DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 20 DH │N°99
MASSACRE
« DAECH FRAPPE LA TUNISIE » La contagion daéchienne se confirme Au Maroc, la veille des services de sécurité a permis d’éviter le pire. Une cellule démantelée, ayant fait allégence à Daech, voulait plonger le pays dans les horreurs de l’instabilité. La veille exige plus... Mars 2015
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ÉDITORIAL
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HALTE AU TAKFIRISME! ALLAL EL MALEH
e 18 mars, la Tunisie a été frappée dans son cœur. L’attentat du Bardo a fait 23 morts et le double en blessés, majoritairement des touristes. Le 20 mars, à Aden, un double attentat a eu lieu dans des mosquées. Le bilan fut nettement plus lourd : plus de 150 morts et plusieurs dizaines de blessés parmi une population civile. Le 21 mars, des interventions simultanées dans plusieurs villes ont permis le démantèlement d’une cellule terroriste qui nourrissait le sombre dessein d’ensanglanter le Maroc. Voilà pour les faits ! Mais derrière le factuel, on retrouve un seul et même dénominateur commun : Daech. Dans ces trois pays, « la signature par le sang » d’assassinats odieux par les sicaires d’Al-Bagdadi, celui qui s’est fait Calife à la place de tous les Califes, visait un seul objectif : démontrer au monde que l’épée de Damoclès entre les mains des djhadistes du prétendu Etat Islamique est globale. On peut accepter ou non une telle lecture qui paraît des plus manichéennes. Toutefois, souvenons-nous que la puissance de cette nébuleuse terroriste globale, sa prétention affichée étant de s’enraciner de l’Atlantique à la Mer Rouge, est tirée de la reproduction du modèle américain global. Le recours intempestif aux divers instruments du Web pour assurer la fluidité de son discours haineux n’est pas gratuit. La guerre de l’image ayant fait ses preuves depuis la première guerre du Golfe qui avait préparé le terrain à la déconfiture de l’Irak. Et le mimétisme va même plus loin en habillant ses prisonniers de l’uniforme orange qui a défrayé la chronique avec la mise en scène de Guantanamo. Y a-t-il une relation de cause à effet dans tout cela ? On laissera aux historiens le soin de démêler l’écheveau et de pointer les véritables maîtres d’un jeu sordide qui, il faut l’avouer, se fait au détriment de l’espace arabe dans son ensemble désarticulé. Irak, Syrie, Yémen, Egypte, Libye, Tunisie… Voilà autant de foyers de tensions plus ou moins incandescents qui interpellent. Car le péril daéchien n’épargne malheureusement aucune contrée. Dès lors, la meilleure parade susceptible d’éradiquer cette maladie qui risque de s’enkyster dans tout corps qui se croit sain, surtout que des sondages évoquent la sympathie dont jouirait la nébuleuse terroriste auprès de 12% de la jeunesse arabo-musulmane, est d’ordre éminemment sociétale. Certes, dans la lutte contre le danger terroriste, nul ne saurait minorer le rôle imparti aux services de sécurité qui sont au front. Encore faut-il que cette lutte puisse s’appuyer, sans coup férir, sur une opinion mobilisée contre tout ersatz de l’idéologie takfiriste. On comprend dès lors les raisons qui ont poussé le régime syrien, en pleine guerre contre la nébuleuse islamiste radicale, à produire une contre-culture qui déconstruit le mythe wahhabite. On voit aussi où le Président égyptien veut en venir lorsqu’il appelle, de l’enceinte même d’Al-Azhar, à procéder à une véritable révolution dans la pensée islamiste. Et il faudra s’attendre à ce que la Tunisie, ayant éprouvé dans sa chair, la douloureuse note takfiriste, mobilise la Zaitouna et l’élite tunisienne pour faire pièce aux dérives nihilistes de l’islamisme radical. Tous ces efforts, pour louables qu’ils soient, interviennent à rebrousse poils d’un phénomène qui s’est enraciné. Au Maroc, certes, la gestion du champ religieux diffère en ce sens que l’institution monarchique fait office de paravent via l’institution de l’Imarat. Encore faut-il souligner qu’en période de tension forte, mieux vaut se prémunir et assurer un blindage total de la société contre tout danger. Pour ce faire, le projet de société qui fait grand cas et de la modernité et du progrès a besoin de s’appuyer sur un socle culturel et cultuel des plus sains. L’Ijtihad, cet effort auquel doit souscrire l’élite intellectuelle concernée, doit accompagner les avancées du pays tout en endiguant tous les risques qui peuvent survenir. C’est bien là où réside l’œuvre cardinale à laquelle le Maroc contribue pour assurer le retour de la paix et de la concorde dans l’espace arabe qui, par essence, se trouve être aussi sa profondeur stratégique. Haro sur le takfirisme !
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POINTS CHAUDS
DAECH FRAPPE AU CŒUR LA TUNISIE
SPIRALE DJIHADISTE P20
SOMMAIRE 19
CHRONIQUE
Bonjour les dégats Hypertrophie…
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NATION
Armée et politique Les raisons d’un désamour
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MAGHREB
POINTS CHAUDS
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MACHREK
Attentat du Bardo
NATION
Opposition et majorité divisées sur les communales Le danger djihadiste est global De bisbilles en clash !
ENTRETIEN
Abderrahman Nouda Crise d’élites, crise de société
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MACHREK
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Femmes d’Arabie Eternelles victimes
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MACHREK
L’Algérie dans le doute Le printemps sera chaud…
Daech et le « Nouvel ordre arabe » Barils de feu…
un mythe déstructeur Déconfiture annoncée
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CHRONIQUE
MACHREK
Principales villes conquises par l’Etat islamique (EI) Irak-Syrie: zones de guerre
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MONDE
Panorama De tout de partout
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Vécu ici Entre fessées et claques
ÉCONOMIE CULTURE
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ÉCONOMIE
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ÉCONOMIE
ÉNERGIE SPORT
2015 sera plus favorable ? La Banque mondiale débloque 200 M$ Des acquis mais surtout des défis ! Plus de compétitivité
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ÉNERGIE
Mix énergétique la force du renouvlable
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CULTURE
Gaz naturel liquéfié Option propre
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CULTURE Solidarité J’ai Honte
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ÉNERGIE
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ÉCONOMIE
La loi bancaire est publiée au B.O Tapis rouge aux participatives
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ÉNERGIE
Energie durable L’ONEE en phase !
Prospection des hydrocarbures Espoirs gaziers
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CULTURE
CULTURE
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« Green Energy Park » Le pari gagnant
D’Assia Djebar à Ahlem Mosteghanemi Parcours de combat
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SPORT
SPORT
Athlétisme Ministère de la Jeunesse et des Sports Rabat a désormais son marathon Une calamité publique
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - A.ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI - YOUSSEF CHIHEB | RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION & INFOGRAPHIE: ISSRAE TAYBI/PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | RÉGIE PUBLICITAIRE: 2S PUB | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASABLANCA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : INFO@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES
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ENTENDU MAROC-TUNISIE
SOLIDARITÉ AGISSANTE
DIPLOMATIE
APRÈS MOSCOU, PÉKIN ? Des informations concordantes confirment que SM le Roi effectuera dans les jours qui viennent une visite à Moscou où il rencontrera l’homme puissant du Kremlin Vladimir Poutine. Cette visite s’inscrit dans le cadre de la dynamisation des relations Rabat et Moscou et contribuera, sans aucun doute, à dissiper les doutes quant au pertinent choix de rééquilibrage de la démarche diplomatique du Royaume. Si le curseur de la diplomatie marocaine a toujours été braqué sur l’Occident, il y a lieu de relever que le réinvestissement arabe et africain du Royaume traduit un changement de paradigme qui pourrait s’exprimer aussi par un autre déplacement royal à Pékin (lui aussi reporté). En tout cas, force est de rappeler que la Fédération de Russie aussi bien que la République populaire de Chine ont toujours appuyé les démarches marocaines pour le règlement juste du dossier saharien.
Le chef de la diplomatie marocaine s’est rendu à Tunis afin de transmettre un message de condoléances et de solidarité du Roi Mohammed VI, suite à l’attaque terroriste contre le Musée du Bardo à Tunis. Reçu en audience au palais présidentiel à Tunis, le Président Caid Essebssi a déclaré à Salaheddine Mezouar: «Ces sentiments ne sont guère étranges au Souverain et au peuple marocain». Le chef d’état tunisien à réitérer son invitation au Souverain pour effectuer de nouveau une visite en Tunisie. De son côté, S. Mezouar a également transmis une invitation du Roi au Président tunisien pour une visite dans le Royaume. Force est de souligner que des mouvements de solidarité spontanée se sont déclarés, notamment via les réseaux sociaux, dans tout le pays exprimant le rejet ferme du terrorisme aveugle dont se font valoir des organisations djihadistes, Daech en tête.
ON DÉMANTÈLE Le BCJI a procédé au « démantèlement d’une cellule terroriste qui s’apprêtait à commettre un projet terroriste dangereux visant à porter atteinte à la sécurité et la stabilité du royaume», annonce un communiqué du ministère de l’Intérieur. Les membres de cette cellule, disposant d’un arsenal d’armes à feu, s’activaient les villes d’Agadir, Tanger, Laayoune, Boujaad, Tiflet, Marrakech, Taroudant, Ain Harouda et Laayoune orientale. Les éléments composant la force « Hadar » déployée dans tout le Maroc faisaient partie des cibles.
« On a la chance d’avoir un roi moderniste, mais qui est sensible aux rapports de force dans la société, donc qui peut aussi prendre des décisions conservatrices », a souligné Mohamed Tozy depuis Paris, ajoutant que la prise en main du dossier de l’avortement « pour le soustraire à une société clivée dont la tendance est conservatrice permettra peutêtre de le faire avancer vers une réglementation beaucoup plus libérale. » DANS UN COMMUNIQUÉ PUBLIÉ APRÈS LE DRAME SANGLANT DU BARDO, À TUNIS, LE MOUVEMENT « DAMIR » ATTIRE L’ATTENTION SUR LA BANALISATION DES DISCOURS DE HAINE CONSCIENCE ET L’AMPLIFICATION DU TERRORISME AU DU DANGER MAGHREB. LE COLLECTIF « CONSCIENCE» DAMIR EN APPELLE AUX GOUVERNEMENTS MAGHRÉBINS POUR QU’ILS COORDONNENT LEURS EFFORTS DANS LA LUTTE ANTI-TERRORISTE ET MET EN EXERGUE LE PÉRIL QU’ENGENDRERAIT TOUT LAXISME FACE AU TAKFIRISME.
«LACHGAR EN A FINI AVEC L’USFP. IL A RÉUSSI LÀ OÙ ONT ÉCHOUÉ LES ANCIENS ADVERSAIRES DE L’USFP ET LE MAKHZEN DES ANNÉES 80 ET 90, EN METTANT EN ŒUVRE UN PLAN ÉTABLI SUR LE LONG TERME VISANT À MARGINALISER LES MEMBRES ACTIFS DANS LES SECTIONS LOCALES DU PARTI, CE QUI COMPROMET SÉRIEUSEMENT LES CHANCES DE L’USFP LORS DES PROCHAINES ÉLECTIONS COMMUNALES ET RÉGIONALES». TAREK KABBAJ, MAIRE D’AGADIR.
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CHABATIATES
QUE D’AMABILITÉS Entre l’Istiqlal et le PJD, point de trêve. Aux attaques de l’un répond l’autre. Ainsi, après avoir été épinglé d’enrichissement illicite par A. Benkirane, chef du gouvernement et patron du PJD, H. Chabat, leader du PI ne baisse pas la garde et attaque bille en tête son rival qualifié de « loser » dans les affaires et de pire « imposteur » en politique. Aux yeux de l’Istiqlalien, que peut-on attendre d’un chef du gouvernement incapable de gérer au mieux son unité de détergents ? Pour l’ex-syndicaliste qui dirige l’Istiqlal, A. Benkirane est l’expression même de l’incurie: « celui qui n’a pas réussi dans le commerce de l’eau de javel pourra-t-il réussir à piloter un gouvernement ? » s’est-il indigné. On attendra la suite, la joute entre les deux bêtes politiques étant appelée à prendre de l’ampleur à l’approche des élections.
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ENTENDU LAHBIB CHOUBANI
INCIVILITÉ AMBIANTE Un Choubani, jeune ministre du PJD dit-on, en vaut deux, voire trois enfants prodiges! D’abord, il y eut celui qui avait organisé le marathon de la société civile, en s’arrimant à la sagesse d’un ex-patron des anciens « cocos » du cru qui a soutenu son rythme, en jouissant d’une « boite noire » pleine à craquer de sonnantes et trébuchantes distribuées selon le minois… Le collier de barbe valait son pesant d’or et la reptation sa rétribution. Ensuite, ce fut la course effrénée à laquelle le ministre en charge de la société civile s’est livrée pour décrocher le patronage royal pour une commémoration d’une journée, boudée elle-aussi par ce qui fait la vraie société civile. Une course vaine qui ne l’a pas empêché d’en placarder l’affiche dans queques « canards » de la place connus pour leur « indépendance » interéssée. Ensuite, il y a le démarrage au quart de tour de la fibre « studieuse » dudit ministre qui, assure-t-on, vodrait « exploiter » jusqu’à la corde les échos du débat national sur une année pour en faire une thèse de promotion personnelle. Il faut y voir peut-être en le politicien qu’il est un homme de sythèse. Mais ce que les oublieux de nos marocains n’arriveront certainement pas à gommer de leur mémoire, c’est l’autre dérapage d’un El Habib en perte de repères. Lorsqu’il osa, un jour, apostropher une journaliste pour ses habits trops courts à son goût, voire non réglementaires dans son désordre moral. S’il ne court pas les jupons, ce myope de ministre qui déploie son sourire charmeur à tout bout de champ collectionne les bourdes. Pas de quoi rire, non ? Même jaune ! En tout cas, sa tête fut un temps réclamée par les faucons de son parti qui y voient plus un faux jeton qu’un premier discipliné. Sera-t-il débarqué par son mentor Benkirane au détour d’un remaniement attendu et non dit ? Le patron de l’Exécutif raffole du suspens…
DÉFENSE DES MILLIARDS EN JEU
D’après le Strategic Defense Intelligence (SDI), le Maroc entend mettre en branle un plan quadriannuel de renforcement de son infrastructure, et de ses dispositifs militaires, afin de faire face aux diverses menaces terroristes et conflictuelles qui gravitent autour de la région. Estimé à plus de 220 milliards de dirhams le plan est basé sur l’acquisition de matériel militaire sophistiqué et sur le renforcement des ressources humaines. Le plan qui s’étale de 2015 à 2019 est à même de permettre aux FAR d’accéder à un autre niveau technologique. A rappeler que selon le dernier rapport de «Global Fire Power», l’armée marocaine serait la 49ème plus grande armée au monde et la 4ème au niveau des pays arabes.
L’élite de la police marocaine dispose désormais de locaux flambant neufs à Salé. Il s’agit du Bureau central des innvestigations judiciaires (BCIJ) qui vient d’être inauguré par le duo de l’Intérieur, en présence du patron BAPTÈME DU BCIJ de la gendarmerie, du ministre de la Justice, du délégué À SALÉ interministériel en charge des LA DST droits humains et du secréSE RENFORCE taire général du CNDH. Ce nouveau bureau, coiffé par la DST, est chargé de lutter contre le terrorisme, le grand banditisme, le trafic des stupéfiants et des armes, la falsification de la monnaie et tout ce qui est susceptible de porter atteinte à la sûreté de l’Etat. 8
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CARTES SIM
SOUS CONTRÔLE !
La NSA et le GCHQ sont entrés dans les réseaux de fabricants de cartes SIM pour dérober les clefs de cryptage, afin de mieux intercepter les communications des utilisateurs, révèle un site d’investigation américain « The Intercept ». D’après le site, animé par Glenn Greenwald, qui avait publié les révélations d’Edward Snowden, les deux agences US et Britannique n’ont pas hésité à espionner les salariés de GMALTO pour disposer des clés de cyptage. D’autres fabriquants de cartes SIM n’ont pas été épargnés, non plus. Quid du Maroc ?
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ENTENDU SAHARA
STUPÉFIANTS RABAT CONTRE-ATTAQUE…
L’AJC EN SOUTIEN
Le dernier rapport de l’OICS a accablé le Maroc. Forçant son ambassadeur
L’American Jewish Committee (AJC), puissant lobby aux USA, soutient le Maroc, rapporte l’agence de presse espagnole EFE. Sur son site, l’association a fait état de l’entretien qu’une délégation de l’AJC a eu, en mars dernier, avec A. Benkirane, chef du gouvernement, au cours duquel elle a notamment transmis son «message d’appui à SM le roi Mohammed VI» et réaffirmé son appui à la sécurité du Maroc (…) et à l’intégrité territoriale du royaume historique, y compris sa souveraineté en accordant une large autonomie au Sahara».
à Vienne, Ali El Mhamedi, de sortir de sa réserve pour défendre les efforts des autorités dans leur lutte contre la drogue. Pas mins d’1,2 milliard de dirhams ont été mobilisés en 2014 pour assurer la réduction de la superficie
MOBILISER TOUTES LES
des cultures de cannabis de 65%, a-t-
ÉNERGIES EST PORTEUR
n’a pas hésité à critiquer ses vis-à-vis
il notamment fait valoir. Le diplomate qui ont légalisé la consommation du cannabis, processus à l’origine de principal la hausse de la demande.
L’ÉTAPE SKHIRAT CHAOS LIBYEN
AMIN SBIHI
Le sort de la Libye se dessine-t-il à Skhirat ? En tout cas, les pourparlers entre les diverses factions « fréquentables » ont repris pour un deuxième round, après l’échec de la rencontre parrainée par Alger. Consultations sur les arrangements de sécurité pour arrêter les combats et formation d’un gouvernement d’union nationale pour mettre un terme à la division institutionnelle dans le pays, étaient au menu. Bernardino Leon, représentant personnel du secrétaire général l’ONU pour la Libye, s’est réuni avec les différentes parties, avant de reporter les négociations. Alors, ça urge ou non ?
« La constance du jardinier » ! Voilà le titre d’un roman assez évocateur dès lors qu’il est question d’aborder l’inconstance de nos politiques. Tenez, en matière de livres, par exemple, que constate-t-on au niveau du ministère en charge de la Culture ? Rien ou presque sous le soleil. Son Amin de ministre se contente de se contorsionner avec un budget de misère pour contenter les uns et les autres pour éviter les récriminations. Et il n’y échappe pas, le pauvre! On lui reproche de suivre au pied de la lettre la fameuse règles des copains et des coquins. Du coup, Sbihi peut consacrer ses matinées à faire le bilan. Au lieu de faire honneur au parti dont il se réclame, celui du livre, en répondant aux attentes d’une population en mal de lecture. On épargne au ministre les statistiques… Mais les faits restent têtus tout de même. C’est la société civile qui se mobilise pour promouvoir la lecture ! Allez voir ces associations qui font honneur à leur pays en luttant, avec les moyens du bord, contre cette autre forme de pauvreté qui ne peut conduire qu’à la fabrication de zombies en chaine. Pourtant, une des actions qui pourrait rester à l’actif de Sbihi, c’est bien celle de défiscaliser le livre. Ca ne coûte rien au budget et rapporte gos à l’Etat.
LE PARTI DU LIVRE
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RETRAITES
FAIBLE COUVERTURE
PJD
L’AVOCAT DU DIABLE ! Abdelaziz Aftati n’en fait qu’à sa tête dès lors qu’il est question de voler au secours de son mentor. Ainsi, face aux doutes exprimées sur l’implication directe du Chef du gouvernement dans la gestion de l’imprimerie « Top Press», le député du PJD entend laver l’affront en soulignant que « la commission de l’éthique et de la transparence » a pris sur elle d’enquêter sur le dossier. L’affaire liée au propriétaire de ladite imprimerie sent drôlement le soufre. Surtout qu’elle a pu rafler des affaires avec des départements ministériels dépendant du PJD.
Le chantier de la réforme des régimes de retraite soulève plus de problèmes qu’il n’en résout… A moins que l’Exécutif actuel entend passer la réforme au forceps ! Que l’on passe au crible les récentes déclarations faites par Driss Jettou qui préside aujourd’hui aux destinées de la Cour des comptes et qui, naguère, avait été tenté de résoudre ce lourd dossier en y réussissant partiellement. Le taux de couverture de la population active n’excède pas les 35% ! Voilà un chiffre à méditer pour élargir l’assiette des cotisants du moment que le gap est énorme. Bien entendu, cela ne disculpe pas l’Exécutif de booster l’économie pour assurer l’emploi. Quant à l’approche purement comptable, elle n’a pas de chance de réaliser la réforme souhaitée avec la sauvegarde des équilibres des diverses caisses qui plus est sont divisées en plusieurs régimes.
BUDGET
L’AUBAINE 4 G 2 milliards de DH ! Telle est la cagnotte appelée à renflouer les Caisses de l’Etat via les licences 4 G accordées aux opérateurs de la téléphonie dans le Royaume. Encore une fois, c’est l’opérateur historique qui contribue fortement avec 1 milliard de Dh. Soit plus que le montant des investissements que les opérateurs devraient engager pour développer les infrastructures idoines.
LA COLÈRE SOURD COMMERCE
Ils n’ont pas l’habitude des sit in. Et pourtant, ils n’ont pas hésité à baisser les rideaux pour venir battre le pavé devant le Parlement. Les commerçants, car c’est d’eux qu’il s’agit, sont en rogne. Depuis que le gouvernement a décidé, de lui-même, sans concertation aucune, assurent les protestataires, de réduire le nombre des chambres de commerce, d’industrie et de services à 12 (au lieu des 28 actuelles). En sus, ils reprochent au ministère de l’Industrie de vouloir exclure les petits et moyens commerçants des élections professionnelles via un mode de scrutin jugé injuste. My Hfid El Alami aura fort à faire avec cette catégorie d’acteurs économiques très remontés contre un Exécutif qui fuit le dialogue. Aura-t-il la recette magique pour les convaincre à l’heure où la distribution moderne fait des ravages dans leurs rangs ?
SMIG
HOT LA DISCUSSION Entre les syndicats et le gouvernement, il faut croire que le dialogue social promet bien des rebondissements. Surtout que les centrales syndicales (UMT, CDT, FDT) s’accrochent à la réévaluation du Smig de 20%. Sans quoi, le dialogue risque de capoter et la réforme des retraites reportée. De quoi sera faite la réponse du gouvernement ? Ni le ministre de l’Emploi ni son alter ego de la Fonction publique n’ont pu trancher dans ce dossier qui sera soumis à l’appréciation de la primature. Affaire à suivre…
PARLEMENT
PORTAIL SANS TIFINAGH ! Le lancement du nouveau portail du parlement s’est fait sans accrocs techniques. Mais tel n’est pas le cas sur le plan politique. En effet, le Mouvement Populaire, dans la majorité, a volé dans les plumes du Président de la Chambre, Rachid Tabi El Alami (inféodé au RNI, parti de la majorité), pour avoir fait tomber le Tifinagh du portail. Surtout lorsqu’il est question de traduire les débats en langue amazigh. Pour le MP, l’affaire du Tifinagh est tranchée depuis longtemps et il est inacceptable que l’on revienne à la case départ. Le débat reste problématique avec le choix des idiomes berbères.
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ENTENDU
UMT
CARTON PLEIN POUR M. MOUKHARIK
Sans surprise, Miloudi Moukharik a été reconduit au poste de Secrétaire général de l’Union Marocaine de Travail (UMT) pour un mandat de quatre ans. La tenue de cette assemblée coïncide avec le 60-ème anniversaire de la création de la centrale syndicale. Pour nombre d’observateurs, « la vieille dame » n’a pas pris de rides, malgré les dissensions constatées dans ses rangs. Forte de 26 fédérations, 58 unions locales et régionales et 9 syndicats nationaux professionnels, elle reste l’incontournable partenaire social et pour l’Exécutif et pour la Confédération patronale. La question qui se pose dès lors serait de savoir si le patron qui rempile se contentera d’un second mandat où s’il perpétuera la ligne de conduite de son prédécesseur…
RECENSEMENT LES MAROCAINS FONT MOINS D’ENFANTS Au 1er septembre 2014, nous étions 33.762.036 de Marocains. C’est ce que Ahmed Lahlimi, patron du Haut Commissariat à la planification, a signalé lors d’un point de presse dédié aux résultats du recensement de la population légale du Maroc. Que ceux qui doutent et sèment le doute se rendent à l’évidence : « jamais une opération de recensement n’a été aussi bien réussie », assure-t-il. Le taux de croissance démographique a baissé globalement en passant à 1,25 (contre 1,38% entre 1994-2004), comme le taux de fécondité (2,9 enfants par femme contre 3 en 1998) et l’urbanisation avance puisque 60,3% de la population se concentre dans les villes. Et dans ce tas, 5 régions rassemblent 70,2% de la population : Grand Casablanca-Settat (6,8 millions), Rabat-Salé-Kénitra (4,5 millions) ex-aequo avec Marrakech-Safi, Fès-Meknès (4,2 millions), Tanger-Tétouan-Al-Hoceima (3,5 millions). La plus grande métropole, Casablanca, concentre 3,06 millions, auxquels s’ajoute 1,2 million si on raisonne Région du Grand Casablanca. Autant dire que le Développement démographique se littoralise de plus en plus.
PARITÉ PROBLÉMATIQUE
FAITS TÊTUS
Lors du dernier conseil de gouvernement, le projet de loi portant sur la création de l’Instance de parité et de lutte contre la discrimination, prévue par la Constitution a été entériné. Sans pour autant que lors des nominations qui ont eu lieu, deux en tout, une candidature féminine ne soit retenue. Ceux qui suivent de près ces conseils auront remarqué que la femme est toujours absente… En tout cas, le texte entériné ne fait pas l’unanimité auprès de la société civile, notamment les ONG féministes qui ont critiqué ses dispositions. D’ailleurs, une commission ministérielle sera mise en place pour introduire les remarques formulées lors de l’examen de ce texte, afin d’assurer sa conformité avec les principes de Paris, relatifs à la protection des droits de l’homme.
ECOLE PUBLIQUE
LES BANCS DE LA DÉPERDITION Rachid Belmokhtar, ministre de l’Education nationale, reconnaît le bilan catastrophique de l’école publique: 76% des élèves ne savent ni lire ni écrire après quatre années passées au primaire. Les premières mesures de la nouvelle stratégie qui a associé notamment les enseignants seront déclinées dès l’année prochaine.
LE PROJET DE LA MAJORITÉ EST LOIN DE SATISFAIRE LES INCONDITIONNELS DE LA PARITÉ
LE MAROC PASSERA À L’HEURE D’ÉTÉ À PARTIR DU 29 MARS. LES MONTRES DEVRONT DONC ÊTRE AVANCÉES DE 60 MINUTES À 2 H DU MATIN. DOMMAGE QUE LES MAROCAINS N’AURONT PLUS À SUIVRE LA SÉRIE « LE COUPLE » QUI A PERMIS À H. EL FAD DE PARODIER CE HAUT FAIT DU GOUVERNEMENT. UNE HEURE DE PLUS OU DE MOINS NE FAIT PAS GRANDE DIFFÉRENCE POUR UNE MAJORITÉ QUI VIT AU RYTHME DE PLEIN DE RETARDS.
Le chômage galope et dépasse, en volume, la barre du million. Comment endiguer un tel raz de marée ? L’Exécutif est en panne d’imagination.
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ATHLÉTISME
BANCO POUR LE MIMA
«La décision de la Diamond League constitue une reconnaissance du parcours exceptionnel du Meeting International Mohammed VI d’Athlétisme de Rabat tant sur le plan des performances techniques qu’organisationnelles » s’est félicité le Président de la Fédération royale marocaine d’athlétisme. Pour Abdeslam Ahizoune, « ce nouveau statut du Meeting vient couronner les longues années de travail que la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme a entamé dans le
cadre du contrat programme de mise à niveau et du développement de l’athlétisme national.» A rappeler que le Conseil d’Administration et l’A.G de la DLAG qui se sont réunis le 22 Novembre 2014 à Monaco, ont décidé, à l’unanimité de leurs membres, que le Meeting International Mohammed VI d’Athlétisme de Rabat répond aux exigences techniques requises pour faire partie de la prestigieuse IAAF. De quoi faire des jaloux !
Si l’Algérie a été le plus grand importateur d’armes en Afrique, le Maroc la talonne avec des importations multipliées par onze contre une progression de trois points pour l’Algérie. Alger est le troisième client de la Russie et Rabat le premier de la France. C’est ce que révèle l’Institut international de recherche sur la paix (Sipri). Dans le baromètre politique Tizi/Averty, le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, a vu sa cote s’améliorer par rapport à Juillet 2014, en passant de 53% de marocains qui lui font confiance, à pas moins de 62% ! 51% des marocains font confiance au système politique, contre 37% en Juillet dernier. Le sondage fait via le net est-il net ?
N. EL MOUTAWAKIL DISTINGUÉE
ET L’ÉTHIQUE OLYMPIQUE ? Le Président français a fait de Nawal El Moutawakil Chevalier de la Légion d’honneur. Une décoration qui expire le soufre pour l’ex-championne olympique sur le 400 m haies (épreuve olympique depuis les Jeux Olympiques de 1984 à Los Angeles), membre du Conseil de l’IAAF, depuis 1995, membre du CIO depuis 2000 et vice-présidente de la Commission Exécutive depuis quatre ans, si la ville de Paris est officiellement candidate aux JO de 2024 Rien n’est gratuit et rien ne sert à chercher ce qui a motivé les décideurs français à décorer l’ancienne athlète marocaine. Cette Légion d’honneur risque d’être exploitée par les villes de Rome et de Boston pour fustiger le CIO avant le vote définitif, prévu en septembre 2017 à Lima au Pérou. Nommée a deux reprises ministre de la Jeunesse et des Sports, elle quitte ses fonctions avec un bilan catastrophique Qu’ont rapporté toutes ces distinctions au sport marocain? Présidente de l’association « Sport et Développement », N. El Moutawakil gère des fonds dans le flou…
Après l’Intérieur, c’est au tour de la Cour des Comptes d’épingler l’AMDH. Dans une lettre du président de la cour des comptes, Driss Jettou, la réalisation d’un rapport sur l’origine et la configuration des financements nationaux et étrangers reçus de la part de l’association, ainsi que les modalités de l’utilisation dont ils ont fait l’objet, depuis 2009, sont exigée. Une nouvelle crise risque de porter ombrage aux relations entre Rabat et Madrid. L’Espagne tente un forcing à l’ONU pour procéder à des prospections pétrolières dans les eaux situées entre les Îles Canaries et les côtes marocaines du Sud. L’affaire est épineuse au regard des enjeux liés à la délimitation des frontières.
DON D’ORGANES
TIMIDE CAMPAGNE UNE CAMPAGNE DE SENSIBILISATION AUX DONS D’ORGANES A ÉTÉ LANCÉE DEPUIS LE 12 MARS DERNIER DANS LE PAYS. L’INITIATIVE REVIENT AU CHIS (CENTRE HOSPITALIER IBN SINA) DE RABAT QUI ENTEND RÉPONDRE AU MANQUE DE DONS, À PARTIR DE PERSONNES VIVANTES OU DÉCÉDÉES. « CETTE INITIATIVE HUMAINE DU CHIS, VIENT PARER AU MANQUE DE DONS, À PARTIR DE PERSONNES VIVANTES OU DÉCÉDÉES, AU MAROC », INDIQUE LE CHIS. LOUABLE, LA CAMPAGNE EST RESTÉE TIMIDE ALORS QUE L’ENJEU EST CAPITAL. L’IMPLICATION DE L’EXÉCUTIF DOIT ÊTRE DE MISE POUR RÉUSSIR UN TEL DÉFI. LE MINISTÈRE DE LA SANTÉ EN TÊTE. PERSPECTIVES MED
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VU LU
ENTENDU JUSTICE
LES SOUS DE LA RÉFORME
GESTION DE L’EAU
L’UE FAIT APPEL À SES DIFFÉRENTS INSTRUMENTS DE COOPÉRATION
DÉBITS EN MILLIARDS
DANS LE BUT DE SOUTENIR LES RÉFORMES DÉMOCRATIQUES ENGAGÉES PAR LE MAROC ET ENVISAGE À CET
UN « PLAN NATIONAL DE L’EAU » NÉCESSITERAIT, DANS SA MISE EN PLACE, QUELQUE 220 MILLIARDS DE DIRHAMS D’INVESTISSEMENT. CHARAFAT AFILAL, MINISTRE DÉLÉGUÉE EN CHARGE DE L’EAU, A SOULIGNÉ QUE 41% DE LA SOMME SERONT DESTINÉS À LA GESTION DE LA DEMANDE, QU’ENVIRON 9% SERONT AFFECTÉS À LA LUTTE CONTRE LES INONDATIONS (400 SITES SONT MENACÉS D’INONDATIONS). LA MINISTRE QUI ANIMAIT LE FORUM DE LA MAP A SOULIGNÉ QUE 7% DE L’ENVELOPPE SERONT DESTINÉS AU DESSALEMENT DE L’EAU DE MER, L’UNE DES ALTERNATIVES NON TRADITIONNELLES INSCRITES AU PNE, QUI SE VEUT « UNE RÉFÉRENCE PRINCIPALE » DE LA POLITIQUE HYDRIQUE AU MAROC À L’HORIZON 2030. LE RESTE DEVANT ASSURER LA CONSTRUCTION DE NOUVEAUX BARRAGES ET L’ENTRETIEN DES OUVRAGES HYDRAULIQUES QUI ONT VIEILLI. IL Y A LIEU DE RAPPELER QUE L’ENVASEMENT REPRÉSENTE, À LUI SEUL, UN RÉEL DANGER POUR NOMBRE D’OUVRAGES EN MAL D’ENTRETIEN.
ÉGARD SOUTENIR LA RÉFORME DU SYSTÈME JUDICIAIRE AVEC UN PROGRAMME S’ÉLEVANT À 70 MILLIONS D’EUROS, A INDIQUÉ MME MOGHERINI. LA HAUTE REPRÉSENTANTE DE L’UE A RAPPELÉ QU’UN PROGRAMME DOTÉ DE 45 MILLIONS D’EUROS A RÉCEMMENT ÉTÉ LANCÉ AFIN D’ENCOURAGER LES DÉMARCHES DU GOUVERNEMENT MAROCAIN VISANT À PROMOUVOIR L’ÉGALITÉ ENTRE LES HOMMES ET LES FEMMES. DES RÉFORMES COÛTEUSES ? PAS TANT QUE ÇA…
L’UNESCO, en adoptant le projet marocain, a indiqué vouloir faire du 21 mars, journée internationale de la Poésie, ‘‘une invitation à réfléchir sur la puissance du langage et le plein épanouissement des capacités créatrices de chacun.’’ La muse a son parent pauvre : la misère des poètes. Abdelwahhab Doukkali l’a récemment rappelé. QUELQUE 30 MIGRANTS PARTIS DES CÔTES MAROCAINES ONT DISPARU EN MER, SELON DES SOURCES ESPAGNOLES. LES MIGRANTS EMBARCATIONS ONT PRIS LA MER À PARTIR DE LA PLAGE FANTÔMES ! DE TAN-TAN EN DIRECTION DE LANZAIMMIGRATION ROTE. UNE AUTRE PATERA AVEC PLUS DE 18 MIGRANTS À BORD A ÉGALEMENT ÉTÉ PORTÉE DISPARUE. L’ESPAGNE AVAIT MÊME MOBILISÉ UN AVION (100.000 KM PARCOURUS) POUR LES LOCALISER SANS SUCCÈS.
ABUJA
RABAT FRAPPE FORT!
ASSURÉMENT, LAHCEN DAOUDI QUI FAIT GRAND CAS DES MATHS, C’EST L’AVENIR, OUBLIE JUSQU’AUX RÈGLES DE BASE ALGÉBRIQUES. DANS LE CHOIX DES PRÉSIDENTS CANDIDATS AUX UNIVERSITÉS, PAR EXEMPLE, IL LUI ARRIVE DE CHOISIR LE CLASSÉ 3ÈME POUR REMPLACER LE 1ER ET AINSI DE SUITE. DANS CE MÉLANGE DES GENRES, GAGEONS QUE LE SOUCI POLITIQUE PRIME.
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PERSPECTIVES MED
Rien ne réussit aux menteurs. Même s’ils sont puissants. Le Maroc a décidé le «rappel immédiat en consultation» de son ambassadeur à Abuja. Aux Affaires étrangères, on explique que «contrairement à ce que les autorités nigérianes ont avancé (…) le Royaume du Maroc confirme, de la manière la plus claire et la plus ferme, qu’il n’y a jamais eu d’entretien téléphonique entre Sa Majesté le Roi et le Président de ce pays». Précisant que «Sa Majesté le Roi a effectivement décliné la demande des autorités nigérianes du fait qu’elle s’inscrit dans le cadre de manœuvres électorales internes et des positions foncièrement hostiles de ce pays à l’égard de l’intégrité territoriale du Royaume», ajoute le communiqué. C’est ce qui a forcé le Président du Nigéria à revenir sur les informations filtrées naguère à Abuja. On comprend dès lors l’indignation de l’opinion en prise avec les attentats de Boco Haram.
OTAN-RUSSIE
RIEN NE VA PLUS ! Les manoeuvres de l’Otan qui se déroulent en Pologne seront marquées par le déploieront par les Etats-Unis d’une batterie de missiles Patriot « comme dissuasion à l’agression sur le flanc oriental ». Mais en réalité, c’est surtout surtout parce que Varsovie doit décider dans l’année si elle achète les missiles Patriot, produits par Raytheon, ou ceux analogues du consortium franco-italien Eurosam : une affaire de 8 milliards de dollars, dans le cadre d’une attribution de 42 milliards (presque 40 milliards d’euros) décidée à potentialiser ses forces armées. La Pologne entend aussi acheter trois nouveaux sous-marins d’attaque, en les armant de missiles de croisière (à double capacité conventionnelle et nucléaire) fournis par Raytheon ou par le français Dcns. Et ce qui court pour la Pologne court aussi pour l’Ukraine. Washington a annoncé une nouvelle fourniture à Kiev, d’une valeur de 75 millions de dollars, de matériels militaires « non létaux », parmi lesquels des centaines de blindés « non armés» qui peuvent être facilement armés avec des systèmes produits en Ukraine ou importés. Le gouvernement de Kiev a signé des contrats pour importer des « armes létales » de 11 pays de l’Union européenne, dont certainement l’Italie, signale-t-on. De quoi crisper davantage les relations avec Moscou qui craint d’être encerclée par l’OTAN.
