu une taxation et une limitation progressive. De surcroît, l’excès de zèle de nos responsables les a conduit à vouloir opérer le même processus en 6 mois. Ce qui ne laisse point de marge de manœuvre aux fabricants. « La décision a été prise d’un seul coup, il s’agit d’un véritable séisme pour notre profession », s’insurge B. Kasbane qui précisant que « le processus de limitation de l’usage des sacs en plastique avait pris 14 ans en France avant leur interdiction définitive en 2014
et qui ne prendra effet qu’en début de 2016 ». Mais ce qui vaut pour la France, dont les ressorts de la puissance économique sont légion, ne vaut pas pour le Maroc… Ici, c’est l’absence de proactivité qui est décriée. « Les responsables auraient pu décréter un blocage de l’importation des machines il y a de ça des années bien avant de prendre pareille décision. Et de cette manière, ils nous auraient au moins épargné de faire des investissements », lâche, non sans dépit, le chef de file des plasturgistes. Outre la menace sociale que présente l’éventuelle perte de pas moins de 50.000 emplois répartis entre emplois directs et indirects, B. Kasbane met en évidence un autre aspect des conséquences désastreuses que pourrait avoir cette interdiction. « Prenez le cas (réel) d’un ressortissant marocain à l’étranger qui s’est installé à Fès deux mois avant l’interdiction. Ayant investi l’ensemble de son épargne dans l’achat d’un terrain, il a financé l’achat des équipements par des crédits, il se trouve, aujourd’hui, avec 12 millions de dirhams de dette investis dans une activité condamnée à mort ». Selon lui, il ne s’agit pas d’un cas isolé. « Il faut noter que la majeur partie des unités de production ont été financées par des crédits », assure-t-il.
MANQUE DE VISION
Depuis l’adoption de la loi 77-15 début de novembre, la corporation réunie sous l’égide de la Fédération marocaine de la Plasturgie (FMP) multiplie les rencontres pour convenir d’une ligne de conduite à tenir et évaluer les conséquences de l’interdiction. Jusqu’à présent, bien que refusant catégoriquement cette loi, la profession peine toujours à contourner ce problème. Quoique le texte de loi exclut de l’interdiction les sacs en plastique à usage industriel ou agricole, les sachets isothermes, les sacs de congélation ou surgélation ou encore ceux utilisés pour la collecte de déchets, les sacs épargnés représentent moins de 20% de la production totale, regrette B. Kasbane. Et d’ajouter que lors d’une réunion avec les responsables du ministère de tutelle, « nous avons expliqué que nous sommes face à trois niveaux : rouge, vert et gris. Pour ce qui est du rouge, il s’agit de 80% de notre activité qui devrait être interdite, le vert concerne les moins de 20% per-
mises, et le gris concerne les innombrables ambigüités qui entourent les mesures d’accompagnement et la reconversion ». La question qui se pose dès lors est de savoir jusqu’où ira l’effort d’accompagnement promis. Atteindra-t-il le seuil des 20% ou, à défaut, 10% ? L’affaire est suffisamment grave du fait que « la majorité d’entre nous sont fortement endettés ». Les professionnels s’alarment quant à leur avenir. Les nouvelles activités vont-elles pouvoir les aider à rembourser leurs dettes ? Les « aides » promises vont-elles leur permettre l’achat de nouvelles machines ? Les mêmes effectifs d’employés seront-ils maintenus avec la reconversion de l’outil de production? Voilà autant de questions qui taraudent les professionnels, résume B. Kasbane. D’après lui, la production des emballages agricoles avoisine les 24.000 tonnes tandis que les autres présentent plus de 260.000 tonnes. Pis, les problèmes découlant de cette loi ont commencé déjà à se manifester. « Il y a même certains d’entre nous qui ont déjà commencé à avoir des problèmes avec leurs clients. A trop vouloir couvrir leurs dus de peur de la date butoir, certains ont fini par perdre l’essentiel de leurs clients », a-t-il déploré. Pendant ce temps, la tutelle semble n’en avoir cure. « Le ministre s’est réuni avec les concernés à deux reprises, la première c’était pour leur annoncer la bonne nouvelle et la deuxième était pour identifier les opérateurs travaillant dans l’informel. Ces derniers ont été conviés à une réunion avec le ministre qui n’a pas abouti à grand-chose », nous a affirmé une autre source au sein de la FMP. Au-delà de la pollution visuelle, nul ne saurait réfuter la nocivité des déchets en plastique. Avec une durée de vie qui peut atteindre des centaines d’années, les sacs en plastique mettent en péril la faune et la flore aquatiques. Comme ils polluent les sols. Comme personne ne saurait admettre de mettre en jeu la situation de milliers de ménages qui vivent de cette industrie polluante. Comment gérer ce dilemme ? La solution est entre les mains de la tutelle…
LES PROBLÈMES DÉCOULANT DE CETTE LOI ONT COMMENCÉ DÉJÀ À SE MANIFESTER. « IL Y A MÊME CERTAINS D’ENTRE NOUS QUI ONT DÉJÀ COMMENCÉ À AVOIR DES PROBLÈMES AVEC LEURS CLIENTS» DÉPOLORE B.KASBANE PRÉSIDENT DE L’AMP2SF.
PERSPECTIVES MED
67
ECONOMIE DÉSASSEMBLAGE DES AVIONS
LE MAROC, UN CIMETIÈRE D’ÉPAVES ?
Par Mohamed Taleb
Entre le dire et le faire, il y a la mer. Ce proverbe est devenu une marque de fabrique de l’actuel gouvernement. Alors que le Maroc fait du développement durable une orientation stratégique, le gouvernement vient d’accorder une prime aux opérations de démantèlement des avions. Le désossage des avions, activité polluante, est exonérée de TVA.
A
lors que des voix s’élèvent pour inciter le gouvernement à faire de l’écofiscalité une politique publique, le gouvernement décrète, sans se soucier d’aucune préoccupation environnementale, ce qui peut être considéré comme des « subventions à la pollution ». En effet, la dernière mouture de la Loi de finance comporte, dans son 92ème article, une étrange exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) des opérations de démantèlement des avions. Les responsables des départements de l’Economie et de l’Industrie semblent, en proposant cette « dépense fiscale », vouloir faire d’une pierre deux coups (ou peut-être plus) : utiliser les aéroports en mal d’exploitation et abaisser le taux de chômage. Certes, louable aurait pu être cette décision dans un pays en quête de création d’entreprises et, partant, d’emplois. D’autant que la piste du désossage est sérieuse : entre 12.000 à 15.000 avions en fin de vie, répartis à travers le monde, sont à traiter durant les vingt prochaines années. Surtout que les capacités de désassemblage actuelles permettent le démantèlement de près de 150 avions commerciaux par an, soit moins du quart des
LE MAROC OUVRE L’APPÉTIT DES «RECYCLEURS» PAR UN CADEAU FISCAL
68
PERSPECTIVES MED
600 à 750 appareils mis à la casse chaque année. Mais de là à faire du Maroc, pays devant accueillir la COP 22, à Marrakech, un cimetière d’avions ne semble pas être la bonne recette « écologique ».
A QUI PROFITE LE RÉGIME ?
Chacun pourrait se demander : à qui pourrait profiter cette étrange exonération, qui ne figurait pas dans la première version du projet de loi de Finances, étant donné qu’aucune entreprise n’exerce cette activité jusqu’à présent sur le sol marocain ? Mais, en voyant la configuration du marché mondial du démantèlement des avions, on remarque facilement que des groupes français déjà présents au Maroc dans d’autres domaines, et qui ne cachent pas leurs intentions d’expansion sur cette activité, y occupent les devants. On y trouve, notamment, Tarmac Aerosave, une coentreprise détenue par Airbus, Sita (filiale de Suez environnement) et Snecma (groupe Safran), présente dans le sudouest de la France, Bartin Recycling (filiale de Veolia) présente à Châteauroux et KLM UK Engineering (filiale Air France-KLM) implanté à Norwich au Royaume-Uni. Dès lors, on s’aperçoit que le gouvernement cherche à travers cette incitation à renforcer « l’attractivité » du secteur aéronautique national qu’il veut à tout prix ancrer dans la chaîne de valeur aéronautique mon-
diale. Quitte à encourager des groupes comme Suez Environnement qui ont déjà des visées sur le secteur de l’aéronautique et le démantèlement des avions. N’est-il pas dit, et ce n’est certainement pas le fruit du hasard, que SITA Maroc, filiale dudit groupe, compte ouvrir prochainement une plate-forme de traitement des déchets industriels située pas loin de l’aéroport Mohammed V au niveau du parc industriel d’Oued Saleh à Bouskoura ? D’une capacité de 80.000 tonnes (7000 m2), selon son directeur d’activité « déchets industriels », Younes Damir, qui explique que cette plate-forme « pourrait servir au désassemblage des avions ».
COMMERCE JUTEUX
Selon l’association des opérateurs de recyclage des avions « Aircraft Fleet Recycling Association» (Afra), il s’agit d’un marché juteux pour les industriels compte tenu des milliers d’avions arrivant en fin de cycle. L’Afra estime qu’il va y avoir de plus en plus d’avions candidats au retrait de service. Près de 12.000 avions commerciaux à détruire d’ici quinze ans au niveau mondial surtout que le transport aérien devrait, dans la même période, augmenter de 5% par an pour passer à 36.000 appareils en circulation. De ce fait, il y a lieu de s’interroger pourquoi des entreprises européennes songeraient-elles dès maintenant à externaliser de telles activités alors que leurs pays connaissent un chômage inédit ? Selon certains analystes, le renouvellement des flottes provoquant un afflux d’appareils obsolètes, remplacés par des modèles récents, risque d’entraîner une surabondance d’équipements et par conséquent une baisse de leurs prix de revente. Etant donné que l’opération de démantèlement se fait selon les préférences des propriétaires. Ces derniers qui sont souvent des courtiers recherchant un retour sur investissement rapide, pourraient limiter la charge de la décomposition aux équipements et pièces qui ont de la valeur négligeant le reste du démontage ou demandant la destruction des restes. Ces épaves pleines de débris deviendront « une charge » vu leur coût de stockage important et leur faible valeur résiduelle. Le renouvellement massif des flottes aériennes devrait selon les analystes faire baisser la valeur des appareils et favoriser un démantèlement à moindres frais.
UNE ABERRATION MAJEURE
Ce que l’on pourrait considérer comme une
menace d’un côté pourrait bien être vu comme une opportunité de l’autre. Si l’on voit d’un mauvais œil le fait que l’armature législative existante ne prévoit pas de dispositions pouvant encadrer ces opérations, cela pourrait allécher les investisseurs étrangers, les Français en tête, qui connaissent déjà le contexte marocain. D’autant plus que le coût important du recyclage qui varierait entre 30.000 et 150.000 euros en Europe, du fait du coût assez élevé de la main d’œuvre, constitue un véritable frein de cette activité. L’absence d’une réglementation spécifique de la fin de vie des avions civils ou militaires pourrait, en effet, encourager les investisseurs à venir dans un pays où aucune contrainte législative ne pourrait freiner leurs activités ni son déraillement du point de vue écologique. Et ce, à plus forte raison que le taux recyclage d’un avion, même dans les plateformes mondiales les plus modernes, avoisine 75%, selon l’Afra qui vise à le porter à 90%. Malgré le fait que certains avions contiennent des pièces réutilisables pouvant rapporter le double du prix d’achat (45.000 euros pour un Boeing 747 acheté à 15.000 euros), ces pièces de seconde-main réintègrent très difficilement la chaîne d’approvisionnement. La peur bleu des crashs l’explique. Pis, les avions hors d’usage génèrent près de 5.000 tonnes de déchets par an. Avant de les trier, il faut séparer (dépolluer les avions) les fluides polluants (carburants, lubrifiants et bien d’autres produits polluants). Et, parce qu’un avion, finalement, n’est pas un déchet unique mais plutôt une somme de déchets, les métaux pouvant être récupérés des carcasses sont négligeables. Ils sont constitués essentiellement d’acier et d’aluminium (plus de 60%)… Deuxième métal le plus consommé dans le monde après le fer, l’aluminium est régulièrement décrié pour son impact négatif sur l’environnement. N’étant pas biodégradable et non ferreux, l’aluminium issu de cette activité ainsi que les autres déchets ne servant à rien pour les ferrailleurs locaux devront être totalement recyclés ! En l’absence d’une industrie capable d’assurer cette mission, les décideurs nationaux auraient dû se poser la question mille fois avant de favoriser une activité qui, excepté le recyclage, ne demande pas une technologie hors du commun ou un savoir-faire recherché, mais demeure sous-exploitée.
LES AVIONS HORS D’USAGE GÉNÈRENT PRÈS DE 5.000 TONNES DE DÉCHETS PAR AN
PERSPECTIVES MED
69
MARCHÉS BOURSE DES VALEURS DE CASABLANCA Par Abou Marwa
ATONIE PROLONGÉE Après un mois d’octobre dans le rouge, la place casablancaise arrive, autant que faire se peut, à afficher un léger mieux pour clore novembre en territoire positif. A ce niveau, son indice vedette positionne, in-extremis, sa contre-performance annuelle au-dessus de la barre de -5,50%. Dans ce contexte, le MASI affiche un léger rebond mensuel de 0,13% à 9 093,21pts au moment où le MADEX se hisse de 0,30% à 7 421,15pts. La valorisation globale du marché se situe à 458,36 Mrds Dhs avec un léger sursaut mensuel de 0,16% comparativement à octobre 2015.