LORSQUE L’ASIE DEVIENT PIVOT
MOSCOU ET PÉKIN S’ARMENT
EN PLEINE ACTIVITÉ, LES INDUSTRIES DE GUERRE RUSSE ET CHINOISE DONNENT L’IMPRESSION DE FAIRE LES BOUCHÉES DOUBLES POUR RATTRAPER LES RETARDS CUMULÉS ET MIEUX SE PRÉPARER À TOUTES LES ÉVENTUALITÉS. SURTOUT DEPUIS QUE WASHINGTON A DÉCIDÉ DE FAIRE PIVOTER SON CENTRE D’INTÉRÊT VERS L’ASIE. POUR CONTREBALANCER LA FORCE NAVALE ÉTASUNIENNE, QUI DISPOSE D’ENVIRON 300 NAVIRES DE GUERRE DONT 10 PORTE-AVIONS, LA RUSSIE EST EN TRAIN DE CONSTRUIRE SIMULTANÉMENT QUATRE SOUS-MARINS NUCLÉAIRES ET UNE QUARANTAINE DE NAVIRES DE GUERRE SUSCEPTIBLES DE LUI ASSURER UNE FORCE DE PROJECTION PLUS PUISSANTE. QUANT À LA CHINE, ELLE SE DOTE D’UN SECOND PORTE-AVIONS PRODUIT LOCALEMENT POUR POUSSER PLUS LOIN SA FORCE DE PROJECTION ASSURÉE, AUJOURD’HUI, PAR UN PORTE-AVIONS QUI LUI A ÉTÉ LIVRÉ PAR MOSCOU.
MOBILISATION TOUS AZIMUTS MARCHANDS DE CANONS
LE MARCHÉ EXPLOSE ! Le commerce international d’armements a grossi en volume de 16% en cinq ans et continuera à augmenter: les données diffusées par le Sipri le 16 mars 2015 le confirment. Les principaux exportateurs restent les Etats-Unis ( 31%), suivis par la Russie (27%), la Chine (passée du sixième au troisième rang avec 5%), Allemagne, France, Grande-Bretagne, Espagne, Italie, Ukraine et Israël. L’Italie -dont l’export militaire a augmenté de plus de 30% en cinq ans et augmentera ultérieurement grâce à la reconversion de Finmeccanica du civil au militaire- est ainsi le huitième exportateur mondial d’armements, qui fournit surtout les Emirats Arabes Unis. Inde, Arabie Saoudite, Chine, Emirats Arabes Unis, Pakistan, Australie, Turquie et Etats-Unis (qui importent des armements allemands, britanniques et canadiens), sont les principaux importateurs. L’augmentation de l’import militaire est à mettre à l’actif des monarchies du Golfe (71% en cinq ans) et du Moyen-Orient en général (54%), et de celui de l’Afrique (45%). Personne ne connaît cependant le volume réel et la valeur des transferts internationaux d’armes, dont beaucoup ont lieu sur la base de transactions politiques. Ceci n’est que la pointe de l’iceberg de la production d’armements, pour la majeure partie destinée aux forces armées des pays producteurs. PERSPECTIVES MED
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HUMEUR Ilias El Omari
A PIEDS JOINTS ! On peut l’aimer ou pas, c’est selon. Mais celui pour qui Ilias passerait, hélas, pour l’homme le plus détestable sur terre est bien sûr notre cher Benkirane. C’est à pieds joints que le Chef du gouvernement, du haut du Souss, a fait atterrir l’un des « hommes forts » de son tracteur pour lui assener ses quatre vérités bien « islamistes ». PAM ! En plein dans la gencive, le patron du PJD qui n’en rate pas une pour fustiger un rival qui risque de lui faire mal, n’a pas trouvé mieux froisser le port altier d’El Omari que de l’assimiler aux vulgaires dealers qui courent les rues marocaines. Et n’allez surtout pas croire que la charge de Benkirane serait imputable à un excès de langage destiné à ravir les foules de ses aficionados. La figure du PAM est bel et bien taxée de verser dans le trafic de drogue. Rien que ça ! Avouez qu’il y a de quoi se tenir la tête face à autant de jugements à l’emporte-pièces. Ceux-là mêmes qui présentent le Royaume comme la copie conforme du Mexique des narco-politiques. Surtout que la charge ne sort pas de la bouche d’un enfant prodigue de la politique. Mais de celle d’un patron de l’Exécutif qui aurait pu jeter toute la lumière sur pareil dossier en saisissant la Justice. Heureusement que l’envolée contre Ilias s’est déroulée dans le Souss et non pas dans la région Nord. Sans quoi, les mauvaises langues auraient mis pareille accusation sur le compte de l’ivresse que pourrait générer la pollinisation du kif.
Hamid Chabat
PÉDALE DOUCE…
Tous ceux qui l’ont côtoyé à Fès, capitale spirituelle qui a failli avoir sa tour Eiffel, savent que le brave Hamid est un cycliste hors pair. Dans tout le Royaume, il n’y a pas deux comme lui qui, de l’ajustage des
jantes, voyait déjà tourner la roue de la fortune derrière laquelle il allait sprinter comme un taré. Résultat des courses, le syndicaliste en puissance allait doubler le leader historique de l’UGTM sur sa droite, tout en se ménageant une selle confortable à la mairie de Fès, avant de pédaler ferme pour doubler, à gauche cette fois-ci, le patron de l’Istiqlal. Quelle belle carrière que celle-là ! Et dire que l’on ne croise pareille promotion sociale qu’en Amérique… Voilà qui fait enrager le Chef du gouvernement qui lui tient rigueur depuis que Hamid a choisi de quitter la galère gouvernementale. Avec pertes et fracas. Forçant le leader du PJD à se faire violence en pactisant à tout va pour sauver son équipage du naufrage annoncé. L’heure des comptes a bel et bien sonné. Et c’est pourquoi Abdelilah, taxé par Hamid d’être l’enfant maudit de la famille, réclame des comptes. En s’interrogeant, bien sûr, sur les origines troubles de la fortune du maire devenu rival politique de la pire espèce. On ose à peine croire que la Cour des comptes soit maintenue à l’écart de cet épisode de passe-passe entre les deux bêtes politiques. Résultat des courses, on frôle le plancher des vaches en matière de débat. Des esprits fins n’hésitent pas à écrire le prochain scénario. Où figure la en plan rapproché la mâchoire de Hamid sur la joue de Benkirane. De quoi décoller les chaires et décoiffer jusqu’aux chauves du bled, non ? C’est à voir… 16
PERSPECTIVES MED
Abdelilah Benkirane
LA DANSE DANS LE VENTRE
N
RIRA BIEN ...
ul ne saurait jamais si effectivement le PJD est sur le point de rompre avec ses amis de la Confrérie. Depuis que les Frères Musulmans ne sont plus en odeur de sainteté… Sauf peut-être dans la péninsule arabique et au bord du Potomac. En tout cas, spectaculaire fut Benkirane devant les foules amassées dans le Souss. Le phénoménal Chef du gouvernement s’est payé le luxe de montrer de quoi seraient capables nos islamistes modérés. Il nous l’a donné dans le mille : empoignant les mains des danseurs, il s’est laissé bercer par l’Ahouach, cette danse qui fait vibrer jusqu’aux très sages responsables de l’UNESCO en charge de l’immortaliser comme « patrimoine universel ». Si Abdelilah a bel et bien dansé, sans marcher sur les pieds de qui que ce soit. Autant dire qu’en Ahouachie, il sait faire suer son corps et parler son âme. C’est qu’il a danse dans le ventre, le monstre, non ? Croyez-le ou non, il y en a qui ont été plus qu’éberlués par le spectacle. Bluffant ! Au point d’y voir peut-être un regain d’intérêt du PJD pour Mawazin que bien des courants obscurantistes ont fait vaciller sans réussir à le couler. On peut dès lors extrapoler sur le prochain crochet du patron de l’Exécutif dans les loges VIP du Festival international de la capitale. Le coup de com’ serait génial. A. Benkirane n’a pas à se plaindre puisque même sa moitié a fait sa cuti en trônant dans une salle aménagée pour le défilé de mode. La griffe Ramid était là. Mais elle n’explique pas tout. Il faut peut-être y voir un autre signe. Le pouvoir use, dit-on. Sauf qu’au Maroc, il délave. Et ce n’est pas Si Abdelilah qui oserait nous contredire quand bien même son unité d’eau de Javel serait en difficulté. Moussanada pourrait lui prêter main forte. Il faut l’empêcher de pleurer, notre Chef du gouvernement. Tout lui réussira tant qu’il aura le pied dansant. Une, deux ! PERSPECTIVES MED
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PERSPECTIVES MED
CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGATS
HYPERTROPHIE… Par : Said Akechmir
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ssurément, les ténors de l’Exécutif adorent communiquer. Ils aiment s’épancher dans les médias. Mais pas dans n’importe quel espace, que l’on s’entend bien. La petite lucarne reste, bien entendu, leur medium de prédilection. Rien de plus normal, on se contente de leur tendre la perche pour qu’ils s’épanchent sur le petit écran pour occuper les meilleures plages horaires. La dictature de l’immédiat, ils connaissent, nos ministres. Du coup, ils prennent leur revanche sur cette pression en s’invitant dans les salons des citoyens pour leur livrer la bonne parole. Quitte à ce que la com soit amputée dans les JT. Et que les autres sons de cloche soient maintenus dans le coin, reclus dans l’anonymat. C’est bien ça le « fait du Prince ». On en use et on abuse. La preuve ? C’est au niveau de la HACA qu’il faudra la chercher. Cette haute instance de la communication audiovisuelle ayant à charge de mesurer à la seconde près les prestations des uns et des autres. Ainsi, d’après les chiffres relatifs au 1er trimestre de l’année écoulée, le personnel politique gouvernemental étrille son rival de l’opposition, parlementaire ou non. Il a trusté pas moins de 50,01% du temps de parole alors que ses rivaux n’ont eu droit, eux, qu’à 12,73%. Et si on ajoute à ce tableau les 10,52% arrachés par la majorité, on se rend vite compte au profit de qui les compteurs tournent à plein régime. Dans ce tableau, la focale est large puisqu’il s’agit de tous médias confondus. Mais si on se penche sur le medium de choix, la téloche en l’occurrence, les rapports de domination de la majorité prennent une dimension qui frise l’hypertrophie ! En effet, le temps d’intervention accordé LA DOMINATION DE LA SCÈNE MÉDIATIQUE PAR au Gouvernement et à sa majorité parlementaire dans les chaînes LE GOUVERNEMENT NE de télévision a atteint 83,26 pc CACHE PAS UN DÉFICIT du total des quatre parts, avec 19 DES PLUS LOURDS EN heures, 6 minutes et 24 secondes, COMMUNICATION contre 3 heures, 21 minutes et 5 secondes pour l’opposition parlementaire et moins d’une demi-heure pour les partis non représentés au Parlement. Autant dire que l’Exécutif n’a pas besoin de plus pour s’assurer une visibilité du tonnerre ! Pourtant, il ne suffit pas de squatter les foyers marocains, médiatiquement parlant, pour se refaire une santé politique. La
preuve nous est livrée, cette fois-ci, par les résultats établis par le baromètre politique Tizi/Averty. Ce baromètre qui en est à sa quatrième édition, autant dire qu’il a dépassé les approximations des débuts, a de quoi éclairer sur l’étendue de la cote dont jouirait l’Exécutif auprès des masses. Et là, il faut croire que rien n’est encore gagné globalement. Car même si l’indice de confiance permet au chef du gouvernement de se placer en tête, 62% des Marocains lui feraient confiance (contre 53% en juillet dernier), il n’en reste pas moins que la bataille de la satisfaction est loin d’être gagnée. Remporter l’adhésion de l’opinion reste liée, elle, au ressenti. Autant dire que la majorité a les yeux rivés sur les réalisations pour exprimer, ou non, sa satisfaction. Certes, Abdelilah Benkirane qui alterne joie, larmes et menaces peut se targuer d’avoir réussi à porter l’indice de confiance des Marocains en leur système politique à 51% (contre 37%). Mais quid de l’autre moitié de la coupe toujours vide ? En période préélectorale, il y a de quoi s’inquiéter, non ? Mais le pire est de tirer les conclusions qui s’imposent vis-à-vis de la cote de popularité des autres acteurs de l’Exécutif. Si un Aziz Akhannouch ou un Lhoucine Louardi réussissent à remporter l’adhésion, tel ne semble pas être le cas pour les autres. Ni Mohand Laenser, pourtant chef d’un parti politique très populaire, ni le pétillant Anis Birou, et encore moins Mohamed Moubdii, ou Abdeladim El Guerrouj, ne réussissent à capter l’attention. Et encore moins la confiance. Comme quoi, entre les visibles et les moins visibles, tout est tronqué. La com du gouvernement, aussi prégnante soit-elle, reste assez limitée. Elle présente bien des défauts qu’il est intéressant de traiter sous toutes les coutures. Notamment en changeant le fusil d’épaule dès lors qu’il est question de composer avec les gens des médias. En privant des journalistes de faire leur travail alors qu’ils ont été officiellement invités pour le faire. Aux Affaires étrangères, comme aux Finances, ils ont subi des pratiques des plus vexatoires. A méditer, non ?
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POINTS CHAUDS
DAECH FRAPPE AU CŒUR LA TUNISIE
SPIRALE DJIHADISTE 20
PERSPECTIVES MED
AVEC UN CALIFAT QUI S’ENRACINE EN LIBYE, UN AUTRE LOGÉ DANS LE MONT CHAAMBI, À LA FRONTIÈRE ALGÉRO-TUNISIENNE, TOUT PRÊTE À CROIRE QUE DAECH TISSE SA TOILE DANS L’ESPACE MAGHRÉBIN. FAUT-IL DÈS LORS S’ÉTONNER SI LES TERRORISTES DE L’ETAT ISLAMIQUE FRAPPENT LA TUNISIE AU CŒUR ? IL NE FAUT PAS SE MÉPRENDRE : AL-BAGHDADI ET SES FOUS ONT DES VISÉES GLOBALES : ILS MENACENT DE GÉNÉRER LA DÉSTABILISATION LE LONG DE L’ESPACE MAGHRÉBIN. EMPÊCHER CETTE SPIRALE C’EST DÉJÀ VOLER AU SECOURS DE LA TUNISIE.
POINTS CHAUDS
TUNIS ENSANGLANTÉE
LES TUNISIENS SUR LES DENTS ALLAL EL MALEH
Pris de court, les forces de sécurité qui défendaient l’Assemblée du peuple ont forcé les djihadistes à se tourner vers le musée Bardo. Un assaut qui s’est terminé dans un bain de sang: 22 morts et 43 blessés.
L
es messagers de la mort ont choisi le moment pour transformer le centre symbolique du pouvoir du peuple en Tunisie en un bain de sang. L’attaque contre le Musée Bardo qui a fait plus de 20 morts et une quarantaine de blessés n’est en fait que « le plan B » d’une sinistre machination sanguinaire qui ciblait l’Assemblée du peuple, mitoyenne au Musée. Daech voulait frapper la démocratie tunisienne naissante en plein cœur au moment où les élus débattaient d’une loi anti-terroriste. Et où le pays de la Révolution du Jasmin s’apprêtait à célébrer le 59 anniversaire de son indépendance. La symbolique recherchée par les sicaires à la solde du sanguinaire Al-Baghdadi, promu Calife d’un hypothétique Etat Islamique il y a quelques mois, n’est pas anodine. Elle visait à bloquer les institutions tunisiennes, encore fragiles, pour plonger le pays dans le chaos.
Autant dire que l’objectif recherché était de paralyser le pouvoir en place qui peine à gérer une indépendance vis-à-vis des islamistes d’Ennahda toujours à l’affût d’hypothétiques flottements susceptibles de les replacer à la tête d’un pouvoir qu’ils avaient été forcés d’abandonner la mort dans l’âme. Si les urnes avaient décidé de leur retirer la majorité, au profit de Nidaa Tounès, ce puissant conglomérat d’intérêts divergents (on y trouve de tout dans cette formation politique que dirige Bejji Caid Essebssi), il n’en reste pas moins que leur présence sur la scène a été confortée par le rôle qui leur échoit de deuxième puissance politique dans le pays. Rached Ghannouchi, leader d’Ennahda n’avait pas d’autre choix que de faire contre mauvaise fortune bon cœur. D’autant que ses frères d’armes égyptiens ont été débarqués manu militari du pouvoir et que les vents qui avaient consacré
LES SICAIRES D’AL-BAGHDADI ONT CIBLÉ L’ASSEMBLÉE DU PEUPLE
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ASSAUT EN FORCE
Parés à toutes les éventualités, les policiers tunisiens, armes au poing, suivaient le déroulement du siège du musée Bardo.
l’islamisme politique au pouvoir ont viré face à l’instabilité que Daech allait marquer de son sceau aussi bien en Syrie qu’en Irak… Voire en Egypte et au Yémen. Aujourd’hui, le chef de l’Etat tunisien a eu raison de galvaniser le peuple tunisien par ses appels à l’union nationale pour faire barrage au terrorisme. Un discours qui tranche nettement vis-à-vis de celui que la Troika avait nourri lorsque deux figures de proue de la gauche tunisienne avaient été fauchées par les balles terroristes. Point de complaisance à l’endroit de djihadistes qui ne respectent ni religion, ni culture, ni Etat, ni nation, ni frontières. Bejji Caïd Essebssi a marqué un point. Alors que le laisser-aller avait marqué la gestion du djihadisme et de ses dérives dans un passé récent. Que l’on se souvienne qu’en date du 22 décembre 2014, le Président de l’organisation tunisienne de la sécurité et du citoyen Issam Dardouri avait dévoilé l’identité du cadre sécuritaire, « qui selon le comité de défense du martyr Mohamed Brahmi », aurait fourni un appui logistique au terroriste Abou Baker Al Hakim, principal accusé du meurtre. Il s’agit, en effet, de l’ancien directeur de l’équipe de protection des avions, Abdelkarim Abidi. I.Dardouri a indiqué « avoir eu l’honneur de démasquer cet homme à l’opinion publique et ce à plusieurs occasions et dans plusieurs posts qu’il a publiés depuis 2012 ». Et d’ajouter « C’est le même qui a tenu à l’œil Chokri Belaïd avant son assassinat et c’est aussi le même qui a formé une cellule illégale pour entrainer des éléments inconnus n’appartenant pas au ministère de l’Intérieur». 22
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Les forces tunisiennes ont convergé, vers le musée Bardo pour éliminer la menace terroriste. Sur le carreau, d’innocents touristes
I.Dardouri accuse également Abdelkarim Abidi d’être le numéro 1 de la contrebande et le bras droit de l’ancien directeur des services spécialisés, Mehrez Zouari. « Il est aussi l’ami intime de Fethi Baldi, le plus dangereux élément du groupe sécuritaire des années 90 ». Rien ne fut fait pour élucider les crimes odieux qui ont privé la Tunisie de deux de ses meilleurs enfants. Pour R. Ghannouchi, « les salafistes sont des brebis égarées », a-t-il affirmé à qui voulait l’entendre. « Nous étions absents de la vie politique sous Ben Ali, exilés ou en prison, lorsque ces jeunes se sont convertis à un islam radical. Nous faisons en sorte désormais qu’ils apprennent à boire le lait des valeurs démocratiques et nous les réprimerons s’ils franchissent des lignes jaunes. » Pareils propos nourris par le leader d’Ennahda face aux représentants des chancelleries occidentales sonnent creux au vu de la politique du «laisser aller » pratiqué par le gouvernement à dominante islamiste. Une complaisance qui a fait que les Monts Chaâmbi abrite aujourd’hui des bataillons de djihadistes qui croisent le fer avec l’armée tunisienne, aidée en cela par l’armée algérienne suréquipée. Qui a aussi permis aux jeunes djihadistes tunisiens de renforcer les bataillons des djihadistes en Syrie et en Irak. Et d’étoffer les rangs des combattants pro-Al-Qaida et/ou pro-Daech en Libye. C’est à l’aune de cette permissivité que l’on doit mesurer le degré de dangerosité de la nébuleuse islamiste tunisienne (Pour plus de détails, lire l’entretien avec Abderrahman Mekkaoui P-24). Si les Tunisiens apprécient à leur juste valeur
Les Tunisiens ont spontanément occupé les rues de la capitale pour dénoncer le terrorisme et appeler à l’union nationale pour bouter Daech hors de la Tunisie.
les élans de solidarité exprimés de par le monde, il n’en reste pas moins qu’ils nourrissent, et à juste titre, l’inquiétude quant au devenir de leur pays. D’autant que la spirale de la violence islamiste a atteint la capitale après avoir été cantonnée dans les régions pauvres, comme à Kasserine, située à proximité de la frontière algérienne et à quelque 70 kilomètres à l’ouest de Sidi Bouzid. Dans cette deuxième ville à entrer dans la révolution dite du « jasmin », tout prête à croire qu’elle est devenue un haut lieu salafiste dans le pays. Fin décembre 2012, les autorités y avaient annoncé l’arrestation de seize hommes liés à al-Qaïda au Maghreb islamique (AQMI), tandis que 18 autres personnes étaient recherchées. A la mi-janvier 2013, l’armée tunisienne était toujours en ratissage dans la région avant que l’appréhension de trois Salafistes par la police, dans la nuit du 29 janvier, ne provoque de violentes manifestations dans la ville au cours desquelles plusieurs membres des forces de l’ordre étaient blessés. Le 27 mai 2014, les djihadistes attaquaient la maison de famille du ministre de l’intérieur,
Lotfi Ben Jeddou, située à Kasserine. C’est cette complaisance de la Troika, dictée par des intérêts géostratégiques qui dépassent le seul sol tunisien qui a renforcé la nébuleuse terroriste. En Tunisie où on nourrit les pires craintes vis-à-vis des djihadistes qui sont rentrés au pays des fronts syrien et irakien, la nébuleuse islamiste compte des structures aussi fortes que Hizb At-Tahrir, l’organisation Oqba Ibn Nafia et Ansar Acharia… Autant dire que sous les cendres du salafisme, le chaudron djihadiste est à vif. Ce qui incite à une action concertée à l’échelle maghrébine pour en découdre avec le djihadisme. Bien entendu, la bataille se gagnera d’abord sur le plan sécuritaire en Tunisie pour empêcher toute métastase daéchienne dans le corps nord-africain. Mais aussi, et surtout, par une approche idéelle appropriée et novatrice. En expurgeant Zaitouna des remugles du passé rigidifié et en permettant aux compétences tunisiennes de mieux s’exprimer sur le champ religieux et sa gestion qui, pour l’instant, est des plus chaotiques. Le génie tunisien pourrait, sans le moindre doute, apporter sa contribution dans le nouvel édifice de la reconstruction de la pensée islamique. En y apportant l’épaisseur critique susceptible de consacrer la vacuité des discours djihadistes à l’emporte-pièces. Face au Califat « clé en mains» que Daech voudrait globaliser, il est nécessaire de globaliser une pensée plus encline à accepter et le débat et le doute. Tel est le vaste chantier à sonder…
CIRCONSCRIRE LE DANGER L’investiture de Béji Caid Essebssi à la tête de l’Etat tunisien est toute fraîche. Mais le géronte chef de l’Etat est un familier des arcanes du pouvoir. Il sait qu’il peut compter sur son Premier ministre, Habib Essid, rompu aux questions sécuritaires (il fut ministre de l’Intérieur sous Ben Ali), pour empêcher le pays de basculer dans le chaos. On comprend dès lors pourquoi le Conseil de sécurité tunisien a été convoqué d’urgence pour gérer les suites de l’attentat meurtrier contre le Musée Bardo. Car les sécuritaires tunisiens ne sont pas nés de la dernière pluie. Dans un document intitulé « Paysage politique en Tunisie et perspectives », partagé avec leurs partenaires, les services tunisiens pointent du doigt l’ampleur de la nébuleuse terroriste. « Les premiers indices du terrorisme en Tunisie firent leur apparition depuis 2011. Le phénomène se développa en 2012 puis s’accéléra en 2013 par le passage à l’acte. Un faisceau d’indices probants était disponible sous toutes les formes constitutives du terrorisme, notamment l’introduction d’armes, les camps d’entraînement, la formation sur les explosifs, le recrutement puis la planification des opérations terroristes. » Le document est accablant pour les gouvernements islamistes qui ont précédé celui de Mehdi Jomaâ puisque le danger terroriste était soit “sous-estimé” soit « éludé ». La complaisance d’Ennahda vis-à-vis des djihadistes tunisiens est bel et bien établie. Enquêtes bâclées et procès sans conséquence pour les prévenus arrêtés et poursuivis avec de lourdes charges.
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POINTS CHAUDS ATTENTAT DU BARDO
LE DANGER DJIHADISTE EST GLOBAL Propos recueillis par A. Ben Driss
L’attentat sanglant du Bardo, au cœur de Tunis, confirme si besoin est que la région maghrébine peut devenir un chaudron pour les djihadistes de tout acabit. Le danger est réel, global et meurtrier. Pr Abderrahman Mekkaoui, spécialiste dans les affaires stratégiques, éclaire sous un autre jour les défis auxquels les pays de l’Afrique du Nord sont confrontés.
PERSPECTIVES MED : POURQUOI LES OBSERVATEURS N’ONT PAS ÉTÉ SURPRIS PAR L’ATTENTAT CONTRE LE PALAIS BARDO, À TUNIS, ALORS QU’ON PRÉSENTAIT CE PAYS COMME UN MODÈLE DE TRANSITION DÉMOCRATIQUE ? ABDERRAHMAN MEKKAOUI : Il faut rappeler que la transition en Tunisie est toujours difficile, elle s’est faite par césarienne. Le précurseur du « Printemps arabe », comme on le dit, a réussi grâce à la vivacité de sa société civile et à ses élites laïques, à priver les islamistes de monopoliser le pouvoir. Il faut rappeler que le parti islamiste Ennahda n’a pas été débarqué par un quelconque miracle consensuel, mais par la conjonction d’actions menées tambour battant par les partis de gauche, le Parti du Travail en tête, la puissante centrale syndicale UGTT, la dynamique société civile composée, entre autres, d’associations féminines puissantes. Bien entendu, il faut rappeler que la Constitution consensuelle, consacrée 24
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par une assemblée représentative et validée par les acteurs en présence, était le palier nécessaire pour aller de l’avant. Un palier franchi grâce aux efforts de conciliation menés par l’UGTT qui, faut-il le rappeler, fut à l’origine de la « Révolution du Jasmin ». Bien entendu, les tunisiens savaient que sans consensus national, c’est l’effondrement du petit pays, pris en sandwich entre une Libye livrée au chaos et une Algérie hostile au changement, qui se profilait au bout. Après tout ce processus démocratique, mené dans la douleur, il ne faut pas oublier que la population majoritairement jeune était impatiente. Entre un Nord riche et un Sud pauvre, les ingrédients intérieurs de l’instabilité poignaient à l’horizon. Surtout que pour la majorité, la démocratie signifie le plein emploi tout de suite, la dignité pour tous immédiate, etc. La jeune démocratie était dans l’incapacité d’assurer tout cela. L’instabilité n’est donc pas une vue de l’esprit et elle profite aux islamistes dont le passage par la case du pouvoir a été écourté alors que leurs bases croient que la Révolution du Jasmin et la chute du pouvoir Ben Ali est leur œuvre. Il ne serait donc pas étonnant que la mouvance islamiste soit tentée par un processus de récupération de la révolution par l’épée et la
Kalach. Surtout lorsqu’on sait qu’Ennahda roule aussi pour les Frères Musulmans, cette confrérie obéissant à un agenda anglo-américain dans l’incapacité de créer un équilibre entre une société laïque et modérée et un pouvoir religieux. En plus d’Ennahda, on devant un grand groupe salafiste djihadiste, Ansar Acharia, qui possède au moins 18.000 hommes en Libye sous les armes. C’est le moteur qui s’est emballé, avec la bénédiction d’Ennahda, pour assurer l’envoi de 3000 combattants tunisiens en Syrie et en Irak, dont des femmes. Il y a aussi Oqba Ibnou Nafia, groupe affilié à Al-Qaida, qui a commencé avec 60 hommes pour atteindre, 4 ans après la révolution, les 600 combattants disséminés dans le mont Chaâmbi, tout en bénéficiant de l’aide logistique de la branche algérienne d’AQMI et du puissant réseau de contrebandiers qui ont transformé frontière en passoire. Si l’armée était le maillon faible à l’époque de Ben Ali, elle commence à prendre de l’importance grâce à l’aide occidentale (française et américaine) et, surtout, algérienne. La sous-traitance du contrôle de la frontière avec l’Algérie est assurée par l’armée algérienne qui dispose de la puissance de feu nécessaire et des moyens technologiques appropriés. Tous ces ingrédients réunis laissent présager d’autres attaques de « l’Etat Islamique » qui, dans sa logique déstabilisatrice, se base sur la domination d’un territoire, une base arrière dans le pays ciblé. Et pour la Tunisie, le Mont Chaâmbi excipe d’une telle démarche. LE POIDS DES ISLAMISTES RADICAUX EN TUNISIE N’EST-IL PAS CONFORTÉ PAR LA POSITION AMBIVALENTE D’ENNAHDA, PRÉSENTÉ COMME UN PARTI MODÉRÉ ? LES TRISTES ÉPISODES DE L’ASSASSINAT DE DEUX FIGURES DE PROUE DU MOUVEMENT PROGRESSISTE, CHOKRI BELAID ET MOHAMED BRAHMI, ET LES CAFOUILLAGES QUI LES ONT ACCOMPAGNÉS N‘ATTESTENT-ILS PAS DE CETTE AMÈRE RÉALITÉ ? A.M : La Tunisie se trouve confrontée à plusieurs menaces. C’est le produit de facteurs endogènes et exogènes. Les assassinats des figures progressistes sont l’œuvre d’Ansar Achariaa, dont le leader a trouvé la mort à Syrte, en Libye. C’est ce qui a fait que la société civile tunisienne, échaudée à l’idée
de vivre au rythme des assassinats, ait demandé le départ d’Ennahda, parti islamiste qui a joué le rôle paternaliste à l’endroit des salafistes. Ceci dit, il faut dire que la situation s’est complexifiée et le chef d’Ennahda est lui même menacé aujourd’hui. Un autre acteur, Hizb Attahrir en l’occurrence, est aussi un facteur de déstabilisation. Surtout que sa littérature, comme son programme, ne diffèrent guère de ceux de Daech, avec la création, in fine, du Califat. Puissant, ce parti dispose de ramifications en Europe et dans des pays arabo-musulmans. Autant dire que la nébuleuse islamiste en Tunisie inquiète. Et le dernier attentat du Bardo visait à avorter expérience démocratique en Tunisie et à assassiner l’économie en général et le tourisme en particulier. L’attentat sanglant, faut-il le rappeler, est intervenu au moment même où l’Assemblée tunisienne examinait une loi sur le terrorisme et à la veille de la fête de l’indépendance. Ce qui n’est pas anodin. L’AVENIR PARAÎT POUR LE MOINS INCERTAIN POUR UN PROCESSUS POLITIQUE TUNISIEN QUI, FAUT-IL LE RAPPELER, A PERMIS À NIDAA TOUNES D’OCCUPER LES DEVANTS DE LA SCÈNE EN FAISANT GRAND CAS DE « LA RÉHABILITATION DU PRESTIGE DE L’ETAT », NON ? A.M : Tous les peuples du Maghreb doivent se solidariser avec la Tunisie. Nous sommes tous Tunis et Bardo. Comme il faut encourager tous les opérateurs touristiques à ne pas tomber dans les projets de Daech. Les 500 tunisiens qui sont revenus du foyer moyen-oriental doivent être maîtrisés et poursuivis. Le conseil national de sécurité tunisien vient de prendre des mesures sécuritaires similaires à celles prises au Maroc, « Plan Hadar ». Et la Tunisie vit actuellement « l’alerte attentat ». Les pays du Maghreb, et tout particulièrement l’Algérie et le Maroc, voire même les pays du Sahel doivent prendre leurs responsabilités pour aider la Tunisie dans sa lutte contre le terrorisme. A l’appui matériel, l’échange de renseignements est vital dans cette longue bataille. Car il ne faut pas oublier que le phénomène de Daech est général, il nourrit l’ambition de s’infiltrer dans tous les pays de la région et la réponse doit être globale plutôt que de faire l’objet de surenchères et de dérives concurrentielles
aussi maladroites que vaines. Pourquoi aucun ministre de l’Intérieur maghrébin n’a fait le pas comme celui français qui a volé au secours de la Tunisie ? Daech risque d’exploiter toute faille pour déstabiliser toute l’Afrique du Nord. La preuve est que l’organisation terroriste Oqba Ibnu Nafia s’est scindée en deux, l’une proche du sinistre Abdelmalek Droudkl , alias Abou Mossab Abdelouadoud, et l’autre proche du tristement célèbre Abou Bakr al-Baghdadi. Les observateurs militaires français croient savoir que la Tunisie et l’Algérie seront pris en tenailles par Daech, au Sud par Ansar Eddine d’Iyad Ghali, au Nord par Jound Al khilafa (pro Daech-la région de Bouira) et à l’Est par Ansar Achariaa et Oqba Ibnou Nafia. La visite de Caid Essebssi en Algérie a fait état de l’impossibilité pour la Tunisie d’éradiquer, seule, le danger djihadiste. Et invité l’Algérie à considérer ce petit pays comme sa profondeur stratégique, sinon sa première ligne contre le djihadisme venant des pays limitrophes. C’est ce qui explique l’implication de l’armée algérienne à la frontière avec la Tunisie. Le Maroc qui est proche de la Tunisie dispose de moyens et de compétences qui devraient être mises à la disposition de cette démocratie fragile. On est tous dans le même bateau, ce qui exige la participation de tous à l’effort pour empêcher la balkanisation de la région. Bien entendu, la première mesure qui réduira ce danger croissant est la solution politique à dégager pour le problème libyen. Car aucun pays n’est à l’abri du terrorisme devenu global.
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NATION OPPOSITION ET MAJORITÉ DIVISÉES SUR LES COMMUNALES
DE BISBILLES EN CLASH ! Par : A. Ben Zeroual
Le Maroc n’est pas à un premier boycottage près des élections. Mais pour les communales programmées dans quelques mois, l’enjeu est crucial, politiquement, au vu de la charge symbolique qu’elles charrient dans leur sillage. Celle d’être au rendez-vous de la nouvelle Constitution.
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eux qui croyaient que l’opposition était définitivement laminée par les succès remportés par la majorité conduite par le trublion Chef du gouvernement islamiste devraient revoir leurs calculs. Les signes avant-coureurs d’un clash couraient depuis de longs mois. D’autant que la majorité n’a pas fait dans la dentelle en forçant plusieurs passages au grand dam du quatuor qui squatte les rangs de l’opposition parlementaire. En effet, voilà déjà des mois que les projets de lois organiques relatifs aux scrutins de proximité, communales et régionales notamment, avaient essuyé les feux roulants d’une critique des plus solides. Taxant le gouvernement de vouloir faire passer des textes qui s’inscrivent en faux vis-à-vis des dispositions de la nouvelle Constitution qui fait grand cas de la démocratie participative et, surtout, de l’assujettissement de tout détenteur d’un mandat au sacro-saint principe de
L’OPPOSITION NE SEMBLE PAS APPRÉCIER L’ARROGANCE DE L’EXÉCUTIF
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reddition des comptes. Or les prérogatives dévolues aux futurs collèges élus ont été vidées de leur substance démocratique pour consacrer le retour en force de la puissance de la tutelle. Voilà donc pour la philosophie. Reste la démarche. Et là encore, il faut croire que l’Exécutif a choisi de passer au forceps en minorant le poids de l’opposition sur l’échiquier politique. Autant dire que le gouvernement de Abdelilah Benkirane, croyant en sa bonne étoile, a fait preuve d’un excès d’optimisme en croyant faire passer les lois organiques comme une lettre à la poste. Résultat des courses, l’Exécutif a fini par trébucher. L’opposition ayant choisi, elle aussi, de faire preuve d’un sursaut d’honneur en se retirant de la commission de l’Intérieur. Et en prenant à témoin l’opinion sur les tenants et aboutissants d’un tel blocage. En effet, juste après avoir claqué la porte, les présidents des groupes parlementaires PAM, USFP, Istiqlal et UC, ont organisé une conférence de presse dans laquelle ils ont expliqué les motivations de leur retrait. « Nous ne sommes pas d’accord avec la manière avec laquelle a procédé le gouvernement. Il avait trois ans pour rédiger ces lois organiques. Sauf qu’ils ont attendu la dernière minute pour les élaborer tout en nous demandant de les voter rapidement » ont-il claironné.
Indignés, ils n’ont pas manqué, non plus, de pointer du doigt, une fois encore, le comité chargé de veiller au déroulement des élections communales. Un comité qu’elle estime être «illégal ». Autant dire que c’est la gestion de ce parcours, politico-légal, qui pose problème : on reproche à l’Intérieur, « mère des ministères », d’opérer un retour en force sur la scène. Alors que le processus démocratique aurait atteint un stade de maturité qui permet, par les temps qui courent, de couper le cordon ombilical d’avec le puissantissime département, qui plus est géré par un technocrate, l’ombre de l’Intérieur ayant de tout temps plané sur les épreuves votatives. Si on en croit la majorité, le processus réglementaire relatif aux prochaines échéances électorales aurait atteint « des stades avancés ». La supervision de tout le processus n’étant pas éminemment politique, c’est donc l’Intérieur qui s’en chargera. A charge pour le département de la Justice de s’impliquer sous une forme ou une autre. Dans le passé, ce dernier se contentait d’un rôle limité consistant en la validation des résultats lors des dépouillements des voix. Tout cet échafaudage est rejeté en bloc par l’opposition. Et ce rejet va même jusqu’au choix du jour du scrutin fixé au 4 septembre : un vendredi. Echaudés, les cadors de l’opposition craignent qu’en ce jour où la piété des Marocains se manifeste plus fortement les mosquées ne rejouent la partition de l’islamisme. A. Benkirane qui se gausse de la faiblesse de ses rivaux aura certainement à mesurer l’ampleur du grain de sable que l’opposition a choisi de placer dans les rouages politico-électoralistes. La démonstration de force de l’opposition a toutes les chances de contribuer au blocage du processus où, à tout le moins, à la perturbation du calendrier. Car même si toute la machinerie était réglée comme un métronome, un long processus d’adoption des lois organiques s’avère nécessaire entre les deux chambres du parlement appelées à en statuer. Cela sans évoquer la contrainte temps qui va de l’adoption des textes à leur publication dans le Bulletin officiel, quarante-cinq jours avant le début de la campagne électorale. A. Benkirane osera-t-il passer outre les réserves de l’opposition en s’appuyant sur la majorité des députés ? L’affaire a pris une autre dimension depuis que le PPS parle de « chantage» exercé par l’opposition sur la majorité. On comprend dès lors pourquoi les bons offices de Mohamed Hassad n’ont pas réussi à faire plier les uns et les autres. La traditionnelle approche consensuelle, celle qui régit la démocratie, s’essouffle-t-elle pour de bon sous le gouvernement coalisé autour des islamistes ?
« GRANDE MUETTE » ET ISOLOIRS
L’ARMÉE ISOLÉE ?
En démocratie, il faut dire que les sujets tabous finissent par ne plus résister à la tentation des réformes. Rien de plus normal lorsque la maturation d’un processus démocratique est au rendez-vous et que des paliers ont été franchis sur la voie de la transition politique. Driss El Yazami qui officie à la tête du CNDH a toutes les raisons de batailler pour élargir la base de la représentativité, un des éléments fondateurs de la démocratie. Et c’est la raison pour laquelle l’armée, cette « grande muette », a été, elle aussi, sollicitée dans le débat sur les réformes politiques. D’où la proposition d’élargir le corps électoral pour englober, au niveau des collectivités territoriales, les corps armés. Si on part du principe que la gestion des unités territoriales, de la bourgade reculée à la métropole la plus riche, intéresse tous les citoyens, y compris les corps armés, la logique voudrait qu’on implique la « grande muette » dans le choix des gestionnaires du territoire. Encore faut-il souligner que le choix est en soi, éminemment politique. Quand bien même l’enjeu s’avère des plus « technicistes ». Or ce que le CNDH semble avoir oublié c’est que les corps armés, qui représentent à coup sûr la société en miniature, ont eux aussi obéi à la logique des réformes. Le tout ayant été mené sous le sceau du professionnalisme. Dès lors, cette dimension-là incite à ce que ses composantes s’élèvent au dessus de toute mêlée politique. Ce qui ne s’inscrit nullement en faux vis-à-vis de la citoyenneté des divers corps qui en dépendent. C’est ce qui ressort des missions qui leur sont dévolues. Leur implication citoyenne se vérifie à l’aune des opérations civiles qu’ils mènent aussi bien sur le territoire national qu’en dehors du pays. Alors, le débat autour de cette question ne semble guère propice par les temps qui courent. C’est bien qu’un El Yazami agite des idées dans un espace démocratique. Toujours est-il intéressant d’en mesurer la pertinence. Si les principes de la convergence des réformes avec les standards internationaux sont bons à prendre, il ne faut pas non plus exagérer dans les duplications. Sans quoi, le droit de réserve n’aura plus de sens.
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NATION ARMÉE ET POLITIQUE
LES RAISONS D’UN DÉSAMOUR Propos recueillis par A. Ben Driss
Les divers corps armés sont forcés à la neutralité. En politique, lorsqu’ils se déplacent vers les urnes, c’est uniquement à l’occasion des référendums. La proposition du CNDH vient de tomber à plat en voulant mêler l’armée aux élections communales. Abderrahman Mekkaoui, notre expert pour les affaires militaires, explique les raisons de la neutralité… PERSPECTIVES MED: LE CNDH VIENT DE LANCER UN APPEL POUR QUE LES CORPS ARMÉS PUISSENT S’INSCRIRE DANS LES LISTES ÉLECTORALES ET PARTICIPER AINSI AUX SEULES ÉLECTIONS LIÉES AUX COLLECTIVITÉS TERRITORIALES. COMMENT VOYEZ-VOUS UNE TELLE ÉVOLUTION QUI ROMPT AVEC LA TRADITION QUI A TOUJOURS MAINTENU LES CORPS ARMÉS À L’ÉCART DE TOUTES LES CONSULTATIONS EXCEPTION FAITE DES REFERENDUMS? ABDERRAHMANE MEKKAOUI : Je pense que cette suggestion ne reflète pas la réalité de ces corps armés, et en particulier les FAR. Primo, la doctrine de notre armée signifie qu’elle est royaliste, professionnelle et ses prérogatives sont clairement définies, à savoir la défense de la nation et des institutions. Les corps armés sont considérés come des composantes inamovibles de l’Etat. C’est une société en miniature dont les composantes ont fait le choix d’intégrer ses rangs dans un cadre professionnel et de neutralité objective. On ne peut pas appliquer tous les engagements que le Maroc a signé au niveau international en se basant sur la suprématie du droit international sur le droit interne, car notre société, ainsi que nos corps armés, ont leur spécificité. Et l’opinion, dans sa grande majorité, est contre toute implication des corps armés dans le champ politique. A VOTRE AVIS, L’OUVERTURE POLITIQUE QUE CONNAIT LE PAYS PERMETTRA-T-ELLE UN JOUR UNE TELLE ÉVOLUTION QUI, VALEUR AUJOURD’HUI, RESTE DU DOMAINE 28
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DE LA SUGGESTION? A.M : Il faut signaler que dans les pays démocratiques en Europe, comme en Amérique Latine, les corps armés ne participent pas au jeu politique et ne s’impliquent nullement dans les épreuves votatives, exception faite des referendums. Cela ne diminue en rien ni de la valeur de notre armée, ni de sa maturité. L’armée est considérée comme un dénominateur commun de toute la nation. Et il faut faire le distinguo entre notre ambition démocratique par trop idéaliste et la réalité sur le terrain. POURQUOI UN TEL DÉVELOPPEMENT RENFORCE-T-IL LES APPRÉHENSIONS DES UNS ET DES AUTRES ALORS QUE LES CORPS ARMÉS REPRÉSENTENT, DANS LES FAITS, TOUS LES COURANTS QUI TRAVERSENT LA SOCIÉTÉ CIVILE? A.M : Il faut souligner que la loi n’interdit pas aux membres des familles des corps armés d’aller voter. Comme elle n’interdit pas aux retraités de cette même profession d’adhérer et aux partis et aux associations légaux. D’ailleurs nous avons un ex-officier supérieur qui est toujours secrétaire général d’une formation politique. Abdellah El Kadiri est le leader du PND. Comme il faut rappeler que sous la coupole du parlement, plusieurs élus sont issus des FAR et ont été d’anciens agents de l’autorité. Cela n’empêche pas aussi que la loi 01-12 permet aux éléments des FAR d’adhérer aux associations humanitaires et culturelles et de poursuivre les études supérieures. Il faut rappeler aussi que depuis l’avènement du Roi en 1999, il a ouvert le chantier de l’armée et s’est particulièrement intéressé aux conditions sociales et professionnelles de ce corps qui d’après un grand spécia-
LES CORPS ARMÉS ONT D’AUTRES MISSIONS À ACCOMPLIR
l’ONU. L’armée a depuis toujours été le pilier du Royaume. EN QUOI LA POLITISATION DE L’ARMÉE EST-ELLE PÉRILLEUSE? A.M : Elle est dangereuse à partir des expériences des armées arabes et africaines qui ont été politisées dans le cadre du parti unique. L’expérience algérienne réservait un tiers des sièges du FLN aux officiers supérieurs de l’ALN. En Syrie, l’armée s’est transformée en milice confessionnelle alaouite après son éclatement en 2012. L’armée irakienne sous Saddam a été démontée par Breimer après la chute de Bagdad, en 2003, parce qu’elle était inféodée au parti Baas. Au Yémen, l’armée s’est divisée entre les tribus et les ethnies ce qui rend difficile tout compromis politique et contribue à l’effondrement de l’Etat. Le même schéma est retrouvé en Somalie avant et en Libye aujourd’hui. Voilà où conduit la politisation des corps armés. Ce n’est là ni une abstraction, ni une surenchère. COMMENT LES VIEILLES DÉMOCRATIES COMPOSENT-ELLES AVEC LA COMPOSANTE ARMÉE DE LEUR POPULATION?
liste Tancred Wattelle, en parlant du Maroc, évoque les FAR comme seule puissance africaine qui a des ambitions régionales. Ambitions qui s’appuient notamment sur la qualité des hommes et des femmes qui en composent les unités. C’est la seule armée africaine qui est engagée, véritablement, dans un processus de modernisation grâce aux réformes du Roi. Les FAR sont devenus un partenaire crédible, respecté tant par les pays du Golfe que par l’Afrique de l’Ouest. Cela sans parler de la communauté internationale et à leur tête
A.M : Chaque armée s’inscrit dans une logique socio-politique qui lui est propre en travaillant à allier les résultats des différentes réformes vers l’objectif opérationnel. Le résultat recherché et de donner la lisibilité nécessaire à chaque soldat. Les FAR qui ont une ambition de puissance régionale sur le plan stratégique, comme le leur a tracé le chef suprême, le chef d’état-major, stratégie qui s’appuie sur quatre principes directeurs qui guide chaque étape de sa construction. D’abord, la cohérence au niveau de ses décideurs et la synergie au niveau du commandement. Principe phare des FAR. Ensuite, il y a la responsabilité. Ce qui est contraire à l’activité politique.
Car cette organisation est complexe et déshumanisée. Le troisième est l’innovation. Là, notre armée doit relever plusieurs défis tels que le séparatisme, le terrorisme, proche et lointain, et des menaces qui nécessitent l’union sacrée autour de cette institution. D’ailleurs, n’oublions pas que le Maroc vit plusieurs guerres déclarées ou non. Enfin, il y a l’humain au cœur de ces actions. Désenclavement, situation d’urgence, humanitaire et missions de paix en constituent le cœur. Chaque soldat conscient de son rôle, épanoui dans sa mission, contribue à créer la force morale d’une armée au service de la défense de la nation. Ces valeurs représentent l’ADN de l’institution. Le respect, l’intégrité, le service, l’excellence et l’obéissance ne sont pas de vains mots. Toutes les puissances occidentales qui connaissent la valeur des FAR les considèrent comme un outil bien rodé à développer. Ce n’est pas pour rien qu’on les qualifie comme un des corps les plus performants en Afrique qui peut s’appuyer sur la tradition de la coopération militaire et sur une longue expérience internationale en temps de guerre comme en temps de paix. Pour rappel les FAR nés en 1956 d’éléments de l’armée française et de l’armée de libération nationale, sont directement sous l’autorité du Roi qui a de tout temps insisté sur le fait que la monarchie restait au dessus des partis politiques. N’oublions pas que feu Hassan II avait réussi, dès 1958 et jusqu’en 1965, à dépolitiser et l’administration et l’armée. Si les Marocains partagent nombre de suggestions du CNDH pour redynamiser, assainir et démocratiser le champ politique actuel, il n’en reste pas moins que la majorité rejette toute tentation qui viserait à politiser les corps armés, même si cela s’inscrit en faux vis-à-vis des engagements internationaux. PERSPECTIVES MED
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ENTRETIEN
ABDERRAHMAN NOUDA Militant et écrivain
ABDERRAHMAN NOUDA DÉCORTIQUE LA GAUCHE AU MAROC
CRISE D’ÉLITES, CRISE DE SOCIÉTÉ Par : Lamiaa Mahfoud
La panne de la gauche marocaine prend une autre dimension dans une société qui paraît bloquée. Ce constat complexifie davantage les possibilités qu’offrirait, en principe, l’accumulation idéelle avant-gardiste pour gérer le schmilblick. Abderrahman Nouda fait partie de ces militants dont les critiques ne sont pas particulièrement tendres à l’endroit des formations de gauche. Dans cet entretien, il soulève les questions qui dérangent et met le doigt sur les problématiques qui font la genèse de l’inconfort intellectuel qui traverse le paysage politique national.
PERSPECTIVES MED : VOUS AVEZ INITIÉ UN DÉBAT SUR « LA CRISE DE LA GAUCHE » AU MAROC EN TENTANT DE « CRITIQUER » LES FORMATIONS QUI S’EN RÉCLAMENT SANS POUR AUTANT QUE CELA N’INDUISE DE RÉACTIONS. CETTE INDIFFÉRENCE LÀ N’EXPRIME-T-ELLE PAS LE PEU DE CAS DONT FONT PREUVE CES MÊMES FORMATIONS À L’ENDROIT DES CRITIQUES DONT ELLES SONT L’OBJET ? OÙ SERAIT-CE LÀ L’EXPRESSION D’UNE PANNE IDÉELLE ALORS QUE LE DÉBAT RESTE UNE REVENDICATION DE L’HEURE? ABDERRAHMAN NOUDA : Tout d’abord, je voudrais rappeler que je ne suis pas un politologue, mais un militant. Je ne suis pas non plus un expert professionnel des partis politiques du Maroc, mais un citoyen observateur. Mes appréciations peuvent être partielles ou subjectives. Précisons ensuite les termes utilisés. Il existe entre 30 et 40 partis au Maroc. Sans s’attarder ici sur la délimitation des critères, je considère que les « partis de gauche » au Maroc sont les quatre partis suivants : le Parti Socialiste Unifié (PSU), le Partis de l’Avant-garde Démocratique et Socialiste (PADS), le Parti Nahj Démocratique (ND), et le Parti du Congrès Ittihadi (PCI). Par contre, le Parti de l’Union Socialiste des forces populaires (USFP) a beaucoup évolué. Il n’est plus un parti de gauche, mais il oscille entre le ‘centre’ et le ‘centre gauche’. Tandis que les deux autres partis de l’ancienne Coalition Nationale, dite Koutla démocratique, le Parti de l’Istiqlal (PI) et le Parti du Progrès et du Socialisme (PPS), ils se 30
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sont métamorphosés depuis longtemps en partis de ‘droite’, ou ‘conservateurs’. J’évite de parler ici des partis dévoués au régime politique établi, ainsi que des partis islamistes, qui sont foncièrement conservateurs. Ensuite, j’ai effectivement publié une critique détaillée des partis de gauche ( ). Il serait inadéquat de reproduire ici cette critique. Mais si les partis de gauche ne réagissent pas suffisamment aux critiques qui leur sont adressées, ce n’est pas forcément parce qu’ils sont indifférents, mais plutôt parce qu’ils sont dans une crise complexe, systémique, intégrale. De plus, certains militants ne sont pas suffisamment conscients de cette crise. Et l’on ne peut pas séparer cette crise des partis de gauche de la crise globale qui infiltre l’ensemble des structures de la société. Parce que dans la société, tout est interdépendant. Cette crise des partis de gauche n’est en fait qu’un aspect de la crise profonde qui englobe l’ensemble de la société marocaine. Ainsi, toutes les composantes de la société se débattent dans une crise complexe et durable. La société au Maroc (à l’instar d’autres sociétés du monde musulman) est actuellement dans une phase critique d’évolution relativement difficile, complexe et bouleversante. L’ensemble des acteurs sociaux et politiques vivent dans une situation de remise en cause, de désarroi, de confusion, d’embarras, d’hésitation ou d’irrésolution. Certains acteurs improvisent, d’autres bricolent, et les autres sont comme intellectuellement engourdis, anesthésiés ou bloqués. A la fois les partis, les intellectuels, les me-
dias, l’État, tous peinent à se dégager de cette léthargie étourdissante. Apparemment, tous les acteurs sociaux ou politiques disposent de tous les moyens nécessaires pour évoluer ou s’adapter ; et en même temps, ils semblent manquer à la fois de force, de clarté, d’innovation, de courage, ou de détermination. Si les partis de gauche ne se distinguent pas aujourd’hui par des initiatives créatives et débordantes, c’est probablement parce qu’eux-mêmes ne savent pas, ni quoi penser, ni quoi faire. Et en cela, les partis de gauche ressemblent à l’ensemble des composantes de la société. N’oublions pas que la répression politique, tantôt insidieuse, et tantôt flagrante, contribue aussi à annihiler ou à neutraliser les partis de gauche. Bien sûr que les partis de gauche sont supposés être l’avant-garde de la société, et ils n’ont pas d’excuses valables pour justifier leur paresse, leur résignation, ou leur engourdissement actuel. Ils devraient être en avance sur tous les autres acteurs sociaux. Mais les faits sont têtus : l’ensemble de la société (y compris les partis de gauche)
semble momentanément en panne. Le projet de société (à la fois chez les partis de gauche et de droite) est lui-même en panne. Jusqu’à quand ? Je ne sais pas. Probablement jusqu’à ce que des conditions sociétales minimales soient réunies. Pour que des ruptures épistémologiques deviennent possibles. Sinon, l’ensemble des composantes de la société continueront tous à somnoler dans cette léthargie sociétale commune, faite de sous-développement, de médiocrité, et de désarrois. Mais, ne nous moquons pas des partis de gauche, ne les dédaignons pas, et ne les sous-estimons pas. Si nous étions à leurs places, nous aurions éprouvé, nous aussi, bien des difficultés. La société est si lourde à faire évoluer. Remarquons, en passant, que les partis de droite subissent, eux aussi, des crises dramatiques, agrémentées de conflits personnalisés, de luttes d’intérêts, et d’opportunismes, etc. Bizarrement, il semble que tout acteur social ou politique qui s’évertue à tenter de concilier ‘tradition’ et ‘modernité’, reste ligoté par des logiques contaminées,
immatures ou invalides. La voie pour pouvoir accéder à une dynamique souple et salutaire, est d’opter résolument pour une ‘modernité’, c’est-à-dire une rationalisation décomplexée, vigoureuse, innovante, voir révolutionnaire, qui bouscule tout ce qui n’est pas suffisamment raisonnable ou juste. LA « FAIBLESSE DURABLE » DE LA GAUCHE PLURIELLE TRANSPARAIT À L’AUNE DE L’AUDIENCE ET DE L’EFFICACITÉ POLITIQUE. MAIS N’EST-ELLE PAS IMPUTABLE À CETTE ABSENCE D’AUTOCRITIQUE, CET EXERCICE SALVATEUR S’IL EN EST POUR CORRIGER LES TRAJECTOIRES DE LA MILITANCE ? A.N : Vous avez raison. Mais permettez-moi de rappeler, franchement, que la critique et l’autocritique ne font pas partie des traditions de notre civilisation arabo-musulmane. C’est pourquoi ils sont si difficiles pour nous tous. Dans tous les pays musulmans, ou parlant l’arabe, un citoyen, un groupe, un parti, une institution, ou un Etat, ne supportent pas PERSPECTIVES MED
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ENTRETIEN des passions, des impulsions, des égoïsmes, des médiocrités, des imitations, des aliénations, des égarements, ou des déviations. C’est pourquoi j’ai tendance à considérer que le citoyen, le parti politique, ou le régime politique, qui est vraiment révolutionnaire, est celui qui refait chaque jour, en luimême, des remises en causes, et des remises à jour, en somme : une auto-révolution. C’est-à-dire qu’il analyse sa pratique, écoute ses propres critiques, ainsi que les critiques d’autrui, pour se remettre en cause, corriger résolument ses insuffisances, ses erreurs, s’améliorer, et progresser. Ceci est facile à dire, mais hélas, difficile à faire. VOUS OPPOSEZ « AMATEURISME » AU « PROFESSIONNALISME » EN ÉVOQUANT LA COMPOSANTE MILITANTE DE CES FORMATIONS DE GAUCHE. MAIS LA CRISE N’EST-ELLE PAS SURTOUT INHÉRENTE À L’INCAPACITÉ DES POLITIQUES À APPRÉHENDER LE SYSTÈME POLITIQUE DANS SON ENSEMBLE, AINSI QUE SES «DYSFONCTIONS» QUI LE DISTINGUENT, AU POINT QU’UNE TELLE DÉFAILLANCE DANS LA PERCEPTION TÉTANISE LES PARTIS DE GAUCHE ET FACILITE LEUR «POURRISSEMENT» PAR LE POUVOIR?
aisément la critique. Et ils sont loin d’être aptes à produire une autocritique. Pourtant, le critère de vérité est la praxis, le réel concret. Et cette praxis (politique ou sociétale) nous révèle, chaque jour, des déficiences, des manques, des incompréhensions, des inadéquations, des tricheries, des déficits, ou des échecs. Et malgré cela, il est si difficile pour nous tous (État, acteurs sociaux, partis politiques, individus) de nous remettre en cause. Mais si j’essaye de comprendre les difficultés des partis de gauche, cela ne signifie pas que je leur accorde des circonstances atténuantes. Normalement, un parti politique, une association, une institution, sont supposées apporter au citoyen ce qu’il ne peut pas trouver dans la famille, l’école, l’université, ou l’entreprise. A savoir : une conscience, une vision, une démarche, une pratique, à dimensions sociétales, prospectives, solidaires, libertaires, humanistes. Mais en même temps, la dynamique sociétale nous incite tous à reproduire
LA GAUCHE GAGNERAIT À REVOIR SON MODUS OPERANDI POUR MIEUX AGIR SUR LA SOCIÉTÉ
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A.N : Premièrement, l’expérience montre que le besoin d’efficacité du parti nécessite que les dirigeants du parti se ‘professionnalisent’, c’est-à-dire qu’ils se libèrent de leur travail professionnel salarié et se consacrent entièrement au travail du parti. Ils peuvent ainsi devenir plus disponibles, productifs, rigoureux et efficaces. Ce professionnalisme fournit au militant (ou au parti) de meilleures aptitudes à réussir les missions et les projets politiques. Mais il ne suffit pas seul pour garantir cette réussite. Deuxièmement, la compréhension du système politique établi, dans son ensemble, ainsi que ses dysfonctions, est effectivement une tâche ardue. Elle nécessite un travail collectif, rigoureux, ininterrompu et de longue haleine. Troisièmement, vous avez raison, toute défaillance dans la perception, que ce soit de la société, ou du système politique établi, risquent fort de dérouter les partis politiques, ou de les dévier la voie raisonnable. Quatrièmement, je ne pense pas que les partis de gauche sont foncièrement «incapables» ; parce qu’en fait toutes les composantes de la société ne sont pas actuellement suffisamment «capables» pour réaliser leurs mutations, à la fois au niveau des logiques, des démarches, des idées, des pratiques, etc. Et en même temps, je suppose que tout être social (qu’il soit individu, groupe, parti, ou institution), s’il est bien préparé, bien éduqué, bien encadré, bien motivé, et bien outillé, il deviendrait alors potentiellement, voir forcément, capable de penser, et de se comporter, de manière intelligente,
innovante, et efficace. VOUS SOULIGNEZ NOTAMMENT LE « CONSERVATISME DES THÈSES » DE CES FORMATIONS QUI SE RÉCLAMENT TOUJOURS DE L’AVANT-GARDISME. ET C’EST BIEN LÀ UN HIATUS NOTABLE. COMMENT DÈS LORS CORRIGER UNE TELLE MALFORMATION ? LA GAUCHE DOIT-ELLE ALLER DE LA DÉFENSE DES INTÉRÊTS DE CLASSE À LA PRISE EN CHARGE DES DROITS CIVIQUES DES CITOYENS ? N’EST-CE PAS À CE NIVEAU LÀ QUE LA MILITANCE POURRAIT FAIRE CONVERGER LES INTÉRÊTS DES PARTISANS DE LA GAUCHE AVEC LES ATTENTES DES DIFFÉRENTES COMPOSANTES DE LA SOCIÉTÉ, LES DÉMUNIES EN TÊTE ? A.N : Vous avez raison. En fait, depuis l’effondrement de l’Union des Républiques Socialistes Soviétiques (URSS, en 1989), l’ensemble des partis de gauche du monde vivent un certain malaise théorique (ou idéologique). Ils peinent à réexaminer leurs théories et leurs pratiques. L’ensemble de la pensée politique, marxiste-léniniste, ou socialiste, des années 1950 ou 1970, a besoin d’être revisitée, corrigée, renouvelée, réadaptée, développée, ou réinventée. La social-démocratie n’est ni suffisante, ni satisfaisante. Le renouvellement nécessaire de la pensée politique nécessite plusieurs travaux collectifs, nationaux et internationaux, et de longue haleine. L’avenir de la démocratie, et du socialisme, dépendent de ces travaux théoriques. Même si toute tentative de renouvellement théorique est forcément une aventure non assurée. Et tous les personnes dogmatiques du monde refusent ces tentatives, parce qu’elles comportent des risques. Toutefois, je suis convaincu qu’un militant averti vaut mieux que mille militants novices ou ignorants. Pendant ce temps, les courants de l’Islam politique intégriste, qui étaient tapis dans les sociétés musulmanes, profitent de cette indisponibilité momentanée de la gauche, pour conquérir les scènes intellectuelles et politiques, voir accéder au gouvernement, et tenter leurs réformes inspirée par l’idéologie islamiste salafiste (comme en Égypte, Tunisie, Maroc, etc). Concernant la deuxième partie de votre question, il est indéniable que les partis de gauche sont aujourd’hui appelés à ne plus focaliser leurs efforts uniquement sur les intérêts des ouvriers et des paysans, mais à prendre en compte les intérêts de toutes les composantes contradictoires de la société, pour pouvoir avancer, progressivement, étape par étape, vers le but ultime d’une société libérée de l’aliénation et de l’exploitation de l’homme par l’homme. Et dans ce domaine la culture portée par le peuple est décisive. Un peuple qui manque de culture est comme une personne dont la vue est déficiente.
les sectarismes, ou les petits égoïsmes. A chaque étape historique, la lutte idéologique ou politique reste inévitable. Et tout élément (de la pensée politique) qui est erroné, médiocre, caduc, ou immature, ne peut pas s’éclipser spontanément si on ne le combat pas d’une manière raisonnée et convaincante. L’effort de clarification reste donc indispensable, à la fois pour soi, et pour les autres. L’APPEL À LA CONSTITUTION D’UN « FRONT UNIFIÉ » DEVANT « INSTITUTIONNALISER LES COURANTS » POUR DÉPASSER L’ÉMIETTEMENT DES FORCES DE GAUCHE NE DATE PAS D’AUJOURD’HUI. LUI OPPOSER UN REFUS PRATIQUE, ET NON PAS THÉORIQUE, RELÈVE-T-IL D’UNE MYOPIE INTELLECTUELLE OU D’UN CONFLIT DE LEADERSHIP ? A.N : Il existe sur la scène politique au Maroc non seulement des myopies intellectuelles, ou des conflits de leadership, mais bien d’autres choses décadentes ou dégradantes. Si le sectarisme, le subjectivisme, ou le fanatisme, sont dominants, alors même l’institutionnalisation des courants (à l’intérieur du parti unifié) ne suffira pas. Nous avons tous besoin de plus d’une séance de psychothérapie. La raison dit: l’union fait la force. Mais les différentes sortes d’égoïsmes secrets (individuels, ou de groupes) justifient la duplication et la redondance des courants et des groupes politiques. Conséquence : tous les partis politiques restent faibles, voir inaptes. Il existe une blague qui dit que les musulmans sont relativement de bons travailleurs, mais dès qu’il s’agit de travailler ensemble, ils redeviennent médiocres, décadents, inconciliables, donc incapables. En termes politiques, cela signifie que les musulmans (les arabes, ou les marocains) n’étudient pas, ou ne maitrisent pas l’art de traiter les contradictions internes. Pour travailler ensemble, il est indispensable d’être souple, modeste, coopératif, tolérant, adaptable, innovant, et patient. Facile à dire, mais difficile à faire. Que signifie l’expression ‘faire la politique’, au sens noble ? C’est informer, conscientiser, éduquer, mobiliser des citoyens, pour qu’ils remettent en cause les mentalités, et les pratiques, pour rationaliser l’ensemble des composantes de la société, pour rendre les hommes plus libres, plus heureux.
LA MULTIPLICATION DES CHAPELLES EST-ELLE À CE POINT FACTICE ENTRE LES COMPOSANTES DE LA GAUCHE ? SI LE CORPUS IDÉOLOGIQUE PARTAGÉ EST COMMUN, PEUT-ON FAIRE L’ÉCONOMIE DES STRATÉGIES DE LUTTE ÉTABLIES PAR CHACUNE DES FORMATIONS ? A.N : Chaque fois que la pensée politique n’est pas suffisamment approfondie et clarifiée, et chaque fois que la critique (entre les différents courants politique existant) reste absente ou insuffisante, il se produit forcément une duplication, ou une redondance superflue, des groupes, des courants, ou des partis politiques. Pour pourvoir fédérer, ou s’unifier, il faut préalablement mener une lutte intellectuelle approfondie, contre tous les subjectivismes, les vues superficielles, PERSPECTIVES MED
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NATION APPROCHE GENRE
LES RAISONS D’UN COMBAT Par : L.M
Point de trêve dans le combat juste mené par les femmes marocaines. La marche du 8 mars dernier a réaffirmé, par son ampleur, et avec force, que les acquis obtenus au fil des décades de lutte appellent à être renforcés. Le gouvernement a été interpellé pour s’inscrire dans la dynamique de l’autonomisation.
L
a lutte acharnée engagée par les femmes marocaines au cours des trente dernières années n’ont pas été vaines. Des acquis ont été solidement engrangés au cours des dernières années grâce notamment à l’implication forte de l’institution monarchique dans ce chantier qui vise à réhabiliter plus de la moitié de la société dans sa dignité. Le plan d’intégration de la femme, soumis à un feu nourri de critiques, a fini par être avalisé par une société présentée comme «traditionnaliste». Ce qui concourt pour affirmer que lorsque la volonté politique est au rendez-vous, les peuples peuvent être tirés vers le haut sans pour autant que la société ne soit divisée. D’ailleurs, le sceau royal allait accompagner
LE COMBAT POUR L’ÉGALITÉ EST SYPTOMATIQUE DE L’ÉVOLUTION DE LA SOCIÉTÉ VERS LE PROGRÈS
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l’élan de la société pour plus de justice et d’équité en avalisant le code de la famille. Et la dernière manifestation de l’intérêt porté aux drames endurés par les femmes n’est autre que l’implication du Palais dans le dossier de l’avortement. Bien entendu, la dynamique de la société impose aujourd’hui de passer à une vitesse supérieure sur la voie de l’égalité entre les deux sexes. Ce qui ne ferait que donner plus d’épaisseur et de crédibilité au projet de société basé sur des valeurs humaines faites de progrès et de modernité. Et rien ne vaut, dans cette bataille, de savoir garder le cap, en exigeant la mise en pratique des principes énoncés par la Constitution. Bien entendu, le gouvernement en place, géré par une coalition à forte dominante islamiste, fait preuve de réserves et d’hésitations dès lors qu’il est question d’inaugurer de nouveaux chapitres émancipateurs, conformément à ce que la loi suprême du pays énonce. Et c’est la raison pour laquelle le tissu associatif qui s’active pour l’émancipation de la femme entend marcher en force. Le message se veut clair : le refus de tout retour sur les acquis déjà engrangés et la poursuite des réformes de nature à réhabiliter la femme dans
ses droits inaliénables tels qu’énoncés par les divers répertoires conçus par la communauté internationale. La large « coalition pour l’égalité et la démocratie » à laquelle se sont joints les partis politiques qui placent le juste combat de plus de la moitié de la population nationale au cœur de leurs préoccupations vise à maintenir la pression sur le gouvernement pour agir dans le bon sens. En tête des revendications pressantes, la mise sur pied de l’instance de la parité, la lutte contre toutes les formes de discrimination dont sont victimes les femmes, la réalisation de l’égalité des chances entre hommes et femmes en matière d’accès au marché de l’emploi et aux postes de responsabilité, la révision des articles 20 et 22 de la Moudouana, la révision de l’article 475 du code pénal relatif à l’avortement… Cela sans oublier les engagements pris par le Royaume devant la communauté internationale dans le cadre de la convention CEDAW et l’intégration du protocole volontaire auprès des Nations Unies… Certes, le pays a franchi bien des étapes sur la voie de l’émancipation de la femme. Ainsi, sur le plan de la participation politique, par exemple, des acquis ont été réalisés : en terme de représentativité, l’évolution a été notable au cours de la dernière décade. On est en présence de 67 députés (soit plus 17%du total). Au niveau des collectivités locales, une percée notable a été réalisée faisant que la femme représente pas moins de 12% des édiles. Si cette trajectoire peut paraître positive, il n’en reste pas moins que l’on est encore loin des recommandations de la commission de la parité et de l’égalité des chances, en particulier celle définie par la «charte communale» elle-même. Bien entendu, la responsabilité dans ce déficit est imputée aux formations politiques qui restent défaillantes puisque la loi ne les blâme pas pour leurs manquements. Tout au plus ont face à une loi incitative. Voilà pourquoi la bataille se fait aujourd’hui sur le champ constitutionnel. Surtout que le ministère en charge de la femme a fait en sorte de vider l’égalité, principe constitutionnel (art 19), de sa substance, ce qui constitue un coup porté directement à la lutte menée par la femme depuis plus de 30 ans. Le protocole de Pékin+20 est aussi ciblé par les régressions politiques constatées. Mettre sur pied l’institution en charge de la parité et de la lutte contre toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes n’est point un luxe.
Bassima Hakkaoui
CHIGNONS…
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l faut être deux, au moins, pour juger de la portée d’une politique ou pour évaluer l’avancée d’un quelconque chantier. Mais chez la ministre Hakkaoui, elle n’en fait qu’à sa tête lorsqu’il s’agit d’évaluer la politique inégalitaire dont est victime la femme. C’est comme si on enfouissant ses cheveux derrière son foulard rigoriste la ministre renonce à sa féminité pour ne défendre que ce que l’homme de sa mouvance croit dur comme fer. La place appropriée de la femme serait à la maison, assurent nos islamistes du haut de leur modération. Et de préférence cloisonnée à double tour ! Bassima qui sacrifie pourtant à quelque souffle de la modernité, en prenant soin de dessiner sourcils et cils et de cirer ses lèvres au fameux Gloss, aura appris la leçon de Benkirane, chef du gouvernement islamiste, au point de la réciter l’air de rien… Mieux vaut pour une femme de rester le lustre qui éclaire en basse tension le foyer que de se survolter pour prendre la place que lui ravit l’homme dans la société. Bien sûr qu’en tant que ministre, elle n’a pas cherché à minorer les efforts réalisés par le Maroc en terme d’égalité, de parité, de « gendrification » et tutti quanti. Devant la commission ad hoc aux Nations Unies, avec une effronterie sans pareille, elle a défendu le bilan d’un Exécutif qui, assure-t-elle, fait la part belle aux femmes. On ne demande qu’à voir pour y croire ! Mais il est vrai qu’il y a beaucoup de la coupe aux lèvres… Même celles de notre chère Bassima. Les chiffres restent accablants pour ce qui est de la condition féminine. La femme est la première à faire les frais du chômage. Elle est la première à sacrifier en matière d’entreprenariat féminin. Elle est la première à faire les frais de la déscolarisation. Elle la première à occuper les cimetières aux premières couches. Elle est la première à être victime de la violence, verbale comme physique, et du harcèlement, moral ou sexuel… Mais elle est la dernière à compter au sein des partis politiques comme responsable, elle est la dernière à être choisie ministre, elle est la dernière à accéder aux postes de responsabilité au sein de l’administration… Il y a de quoi faire la fine bouche, n’est-ce pas Madame la ministre ? En égrenant toutes ces données, Bassima ne se déride pas pour verser dans la modération version Benkirane. Lui au moins il fait rigoler dans le comble de ses sorties calculées ou hasardeuses. Hakkaoui défend l’indéfendable, sans ciller, face à des militantes du féminisme de la première heure. Heureusement que la tension qui sourd ne conduit pas au crêpage des chignons. Votre foulard est sauf, Mme la ministre. PERSPECTIVES MED
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FEMMES D’ARABIE
ETERNELLES VICTIMES Par : Abou Sarah
La tradition peut être une ressource, une base SPIRITUELLE et intemporelle sur laquelle on s’appuie pour aller de l’avant afin de relever les défis. Mais sa lecture par quelques pays du Golfe relève plutôt du mystère d’un monde qui file à la vitesse de la lumière dans le chemin de la modernité car au lieu de fixer un point de mire pour l’atteindre, on regarde plutôt le rétroviseur. Etrange, n’est-ce pas ?
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ugez par vous-même ! Grâce à ses réserves pétrolières et la manne financière qui en résulte, le fait d’abriter les lieux saints et enfin, sa position stratégique dans la région, l’Arabie Saoudite s’est encore distinguée dans l’actualité. Deux évènements qui ne font plus le buzz se sont produits et méritent qu’on s’y arrête à l’occasion de la journée internationale de la femme. Le premier s’est produit à l’occasion d’une interview du prince saoudien Fahad J.A.Al-Saud au site Francsjeux.com où il a déclaré que son pays se portait candidat pour la Co organisation des Jeux olympiques avec Bahreïn. Le fait de les organiser dans ces deux pays ne relève pas du tout de l’impossibilité matérielle, car comme chacun le sait, leurs Trésors respectifs regorgent de pétrodollars, mais plutôt de la présence dérangeante de la junte féminine ce qui, avouons-le, relève de la tartufferie. Tout en affirmant que “certains freins culturels”, subsistent dans son illustre royaume, du fait que la « société (saoudienne) peut se montrer très conservatrice. Elle accepte encore assez mal que
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les femmes fassent du sport de compétition, en natation notamment. Il n’est pas tellement admis, non plus, de porter une tenue de sport en public”, explique-t-il. Mais alors pourquoi se lancer dans une telle croisade qui reste pour un Wahhabite une entreprise caustique ? Reste que le ridicule, c’est bien connu, ne tue pas. Mais qu’adviendrail du pauvre Pierre de Coubertin ? A l’évocation d’une telle hérésie dans l’esprit olympique, il doit sa retourner dans sa tombe. Déjà que le CIO l’a relégué au stade de ventilateur outre tombe par les méfaits de corruption, de prises illégales d’intérêt et autres gabegies financières qui n’ont aucun rapport avec l’esprit olympique… Mais là, il doit friser la surchauffe. Optimiste, notre beau prince ajoute que son pays devrait « pouvoir avancer de façon significative sur la question de la femme dans le sport”. Vous avez bien lu, il a bien dit, devrait… Ce qui ne l’oblige nullement à tenir ses promesses d’autant plus qu’en politique - comme dirait notre chère Charles Pasqua un autre athlète dans la science de la gouaille - les promesses n’engagent que ceux qui y croient ». Alors là, cher prince, permettez moi d’être agnostique. Déjà que la femme saoudienne est
reléguée au rang de chauve-souris par sa tenue vestimentaire et votre désir de la rendre invisible dans votre obscurantisme, de là à l’imaginer en tenue de sport relève du miracle. Mais alors pourquoi une idée si saugrenue a t-elle traversé les esprits si étroits des chantres du sexisme et je dirai même en rejoignant les psychanalystes du phallocentrisme ? Peut être que l’organisation du championnat du monde du Hand Ball au Qatar et celle de la coupe du monde dans ce même pays, - ce qui pose déjà un tas de problèmes pour les fédérations du football du monde entier – a donné des ailes à nos amis saoudiens entrés en compétition avec Doha comme tout le monde le sait dans bien des domaines. Qu’à cela ne tienne! Puisque on ne refuse rien aux Qataris depuis quelques temps pourquoi pas nous ? Ce que je regrette dans cette belle histoire que j’aime bien raconter à mes filles c’est que le CIO a refusé. Quel dommage ! Pour une fois que les séances de lapidation et autres coups de fouets allaient être publiques et transmises en mondovision. Nous sommes nombreux à être frustrés ! Le second évènement s’est vu dans tous les supports du monde et on n’est pas prêt de l’oublier. Le couple Obama s’est rendu dans ce magnifique royaume pour présenter les condoléances du peuple américain au peuple saoudien. Mais quelle mouche a piqué notre belle Michelle qui a osé braver cette belle brochette masculine en se distinguant par sa belle robe bleue et en arborant un sourire charmeur dont seule, vous mes dames, avez le secret ? Choqués par une telle coquetterie, une grande partie des hôtes saoudiens, des ploutocrates d’un autre temps, ont refusé de lui serrer la main, allant même jusqu’à pousser « la courtoisie » en refusant de la regarder. Satanée américaine !Au fond de moi, je pensais que l’hospitalité était une qualité et non des moindre chez les Arabes. Que la première épouse du prophète Mahomet était une femme d’affaires et par conséquent, elle avait un rôle fondamental dans la vie privée et publique de celui qui sert de guide à plus d’un milliard croyants. Alors pourquoi nous priver de 50 % de nos capacités ?Et là me reviennent à l’esprit les J.O. Je me dis que si nous sommes dans les abysses des indices de développement c’est tout simplement parce qu’on refuse à notre moitié de participer à l’effort. C’est comme si nous étions des athlètes unijambistes sur la même piste qu’ Hussein Bolt. Je vous laisse deviner le résultat…
De guerre lasse contre un système rétrograde, des Afghans ont osé, du haut de leur Burqa, fêter le 8 mars à leur manière. En appelant à la libération de la moitié de la société que les Talibans et consorts voudraient maintenir en esclavage.