A
u terme du mois de novembre, le MASI a enregistré une légère baisse de 0,2% par rapport à fin septembre, ramenant sa contreperformance depuis le début de l’année à 5,5%. L’analyse des indices sectoriels indique des baisses de 7,5% pour les « bâtiments et matériaux de constructions », de 1,3% pour les « banques », de 8,1% pour la « distribution » et de 4,2% pour les assurances. En revanche, les indices « télécommunications » et « immobilier » se sont inscrits en hausse respectivement de 5,9% et de 11,9%. Dans ces conditions, le Price Earnings Ratio s’est établi à fin novembre 2015 à 17,3 après 17,5 au troisième trimestre et le Price to Book Ratio s’est stabilisé à 2,28 et s’est déprécié de neuf points de base par comparaison à fin décembre 2014. Pour ce qui est
LÉGER SURSAUT PAR RAPPORT À LA MÊME PÉRIODE DE 2014
70
PERSPECTIVES MED
des échanges, le volume mensuel moyen s’est chiffré à 2,2 Mrds Dhs entre octobre et novembre, contre 2,6 Mrds Dhs au cours du troisième trimestre 2015 et près de 3 Mrds Dhs en novembre. Ces transactions ont été effectuées principalement sur le marché central, avec un volume mensuel moyen de 1,8 Mrds Dhs, contre 1,6 Mrds Dhs au trimestre précédent et 2,1 Mrds Dhs depuis le début de l’année. Du côté du marché de gré à gré, le volume d’affaires brassé totalise 166,97 M Dhs en forte baisse de 95,0% par rapport à novembre de l’année précédente. A ce niveau, 41 710 actions Brasserie Du Maroc ont changé de main au prix unitaire de 2 350,0 Dhs au moment où 253 491 titres CIH ont été cédés au cours de 272,0 Dhs l’action. S’agissant de la capitalisation boursière, elle s’est établie à 458,4 Mrds Dhs à fin novembre, soit quasiment le même niveau enregistré au troisième trimestre, mais demeure en baisse de
5,4% par rapport à fin décembre 2014.
PERFORMANCE NUANCÉE Au chapitre des variations sectorielles, 11 secteurs des 22 cotés ont clôturé le onzième mois de l’exercice 2015 sur une tendance haussière. Dans ce contexte, l’indice «Télécoms» se positionne en tête en s’adjugeant un gain mensuel de 6,05%. Pour sa part, la branche «Immobilier» occupe la 2ème position avec une progression mensuelle de 5,96% et ce, grâce au trio Alliances (+23,63%), RDS (+13,09%) et Addoha (+2,96%). En 3ème rang, c’est la filière «Sociétés Portefeuilles Holding» qui a clôturé le mois sur un léger rebond de 5,08% attribuable au bon comportement des deux valeurs Zellidja (+25,61%) et Delta Holding (+4,71%). En revanche, le secteur «Loisirs & Hôtels» accuse la plus forte baisse mensuelle de 9,20% en raison de la perte accusée par son unique titre RISMA. A son tour, l’indice « Mines» se situe en seconde place en s’adjugeant une décroissance mensuelle de 8,63% redevable à ses principales valeurs Managem (-12,72%), SMI (-5,45%) et CMT (-4,32%). De son côté, la branche «Assurances» se déleste de 6,19% en raison des pertes cumulées par l’ensemble des titres composant le secteur. De ce fait, la légère hausse de la place boursière casablancaise durant novembre trouve son origine, principalement, dans la performance enregistrée par la quasi-majorité des Blue-chips, à l’image de : IAM (+6,05%), Addoha (+2,96%), BCP (+1,31%), Cosumar (+1,13%) et Attijariwafa Bank (+0,31%). Ces cinq valeurs ont contri-
bué, à hauteur de +1,36%, aux gains engrangés par le marché au titre du onzième mois de l’exercice 2015. Enfin, sur le marché obligataire, les levées au cours des mois d’octobre et novembre ont atteint 1,7 Mrds Dhs et ont été effectuées à hauteur de près de 70% par les banques. Le montant des émissions réalisées depuis le début de l’année s’est ainsi situé à 13,1 Mrds Dhs (dont 6,4 Mrds Dhs par les sociétés non financières) contre 9,5 Mrds Dhs sur la même période de 2014, portant l’encours des emprunts obligataires à 100,2 Mrds Dhs, en augmentation de 4,6% par rapport à fin décembre. Par ailleurs, côté OPCVM, au cours du mois d’octobre, les souscriptions à ces titres se sont chiffrées à 44,5 Mrds Dhs contre une moyenne mensuelle de 50,9 Mrds Dhs du troi-
sième trimestre 2015. Parallèlement, les rachats se sont établis à 46,1 Mrds Dhs contre une moyenne mensuelle de 52,8 Mrds Dhs. Pour sa part, la performance globale des OPCVM s’est légèrement améliorée de 0,2% par rapport au T3-2015 et de 2,2% par rapport à fin décembre 2014. Dans ces conditions, l’actif net des fonds OPCVM valorisé à fin octobre, a atteint 310,6 Mrds Dhs, dupliquant le même niveau enregistré au trimestre précédent, mais en hausse de 3,4% par rapport à fin décembre 2014. Par catégorie, l’actif net des fonds diversifiés a enregistré une hausse de 0,4% par rapport au trimestre précédant et celui des fonds obligataires a augmenté de 1,3%, alors que pour les fonds actions et monétaires, les baisses enregistrées ont été respectivement de 0,9% et de 5,5%.
SELON LE CDVM LES PERSONNES MORALES MAROCAINES EN POSITION D’ACHETEURS D’après le CDVM, l’analyse du comportement des différentes catégories d’investisseurs fait ressortir que les personnes morales marocaines (PMM) se sont positionnées en tant qu’acheteurs durant le T3 2015. Par ailleurs, les PME et les intervenants via les réseaux bancaires se sont positionnés en tant que vendeurs. Les autres catégories d’investisseurs ont enregistré des volumes comparables à l’achat et à la vente. Ainsi, les achats de personnes morales marocaines sont supérieurs de 52% à leurs ventes alors que les achats des investisseurs du réseau bancaire et des personnes morales étrangères n’ont représenté que 12% et 60% de leurs ventes respectives.
PERSPECTIVES MED
71
ENTREPRISES AFFAIRE SAMIR Par Mohamed Taleb
TOUT FEU, TOUT FLAMME ! A mesure que le temps passe, le problème de l’unique raffinerie du Royaume s’aggrave. Dans les coulisses, d’autres enjeux seraient en lice. En attendant que les choses se clarifient, le bras de fer se poursuit
T
rouver une solution au conflit opposant la Samir à ses créanciers, Etat marocain en tête, devient plus compliqué et la sortie du tunnel semble lointaine. C’est ce que suggèrent les récentes montées au créneau de part et d’autre mais aussi les avis émis par plusieurs observateurs. « Il est très difficile de répondre à la question de sauver la Samir », nous a confié l’actuel président de la Fédération de l’Energie relevant de la CGEM en soutenant que l’affaire de la Samir devient plus difficile « à résoudre » à mesure que le dossier traîne. Un point de vue qui n’est pas partagé par certains protagonistes suite au lancement officiel par le président du tribunal de commerce des pourparlers entre la Samir et ses créanciers. Mais la majeure partie des impliqués de près ou de loin dans cette affaire sont unanimes à souligner que l’horizon s’assombrit de plus en plus pour ce fleuron de l’industrie nationale. Les dernières tournures prises par l’affaire, notamment l’autorisation de l’exécution de l’une des saisies conservatoires, dont la Samir fait
LES DOUTES PLANENT SUR L'AVENIR DU RAFFINEUR
72
PERSPECTIVES MED
objet, en attestent. Bien que la vente publique aux enchères de 69 lots de mobilier de bureau, d’équipements et de matériel informatique au profit du fabricant d’équipement américain Wilshire Corporation, qui a été annoncée pour le mardi 12 janvier, pourrait être suspendue à la dernière minute suite à une requête de La Samir sous prétexte que la procédure de règlement à l’amiable est en cours, une telle annonce ne fait qu’alimenter les doutes sur l’avenir du raffineur.
AL AMOUDI NE LÂCHE PAS PRISE Sentant l’étau se resserrer de plus en plus sur lui, le management du raffineur s’accroche à toutes les branches de salut. Après la déposition d’une requête de règlement à l’amiable auprès du tribunal de commerce de Casablanca, il cherche à enclencher une procédure d’arbitrage devant le Centre international pour le règlement des différends relatifs à l’investissement (CIRDI) qui est une instance arbitrale de la Banque Mondiale. Pour ce faire, selon Maghreb Confidentiel, il s’est adjoint les services du cabinet français Jeantet qui possède un bureau au Maroc dirigé
par Laurent Sablé. Ce dernier est reconnu pour ses succès en matière de procédures internationales d'arbitrage. Pour rappel, il a remporté le procès opposant le Royaume à la CAF, qui avait suspendu l’équipe nationale des CAN 2017 et 2019 après le refus d’accueillir l’édition 2015 à cause des risques liés au virus Ebola, devant le Tribunal arbitral du sport (TAS). Al Amoudi est allé plus loin en s’offrant également les services d’un ex-conseiller de George Bush à savoir Georges R. Salem. C’est en compagnie de ce dernier que l’avocat de la société, Me Abdelkbir Tabih, ainsi que le DG de la Samir Jamal Baamer, sont partis voir le président du tribunal de commerce de Casablanca dans le but d’aboutir à un règlement amiable. Arrangement qui devrait se faire selon l’esprit du livre V du code de commerce dont la finalité principale est de protéger l’entreprise -en tant qu'entité viable et génératrice d'emploi- et de ce fait « la finalité de règlement collectif des créanciers devient secondaire ». Telle fût l’échappatoire délibérée par les conseillers juridiques du Cheikh Al Amoudi. Reste à savoir si le président du tribunal de commerce de Casablanca réussira, lui ou le conciliateur qu’il devrait nommer, dans sa mission qui d’ores et déjà s’avère très difficile à l’aune du faible taux de réussite et d’utilisation de ce genre de procédures au Maroc. Ceci sans parler de la mise en demeure envoyée par l’investisseur principal au Chef du gouvernement, Abdalilah Benkirane, dans laquelle il lui a rappelé que la saisie du CIRDI se fait dans le cadre de « l’accord de promotion et de protection des investissements signé le 26 septembre 1990 à Rabat entre le Royaume du Maroc et le Royaume de la Suède étant donné que Corral est une société de droit suédois ». En fait, ce qui a été considéré comme un ultimatum d’Al Amoudi n’est qu’une notification envoyée selon l’article 8 de ladite convention qui stipule que « si un différend d’ordre juridique à un investissement naît entre une Partie Contractante et un investisseur de l’autre Partie Contractante, il sera, autant que possible réglé à l’amiable entre les parties en litige», et « si un tel différend ne peut être réglé à l’amiable dans un délai de 4 mois à compter de la date d’une notification faite par l’une des Parties Contractantes en litige chacune des deux parties consent à le soumettre, aux fins d’arbitrage au CIRDI » (voir encadré).
LABYRINTHE JURIDIQUE Depuis le déclenchement de la crise de la Samir avec l’arrêt délibéré de l’activité de raffinage en début d’août dernier, les analyses concernant les causes de cette décisionont été unanimes sur la raison principale : problèmes de gouvernance. A cette question, l’ancien ministre de l’Energie et des mines, Mohammed Fettah, précise que « les chiffres relatifs à la dette, leur importance, leur diversité montrent manifestement qu’on a été négligeant sur ce côté de vigilance, de respect des engagements, de rationalité de la gestion de la raffinerie ». Ce qui a conduit, selon lui, à une « cessation de paiements ». « On ne peut pas l’appeler autrement », a-t-il insisté. Cependant, l’acceptation de la requête du chef de l’entreprise qui devrait, comme la loi l’y oblige (art 550), « exposer la situation financière, économique et sociale, les besoins de financement ainsi que les moyens d'y faire face », suppose que la Samir ne soit pas en cessation de paiements. Il y a lieu de rappeler que ledit article stipule que «la procédure de règlement amiable est ouverte à toute entreprise commerciale ou artisanale qui, sans être en cessation de paiements, éprouve une difficulté juridique, économique ou financière ou des besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l’entreprise ». Ce qui laisse dire que le tribunal
CORRAL INTIME LE MAROC DE RESPECTER UN ACCORD AVEC LA SUÈDE Se basant sur l’article 8 de ladite convention, El Amoudi considère que la non-réception par Corral d’une réponse de l’Etat marocain au bout de 4 mois insinue que ce dernier n’a pas l’intention de régler le litige amiablement. « (…) Nous n’aurons d’autre choix que de saisir officiellement le CIRDI», écrit-il dans ladite notification. Tout en responsabilisant l’Etat, qui «a transgressé» ledit accord, «des pertes qu’a connues et connaît la Samir, le cheikh estime que son «groupe a fait et fait toujours face à un traitement injuste».