HAMID ZANAZ ET LA PANNE ARABE
AFFAIRE STRUCTURELLE « La liberté de conscience, le droit de philosopher, la tolérance, l’autonomie de l’individu, le libre usage de soi, l’égalité entre les sexes, ces questions et beaucoup d’autres encore ne pourraient se résoudre dans le cadre de la religion. Toutes les religions, l’islam en premier, sont intrinsèquement hostiles à ces droits fondamentaux de l’homme. La panne des pays de l’islam est plus structurelle qu’accidentelle. Elle est imputable à la non distinction entre le temporel et le spirituel. Faute de cette séparation inconditionnelle, l’obscurantisme deviendra un horizon indépassable dans ces pays », telle est la conviction exprimée par Hamid Zanaz, essayiste algérien dans les colonnes d’El Watan.A ses yeux, la « religiosité envahissante sert, en premier lieu, des régimes décadents, en mal de légitimité. Ces régimes postcoloniaux ont aggravé les processus de régression sociale, intellectuelle, culturelle et politique, pour déboucher dare-dare sur le fondamentalisme. Dans ces pays, il y a une confusion entre le culturel et le cultuel, l’information et le catéchisme, la connaissance et la croyance. Dans ce désordre mental, la religion s’empare de la vie et l’irrationalité risque de ramener ces sociétés davantage en arrière. Cette religiosité à usage externe est exploitée par les marchands de l’au-delà, non seulement comme vaccin contre toute évolution de la société vers la sécularisation, mais aussi comme une barrière devant toute spiritualité. » PERSPECTIVES MED
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MAGHREB L’ALGÉRIE DANS LE DOUTE
LE PRINTEMPS SERA CHAUD… Par : A. Ben Zeroual
En Algérie, le pouvoir en crise profonde. La police charge les manifestants, l’armée quadrille les frontières et les forces politiques en appellent au changement. Le Président, diminué par la maladie, fait la sourde oreille.
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in février, la crise politique qui semble s’enliser en Algérie a poussé nombre de personnalités politiques à demander l’arbitrage de l’armée pour assurer une transition capable de sortir le pays de l’ornière. Ali Benfliss qui a pris sur lui d’en appeler au Commandement militaire n’est pas dupe. Pour cet ancien homme du sérail candidat malheureux à la présidence et patron du nouveau parti « Talaîou El Houriyet », tout Césame capable de déverrouiller le système est à chercher auprès de « la grande muette» qui a toujours été au cœur du jeu. En effet, cette mainmise de l’APN sur le pouvoir s’illustre à travers la mise sur orbite de tous les chefs de l’Etat depuis l’indépendance du pays en 1962. C’est toujours le Commandement militaire qui, invariablement, les a choisis, sans pour
MÊME LES DIGNITAIRES MONTENT AU CRÉENEAU POUR FUSTIGER LE BLOCAGE SYSTÉMIQUE
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autant que le jeu démocratique ne soit respecté de bout en bout. Pour de nombreux observateurs, « nul n’ignore l’emprise forte du Commandement militaire sur la vie politique du pays dont le chef de l’Etat est une pièce-maîtresse.» Plus, « le système politique algérien a toujours fonctionné avec un organisme politico-militaire qui a reçu des dénominations diverses mais qui permet au Commandement militaire d’être le centre de contrôle de toutes les activités politiques, économiques et sociales », ajoute-t-on. On comprend dès lors mieux la démarche faite par des figures politiques de proue. Ce qui consacre, à n’en point douter, les rapports clientélistes qui ont toujours prévalus sur la scène politique. Tout en confirmant l’incapacité des formations politiques, y compris celles historiques, à mobiliser les masses pour favoriser la rupture démocatique, loin de « l’effet de façade », qui tarde à se réaliser. En mal d’un consensus national, en butte à des difficultés économiques que la reproduction du système de rente ne saurait éliminer, en proie à un bouilonnement social, l’Algérie n’en finit pas de souffrir, à l’image de son Chef d’Etat réduit à l’état
PASSAGE À VIDE En Tunisie, la première force politique du pays, vainqueur des dernières législatives, et fondée par l’actuel chef de l’Etat, Beji Caïd Essebsi, est au bord de l’implosion. Sur les 86 députés que compte la formation pas moins de 60 ont déclaré qu’ils ne reconnaissaient plus l’actuel comité exécutif du parti et ont appelé à un congrès national. Une crise qui couvait depuis bien longtemps. L’élection de BCE à la magistrature suprême a laissé un vide abyssal à la tête du parti. Le ciment de Nida Tounes, coalition hétéroclite rassemblant aussi bien des personnalités de gauche que des hommes de droite, des proches de l’ancien régime que d’anciens opposants à Ben Ali, semble bien plus friable qu’il n’y paraissait. D’autant que le parti qui a grandi très vite, n’a jamais tenu de congrès. Faisant que trois ans après sa création, Nida Tounes ne dispose
grabataire. Pourtant, les défis régionaux sont multiples et sont gros de menaces d’instabilité. Et les Algériens qui montent au créneau pour dénoncer l’exploitation des gaz de schiste ne sont plus dupes quant à l’impéritie dans laquelle le pays s’est installé au fil des décades, la fuite des capitaux étant estimée à pas moins de 40 milliards de dollars, alors que d’anciens « poids lourds » défilent aux procès liés aux divers marchés de Sonatrach. «Il faut en finir avec la crise du régime, avec le retour à la légitimité», souligne. Benflis. Louisa Hanoun, leader du PT rue, elle aussi, dans les brancards. «Nous sommes dans une situation à l’ukrainienne, à la russe, c’est-à-dire qu’une oligarchie émerge, composée de personnes qui accaparent des pans entiers de l’économie nationale avec l’ambition de faire main basse sur toute l’économie et qui cherchent à s’approprier les centres de décision politique à tous les niveaux», dénonce-telle. A ses yeux, «il y a des individus qui considèrent que pour avoir donné quelques sous dans une campagne électorale, ils ont obtenu le droit de disposer de la nation et du peuple algériens. Et moi je dis, à ce propos, bas les pattes ! Il faudrait qu’ils tuent tous les Algériens pour obtenir cela». La trubliante pasionaria s’est même permis le luxe de rendre pour responsable le « clan Bouteflika » responsable de l’état délétère ambiant. Tout en volant dans les plumes de Said Bouteflika, le puissant frère du Président. C’est vers le renforcement du rôle de la « Coordination nationale pour la transition démocratique» que l’on semble s’acheminer. Le MSP qui s’y active affirme vouloir « lutter contre la corruption et défendre le principe de la transition, et ce, dans le seul intérêt de l’Algérie.» Ce bouillonnement de la scène algérienne fait converger les regards vers la session parlementaire du printemps en vue de la révision hypothétique de la Constitution. Le Président en exercice qui en avait exprimé la volonté tiendra-t-il parole ? En tout cas, le printemps algérien promet d’être chaud.
d’aucune instance de direction claire, reconnue par tous. Ambitions personnelles et guerre des chefs font rage et ont contribué à reporter l’élection d’un bureau politique. Les ténors du parti s’invectivent par médias interposés. Hafedh Caid Essebsi, fils du chef de l’Etat, est accusé par ses détracteurs de vouloir faire main basse sur le parti. Mais les critiques dépassent ce seuil pour se cristalliser sur la stratégie vis-à-vis des islamistes d’Ennahda. Fait-il accepter de composer avec eux ou, à conntrario, les évincer. La situation est assez compliquée au point de forcer le chef historique à recevoir le directeur exécutif du parti pour dégager un consensus » susceptible d’éviter l’asthénie. C’est dans ce cadre là qu’il faudra placer l’agenda proposé pour la structuration d’une formation à la recherche de cohésion : si le congrès est proposé pour juin prochain, ce qui urge reste la mise en place d’un bureau politique « consensuel ». La tâche paraît des plus ardues face à la guerre des égos qui fait rage.
CHAOS LIBYEN GUERRE ET PAIX
Quatre ans après la chute du régime Kadhafi, c’est le chaos qui s’est installé en Libye. Aux portes de l’Europe, avec une façade maritime qui court sur 1955 km, le nouveau foyer jihadiste qui s’y enracine alimente les pires craintes du Vieux continent qui mesure l’ampleur de la menace de l’Etat islamique d’y envoyer 500.000 immigrés. Mais inquiète aussi les voisins immédiats du pays, qui craignent un renforcement de leurs propres groupes radicaux. On comprend dès lors pourquoi l’Egypte, qui a opéré des raids sur les foyers djihadistes en représailles contre la mise à mort de ses ressortissants qoptes, appelle la communauté internationale à agir militairement. Alors qu’en Algérie qui a fortifié ses frontières avec la Libye joue la partition du dialogue comme seule issue possible au chaos ambiant. Mais là aussi, force est de souligner que la conviction algérienne manque de sérieux dès lors qu’elle fait de la gestion diplomatique du dossier libyen un enjeu de confrontation avec le Maroc tout en l’instrumentalisant pour la consommation interne. Pourtant, Alger n’ignore pas que le feu qui couve en Libye risque de se propager au-delà des Aurès. Comme le prouve la déstabilisation de l’espace sahélo-saharien par des groupes djihadistes qui trouvent refuge en Libye. Et l’extension de Daech au-delà de ce vaste corridor qui s’étend jusqu’en Somalie est déjà chose réalisée avec l’allégence de Boko Haram qui menace la région des Grands lacs. PERSPECTIVES MED
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MACHREK DAECH ET LE « NOUVEL ORDRE ARABE »
BARILS DE FEU… Par : A. Ben Driss
Le torchon brûle entre Riyad et Stokholm. La Suède a décidé de bloquer toute coopération militaire avec l’Arabie Saoudite depuis que son chef de la diplomatie a été empêché de discourir, au sein de la Ligue arabe, des droits humains. Daech a bon dos pour enterrer le fameux « printemps ». Le nouvel ordre arabe qui suit les cours du pétrole reste hautement inflammable !
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e Caire, capitale de l’Egypte qui essuye les foudres des groupes djihadistes, particulièrement dans le Sinaï où c’est l’étendard de Daech qui est désormais brandi face à l’armée, est aussi le siège de la Ligue arabe. Une telle structure panarabe, moribonde pour d’aucuns et en proie aux divisions pour d’autres, semble avoir fait son temps. Car depuis 2011 et ce que les médias SI LA «LIGUE ARABE» EST avaient baptisé «Printemps arabe», SCLÉROSÉE C’EST QUE il faut dire que la léthargie de cette «L’ORDRE ARABE» EST structure n’a jamais FONCIÈREMENT À GENOUX! été aussi manifeste. Dévitalisée par les flots de pétrodollars qui ont contribué à « liquider » des pays, le cas de la Libye est assez symptomatique, elle s’est transformée depuis l’isolement de l’Egypte de « Camp David » en une succursale du Conseil de Coopération du Golfe (CCG) qui a la main haute sur pratiquement tous les choix stratégiques retenus pour 40
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un espace qui s’étend de l’Atlantique à la Mer Rouge. Le lâchage de la Somalie devait avoir pour corollaire l’abandon du Soudan à la partition. De quoi satisfaire l’Oncle Sam et son état-croupion régional Israël, et empêcher l’Egypte de prétendre à un quelconque retour en force sur la scène orientale, la partition du Soudan ayant assuré l’Ethiopie quant à l’incapacité de « l’ordre arabe » à voler au secours du Caire dans une quelconque bataille autour des eaux du Nil. De nombreux observateurs parlent de l’effondrement de « l’ordre arabe » face à la percée de deux options stratégiques régionales concurrentes : le dessein néo-otthoman concocté à Ankara et l’expansion invasive de l’Iran chiite. Et si la première constrcution, purement turque, est acceptée par la majorité des capitales arabes, c’est uniquement parce que l’ennemi juré de l’autre revers de la médaille arabe, sous domination wahhabite, devrait être confiné dans des dimensions acceptables : sans puissance nucléaire et, partant, sans exportation de l’idéologie des Mollahs. L’appartenance de la Turquie où l’islamisme est
rampant, et où les Frères Muslmans ont trouvé un sanctuaire de choix, n’est pas pour frustrer « le nouvel ordre arabe » qui préfère traiter avec l’Administration américaine, de quelque nature qu’elle soit, pour asseoir une pax americana. Quitte à sacrifier la juste cause palestinienne sur l’autel des concessions et à monter une armée assez puissante pour endiguer « le péril chiite » qui s’exprime par la puissance de feu des Pasdarans engagés sur les sols irakien et syrien pour juguler le djihadisme de Daech aussi bien que d’Al Nosra. On prête à Ryad la volonté ferme de monter une armée forte de 500.000 hommes pour gagner la guerre contre Daech. Et le Pakistan, dans cette projection là, devrait contribuer pour le 5ème de ce corps expéditionnaire. A charge pour l’Egypte, la Jordanie et le Maroc de compléter le compte. On comprend dès lors pourquoi les vannes des pétrodollars s’entrouvrent du Maghreb au Machek pour tenir à bout de bras des économies chancelantes. Tout nouvel effondrement forcerait les tenants du « nouvel ordre arabe » à s’quitter d’une lourde facture, Daech étant à l’affût en se nourrissant essentiellement d’une instabilité provoquée à dessein par des officines occidentale plus tentées que jamais par l’emiettement d’une zone stratégique. Une course contre la montre semble engagée dans la zone. Et les victoires remportées sur les divers fronts ouverts en Syrie, comme en Irak, ne font que renforcer l’inquiétude des décideurs du « nouvel ordre arabe ». Deux raisons essentielles expliquent le désarroi dans lequel se trouve désormais engluée la fameuse Ligue arabe. La résilience des Etats de l’Irak et de la Syrie, soutenus ouvertement par l’Iran et le Hezbollah. Et partant, le renforcement d’un clan de la résitance qui s’oppose à la pax americana programmée pour la région. Et la crise qui vient d’avoir pour théâtre la célèbre « Ligue arabe », avec pour acteurs principaux Suédois et Saoudiens, est symptomatique d’un retour en force de la politique de la poigne. Car ne voilà-t-il pas que la chef de la diplomatie suédoise, un des premiers pays occidentaux à avoir reconnu l’Etat de Palestine, soit privée de parole au Caire alors que son discours devait faire grand cas de la démocratie et des droits humains qui doivent être observés en cette période de fortes turbulences. L’Arabie Saoudite se mouchant déjà à l’idée de se voir reprocher le traitement inhumain qu’elle fait subir aux contradicteurs de l’ordre établi, Raif Badawi en tête. L’affaire est entendue, côté arabe : on s’est évertué à empêcher la responsable suédoise de prendre la parole devant ses pairs arabes. En d’autres termes, ce sont les vieilles recettes que l’on ressort pour faire taire toute opposition, réelle ou virtuelle. Daech a bon dos. Sauf que sa percée comme sa déconfiture se fera non pas par les partisans de la pax americana, mais par l’axe de la résistance que l’on s’acharne déjà à diaboliser.
DE LA CONTRADICTION PRINCIPALE OU SECONDAIRE ? La Ligue arabe a raison de souligner que sans le règlement définitif, juste et équitable de la question palestinienne, jamais le Proche-Orient ne vivra en paix. La source de la tension, principale, reste donc liée à la nécrose israélienne qui pourrit le corps arabe. Et dans ce cadre-là, il fallait faire grand cas de la présence de la diplomate suédoise Margot Wallström dont le pays a été un des premiers à reconnaître, en Europe, l’Etat palestinien. Au lieu de priver la chef de la diplomatie de ce pays palestinophile de discourir parmi ses pairs arabes au Caire. Pour une fois, les Arabes auraient été mieux inspirés de dérouler le tapis rouge à cette dame quitte à entendre ce qui ne plait pas en matière de démocratisation et de respect des droits humains. Car on est, pour le coup, face à une contradiction secondaire, la cause palestinienne exigeant une mobilisation exemplaire de tous. Mais tel ne fut pas le cas. L’Arabie, échaudée à l’idée d’être clouée au pilori a opté pour l’amalgame… Destructeur. Les enseignements du petit Livre Rouge ne sont pas prodigués ni à la Mecque, ni à Médine, les responsables saoudiens se perdent en conjecture. Au point de forcer l’UE à réagir. Ni la cause palestinienne, ni celle des droits humains ne sont secondaires sur l’échiquier arabe. Ce qui l’est, c’est la crise factice avec la Suède. PERSPECTIVES MED
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MACHREK « L’ETAT ISLAMIQUE », UN MYTHE DÉSTRUCTEUR
DÉCONFITURE ANNONCÉE Par : A. Ben Zeroual
Autant les victoires de Daech furent fulgurantes, autant l’effondrement de ses défenses sont à l’ordre du jour. En Irak, les djihadistes d’Al-Baghdadi cèdent face aux multiples assauts de l’armée irakienne. En attendant la jonction avec l’armée syrienne pour extirper ces mercenaires de la région. Une course contre la montre est engagée.
I
Il a suffi d’une dizaine de jours pour que l’armée irakienne, appuyée par les miliciens chiites et d’autres combattants sunnites, fasse son entrée dans les faubourgs de Tikrit, ville natale de Saddam Hussein, sous l’emprise de Daech depuis juin dernier. Cette avancée non négligeable de l’armée irakienne s’est faite, il faut le rappeler, grâce à l’appui humain et matériel de l’Iran et du Hezbollah libanais. Et à l’implication russe via la livraison de matériel militaire d’appoint… En attendant que les commandes irakiennes passées auprès du Pentagone puissent aboutir. Cette première victoire, âprement obtenue, permettrait ensuite de marcher vers la ville de Mossoul, sanctuaire des partisans d’Al-Baghdadi. Mais force est de souligner que dans cette bataille, et elle préfigure déjà celles à venir, a vu une forte implication des experts iraniens qui ont secondé les militaires irakiens. Les drones iraniens dédiés à la surveillance des positions de Daech ont été d’un grand secours dans la bataille
DAECH SERA PRISE DANS UN ÉTAU DE FEU ENTRE IRAK ET SYRIE
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de Tikrit. Au même titre d’ailleurs que les mises en garde lancées par Baghdad à l’encontre des puissances qui se risqueraient à voler au secours de Daech en lui parachutant armes et vivres. Car souvenons-nous que la DCA irakienne n’a pas hésité à abattre, il y a quelques semaines de cela, deux aéronefs en activité dans les zones abritant les djihadistes d’Al Baghdadi. Ce qui illustre, sans le moindre doute, l’implication de puissances étrangères dans l’alimentation de la tension dans la région. Et prouve, sans ambages, la véracité des déclarations du Hezbollah quant au soutien étranger dont bénéficie Daech. Pour la reprise de Tikrit l’armée irakienne a lancé son offensive à partir de plusieurs axes stratégiques pour assurer le « déverrouillage » de la zone. Une première victoire d’abord dans le sud avec la reprise de la ville d’al-Dour. Et puis dans le nord avec la reconquête d’al-Alam. C’est forte de cette capacité manœuvrière que l’armée irakienne a pu venir à bout des premières poches de résistance de l’EI. Et il faudra s’attendre à ce que ces premiers succès soient grisants pour une armée que l’on présentait comme définitivement destructurée et incapable de mener des campagnes victorieuses. C’est d’ailleurs ce qui explique, sans doute, les atermoiements de l’administration
Obama quant à voler au secours de l’Irak. Atermoiement qui s’expliquent non seulement à l’aune militaire, mais aussi et surtout à l’aune géopolitique. Washington ne charchant point à éliminer Daech plus qu’elle ne voudrait en atténuer la puissance. D’où la politique des frappes aériennes que nombre d’observateurs taxent de « sélectives ». En effet, on est loin du rouleau compresseur de l’US Air Force qui se manifestait par plus de 2.000 raids/jour au cours de la guerre contre l’Irak de Saddam Hussein. D’ailleurs, il est fort à propos de rappeler que dans cette guerre contre Daech, bien des responsables militaires US n’ont pas hésité à dévoiler au grand jour la stratégie irakienne… Attirant l’ire des milieux politiques à Baghdad qui y voient l’œuvre d’un Janus qui ne dit pas son nom. Et qu’en sus, l’allié de choix de Washington dans la région, la Turquie en l’occurrence, n’a pas dépassé le stade d’un faible appui logistique à l’Irak. Cherchant à se ménager une sortie d’un bourbier dans lequel elle est engluée jusqu’au cou. La récente équipée de l’armée turque en territoire syrien n’est pas sans rappeler « le modus vivendi » qu’Ankara a bien pris soins de négocier avec Daech puisqu’aucun coup de feu n’a été tiré contre l’invasion d’un pan du territoire syrien dans lequel se fortifient les djihadistes. Quoi qu’il en soit, à Baghdad, on se fait fort que de souligner la ferme volonté de l’Irak de vouloir extirper Daech de la région. Et pour ce faire, il n’y a pas trente six chemins. C’est vers Raqa que les troupes irakiennes devraient converger tôt ou tard pour enfermer le gros des forces djihadistes dans un étau mortel. La jonction avec l’armée syrienne relevant plus que de la probabilité, l’ennemi étant commun. Il faudra donc s’attendre à ce que l’effort de guerre irakien, bénéficiant de l’appui iranien total, soit aussi gradué que modulaire. Histoire de pousser les fuyards de Daech vers leur santuaire syrien. Et sur ce front là aussi, il faudra s’attendre à ce que les divisions syriennes déployées entrent dans une action décisive. La bataille engagée autour d’Alep épouse les contours d’une telle perspective. Et les victoires
remportées par l’armée syrienne, appuyée elle aussi par des combattants civils, dans le triangle Damas, Kuneitra et Deraa, sont de nature à donner du cœur à l’ouvrage à un état-major qui a changé de tactique pour en découdre avec les groupes d’Al-Nosra et le reliquat de l’Armée libre syrienne. Dans cette confrontation asymétrique, priorité semble aujourd’hui donnée au renseignement et à l’initiative. Et ce n’est pour rien que coup sur coup, des leaders d’Al-Nosra et de l’ALS ont été liquidés lors de raid aériens alors qu’ils s’apprêtaient à reprendre les positions perdues dans ce triangle. Damas cherche à tout prix à priver ses ennemis de toute possibilité de retraite vers le Liban, Israël où la Jordanie. Et ce n’est pas pour rien que l’aviation syrienne a opéré des raids jusque dans le Golan, à quelques encablures de la ligne de démarcation avec Israël, rompant ainsi avec une traditionnelle accalmie… Consacrant ainsi une rupture dans la gestion de la tension régionale qui semblait acquise à Tel Aviv. Cette évolution, il faut le rappeler, est consécutive à l’asassinat, en janvier dernier, de Jihad Imad Moughniyeh, jeune cadre militaire du Hezbollah, et du commandant iranien Mohammad Ali Allahdadi, dans un raid de l’aviation israélienne en plein territoire syrien.
Ce qui a poussé le Hezbollah à affirmer la caducité des « règles d’engagement » dans la région. Toute attaque contre un allié, et sur n’importe quel front, devant générer des représailles. Voire une confrontation généralisée. L’addition de toutes ces évolutions sur les terrains irakien et syrien confortent la thèse selon laquelle la guerre lancée contre les djihadistes a toutes les chances de devenir transfrontalière. La jonction entre les armées des deux pays pour bouter l’EI apportera la preuve d’une telle projection. A l’heure où les Américains tablent sur la formation, en territoire turc, d’une armée forte d’au moins 5.000 hommes pour en découdre avec l’EI. Une course contre la montre est ainsi engagée entre les divers acteurs dans la région. Reste à savoir jusqu’où l’administration US et ses alliés régionaux laisseront-ils l’axe qui se dessine entre Téhéran, Bagdad et Damas prendre de l’ampleur. Et jusqu’où les soutiens russe, comme chinois, contribueraient à alléger la pression que l’Amérique entend exercer dans la région. Les moins à venir sont des plus cruciaux… A l’heure où le monde arabe reste tatillon sur la démarche à adopter pour empêcher que la menace ne se réalise ; celle de l’éclatement de la région.
LE VERROU ALEP Les rebelles sont entrés à Alep en juillet 2012, Une ligne de front a séparé l’est et l’ouest de la ville. Durant l’automne 2012 et l’hiver 2013, les rebelles ont poursuivi l’encerclement de la ville, menaçant l’aéroport militaire, s’emparant de l’Académie de police de Khan el-Aassal et coupant les routes d’accès à Alep depuis la zone gouvernementale, mais ils ne sont jamais parvenus à avancer dans les quartiers occidentaux. Les Arméniens ont, en particulier, farouchement défendu leur quartier, particulièrement exposé aux tirs des rebelles. En mars 2013, l’armée syrienne est parvenue à ouvrir une nouvelle route d’accès à Alep, via Sfireh et Salamiyeh, ce qui lui a permis de ravitailler ses troupes. Après la chute de Qousseir en juin 2013, le Hezbollah et l’armée syrienne ont commencé à desserrer l’étau sur Alep, sécurisant définitivement la route de la steppe, reprenant les villes chiites de Nubol et Zahra au nord d’Alep et chassant les rebelles du quartier de Salaheddine. Depuis plus d’un an, l’armée syrienne s’emploie à reconquérir les territoires autour d’Alep pour couper les lignes de communication des rebelles, condition indispensable à l’offensive finale. L’absence de coordination entre les groupes rebelles et le conflit avec l’État islamique lui ont facilité la tâche. Désormais, il ne reste plus à l’armée syrienne qu’à fermer le corridor et à contraindre les rebelles à une reddition comme elle l’a fait à Homs.
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MACHREK PRINCIPALES VILLES CONQUISES PAR L’ETAT ISLAMIQUE (EI)
IRAK-SYRIE: ZONES DE GUERRE
Sources: INSTITUTE FOR THE STUDY OF WAR
EN IRAK
- MOSSOUL : deuxième ville du pays et chef-lieu de la province de Ninive (nord). Située à 350 km de Bagdad, sur la rive droite du Tigre, elle comptait, avant sa prise par l’EI le 10 juin, environ 1,5 million d’habitants, majoritairement sunnites. Les jihadistes y ont multiplié exactions et destructions, notamment de la tombe de Jonas et du sanctuaire du prophète Seth (juillet 2014) ou de trésors pré-islamiques. Depuis la reprise du barrage voisin en août, les Kurdes appuyés par les avions de la coalition resserrent progressivement leur étau autour de la plus grosse ville aux mains de l’EI. - TIKRIT : prise le 11 juin 2014 par l’EI, chef-lieu majoritairement sunnite de la province de Salaheddine (nord), à 160 km de Bagdad sur la route de Mossoul. Tikrit est dotée d’une importance stratégique mais aussi symbolique puisque c’est la ville natale de Saladin, le guerrier de l’islam qui 44
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s’empara de Jérusalem en 1187, et le berceau de Saddam Hussein (1937-2006) chassé par l’invasion américaine en 2003. - TALL AFAR : prise le 23 juin 2014, à 380 km au nord de Bagdad. Ville majoritairement chiite et stratégiquement située entre Mossoul et la frontière syrienne. Le 21 janvier, les forces kurdes ont annoncé avoir pu couper la route reliant Tall Afar et Mossoul dans le cadre d’une offensive anti-EI «à grande échelle» soutenue par la coalition internationale. - FALLOUJA : prise dès le 2 janvier 2014, six mois avant la vaste offensive jihadiste. L’armée irakienne bombarde depuis régulièrement la ville. Bastion sunnite à 60 km à l’ouest de Bagdad dans la province d’Al-Anbar frontalière de la Syrie, Fallouja est une ville-symbole de l’insurrection qui avait infligé de lourdes pertes aux forces américaines entre 2003 et 2006.
EN SYRIE
- RAQQA : prise aux rebelles en janvier 2014. L’EI en a fait la «capitale» de son califat, proclamé fin juin 2014, et y impose une interprétation extrême de l’islam. Située à moins de 200 km de la frontière irakienne dans la vallée de l’Euphrate (nord), elle comptait 250 000 habitants avant le début du conflit en Syrie en 2011. C’est le seul chef-lieu provincial contrôlé par l’EI et le seul à échapper entièrement au régime. L’EI contrôle actuellement parallèlement la quasi-totalité de la province pétrolière de Deir Ezzor (est) dont la moitié du chef-lieu est toutefois toujours aux mains des forces gouvernementales. Le groupe a aussi pris plusieurs champs gaziers et pétroliers dans la province de Hassaké (nord-est) limitrophe de l’Irak et la Turquie.
TIKRIT LIBÉRÉE REPRESENTE LE PREMIER CHAINON DES VICTOIRES CONTRE DAECH SUR L’ESPACE IRAKIEN... EN ATTENDANT LA GRANDE CAMPAGNE DE SYRIE
Depuis fin 2014, l’EI a cédé du terrain. En Irak, il a perdu la ville de Baïji (nord) en novembre, puis les zones qu’il contrôlait dans la province de Diyala (est) en janvier. Il s’est en revanche emparé d’une grande partie de la ville d’Al-Baghdadi près de la base aérienne d’Al-Assad le 13 février. En Syrie, il a perdu fin janvier face aux Kurdes soutenus par la coalition internationale la bataille de Kobané (nord), son plus important revers depuis son émergence dans la guerre civile syrienne en 2013. Depuis le début de la révolution syrienne en 2011, Damas est un point stratégique et le bastion des forces du régime de Bachar el-Assad. Si dans la banlieue de la ville sont implantés différents groupes rebelles, le pouvoir syrien n’a encore jamais perdu son emprise sur la capitale.
SILENCE, DAECH DÉTRUIT
DE MOSSOUL À HATRA La barbarie de Daech n’en finit pas en Irak. Ses hordes ont «pris d’assaut la cité historique de Nimroud et a commencé à la détruire avec des bulldozers ». Il faut craindre le pire pour cette cité fondée au XIIIe siècle avant JC, située sur les rives du Tigre à quelque 30 km de Mossoul, la grande ville du nord de l’Irak, sous la coupe de l’EI depuis juin. Auparavant, l’œuvre destructrice des barbares de l’EI n’avait pas épargné les sculptures préislamiques du musée de Mossoul. La destruction des trésors de Mossoul avait été condamnée par la communauté internationale, la directrice générale de l’Unesco Irina Bokova réclamant à la Cour pénale internationale (CPI) de se saisir du cas. Le groupe djihadiste (EI) a entrepris de détruire des vestiges archéologiques de Hatra, cité vieille de 2.000 ans, au sud de Mossoul. L’UNESCO a dénoncé le saccage de ce site inscrit sur sa liste du patrimoine mondial de l’humanité. Rien n’arrête la barbarie de Daech qui avait déjà procédé à la destruction de 8.000 livres rares en en faisant un bûcher. La crainte que la communauté internationale exprime à l’égard de cette barbarie est qu’elle puisse se manifester ailleurs, comme en Libye. Voire bien au-delà. En tout cas, le dogmatisme dont fait preuve la nébuleuse djihadiste dans les pays du Levant est des plus ravageurs. Tout ce qui fait l’Histoire plurielle de l’Humanité n’échappe pas à leur destruction systématique. Pour ces illuminés, rien ne doit subsister de l’ère antéislamique, période assimilée à une ère de non culture, la Djahilia. PERSPECTIVES MED
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STARTEGIE CONFLITS ASYMÉTRIQUES
POURQUOI LA FORCE MILITAIRE PEUT ÉCHOUER Par : Pr. Abderrahmane Mekkaoui
La supériorité numérique et technologique, conjuguée à la puissance de feu des armées modernes, ne conduisent forcément pas, de facto, à l’éradication des guérillas ou milices populaires, bien souvent nettement plus inférieures. L’échec de l’Otan dans sa volonté à éradiquer les Talibans, les défaites Israéliennes successives face au Hezbollah en 2006, puis au Hamas en 2009 et 2014, sont autant d’exemples qui confirment ce constat.
P
our quelles raisons donc les puissants leur arrive-t-il de perdre et quelles sont les logiques qui permettent aux faibles de l’emporter ? Des questions qui ne manquent pas d’intriguer les penseurs militaires occidentaux. Dans son ouvrage « How the weak Win wars », l’auteur américain Ivan Arreguin-Toft, après avoir analysé plus de 200 conflits asymétriques à compter de 1800, a fini par conclure, qu’en règle générale, le fort l’emporte à hauteur de 71,5%. Néanmoins, ces observations deviennent plus intéressantes en analysant les statistiques et leurs évolutions temporelles, c’est-à-dire de 1800 jusqu’à nos jours. Ainsi, on constate qu’au cours de la première moitié du XIVème siècle, le fort l’emportait à 88,2% des cas, alors que pendant la seconde moitié, il accusait un léger recul avant de se stabiliser à 79,5%. À l’aube du XXème siècle, ces statistiques reculeront davantage, affichant 65,1%
LES CONFLITS ASYMÉTRIQUES POSENT PROBLÈME
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PERSPECTIVES MED
lors de la première moitié et 48,8% lors de la seconde. L’auteur tente d’expliquer le phénomène en assurant que ce sont les interactions des stratégies en usage et par le fort et par le faible, conjuguées aux choix des stratégies admises à l’encontre de l’adversaire, qui déterminent le sort du conflit. Ainsi, l’auteur identifie deux classes majeures de stratégies : 1. La « Stratégie directe » qui vise à détruire les capacités militaires de l’adversaire. 2. La « stratégie indirecte » qui vise à aliéner la volonté de combattre l’ennemi et le résigner à abdiquer. Toutefois, on retiendra tout le mérite de l’auteur qui a pu mettre en exergue, statistiquement, le phénomène, d’autant plus que la question n’est guère aisée vu que plusieurs facteurs peuvent mener à la victoire des uns comme à la défaite des autres. Un autre auteur américain, Adrew MACK, revient, quant à lui, à l’expérience française en Indochine, suivie 20 ans plus tard par celle des États-Unis au Vietnam. Dans « Why big nations lose small wars : the politics of asymmetric conflict », l’auteur explique que la victoire politique des faibles n’implique pas forcément
la défaite militaire du fort, mais plutôt l’incapacité de ce dernier à justifier les coûts financier et humain de son implication au regard de ses troupes pour garder le moral ou au regard de son pays dont le soutien à l’effort de guerre est déterminant. Selon l’auteur, le conflit pour le faible est une question de survie, alors que le fort peut renoncer à son projet à partir du moment ou il s’aperçoit qu’il n’est plus rentable. Jeffrey Record s’interroge sur la question en se focalisant beaucoup plus sur la manière des États-Unis à penser et à mener la guerre. Selon lui, les décideurs politiques de son pays ne considèrent pas la guerre comme un instrument politique mais comme une alternative à celle-ci. Un pas de non-retour qui doit forcément conduire à une victoire, et ce, même si le recours à la force punitive devient stérile, quitte à fermer les yeux sur les issues politiques permettant la résolution des conflits. Pour lui, la victoire militaire n’est jamais une fin en soi si elle ne conduit pas à atteindre l’objectif politique préalablement établi par le fort. À ce titre, l’auteur revient sur l’échec politique américain en Irak. Sun Tzu, l’auteur de l’art de la guerre soulignait que «l’invincibilité se trouve dans la défense, et la possibilité de victoire se trouve dans l’attaque». En effet, cette citation cache nombre de vérités qui restent réalistes jusqu’à nos jours. Une relecture des treize articles de Sun Tzu d’un œil contemporain, peut donner quelques explications, voire prédire le sort de conflits présents et futurs. Selon Sun Tzu, six paramètres peuvent mener à la victoire ou causer la défaite : 1. La volonté de combattre dont l’intensité résulte de la cause qui sera perçue comme légitime ou illégitime que ça soit aux yeux des troupes des deux antagonistes ou à l’égard de la population civile qui occupe le territoire disputé. Exemples de victoire du fort face au faible : •victoire de l’Espagne contre l’organisation terroriste ETA, •victoire de l’ANP algérienne face au GIA. Exemples de perte du fort face au faible :
•La France en Indochine et en Algérie. 2. La supériorité numérique 3. La discipline qui conditionne la compétence tactique 4. L’armement et autres technologies utilisés par les diverses camps : La portée des armes, la mobilité et la précision de tir, ainsi que le rapport coût/efficacité par rapport à l’antagoniste. Ainsi, il ne sert à rien de gaspiller, par exemple, un missile Iron dome Israélien à 200K USD le missile, pour contrer un obus du Hamas de type Grad qui coute à peine 10% la valeur du premier. 5. La géographie : une guérilla s’opère plus aisément dans un environnement montagneux (exemple : Taliban, Hezbollah, etc.,), une jungle tropicale (FARC, Viet-kongs, etc.,). Par contre, la guérilla est défavorable à découvert en terrain aplati désertique où il n’est pas aisé de surprendre l’ennemi (Sahara marocain, le cas du Polisario, etc.,) 6. Le climat : généralement un territoire où il est difficile d’opérer en hiver est toujours favorable à la guerre asymétrique (exemple: échec de Napoléon et des Nazis à envahir la Russie, le cas des Talibans en Afghanistan, le cas des Tchétchènes, etc.,) Analyse de quelques conflits en se basant sur les six paramètres cités ci-dessus :
L’échec cuisant de l’Otan en Afghanistan qui rappelle la mésaventure de l’URSS dans le même pays onze ans auparavant, laisse apparaître plus d’une question sur les raisons de l’échec de la force militaire face à un ennemi matériellement faible. Une fois de plus, la pensée militaire est amenée à donner des explications tangibles et élaborer des modèles et théories qui peuvent aider les politiques à décider des guerres futures et les faire sortir de l’indécision pour pacifier les menaces urgentes que représentent certaines organisations asymétriques comme l’État Islamique en Iraq, Les Houtis au Yémen ou encore Boko-Haram au Nigéria. Orientations bibliographiques.
o How theWeakWinWars, Ivan Arreguin-Toft http://www.fd.unl.pt/docentes_docs/ma/ aens_MA_20004.pdf o Why Big nations lose small wars, Andrew Mack http://web.stanford.edu/class/polisci211z/2.2/Mack%20WP%201975%20 Asymm%20Conf.pdf o Why the strong lose, Jeffrey record http://strategicstudiesinstitute.army. mil/pubs/parameters/Articles/05winter/ record.pdf.
PARAMETRES Antagonistes VS VS VS
Cause
Sup. Discipline numérique
Armes
Géographie
Climat
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1
1
1
0
0
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1
1
1
1
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1
Polisario
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USA
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Viêt-Cong
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PERSPECTIVES MED
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PANORAMA J.C JUNKER POUR UNE « ARMÉE EUROPÉEN CONJOINTE»
Bruits de bottes à Berlin Jean Claude Junker, président de la Commission européenne, a demandé à créer «une armée européenne conjointe» qui «réagira de façon crédible» à toute menace extérieure pour protéger les «valeurs» du bloc. «Une telle armée doit nous aider à mieux coordonner notre politique étrangère et de défense et à prendre en charge collectivement les responsabilités européennes dans le monde», a-t-il spécifié dans une interview au journal allemand « Welt am Sonntag ». Si l’idée séduit en Allemagne, il n’en reste pas moins qu’elle inquiète les pays attachés à l’OTAN, en particulier en France et en Grande Bretagne. Dans l’interview, J.C Junker a rappelé que «l’image de l’Europe a souffert de façon dramatique. En termes de politique étrangère, il semble que nous ne soyons pas vraiment pris au sérieux». Voilà pourquoi, à ses yeux, «une armée européenne conjointe» montrerait au monde qu’il n’y aura jamais plus de guerre entre pays européens ».
ELASTICITÉ
ATLANTIQUE POUTINE A RAISON 48
PERSPECTIVES MED
Avec une armée européenne conjointe, le bloc pourrait «réagir d’une façon plus crédible aux menaces à la paix dans un Etat-membre ou dans un Etat voisin». Pour le Président de la Commission, cette armée « dirait à la Russie que nous sommes sérieux en ce qui concerne la protection des valeurs de l’Union européenne». A souligner que la proposition de Juncker a été soutenue en Allemagne où, le mois dernier, la ministre de la Défense Ursula von der Leyen a été la première à évoquer l’armée européenne comme un objectif prioritaire pour l’Union. Réagissant à la proposition de Juncker, elle a dit à la station de radio Deutschlandfunk que l’armée européenne «est l’avenir». Norbert Röttgen, président du Comité des Affaires étrangères du Bundestag, a dit aussi à Welt am Sonntag que «l’idée d’une armée conjointe est une idée chère à l’Europe dont le temps est venue». «Les pays européens se permettent des dépenses militaires énormes, beaucoup plus élevées au total que celles de la Russie. Cependant, nos capacités militaires restent insuffisantes en termes de sécurité», a-t-il dit. L’idée de J.C Juncker fait grincer quelques dents à Paris et à Londres, le Royaume-Uni et la France étant réticents à l’idée de renforcer la fonction militaire de l’Union européenne au détriment durôle de l’OTAN. Cependant, l’ancien secrétaire général de l’OTAN Javier Solana s’apprête à présenter un rapport intitulé Plus d’Union dans la défense européenne qui doit promouvoir une nouvelle approche de la défense européenne avec une Union «capable militairement et politiquement d’intervenir au-delà de ses frontières» qui aurait son propre Etat major à Bruxelles.
Pat Buchanan, analyste politique : «Bien que l’Armée rouge se soit retirée volontairement d’Europe de l’Est et soit rentrée chez elle, et que Moscou ait compris que nous n’étendrions pas l’Otan vers l’est, nous avons saisi toutes les occasions de faire l’inverse. Non seulement nous avons fait entrer la Pologne dans l’Otan, mais aussi la Lettonie, la Lituanie et l’Estonie, et la quasi-totalité des pays du Pacte de Varsovie, ce qui amenait l’Otan à la porte d’entrée de la Mère Russie. Il y a maintenant un projet en cours de réalisation pour y faire entrer l’Ukraine et la Géorgie, un pays du Caucase où est né Staline…… Nous semblons maintenant déterminés à rendre permanentes les bases en Asie centrale que Poutine nous avait laissés installer dans les anciennes républiques soviétiques pour libérer l’Afghanistan.… Par le biais de la National Endowment for Democracy, ses auxiliaires Démocrates et Républicains et leurs think-tanks exonérés d’impôt, ses fondations, et ses institutions de droits de l’homme comme Freedom House, (…) nous avons fomenté des changements de régime en Europe de l’Est, dans les anciennes républiques soviétiques, et en Russie elle-même… Ce sont les griefs de Poutine. N’a-t-il pas un peu raison?»
Israël
FUITE EN AVANT
Le 1er avril prochain, l’Etat de Palestine sera officiellement intégré aux statuts de la Cour pénale internationale. A partir de ce jour-là, la justice internationale pourra donc enquêter sur de potentiels crimes de guerre commis à Gaza et en Cisjordanie depuis juin 2014. Mohammed Shtayyeh, membre de la direction du Fatah, parti du président Mahmoud Abbas, a confirmé la détermination palestinienne sur ce dossier qui énerve particulièrement le gouvernement israélien qui n’hésite pas à user des pressions habituelles. Le gel du versement des taxes (100 millions de dollars, soit 70% du budget palestinien) fait partie de ces pressions.
UN MONDE UNIPOLAIRE
Pax americana… Vladimir Poutine (10 février 2007, à la 43e Conférence sur la sécurité de Munich) : « Je considère que le modèle unipolaire est non seulement inacceptable mais aussi impossible dans le monde d’aujourd’hui (…) le modèle lui-même est vicié à la base car il n’est pas et ne peut pas être le fondement moral de la civilisation moderne(… ) Nous assistons au mépris de plus en plus grand des principes fondamentaux du droit international. Et les normes juridiques indépendantes se rapprochent, en fait, de plus en plus du système juridique d’un État. Cet État c’est, bien sûr, les États-Unis, qui débordent de leurs frontières nationales dans tous les domaines. Cela se voit dans les politiques économiques, politiques, culturelles et éducatives qu’ils imposent aux autres nations. Eh bien, qui aime cela? Qui est satisfait de cette situation? »
Un canal sur la Mer Morte
Fatal pour la Palestine Le Gl égyptien Adel Souleiman juge que le projet du canal de la Mer Morte signé fin février par la Jordanie et Issraël, «va totalement achever la cause palestinienne ». Pour l’expert stratégique, «ce projet s’inscrit dans le cadre du projet d’un nouveau Moyen-Orient». L’accord devant lier la Mer Rouge à la Mer Morte via un canal, outre une usine de dessalement au nord d’Aqaba, vise à alimenter en eau l’entité sioniste et la Jordanie. Les environnementalistes s’accordent à dire que le pompage dans le Lac de Tibériade et dans Jourdain – pour desservir les seules colonies juives – qui est la cause principale de la perte annuelle de presque 30 % de la masse de la Mer Morte.
CRISE SYRIENNE
LE COUP DE GUEULE DE R.KASSIS
LA GUERRE DE L’EAU COULE DE SOURCE
Randa Kassis, opposante syrienne, vient de publier « Le Chaos Syrien (avec Alexandre Del Valle). A ses yeux, « la Turquie a démontré son hostilité à tout plan de paix pour la Syrie. On la soupçonne de soutenir l’Etat Islamique et de faciliter aux djihadistes le passage de la frontière turco-syrienne. Comment accepter plus longtemps les agissements criminels du Sultan Erdogan alors que son pays est censé être l’allié de la France au sein de l’Otan ? (…) Les pétromonarchies ont financé plusieurs groupes radicaux en Syrie. Ces pays ont totalement disqualifié l’opposition armée en rendant les multiples brigades armées dépendantes financièrement de monarchies corrompues liées aux pires islamistes radicaux. Résultat : les rebelles armés sont devenus hostiles au principe même d’Etat-nation et ont adopté l’idéologie salafiste qui aspire à établir l’Oumma Islamiyya. »
Abba Eban, ministre israélien des Affaires étrangères, a répondu, en 1965, à l’invite de Bourguiba pour le partage de la Palestine, par une phrase cinglante : « mettre en oeuvre les résolutions de 47-48 reviendrait à essayer de reconstituer un oeuf dont on a fait une omelette il y a 18 ans».
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PANORAMA
ESPIONNAGE
Récompensé d’un Oscar, le fim documentaire « Citizenfour » suit au plus près les révélations du lanceur d’alerte Edouard Snowden, ex-agent de la NSA, sur l’espionnage mené par le gouvernement américain à grande échelle. Laura Poitras livre au public un documentaire choc qui fera date, elle qui a déjà livré deux films remarqués, “My Country, My Country » et “The Oath ». Ni le producteur, Steven Soderbergh, ni le distributeur, « The Weinstein Company », n’ont été inquiétés.
SALE TEMPS POUR LA NSA
L’entreprise américaine Wikipédia a annoncé avoir déposé plainte contre l’agence de renseignement nationale. Objectif : “protéger” ses 500 millions de visiteurs mensuels. Wikipedia est allé loin en publiant une tribune dans le « New York Times » sous le titre « Cessez d’espionner les utilisateurs de Wikipédia.” Le fondateur du site américain de recherches collaboratives Jimmy Wales et la directrice exécutive de la fondation Wikipedia Lila Tretikov ont détaillé dans le quotidien américain les raisons de leur dépôt de plainte contre l’agence américaine, dans la tourmente depuis les révélations d’Edward Snowden en 2013. Wikipédia vise en particulier le programme Upstream qui permet à la NSA de collecter des communications directement sur les câbles de fibre optique et les infrastructures du réseau.
BOMBE EN ALLEMAGNE, CLAUDIA ROTH, VICE-PRÉSIDENTE DU BUNDESTAG, EN ALLEMAGNE, A APPELÉ À RECONSIDÉRER LES CONTRATS D’ARMEMENT AVEC RIYAD PUISQUE LE ROYAUME SERAIT “LE PREMIER EXPORTATEUR DE TERRORISME DANS LA RÉGION”
UN SOLDAT TCHADIEN EN FACTION Les troupes tchadiennes participent à la cérémonie de clôture de l’opération Flintlock, lancée il y a un an. Militaires africains, américains et européens s’y exercent à lutter contre le terrorisme sous le commandement de l’Africom. Un terrorisme qui déborde l’espace sahélo-saharien pour menacer la région des Grands Lacs. L’Arabie Saoudite est devenue le premier importateur d’armes dans le monde d’après un rapport sur le commerce de matériel militaire élaboré par le cabinet d’analyses IHS. Riyad a acheté pour 6,4 milliards de dollars d’armement l’an passé, soit un dixième de l’ensemble des échanges internationaux du secteur. Ses importations ont crû de 54 % en une année, soulignent les auteurs du rapport. Le rapport estime qu’en 2015, le Royaume devrait dépenser 10 milliards de dollars en matériel militaire. Instabilité régionale et soucis diplomatiques expliquent cette boulimie.
RYAD
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Les armées nigérienne et tchadienne mènent une offensive conjointe au Nigeria contre Boko Haram. La ville de Damasak a ainsi été reprise aux djihadistes nigérians qui ont fait allégence à l’Emirat Islamique d’Al-Baghdadi, confirmant ainsi les craintes exprimées par nombre d’observateurs. La ville nigériane libérée est située à une centaine de kilomètres de la rive ouest du lac Tchad. Mais le bilan s’avère lourd avec la mort de dizaines de soldats tchadiens et nigériens et de quelque 200 combattants du groupe extrémiste. Boko Haram s’était emparé de la ville de Damasak le 24 novembre dernier, tuant une cinquantaine de personnes et poussant 3 000 autres à fuir, selon le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés. Offensive qui ne semble pas freiner la barbarie transfrontalière de Boko Haram.
LA CRISE IVOIRIENNE TRANSPARAIT VIA LE PROCES GBAGBO Le verdict est tombé dans l’affaire Simone Gbagbo, ex-première dame ivoirienne jugée pour “participation à un mouvement insurrectionnel” durant la crise post-électorale de 2010-2011. Elle a été condamnée à vingt ans de prison ferme après un procès marathon. L’ancienne Première dame était également accusée par le ministère public de “troubles à l’ordre public” et de “constitution de bandes armées” pour bloquer la voie à l’actuel chef de l’Etat Alassane Ouattara.
CHRONIQUE VÉCU ICI
ENTRE FESSÉES ET CLAQUES
L
es médias français, dans leur majorité, retombent dans leurs travers et s’enflamment à coup de «break’ news ». Non ce ne sont pas les chutes de neige hivernales ou les embouteillages sur les routes des stations de ski qui mobilisent leurs « envoyés spéciaux », c’est l’arrêt de la cour de Justice européenne qui condamne la France pour non interdiction de la fessée ! Vous comme moi qui sommes « bercés » au rythme du « bâton sorti du paradis », on a de quoi s’étouffer, non ? Ainsi va le monde de ce côté-ci de la Méditerranée. L’émotion suscitée par les attaques de janvier semble bien lointaine. Pour preuve, les arbitrages budgétaires qui sont aux antipodes des bonnes intentions pérorées au lendemain de cette funeste occasion. Et oui, si attaques il y’a eu, c’est parce que la République a failli. Il est indispensable de nettoyer les écuries d’Augias avec une politique agressive de la ville à même de remettre les quartiers difficiles où s’entassent les laissés pour compte, toutes origines ethniques confondues, dans le cœur de la Cité. L’école, atout dans l’égalité entre tous, doit redevenir l’ascenseur social qu’elle fut. L’Islam de France est sommé de s’adapter… En somme, tout le monde est convié à réfléchir et à faire des propositions pour attaquer le Mal, à la racine. Toutefois, les réductions des budgets de l’éducation, de la culture, de la rénovation urbaine, les coupes sombres dans les subventions allouées aux associations rendent cet objectif inatteignable. Parce que la saignée, opérée depuis le quinquennat de Sarkozy, ne lui suffit plus, Bruxelles impose à Paris plus d’efforts. Il faut continuer à « réformer ». C’est ainsi que l’art de déshabiller Paul pour habiller Pierre est le seul subterfuge uti-
POURQUOI S’ENFLAMME -T- ON POUR LA FESSÉE ALORS QUE LA CLAQUE NOUS ATTEND ?
Par : Mustapha El Maleh
lisé pour faire illusion auprès du Français moyen. L’objectif est de rationaliser les dépenses publiques. Maitres dans l’art de manier les formules creuses, les politiques excellent dans les éléments de langage distillés par les spins doctors. Et pour s’absoudre de toute partialité, une couverture imparable est toute trouvée : Ce sont les rapports qui frisent le sacré de la sainte institution qu’est redevenue la Cour des comptes. Aujourd’hui, cet épouvantail ne s’applique pas à tout le monde, loin s’en faut. Les voyants passent progressivement au vert et les chroniqueurs économiques peuvent s’extasier et oser timidement le mot Reprise. Le CAC 40 est au beau fixe et les dividendes coulent à flot. Il paraît même que le moral des chefs d’entreprise remonte. M. Gattaz constate, avec délectation, le virage à droite d’un gouvernement de gauche qui enterre ses convictions premières. Adieu « la finance est mon ennemi » bienvenue à « j’aime l’entreprise». C’est la real politique qui triomphe. Pour nos gouvernants, ils espèrent des créations d’emploi et qu’importe leurs statuts. Aussi précaires qu’ils soient, ils perpétueront la politique d’affichage. Ouf l’honneur est sauf. Les promesses de 2012 seront atteintes et 2017 s’annonce rose ou presque. Quant au citoyen lambda, les prémices de cette arlésienne ne le concernent nullement. Parce que son quotidien est amer et que son parcours est une véritable galère, il ne va pas tarder à l’exprimer par vote dans les départementales. Dans le contexte de décentralisation, ce suffrage n’est pas anodin. Les sondages prédisent une abstention record et un raz de marée Bleu Marine. Détrompez vous, ce ne sont guère des couleurs porteuses d’assurance telle la mer qui apporte à chacun les raisons d’espérer, mais plutôt des cris de désespoir. Derrière ces nuances chatoyantes se cache le brun obscur des années 30. Dès lors pourquoi s’enflamme –t-on pour la fessée alors que la claque nous attend ? La vraie question est de savoir si l’on doit se contenter d’être des béni-oui-oui et tendre l’autre joue ou d’œuvrer pour un sursaut Républicain quitte à recevoir un coup de pied à l’auguste séant. Alors claque ou fessée ?
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ÉCONOMIE &
MARCHÉS
PAS DE CROISSANCE SANS INDUSTRIALISATION
L’ÉMERGENCE EN MAL DE BATTANTS
EN DÉPIT DES SATISFÉCITS RELATIFS ÉGRENÉS AUSSI BIEN PAR LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES INTERNATIONALES QUE PAR LES AGENCES DE NOTATION, L’ÉCONOMIE MAROCAINE RESTE FRAGILE. EN EFFET, IL N’EST PAS ANODIN DE VOIR QUE LES PERFORMANCES RÉALISÉES RESTENT LARGEMENT TRIBUTAIRES DE CONJONCTURES FAVORABLES. CE QUI, AU MOINDRE RETOURNEMENT DE SITUATION, DÉVOILE EN FORMAT LARGE LES FAIBLESSES D’UN SYSTÈME QUI PEINE À FAIRE PREUVE D’INGÉNIOSITÉ. SI LA FOI EN LE MARCHÉ A ÉTÉ CONSTAMMENT RÉAFFIRMÉE, IL FAUT S’AVOUER QUE LES ACTEURS DU DÉVELOPPEMENT SONT TOUJOURS À LA RECHERCHE DES MÊMES PARTITIONS À JOUER. LA CROISSANCE NE SAURAIT SE FAIRE EN L’ABSENCE D’UN SECTEUR PRIVÉ EN MAL DE RÉ-INDUSTRIALISATION. CERTES, DES FORTUNES FONT LE TOUR DES GAZETTES SUR LA FOI DES RÉVÉLATIONS FORBES. TOUTEFOIS, CET ENRICHISSEMENT N’OCCULTE EN RIEN LA PAUVRETÉ DU PALMARÈS DÈS LORS QU’IL S’AGIRAIT DE FAIRE GRAND CAS DE VÉRITABLES CAPITAINES D’INDUSTRIE. LA QUESTION FONDAMENTALE QUI SE POSE SERAIT, ELLE, INHÉRENTE AUX FACTEURS DE BLOCAGE QUI EMPÊCHENT L’ÉMERGENCE D’UNE CLASSE D’HOMMES D’AFFAIRES PLUS PERFORMANTS AILLEURS QUE DANS LA GESTION DES RENTES DE SITUATION OU ENCORE DANS LES GRENOUILLAGES QU’OFFRE L’ÉCONOMIE PARASITAIRE. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE 2015 SERA PLUS FAVORABLE ?
DES ACQUIS MAIS SURTOUT DES DÉFIS ! Par : Abderrahman El Maleh
À moins d’un nouveau choc inattendu, les perspectives pour 2015 s’améliorent comme en témoigne le bon démarrage de l’économie marocaine. De même, l’amélioration du déficit budgétaire pourrait libérer des fonds pour l’investissement, réduire les délais de paiement et renforcer le BTP qui peine. La dépréciation voulue du taux de change aura aussi des effets favorables, alors que les prix du pétrole sont bas. Cependant la situation sociale demeure fragile et risque d’être exacerbée en cas de rebond des prix…
L
e Maroc fera probablement figure de bon élève régional en terme d’IDE et le risque souverain est limité par le soutien du FMI et la confiance des marchés. A travers son dernier rapport sur l’économie marocaine, le FMI reflète l’opinion positive de l’institution sur la gestion économique au cours des trois dernières années : les agrégats macro-économiques ne sont certes pas reluisants, toujours lestés par les importations de pétrole portant le déficit commercial à 20% du PIB. Mais ce trait de caractère est en partie contrebalancé par les revenus du tourisme et les transferts de la diaspora marocaine faisant que le déficit courant de 10% du PIB doit être donc financé chaque année. En plus de ces aspects structurels, la conjoncture n’a pas été favorable depuis 2011, avec simultanément une crise politique régionale, qui poussa le gouvernement à accorder de substantielles hausses de salaires et
LES YEUX RESTENT BRAQUÉS SUR LE CIEL EN ATTENDANT LA ... RÉCOLTE
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un ralentissement économique en Europe, principal partenaire économique du pays. Entre 2010 et 2012, la dette publique aura ainsi progressé de 10 points (à 71% du PIB) avec un déficit budgétaire atteignant 7,5% du PIB. Dans ce contexte, le Maroc pouvait perdre la notation favorable (investment grade) que lui accordent les agences, mais une nouvelle dynamique a permis de l’éviter: la stabilité politique remarquée et ses liens avec l’Europe et le Golfe ont fait du pays le premier récipiendaire des investissements directs étrangers (IDE) au sud de la Méditerranée depuis 2011 (hors Israël). En 2013, le Maroc ne perdit pas son rating et la gestion économique était plus prudente après la signature d’un accord avec le FMI (mise en place d’une ligne de liquidité de précaution contre des réformes fiscales et monétaires). Le gouvernement réduisit ses investissements, la masse salariale progressa à peine et une réforme vigoureuse des subventions publiques était en route. En 2014, la dette publique était stabilisée à 76% du PIB et le déficit budgétaire ramené à près de 5%. Pour ce qui est de 2015, quatre éléments influeront sur les performances économiques et chacun a une perspective favorable à court terme.
Primo, la croissance européenne devrait s’accélérer (de 0,9% à 1,3%), soit près de 0,2 point supplémentaire pour le Maroc. Secundo, les prix bas du pétrole : en janvier 2015, les importations de pétrole représentaient 15% des importations totales, contre 27% un an plus tôt. Tertio, la production agricole qui pourrait enregistrer un record équivalent voire supérieur à celui de 2013, apportant près de 2 points de croissance supplémentaire. Et ,enfin, les IDE, dont les perspectives sont favorables grâce à certains projets, notamment dans l’immobilier et la santé. Dans l’ensemble, le FMI estime que la croissance au Maroc gagnerait 2 points et passerait ainsi de +2,4% en 2014 à près de +4,5% en 2015.
LA BONNE ÉTOILE ! Globalement, les clignotants ressortent bien orientés mais la courroie de transmission peut prendre davantage de temps, pour n’impacter positivement l’ensemble des activités que vers la fin du premier semestre 2015 ou, au plus tard, lors du troisième trimestre de l’année en cours. Ainsi, le déficit de la Balance Commerciale ressort bien compressé à -6,6 Mds Dhs à fin janvier 2015 (vs. -11,1 Mds Dhs une année auparavant), porté par la chute de 14% des importations suite à l’allègement de 48% de la facture énergétique et, en contrepartie, par le bon comportement des exportations, capitalisant sur la poursuite de la montée en puissance des ventes automobiles de +10,5% à fin janvier 2015, au moment, le taux de couverture passe de 66,6% en janvier 2014 à 77,2% début 2015. Même son de cloche au niveau du marché monétaire qui semble être conforté par la reprise des crédits bancaires de 4,3% comparativement à fin janvier 2014. Le marché monétaire semble également n’avoir été nullement influencé par les effets
Au-delà de la confiance dans les agrégats, les opérateurs attendent une «feuille de route» clairement définie pour mieux sonder les pistes de la croissance
de l’appréciation courant janvier 2015 de 13% des levées brutes du Trésor, probablement en relation avec sa volonté de régler ses arriérés de paiements relatifs à fin 2014. Sur le plan budgétaire, les Finances Publiques démarrent l’année avec un excédent de 5,2 Mds Mds, en raison de l’absence de décaissement des charges de Compensation dans un contexte de détente des cours de pétrole à l’international et, du repli de 6,7% des dépenses d’investissement à 8,3 Mds Dhs. Concernant le niveau général des prix, à la consommation l’indice des prix enregistre au cours du mois de janvier 2015 une hausse de 0,3% comparativement au mois précédent. Cette variation s’explique par la hausse de 1,1% de l’indice des produits alimentaires suite aux conditions climatiques défavorables enregistrées en début d’année, compensée par la détente de 0,4% de l’indice des produits non alimentaires, dans le sillage de la baisse des coûts de l’énergie. Signalons que, comparé au même mois de l’année précédente, cet indice ressort en hausse de 1,6%. Seul point négatif dans le
S&P NOTATION MAINTENUE Standard & Poor’s vient de maintenir la note souveraine du Maroc pour ses dettes à long terme en monnaie nationale et devises à BBB- avec perspective stable. La note à court terme reste pour sa part à A-3. Globalement, pour les 12 pays de la région Mena étudiés, l’agence de notation estime que les pays qui importent du pétrole devraient connaître une amélioration de leurs indicateurs macroéconomiques en raison de la chute des cours du brut. En effet, la croissance dans ces pays devrait, vraisemblablement, être stimulée par la hausse des dépenses des ménages et la reprise de l’investissement, dans le sillage de la baisse de la facture énergétique. Toutefois, l’Agence américaine a souligné qu’elle pourrait abaisser la note souveraine du Royaume si les prévisions pour les principaux indicateurs macroéconomiques ne sont pas atteintes. Il est à noter que S&P table sur un taux de croissance de 4,4% en 2015, 4,7% en 2016 et 5% en 2017. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE tandis que les industriels anticipent une amélioration de la production et des ventes au cours des trois prochains mois.
DÉFIS STRUCTURELS
paysage économique de janvier, les résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture de BANK AL MAGHRIB qui font ressortir une baisse de la production ayant concerné l’ensemble des branches, hormis les industries mécaniques et métallurgiques où l’activité aurait stagné. Dans ces conditions, le taux d’utilisation des capacités demeure à des niveaux bas à en repli d’un point compaJAMAIS LE DÉBAT SUR 64%, rativement à fin 2014. De même, UN AUTRE MODÈLE les ventes globales auraient DE DÉVELOPPEMENT accusé une baisse aussi bien sur le marché local qu’à l’étranger, à l’exÉCONOMIQUE N’A ÉTÉ ception de la branche mécanique AUSSI OPPORTUN À et métallurgique -dont les ventes MENER, LOIN DES auraient augmenté en relation la hausse des ventes locales-, SENTIERS BATTUS. avec et de celle du textile et cuir qui a bénéficié de l’amélioration de ses exportations. Les carnets de commandes se seraient, eux, maintenus à un niveau inférieur à la normale pour l’ensemble des branches 56
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La BAD a réalisé en 2013-2014 à la demande du gouvernement, un diagnostic de croissance, dans le cadre de la préparation du 2ème Compact du MCC. Ce travail a permis d’analyser les contraintes qui pèsent sur la croissance et l’investissement privé. Ainsi, les principales contraintes à la croissance tirée par le secteur privé et affectant la compétitivité, la création d’emplois, l’entrepreneuriat, et l’innovation sont de trois types. Ainsi, le premier grief est lié aux distorsions d’ordre microéconomique (fiscale, juridique, foncière, marché du travail, gouvernance) qui affectent le climat des affaires. Ensuite, le système éducatif et de la formation professionnelle ne permet pas tant d’un point de vue quantitatif que qualitatif de répondre aux besoins du secteur privé. Ceci est d’autant plus vrai que les dépenses publiques consacrées à l’éducation montrent que le Maroc surpasse tous les pays comparés avec une part de 24,8 % induisent un retour sur investissement des plus faibles dans le secondaire et le supérieur. La bonne gouvernance et la coordination entre acteurs apparait comme essentielles dans ce cadre. Par ailleurs, les capacités d’innovation doivent être accompagnées par la poursuite des efforts en termes d’infrastructures et par une meilleure coordination des acteurs publics et privés. Finalement, certaines filières industrielles, dont l’agro-industrie, sont identifiées comme stratégiques pour stabiliser la croissance (secteur encore trop dépendant de la pluviométrie et représentant 14% du PIB) ; créer de la richesse et de l’emploi avec une forte rentabilité du capital (130 % malgré la faiblesse des investissements) et la possibilité de monter en gamme. La bonne gouvernance et la coordination (au niveau de la filière et pour la gestion de la ressource en eau) sont apparues comme fondamentales dans ce cadre. D’un autre côté, les inégalités et les défis sociaux et environnementaux sont par ailleurs toujours persistants selon la BAD. Ainsi, la question de la performance de l’action sociale de l’État a été soulevée. En parallèle des réformes permettant d’améliorer la compétitivité, la mise en œuvre de filets sociaux efficients et permettant de maintenir les équilibres macroéconomiques (transferts, retraites, assurance chômage) doivent être entreprises. En sus, les efforts engagés pour poursuivre la réduction des disparités régionales (en particulier les infrastructures) doivent être poursuivis. Finalement la gestion coordonnée de l’eau est apparue comme essentielle pour la pérennité de la ressource.
LA BERD SOUTIENT LE MAROC
AMBITIEUX MILLEFEUILLES Le Conseil d’administration de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD) vient d’annoncer à Londres l’approbation de sa première stratégie tracée pour le Maroc. Cette stratégie, axée sur quatre grands volets prioritaires, identifiés en collaboration avec le gouvernement, ambitionne de réaliser le potentiel entrepreneurial du Maroc, soutenir le développement économique des régions, encourager le développement durable avec la mise à niveau des services publics et booster les marchés financiers, précise un communiqué de la banque européenne. Ainsi, la BERD contribuera à la réalisation du potentiel entrepreneurial du Maroc, en encourageant les femmes à entreprendre et augmentant le financement destiné aux petites et moyennes entreprises (PME) et en accordant des lignes de crédit destinées à l’assistance technique en faveur du Royaume, ajoute le communiqué. La mise en œuvre de cette stratégie permettra d’appuyer les projets de développement économique régional,
fondés sur une approche genre visant l’amélioration des conditions de travail et l’encouragement de l’égalité des chances en matière d’emploi pour les hommes et les femmes dans les régions rurales, souligne le communiqué de la banque. Il est à noter que depuis l’élargissement de sa zone d’intervention au sud et à l’est de la Méditerranée en septembre 2012, la BERD a investi 1,5 milliard d’euros répartis sur 53 projets d’euros dans cette région. Au Maroc, l’institution, dispose à ce jour d’un portefeuille de 380 millions d’euros d’investissements consacrés à 17 projets.
UNE STRATÉGIE DÉDIÉE MAROC PROGRAMMÉE
CAISSE DE COMPENSATION
BAISSE DE 38,9% DES DÉPENSES Au terme du mois de janvier 2015, marqué par la suppression totale de la subvention du gasoil 50ppm, la charge de compensation relative au gaz butane et au sucre affiche une baisse de 38,9% à 1 137 M Dhs comparativement à la même période 2014 et à périmètre égal. Par composantes, la charge de Compensation concernant le gaz butane s’établit à 861 MDH selon les données relatives aux dossiers reçus par la caisse au 28 février 2015, soit un repli de l’ordre de 47% par rapport à la même période de l’année écoulée, résultant principalement de la baisse des prix du gaz butane au niveau international. Notons que la subvention unitaire par bouteille >5kg au mois de janvier 2015 ressort à 54,84 Dhs. Pour sa part, la charge de Compensation du sucre brut importé et du sucre consommé, arrêtée au mois de janvier 2015, a augmenté de 19% à 276 M Dhs comparativement à la même période de l’année 2014. Cette charge est induite essentiellement par l’impact de la subvention du sucre brut produit localement pour 266,1 MDH contre 10 MDH pour le sucre importé. En termes de perspectives, les dépenses liées à la subvention de la Caisse de Compensation diminuent de l’ordre de 10 Mds Dhs en 2015.
Selon le ministre de de l’Energie, des mines et de l’environnement A. Amara, aucune décision n’aurait été prise concernant la décompensation du gaz butane compte tenu de la sensibilité sociale du sujet. Néanmoins, l’étude de schémas pour réformer la compensation du butane serait en cours et le plus probable reste celui du ciblage de la population via la facturation électrique.
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ÉCONOMIE LA BANQUE MONDIALE DÉBLOQUE 200 M $
PLUS DE COMPÉTITIVITÉ
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e Conseil des Administrateurs de la Banque mondiale vient d’approuver un prêt de 200 millions de dollars pour soutenir la compétitivité et les réformes visant à stimuler la productivité et la croissance au Maroc. Le programme de réformes financé par ce prêt à l’appui des politiques de développement porte sur la simplification des procédures commerciales et le respect des règles concurrentielles afin d’installer un environnement des affaires plus favorable et transparent. Ces réformes devraient relancer l’investissement et le commerce, et favoriser la création d’emplois qualifiés et d’un secteur privé redynamisé. « Le Maroc a considérablement amélioré son cadre compétitif global et su engager des réformes de son environnement des affaires », souligne Simon Gray, directeur des opérations de la Banque mondiale pour le Maghreb. Ajoutant que « des mesures plus audacieuses et une diversification accrue de l’économie lui permettront de rejoindre durablement les rangs des pays émergents. » Ce deu-
UNE FOIS ENCORE, CONFIANCE ET RÉFORMES
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xième prêt axé sur la compétitivité économique vise expressément à doper les efforts du pays dans cette direction. Il continuera à soutenir les réformes engagées en 2013 au titre du premier prêt, pour simplifier notamment les procédures de création et de gestion des entreprises. Il viendra également étayer la mise à niveau du cadre des échanges, conformément aux engagements internationaux du Maroc. Enfin, il soutiendra les réformes de la gouvernance économique en renforçant le rôle et les prérogatives du Conseil de la concurrence et du Comité national de l’environnement des affaires — deux institutions cruciales de gestion du cadre des affaires. Le prêt privilégie les réformes transversales et les mesures visant à lever les obstacles au commerce et à l’investissement qui limitent, selon des acteurs publics et privés, l’impact des dispositions prises par les autorités pour stimuler la performance des différents secteurs. Autre pierre angulaire de cette opération, l’amélioration de la transparence et de la gouvernance permettra d’installer des règles de jeu plus équitables, en particulier pour les petites entreprises, grâce à la réduction des pratiques discrétionnaires dans les modalités d’application des procédures et la levée des différents freins à l’investissement.
ENQUETE DE CONJONCTURE
LOIN DU PLEIN EMPLOI !
Selon les résultats de l’enquête mensuelle de conjoncture de BAM relative au mois de janvier 2015, la production industrielle a accusé une baisse à hauteur de 44%. Cette évolution de l’activité reflète un repli de l’activité dans les branches de l’industrie « agro-alimentaire », « textile & cuir », « chimie-parachimie » et «électrique & électronique ». Pour leur part, les industries « mécaniques & métallurgiques » auraient affiché une stagnation. Dans ces conditions, le taux d’utilisation des capacités de production s’est établi à 64%, soit quasiment le même niveau que le mois précédent. Une situation qui s’explique par un recul dans la branche « chimie-parachimie » et «électrique & électronique » et une hausse dans la « mécanique & métallurgique ». Pour ce qui est des ventes globales, celles-ci auraient augmenté dans les branches « mécaniques & métallurgiques » et « textile & cuir» et auraient diminué dans la « chimie-parachimie », « agro-alimentaire » et «électrique & électronique ». S’agissant des nouvelles commandes, celles-ci auraient marqué le pas par rapport au mois dernier. L’amélioration des commandes reçues aurait concerné particulièrement les industries « mécanique & métallurgique ». S’agissant des branches « agro-alimentaires », « textile & cuir » et « chimie-parachimie », celles-ci auraient nettement reculé. En termes de perspectives pour les trois prochains mois, les industriels s’attendent à une amélioration de la production et des ventes.
L’AIMANT MAROC
INVESTISSEMENTS MINIERS
« The Fraser Institute », Think-Tank canadien, vient de publier un rapport sur les pays les plus attractifs en termes d’investissements miniers. Sous le nom de ‘‘The global Survey of Mining Companies’’, ce rapport a classé 122 pays dans le monde et pour cette année, le Maroc a intégré, pour la 1ère fois, la liste des pays étudiés par l’institut. Le pays a ainsi été classé, avec la Namibie, le Botswana et la Zambie, dans le Top 4 des pays africains les plus attractifs pour les investisseurs miniers et ce en raison de l’attractivité de son code minier.