PERSPECTIVES MED
73
ENTREPRISES
ne juge pas que la société est en cessation de paiements. Tout en refusant de commenter la situation étant donné que les négociations sont en cours, le ténor du barreau A. Tabih, s’est contenté de faire part d’« une logique de conciliation transactionnelle et d’un climat très positif qui règnent lors des audiences qui se tiennent à huis clos». Rappelons que le communiqué de la Samir annonçant la déposition de ladite requête a souligné qu’elle « est dans l’attente de décisions judiciaires pour permettre la reprise de ses activités et d’assurer la continuité d’exploitation ». Si cette option n’est pas envisageable, autrement dit si le tribunal constate que la filiale de Corral Petroleum se trouve dans « l'impossibilité de faire face à ses exigibilités avec son actif liquide ou mobilisable à court terme », il devra dans ce cas « déclarer qu’elle est en cessation de paiements ». Cette déclaration pourrait se faire, égale-
74
PERSPECTIVES MED
ment, par le management de la société excepté Al Amoudi au cas où ce dernier s’accroche à ne pas verser sa quote-part. C’est ce qui explique, selon une source proche du dossier, la démission du Patron de Holmarcom, Mohamed Bensalah, du conseil d’administration, qui selon la même source « semble vouloir éviter ce genre de problème ». C’est ce qui se cache, selon la même source, derrière les récentes nominations au sein du management de la raffinerie (7 décembre) à des postes stratégiques, notamment, les postes de directeurs (Nabil Alami Afilal comme directeur des achats et contrats, Larbi Ouiskhine directeur des ventes et du marketing et Hicham Essemmar directeur de la trésorerie et des finances). Sous le sceau de l’anonymat, on souligne qu’ «une guerre de clans serait en train de se jouer au sommet hiérarchique ». Après être lâché par ses quatre directeurs de pôles (Abdellatif Mhaidra « raffinage », Mohamed Ghiyyat RH et relation institutionnelles, Abderrahman El Jachaâa « Planification et commercialisation » et Ahmed Harnouch du pôle financier) qui ont, après l’envoie d’une lettre au Cheikh le 13 novembre dernier, adressé, le jeudi 19, une lettre aux trois ministères qui gèrent le dossier (Intérieur, Energie et Finances), El Amoudi cherche autant que faire se peut d’éviter une désolidarisation de son management. « Au cas où celui-ci décide d’agir après avoir pesé le pour et le contre, cela pourrait faire mal, très mal », confie-t-on. De toutes les manières, si jamais la déclaration de cessation de paiements est faite, le tribunal aura le choix entre redressement judiciaire devant permettre la continuation de l’exploitation et liquidation. En tout état de cause « le dossier Samir est en train de tourner à un feuilleton aux dimensions juridiques labyrinthiques», témoigne Mohamed Fettah. Ce fin connaisseur du secteur de l’énergie craint « non seulement l’aspect financier qui est conséquent », mais aussi les problèmes d’ordre technique et mécanique qui ont découlent. « A l’allure avec laquelle vont les choses, on peut avoir un aspect technique et mécanique parce que tous les jours qui passent une unité industrielle qui ne tourne pas, surtout quand elle sujette à des problèmes de corrosion énormes, comme c’est le cas pour le raffinage, subit des pertes de qualité et des atteintes qui rendent son redémarrage extrêmement couteux. Pratiquement, on risque d’avoir un tas de ferraille dans les quelques mois à venir. « Si rien n’est fait, peut-on sauver un tas de ferraille qui traine une dette de plus de 40 Milliards de dirhams sans compter ce que l’on ne sait pas », s’interroge-t-il. Le dossier s’avère des plus inextricables. Ira-t-on de rebondissement en rebondissement ? Seul l’avenir en jugera…
PERSPECTIVES MED
75
ENTREPRISES
OCP
RÉALISATIONS PROMETTEUSES
A fin Septembre 2015, l’Office Chérifien du Phosphate affiche de bonnes réalisations commerciales et financières, confortant le Groupe dans ses orientations stratégiques. En effet, le chiffre d’affaires consolidé du Groupe atteint 37 197 M Dhs à fin septembre 2015, contre 30 915 M Dhs une année auparavant. Cette hausse de 20,1% est attribuable essentiellement à la reprise de la demande indienne et la poursuite des exportations en Afrique, compensant le repli de la demande d’engrais au Brésil et la hausse de l’offre chinoise. D’un autre côté, l’appréciation du prix de vente de la roche de phosphates jumelée à l’augmentation du prix et des quantités d’acides phosphoriques vendus, outre le facteur parité $/ Dhs, ont permis à l’OCP de voir son CA en hausse. Dans ces conditions, l’EBITDA du Groupe s’élève à 13 929 M Dhs, contre 8 554
Alami Lazrak, PDG du Groupe Alliances, a nommé Ahmed Ammor, nouveau DG, en remplacement de Ali Chekroun qui quitte le groupe 6 mois seulement après sa nomination. QUELLE ISSUE? Ammor a occupé plusieurs postes de responsabilité par le passé, dont notamment ceux de Président du Directoire de TMSA (Tanger Med) et de Directeur Financier de Royal Air Maroc (RAM). A noter par ailleurs que le groupe Alliances a introduit auprès du tribunal de commerce de Casablanca une requête pour la liquidation judiciaire de 3 sociétés : la filiale de travaux publics EMT ainsi que 2 entreprises apparentées EMT Bâtiment et EMT Routes.
ALLIANCES
UNE FILIALE HALAL
76
PERSPECTIVES MED
M Dhs un an auparavant. Il en découle une marge d’EBITDA de 37,5% à fin Septembre 2015, contre 27,7% un an auparavant. Pour sa part, le résultat opérationnel s’apprécie de +76,5% à 11 470 M Dhs, d’où une marge de 30,9%. En parallèle, le cash-flow opérationnel se hisse de +3% à 8 521 M Dhs, tandis que le programme d’investissement s’élève à 10 344 M Dhs sur la même période. En termes de perspectives, pour l’année 2015, la société anticipe une évolution positive de son résultat net ainsi que de son EBITDA. Au T4 2015, le ralentissement de la demande des engrais devrait être compensé par la baisse des coûts des matières premières. Au titre de l’année 2016, la demande provenant de l’Inde et du Brésil devrait s’améliorer, mais l’activité globale continuerait de dépendre de l’évolution des taux de change et des prix de vente.
FINANCEMENT RÉUSSI POUR MEDI TÉLÉCOM Medi Télécom et un consortium de banques marocaines (BMCE BANK, BMCI, SG et CDM) ont procédé récemment à la signature d’un crédit long terme d’un montant de 3,2 Mrds Dhs. Ce nouveau financement permettra à l’opérateur, détenu par les Groupes Finance Com, CDG et Orange, d’achever la modernisation et l’extension de son réseau entamé en 2013. Méditel entend ainsi poursuivre ses investissements dans le très haut débit avec la 4G, la fibre et l’ADSL, ainsi que sa stratégie de digitalisation et d’offre de services centrés sur le client.
Qatar International Islamic Bank (QIIB) et le groupe marocain Crédit immobilier et hôtelier (CIH) ont signé un accord de joint-venture pour la création d’une banque islamique au Maroc. Voulant se développer sur le créneau halal, le CIH s’est dégoté un partenaire de choix qui a une forte stratégie d’investissement à l’étranger et de diversification de portefeuille. La banque qatarie détiendra une participation de 40% dans la future banque et sera lancée dans les prochains mois après l’obtention des autorisations nécessaires. Sur ce point, le gouverneur de la Banque centrale a affirmé que les premières licences bancaires islamiques seront accordées à partir de janvier 2016, révélant que son institution a déjà reçu onze demandes d’agrément.
PROFIT-WARNING
MAGHREB OXYGÈNE CHUTE Au titre de l’exercice 2015, la société Maghreb Oxygène devrait présenter des résultats sociaux et consolidés en recul en comparaison avec les objectifs fixés et les résultats de l’exercice précédent. Un repli attendu relevant strictement des règles prudentielles observées par la société en matière de recouvrement des créances de son portefeuille. Aussi, exceptionnellement cette année, eu égard notamment aux sérieuses difficultés rencontrées par le raffineur SAMIR, et en l’absence de visibilité quant à un éventuel plan de reprise le concernant, les résultats de la société seront essentiellement grevés par le provisionnement des créances imputables à ce dernier. Une décision répondant à une conjoncture exceptionnelle qui affecte de fait la lecture de l’efficacité commerciale attendue pour 2015. Pour l’année prochaine, Maghreb Oxygène entend renouer avec la performance pour laquelle elle demeure pleinement confiante en sa capacité à l’inscrire dans la durée.
AUTO HALL NE DISTRIBUE PLUS LES MARQUES FIAT-CHRYSLER Dans un communiqué du groupe Fiat Chrysler Automobiles Morocco (FCAM), et dans le cadre de sa nouvelle stratégie de développement sur le territoire marocain, le groupe annonce que ses marques automobiles (Alfa Roméo, Chrysler, Fiat, Jeep, Lancia et Abarth) ne seront plus commercialisées par le groupe Auto Hall. Cependant et suite à cette décision, FCAM indique qu’il a déjà entrepris l’extension de son réseau de distribution grâce à l’ouverture de plusieurs concessions, à travers tout le Royaume.
5783 C’EST LE NOMBRE DE FAILLITES D’ENTREPRISES ENREGISTRÉ EN 2015 EN AUGMENTATION DE 15% PAR RAPPORT À 2014.
Malgré ses 37 tramways opérationnels et la hausse de 11% de la fréquentation enregistrée entre 2014 et 2015, Casa Tram traine toujours un déficit que la commune urbaine de Casablanca ne cesse de combler. Après la sortie de la Caisse de Dépôt DANS LE ROUGE et de Gestion (CDG) de son capital, la société gérée par la RATP prévoit toujours pour 2016 des tarifs subventionnés par la ville à hauteur de 40%. De plus, et pour sortir du rouge, Casa Transport n’a pas hésité à conclure un partenariat avec Wafasalaf en vertu duquel la station «Les Hôpitaux» porte désormais le nom de la filiale crédit conso d’Attijariwafa bank.
CASATRAM
CLUB AFRIQUE DÉVELOPPEMENT
LE CLUB DES INITIÉS Inspiré de la vision de son actionnaire de référence la SNI, le groupe Attijariwafa bank inaugure une nouvelle étape dans le renforcement de son dispositif d’accompagnement des opérateurs économiques africains en lançant le Club Afrique Développement. Ce Club a pour vocation d’être une plateforme de services à valeur ajoutée, un initiateur de débats et de rencontres d’affaires au service des dirigeants d’entreprises et décideurs africains ainsi qu’une force de propositions pour une meilleure intégration et un bon environnement des affaires dans le Continent. Mohamed El Kettani, PDG du groupe, a mis en exergue l’importance que revêt cette nouvelle plateforme née du besoin exprimé par les entrepreneurs et décideurs africains et internationaux qui participent chaque année au Forum International Afrique Développement. Cela sans oublier la volonté de l’actionnaire de référence de la banque, la SNI, d’investir et de s’investir dans l’enrichissement des débats et la consolidation des échanges et de l’intégration économique en Afrique.
PERSPECTIVES MED
77
ENTREPRISES
KIA MOTORS .B.G Par: Abou Marwa
SUR LA BONNE VAGUE
DOUCEMENT MAIS SUREMENT, LA MARQUE CORÉENNE KIA, QUI A FAIT SENSATION DURANT LES ANNÉES 2000, EST SUR LA VOIE DE RETROUVER SA GLOIRE D’ANTAN. FAISANT FI DES MÉANDRES CONNUS PAR L’ANCIEN REPRÉSENTANT LOCAL, LE GROUPE KIA MOTORS BIN OMEIR GROUP (KMBG) S’EST ARMÉ D’UNE STRATÉGIE SUSCEPTIBLES D’ASSOIR DANS LE TEMPS LA NOTORIÉTÉ DE LA MARQUE ET AINSI RECONQUÉRIR LE MARCHÉ MAROCAIN. LE POINT AVEC CHARAF BENNANI, DIRECTEUR MARKETING DE KMBG.