CRÉDITS BANCAIRES
ENCOURS À LA BAISSE
A l’issue du premier mois de 2015, l’encours des crédits bancaires régresse de 1,1% à 755,2 Mds Dhs en glissement mensuel (+4,3% comparativement à janvier 2014). Cette évolution mensuelle, déclinée par type de crédit, intègre un recul de 2,3% des comptes débiteurs et crédits de trésorerie à 176,5 Mds Dhs (+5,6% en glissement annuel), une baisse de 3,4% des créances diverses sur la clientèle à 101,3 Mds Dhs (-2,5% comparativement au même mois de l’année passée), une légère hausse de 0,6% des crédits immobiliers à 238,3 Mds Dhs (+3,3% par rapport à janvier 2014), résultant des progressions des crédits à l’habitat et des crédits aux promoteurs immobiliers de 0,3% à 170,5 Mds Dhs et de 0,5% à 65,1 Mds Dhs respectivement, un repli de 1,1% des crédits à l’équipement à 142,9 Mds Dhs (+3,9% en évolution annuelle), et enfin une stagnation des crédits à la consommation à 44,1 Mds Dhs (+10,3% sur un an). Les créances en souffrance affichent, elles, un léger allègement de 0,8% depuis décembre 2014, s’établissant à 52,1 Mds Dhs, pour un taux de contentieux de 6,9%, au même niveau que le mois précédent. En glissement annuel, celles-ci s’alourdissent de 16,7%, à un rythme moins fort qu’une année auparavant (+26,4%). Ce ralentissement est essentiellement redevable à la décélération du rythme de progression des créances en souffrance sur les ménages de 36,7% à 17,9% et de celui des sociétés non financières privées de 19,4% à 14,6%. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE LA LOI BANCAIRE EST PUBLIÉE AU B.O
TAPIS ROUGE AUX PARTICIPATIVES
L
a nouvelle loi qui intègre les banques islamiques dans l’économie nationale vient d’être publiée au bulletin officiel du 22 janvier 2015 (Édition en arabe) et B.O du 5 mars 2015 (Édition de traduction officielle). La nouvelle loi n° 103-12 instaure le cadre législatif régissant l’activité de ces banques qui sont maintenant désignées officiellement par les banques participatives. Selon le texte de loi 103-12, les banques participatives sont les personnes morales régies depuis le 22 janvier 2015, date de la publication au bulletin officiel, par les dispositions de la loi n° 103.12 relative aux établissements de crédit et organismes assimilés et qui exerceront les opérations commerciales, financières et d’investissements, après avis conforme du Conseil supérieur des Ouléma, et procèderont à la réception du public des dépôts d’investissement dont la rémunération est liée aux résultats des investissements convenus avec la clientèle. Les banques participatives peuvent procéder au financement de la clientèle à travers plusieurs produits dont les caractéristiques techniques ainsi que les modalités de
LE “OK” N’EXCLUE PAS LES MODALITÉS PRATIQUES
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PERSPECTIVES MED
leur présentation à la clientèle sont fixées par circulaire du wali de Bank Al-Maghrib, après avis du comité des établissements de crédit et avis conforme du Conseil Supérieur des Ouléma conformément aux dispositions de l’article 62 de la nouvelle loi. Parmi ces produits, en plus de Mourabaha, Moudaraba et L’Ijara déjà connus, on relève Salam qui est tout contrat en vertu duquel l’une des deux parties, banque participative ou client, verse d’avance le prix intégral d’une marchandise dont les caractéristiques sont définies au contrat, à l’autre partie qui s’engage à livrer une quantité déterminée de ladite marchandise dans un délai convenu. On y trouve aussi Istisna’a désignant tout contrat d’acquisition de choses nécessitant une fabrication ou une transformation en vertu duquel l’une des deux parties, banque participative ou client, s’engage à livrer la chose, avec des caractéristiques définies et convenues, fabriquée ou transformée, à partir des matières dont il est propriétaire, en contrepartie d’un prix fixe dont le paiement s’effectue par l’autre partie (moustasniî) selon les modalités convenues. Et enfin Moucharaka ou il s’agit de tout contrat ayant pour objet la participation, par une banque participative, à un projet, en vue de réaliser un profit. Les parties participent aux pertes à hauteur de leur participation et aux profits selon un prorata prédéterminé.
AUTOMOBILES
FRÉMISSEMENT DES VENTES
Les ventes d’automobiles neuves au Maroc se sont améliorées de 1,5% à fin Février 2015 à 18 599 immatriculations, en glissement annuel, selon l’association des importateurs de véhicules automobiles (AIVAM). Par segment, les ventes de voitures particulières (VP) se sont hissées de 2,06% à 16 636 unités. A contrario, le segment des véhicules utilitaires légers (VUL) a affiché un retrait de 3,4% à 1 963 unités. Par enseigne, Dacia affiche une fois de plus les meilleures ventes avec 5 354 voitures neuves vendues et une part du marché de 28,8% du total des ventes. Renault se retrouve en seconde place avec 1 774 unités vendues, soit une part de marché de 9,5%, suivie par Hyundai avec 1 442 véhicules neufs vendus et une part de marché de 7,8%. FORD et PEUGEOT occupent, quant à elles, les 4ème et 5ème places avec 1 396 et 1 333 véhicules vendus. Quant aux véhicules de luxe, BMW arrive en tête du classement avec 339 nouvelles immatriculations à fin février 2015 (contre 208 unités un an auparavant), suivie par Mercedes avec 325 véhicules (Vs.198 unités à fin février 2014) et Audi avec 284 unités (contre 174 voitures une année plutôt). Par ville, Casablanca arrive encore en première place avec 8 602 voitures (VP+VUL), suivie par les villes de Rabat et Agadir avec des immatriculations de 2 461 et 1 299 respectivement.
Parc Auto 3,5 MILLIONS EN CIRCULATION
Selon les statistiques du transport routier publiées par le ministère de l’Equipement, du Transport et de la Logistique, le parc automobile en circulation s’élève à 3 437 948 unités à fin 2014, en augmentation de 4,61% comparativement à 2013. Par catégorie, les véhicules de tourisme accaparent plus de 70% du parc roulant avec 2 314 826 unités (+4,7%), suivis des véhicules utilitaires avec 973 238 unités (+4,33%) et des motocyclettes avec 41 101 unités (+5,95%). Enfin et par région, le Grand-Casablanca regroupe plus de 34% du parc automobile avec 1 187 233 véhicules, suivi de Rabat-Salé-ZemmourZaer avec plus de 15% à 547 032 unités.
CÉRÉALES
PERCÉE ARGENTINE Selon les récentes statistiques de l’ONICL, la production cumulée des céréales, composée à hauteur de 98,1% par le blé tendre, s’élève à 13,9 Mqx à fin décembre au titre de la campagne 2014-2015. La collecte de blé tendre globale est réalisée à hauteur de 83% par les commerçants négociants et les coopératives. Le reliquat étant drainé par les minoteries. De son côté, le cumul des importations témoigne d’une progression de 68,8% à 31,4 Mqx par rapport à la campagne précédente (dont 4 Mqx pour le seul mois de décembre), intégrant le maïs (14,3 Mqx), le blé tendre (12 Mqx), le blé dur (2,9 Mqx) et l’orge (2,3 Mqx). Par pays de provenance des approvisionnements, l’Argentine arrive en tête du classement avec 27% des importations, talonnée par la France (16%), l’Ukraine et le Brésil (10% chacun), le Canada (8%), l’Allemagne, les Etats Unis et la Pologne (6% chacun) et la Russie et l’Urugway (4% chacun). La transformation industrielle ressort, pour sa part, à 40,8 Mqx à fin décembre 2014 (vs. 40,6 Mqx à fin décembre 2013). Enfin, le stock des quatre céréales se fixe à 21,1 Mqx à fin décembre 2014. Face à ce déficit, l’ONICL va procéder au lancement d’un appel d’offres pour l’acquisition de 172 000 Tonnes de blé tendre destinés au marché local. PERSPECTIVES MED
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PERSPECTIVES MED
DOSSIER ÉNERGIE
ENERGIE ET DÉVELOPPEMENT
CONTRE VENTS ET MARÉES
MÊME EN REFUSANT DE COMMUNIQUER, MASEN NE FERA PAS OMBRAGE AU SOLEIL QUI BRILLE POUR TOUS. EN TOUT CAS, L’ÉNERGIE SOLAIRE A DE L’AVENIR DANS LE PAYS. AU MÊME TITRE QUE L’ÉOLIEN. LES PROJETS LANCÉS EN FONT FOI. ET DANS CETTE DYNAMIQUE DE DÉVELOPPEMENT DURABLE, L’ONEE, DÉJÀ DANS LE VENT, NE CACHE PAS SES AMBITIONS DE DEVENIR UN ACTEUR RÉGIONAL EN S’APPUYANT SUR SES PARTENAIRES DU VOISINAGE ET EN VOLANT AU SECOURS DE PAYS AMIS. ET QUAND BIEN MÊME LES ÉNERGIES FOSSILES SOULÈVENT DES QUESTIONS LIÉES À LA SAUVEGARDE DE L’ENVIRONNEMENT, L’ONHYM TIENT À RASSURER QUAND AU SOUCI D’EXPLOITATION DURABLE DES RESSOURCES. BIEN ENTENDU, LE CHOIX DES ÉNERGIES RENOUVELABLES, ET IL EST ASSIS SUR UNE STRATÉGIE NATIONALE DE DÉVELOPPEMENT, N’EXCLUE PAS LA RECHERCHE ET DÉVELOPPEMENT, BASE DE TOUT ESSOR INDUSTRIEL. L’IRESEN JOUE, DANS CE CADRE-LÀ, AU DÉVELOPPEUR D’UN ÉCOSYSTÈME PROMETTEUR. DÉJÀ, DES SUCCÈS ONT ÉTÉ RÉALISÉS. DANS CE MIX, LE SECTEUR PRIVÉ S’ACTIVE. DES OFFRES D’EFFICIENCE ET DE « SMART GRID » SONT PROMUES. SCHNEIDER MAROC S’INSCRIT DANS CETTE DYNAMIQUE. ALORS QUE DES OPÉRATEURS PRIVÉS NATIONAUX, COMME COPAG, OPTENT EUX AUSSI POUR LE PHOTOVOLTAÏQUE POUR ATTÉNUER LEUR EMPREINTE CARBONE. ENERGIQUE EST DONC LE SECTEUR DE L’ÉNERGIE.
PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE MIX ÉNERGÉTIQUE
LA FORCE DU RENOUVLABLE Par : Abou Marwa
Le Maroc est engagé activement dans sa politique tendant à réduire sa dépendance énergétique. Important 100 % de ses besoins en énergie, sa transition énergétique est dictée par la nécessité de combler les déficits cumulés. Si l’investissement est massif dans les énergies renouvelables, le nucléaire reste en option, la fin de la dépendance des énergies fossiles ne semble pas encore pour demain.
L
a consommation énergétique nationale a augmenté de 180% depuis 2008 et ne compte pas y stagner au vu des ambitions d’émergence que nourrissent les différents plans de développement sectoriels. Pour combler les besoins, actuel et futur, le Maroc se focalise sur le développement des énergies renouvelables, le changement de la structure de l’énergie fossile, à travers l’introduction du gaz naturel liquéfié et l’intensification de la prospection pétrolière, ainsi que le renforcement de l’efficacité énergétique. 200 milliards de dirhams seront ainsi investis en grande partie dans le secteur de l’électricité. Le Maroc dispose d’un énorme gisement en énergies renouvelables. L’éolienne avec un potentiel global estimé à 25 000 MW avec
SORTIR DU CARCAN DES ÉNERGIES FOSSILES, ET LEUR SURCOÛT, EXIGE D’AUTRES PISTES
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6000 MW réalisables à des vitesses de vent dépassant 9m/s à 40 mètres de hauteur dans plusieurs régions. Quant au solaire, avec une irradiation de ~5 kWh/m2/an et 3000 h/an d’ensoleillement, soit une moyenne équivalente à l’Europe du sud, la capacité de production théorique est de plus de 20 000 GW. Dans ce sens, le gouvernement souhaite aller au-delà de l’objectif initial de 2.000 MW de puissance éolienne à l’horizon 2020. Le parc de Tarfaya permet de réaliser, à lui seul, 15% de cet objectif. Pour rappel, le parc de Tarfaya, mis en service en décembre dernier, est un des plus grands parcs éoliens du continent africain, avec 131 turbines, fournies par Siemens. Il s’étend sur 728 hectares et la production totale espérée est de plus de 1.000 GWh/an, de quoi alimenter une ville comme Marrakech. Sa puissance vient s’ajouter à celle des parcs de 50 MW de Foum El Oued et de Haouma, mis en service respectivement en septembre 2013 et en mai 2014. Un appel d’offres a été lancé pour la construction de 5 parcs éoliens, pour une puissance totale de 850 MW. Outre la production d’une électricité verte, ce programme vise, dans un cadre de partenariat
public-privé, la promotion d’une industrie éolienne nationale. Pour la réalisation du Programme, l’ONEE s’associera dans cette démarche de transfert de technologie à un ou plusieurs partenaires stratégiques de référence dans les domaines de la production d’électricité et de l’industrie éolienne, qui seront retenus à l’issue des appels d’offres ad hoc.
SOLAIRE EN FORCE
Les investissements dans le solaire sont appelés à se poursuivre. La centrale solaire thermique à concentration de Ouarzazate, la plus grande au monde, est toujours en construction. 160 MW devraient être mis dans le circuit l’année en cour, sur un total de 2.000 MW attendus à l’horizon 2019. Le photovoltaïque n’est pas en reste, d’ailleurs le ministre de l’Energie Abdelkader Amara est convaincu que le photovoltaïque possède un potentiel économique de 4,6 gigawatts à l’horizon 2030. Le ministre vient d’ailleurs d’annoncer que le Maroc se dotait d’une feuille de route pour l’énergie photovoltaïque visant à développer des centrales de toutes tailles sur l’ensemble du territoire. Grâce à cette politique énergétique, le gouvernement souhaite faire passer la part des énergies renouvelables dans le mix énergétique du pays de 5% aujourd’hui à 14% en 2025. En effet, les grandes lignes de la feuille de route pour le développement de l’utilisation, à grande échelle, du Photovoltaïque se compose de cinq axes principaux : Primo le développement de programmes de grandes et moyennes centrales solaires photovoltaïques à porter par l’ONEE et MASEN et les producteurs privés fournisseurs des clients raccordés en THT-HT et dont la réalisation sera dans le cadre de la loi 40-09 relative à l’ONEE, la loi 57-09 relative à MASEN et la Loi 13-09 relative aux énergies renouvelables. Deuxio, l’ouverture de la moyenne tension pour permettre le développement de projets de centrales solaires photovoltaïque dont la production est destinée aux consommateurs raccordés en moyenne tension et dont la réalisation se fera dans le cadre de la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables ou dans le cadre des dispositions de la loi 40-09 relatives à l’autoproduction. Tertio, l’ouverture de la basse tension pour permettre le développement de l’utilisation à grande échelle du PV dans le résidentiel et le tertiaire raccordés en basse tension et dont la réalisation se fera dans le cadre du projet d’amendement de la loi 13-09 et notamment son article 5. Les deux derniers axes portent sur la mise en place d’une autorité de régulation indépendante et la mise en place de programmes d’accompagnement en matière d’intégration industrielle et de R&D dédié au PV.
PARITÉ DES PRIX
RENTABILITÉ EN QUESTION Sans une étude sur la rentabilité du photovoltaïque menée dans 6 pays différents (Chili, Maroc, Turquie, Etats-Unis, Italie, Mexique), le cabinet de conseil Eclareon révèle l’importance du degré d’irradiation solaire d’une part, et des prix de référence de l’électricité de chaque pays, d’autre part. Deux facteurs qui peuvent favoriser, ou non, le développement de l’énergie solaire. Le rapport « PV (photovoltaïque) Grid Parity Monitor », ou « Moniteur de la parité photovoltaïque » met en relation le prix à partir duquel l’électricité photovoltaïque est rentable dans un pays, par rapport au prix de référence du marché local de l’électricité. Selon cette étude le seul pays qui atteint la parité complète en matière de photovoltaïque est le Chili. À savoir : la parité complète désigne la situation selon laquelle le coût de production d’un kWh photovoltaïque s’équilibre au prix de vente de référence de l’électricité. En d’autres termes, investir dans l’installation à grande échelle de panneaux photovoltaïques est d’ores et déjà rentable dans ce pays du cône Sud. En matière de parité photovoltaïque, le Maroc suit le Chili de près. Le Royaume bénéficie d’un taux d’irradiation particulièrement propice à l’énergie solaire: 3,326 kWh/m2/an. A cause de prix de référence de l’électricité élevés, il est considéré par le rapport d’Eclareon comme « proche » de la parité de réseau. Le prix requis pour une énergie photovoltaïque rentable n’est que de 14% plus élevé que le prix moyen du marché marocain de l’électricité.
PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE ENERGIE DURABLE
L’ONEE EN PHASE !
Par : L.M
F LE DYNAMISME SOCIOÉCONOMIQUE DONT FAIT PREUVE LE MAROC SE TRADUIT PAR L’ÉVOLUTION CONSTANTE DE LA CONSOMMATION ÉLECTRIQUE : LE TAUX D’ACCROISSEMENT ANNUEL MOYEN EST DE 7% ENVIRON. CETTE TENDANCE LOURDE REPRÉSENTE UN VRAI DÉFI POUR UN PAYS QUI VISE L’ÉMERGENCE.
UN AMBITIEUX PLAN STRAÉGIQUE EST MIS EN BRANLE PAR L’ONEE POUR RÉPONDRE AUX EXIGENCES DES USAGERS
ace à une demande sans cesse croissante, le parc de production diversifié est capable de satisfaire la demande du pays en énergie électrique. D’une capacité installée de plus de 7 890 MW à ce jour, le parc est riche aussi bien en centrales à base de production conventionnelle, plus de 5350 MW, qu’en projets d’énergies renouvelables d’une capacité totale de 2540 MW. Ce parc de production est exploité à hauteur de 65% par l’ONEE. Quant au reste, il est partagé entre acteurs privés dans le cadre de contrats de vente d’électricité à long terme tels que la centrale de Jorf Lasfar, le parc éolien Abdelkhalek Torres et la centrale de Tahaddart, le parc éolien de Tarfaya ou des parcs éoliens exploités dans le cadre de la Loi 13-09 sur les énergies renouvelables tel que les parcs éoliens de Haouma, Laâyoune et Akhfennir. Face à autant d’enjeux, l’ONEE a arrêté un programme d’équipement en phase avec la nouvelle stratégie énergétique nationale qui place la sécurité d’approvisionnement, le développement des énergies renouvelables et l’efficacité énergétique au rang de priorités. Ce programme prévoit le développement d’une capacité additionnelle, entre 2014 et 2017, de 3692 MW dont 1890 MW sera réalisée en énergies éolienne et solaire. Pour ce faire, pas moins de 115 milliards de DH sont nécessaires que ce soit pour les projets de production solaires pris en charge par MASEN, où ceux à réaliser par le Privé dans le cadre de la Loi 13-09, outre ceux à réaliser par l’ONEE en direct ou en Partenariat Public-Privé. Passé le cap 2017, de nouvelles capacités de production devraient suivre en cohérence avec la stratégie énergétique du pays visant, notamment une diversification des sources d’approvisionnement et la promotion des énergies renouvelables. Le mix qui sera plus diversifié reposera sur une contribution de plus en plus importante des d’énergies renouvelables dont la part passera de 32% en 2014 à 42% en 2020.
LES MILLIARDS DE L’OFFICE En vue d’accompagner les projets de production, de renforcer la sécurité d’alimentation et de participer à l’intégration régionale, l’ONEE entreprend, pour
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PERSPECTIVES MED
la période 2014-2017, un important programme de développement de ses réseaux de transport et de distribution d’électricité. Programme qui comprend des projets d’évacuation des moyens de production principalement d’origine renouvelables et thermique, des projets de renforcement du réseau 400 kV et des projets de développement et de renforcement du réseau 225 kV. D’un coût global estimé à 7,9 milliards de dirhams/HT, cet ambitieux programme porte sur la réalisation de 7135 Km de nouvelles lignes aériennes et une augmentation de puissance installée de 12 300 MVA. « Notre objectif est d’assurer le transport d’électricité dans les meilleures conditions de sécurité et d’économie et de satisfaire la demande en électricité du pays tout en veillant au respect des impératifs en matière de sécurité d’exploitation, d’environnement et d’équilibre régional offre-demande », indique-t-on à l’ONEE. Un établissement qui se voit déjà comme carrefour énergétique régional, avec le renforcement de ses interconnexions électriques avec les pays voisins. Concernant le réseau de distribution, l’ONEE qui assure une mission de service public a réalisé d’importants investissements, particulièrement au cours de ces dix dernières années en vue de répondre à l’accroissement de la demande destinée à desservir de nouvelles plateformes industrielles et de nouveaux projets urbanistiques. Dans la capitale économique, là où les zones périphériques se développent aussi bien sur le plan économique (développement de zones industrielles) que social (nouvelles zones urbaines), le distributeur historique s’est impliqué pour rester en phase avec la dynamique en cours. Les infrastructures réalisées ont donc permis de restructurer et renforcer le réseau existant à travers, notamment, la mise en service entre 2012 et 2014 de plus de 680 MVA de puissance électrique additionnelle dans la Région du Grand Casablanca, représentant plus de 60% de la puissance appelée dans cette région et 100 Km d’infrastructures supplémentaires en Moyenne Tension et ce, pour un montant de 600MDH. D’autres investissements d’envergure suivront. Au-delà de Casablanca, l’ONEE poursuivra ses efforts à l’échelle nationale et ce, à travers le renforcement et l’extension de ses infrastructures des réseaux de distribution tout en améliorant ses rendements. D’un coût global estimé à 2,8 milliards de DH, le programme d’investissement sur la période 2014-2017, porte sur la réalisation de 11 596 km de lignes Moyenne Tension supplémentaires et une augmentation de puissance installée de 890 MVA.
province de Tarfaya, de Tanger II (100 MW), de Jbel Lahdid (200 MW) dans la Province d’Essaouira et de Boujdour (100 MW). Outre les avantages associés en termes de renforcement du parc de production, de réduction de la dépendance énergétique et de la préservation de l’environnement, ce Programme vise la valorisation du potentiel marocain en énergie éolienne et le développement d’une industrie éolienne nationale, par le biais d’un transfert de savoir-faire et de technologies. Il a pour objectifs également le développement social et régional à travers la création d’emplois ainsi que le développement de formations spécialisées dans le domaine de l’éolien et la promotion de la recherche et développement dans le secteur. C’est la formule PPP qui a été privilégiée dans ce cadre-là : ONEE, Fonds Hassan II pour le Développement Economique et Social et Société d’Investissements Energétiques prendront des participations dans les Sociétés de Projets, en charge de développer ces parcs éoliens. Ainsi, le parc éolien de Taza est en cours de bouclage financier et sa mise en service est prévue pour 2016. Quant aux parcs éoliens, objet de la 2ème phase du Projet Eolien Intégré, l’ONEE a lancé, en février 2014, un appel d’offres pour le développement, la conception, le financement, la construction, l’exploitation et la maintenance desdits parcs éoliens et ce, suite à un processus de pré qualification qui a permis de sélectionner les principaux leaders mondiaux dans le domaine. Une exigence de taille a ainsi été formulée : l’intégration industrielle de la filière éolienne. L’objectif visé est d’accélérer l’appropriation des technologies prometteuses de valorisation des ressources énergétiques renouvelables et le développement d’un tissu industriel national en mesure d’accompagner les projets de développement des énergies renouvelables en général et de l’éolien en particulier. Par ailleurs, pour le financement de ces parcs éoliens, l’ONEE a mobilisé des financements concessionnels à hauteur de 400 millions d’Euros environs auprès des principaux Bailleurs de Fonds de la place : BEI, KfW, BAD, FIV… Quant à la mise en service de ces parcs éoliens, elle sera échelonnée entre 2016 et 2020.
DANS LE VENT ! L’acteur historique s’est déjà inscrit dans la dynamique des énergies renouvelables en lançant à Tanger, en juin 2010, le Programme Intégré de l’Energie Eolienne, d’une capacité de 1000 MW. Ce programme porte sur la production d’une électricité verte, à travers la réalisation de plusieurs parcs éoliens totalisant une puissance de 1000 MW, afin d’atteindre à l’horizon 2020 une capacité éolienne installée au Maroc de 2000 MW. Le Programme, en deux phases, porte sur le parc éolien de Taza -150 MW-, dont le contrat d’achat d’électricité a été signé en juillet 2013 ; ainsi que sur le Projet éolien intégré 850 MW, constitué de 5 parcs éoliens, à mettre en service entre 2016 et 2020. Il s’agit des parcs de Midelt (150 MW), de Tiskrad (300 MW) dans la PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE PROSPECTION DES HYDROCARBURES
ESPOIRS GAZIERS Par : A.Ben Driss
Des majors et des super-indépendants ratissent large pour évaluer les potentiels en hydrocarbures en off-shore et en onshore. Des espoirs sont permis dans le gaz. La zone atlantique reste prometteuse. Des tests sont aussi réalisés sur les gisements de schistes. C’est autour de ces questions qui touchent à la stratégie énergétique nationale que porte l’entretien réalisé avec Amina Benkhadra. Instructif.
PERSPECTIVES MED : COMMENT SE PROFILE LE SECTEUR DE L’EXPLORATION DES HYDROCARBURES DANS LE PAYS ? AMINA BENKHADRA : La promotion proactive entreprise par l’ONHYM depuis le début de la décennie 2000 ainsi que diverses incitations offertes par le code des hydrocarbures ont permis d’attirer davantage d’investisseurs étrangers disposant de l’assise technique et capable d’investir dans des projets capitalistiques. Au 31/12/2014, la recherche des hydrocarbures s’est déployée sur une superficie totale de 353 453,98 km² et comptait, 40 permis en onshore, 90 permis en offshore, 2 autorisations de reconnaissance en onshore, 3 en offshore et 11 concessions d’exploitation ainsi que 4 MOU sur les schistes bitumineux . Sur le plan du partenariat, l’année 2014, à elle seule, a été marquée par la signature de deux nouveaux accords pétroliers, de trois nouveaux contrats de reconnaissance et de 2 mémorandums d’entente. De nombreux travaux d’acquisitions géophysiques (gravimétrie, magnétisme et sismique) et d’analyses et études de géologie structurale, de sédimentologie et 68
PERSPECTIVES MED
de géochimie, ont été réalisés en onshore comme en offshore sur plusieurs bassins du Royaume. L’interprétation de ces données a permis de valoriser le potentiel pétrolier de ces régions ouvrant la voie à de nouvelles investigations de recherche. Dans le cadre de l’activité propre de l’ONHYM, les travaux ont porté sur l’évaluation du potentiel en hydrocarbures par le biais de l’interprétation de plus 24 000 Km de sismique 2D et 2000 Km² de sismique 3D dans les zones côtières de Boujdour, Meskala/Toukimt, le segment offshore Rabat-Tarfaya, le Mésorif, Zelten et Harchane) . Pour ce qui est des activités de nos partenaires, l’année 2014 a été marquée par la réalisation de treize puits d’exploration et par l’acquisition de 11 244 Km² de sismique 3D et 7 799 Km de sismique 2D . Pour rappel, actuellement, le nombre des sociétés opérant au Maroc dans le domaine de l’exploration pétrolière s’élève à 34 réparties en onshore et en offshore y compris les majors comme BP, CHEVRON et Total ou les super- indépendants tels que KOSMOS et Repsol. Les investisseurs étrangers proviennent de tout horizon. Les investissements réalisés en 2014 par les partenaires s’élèvent à 6,5 milliards de dirhams.
QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE SUR LES GISEMENTS DE GAZ DÉCOUVERTS DANS LE PÉRIMÈTRE D’EL GHARB ? ET QUID DU RESTE? A.B : Actuellement, notre production du gaz provient de deux bassins (Gharb et Essaouira). Les résultats des forages, notamment ceux forés dans le bassin de Gharb par nos partenaires Circle Oil et Gulfsands, ont mis en évidence des découvertes modestes certes mais avec un taux de réussite très positif. Ainsi, sur les six puits réalisés en 2014, quatre sont positifs. Sur le bassin d’Essaouira onshore, un autre puits a montré la présence de gaz qui reste à confirmer par des travaux ultérieurs. Pour les autres puits forés en offshore en 2014, deux ont montré de l’huile lourde, un troisième a détecté des indices de gaz et un quatrième a mis en évidence des indices de gaz et de condensat. Ceci démontre que l’offshore atlantique Marocain présente un potentiel pétrolier viable qui se confirme de plus en plus et qu’un effort important reste à faire, particulièrement par des programmes intensifs de forage , qui restent le seul, unique et direct moyen pour faire une découverte . UNE STRATÉGIE GAZIÈRE EST-ELLE OPPORTUNE DANS L’ÉTAT ACTUEL ? QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE DE L’EXPLOITATION DES GISEMENTS ACTUELS ET DE L’APPOINT REPRÉSENTÉ PAR LES IMPORTATIONS ? A.B : La stratégie énergétique mise en place en 2009 est basée sur la sécurité d’approvisionnement qui passe par un mix énergétique ouvert incluant toutes les sources (charbon, gaz, énergies renouvelables). La production totale dans les zones du Gharb et d’Essaouira est limitée et satisfait les besoins de quelques industriels. Par ailleurs, le Maroc dispose d’une redevance du gazoduc Maghreb Europe et d’un contrat commercial signé en 2011, alimentant les centrales électriques de Tahaddart et Ain Bni Methar.
L’introduction plus massive du gaz naturel répond à un souci de sécurité d’approvisionnement et de développement durable. Le projet GNL permettra de disposer de plus de gaz pour alimenter dans un premier temps les besoins de production électrique et dans un deuxième temps les besoins industriels. L’EXPLOITATION DES GAZ DE SCHISTE RESTE PROBLÉMATIQUE POUR L’ENVIRONNEMENT COMME POUR LA STABILITÉ. OÙ EN EST-ON? A.B :Les schistes bitumineux se trouvent principalement dans les bassins de Timahdit et de Tarfaya. Les premiers travaux datent des années 1980. Ils ont été initiés suite aux chocs pétroliers de 1973 et 1979 avant d’être stoppés durant les années quatre-vingt en raison de l’effondrement du prix du pétrole. Le Maroc s’est doté d’une stratégie de relance du développement de cette ressource à partir de la fin des années 2000. Aujourd’hui, l’ONHYM a signé des accords avec des compagnies pétrolières pour tester les procédés à Timahdit et Tarfaya. San Leon Energy et GOS vont effectuer des tests à Tarfaya et Taqa compte tester un procédé pilote à Timahdit. Il faut garder à l’esprit que les projets de développement des schistes bitumineux font face à des défis technologiques (les procédés industriels ne sont pas matures), sont très capitalistiques et nécessitent des investissements de plusieurs milliards de dollars. La veille technologique se poursuit. Pour les gaz de schistes, la géologie régionale est favorable pour l’exploration et le développement de ce type d’hydrocarbures. Le Maroc occuperait une place de choix en Afrique en ce qui concerne ce potentiel avec ses bassins sédimentaires paléozoïques qui concentrent la majorité de ce potentiel. Au niveau des gaz de schistes, le Maroc est au début du processus. Des contrats de reconnaissance ont été signés avec certaines sociétés pour commencer les études géologiques afin d’évaluer ce potentiel. Le Maroc est encore aux premiers pas de l’exploration des gaz de schiste.
La thématique des gaz de schistes ouvre de nouvelles perspectives pour l’exploration des hydrocarbures au Maroc, dans des zones où la recherche était traditionnellement orientée vers les hydrocarbures conventionnels. Il faudra aussi adopter des conditions réglementaires spécifiques à ces deux produits, ce qui nécessite des amendements au code. Concernant le volet de l’environnement, L’ONHYM, de par sa vocation et en tant qu’organisme public, veille au respect de la législation et de la réglementation environnementale en vigueur. Les risques environnementaux seront évalués et leurs impacts appréciés avant toute décision d’exploitation éventuelle future. SI LE DÉVELOPPEMENT DURABLE EST PRÉCONISÉ PAR LE PAYS, L’ENJEU DES HYDROCARBURES RESTE-T-IL D’ACTUALITÉ CHEZ-NOUS ? A.B : Le Maroc a mis en place en 2009, une stratégie énergétique claire pour satisfaire ses besoins croissants en énergie avec pour objectifs principaux de sécuriser l’approvisionnement en diverses formes d’énergie socialement et écologiquement acceptables, d’en assurer la disponibilité permanente et l’accessibilité généralisée à des prix équitables et abordables, de rationaliser l’utilisation et l’exploitation des sources énergétiques dans le respect de l’environnement. Cette stratégie est basée sur la réalisation d’un mix énergétique ouvert, incluant toutes les sources d’énergie : charbon, gaz, énergies renouvelables (solaire, éolien, hydraulique) Cette interpénétration des énergies fossiles et énergies renouvelables est nécessaire pour la sécurité et la disponibilité d’énergie. Le choix des énergies renouvelables est un choix stratégique pour développer les ressources nationales abondantes et contribuer au développement durable. Les deux grands plans solaire et éolien lancés par Sa Majesté le Roi, sont en cours de réalisation par MASEN et l’ONEE et les opérateurs privés conformément aux plans établis en 2009, avec des cadres règlementaires et législatifs appropriés adoptés en 2009. PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ
OPTION PROPRE Par : Abou Marwa
L
UNE FEUILLE DE ROUTE POUR LE GAZ NATUREL LIQUÉFIÉ. UN INVESTISSEMENT LOURD DE 4,5 MILLIARDS DE DOLLARS POUR UN PREMIER PACKAGE. OBJECTIF : RÉPONDRE À LA DEMANDE ÉNERGÉTIQUE QUI CONNAIT UNE CROISSANCE ANNUELLE DE 6%, ASSURER LE MIX ÉNERGÉTIQUE ET SURTOUT, PASSER À UNE ÉNERGIE MOINS COUTEUSE ET PLUS DURABLE QUE LE FUEL.
PROFITER DU GAZODUC MAGHREB-EUROPE N’EXCLUE PAS D’AUTRES APPROVISIONNEMENTS EN GAZ 70
PERSPECTIVES MED
e Maroc est un pays faiblement doté en ressources naturelles. Il ne produit presque pas d’hydrocarbures et doit importer 95% de l’énergie qu’il consomme. Pour diversifier son mix énergétique et réduire sa dépendance, décision fut prise d’investir massivement dans les énergies renouvelables. A. Amara, ministre de l’Energie, a annoncé en décembre 2014, qu’il va faire de même avec le Gaz Naturel Liquéfié. Le plan d’investissement présenté avance la date de 2021 pour la mise en service des futures installations gazières. Soit également la date d’échéance du contrat de fourniture de gaz entre la société électrique nationale marocaine (ONEE) et la compagnie pétrolière nationale algérienne (Sonatrach), ainsi que celle de la convention existante de transit du gaz algérien par le GME (gazoduc Maghreb Europe), au terme de laquelle le Maroc peut prélever une partie du gaz circulant. Cependant, il peut être acheté sur les marchés mondiaux et importé par bateau de n’importe où. Il permet une plus grande flexibilité et un plus grand pouvoir de négociation. Le pays va donc investir 4,6 milliards de dollars dans la construction d’un nouveau terminal méthanier ainsi que d’autres infrastructures pour faire passer la part du GNL dans le mix énergétique du pays de 10% à 30% à l’horizon 2025. Le GNL devrait permettre une plus grande diversification et une moindre dépendance au gaz algérien.
PLAN D’APPUI Les estimations du gouvernement avancent que la consommation de gaz naturel passerait de 0,9 milliard de m3 en 2014, à 3,5 milliards de m3 en 2025. Le GNL agira en renfort des énergies renouvelables pour la production électrique dans la mesure où 90% du GNL sera utilisé pour la production électrique. Le royaume espère augmenter ses capacités de production électrique à base de GNL à 2.700 mégawatts, voire 3.900 MW sur le plus long terme. Cette stratégie GNL ne se substitue pas aux autres initiatives déjà prises. Dans un contexte de forte croissance de la demande d’électricité dans le pays (+6% chaque année à
l’horizon 2025), toutes les solutions disponibles doivent être employées pour assurer l’indépendance énergétique. Les capacités de production sont déjà insuffisantes aujourd’hui et 15% de l’électricité marocaine est importée depuis l’Espagne. Dernièrement, des investissements ont été effectués dans le charbon, avec la création de deux nouvelles tranches sur la centrale de Jorf Lasfar. Une nouvelle centrale à charbon doit également être construite par GDF-Suez à Safi. Le plan d’investissement prévoit la construction de nouvelles centrales à gaz. Pour l’instant seules deux centrales au gaz naturel sont en service, de 300 MW chacune. Sur les 4,5 milliards de $ du premier investissement, près de 2,5 milliards sont pour la construction des infrastructures. Un terminal sera ainsi construit à Jorf lasfar et dont la mise en service est prévue pour 2021. Les autres centrales suivront à Mohammadia, Ain Bouh au sud de Tanger, El Ouahda, Tahdart ou encore Kenitra. En premier lieu, ce gaz naturel sera employé dans le secteur de l’électricité et sera mis en œuvre par l’ONEE avec des partenaires nationaux et internationaux, privés et institutionnels. Deuxième étape : ce gaz sera employé dans l’industrie et notamment dans le raffinage du pétrole. Cette phase ne sera assurée que par les partenaires nationaux. Enfin, il y a une 3ème étape, celle d’utiliser ce gaz dans l’industrie, et chez les ménages. La construction de l’infrastructure gazière commencera en 2017 et devrait s’achever en 2020.
CONTOURS À DÉFINIR
Le plan gaz naturel reste pour l’instant au stade de l’annonce. Le schéma de financement reste à élaborer. Cette stratégie semble cohérente avec l’objectif d’une production nationale de gaz naturel, dans laquelle le ministre de l’Energie croit. Pour lui, en ce qui concerne l’extraction d’hydrocarbure du sous-sol national, « le potentiel est là » même si « les premiers barils ne sont pas attendus pour demain ». 34 compagnies procèdent actuellement à des prospections sur le territoire marocain, et certaines ont même opéré des forages. Si du gaz est trouvé, l’objectif est de porter la part du GNL à 13% du mix énergétique en 2025 (contre 3% aujourd’hui). Cependant les premières prospections pétrolières n’ont pas été couronnées de succès. Les réserves d’hydrocarbures sont difficiles d’accès, avec des coûts d’exploitation élevés. De plus, dans un contexte de chute des prix du L’OPTION GAZ INTÈGRE baril, les investisseurs hésitent. LA DIMENSION Le Royaume ne produisant chaque DÉVELOPPEMENT DURABLE année que 70 millions de m3, la grande majorité du gaz sera importé. Si le GNL doit être importé, cette stratégie risque toutefois de rentrer en contradiction directe avec les objectifs de décompensation car cette ressource coûte cher et l’importer à des prix élevés pour ensuite la revendre au tiers du prix d’importation sur le marché local n’aura rien de viable.
BMCE BANK PRÊT DE 20 MILLIONS D’EUROS POUR L’ÉNERGIE La Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l’Agence française de développement (AFD), la Banque européenne d’investissement (BEI) et la Kreditanstalt fur Wiederaufbau (KfW), ont accordé au Groupe BMCE Bank un financement de 20 millions d’euros, en faveur de l’énergie durable au Maroc, avec le soutien de la Facilité d’investissement pour le voisinage de l’Union européenne (FIVUE). Cette ligne de crédit servira à financer les investissements dans l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. L’offre de la banque englobe le financement, l’accompagnement technique et une subvention d’investissement. Le crédit bancaire peut atteindre 50 millions de Dhs sur la durée du programme Morseff et selon la taille du projet. Les subventions, elles, varient entre 10 et 15% et sont accordées par l’Union européenne. Celle-ci supportera également les charges d’assistance technique avec d’autres bailleurs et donateurs. Les industries, les entreprises de prestation de services ou encore les sociétés de production d’énergie renouvelable de petite taille sont éligibles à ces financements. BMCE Bank propose également une offre leasing à travers sa filiale Maghrebail.
Le Maroc souhaite s’engager dans le nucléaire selon le ministre de l’énergie A. Amara : « Aujourd’hui, à moins que les données régionales ne changent, le Maroc envisage la production d’électricité à partir de l’énergie nucléaire à partir de 2030 ». PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE « GREEN ENERGY PARK »
LE PARI GAGNANT Par : A.B.D
L’Institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN) porte bien son nom. Il porte déjà au fronton des réalisations 100% marocaines. Mais le véritable écrin est celui de Ben Guérir, matérialisé par le «Green Energy Park ». Tout un programme de nature à exprimer le génie marocain.
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emain, c’est déjà aujourd’hui. La chronique développement durable retiendra sans doute, et pour longtemps, l’alliance de l’Iresen et du groupe OCP pour la mise sur pied de la plateforme de recherche et de formation en énergies renouvelables « Green Energy Park » dans la ville verte Mohammed VI à Ben Guérir. S’étendant sur une superficie de huit hectares, en face de l’Université Mohammed VI polytechnique, cette infrastructure unique couvre, en effet, toute la chaine de valeur « Recherche et développement ». Au cœur de cet écrin de 3100 mètres carrés, se trouvent des laboratoires de recherche de pointe dans le domaine du photovoltaïque et du CSP ainsi que des plateformes de tests et de prototypage et des projets pilotes à échelle réelle d’un grand intérêt pour les entreprises et les industriels. A signaler que cette plateforme accueillera un projet pilote de solaire thermique
L’IMPORTANCE DE LA «R&D» S’EXPRIME AU
MIEUX DANS LES OPTIONS DE L’IRESEN
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PERSPECTIVES MED
d’une capacité de 1 MW, similaire à la technologie en cours d’installation à Ouarzazate, qui sera développé en partenariat avec des ingénieurs et chercheurs marocains afin de maitriser ces technologies. D’autres plateformes de recherche associatives suivront et traiteront des thématiques du couplage Eau-Énergie, la biomasse, les réseaux intelligents et l’efficacité énergétique. Cette première plateforme en Afrique, « modèle unique en son genre », assure le Top Mangement de l’Iresen, permettra « la création de synergies et la mutualisation des infrastructures de plusieurs institutions marocaines de recherche afin de créer une masse critique et arriver à l’excellence ». En plus de « l’acquisition du savoir et du savoir-faire par les différentes universités partenaires ainsi que les industriels marocains », Green Energy Park permettra de « mutualiser les infrastructures de plusieurs institutions marocaines de recherche dans le dessein de créer un pôle d’excellence où le savoir et le savoir-faire seront partagés entre universités et industriels marocains avec le soutien de leurs homologues étrangers. Force est de souligner que plusieurs organismes de recherche de renom soutiennent la
création de cette plateforme, tels que la plus grande institution de recherche appliquée en Europe – Fraunhofer Gesellschaft, le plus grand groupement de centres de recherche allemands – Helmholtz Berlin ou encore Mines ParisTech ainsi que l’Université coréenne de Chonbuk. L’affaire est donc entendue : c’est de l’intégration industrielle locale qu’il est question à travers cette structure dédiée. Aux yeux de Badr Ikken aux commandes de l’Iresen, « l’accompagnement de la stratégie énergétique à travers la R&D appliquée contribuera à la création de champions nationaux innovants, qui à leur tour, auront un effet d’entrainement sur le secteur ». L’Institut entend donc favoriser tout regroupement autour de projets de recherche collaboratifs. Il y a lieu de rappeler que depuis 2012, 7 appels à projets ont été lancés dans les domaines du solaire thermique ou photovoltaïque, de l’éolien, de la biomasse et des technologies supports (stockage, réseau...). Plus de 125 MDH ont été alloués pour financer la R&D des entreprises et des universités marocaines ainsi qu’étrangères. C’est ce qui a permis de regrouper plus de 140 consortiums pour la soumission des projets. Le transfert de technologie est recherché. Et dans ce cadre-là, force est de souligner que « le réseautage » à développer peut s’avérer porteur puisque les partenaires marocains peuvent impliquer leurs homologues étrangers pour profiter de leurs expériences et savoir-faire. Et la matérialisation des projets collaboratifs, financés par l’IRESEN, a démarré dès janvier 2013. Ce qui a donné lieu à la création de deux joint-ventures pour répondre aux appels à projets et aux projets pilotes, comme ce fut le cas pour le consortium maroco-allemand qui s’est positionné sur le développement d’une centrale solaire thermodynamique de type capteur cylindro-parabolique, ou encore l’investissement d’un groupement maroco-français dans le domaine du solaire thermique de type Fresnel linéaire. En outre, des projets financés par l’Institut contribueront également à l’optimisation de composants spécifiques et à l’émergence de systèmes complets adaptés aux conditions climatiques marocaines tels que le photovoltaïque à concentration (CPV), les systèmes de rafraichissement ou de climatisation solaire. Bien entendu, le nerf de la guerre reste le financement. En se référant aux exemples allemand, espagnol, sud-coréen ou chinois, là où le soutien de la recherche se fait massivement, B. Ikken se fait fort que d’appeler à ce que « l’appui financier des universités et centres de recherche marocains ne soit pas ponctuel et que d’autres instruments soient mis en place pour encourager les PME et PMI marocaines à s’investir et à investir dans la recherche et développement, tels que les incitations fiscales ». Pour le patron de l’Iresen, et c’est sacerdotal, « la R&D industrielle constitue une clé pour l’avenir du Maroc afin de bénéficier de taux d’intégration industrielle élevés et de se positionner comme leader régional dans les énergies renouvelables», assure-t-il. Imaginatif, il suggère de revoir, dans le souci de la complémen-
tarité, l’architecture des programmes de projets énergétiques afin de permettre aux grandes, moyennes et petites entreprises de se positionner. Aujourd’hui, la maturité de certaines technologies, telles que l’éolien, autorise le lancement d’appels d’offres pour des installations de grandes capacités qui permettront à des entreprises de se placer sur des maillons de la chaine de valeur d’une importance stratégique qui seraient sinon inaccessibles. La pertinence, il la voit aussi au niveau des programmes nationaux à lancer pour encourager d’autres technologies telles que le photovoltaïque décentralisé ou les chauffe-eaux solaires. Voilà qui permettra à un très grand nombre d’entreprises de s’impliquer durablement dans le secteur. Les politiques sectorielles peuvent être encore plus cohérentes et impliquer le maximum d’acteurs des différents secteurs. «Il faut aspirer à créer une culture entrepreneuriale et d’innovation axée sur une économie verte et stimuler la compétitivité des entreprises », note-t-il. En attendant, force est de souligner que l’IRESEN ne chôme pas. Des « success stories » sont à mettre à l’actif des équipes qui y veillent. « Parmi les projets de recherche appliquée que nous avons commencé à financer il y’a un peu plus de deux ans et qui porte aujourd’hui leurs fruits, il y a lieu de signaler le premier Fresnel linéaire 100 % marocain et pouvant être commercialisé, l’installation mobile et modulaire de traitement des eaux saumâtres grâce à l’énergie solaire, ou encore le système intelligent de stockage ». Des exemples parmi d’autres qui expriment au mieux le génie marocain. PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE INDUSTRIALISATION
LA VOIE DES « CLUSTERS »
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ans un contexte international très concurrentiel et dans le souci d’appropriation des technologies et d’intégration industrielle locale, la Recherche et Développement représente une composante majeure de la feuille de route énergétique. L’objectif étant de soutenir la création d’une industrie locale en mesure de répondre aux besoins énergétiques nationaux et d’accompagner les orientations stratégiques. Dans ce sens, le Maroc a lancé cette année son premier Cluster industriel pour la filière solaire qui fédère autour de l’Agence Marocaine de l’Energie Solaire, de nombreux acteurs, notamment du domaine industriel et universitaire permettant ainsi la création d’une dynamique forte et prometteuse pour la R&D et de renforcer le positionnement du pays dans ce domaine. Ce cluster constitue une plate-forme qui réunit des professionnels et des entreprises exerçant dans le domaine des énergies vertes en vue d’animer et soutenir le développement de marché des différentes applications solaires, en
INVESTIR DANS LES MÉTIERS DE DEMAIN DÈS À PRÉSENT
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PERSPECTIVES MED
coordination avec les parties prenantes et la participation des acteurs concourant à la conception, la fabrication, la distribution, l’exploitation, la maintenance de composants ou de projets énergétiques solaires ainsi que les acteurs de la formation, la recherche et développement. Le cluster solaire marocain accompagne déjà deux projets se déroulant dans les régions d’Agadir et d’Essaouira. Ils sont respectivement relatifs à l’électrification autonome des zones non alimentées par le réseau national et à la production de la chaleur industrielle grâce à l’énergie solaire. Par ailleurs, ce Cluster a lancé son premier appel à projet du 27 février au 9 mars, le Fast track to market (FT2M). Organisé en partenariat avec le Morocco Climate Innovation Center (MCIC), une initiative de la banque mondiale, le FT2M fournira aux entreprises qui seront retenues, un appui technique s’étendant de la conception au début d’exploitation de leur projet. Elles bénéficieront également d’un appui financier à hauteur de 50% du coût de leurs projets et pouvant aller jusqu’à 500 000 dirhams. In fine, la réalisation des Clusters dans le domaine des énergies renouvelables permettra de développer des filières locales compétitives et de se positionner parmi les leaders dans le domaine des énergies renouvelables, particulièrement au niveau régional.
PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE SNEIDER ELECTRIC MISE SUR L’ÉNERGIE INTELLIGENTE
LA VOIE DES « SMART-GRID » Par : L.M
Il ne suffit pas de produire de l’énergie pour la distribuer, avec des déperditions coûteuses. Des solutions techniques existent pour l’optimisation de l’offre énergétique. Scneider Electric se positionne sur ce créneau. Franck PetitJean, patron de la filiale marocaine fait sien le pari du développement durable.
PERSPECTIVES MED : QUEL REGARD PORTEZ-VOUS EN TANT QU’ACTEUR SUR L’ÉVOLUTION DU SECTEUR ÉNERGÉTIQUE AU MAROC ? FRANCK PETITJEAN : Le marché marocain est un marché très ouvert à l’économie internationale. Il est le parfait exemple des marchés qui ont enregistré un développement notable en matière de la gestion de l’énergie. En effet, l’Etat marocain a fait du développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique une priorité stratégique traduite par des plans nationaux (Efficacité énergétique, EnR, électrification rurale, ...). Le Maroc a connu une croissance soutenue au cours des dernières années, et qui continuera à l’être dans les années à venir, ce qui implique une croissance de ses besoins énergétiques. Le Maroc par exemple se positionne dans une démarche avant-gardiste en matière de gestion intelligente de l’énergie compte tenu des
LES RÉSEAUX ÉLECTRIQUES DOIVENT PRENDRE LE PLI DE L’INTELLIGENCE DANS LEUR GESTION
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PERSPECTIVES MED
ses ambitions, plans stratégiques et de sa situation géographique. SUR QUELS CRÉNEAUX STRATÉGIQUES VOTRE INTERVENTION A-T-ELLE PRIS DE L’AMPLEUR ? PEUTON AVOIR DES DONNÉES CHIFFRÉES LÀ-DESSUS ? F.P : Le défi consiste non seulement à produire plus d’électricité, mais aussi à générer une énergie intelligente afin de permettre une croissance intelligente en Afrique Dans le cadre d’un partenariat initié il y a un plus d’un an, ERDF et Schneider Electric se sont associés pour développer et expérimenter des équipements et solutions logicielles innovantes dans les domaines de la conduite et de la flexibilité des réseaux HTA et BT, ainsi que dans la conception et le monitoring des postes du futur, pour faciliter le développement des énergies renouvelables. L’intégration croissante d’énergies renouvelables variables ainsi que les opérations d’effacement de consommation initiées par des opérateurs d’effacement peuvent, en effet, avoir des impacts
techniques importants sur le pilotage par ERDF du réseau électrique, engendrant des surcoûts pour le transport et la distribution. Pour répondre aux besoins de gestion d’équilibre et de capacité du réseau, il est nécessaire de déployer de nouvelles technologies d’information et de gestion active des ressources. Ces technologies doivent permettre aux opérateurs externes de mener à bien leurs opérations, tout en offrant de la visibilité à ERDF sur les ressources de flexibilité mises en œuvre, afin d’adapter et de rendre le réseau de distribution encore plus fiable. Ces ressources proviennent de productions décentralisées de petite échelle (< 10 MW) directement raccordées au réseau de distribution (énergie éolienne ou solaire par exemple), de stockage d’électricité, mais aussi d’effacements de consommation activés par des opérateurs externes. Ces ressources peuvent être agrégées par ces opérateurs externes afin de fournir la puissance nécessaire pour répondre à la demande. ERDF et Schneider Electric coopèrent sur de nombreux projets smart grids et renforcent notamment leur coopération par le développement et l’implémentation à Lyon, dans le cadre du projet Greenlys*, d’une application de flexibilité au service des opérateurs de réseau de distribution principalement (ERDF, Régies d’électricité…). Cette application de supervision des ressources distribuées, appelée “StruxureWare Flexible Resources Operation” permettra: d’identifier précisément toutes les ressources distribuées sur le réseau de distribution jusqu’au niveau du réseau basse tension ; de qualifier techniquement les offres de marchés qui mettent en œuvre ces ressources distribuées sur le marché de l’énergie, le marché de l’ajustement ou le marché de capacité pour éviter des problèmes techniques liés à leur activation par les opérateurs externes ; d’optimiser les coûts d’exploitation et d’investissements au niveau du réseau, par la gestion active des ressources distribuées comme alternative aux solutions de renforcement de réseaux traditionnels. LES CHANTIERS DE LA DURABILITÉ QUE LE PAYS ENTEND FAIRE VALOIR VOUS INTÉRESSENT-ILS ? COMMENT COMPTEZ-VOUS
VOUS Y LANCER ? F.P : Schneider Electric s’engage depuis toujours à respecter une conduite éthique dans ses opérations, à agir en cohérence avec les principes du développement durable et le respect de la planète et de l’homme. Cela signifie être à l’écoute de la société, de la législation et des enjeux, intégrer la protection de l’environnement dans les décisions stratégiques du Groupe, mettre sur le marché des produits qui protègent la vie, sécurisent les biens, optimisent la consommation d’énergie et de ressources naturelles, communiquer de manière loyale les informations sur les conséquences des activités du Groupe sur l’environnement, appliquer les lois et règlementations en vigueur relatives aux activités et responsabilités du Groupe, impliquer l’ensemble des collaborateurs du Groupe dans une démarche éco-responsable, mettre tout en œuvre pour réduire l’empreinte écologique des sites du Groupe. Notons que Schneider Electric est devenu en 2008 membre de l’alliance pour l’économie d’énergie : Alliance to Save Energy (ASE) qui a pour principal objectif la promotion de l’efficacité énergétique dans le monde entier, afin de construire un avenir durable.
des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique une priorité stratégique traduite par des plans nationaux (Efficacité énergétique, EnR, électrification rurale, ...). Notre stratégie au Maroc et partout dans le monde s’articule sur trois axes majeurs: l’amélioration de l’efficacité énergétique, le déploiement d’un réseau électrique plus intelligent et un développement urbain plus durable. En effet, les solutions de Schneider Electric visent à accroître la quantité d’électricité disponible avec des investissements limités. Ces solutions réunissent les technologies nécessaires pour améliorer l’efficacité des systèmes urbains et fournir une « efficacité urbaine », et ce, en modernisant le réseau existant, en développant les énergies renouvelables, en exploitant l’immense potentiel solaire dont le Maroc bénéficie chaque jour, et en aidant les sociétés, les industries et les autorités publiques à accroître leur efficacité énergétique. Une approche « Smart Grid » qui aide les systèmes urbains à renforcer leur efficacité et à offrir un service optimisé à leurs clients ; et des solutions qui favorisent l’émergence de villes intelligentes. Nous y voyons plus d’opportunités que de freins à nos actions en générale.
Par ailleurs, parmi les actions entretenues par le groupe nous citons le programme BIP BOP : un programme qui plébiscite l’ambition de notre Groupe de développer l’accès à une énergie fiable et propre aux couches sociales les plus défavorisées. BipBop est l’acronyme de Business, Innovation, and People at the Base of the Pyramid (business, innovation et formation à la base de la pyramide) qui signifie tout simplement la mise ne place d’un programme éco-responsable visant à Gérer un fonds d’investissement socialement conduit à soutenir financièrement les entreprises dédiées à l’activité électrique servant la base de la pyramide (Business), former les jeunes issue de cette base sur des compétences liées à la gestion de l’énergie et les parrainer (People), tout en construisant des offres / solutions adéquates et des modèles d’affaires pour être un champion dans le domaines de l’accès à l’énergie (Innovation). QUELS SONT LES FREINS QUI LIMITENT VOTRE ACTION ? F.P : L’Etat marocain a fait du développement PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE UN RAYON DE SOLEIL ÉCLAIRE COPAG
ENERGIE VERTE
A
u-delà des grandes centrales solaires commerciales qui sont actuellement en construction dans le sud du pays, les systèmes photovoltaïques de moindre ampleur offrent aussi aux industriels la possibilité de réduire leur facture énergétique. La compagnie SOLAR23, avec la participation de la société marocaine qui opère dans le secteur de l‘énergie Alto-solution, a conçu et réalisé une installation photovoltaïque d‘une capacité de 25 kWc sur la toiture du nouveau bâtiment administratif de la coopérative COPAG, à Taroudant. Ce projet fait partie du programme mondial dédié aux solutions dans le domaine des énergies renouvelables, coordonné par l‘Agence allemande de l‘énergie (dena) et cofinancé par le ministère fédéral de l‘Économie et de l‘Énergie (BMW) dans le cadre de l‘initiative « renewables - Made in Germany ». L‘installation réalisée début décembre 2014, a été mise en service au bout de 10 jours de montage, et
DEPUIS TAROUDANT, LE SOLAIRE FERA DES ÉMULES
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PERSPECTIVES MED
c‘est à partir de ce moment la COPAG a pu réaliser les premières économies énergétiques. Ce projet n‘a utilisé que des composants de haute qualité, avec une garantie d‘une durée de 10 ans qui exprime bien les caractéristiques de longévité et de rentabilité de l‘installation. En plus des modules PV de SOLARWORLD et des onduleurs SMA, le système a été doté des équipements les plus modernes de mesure et de communication. Ceuxci sont conçus dans le but d‘obtenir des données bien établies sur le rayonnement capté et la production électrique, ainsi que sur l‘efficacité d‘une installation PV, ce qui devrait renforcer la confiance dans la technologie photovoltaïque. L‘un des piliers essentiels du schéma mis en place est d‘assurer la pérennité du projet par un transfert de connaissances. Dans ce contexte, et dans le cadre des travaux d‘installation, un stage intensif de 8 jours a permis à des techniciens de la région d‘acquérir des connaissances sur la conception des systèmes, sur les produits et sur les techniques d‘installation. Prévue pour avril 2015, l‘inauguration officielle de cette installation photovoltaïque de la COPAG, devrait rassembler des représentants du monde politique, des sciences et du secteur agricole. De quoi faire des émules…
PERG
FIAT LUX ! Par : A.M
Et la lumière fut ! Dans des zones reculées, l’électrification a permis de révolutionner le quotidien de millions de citoyens. Une belle réussite pour l’ONEE.
C
onscient de l’importance de l’électricité en tant que vecteur important de développement et vu le faible taux d’électrification rurale qui était de 18% en 1995, l’ONEE a élaboré et mis en place le Programme d’Electrification Rurale Globale (PERG) qui a été approuvé en Conseil de gouvernement en août 1995. Ce programme a connu une grande réussite et ce, grâce à son caractère global et son mode de financement participatif. L’objectif initial du PERG était d’électrifier, à l’horizon 2010, environ 1.500.000 foyers; 9 millions d’habitants, soit 100.000 foyers par an en moyenne, pour atteindre un taux d’électrification rurale -TER- de 80% et ce, par le raccordement au réseau et par recours aux techniques décentralisées -solaire, kits photovoltaïques... Aujourd’hui, les réalisations de 1996 à septembre 2014 se sont traduites par l’électrification, par raccordement aux réseaux de 38.208 villages regroupant 2.059.655 foyers et l’équipement de 51 559 foyers par kits photovoltaïques dans 3 663 villages et ce, pour un budget d’investissement réalisé de 21,7 milliards de DH environ. Quant au taux d’électrification rurale, il a atteint 98,86%. Ce PERG, qui répond aux ambitions de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH), a permis un bond considérable en termes de développement. Il a contribué à changer le quotidien de la population rurale avec l’installation d’un nouveau mode de vie. A titre d’exemple, l’électrification rurale a permis le raccordement gratuit des écoles se situant au voisinage du réseau électrique. Le PERG a permis en outre le ralentissement de fréquence de l’émigration et d’exode rural via la création d’activités génératrices de revenus avec l’exploitation de richesses locales
ayant permis entre autres l’amélioration des conditions de la femme en milieu rural, le développement des activités artisanales, la modernisation de l’agriculture, la petite industrie, les commerces… En chiffres, et tout au long de sa réalisation, le PERG a permis d’accompagner le développement socio-économique rural par le biais de l’électrification de différents types d’usages: Environ 50 000 usagers « force motrice » à forte valeur ajoutée; environ 118 600 patentés -commerce, cafés, ...et environ 11 200 écoles et 700 dispensaires.
MAROC/AFRIQUE
UN MODÈLE À DUPLIQUER
La 26e session du forum de crans Montana du 13 mars, au Maroc, a servi d’occasion à la directrice générale de l’Office marocain des hydrocarbures, Amina Benkhadra, d’appeler à la création d’un marché de l’énergie. Elle a rappelé que le continent africain regorge d’énormes potentialités en ressources et notamment en solaire et en éolien. En effet 65% des populations africaines n’ont pas accès à l’électricité. Les plus pénalisées sont les populations rurales avec un taux d’accès de 14%. Pour juguler cette discrimination en matière énergétique, l’Afrique a besoin d’un marché régional de l’énergie. Le Maroc, qui a réussi d’atteindre un taux d’électrification de 100% en milieu urbain et 98% en milieu rural, ambitionne de mettre son expérience en politique énergétique au service des autres pays africains et à partager l’expérience dans le cadre d’un marché régional africain. Amina Benkhadra a ainsi fait appel aux pays occidentaux et les investisseurs à appuyer le projet pour sa mise en œuvre et sa pérennisation. Mobiliser des ressources destinées au financement de cette coopération énergétique régionale tel est le défis auquel doivent faire face les pays Africain car seulement 15 milliards de dollars ont été mobilisés en 2014 contre 9 milliards en 2013.
PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE IRESEN UE
APPEL À L’INNOVATION Dans le cadre des projets d’innovation maroco-européens InnoMaghrenov, l’institut de recherche en énergie solaire et énergies nouvelles (IRESEN) et la société européenne KIC InnoEnergy SE viennent de lancer un appel à projet dans le domaine des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Cet appel à projets est destiné aux consortiums du bassin méditerranéen désireux de développer des produits et des services innovants relatifs aux énergies renouvelables et à l’efficacité énergétique. Les différentes organisations pourront déposer leurs projets jusqu’au 10 avril prochain. InnoMaghrenov est un ensemble de projets cofinancé par l’IRSEN et la KIC pour une enveloppe budgétaire de 30 MDH (2,8 mllions €). Son objectif est de favoriser la recherche et développement en science appliquée dans les domaines des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique. Ce faisant, il favorisera l’innovation et la création d’initiatives conjointes entre l’Union Européenne et le Maghreb en vue de développer des énergies renouvelables adaptées aux spécificités locales.
VIVO ENERGY MAROC
PROMESSE DE QUALITÉ
L’entreprise en charge de la commercialisation et de la distribution de carburants et lubrifiants de marque Shell au Maroc, Vivo Energy a toujours accordé à la qualité de ses produits, une attention des plus particulières. Dans ce sens Vivo Energy a organisé un Parcours Découverte à son dépôt à Mohammedia, le 17 mars 2015, afin d’informer et expliquer sa démarche qualité qui a abouti à la certification Iso 9001 Version 2008. Ce parcours a mis en avant les points de contrôles qualité auxquels Vivo Energy Maroc soumet ses carburants de la raffinerie au client final. Vivo Energy a mis en place un véritable dispositif qualité qui s’articule autour d’un laboratoire fixe, des laboratoires mobiles sillonnant tout le territoire marocain et des Experts Qualité. Ces multiples contrôles sont autant de filtres jalonnant le processus logistique et de production, de la raffinerie au véhicule du client final. La multiplication des contrôles même identiques, en début, milieu et fin de la chaîne, assure une qualité similaire du dépôt à la pompe. 80
PERSPECTIVES MED
LA VOIE DE L’EFFICACITÉ ENERGÉTIQUE SONDÉE NOUR II ET NOUR III
LE POUVOIR D’ACWA
Le consortium dirigé par le Saoudien ACWA Power, et SENER, société espagnole d’ingénierie et de construction, en tant que membre technique et fournisseur technologique, ont été déclarés comme adjudicataire pour développer et exploiter (BOOT) les projets de centrales solaires de Noor II (200 MW) et Noor III (150 MW) situés à Ouarzazate. Les deux projets seront construits en parallèle et constituent la 2ème phase du développement du complexe solaire Noor à Ouarzazate, promu par MASEN. Un consortium dirigé par ACWA POWER développe actuellement la 1ère phase du même complexe (projet 160 MW Noor ICSP). Avec ces deux projets supplémentaires, la capacité installée du complexe sera portée à un total de 510MW, ce qui en fait le plus grand complexe d’énergie solaire dans le monde. Dans sa proposition, le Consortium ACWA Power s’engage également à s’approvisionner pour un minimum de 35% de la valeur des projets auprès des entrepreneurs et industriels marocains en vue d’une intégration industrielle optimale et en soutien à l’économie locale. Pour les projets Noor II et Noor III, ACWA Power a proposé la meilleure offre parmi les quatre offres présélectionnés. ACWA Power a ainsi offert un tarif d’électricité de 1,36 Dirhams par kWh pour Noor II et de 1,42 dirhams par kWh pour Noor III, ce qui permettra d’économiser 1,1 milliards de dirhams (132 millions USD) en comparaison avec la deuxième offre la plus compétitive.
PERSPECTIVES MED
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ÉNERGIE BAD
LA CENTRALE AÏN BENI MATHAR PRIMÉE EXPLORATION PÉTROLIÈRE
CAP SUR LE NORD !
L’Office National des Hydrocarbures et des Mines (ONHYM) vient de signer un accord avec la compagnie émiratie Mubadala Petroleum afin de procéder à une évaluation du potentiel en hydrocarbures d’une large zone marine de la côte méditerranéenne du Maroc. L’accord a été signé à Casablanca par Yasmina Benkhadra, directrice de l’Office et Sultan Al Jaber, PDG de Mubadala Petroleum Energy en présence du Roi Mohammed VI et du prince d’Abou Dhabi Cheikh Mohammed bin Zayed Al Nahyan. Le contrat concède ainsi à la compagnie pétrolière une licence de reconnaissance exclusive pour effectuer l’évaluation géologique détaillée du potentiel en hydrocarbures de la zone désignée, soit un domaine de plus de 3.400 kilomètres carrés au large du Maroc.
GREEN BUSINESS JET ALU
CADENCE MASEN
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MAINTENUE
PERSPECTIVES MED
La centrale thermo-solaire d’Aïn Beni Mathar (ABM) a reçu, en novembre dernier, un Prix d’Excellence 2014 de la Banque Africaine de Développement (BAD). Cette distinction vient suite à un processus de sélection de projets selon une évaluation basée sur 5 critères principaux : innovation, impact sur les bénéficiaires, système de suivi et d’évaluation, viabilité/ appropriation et enseignements tirés. D’un coût global de 4,6 milliards de dirhams, la centrale a été financée par la BAD, l’Instituto de Credito Official d’Espagne (ICO) et le Fonds mondial pour l’environnement (GEF) à travers un don de 43,2 millions de dollars ; le complément a été assuré par l’ONEE. Sur le plan environnemental, la centrale ABM permettra une économie de fioul de 12 000 tonnes par an et contribuera ainsi à éviter les émissions de 33 500 tonnes de CO2 dans l’air par an. De par son caractère innovant, la centrale, qui utilise la technologie de refroidissement à sec (aéro-réfrigérants), permet de réduire la consommation d’eau de 5,4 millions m3 à 400 000 m3 par an, soit une économie d’eau de plus de 90%. Enfin sa réalisation a participé au développement économique et social de la région orientale à travers, notamment, la contribution au désenclavement de la population, la promotion de l’emploi et la création de Petites et Moyennes Entreprises locales.
Le spécialiste de la menuiserie aluminium Jet Alu se lance dans la fabrication des panneaux solaires photovoltaïques. Cet investissement, l’un des premiers du type au Maroc, s’élève à 40 MDH, soit près de 4 millions de dollars, sera utilisé pour deux principales opérations. 10 MDH seront utilisés pour la mise en place d’une unité industrielle de 3500 m2 dans la zone industrielle de Témara et le reste de la mise consacré à la ligne de production. La capacité annuelle de la ligne de production sera de 30 MW que la société espère étendre à 60 MW grâce à l’accroissement de la demande du marché. Sur le site de la société, la production a déjà commencé et 1700 panneaux ont déjà été fabriqués à ce jour. Cet investissement entre dans le cadre du programme de diversification de portefeuille entrepris par Jet Alu.
L’AGENCE MAROCAINE DE L’ÉNERGIE SOLAIRE (MASEN) VIENT DE LANCER UN APPEL D’OFFRES INTERNATIONAL RELATIF À LA RÉALISATION DE 3 CENTRALES PHOTOVOLTAÏQUES D’UNE CAPACITÉ GLOBALE DE 170 MW ENVIRON. LES INSTALLATIONS CONCERNÉES PAR LA PRÉSENTE PROCÉDURE SONT LA CENTRALE NOOR IV, DE 50 À 70 MW DE CAPACITÉ À LAQUELLE POURRAIENT S’AJOUTER LES CENTRALES NOOR LAÂOUNE ET NOOR BOUJDOUR DE 50 MW DE CAPACITÉ CHACUNE. L’APPEL D’OFFRES EST OUVERT JUSQU’AU 6 AVRIL PROCHAIN. IL PERMETTRA DE CHOISIR LE OU LES CONSTRUCTEURS QUI AURONT À CHARGE LA CONCEPTION, LE FINANCEMENT, LA RÉALISATION, L’EXPLOITATION ET LA MAINTENANCE DES CENTRALES. LA CONSTRUCTION DE CES NOUVELLES CENTRALES ENTRE DANS LE CADRE DU PLAN MAROCAIN NOOR QUI CONSISTE EN L’INSTALLATION DE PLUSIEURS CENTRALES ÉNERGÉTIQUE D’UNE CAPACITÉ GLOBALE DE 2000 MW D’ICI 2020.
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BLESSURES ALGERIENNES ROMANCÉES
ENGAGEMENT FÉMININ Si les parcours des romancières A. Djebar et A.Mousteghanemi différent, ce qui les unit par contre est leur ferme engagement à défendre des valeurs de progrès et de modernité. L’une comme l’autre a payé le prix fort pour ce faire: l’exil. Et l’une comme l’autre n’ont été “réhabilitées” dans leur Algérie natale que bien tardivement. N’empêche, leur amour pour leur pays reste immense et intact. Un amour à sens unique.
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PERSPECTIVES MED
CULTURE D’ASSIA DJEBAR À AHLEM MOSTEGHANEMI
PARCOURS DE COMBAT Deux intellectuelles algériennes avec deux parcours atypiques. Assia Djebar qui fit son entrée à l’Académie française en 2005 est une romancière de talent qui a forgé son succès hors de la sphère arabe. Alors qu’Ahlem Mosteghanemi, primée elle aussi, a assis son aura dans le monde arabe. Toutes deux ont pourtant subi la négligence dans leur propre pays.
L
a notoriété mondiale d’Assia Djebar fait oublier que l’intellectuelle, née Fatma-Zohra Imalhayène à Cherchell le 30 juin 1936, est algérienne. Auteure de romans, poésies et essais traduits dans 23 langues, cette intellectuelle engagée a aussi écrit pour le théâtre et réalisé plusieurs films. En face, Ahlem Mosteghanemi, fille du militant du PPA/MTLD Mohamed Cherif Mosteghanemi, forcé à l’exil par le régime colonial français après les massacres du 8 Mai 1945, née à Menzel Temim, en Tunisie, fait partie des grandes figures du roman arabe. Mais elle n’en reste pas moins la belle Constantinoise qu’elle revendique. «Après l’indépendance de l’Algérie, nous sommes rentrés par la route. Mon père nous a fait visiter Constantine, Oum El Bouaghi, Aïn Beïda. A Batna, je dormais sur un tapis traditionnel, je prenais du petit lait de la guerba. On ne guérit jamais de sa mémoire. Les souvenirs d’enfance nous poursuivent. », confiait-elle. C’est cette nostalgie cultivée par la belle Constantinoise au cours de son exil, notamment au Liban, qui est partagée par l’immense A. Djebar qui vient de disparaître en France. Entrée à l’Académie française le 16 juin 2005, elle n’en est pas moins restée algérienne au fond de l’âme, comme l’a illustré son discours par trop singulier, mais surtout son œuvre. Celle-là même qui a placé au centre des thèmes d’engagement qui vont de l’émancipation de la femme à l’histoire et à l’identité. Pour cerner cette trajectoire singulière d’une intellectuelle de talent qui fut stoppée net par la maladie d’Alzheimer (tue par pudeur), il faut remonter à l’histoire qui a bercé sa tendre jeunesse. Car Fatma-Zohra Imalhayène fut la première Algérienne à intégrer l’Ecole normale supérieure de jeunes filles de Sèvres en 1955, où elle choisit l’étude de l’histoire. Dès l’année suivante, elle répondit au mot d’ordre de grève de l’Union générale des étudiants musulmans algériens (Ugema), ce qui la priva de passer les examens. C’est à cette occasion qu’elle écrira son premier roman « La Soif » sous le nom de plume d’Assia Djebar qui allait la
distinguer parmi d’autres. Quant à A. Mosteghanemi, romancière confirmée qui s’intéressait à la poésie dès son jeune âge, elle se consacra aux études en sociologie à la Sorbonne à Paris dans les années 1970, encadrée par Jacques Berque, avant de laisser libre cours à sa riche faconde. Celle qui lui a permis de tenir la première place au box office des ventes. Ses romans tels que Dhakiratou al jassad (La Mémoire de la chair), Aber sarir (Passant d’un lit), Fawdha al hawass (Chaos des sens), Nissyancom (L’Art d’oublier) et Al Aswadou yalikou biki (Le Noir te va si bien) sont des best-sellers. Souvent écoulés à 200.000 exemplaires, c’est bien son premier roman qui a battu tous les records à plus d’un million d’exemplaires. Effervescence Pour Amel Chaouati, présidente du Cercle des Amis d’Assia Djebar, fondé en 2009, «son franc-parler bouscule les conventions établies, car elle ne se limite pas à la place habituellement assignée à un écrivain femme et de surcroît à un écrivain femme représentant à elle seule les cultures berbère, arabe, musulmane et française ». Au cours des années 1970, A. Djebar délaisse l’écriture pour le cinéma. A son actif, deux films « La Nouba des femmes du mont Chenoua », réalisé en 1978. Ce long-métrage lui vaudra le Prix de la Critique internationale à la Biennale de Venise de 1979 – le premier film de la première femme cinéaste maghrébine – et un court-métrage « La Zerda ou les chants de l’oubli » en 1982. L’intellectuelle voulait, à travers ses films, rendre la parole aux Algériennes. «Je ne fais ni du cinéma pour touristes, ni même pour étrangers qui veulent en savoir plus. [...] L’image en soi peut avoir un potentiel de révolte. Je n’ai pas voulu montrer l’image du dedans. Celle-là, je la connais. J’ai voulu montrer l’image du dehors. Celle des femmes qui circulent dans l’espace des hommes. Parce que, pour moi, c’est d’abord cela l’émancipation, circuler librement dans l’espace. On voit ces femmes dans mon film, mais on voit aussi des
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CULTURE portes qui se ferment, des femmes qui se cachent, qui fuient le regard. J’ai voulu finalement montrer ce que l’on voit tous les jours mais d’une autre façon, comme si tu nettoyais ton regard, tu oubliais tout, puis, voyais tout pour la première fois. Remontrer le banal.» Le 7ème Art équivaut-il au 7ème Ciel ? En tout cas, A. Mostaghenemi ne semble pas, elle, dévier des canons de l’écriture romanesque qui fleurt bon la poésie. L’éloge à l’amour qui imprègne son œuvre n’évacue point le combat des femmes pour leur liberté. Ses héroînes évoquent Constantine et Batna, célèbrent la poésie et la beauté, confient leurs expériences sexuelles … Et dénoncent surtout les injustices et l’extrémisme religieux... Iconoclaste, A. Mostaghenemi surclasse dans son anticonformisme ses contemporaines. Son verbe rebelle exprime l’état d’une éternelle révoltée. Au début des années 1970, elle fut congédiée de l’Union des écrivains algériens parce qu’elle heurtait la bien-pensance de l’époque et «mettait en danger» la «Révolution» socialiste du colonel Boumediène. «Je n’ai pas choisi mon destin. Mais je n’ai jamais accepté de m’incliner. Je suis venue au monde debout, comme l’Algérie», se confie-t-elle. Elle tient ça de son père qui n’a jamais accepté le coup d’Etat militaire de Boumediène contre Ben Bella. Il faudra attendre 2009 pour l’exilée Mostaghenemi soit réhabilitée. Et encore une fois, c’est grâce à l’ex-ministre de la Culture, Khalida Toumi. Croisés, les destins des deux romancières ?