78
PERSPECTIVES MED
PERSPECTIVES MED : LA RÉINSTALLATION DE KIA S’EST ACCOMPAGNÉE DE PLUSIEURS OBJECTIFS ÉNONCÉS PAR LE NOUVEAU MANAGEMENT À CETTE OCCASION, QUEL BILAN PROVISOIRE DRESSEZ-VOUS 14 MOIS APRÈS ? CHARAF BENNANI : Tout d’abord, je tiens à préciser que le lancement opérationnel de la marque au Maroc fut plus long que prévu. En effet, notre activité commerciale n’a débuté qu’en janvier 2015. Pour répondre à votre question, nous prévoyons de terminer l’année avec environ 2.000 véhicules vendus, ce qui est pour ma part, une performance satisfaisante, compte tenu de la jeunesse de notre structure ainsi que notre couverture du territoire qui est présentement encore loin d’être optimale. L’AMBITION DE RETROUVER LE TOP-TEN DES MARQUES LES PLUS VENDUES SUR LE TERRITOIRE PASSE INÉLUCTABLEMENT PAR UNE OFFRE ÉTOFFÉE SUR LES DIFFÉRENTS SEGMENTS. QUELLE EST VOTRE STRATÉGIE DANS CE SENS ? ET QUEL EST, SELON VOUS, LE FER DE LANCE QUI DEVRAIT REHAUSSER LES VENTES DE LA MARQUE ? C.B: Même si cela est implicitement le challenge instinctif de beaucoup d’entre nous, réintégrer le Top Ten des marques les plus vendues au Maroc n’est pas une finalité en soi. Sans pour autant ignorer le contexte dans lequel nous évoluons, nous préférons focaliser nos efforts sur l’ensemble des chantiers orientés développement « interne », avant de pouvoir se tourner vers l’ «externe» et se comparer aux autres acteurs du marché. Pour ce qui est de notre offre, les gammes KIA couvrent environ 80% des segments, allant de la Micro Citadine, star de la gamme, qui n’est autre que la fiable Picanto, à l’imposant 4x4 7 places Sorento ou la Berline Routière Optima, en passant par l’équilibrée Compacte Cee’d, ou encore l’original Soul. En ce qui concerne le VUL, nous disposons du Pick-Up K2700, un des plus grands du marché et surtout transformable à volonté. Par ailleurs, pour que nos ventes continuent sur la même courbe croissante en 2016, nous nous appuierons sur plusieurs leviers: Pour commencer, une couverture réseau plus étoffée. En effet, après 1 an d’activité, nous sommes à 4 succursales et 6 concessionnaires aujourd’hui. Dans ce sens, nous prévoyons plusieurs ouvertures de points de Ventes et de Service Après-vente, respectant les normes et la charte internationale imposés par notre constructeur, sur plusieurs villes du royaume, ainsi qu’un renforcement de notre présence casablancaise (i.e. 50 % environ du marché automobile marocain) laquelle sera doublée à 4 points de vente au terme de
l’année 2016. Et bien sûr, qui dit développement réseau, sous entend forcément un accroissement sine qua non de notre capital humain, méticuleusement recruté avant d’être adéquatement formé. Cela se fera également au moyen de lancements de nouveaux modèles importants sur 2016, que nous considérons stratégiques pour notre business model. En parallèle d’un positionnement prix-produit minutieusement étudié sur l’ensemble de nos gammes, afin de proposer sur chaque segment, une des meilleures (si ce n’est la meilleure) offres du marché, aussi bien en prix de vente public qu’en offres promotionnelles et animations commerciales. Autre atout qui n’est pas des moindres, tous nos modèles particuliers bénéficient d’une garantie constructeur de 5 ans, unique pour une marque dite généraliste au Maroc. Autre levier, le salon de l’automobile 2016 qui insufflera une dynamique certaine et profitera au secteur dans sa globalité, comme à chaque année où il a lieu. Enfin, le tout sera bien entendu accompagné par un solide Plan Marketing et Communication. QUELS SONT VOS AMBITIONS POUR 2016 ? QU’EN EST-IL DU VOLET MÉCÉNAT OU PARRAINAGE QUE LA MARQUE AFFECTIONNE PARTICULIÈREMENT ? Au-delà des chiffres que nous comptons au passage au moins doubler (i.e entre 4.500 et 5.000 unités sont prévues sur 2016), notre objectif premier l’année prochaine, est de mener à bien tous les chantiers évoqués plus haut. En effet, notre priorité, celle qui fédère tout le staff KMBG, est
de se réinstaller de façon saine et pérenne dans le paysage automobile marocain… Rassurer les clients anciens et futurs sur le long terme. Logiquement, ce n’est qu’une fois que cela acquis et accompli que nous pourrons passer à la vitesse supérieure. Pour ce qui est du volet parrainage et sponsoring, comme vous le savez déjà, nous sommes Sponsor Officiel du club champion en titre de la Botola, le Wydad Athletic Club. Pour rester dans le sport, nous avons créé un marathon golfique, un événement unique en son genre dans le monde, à savoir les «24 Heures du Golf by KIA». Nous avons également sponsorisé d’autres événements culturels ciblés, lesquels véhiculent les mêmes valeurs que notre marque, notamment le «Concert pour la Tolérance» qui a eu lieu à Agadir le mois d’Octobre dernier, ou encore plus récemment sur le mois de novembre passé, la 12ème édition du Festival International des Musiques Andalouses, plus connu sous «Andalussyat», ce qui nous permet de contribuer humblement à la préservation ainsi que la diffusion de cette belle musique qui a fortement marqué notre patrimoine national.
NOUS PRÉFÉRONS FOCALISER NOS EFFORTS SUR L’ENSEMBLE DES CHANTIERS ORIENTÉS DÉVELOPPEMENT «INTERNE»
AUTO ONE PREMIER CENTRE MULTIFONCTIONS POUR LA PREMIÈRE FOIS AU MAROC, AUTO ONE VIENT DE LANCER UN CONCEPT DE CENTRE AUTOMOBILE DE PROXIMITÉ ASSOCIANT LA VENTE, L’ENTRETIEN, LA RÉPARATION ET LE MONTAGE. GRÂCE À UNE OFFRE COMPLÈTE DE PRODUITS ET DE SERVICES, AUTO ONE, RÉPOND AUX ATTENTES DES AUTOMOBILISTES EN MATIÈRE D’ÉQUIPEMENT, D’ENTRETIEN, DE CONFORT ET DE SÉCURITÉ. IMPLANTÉ AU SEIN DES CENTRES ATACADAO, AUTO ONE PERMETTRA AUX AUTOMOBILISTES, PARTICULIERS OU PROFESSIONNELS, D’ÉQUIPER, D’ENTRETENIR ET RÉPARER LEURS VÉHICULES AU MEILLEUR RAPPORT QUALITÉ-PRIX. AVEC UNE SURFACE DE VENTE DE 400 M², AUTO ONE AÏN SEBAA PROPOSE À SES CLIENTS DE NOMBREUX PRODUITS : PNEUS, JANTES, HUILE, BATTERIES, AUTORADIOS, GPS, PRODUITS D’ENTRETIEN, ACCESSOIRES INTÉRIEURS, PRODUITS TUNING ET PIÈCES MÉCANIQUES (PLAQUETTES DE FREINS, AMORTISSEURS, ETC). LE MAGASIN COMPTERA PRÈS DE 3 000 RÉFÉRENCES, AFIN DE SATISFAIRE TOUS LES CLIENTS, DU PASSIONNÉ D’AUTOMOBILE AU CHEF DE FAMILLE EN PASSANT PAR LES PROFESSIONNELS DE LA ROUTE. ETAPE AUTO MAROC, LE PROMOTEUR DU PROJET, PRÉVOIT L’OUVERTURE DE 5 CENTRES D’ICI 2020.
PERSPECTIVES MED
79
TRENDS
80
PERSPECTIVES MED
SCAMA/FORD
AMERICAN DREAM
Par: A.M.
Scama, distributeur exclusif de la marque Ford, a inauguré en grande pompe son nouveau showroom 3S à la sortie de Casablanca. Un démarrage sur les chapeaux de roues puisque le distributeur a profité de l’occasion pour lancer sur le marché la mythique Mustang.
2
015 est un bon cru pour la marque Ford et son distributeur national Scama. Elle signe un record des ventes jamais atteint de la marque en hausse, présage-t-on, de 4%. En ligne avec ces réalisations, Ford continue sa stratégie d’expansion au Maroc avec neuf nouveaux showrooms inaugurés dans huit villes. Cependant, l’accomplissement le plus abouti n’est autre que la nouvelle plateforme 3S, incluant une salle d’exposition, un magasin de pièce de rechange et le service après-vente, l’ensemble minutieusement conçu dans le but de fournir au client le meilleur service. SCAMA offre une gamme complète de véhicules particuliers : Ka, Fiesta, Focus, Kuga, C-Max, B-Max, Fusion... Ceci sans parler de la nouvelle recrue qui n’est autre que la mythique Mustang dont 4 unités ont déjà été vendues. Un pur-sang dans l’écurie Présentée en avant-première lors de l’inauguration du showroom, la nouvelle Mustang est désormais disponible chez Scama. « Cette nouvelle Mustang est particulièrement attendue et nous sommes ravis que les clients marocains puissent désormais en profiter eux aussi », a affirmé A. Ennaciri, Directeur Général de SCAMA. Entièrement revu, le style de la Mustang reflète tout le caractère de cette légende de l’automobile. Elle conserve les éléments de style essentiels du modèle d’origine, à l’image de son long capot sculpté et de son arrière musclé, mais dans une exécution contemporaine. Les deux modèles proposés, coupé et cabriolet, reprennent des éléments stylistiques qui font partie de l’ADN Mustang, comme les feux arrière triplebarre en trois dimensions, la calandre trapézoïdale caractéristique et le carénage avant en
gueule de requin. Cette Mustang dans sa version européenne, une première en 50 ans de carrière, est équipée du nouveau moteur EcoBoost 2,3 litres associant une injection directe d’essence, une distribution à calage variable et un turbocompresseur, qui promet des performances et des sensations de conduite toujours aussi exceptionnelles. Le bloc moteur bénéficie de technologies uniques pour son collecteur d’admission et son carter de turbo, le tout lui permettant d’atteindre une puissance de 314 ch pour un couple de 434 Nm, des valeurs largement dignes de la Mustang. Une transmission automatique avec palettes au volant vient agrémenter le plaisir de conduire. Les conducteurs de la Mustang apprécieront aussi sa mise à niveau technologique. Inspiré de l’aviation, le poste de conduite associe des commandes tactiles et des boutons classiques. Son instrumentation claire fournit toutes les informations nécessaires au conducteur. De plus, équipée de la nouvelle évolution du système de connectivité Ford SYNC 2, la mustang réagit au doigt et à la voix grâce au grand écran tactile haute définition de 8 pouces et aux commandes vocales enrichies qui permettront de piloter les équipements multimédias, la climatisation et les téléphones mobiles compatibles. Pour les amateurs des grandes sensations, le ticket à acquitter pour la merveille « eco-boostée » est de l’ordre de 520.000 Dh. De quoi faire un parjure au traditionnel V8…
PERSPECTIVES MED
81
TRENDS
BMW X1
LE BAROUDEUR FAIT PEAU NEUVE
E LE GROUPE SMEIA VIENT DE LANCER SUR LE MARCHÉ LA NOUVELLE MOUTURE DU PETIT BAROUDEUR BMW. AVEC PLUS DE 730 000 UNITÉS VENDUES DANS LE MONDE, LA SECONDE GÉNÉRATION DE CE MODÈLE À SUCCÈS DEVRAIT RENCONTRER, LOCALEMENT, LE MÊME ENGOUEMENT. 82
PERSPECTIVES MED
ntièrement renouvelé, le X1 offre un espace plus généreux pour les passagers et les bagages, une ambiance exclusive et des fonctionnalités de pointe reposant sur une mécanique solide. Les moteurs quatre cylindres, issus de la dernière génération du groupe BMW, la version à efficience optimisée du système intelligent quatre roues motrices BMW X Drive et la technologie du châssis nouvellement développée contribuent ensemble à améliorer la performance sportive et le plaisir de conduite du véhicule – en plus d’une consommation de carburant et d’émissions réduites de près de 17 % par rapport au précédent modèle. Autre détail de taille, c’est le premier BMW X à traction avant pour son modèle à deux roues motrices, une construction qui a été développée pour offrir une dynamique de conduite propre à la marque. Outre son dynamisme et son efficacité, un ensemble d’équipements innovants contribuent à donner au nouveau BMW X1 une position exclusive dans son segment. Parmi les articles disponibles en option, les projecteurs LED, le contrôle Dynamic Damper, l’affichage tête haute et le dispositif Driving Assistant Plus. En plus de la dotation de base, les finitions xLine et Sport Line sont les alternatives disponibles pour une plus forte personnalisation. Prenons l’exemple de l’extérieur du modèle xLine qui met en avant la calandre BMW et ses barres en aluminium mat. Son allure robuste est accentuée par des touches d’argent mat sur les prises d’air, les caches de bas de caisse et la protection anti-encastrement. L’habillage intérieur comprend des sièges en tissu/ cuir de couleur marron granite/noir et des inserts décoratifs de couleur avec des touches en chrome à l’éclat nacré. Le BMW X1 est actuellement disponible avec le dispositif Driving Assistant Plus, le système de régulateur de vitesse avec fonction Stop & Go, l’avertisseur de franchissement de ligne, le pilote automatique en embouteillage, l’avertisseur de risque de collision et la protection active des piétons avec fonction d’amorce de freinage en ville. Ces systèmes sont complétés par des applications permettant aux automobilistes de profiter de plus de confort, de navigation et d’info-divertissement selon leurs envies. Quant aux tarifs, le nouveau BMW X1 est vendu à partir de 341.000 Dhs pour la finition « Avantage » avec le moteur sDrive20d pour atteindre 472.000 Dhs pour la finition « Sport Line » équipée du moteur xDrive20d.
CULTURE
SEXE POLITIQUE ISLAM
SACRÉ TRYPTIQUE! DANS L A SPHÈRE ARABE, NUL BESOIN DE SOULIGNER QUE LE COMBAT DE L A LIBÉRATION PASSE IMMANQUABLEMENT PAR UNE AUTRE APPROCHE, PLUS LIBÉRÉE, DU SEXE, DE L A POLITIQUE ET DE L A RELIGION. ET L’OPUS DE FATEMA MERNISSI « SEXE, IDÉOLOGIE ET ISL AM » RÉSUME BIEN CE TRYPTIQUE. IL RÉSUME, À LUI SEUL, LE COMBAT POUR LEQUEL L A SOCIOLOGUE A VOUÉ SA CARRIÈRE. DÉFRICHANT LE SACRÉ ET VIOL ANT LES IDÉES REÇUES. SON COMBAT POUR L’ÉMANCIPATION DE L’ÊTRE MAROCAIN NE SAURAIT S’ACCOMMODER DE L A RÉGURGITATION AD NOSEAM D’UNE PENSÉE ÉCULÉE ET MOMIFIÉE. UN ENGAGEMENT QUI RAPPELLE, POUR CEUX QUI ONT TENDANCE À L’OUBLIER, QUE « L A SOCIOLOGIE EST UN SPORT DE COMBAT ». C’EST UNE DISCIPLINE QUI OUVRE AUSSI BIEN LES YEUX SUR LE RÉEL QUE L’ESPRIT.
PERSPECTIVES MED
83
CULTURE
SOCIOLOGIE Par Lamia Mahfoud
LES COMBATS DE F. MERNISSI La sociologie marocaine est orpheline. En s’éclipsant, Fatema Mernissi lègue un florilège d’essais sur la femme, l’islam et la liberté. C’est sur tous ces fronts là que l’essayiste s’est acharnée à briser les tabous. Ses combats restent des plus actuels.
L
a sociologie est un sport de combat » disait Pierre Bourdieu. Et tout porte à croire que cette discipline qui relève des Humanités a été pratiquée, au Maroc, dans cette logique là. Fatema Mernissi qui a choisi de franchir l’Atlantique pour se consacrer aux études supérieures, en sacrifiant à la règle générale qui consista en un saut de puce vers la France où elle suivit des cours à la Sorbonne, aura compris, très tôt, que l’intellectuel ne saurait se détourner du militantisme que la société exigeait de lui. Pareil paradigme est vérifiable non seulement à travers l’œuvre variée léguée par la sociologue marocaine, ses recherches sur l’islam, le féminisme et la modernité prennent le pli de l’universalisme, mais transparait aussi de la lorgnette, plus personnelle, qui forgea son image d’intellectuel engagée dont l’accoutre-
RIEN NE VAUT LE TRAVAIL SUR LE TERRAIN, AUPRÈS DES PETITES GENS
84
PERSPECTIVES MED
ment, riche en couleurs, rappelle à bien des égards les racines culturelles auxquelles elle s’accroche par delà son combat pour l’alterité. La Dame de l’Agdal, quartier r’bati où résidait aussi Mohamed Guessous, le grand théricien de la « hamza » historique (l’occasion circonstancielle), a tenté d’apporter sa pierre à l’édifice intellectuel marocain quitte à se faire violence en signant d’un pseudonyme sa thèse de doctorat, évidemment aménagée. Mais Fatna Aït Essabah allait vite céder la place à Fatema Mernissi dont les œuvres ont été traduites en 25 langues. Première sociologue du pays, elle ne se contentait pas de la facilité que procure « la vie de citadelle » pour mieux phosphorer. La militante arpentait les régions les plus éloignées du Maroc pour rester à l’écoute d’un pays qui bouge, même dans la lenteur des transformations générationnelles, et rendre hommage, le cas échéant, aux talentueuses artisanes qui endurent les affres de l’éloignement et de l’isolement. Son travail
sur « Les Aït-Debrouille », dans le Haut Atlas, est symptomatique de cette quête de la vérité là où elle est nichée : même au plus profond de ce « Maroc Inutile ». Les veillées avec les intimes traduisaient ce souci du combat pour la justice et la liberté qu’elle affactionnait tant. Car F. Mernissi connaît un bon bout des « années de plomb » qui ont brisé des vies. Ce qui ne l’a jamais empêché de prendre part aux combats pour l’émancipation de la société de la vision androgyne vermoulue dans les linceuls des siècles passés. La sociologue se plaisait à jouer la partition de la déconstruction. Et il en va ainsi de l’image « fantasmée » que l’Occident s’est forgée de la femme arabe. Que ce soit dans « Sexe, idéologie et Islam » (Editions Tierce, 1983), essai qui rencontra un succès éditorial sans précédent, ou « Rêves de femmes » (Albin Michel, 1996), la perception européenne du harem, fantsamée par les peintures de Delacroix, Matisse, Picasso ou Ingres, est critiquée pour ce qu’elle est : irréelle. Mais ce travail critique n’épargne pas, non plus, les aprioris nourris localement sur une prétendue égalité des sexes dans la culture berbère. La femme berbère endure aussi les affres de l’exclusion à laquelle s’accroche encore les « Amghars »… « Shéharazade goes west » (Pocket Books, 2001), traduit en français Le Harem et l’Occident (Albin Michel, 2001), livre qui empreinte aux fameuses fauilles des « Mille et une nuits », invitait les femmes de l’Orient et de l’Occident à agir par les mots pour contrer la violence qu’elles subissent. Aux yeux de Fatema Mernissi, ses héroïnes sont intelligentes et usent de mille et un stratagèmes pour changer leur destinée et conquérir le pouvoir. Ne retrouve-t-on pas la culture du harem même en Occident, jugé éminemment émancipateur, alors que les femmes sont soumises à « la dictature de l’image de la minceur », cette quête de « la taille crevette » dont le pendant maladif n’est autre que l’anorexie généralisée ? Pour s’être saisie avec courage des grandes questions de société – féminisme, islam et modernité –, Fatima Mernissi était devenue, d’abord au Maghreb puis au-delà, une icône pour toute une génération d’intellectuels. Dans Rêves de femmes, une enfance au harem (Albin Michel/Le Fennec, 1994, le Livre de Poche, 1998), l’œuvre fictionnelle
tisse les fils de la mémoire en évoquant une multitude de figures féminines hautes en couleur. Dans la lignée assumée des Mille et une nuits, Mernissi y mêle le récit, par moments autobiographique, et des réflexions sociologiques par la bouche d’une fillette découvrant sa place dans le monde et, surtout, les frontières (hûdûd) fixées par une société patriarcale. Originellement écrit en anglais, Rêves de femmes consacre la carrière originale d’une sociologue sortie des sentiers battus de l’université. Voilà qui rappelle la constance de son combat. Car souvenons-nous qu’en 1975, une année après avoir décroché son doctorat (Université de Brandeis/Massachsetts), elle n’hésita pas à tirer de sa thèse une première publication, Beyond the Veil, qui s’impose rapidement aux USA comme un classique des cultural studies. Sa thèse : les profondes entraves à la liberté des femmes dans les pays dits « islamiques » ne trouvent pas tant leur origine dans les sources scripturaires que dans des formes de contrôle théorisées dans un second temps de l’islam, notamment sous la dynastie des Omeyyades. On imagine dès lors la poussé d’urticaire qu’elle a favorisé au sein d’une « bienpensance » traditionnaliste qui use et abuse de l’excommunication… En 1987, lors de la sortie du « Harem politique », la vindicte des islamistes marocains était au rendez-vous. Même les Oulémas, en partie, ont mal réagi à ses écrits. La sociologue interpelle « la conscience malheureuse » des gardiens du temple en invoquant une nécessaire réappropriation du message du prophète Mohamed qui s’inscrit en faux vis-à-vis de la « misogynie » de son successeur, le calife Omar. Un postulat qu’elle argumente au détriment du « plus juste » des compagnons du prophète ! Mais l’enjeu « émancipateur » vaut, à ses yeux, plus que ce que toute démarche iconoclaste puisse générer comme reproches. L’attaque de l’orthodoxie étant synonyme, en ce bas monde, d’héresie. D’ailleurs, elle ne se lasse jamais de répéter à l’envi la dimension démocratique qui sous-tend la révélation Mohammedienne, la panne se situant, selon elle, au niveau de la culture interprétative. Bien
ICONOCLASTES ONT ÉTÉ SES CONSTATS SUR PLUSIEURS SUJETS
PERSPECTIVES MED
85
CULTURE entendu, l’exgésèse qu’elle formule relève de l’approche conciliatrice du substrat culturel islamique qui, à bien des égards, reste clos sur l’échiquier arabe. On est loin des appels plus catégoriques au dépassement du champ de la doxa dont le verrouillage, aussi systématique que systémique, assure la reproduction de l’obscurantisme ambiant. Là, F. Mernissi préfère voir la moitié pleine de la coupe. Quand bien même ses écrits ne soient pas du goût de ceux qui s’érigent en « veilleurs » immémoriaux d’un message transcendantal. Elle venait d’inaugurer un chantier nouveau de recherche sur le discours religieux agissant en précurseur dans l’ère maghrébine. Dans son premier essai, elle tentera de démontrer comment le discours savant coïncide totalement avec le discours populaire pour disqualifier les femmes et les charger de préjugés. Elle emploiera tout un corpus d’adages pour étayer sa thèse résumée dans « Sultanes Oubliées » (Albin Michel). Pourtant, dans ce livre, Mernissi s’est employée à répondre à l’Occident alors que Benazir Bhutto est devenue premier ministre du Pakistan, un pays musulman dont le rigorisme a fini par être fatal à l’héritière Bhutto. Elle fait le décompte des femmes qui ont dirigé les pays musulmans. Pas moins de seize cas qui donnent à réfléchir. Et celui de Zeineb, la mère d’Haroun Errachid, a de quoi bousculer les idées reçues des orientalistes sachant que cette sultane là régnait sur l’empire abbasside, un des plus grands en terre d’Islam. Dans son opus paru chez le même éditeur « La peur – modernité » , la sociologue s’échine à démontrer, chiffres à l’appui, que ce qu’investit l’Arabie saoudite dans l’achat d’armes, peut servir au décollage de toute l’aire arabe s’il était investi dans le domaine de la recherche scientifique. Plus grave, elle expliquera que le royaume saoudien entretient sa dépendance en acquérant des armes sophistiquées.. A ses yeux, et c’est son sacerdoce, la modernité du monde arabe passe inéluctablement par l’assimilation des sciences et des connaissances. Mais au-delà de la bataille des idées, et il n’est pas question de les minore ici, F. Mernissi a plongé, dans les années 1990,
86
PERSPECTIVES MED
en plein dans la vie associative foisonnante. Au-delà de son combat aux côtés des associations féminines qui bataillent toujours pour l’égalité, la sociologue faisait œuvre d’un grand messianisme en animant des ateliers d’écriture avec des amateurs, des militants des droits humains,
d’anciens prisonniers des « années de plomb »... Tous ceux qui l’ont cotoyée de près se sentent orphelins. Et mesurent combien le combat idéel qu’elle a osé engager, en bravant les mentalités rétrogrades, reste d’actualité. Daech que l’on prétend moribond est encore loin d’être mort…
HAMADI REDISSI RÉFUTE LE JIHADISME
LE « CHAOS ENSAUVAGÉ » Politologue et publiciste tunisien : « Le jihad n’a jamais été une obligation individuelle dans l’Islam et en étaient dispensés ceux qui ne voulaient pas le faire, car «Il n’appartient pas aux croyants de partir tous en campagne» (sourate 9: verset 122). Il se menait d’après le respect d’un corpus de texte et selon de nombreuses précautions, comme le respect des femmes, des enfants, des vieillards. L’islam radical des années 1980 éprouvait d’ailleurs toute la peine du monde à justifier la prétendue guerre sainte. Aucune de ces règles inscrites depuis l’âge classique dans la tradition islamique – que je ne défends évidemment pas ! – n’ont plus de valeur pour les terroristes. Le droit dans la guerre, le jus in bello, n’a plus aucun sens pour ces barbares. Bref, tout est permis sur fond de nihilisme. Car les terroristes de Daech ne tuent même plus des ennemis ou des infidèles ; il n’est question que de gérer un “chaos ensauvagé”, selon les mots de l’un d’entre eux, qui pose les jalons de l’ordre barbare dans un livre intitulé, en arabe, Administrer la sauvagerie ».
GUERRE DES CIVILISATIONS
A. BADIOU NEUTRE ? « Si l’on considère que la religion est le point de départ de l’analyse, on ne s’en sort pas, on est pris dans le schéma aussi creux que réactionnaire de «la guerre des civilisations». Je propose des catégories politiques neutres, de portée universelle, qui peuvent s’appliquer à des situations différentes. La possible fascisation d’une partie de la jeunesse, qui se donne à la fois dans la gloriole absurde de l’assassinat pour des motifs «idéologiques» et dans le nihilisme suicidaire, se colore et se formalise dans l’islam à un moment donné, je ne le nie pas. Mais la religion comme telle ne produit pas ces comportements. Même s’ils ne sont que trop nombreux, ce ne sont jamais que de très rares exceptions, en particulier dans l’islam français qui est massivement ¬conservateur. Il faut en venir à la question religieuse, à l’islam, uniquement quand on sait que les conditions subjectives de cette islamisation ultime ont été d’abord constituées dans la subjectivité des assassins. C’est pourquoi je propose de dire que c’est la fascisation qui islamise, et non l’islamisation qui fascise. Et contre la fascisation, ce qui fera force est une proposition communiste neuve, à laquelle puisse se rallier la jeunesse populaire, quelle que soit sa provenance. »
L. POITRAS DÉNUDE L’ONCLE SAM
«CITIZEN FOUR», OSCAR ET ESPOIR Par L.M.