ASSIA DJEBAR N’A PAS LA LANGUE DANS LA POCHE LORSQU’IL S’AGIT, POUR ELLE, DE DÉNONCER L’INJUSTICE D’OÙ QU’ELLE SOIT 86
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En 1999, A. Djebbar allait soutenir une thèse à l’université Paul-Valéry Montpellier-3, consacrée à sa propre œuvre : «Le roman maghrébin francophone, entre les langues et les cultures : quarante ans d’un parcours : Assia Djebar, 19571997 ». Une thèse qui résume un riche parcours puisque la même année, elle fit son entrée à l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique. Une consécration qui allait lui ouvrir la voie à une autre distinction. En effet, le 16 juin 2005, elle est élue au fauteuil 5 de l’Académie française, succédant à Georges Vedel, et y est reçue le 22 juin 2006. La romancière qui enseigna depuis 2001 au département d’études françaises de l’université de Ne York, est faite docteur honoris causa des universités de Vienne (Autriche), de Concordia (Montréal), d’Osnabrück (Allemagne). Rien ne lui résiste tout le long de sa riche carrière. «J’écris, comme tant d’autres femmes écrivains algériennes, avec un sentiment d’urgence, contre la régression et la misogynie», a laissé entendre A. Djebbar. Dans « Ombre sultane », l’écrivaine aborde la question des rapports des hommes et des femmes dans le couple de la société algérienne marqués par la violence, une violence qui a, selon l’auteure, ses origines dans la violence de la colonisation. C’est ainsi que sous la Coupole (Académie française) dans son discours du 22 juin 2006, elle osa rappeler que «le colonialisme vécu au jour le jour par nos ancêtres, sur quatre générations au moins, a été une immense plaie !» Que partage A. Mosteghanemi qui considère que la mémoire peut devenir mortelle. « Dans la vie de tous les jours, il ne faut pas harceler la mémoire, car elle ne ressemble pas à nos rêves. Mais
pour écrire, nous avons besoin d’un choc», affirme-t-elle à l’évocation de son premier roman. Vague à l’âme Et sur la tragédie des années 1990, « la décennie noire » comme on l’a surnommée, elle soulignait, lors de la cérémonie de la remise de l’épée à l’Institut du monde arabe (une épée algérienne du XIXe siècle) qui avait précédé la réception sous la Coupole: «Je pense que je n’aurai pu rester debout comme je le suis maintenant et sans épée d’ailleurs, grâce à mon écriture, c’est-à-dire au fait qu’il fallait absolument que j’écrive dans l’urgence ce que je ressentais immédiatement et quand il y avait des absents et il y en avait, et quand il y avait des morts et elles étaient souvent horribles, et bien je considérais qu’il fallait déposer sur papier. C’est à ce moment- là, la langue française pour moi est devenue une langue également de mémoire, une langue qui finalement était le tombeau des martyrs.» Sous la Coupole encore, évoquant les femmes de son peuple, elle affirmait : «J’ai retrouvé une unité intérieure, grâce à cette parole préservée de mes sœurs, à leur pudeur qui ne se sait pas, si bien que le son d’origine s’est mis à fermenter au cœur même du français de mon écriture. Ainsi armée ou réconciliée, j’ai pris tout à fait le large.» C’est cette mémoire là qui traverse pratiquement toute son œuvre et qui prend une autre dimension dans son ultime livre, « Nulle part dans la maison de mon père » (2007). Un roman autobiographique où il est question de son enfance et sa jeunesse à Cherchell, sa scolarité à Blida, presque seule «indigène» parmi les élèves, la découverte d’Alger et de l’amour et la figure de son père, un des premiers instituteurs algériens. La maison de son père, c’était bel et bien son pays qu’elle a aimé avec une constance filiale sans pour autant rien recevoir en retour. Lors de son élection à l’Académie française en 2005, plusieurs observateurs dans le monde avaient noté qu’en dehors de la déclaration de l’ancienne ministre de la Culture, Khalida Toumi, point d’hommage officiel. Une absence totale de reconnaissance qui avait « sidéré » l’écrivain Waciny Laredj. Et il ne fut pas le seul à l’être. Pourtant, dans son discours dont les échos résonnent encore dans l’enceinte de l’Académie française, les mots prononcés avec une
force inégalée par A. Djebar, revendiquant pleinement ses origines, dénonçant le colonialisme et son entreprise de négation de la culture algérienne, évoquant les langues amazighe et arabe, de même que le Coran, critiquant opportunément la tentative de positiver une occupation et une ségrégation violente (le débat sur la «colonisation positive» battait son plein). Plus, elle a fait grand cas de Rabelais qui conseillait d’apprendre l’arabe, «pareillement» au latin et à l’hébreu. En se référant à Diderot qui, dit-elle, «ne fut pas, comme Voltaire, académicien, mais dont le fantôme me sera, je le sens, ombre gardienne», elle mis le doigt là où sa fait mal : l’intellectuel français fut le seul du Siècle des lumières à s’opposer à la colonisation. A l’évocation de l’immense A. Djebar, Amel Chaouati rappelle qu’elle lui avait « transmis de manière intelligente et raffinée mon histoire avec une rigueur d’une historienne mais avec l’art d’une romancière. Elle m’a appris que mon histoire est millénaire. Que les femmes représentent la moitié de cette histoire mais elles ont été mises à l’écart. » Un exil de plus ! En tout cas, la vivacité des souvenirs et des combats ne quitte guère les deux romancières. «J’ai pris dans ma valise les chansons
de Deriassa, Fergani, Saloua, des skecths de Boubagra et de Moh Bab El Oued. Mais aussi des chants patriotiques qui faisaient à chaque fois pleurer mon père. L’Algérie m’a tant fait rire, m’a tant fait pleurer. Il faut mettre les médailles sur les poitrines, pas sur les tombes. L’amour se cache dans les détails. Que le chemin qui mène vers vous était long... Trente ans pour arriver à cette tribune !», tel est le cri du cœur lancé à Alger par A. Mosteghanemi de retour de son exil libanais. Ce n’est pas pour rien qu’elle lança, à l’occasion, ce cri qui cache à peine la détresse d’une génération d’intellectuels algériens forcés à l’exil. «Prenez soin de nos écrivains. J’espère que l’histoire inscrira ce soir que mon pays aime les écrivains autant qu’ils l’ont aimé.» A. Mostaghenemi refuse de se laisser vaincre par l’air du temps. Elle vient de publier, à Beyrouth, Alayka al lahfa (Tu es tant désirable) un recueil de poèmes, se réconciliant ainsi avec sa tendre jeunesse. «Il y a trop de morts autour de nous aujourd’hui dans le Monde arabe. En écrivant, nous ressemblons à celui qui siffle dans l’obscurité pour ne pas avoir peur. J’ai appris à défendre la phrase qui me fait peur, car elle est la seule à me ressembler», a-t-elle avoué lors de la Foire du livre de Sharjah.
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CULTURE LA MORT A RATTRAPÉ YACHAR KEMAL
« MEHMED LE MINCE » ORPHELIN Par : L.M
« Je n’accepte que les tribunaux du peuple, dit-il, du peuple et de la nation. Mais certainement pas les tribunaux d’exception. » C’est tout Kemal Yachar. Un romancier turc engagé, qui tenait tête aux juges du tribunal d’exception d’Ankra, tout en ne se prenant pas pour Zola. Celui qui entonna face aux juges « moi je défends la liberté dans mon siècle » s’est éclipsé pour de bon.
L
a faucheuse n’a pas épargné, fin février dernier, un des grands romanciers de la Turquie, Yachar Kemal, âgé de 92 ans. Son aura mondiale lui a été assurée par sa série «Mehmed le mince», véritable saga qui met en lumière les conditions précaires dans les villages de l’Anatolie centrale et la lutte des petites geng-s contre la double oppression féodale et étatique. Mais aussi par ses positions tranchées en faveur de la cause kurde. Rien de plus normal puisque le romancier était lui-même d’origine kurde. S’il a obtenu de nombreuses distinctions internationales pour ses romans au souffle épique, ses écrits et son militantisme politique contre la brutalité du pouvoir à l’encontre de la minorité kurde de Turquie lui ont valu de nombreux procès et la case prison. Y. Kemal fut même contraint d’entrer dans la clandestinité et de s’exiler en Suède pour fuir menaces de mort et pressions d’Ankara. Ecrivain précoce, puisqu’il écrit ses premiers poèmes à l’école primaire, il fait irruption sur la scène littéraire turque en 1955 dès son premier roman. «Mehmed le mince» rencontrera un succès considérable. Traduit en plus de 40 langues, le roman a été salué par la critique internationale. De son vrai nom Kemal Sadik Gökçeli, l’enfant des plaines de Cilice, dans le sud-est de la Turquie, a découvert la dureté de la vie très tôt. Borgne des suites d’un accident, il est le témoin à l’âge de cinq ans du meurtre de son père Sadi, tué en pleine prière à la mosquée par son fils adoptif. Jeune homme, il quitte l’école prématurément pour vivre de petits métiers : ramasseur de coton, conducteur d’engins agricoles, bibliothécaire… De quoi forger un caractère. En 1950, il est arrêté pour propagande communiste avant d’être acquitté. C’est une deuxième naissance pour un jeune homme qui suit de près l’évolution de son pays aux prises avec un pouvoir des plus étouffants. D’où 88
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l’abandon de son nom de naissance pour celui de Kemal, survivant en turc, et son départ pour Istanbul où il commence une carrière de journaliste dans le quotidien de gauche et laïque «Cumhuriyet». C’est dans cette mégapole qu’il entame sa «carrière» de militant politique en adhérant au Parti des travailleurs turcs et en fondant une revue marxiste, tout en travaillant à son premier roman. «Mehmed le mince», premier roman d’une série en quatre tomes. Kemal y raconte les aventures d’un villageois idéaliste contraint à vivre comme un hors-la-loi après sa révolte contre les seigneurs féodaux. Un récit porté à l’écran en 1984, réalisé et incarné par l’acteur et dramaturge britannique Peter Ustinov. C’est cette trame de fond qui constitue l’essence de son œuvre. «Terre de fer, ciel de cuivre» est un opus des plus explicites où le lyrisme le dispute aux légendes et autres remugles de la culture anatolienne de masse. Après le coup d’Etat militaire de 1971, il est emprisonné avant d’être relâché sous la pression d’une vague de protestations internationales. En 1995, Y. Kemal a rendez-vous avec la justice pour avoir dénoncé «l’oppression» des Kurdes. «La guerre détruit la Turquie déclare-t-il en 2007 au sujet des combats entre rebelles kurdes et armée. Je ne suis pas un héros mais j’ai le devoir de me faire entendre». Toujours militant, il est le premier à voler au secours d’Orhan Pamuk, premier écrivain turc à remporter le Nobel de littérature, lorsqu’il est attaqué pour avoir osé reconnaître le génocide arménien de 1915. Au-delà de ses engagements politiques, Y. Kemal reste avant tout un écrivain de génie. «Je n’écris pas sur des problèmes, je n’écris pas pour un public, je n’écris même pas pour moi. J’écris, tout simplement’’, résume-t-il un jour. Distingué par de nombreux prix, décoré dans le monde entier, il n’aura pas été nobellisé ce qui représente une grande injustice aux yeux de nombreux Turcs.
SOLIDARITÉ
J’AI HONTE
L
Par : Salah STÉTIÉ
e Coran dit en sourate III, 45 : Ô Marie Dieu t’annonce la bonne nouvelle d’un Verbe émanant de Lui : Son nom est : le Messie, Jésus, fils de Marie ; illustre en ce monde et dans la vie future ; il est au nombre de ceux qui sont proches de Dieu... Il dit aussi en V, 82 : Tu constateras que les hommes les plus proches des croyants par l’amitié sont ceux qui disent : « Oui, nous sommes chrétiens ! » en 83 : (ce sont les chrétiens qui parlent) : Notre Seigneur ! Nous croyons ! Inscris-nous parmi les témoins ! En 84 : Pourquoi ne croirions-nous pas en Dieu et à la Vérité qui nous est parvenue ? Pourquoi ne désirerions-nous pas que notre Seigneur nous introduise en la compagnie des justes ? En 85 : Dieu leur accordera en récompense de leurs affirmations des jardins où coulent des ruisseaux Ils y demeureront immortels : telle est la récompense de ceux qui font le bien. Le Coran dit bien d’autres choses. Mais rien ni personne ne peut faire que ces mots tout d’affection et d’espérance à l’égard des chrétiens ne soient inscrits pour l’éternité (puisque la parole divine est, dit-on, éternelle) dans le Livre sacré de l’islam. Comment feront ceux qui aujourd’hui, en Orient, persécutent les chrétiens, les égorgent, les jettent vivants dans des puits, parfois les crucifient, oui, comment feront ces lecteurs sans doute assidus du Coran pour justifier leurs actes aussi inhumains qu’illégitimes aux yeux de leur Livre et pour se dédouaner devant leur Dieu d’en avoir ainsi cruellement usé avec ceux qui se sont, cinq siècles avant eux, déclarés les témoins de la Vérité et ont suivi la parole du « Verbe de Dieu « ? Qu’ils relisent, ces égarés, les ayât que je viens de leur remettre en tête. Qu’ils sachent également, ces Arabes, que si la langue arabe existe aujourd’hui dans la splendeur créatrice qu’on lui connaît, c’est parce que dès la fin du XIXe siècle, des lexicologues, les Boustany, l’ont ressuscitée et l’ont illustrée par des dictionnaires et des encyclopédies, que des éru-
dits, les Yazigi, ont montré de cette langue la fertilité intrinsèque, que le premier livre de la modernité arabe, quoique écrit en anglais, s’appelle Le Prophète et que le héros de ce livre, traduit dans une cinquantaine d’idiomes et toujours passionnément lu, se nomme al-Mustapha, l’autre désignation de « l’Envoyé «. Les Boustany, les Yazigi, Khalil Gibran, l’auteur du Prophète, sont des chrétiens du Liban. Ils appartiennent tous à une magnifique communauté spirituelle et intellectuelle qui habitait, qui habite toujours le monde arabe. Les chrétiens sont chez eux définitivement dans ce monde et je les supplie, à genoux s’il le faut, de ne pas partir, de ne pas céder à la panique. Que ferions-nous, nous, les musulmans, sans eux, sans leur présence, qui fut souvent pour tous les peuples de cette région synonyme de progrès à tous les niveaux ? J’ai honte d’avoir à écrire tout cela qui devrait aller de soi. J’ai honte avec tous ceux qui, aujourd’hui, ont honte. Honte, terriblement. IN «LE FIGARO» DU 6 MARS 2015 Lorsqu’un poète décide de monter au créneau pour dénoncer les dérives de Daech qui prennent les dimensions de vrais pogroms, c’est que le vase de la colère déborde. S. Stétié livre aux obscurantistes une leçon d’histoire. Edifiante!
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CULTURE “GIFT HORSE” Une des dernières œuvres de l’artiste Hans Haacke, trotte depuis le 5 mars à Trafalgar Square, mythique place de la capitale britannique. Ce squelette de cheval en bronze qui porte sur une patte un ruban électronique affiche les indices de la Bourse de Londres. Une sorte de tempo de la City…
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La Fondation Farid Belkahia verra le jour fin mars à Marrakech. S’inscrivant dans le respect de l’esprit du grand plasticien défunt, elle se propose de perpétuer le rayonnement de son œuvre en axant son travail sur la visibilité de ses créations à différentes périodes. La recherche autour de son œuvre sera ainsi boostée à travers l’octroi de bourses à des étudiants et à des chercheurs. Et, cerise sur le gâteau, par fidélité à son intérêt pour les arts traditionnels, un prix d’excellence encouragera des jeunes artistes ou artisans.
FESPACO 2015. AYOUCH A SON ETALON NOIR
TOUT LUI RÉUSSIT DANS LE CINÉMA
DISTINCTION
H Ayouch réalisateur de «Fièvres» a été primé au FESPACO. Le Cinéma marocain a été également représenté par « C’est eux les chiens» de H. Lasri, et le court métrage «De l’eau et du sang» de A. El Jaouhary, ainsi que le documentaire «Le chant des tortues» de J. Rhalib.
PANAME…
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BOWIE S’EXPOSE
UN MAROCAIN PRIMÉ À NEW YORK
Les notes font voyager. Et les artistes voyagent, eux. Mais que dire de l’exposition «David Bowie is» qui continue son tour du monde en passant par la case Paris. Plus de 300 objets personnels retraçant la carrière du «Thin White Duke», sont visibles jusqu’au 31 mai à la toute nouvelle Philharmonie de la capitale des lumières. L’exposition dédiée au chanter britannique a déjà attiré près de 900 000 visiteurs (Londres, Sao Paulo, Toronto, Chicago et Berlin), devrait dépasser le cap du «millionième» visiteur avant de faire un crochet par Melbourne, en juillet, puis Groningen. L’enfant de Brixton, région londonienne, est connu pour ses frasques qui donnent une autre dimension à sa riche carrière de chanteur, compositeur et d’acteur. En tout cas, ses tenues étrusques qu’il portait lors des divers concerts l’ont immortalisé sous les sunlights.
Youssef Boudlal, officiant pour l’agence Reuters Paris a reçu le prix de la meilleure photo 2014 à New York. Réalisée l’été dernier, la photo rend singulièrement le drame d’une fille yezidie âgée de 6 ans en fuite avec sa famille de la ville irakienne de Sinjar après les massacres perpétrés par la horde de terroristes de l’État islamique (Daech). « J’étais attiré par sa beauté sauvage dans cette situation terrible. Il y avait une sorte de détresse et de tristesse dans son regard.». C’est ainsi que Y. Boudlal commente la photo de cette fille aux yeux perçants sous un amas de cheveux blonds. Un cliché peut bien rendre toute la détresse du monde. Le regard de cette fillette en dit long sur la douleur irakienne.
Une rock-star qui a su surexploiter le «star système» pour en tirer le meilleur parti.
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LE SPORT LOIN DE LA POLITIQUE
INTERÊT PUBLIC Pour sortir le MJDS de la léthargie dans laquelle il est plongé depuis des lustres, rien ne vaut le défi d’un processus de dépolitisation aussi clair que définitif. Le département en charge de la promotion du sport, toutes disciplines confondues, ne devrait plus obéir aux luttes entre chapelles politiciennes, mais assumer la mission publique dont il est investi. Pour endiguer le risque politique, une agence serait mieux indiquée.
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SPORT MINISTÈRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS
UNE CALAMITÉ PUBLIQUE Par : Yahya Saïdi
Le département gouvernemental dit ‘’Ministère de la Jeunesse et des Sports’’ s’engouffre de plus en plus dans un labyrinthe indescriptible. L’éviction de son ministre n’est que la partie visible de l’iceberg.
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es dysfonctionnements graves qui ont entaché le retapage du Complexe Sportif My Abdellah sont une bonne opportunité pour repenser le ministère de la Jeunesse et des Sports. Une structure révolue qui ne rime plus avec les besoins actuels du sport moderne ni avec la jeunesse d’aujourd’hui. Son décret de fonctionnement, amendé il y a un an, sert à assouvir des appétits politiciens. Ayant vu le jour depuis le Premier gouvernement postindépendance, sous différentes appellations, ledit ministère a été calqué sur le modèle français datant de la Vème République. Si ce modèle est très développé et s’arrime parfaitement aux évolutions du sport moderne en étant ancré dans les politiques publiques locales, régionales et nationales, au Maroc, le sport a toujours été l’apanage de bureaucrates qui font de quelques exploits sportifs individuels un miroir aux alouettes, cachent à peine le sous-développement qui mine la gouvernance comme la pratique sportive. Même la Lettre Royale sur le sport a été verrouillée par une mentalité « makhzenienne » qui bloque l’émergence des compétences. Dans le début des années 1970, le texte qui régit le Conseil National de la Jeunesse et du Sport avait vu le jour mais sa mise en place et en œuvre sont en suspens jusqu’à aujourd’hui ! Cet organisme qui est présidé par le Roi et scindé en deux directions (Une direction pour la Jeunesse et une autre pour le sport) a pour mission d’élaborer le programme national de développement et du sport et de la Jeunesse. Mais la conjoncture politique de l’époque qui avait été marquée par les deux coups d’Etat avortés a renvoyé ce CNJS aux calendes grecques. N’est-il pas judicieux et opportun de le réactualiser? C’est l’antichambre du MJS, un sacré cadre institutionnel qui mettra le Conseil du Gouvernement devant ses prérogatives constitutionnelles notamment l’article 92. Un Conseil du Gouvernement dont le chef déclare à qui veut l’entendre qu’il ne se mêle pas de la chose sportive. Un Conseil du Gouvernement qui
avait, en juillet 2014, délibéré et adopté la prétendue politique intégrée de la Jeunesse, élaborée par la tutelle en reléguant le sport au second plan bien que ce secteur soit constitutionnalisé. Une politique intégrée de la Jeunesse dont le financement a vu des dysfonctionnements graves et sans que le Conseil National de la Jeunesse tel qu’il est constitutionnalisé n’ait été mis sur pied. Le MJS est l’un des ministères les mieux décentralisés. Ses délégations provinciales ou préfectorales coûtent trop cher aux contribuables pour ne générer que la sinistrose. Le sport est loin d’être l’une des priorités des politiques publiques locales. Même si les collectivités territoriales avaient été interpellées par feu Hassan II lors d’un colloque national, organisé à Meknés en 1986, pour promouvoir le sport par l’investissement dans l’infrastructure sportive, rien ne fut fait. Collectivités interpellées, une dernière fois, dans la Lettre Royale sur le Sport. Résultat : on a construit des ghettos urbanistiques en accordant des dérogations aux rapaces de l’immobilier. La complicité du MJS est d’autant plus déconcertante car ce sont des centaines de dérogations (main levée) qui ont été accordées aux spéculateurs. Et le pire, c’est que le ministère a cèdé jusque son propre foncier à des magnats pour construire des supermarchés. Changer de ministre est de la poudre aux yeux. A force de confier ce ministère à des partisans de la politique politicienne et à force de faire appel à des profils qui ne correspondent pas aux missions dont ils ont été investis, le MJS demeurera une calamité publique. Le bon sens exige sa transformation en un organisme public autonome, une sorte d’agence étatique ou d’office. Et comme étape de transition, tout en attendant son abrogation, le MJS a besoin pour le moment d’un technocrate polytechnicien qui doit avoir le courage politique pour nettoyer les écuries d’Augias.
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SPORT LA LOI 30-09 RELATIVE À L’EDUCATION PHYSIQUE ET AUX SPORTS
UNE LOGORRHÉE LÉGISLATIVE Par : Yahya Saïdi
En matière de législation du sport au Maroc, l’ordonnancement juridique public est l’une des anicroches qui est derrière le désordre normatif dans lequel se morfond le mouvement sportif. Radioscopie d’une logorrhée légissportive qui n’a jamais dit son nom.
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otre magazine, ‘’PERSPECTIVES MED’’, revient pour la énième fois sur la tragi-comédie de l’arsenal législatif qui régit le sport marocain. Mal faite, mal conçue, mal élaborée sans obéir aux canons de la légistique, la loi 30-09 dite de l’Education Physique et des Sports constitue un Grand blocage pour l’Etat comme pour le mouvement sportif (Associations, Ligues régionales ou professionnelles ainsi que les fédérations sportives). Il faut rappeler d’abord que l’aggiornamento juridico-sportif est l’une des recommandations principales du grenelle de Skhirate en octobre 2008 voire de la Lettre du plus sport, la Lettre Royale, qui est restée lettre morte à cause de la nonchalance de l’Exécutif gouvernemental.
LE FOUILLIS LÉGISLATIF DANS LEQUEL EST ENGLUÉ LE SPORT EST VAIN
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Outre les incohérences qui altèrent la loi 30-09, cette dernière est inconstitutionnelle et anticonstitutionnelle. Son inconstitutionnalité réside dans le fait que cette loi a vu le jour avant la nouvelle constitution de 2011 : Elle a pour fondement la Constitution de 1996. Anticonstitutionnelle car la configuration de la loi 30-09 est trop bureaucratique, interventionniste et incohérente par rapport à la nouvelle constitution, notamment les articles 12 et 26. Ce sont ces deux articles qui sont cohérents avec la législation des ONG sportives internationales alors que la loi 30-09 est marquée par son déphasage. Ce qui a compliqué la situation, c’est le fait de constater que les textes réglementaires nécessaires pour l’entrée en vigueur de la loi 30-09 et de son application, n’ont pas été publiés au Bulletin Officiel et sont encore bloqués dans les tiroirs du ministère de la Jeunesse et des Sports. L’ex-ministre de la Jeunesse et des Sports, Mohammed Ouzzine, avait beau prétendre que le blocage est au niveau du SGG (Secrétariat Général du Gouvernement). Ce qui est archifaux car le SGG a notifié les 17 arrêtés ministériels à Moham-
med Ouzzine pour les contresigner quelques semaines après son installation, ministre de la Jeunesse et des Sports. Ces textes réglementaires avaient été auparavant transmis au SGG par le prédécesseur de Mohammed Ouzzine, Moncef Belkhayate. Ce blocage est dû aussi au lobby de la vielle garde du CNOM (Comité National Olympique) en l’occurrence son président qui siège à la tête du mouvement olympique marocain depuis 1993 sans légalité ni assemblée générale depuis septembre 2005 voire sans statuts validés par le CIO (Comité International Olympique) et adoptés lors d’une assemblée générale extraordinaire. La logorrhée législative ulcère aussi les associations sportives, la base de la pyramide fédérale du fait de la non-promulgation du texte réglementaire inhérent aux statuts-types et à l’agrément. Depuis deux ans, le MJS a acculé les associations sportives à approuver les statuts des fédérations sportives sans qu’elles soient préalablement (Les associations) astreintes à procéder à la refonte de leurs statuts. Ce qui est révoltant et face à cette situation ubuesque, aucun des députés des deux chambres n’a osé soulever ce désordre par le biais de questions orales ou écrites pour mettre le ministre de la Jeunesse et des Sports devant ses responsabilités. Voilà en quelques maux, la pétaudière législative du Sport au Maroc où l’omerta de l’Exécutif et du législatif est flagrante.
QUE D’ABERRATIONS LORSQUE L’EXÉCUTIF N’EST PAS CONTRÔLÉ
GOUVERNANCE ‘’K’’ DU FOOTBALL A la FRMF (Fédération Royale Marocaine de Football), on a souvent argué à tort ou à raison l’arme de la FIFA. L’année dernière, l’élection du Comité Directeur Fédéral a vu son annulation du fait que les statuts de la FRMF ont été adoptés sans avoir été validés en amont par la FIFA qui exige la mise en conformité des statuts de chaque fédération nationale avec les statuts standards. Pour contourner la loi 30-09 qui exige l’approbation des statuts des fédérations sportives par le ministère de la Jeunesse et des Sports (Articles 23 et 25) et pour se soumettre au dictat de la FIFA, les concepteurs des statuts de la FRMF ont esquivé de faire référence explicite à cette loi 30-09 dans l’article Premier en se contentant de légiférer que la FRMF est une association fondée et régie par la législation en vigueur du Royaume. On n’y a même pas fait référence aux statuts standards de la FIFA. Mais quand on a élaboré récemment les statuts de la LNFP (Ligue Nationale Professionnelle de Football), les concepteurs se sont, sans aucune équivoque, référés au dahir des libertés publiques du 15 novembre 1958 (Amendé et complété en octobre 2002) et au dahir portant loi 30-09 relative à l’Education Physique et aux Sports. Devant des associations sportives qui n’ont pas mué en sociétés sportives (Article 15), des statuts d’une ligue professionnelle qui n’a pas l’objet d’une validation institutionnelle du MJS, de l’élection définitive du Comité Directeur Fédéral de la FRMF (Reste encore sept postes à pourvoir) qui demeure en queue de poisson, de la double représentativité des représentants des associations de Botola Pro (1 et 2) au sein de l’organe directeur de la FRMF et de la LNFP, de la Loi 30-09 qui n’explicite pas que le tiers des membres de la LNFP, coopté par le président de la FRMF, doit être neutre (Article 37 exige à tout membre éligible d’être issu d’une association sportive ou d’une société sportive), devant autant d’incohérences, les décideurs de la FRMF persistent à prêcher dans le désert et font du commérage leur cheval de Troie. C’est la Sainte ignorance face à un Etat qui cautionne les dérapages sur fond d’une législation sportive lézardée et biaisée.
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SPORT ATHLÉTISME
RABAT A DÉSORMAIS SON MARATHON Par :Yahya Saïdi
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abat, une des quatre villes impériales majestueuses du Royaume, Rabat, la capitale et cela lui suffit, aura enfin son marathon international. L’annonce de l’organisation officielle du MIR (Marathon International de Rabat), le 19 avril prochain, a récemment été faite par la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme lors d’une conférence de presse. Une fédération qui a tout préparé pour réunir tous les ingrédients dans les normes et standards internationaux en commençant par le commencement : L’homologation du parcours (42,195 km) voire le semi-marathon (21, 097 km) par l’AIMS (Association Internationale des Marathons et des Courses Distance). Une copie de la certification de l’AIMS et d’autres documents ont été communiqués à la presse. Répondant à une flopée de questions de journalistes, Ahmed Ettanani, Directeur Technique National qui est en même un juge ITO de l’IAAF,
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et Khalid Regoug, Directeur de l’organisation des compétitions de la FRMA, ont fourni moult détails quant à l’organisation de la Première édition du MIR. Un évènement international de la course à pied qui concorde avec l’autre Grand évènement international, le MIM6 (Meeting International Mohammed VI) qui est déjà au panthéon des meetings internationaux et un rendez-vous annuel incontournable du calendrier de l’IAAF (Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme). Le MIR est une compétition sportive internationale qui contribuera non seulement à la vulgarisation de la pratique de l’athlétisme, le carrefour des sports, mais aussi au rayonnement de l’image de marque de Rabat, la capitale impériale, à l’instar du festival ‘’Mawazine’’ et du Meeting International Mohammed VI, deux évènements phares dont l’impact est incommensurable. Deux choses importantes sont essentielles pour réussir un marathon international : Un chrono en moins de 2 h 10 mn et un nombre d’athlètes à l’arrivée, proportionnel au nombre d’athlètes au départ. Comme quoi, c’est l’arrivée qui fait le marathon et non le départ. La FRMA qui en a l’expertise y a certainement mis le paquet pour remporter ce défi.
12 ÈME CHAMPIONNATS D’AFRIQUE D’ATHLÉTISME DES JUNIORS
DES CADETS AU PODIUM
Par : Y.S
Le bilan de la participation marocaine à la 12 ème édition des championnats d’Afrique d’Athlétisme des Juniors qui a eu lieu en Ethiopie est honorable à plus d’un titre. Chez les filles comme les garçons, les athlètes marocains ont fait bonne figure.
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n engageant uniquement 11 athlètes (5 filles et 6 garçons), les juniors marocains se sont distingués sur les épreuves techniques en particulier. Il y a comme un parfum du bilan de l’athlétisme national aux 19 èmes Championnats d’Afrique des séniors que Marrakech avait abrités en août de l’an dernier. 8 ème avec 1 or, 1 Argent et trois Bronze au classement général par médailles sur 15 pays médaillés et 6 ème au classement général par point sur 32 pays ayant pris part à ces championnats, les juniors marocains n’ont pas démérité. La plupart de ces athlètes juniors participent pour la première fois à une compétition internationale. Il y a même ceux qui sont encore à l’âge des cadets (ttes) à l’image de Mouhssine Khoua, médaillé d’or du saut en longueur (7,45 m), Nahid Klilou, médaillée d’argent au saut à la Perche, El Alaoui Fatima Zahra, cinquième avec 1,65 m au saut-hauteur, Samira Addi, sixième au lancer du marteau ( 45,87 m/le poids du marteau est de 4 kg pour les juniors et de 3 kg pour les cadettes)… Ce sont donc des cadets (ttes) surclassés qui ont brillé de mille feux aux Championnats d’Afrique d’Athlétisme des Juniors et qui sont promis à un bel avenir. Une nouvelle relève, une nouvelle génération en gestation. Et dans les concours, ces épreuves techniques, auxquelles le public marocain n’a pas été habitué. La prétendue épopée d’exploits individuels à l’échelle mondiale et olympique sur le demi-fond et le fond mériterait-elle d’être évoquée si l’AMA (Agence Mondiale Anti-dopage) existait ? Et si aussi le contrôle anti-dopage existait à la FRMA comme aujourd’hui ? Notre magazine ‘’PERSPECTIVES MED’’ en avait déjà fait état à maintes reprises dont notre investigation publiée dans l’édition de mars 2010 avec des arguments irréfutables.
MOHAMMED OUZZINE
DINDON DE LA FARCE ? En grande manchette, et à la ‘’Une’’ d’un quotidien arabophone, libre mais pas indépendant, on a lu récemment un drôle d’article innocente Mohammed Ouzzine dans le scandale du Complexe Sportif My Abdellah. Ce quotidien dont le directeur n’avait pas lésiné sur les moyens pour fustiger M. Ouzzine et son parti politique prétend que le rapport de l’enquête de l’Intérieur absout le ministre et incrimine sept fonctionnaires. Cette information frise le ridicule car aucune référence n’est faite au rapport qui se contente de citer des sources bâtardes. L’article servirait la soupe au Chef du gouvernement pour nommer un ministre du MP (Mouvement Populaire). Cette information contredit même le communiqué du Cabinet Royal qui n’a pas fait dans la dentelle en appelant les choses par leurs noms tout en soulignant l’établissement de la responsabilité administrative et politique du ministère de la Jeunesse et des Sports. Comme il n y a pas de fumée sans feu, pourquoi Mohammed Ouzzine a été déchu de son poste ministériel ? Qui est le premier responsable politique et administratif du MJS si ce n’est pas M. Ouzzine ? A en croire ce quotidien, ce sont les autres, tous les autres et peut être même la pluie qui s’était abattue sur la pelouse du Complexe Sportif My Abdellah. Et entre ce qui a été écrivaillé dans ledit quotidien et ce que prétend M. Ouzzine, c’est du pareil au même. Qui empêche le chef du gouvernement de rendre publics ces rapports d’enquête pour couper court aux bilaneurs, ces colporteurs de l’intox, et aux conciliabules partisans ?
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CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE
DU CLAIR OBSCUR
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ls croyaient qu’un El Khalfi du PJD en valait deux. Et qu’un Mustapha, « élu parmi les élus », méritait amplement son statut… De ministre de la Com. Toutefois, il faut convenir que l’ex-journaliste qui sommeille en lui semble avoir été rabougri par la maroquinerie du poste qu’il occupe depuis ces dernières années. Au lieu de briller par une expertise acquise au prix des efforts que dicte la nouvelle fonction qu’il a été chargé d’assumer, le jeune bougre du PJD semble abattu. Alors, lessivé le porte-parole du gouvernement ? En tout cas, pour les Marocains qui ont suivi sa prestation dans les studios d’Europe-1, tout paraît clair. Ses réponses ne brillaient pas par leur décalage, ils suintaient la peur de dire un mot de trop qui nourrirait quiproquos et plongerait les relations maroco-françaises, fraîchement redynamisées, dans les abîmes de l’incompréhension. El Khalfi, le pauvre, a subi sur antenne les affres de la contrition. On le sentait sous une forte pression d’autocensure qui ne lui a pas laissé l’onde d’une quelconque saillie susceptible d’exprimer, au mieux, le savoir-faire du ministre, la technicité d’un Mustapha dont les écrits ne manquaient pas de cohérence. Le brillant contradicteur, formé à l’école de la joute islamiste, doublé du trublion des plateaux télé locaux, à chaque fois mobilisé pour tenir la dragée haute à ses contradicteurs, aussi solides soient-ils, fut l’ombre de lui-même. A le voir gesticuler face au micro, intimidé par un journaliste de talent qui n’en a pas perdu une pour ridiculiser son hôte, et il excelle dans l’exercice, l’invité El Khalfi aura pêché par un excès de confiance. Ca se voyait qu’il n’avait pas préparé ses dossiers, ni assimilé les contours de rapports diplomatiques qui ne manquent pas d’épaisseur, pour se sortir de l’ornière dans laquelle il s’est enfermé. Non seulement on a eu droit à une piètre pres-
L’ENFANT PRODIGE DU PJD, PROPULSÉ MINISTRE DE LA COM’ N’EST PAS À SON PREMIER RATAGE
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Par : Ouled Riab
tation où le discours ampoulé n’avait d’égal que l’amas de sciures d’une langue de bois surannée, mais on avait l’impression que l’on assistait à une mise à mort en bonne et due forme d’un ministre par trop politique. Qui a dit que le ridicule ne tuait pas ? C’est clair ? Ne nous attardons pas sur l’improvisation d’une telle saille radiophonique qui fera date dans la carrière du ministre. Pour dire, tout simplement, que toute mission d’intérêt public ne doit souffrir d’aucun à-peu-près. Car en politique, tout est jaugé au micron près. Encore heureux que le porte-parole eut la présence d’esprit de recadrer le débat sur le dossier épineux de la torture dans le pays. Sans quoi, on imagine le reste… Quoi qu’il en soit, la sortie médiatique du ministre de la com verse dans le clair-obscur. De bout en bout, les bribes de réponses apportées aux questions d’un professionnel habitué à désarçonner ses invités n’ont pas dérogé à la règle. Bref, s’il y a une conviction que l’on partage avec El Khalfi, c’est bien celle qui consiste à se dire qu’il faut laisser au futur la charge de gérer au mieux les relations franco-marocaines. Réponse de haut vol. Sans commentaire! Quant à l’atterrissage sur la scène maroco-marocaine, les acteurs des médias n’ont qu’à oser prendre le ministre au mot lui qui a assuré être au service des journalistes. On veut bien le croire, ce coup-ci. Sauf que l’affirmation est des plus tordues dans la bouche du ministre PJD. Lui qui sait que le chiffre d’affaires réalisé par les entreprises de presse a été divisé par deux par le seul déficit de la communication des organismes publics. Ceux qui courtisent des titres sans les autres. Tant il est aisé d’en conclure que le processus d’engraissement publicitaire se fait en fonction du degré de proximité. Oh la barbe ! Voilà une occasion à ne pas rater pour qu’un réel « cahiers des charges » puisse être défini pour les entreprises de presse qui plus est bénéficient des deniers publics. Est-ce clair ? In fine, rien ne vaut l’autocritique. Le ministre islamiste peut toujours se rattraper via un coaching du meilleur effet. Les officines pour ce faire ne maquent pas. Pour le reste reste, on dira au ministre que rien ne l’empêche de bien faire. Alors, « cause toujours !»
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