Un Oscar pour le meilleur documentaire ? Laura Poitras l’a eu grâce à « Citizen Four » consacré à la saga Snowden. L. Poitras s’inscrit, elle aussi, dans le rang des lanceurs d’alerte. Armée en cela de sa caméra et d’une démarche lucide. Celle qui promet des lendemains meilleurs…
D
ans l’univers du cinéma, le courage ne manque pas. C’est la leçon que livre Laura Poitras à ses semblables en révélant la face sordide de la plus grande démocratie du monde, l’Empire de l’Oncle Sam. Pourtant, rien ne distingue cette quinquagénaire d’une bonne partie de ses concitoyens. Si ce n’est sa hargne à lutter pour faire éclore la vérité. Dame courage, elle l’est, elle qui a enduré, près d’une décade durant, les affres des contrôles de la puissante agence américaine de sécurité, la fameuse NSA. A chacun de ses retours au bercail, elle savait à quoi s’attendre, elle dont le nom figurait dans la fameuse Watch List de l’Agence. Fouille, matériel confisqué, carnets, vidéos… Le Patriot Act est en action. Une fâcheuse habitude pour une globe trotteuse que la curiosité a conduit en Irak, au Yémen et jusqu’à Hong Kong pour y rencontrer, dans le plus grand secret, le lanceur d’alerte qui s’est exilé en Russie, Eduard Snowden. Toute sa production a été consacrée, depuis le 11 septembre 2001, a son pays qui s’est laissé emporter par les flots de la violence au point d’adopter à l’identique les tics des systèmes oppressifs et totalitaires. C’est dans cette marmite-là que la bostonienne a fini par plonger à défaut de se réaliser comme cordon bleu… Avec son salaire d’apprentie, elle s’offre une formation en cinéma au San Francisco Art Institute avant de se tourner vers New York. Avant de découvrir la grande cuisine US et ses
ingrédients. Mortels ! Vaquant au montage de son film d’études « Flag War », documentaire sur la gentrification d’un quartier noir par la communauté homosexuelle blanche et huppée, elle reçoit un mail la prévenant de la tragédie du World Trade Center. Elle y accoure alors que les Tours s’effondraient, les unes après les autres. Dans les jours qui suivent, elle sort sa caméra et la pose non loin de ce que les politiques allaient appeler « Ground Zero Longs plans fixes et ralenti, elle filme, à la Bill Viola, elle fixa dans la pellicule des new yorkais découvrant les ruines. Elle se souvient de l’atmosphère qui planait sur l’Amérique, l’administration Bush ferraillant pour préparer sa population à la guerre. “Au nom de la sécurité nationale, il a placé l’esprit critique sous coma artificiel, se souvient-elle. Il n’y avait pas de lien entre l’Irak et les attentats, c’était schizophrène. Les « informations » deviennent très abstraites, déconnectées du réel. Le 11 septembre a crée un vide de pouvoir qui lui même a charrié des conséquences inattendues », se souvient-elle. Armes de destruction massive « imaginaires », Patriot Act, axe du mal: les médias marchent droit, dans un bel ensemble, pour légitimer la « War on Terror » qui se profilait à l’échelle planétaire. Au lieu de succomber à la propagande ambiante, « j’ai voulu articuler les dangers que je voyais se profiler et les traduire en terme humains » avoue-t-elle. Laura décide, contre l’avis de ses amis journalistes,
LE 11 SEPTEMBRE A CRÉE UN VIDE DE POUVOIR QUI LUI MÊME A CHARRIÉ DES CONSÉQUENCES INATTENDUES PERSPECTIVES MED
87
CULTURE
de partir en Irak. Elle prend contact avec le Général Herbert L. Altshuler, alors Commandeur du US Army Civil Affairs and Psychological Operations pour une accréditation presse, explique vouloir raconter un fait historique : les préparatifs des élections démocratiques. Tortures, viols, meurtres, les photos de militaires américains et agents de la CIA abusant des prisonniers d’Abu Grahib viennent de paraître. Un scandale et une aubaine. Laura rejoint la Green Zone de Bagdad, avec un laissez-passer et filme sans plan pré-établi. Son obsession : Abu Grahib. Elle y va pour filmer une délégation d’activistes irakiens des droits de l’homme venue observer la situation des prisonniers, parqués dans des camps, à même le soleil, comme des bêtes en cage. Au travers d’un grillage, un médecin tente de prodiguer des soins élémentaires aux plus malades. Un enfant l’interpelle. Il a 9 ans. Laura filme la scène et repère ainsi son personnage principal, le docteur Riyadh. Sunnite, candidat aux premières élections démocratiques qu’elle suit pendant six mois, réussissant
88
PERSPECTIVES MED
à gagner sa confiance. Son ambition ? Réaliser un documentaire pour l’histoire. « Je veux donner une vision réelle, hyper réaliste et incarnée de l’humanité ». Elle raconte le cheminement du Docteur Riyad, ses batailles, son quotidien et à travers lui, l’histoire d’un peuple qui ne sait s’il doit participer à ces élections, mascarade parachutée d’Amérique, comme les bombes. Elle raconte la grande, l’indicible histoire, celle qui dérange : au nom de la War on terror, les Etats-Unis sont entrain de faire n’importe quoi. L’Amérique construit jour après jour ses bombes à retardement. Dollars et armes s’échangent. L’argent prolifère sur la haine, à moins que cela ne soit l’inverse. « My Country, My Country » son deuxième long métrage est nominé aux Oscars et diffusé dans les écoles militaires. Des soldats la remercient. Elle n’a encensé personne mais tenté de parler de chacun, dans sa vérité. Son exploration de l’Amérique post-11 septembre la propulse alors au Yémen, sur les traces de deux beaux-frères, tout deux anciens employés de Ben Laden. L’un, son ancien garde du corps, est devenu taximan à Sanaa. L’autre, son ancien chauffeur personnel, croupit à Guantanamo. Deux vies en parallèles, marquées par le djihadisme, les commissions militaires, l’arbitraire. Laura persiste dans son parcours. « The Oath », paru en 2010 et récompensé à Sundance, peint la radicalisation en marche, des deux côtés de la ligne de front. “Au Yémen et à Guantanamo, j’ai perdu toute naïveté: nous ne réglions en rien la situation, nous n’apprenions pas de nos erreurs”, confie-t-elle. Comme « My country, My country », ce film annonce le monde à venir : l’Occident bunkerisé, Daech aux portes, le vide moral, l’écrasement des libertés. « Avec Abu Grahib et Guantanamo, nous n’aurions pas pu faire davantage pour libérer la violence », assure-t-elle. Il ne faut pas plus pour que les pieds nickelés lui collent au train. La NSA pense intimider Laura Poitras. Elle apprend à se protéger de cette surveillance d’Etat. Pour la combattre, elle veut
la comprendre, l’incarner. Laura se met à enquêter. Elle lit depuis des années les articles pugnaces de Glenn Greenwald, journaliste indépendant et libre, très incisif et entier. Il est l’un des seuls journalistes à s’intéresser et à défendre Chelsea – alors Bradley – Manning, la source des fuites des câbles diplomatiques baptisés Wikileaks. Laura part à Rio, en avril 2011, rencontrer Glenn Greenwald. Elle réitère l’expérience avec Jacob Appelbaum, expert en sécurité informatique et prince des hackeurs, depuis qu’il a co-créé TOR, un logiciel de navigation sur Internet qui garantirait l’anonymat. Comme Glenn Greenwald, il est impliqué dans la défense de Manning. Comme Laura, il est systématiquement retenu et interrogé à son arrivée aux USA. En 2012, elle rencontre aussi les “NSA Four” (Thomas Drake, Kirk Wiebe, Edward Loomis et William Binney), les quatre lanceurs d’alerte de l’agence de surveillance. En août 2012, elle publie sur le site du New York Times, « The Program », le témoignage filmé de l’un d’entre eux : mathématicien, codeur de génie, William Binney, a démissionné de la NSA en 2001 après 32 ans de bons et loyaux services pour dénoncer le programme Stellar Wind assemblé au lendemain des attentats du World Trade Center. Celui-ci permet à l’agence de renseignement de récupérer et mettre en lien l’ensemble des informations privées (communications, achats, localisations) de toute la population US. Laura poursuit ses recherches et part à Londres, à la rencontre de Julian Assange. La NSA intensifie ses pressions. Pour protéger son travail, Laura décide de ne plus retourner aux USA, paradis du Chaos Computer Club, camp de base des hackeurs, codeurs et défenseurs des libertés numériques. Laura établit alors une liste des personnes avec lesquelles elle aimerait travailler et notamment un monteur, ressource clé d’un grand film. En haut de sa liste, la française Mathilde Bonnefoy, dont elle a apprécié le travail sur « Run Lola Run et avec Win Wenders. Berlinoise depuis 20 ans, Mathilde est alors à Paris où elle tente de renouer
avec le cinéma français. Elles se rencontrent dans la capitale française. “A l’époque, je ne veux plus faire de montage, confie Mathilde.Mais j’ai le déclic en la voyant. Elle m’inspire confiance. » Mathilde présente Laura à son mari, le producteur allemand indépendant Dirk Wilutzky. Elles travaillent sur les rush accumulés. A l’époque Laura a déjà reçu des mails d’un certain Citizen Four qui se revendique de la NSA et prétend avoir des informations pour elle. Il a déjà contacté Glenn depuis des mois sans succès : le journaliste est débordé et na pas le temps de soumettre aux conditions de sécurité exigées par Citizen Four pour communiquer et un jour récupérer « ces informations qui devraient l’intéresser » : l’encryption. Laura, plus au fait, ouvre la porte de la discussion. « Laura ne me parle de Citizen Four (Edward Snowden) qu’en juin pour me mettre en garde. Si je vais plus loin je serais surveillée, intimidée. Elle me propose de renoncer, m’assure qu’elle ne m’en voudra pas. Je refuse de lâcher.”. Laura pense ainsi compléter sa longue liste de témoignages sur la surveillance d’Etat et la NSA. Elle est le Cheval de Troie de Citizen Four pour atteindre Glenn et le convaincre de venir à Hong Kong le rencontrer. Quand ils débarquent sur la péninsule chinoise, cela fait plus de six mois que Laura communique avec Citizen Four. Il lui a transmis un premier document classifié secret défense : la preuve que l’opérateur américain Verizon transmet à la NSA l’ensemble des informations sur ses clients. Elle sait qu’il a décidé de lui confier bien d’autres preuves explosives du système de surveillance de masse déployée par la NSA contre ses alliés et sa propre population. Quand elle rencontre Edward Snowden et qu’il finit par accepter qu’elle le filme, elle sait aussi qu’il a décidé de lui confier sa vie. Au bout de quelques heures dans le huis clos de
la chambre, Glenn Greenwald publie son premier article sur la base des informations de l’ancien collaborateur de la NSA. La course contre la montre est engagée. Laura filme son témoignage publié sur le site du Washington Post, unique media à avoir commandé quoi que ce soit à Laura. Saisissant la NSA à la gorge, la vidéo fait le tour du monde, passe sur écran géant à Time Square. Avant de s’éclipser, Edward Snowden donne à Laura une lettre portant des instructions, au cas où il lui arriverait quelque chose. Rentré à Rio, Glenn lui ordonne de partir. “Nous savions tous les deux la puissance de ce que nous avions entre les mains.” La mort dans l’âme et terrorisée, Laura se rend à l’aéroport, achète en liquide un aller simple pour Berlin, via Dubaï. Lestée de la plus grande fuite de toute l’histoire de la NSA, elle traverse portiques de sécurité police de l’air et douane. Sans encombre. Du sous sol de l’Ambassade d’Equateur où il s’est réfugié, Julian Assange envoie Sarah Harisson, sa très proche collaboratrice, à Hong Kong. Elle trouve Snowden, se démène pour lui trouver une terre d’asile, l’exfiltre jusqu’à Moscou qui lui accorde l’asile, au bout de 39 jours dans la zone de transit de l’aéroport. Laura débarque à Berlin bouleversée: “elle avait un dizaine d’heures de rushs mais ne se souvenait plus de ce qu’elle avait filmé. Elle demande à Dirk Wilutzky de devenir le producteur du film, pour l’aider. Jusqu’alors, Laura a toujours produit seule. Elle est aussi très occupée par la publication des révélations de “Citizen Four” pendant plusieurs mois, et ne touche pas aux images. Mathilde commence à visionner les rushs seule. Puis elle s’attaque au remontage, transforme l’ensemble des séquences de cinéma-vérité en thriller. Jamais Laura ne pense être en train de réaliser un film pour les Oscars. Elle travaille obnubilée par des scénarii catastrophes. Pour la neuvième fois de son mandat – un record – Obama a
JAMAIS LAURA NE PENSE ÊTRE EN TRAIN DE RÉALISER UN FILM POUR LES OSCARS.
PERSPECTIVES MED
89
CULTURE
utilisé l’Espionnage Act pour incriminer Edward Snowden. Les traitements infligés aux sonneurs d’alerte et à ceux qui les aident, les journalistes sont rabâchés par les media, au cas où d’autres seraient tentés : peine de prison, de mort, harcèlement, intimidation de l’entourage, diabolisation. Edward Snowden a appris des erreurs de ses prédécesseurs et notamment d’Assange. Sûr de la puissance de ses informations, l’homme de WikiLeaks avait noué des partenariats avec les grands medias : passées les premières révélations, plusieurs d’entre eux se sont retournés, servant ainsi de porte voix au travail de sape piloté par le gouvernement américain. Et d’après Laura, certains medias n’auraient pas respecté les consignes de sécurité imposées par Wikileaks, faisant fuiter notamment la clé d’encryption des câbles originaux, exposant ainsi le nom des agents de terrain. Wikileaks a été blâmé pour l’erreur, discréditant d’un coup l’ensemble de l’initiative. A l’inverse, Glenn, Laura et Edward travaillent révélation après révélation, ne partagent l’ensemble des documents avec personne. De Rio, Glenn Greenwald canarde, scoops sur scoops, changeant de partenaire media au gré des informations à révéler. Cela garantit la sécurité des documents mais retarde la diffusion. Glenn et Laura tentent alors de créer leur propre media pour gagner en temps et liberté. Pierre Omidyar, l’un des fondateurs de Ebay, vient de se faire rafler le Washington Post par Jeff Bezos, l’homme d’Amazon. Entrepreneur milliardaire, il est aussi philanthrope et inquiet. Il contacte Glenn et Laura, met 250 millions sur la table pour The Intercept, nouveau media 100% internet, dédié à la diffusion des révélations et au travail de Glenn et Laura. Tout est à construire. Cela prend plus de temps que prévu et ralentit davantage le flux. Laura s’agace. Le
90
PERSPECTIVES MED
visa d’Edward Snowden en Russie va expirer. Ses révélations scandalisent, Le Guardian et le Washington Post reçoivent tous deux le Pulitzer pour la diffusion des articles et films de Glenn et Laura mais la déflagration espérée, auprès des politiques ou des populations, ne survient pas. Le travail de la NSA pour diaboliser Edward Snowden et minimiser ses révélations ne faiblit pas. Tout est tenté pour le décrédibiliser : le traiter de narcissique irresponsable, le faire passer pour un espion à la solde des russes. La NSA et Snowden s’affrontent par media interposé. Obama en fait un traitre à la Nation, l’accusant d’avoir mis en danger les agents de terrain. Edward, Glenn et Laura sont obsédés par ce qu’ils veulent dénoncer et par le mal qu’ils pourraient causer. Aucun nom ou information susceptible de fragiliser les agents de terrain n’a été publié. De fait, le trio s’attaque à un système désincarné, une technologie qui n’est plus contrôlée par personne. Les individus sont prisonniers d’une ambition. Pour Laura Poitras, c’est ce qui est le plus difficile à admettre : « la surveillance d’état sera difficile à démanteler, parce que c’est un énorme marché» : celui de complexe militaro technologique, évalué à 40 milliards de dollars par an, régulé par rien ni personne. Quand Laura rentre aux Etats-Unis pour la cérémonie des Oscars, personne ne l’attend au pied de l’avion ni même à l’immigration. Sur la scène du Dolby Theater, elle vient chercher sa récompense avec ses compagnons de fortune: Glenn, Dirk, Mathilde… L’Académie des Oscars a récompensé une histoire de personnes en lutte contre un Etat aux pulsions totalitaires. Citizen Four a fait tomber bien des masques.
« LA SURVEILLANCE D’ÉTAT SERA DIFFICILE À DÉMANTELER, CAR C’EST UN ÉNORME MARCHÉ» : CELUI DE COMPLEXE MILITARO TECHNOLOGIQUE, ÉVALUÉ À 40 MILLIARDS DE DOLLARS PAR AN
GRANDE TRISTESSE
Y A PAS PHOTO
L
EILA ALAOUI, JEUNE ARTISTE PHOTOGRAPHE FRANCO-MAROCAINE, GRAVEMENT TOUCHÉE DANS L’ATTAQUE DJIHADISTE, A SUCCOMBÉ À SES BLESSURES. C’EST DANS UNE CLINIQUE DE OUAGADOUGOU QUE LA JEUNE PHOTOGRAPHE FRANCO-MAROCAINE S’EST ÉTEINTE APRÈS AVOIR ÉTÉ OPÉRÉE. L. ALOUI, LA 30ÈME VICTIME DU RAID DJIHADISTE SUR LA CAPITALE BURKINABÉ, EN MISSION POUR LE COMPTE AMNESTY INTERNATIONAL, FAIT PARTIE DES PREMIÈRES CIBLES DES TERRORISTES QUI AVAIENT ATTAQUÉ LE CAFÉ CAPUCCINO AVANT DE S’ATTAQUER À L’HÔTEL SPLENDIDE. UNE REGRETTABLE PERTE POUR LES AMATEURS DE L’ART, LA DÉFUNTE AYANT CONSACRÉ SES TRAVAUX PHOTOGRAPHIQUES À «L’IDENTITÉ MAROCAINE». PERSPECTIVES MED
91
BLOC-NOTES F. BELKAHIA À PARIS «LE SIGNE NOMADE» L‘INSTITUT DU MONDE ARABE À PARIS CONSACRE LA SOIRÉE DU 16 FÉVRIER POUR RENDRE HOMMAGE À FARID BELKAHIA, LE CÉLÈBRE ARTISTE PEINTRE MAROCAIN DÉCÉDÉ EN SEPTEMBRE 2014. EN AVANT-PREMIÈRE, LE FILM FARID BELKAHIA, «LE SIGNE NOMADE», RÉALISÉ PAR RICHARD TEXIER, PLASTICIEN DE RENOM ET AMI DE BELKAHIA, Y SERA PROJETÉ. SELON LE SITE OFFICIEL DE L‘I.M.A. LA PROJECTION DE CE FILM TESTAMENT RÉALISÉ À CASABLANCA QUELQUES SEMAINES AVANT LA MORT DE L’ARTISTE, SERA SUIVIE D’UNE TABLE RONDE EN PRÉSENCE DE SON ÉPOUSE RAJAE BENCHEMSI, D’INTELLECTUELS ET AUTRES PERSONNALITÉS. NATIF DE MARRAKECH EN NOVEMBRE 1934, FARID ENTAME SA VIE PROFESSIONNELLE EN INSTITUTEUR À.. OUARZAZATE. SA PREMIÈRE EXPOSITION REMONTE À 1953, AVANT DE FRÉQUENTER LES BEAUX-ARTS DE PARIS DE 1954 À 1959. IL ÉTUDIE LA CRÉATION DE DÉCORS DE THÉÂTRE À PRAGUE, ET RETOURNE À CASABLANCA OÙ IL EST NOMMÉ DIRECTEUR DE L’ÉCOLE DES BEAUX-ARTS, FONCTION QU’IL ASSUME JUSQU’EN 1974. IL SE CONSACRE À SON ART, UTILISANT POUR SES ŒUVRES LE CUIVRE, LA PEAU, LES BOIS DÉCOUPÉS, LES COLORANTS NATURELS, RECRÉANT, NOTAMMENT À PARTIR DES SIGNES TRADITIONNELLES, DES SYMBOLES GRAPHIQUES UNIVERSELS.
ANGOULÊME
BULLE SEXISTE… Les responsables du Festival de bande-dessinée d’Angoulême ont été amenés à revoir leur copie après avoir évacué de la sélection les auteures de la BD. Ils comptent ainsi proposer une nouvelle sélection pour le Grand prix, dans laquelle «figureront des auteures», «sans enlever aucun autre nom», lit-on dans le communiqué paru sur le site du Festival. La première sélection, 100% masculine, avait fait jazer et plusieurs nominés comme Riad Sattouf, Joann Sfar ou Daniel Clowes avaient même décidé de se retirer de la liste. Le Festival «ne peut pas refaire l’histoire» de la BD, ajoute le communiqué dans lequel les organisateurs justifient leur décision première par le manque d’auteures reconnues à récompenser d’un Grand prix et par leur volonté de ne pas « desservir en les catégorisant ou en s’inscrivant dans une discrimination positive». Les organisateurs tentent de se racheter en soulignant que si «ce débat d’aujourd’hui permettait de la faire avancer concrètement et constituait un marqueur pour les années à venir, le Festival aurait apporté sa contribution». Dans quoi peut-on catégoriser des artistes comme Rumiko Takashi, Julie Doucet, Anouk Ricard, Marjane Satrapi ou encore Catherine Meurisse ?
LE MAROC DEVRAIT RÉCUPÉRER, « SOUS CONDITIONS » INDIQUE LA PRESSE ESPAGNOLE, LE THÉÂTRE CERVATÈS, SIS DANS LA VIEILLE MÉDINA DE TANGER. LADITE CESSION EST CONDITIONNÉE PAR L’ENGAGEMENT DE LA PARTIE MAROCAINE À RÉHABILITER LES LIEUX EN PRÉSERVANT L’IDENTITÉ DE L’ÉDIFICE, À Y ASSURER UNE ANIMATION PERMANENTE VIA DES PROGRAMMES CULTURELS, VOIRE EN LE TRANSFORTHÉÂTRE MANT EN MUSÉE. PLUSIEURS INITIAL’ESPAGNE CÈDE LE THÉÂTRE CERVANTÈS TIVES, AU MAROC ET EN ESPAGNE, VISAIENT À SAUVER CE THÉÂTRE
AU MAROC
FICTION ARABE
MAROCAINS EN LICE
DONT LA FERMETURE, DEPUIS TRENTE ANS, A ACCÉLÉRÉ SA DÉGRADATION. MAIS CES INITIATIVES SONT RESTÉES SANS LENDEMAIN. 92
PERSPECTIVES MED
La première sélection des 16 écrivains retenus pour le Prix international de la fiction arabe, prestigieuse récompense littéraire, compte deux auteurs marocains. Il s’agit de Tarek Bakari et Abdennour Mezzine sélectionnés pour leur premier roman. La liste courte de 6 romans sera publiée le 9 février en même temps que les noms des cinq membres du jury. Quant lauréat, il sera connu le 26 avril à Abu Dhabi, à la veille de la foire du livre.
PALMYRE RESUSCITÉE
L. OULD MOHAMED SALEM
EN 3D...
DES «SALAFISTES» À «TIMBUKTU»
Un petit bout de la cité syrienne de Palmyre devrait s’exporter à Londres et New York en avril 2016, en signe de résistance culturelle au terrorisme daechien. L’arche du temple de Bel, érigé il y a deux mille ans dans la ville syrienne, sera reproduite à Trafalgar Square, à Londres, et à Time Square, à Washington, grâce à la plus grande imprimante 3D au monde. Ce choix n’est pas du au hasard. L’arche en question semble être la seule partie du temple à avoir survécu à l’œuvre de destruction par l’EI de ce lieu de culte millénaire, qui drainait plus de 100 000 visiteurs par an. C’est grâce à la collaboration entre les universités d’Oxford, de Harvard et du musée du futur de Dubaï que ce projet verra le jour alors que des copies plus petites de l’oeuvre vont également être installées dans des dizaines d’autres lieux publics comme des écoles ou des musées. Une expression de résistance face à la barbarie…
PALESTINE
Le réalisateur du documentaire « Salafistes », qui a largement inspiré « Timbuktu », montre la réalité du salafisme, du Mali à la Tunisie en passant par la Mauritanie. Lamine Ould Mohamed Salem lève ainsi les équivoques. « Tous les salafistes ne sont pas jihadistes mais tous les jihadistes sont salafistes. Le salafiste, c’est un musulman qui rêve de reproduire le mode de vie du prophète, de ses compagnons et des deux générations qui ont suivies, ce qu’ils appellent « les pieux ancêtres ». Certains d’entre eux sont tellement obsédés par cette idée qu’ils estiment que seul le sabre peut ramener les musulmans à ce modèle-là. Ceux-là sont jihadistes. Le basculement se fait quand on prône l’usage de la force pour soumettre les gens et propager la religion. Les premiers sont des salafistes piétistes et quiétistes. Ils veulent vivre sur le mode de vie du Prophète et n’ont aucune volonté de prendre les armes. Les seconds sont pressés d’imposer leur modèle et prônent, pour diverses raisons, le jihad.»
LA RÉSISTANCE PAR L’ART
L’écrivain saoudien Zuhair Kutbi a été condamné à 4 ans de prison, rapporte son avocat. Il «a été condamné à 4 ans de prison», peinne assortie d’une
ZUHAIR KUTBI EMBASTILLÉ
interdiction d’écrire pendant 15 ans, de quitter le territoire pendant 5 ans et, ce-
INTIMIDATIONS SAOUDIENNES
Natif de Jérusalem, Jack Persekian, un des plus grands spécialistes de l’art contemporain au Proche-Orient, présentera le Musée palestinien, initiative d’une grande envergure historique, sociale et politique, dont la construction a débuté au printemps 2014 près de Birzeit, en Cisjordanie. Le musée est consacré à la célébration, la préservation et la valorisation de l’histoire, de la culture et de la société de la Palestine moderne et contemporaine, dans les territoires et dans la diaspora. Musée sans frontières, plateforme d’échange et de développement des savoirs sur la Palestine, son histoire, sa société, son peuple, ce lieu s’affirme comme un symbole fort de résilience du peuple palestinien, au-delà des frontières et de toutes les entraves à la mobilité. Directeur et conservateur en chef du Musée palestinien, J. Persekian a été au cœur de plusieurs initiatives artistiques internationales.
rise sur le gâteau, d’une amende de 100.000 riyals, a précisé maître Ibrahim Al-Midaymiq dans un tweet. S’il n’a pas été possible de savoir pour quelle accusation il a été jugé, des
militants ont accusé les autorités d’utiliser les tribunaux spécialisés dans les affaires de «terrorisme» pour intimider les militants de la société civile. Human Rights Watch (HRW) avait réclamé, en août dernier, la relaxe de Zuhair Kutbi, arrêté en juillet pour avoir plaidé en faveur de réformes politiques dans son pays. Il a été interpellé après un débat télévisé pendant lequel il a notamment demandé de «transformer le pays en une monarchie constitutionnelle et de combattre la répression religieuse et politique». PERSPECTIVES MED
93
LA FIFA TREMBLE SUR SES BASES
LA SOMME DE TOUTES LES FISSURES
LA NUIT DES CHATS A la nuit tombée, tous les chats sont gris. La FIFA qui cultive les sombres affaires est toujours à la recherche d’une respectabilité perdue. Le monde sportif est tellement pourri par l’argent qu’il serait illusoire de vouloir gommer cette image d’Epinal sans grands sacrifices. Accablés, les icônes de la Fédéation internationale comme M. Platini et S. Blatter, tentent le tout pour le tout pour sauver les apparences. Réussiront-ils à avoir l’honneur sauf ? Rien n’est dit…
94
PERSPECTIVES MED
SPORT LA FIFA TOUJOURS EN FEU
DES ABUS PLEIN LES COUPES ! Par : L.M.
Le président démissionnaire de la Fifa Sepp Blatter a décidé de suivre Michel Platini pour faire appel de la suspension de huit ans infligée par la commission d’éthique de l’instance.
L
e football a mal à son sommet. Depuis que le FBI a décidé de frapper un bon coup dans la fourmilière, il y a quelques mois de cela. Depuis, l’instance suprême du foot mondial, la FIFA, n’en finit pas de vibrer au rythme des scandales. Autant dire que le sport a perdu de son esprit face à l’appat du gain. On comprend dès lors les motivations des figures de proue du football mondial qui s’acharnent à se refaire une virginité depuis que le torrent des scandales a fini par les toucher. Le poisson ne pourrit-il pas par la tête d’abord ? Toujours est-il que le patron de la FIFA s’accroche toujours à son innoncence. Et c’est la raison qui le pousse, même s’il a fini par démissionner, sous le poids des pressions exercées sur lui, à chercher une porte de sortie des plus honorables. Le Suisse Joseph Blatter, pour ne pas le nommer, compte lui aussi faire appel de sa suspension de huit ans, a indiqué son avocat. «Nous allons faire appel, bien sûr», a précisément indiqué dans un mail Richard Cullen, l’avocat américain de l’ancien homme-lige du foot. Une réaction qui intervient au lendemain de la notification, par la chambre de jugement de la Fifa, des motifs de leur suspension pour huit ans, avait annoncé la Fifa, sans plus de détail. Me Thibaud d’Alès, l’avocat de Platini avait annoncé, de son côté, que l’ancien capitaine de l’équipe de France, qui a renoncé à sa candidature à la présidence de la Fifa, comptait interjeter appel et se défendre contre les charges d’»abus de confiance», de «conflit d’intérêt» et de «gestion déloyale», à l’origine de la sanction. Il y a lieu de souligner que les juges
de la Fifa avaient pris cette décision pour le paiement controversé de 1,8 million d’euros par la Fédération à M. Platini, en 2011. Selon le Suisse et le Français, ce versement constituait le solde de la rémunération d’un travail de conseiller réalisé par Platini auprès du président de la Fifa entre 1999 et 2002, sur la base d’un « contrat oral ». Affirmation qui «n’a pas été jugée convaincante et a été rejetée par la chambre», avaient justifié les juges de la Fifa en décembre. «À notre époque, avoir un accord oral, c’est totalement irresponsable», a récemment commenté le prince jordanien Ali, l’un des cinq candidats encore en lice pour la présidence de la Fifa. Si l’appel de Michel Platini est rejeté, le patron de l’UEFA pourra ensuite se tourner vers le tribunal arbitral du sport (TAS) de Lausanne, en Suisse, l’instance suprême de la justice sportive. Mais quel que soit le verdict final de la Fifa et éventuellement du TAS, Michel Platini ne sera en tout cas pas le prochain patron de la Fifa, dont l’élection aura lieu le 26 février. L’ancien meneur de jeu des Bleus avait annoncé sa décision de jeter l’éponge avant que la course des candidats ne démarre. C’est donc la recherche de la réhabilitation qui motive ainsi la démarche des deux anciennes figures de proue de la Fifa. Une fédération dont la gouvernance est largement compromise par les scandales liés aussi bien à l’attribution de l’organisation des coupes du monde football aux pays qui en expriment le désir qu’aux contrats de retransmission télé… Cela sans parler des juteux contrats de
PERSPECTIVES MED
95
SPORT
sponsoring qui se chiffrent en milliards de dollars. Pour rappel, l’affaire commençait à faisander depuis juillet 2011, lorsque Mohammed Bin Hammam, ex-président de la Confédération asiatique et membre du comité exécutif s’est retiré de la course à la présidence de la Fifa. Pour « achat de voix », la suspension allait être annulée par le TAS faute de « charges suffisantes ». Blatter a pu sauver sa tête et rempiler en promettant de «remettre le bateau de la FIFA sur les eaux claires et transparentes». C’est ainsi que le comité exécutif de la FIFA a décidé de scinder la commission d’éthique en deux chambres, l’une chargée de l’instruction et l’autre du jugement. C’est
ainsi que l’américain Michael J. Garcia est arrivé aux commandes de la chambre d’investigation. Pour déballer au grand jour les affaires de corruption, en septembre 2014, notamment pour ce qui est de l’attribution des Coupes du Monde de 2018 et 2022. Un rapport que la FIFA a décidé de mettre au placard… Forçant le procureur US à la démission, en décembre. L’ex-procureur du district sud de l’État de New York justifie sa décision, après deux ans passés au sein de la Fafia, par « la culture maison ». A ses yeux, « aucun comité de gouvernance, enquêteur ou panel d’arbitrages indépendants ne peuvent changer la culture d’une organisation ». Mais les vents allaient tourner avec la diffusion d’un documentaire de la chaine allemande ARD, en mai 2015, où une ex-employée de la candidature qatarienne accusait trois dirigeants africains d’avoir succombé aux offres de l’Emirat (1,5 million de dollars). Il s’agit du Nigérian Amos Adamu (suspendu, depuis), l’Ivoirien Jacques Anouma et le Camerounais Issa Hayatou, alors membres du Comex de la FIFA. L’affaire allait s’emballer avec le coup de filet du 27 mai 2015, à Zurich, deux jours avant l’élection du Président de la Fédération internationale. Pas moins de sept responsables de la FIFA, accusés de corruption, ont été arrêtés. Avant l’extradition de deux autres hauts cadres de la Fédération vers les USA, Juan Angel Napout, président de la Conmebol et vice-président de la FIFA, et Alfredo Hawit, président intérimaire de la CONCACAF.
LIONEL MESSI, BALLON D’OR
LA PREUVE PAR ... CINQ Lionel Messi a remporté son 5ème Ballon d’or avec 41,33 % des voix, devant Cristiano Ronaldo (27,76 %) et Neymar ( 7,86 %). Génie de tous les temps où pièce maîtresse d’un puzzle ? Dans un jeu collectif, la prouesse individuelle est aussi payante. Avec 180 buts marqués en 2015, l’attaque du FC Barcelone Messi-Suarez-Neymar (baptisée « MSN ») a battu un record historique. Le Ballon d’or de Messi célèbre, sans le moindre doute, ce trio qui représente l’une des meilleures attaques de l’histoire. Plus complémentaire, plus collective encore que celle du Real Madrid, tout lui a réussi : Championnat d’Espagne, Coupe du roi, Ligue des champions, Supercoupe d’Europe à la reprise et Championnat du monde des clubs en décembre. C’est son échec devant l’Athletic Bilbao qui l’a privée d’un grand chelem… Sacré, Messi l’est parce qu’il est le joueur central de cette association et parce qu’il a encore marqué les esprits par des actions de génie. Mais statistiquement parlant, le maestro argentin est en retrait de ses meilleures années en raison d’une absence de deux mois.
96
PERSPECTIVES MED
DOPAGE EN ATHLÉTISME Par : L.M.
JUTEUX CONTRATS… L’argent est le nerf de la guerre… Celle qui s’est emparée du sport au risque de torpiller bien des carrières et de miner bien des champions. On est loin de l’esprit de Saint de Coubertin sauf si l’on excepte le toujours plus fort et plus haut dans les scandales.
E
n tout cas, après le foot, dont le scandale a été des plus retentissants, l’athlétisme mondial n’échappe pas, lui non plus, aux « affaires scabreuses ». D’où des enquêtes à n’en plus finir. Et la dernière, menée par une commission montée par l’Agence mondiale antidopage (AMA), s’est heurtée à une mine dont l’explosion aurait un effet dévastateur. La commission d’enquête explique que le président de la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF) de 1999 à 2015, le Sénégalais Lamine Diack, aurait joué de son influence, es qualité de membre du Comité international olympique (CIO), pour doter l’IAAF de juteux contrats de sponsoring. Ce marché présumé aurait été mentionné dans une discussion entre l’un de ses fils, Ibrahima Diack, et l’entourage de l’athlète turque Asli Alptekin. D’après lui, Istanbul, candidate à l’organisation des J.O 2020, n’a pas bénéficié du soutien de Lamine Diack au CIO en l’absence de contrats de sponsoring à l’IAAF. Il s’agit, pour le cas d’espèce, de quelque 4 à 5 millions
de dollars qui devaient renflouer la « Ligue du Diamant », où, à défaut, à l’IAAF. Voilà pourquoi Tokyo, explique la fameuse note de l’AMA, a damé le pion à Istanbul, c’était en septembre 2013, à Buenos Aires, les Japonais ayant mis la main à la poche pour ce faire (le résultat du vote final d’attribution est des plus clairs : 60 voix contre 36). En tout cas, de lourdes suspicions pèsent sur le dossier lorsqu’on sait que sur les cinq partenaires officiels de l’IAAF, quatre sont japonais (TDK, Seiko, Canon et Toyota). Ce scandale cache à peine un autre puisque Ibrahima Diack aurait proposé à la famille de l’athlète Asli Alptekin, championne olympique du 1500 mètres (Londres 2012) de faire jouer ses relations pour que la procédure disciplinaire engagée contre la championne, pour passeport biologique anormal, soit abandonnée. L’affaire qui pue le chantage n’a pas abouti et la championne turque qui a perdu son titre a été suspendue pour huit ans par l’IAAF, sentance confirmée par le tribunal arbitral du sport (TAS). Depuis, L. Diack qui sentait le soufre, l’athlétisme mondial ayant été abranlée par les scandales de corruption, a été suspendu du CIO. C’est ce que laissent croire les liens de cause à effet constatés entre l’attribution des championnats jusqu’en 2021 et les juteux partenariats de sponsoring (Daegu-Samsung en 2011, Chine-Sinopec, Russi-VTB Bank, USA-Nike). Voilà qui pousse la commission indépendante de l’AMA à recommander « qu’une entité indépendante conduise un audit complet des contrats, des accords de marketing et de sponsoring concernant Papa Massata Diack », négociateur attitré des contrats de l’IAAF. Dopage, sponsoring et droits de retransmission télé est la sainte trinité qui met à mal l’athlétisme mondial. S. Coe n’était-il pas au courant de tous ces remugles ?
PERSPECTIVES MED
97
CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE
GÉOPOLITIQUE DES LARMES Par : Ouled Riab
P
eut-on se consoler à l’idée de dire qu’un Président aussi puissant que celui des Etats Unis d’Amérique puisse, comme un vulgaire commun des mortels, fondre en larmes ? « Yes, we can !» Et plus encore. Mortel parmi les mortels, Obama qui a été porté aux nues par les espoirs permis d’un changement d’orientation de l’expression de la toute puissante Amérique, orpheline d’un équilibre des forces depuis la déconfiture de son puissant rival tapi derrière « le rideau de fer », l’URSS en l’occurrence, aura déçu les attentes. Même si on s’est acharné à harnacher l’approche globale et conquérante de l’Empire, victorieux d’une guerre froide, d’habits neufs qui fleurent bon le « soft power », il suffit de quelques gestes de dépoussiérage pour que les motifs réels de tout un tissu de mensonges apparaisse au grand jour. «Les révolutions colorées » qui ont secoué bien des continents, de l’Europe à l’Afrique, braises sur lesquelles a soufflé une nouvelle tempête annonciatrice des « Printemps arabes », démontrent par simple déduction que jamais l’interventionnisme US n’a cédé le pas... Quand bien même des stratèges du camouflage jugèrent bon d’annoncer « le soutien par derrière », comme ce fut le cas lors de la désastreuse campagne libyenne, d’opérations militaires éminemment déstabilisatrices. Il n’est pas nécessaire d’être clerc pour voir clair dans un jeu des plus complexes mené par les marionnettistes de Washington. Même si dans le jargon des géopoliticiens on se perd entre les notions d’un monde où l’unipolaire le dispute à l’a-polaire. Le monde change, résolument, sous nos yeux, sans donner raison ni à ceux qui théorisèrent « la fin de l’Histoire », ni à ceux qui s’accrochèrent, et ils continuent toujours de le faire, à ne jurer que par « la guerre des religions ». Un regard porté sur la Méditerra-
IL N’EST PAS NÉCESSAIRE D’ÊTRE CLERC POUR VOIR CLAIR DANS UN JEU ... MENÉ PAR LES MARIONNETTISTES DE WASHINGTON.
98
PERSPECTIVES MED
née noyée dans son concert de drames, conjugués en millions, étouffe les espoirs d’une humanité égalitaire et solidaire. Les barrières frontalières se dressent face aux réfugiés de diverses natures. Et non loin de là, dans le Golfe, on n’en finit pas de s’entredéchirer entre sunnites et chiites. Jamais le langage de la canonnière n’a été si assourdissant au fil des conflits par procuration et autres disputes d’influence. Dans les régions chaudes, celles dont les tracés frontaliers hérités de Sykes-Picot sont entrain de dériver des traditionnelles bornes géodésiques, le décompte des morts est loin d’être définitivement clos. Et la poudrière n’a pas encore livré tous ses secrets destructeurs qui menacent de tâcher tout le planisphère… Alors oui, le locataire de la Maison Blanche qui s’apprête à céder le bail a toutes les raisons de larmoyer. Lui qui, très tôt, fut nobélisé alors que le monde a bien des défis à surmonter pour que revienne, enfin, la paix et la concorde entre les peuples. Et si la voix chaude et caverneuse d’Aretha Franklin qui claironnait son « You Make Me Feel Like » a servi de refuge pour que les émotions d’Obama s’expriment, c’est que la pression se fait de plus en plus forte. Bie sûr qu’il n’y a aucune honte pour qu’un homme public soit si émotif. Au point de re-larmoyer en l’espace de quelques jours à l’occasion de son offensive contre le puissant lobby des armes, la célèbre National Rifle Association. Lobby auquel on impute nombre de drames au sein même de l’Empire. Mais assurons-nous bien d’une chose : il faut plus que des torrents de larmes pour faire taire les canons. Ceuxlà mêmes qui représentent la continuité de la politique autrement. Cela, on le voit bien à l’aune des crises qui sévissent un peu partout sur notre pauvre planète dite bleue. Mais que l’on se rassure aussi d’une autre chose : jamais les larmes ne peuvent être assimilées à un quelconque signe de faiblesse. Les drones frappent toujours sous les ordres directs d’Obama. Et ses multiples bases disséminées un peu partout dans le globe témoignent de cette quête infinie de puissance. Barak a son style. Comme Poutine qui jouit de suffrages bien au-delà de la Maison Russie, a aussi le sien. Cela sans oublier Xi Jimping et bien d’autres…
PERSPECTIVES MED
99
100
PERSPECTIVES MED