DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°105
DAECH
PEUR GLOBALE Le danger Daech n’est plus circonscrit dans une seule zone. Il est partout. Paris, ville des lumières, a focalisé les sunlights après les horribles attentats concomitants qui l’ont frappé le vendredi 13 novembre. Aux innocentes victimes de l’Ile-de-France s’ajoutent les Russes du Sinaï, les Libanais de la banlieue sud de Beyrouth, les Tunisiens de la garde présidentielle... Longue est la liste macabre qui porte l’estampille Daech. Le Maroc, menacé, s’est sérieusement mobilisé. Le danger reste immanent.
Novembre 2015
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ÉDITORIAL
HAREM POLITIQUE
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ALLAL EL MALEH
lle nous manque déjà, Fatima Mernissi, cette figure inaltérable d’une pensée progressiste pour un Maroc plus ouvert, plus démocratique et plus tolérable. Cette battante qui a travaillé sur l’Islam, à sa manière de faire dans l’exégèse, disparaît de la scène avec ses idées chevillées au corps. Elle n’a jamais fait la moindre concession dès lors qu’il s’agissait d’aborder la situation complexe de la femme en cette terre d’Islam, un terrain qui devient vite miné dès lors que le dogme est soumis sous le feu de la critique. Nul besoin de rappeler, ici, que ses aficionados continuent à battre le pavé pour que l’égalité puisse être érigée en système normalisé, coupant court aux remugles d’une pensée par trop régressive et éminemment surannée. On l’aura moins vue ces derniers temps marqués, il faut le dire, par une « islamisation» de la société, processus au chevet duquel se pressent tout ce que compte le pays comme courants conservateurs. Mais il faut croire que l’héritage qu’elle lègue, et il fait partie intégrante de cette offre idéelle que ses pires ennemis qualifient de « culture hors sol », ne souffrira guère une quelconque partition. Hommes et femmes sont égaux devant l’initiation à la culture de l’égalité. Voilà une disparition qui doit être mise à profit par tous les partisans du juste combat sociétal pour la noble idée de la parité mise à mal par l’aveuglement d’une pensée plus activiste dans son suiviste qu’autre chose. Car c’est en ne cédant pas sur ce combat-là que l’on témoignera de la survivance d’un mode de pensée adapté au Maroc du troisième millénaire. Un pays où il fait bon vivre dans un esprit de grande tolérance qui n’exclut ni Adam ni Eve. Un pays qui accepte les critiques pour ce qu’elles sont, une simple expression de la dissension prise en charge par la démocratie dans ses processus de consolidation. Car à bien scruter l’évolution de la société traversée par des courants aussi forts que contradictoires, il se trouve que l’on peine des fois à voir clair dans le jeu de ceux qui, portés par les urnes, sont appelés à gérer les affaires du pays, c’est à dire des ces 33 millions de citoyens dont il faut s’enorgueillir. Et l’un des derniers exemples de cette marche forcée à contre-courant nous provient de Khouribga où une député du PJD qui cumule aussi le mandat de vice-présidente de la municipalité a procédé à la destruction au bulldozer d’une scène de rap. Un comble de la surdité dont font preuve ceux qui prétendent défendre les mœurs de la société en rendant inaudibles tout ce qui fait la richesse culturelle du pays. Nul besoin de faire le parallèle avec les apprentis sorciers de Tora Bora et de leurs affidés qui frappent la musique de l’interdit tout en faisant tout un boucan quant à ce qui est réservé par la puissance divine aux adorateurs des notes : l’ensevelissement sous terre et la transfiguration en singes et autres porcs. N’est pas Ziryab qui veut ! L’affaire est assez sérieuse pour qu’on s’y attarde par ces temps difficiles par lesquels le pays passe, entre menaces daéchiennes jugées crédibles, au point de mobiliser toutes les forces de sécurité, et errements d’un personnel politique en mal d’inspiration. La députée PJD fait gommer par un tel acte tout le processus enclenché par A. Benkirane pour rassurer les uns et les autres, quitte à danser lors des meetings, quant au caractère « normal » de son parti. Et bat le rappel quant aux véritables desseins recherchés par cette formation politique : une entité qui veut s’assurer de son hégémonie culturelle et cultuelle. Et dire que le cahier des charges pour l’audiovisuel a été mis entre parenthèse… L’heure est à la mise au point avec cette famille politique qui entend régenter la vie des Marocains en leur édictant ses propres règles d’une prétendue « vertu ». Le pays est-il à ce point maculé et fragile pour interdire la création de toute nature qu’elle soit ? L’affaire a tout pour relever d’un précédent grave qui s’ajoute aux chapelets de provocations déjà constatés. Laissera-t-on faire ? A. Benkirane doit agir auprès de son « harem politique » par trop rétrograde.
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POINTS CHAUDS
LE MAROC CONTRE DAECH
TOUS LES FRONTS SONT BONS…
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SOMMAIRE 15
CHRONIQUE
Le potentiel de nuisance de Daech Le Maroc échaudé
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CHRONIQUE
Vécu ici Soudain, l’horreur !
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MAGHREB
L’Algérie dans la tourmente Le système se délite
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ÉCONOMIE
Le CMC critique le budget Effets limités
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POINTS CHAUDS
Bonjour les dégats Un ministre pressé
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MONDE
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MONDE
La recomposition du Proche-Orient l’Europe, auxiliaire des usa
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NATION
Dérives droitières en France Du sang et des larmes
Dossier saharien Les nouveaux défis de C. Ross
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ÉCONOMIE
PANORAMA
40
Europol échaudé Sérieuses menaces
PLF 2016 Des budgets et des maux
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ÉCONOMIE
ÉCONOMIE
Propositions de l’ASMEX Garantir la compétitivité fiscale
46
LOF Le pied à l’étrier…
ÉCONOMIE CULTURE
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ÉCONOMIE
FMI/ Maroc Les bonnes notes
39 65 78 88
DOSSIER DU MOIS SPORT
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ÉCONOMIE
Transition démographique Des chiffres et des rides
66
COP21
Ambitions durables du Maroc Viser l’économie verte
70
74
COP21
76
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CULTURE
81
82
COP21
COP21
Préservation de la biodiversité Gestion des déchets dangereux L’IRESEN fait le plein de projets durables L’eau au centre de tous les défis Décontamination des PCB à Bouskoura La course à la R&D
CULTURE
Boualem Sansal Souffle orwelien en Abistan
89
SPORT
Sport et lutte contre le dopage Le tonneau des danaïdes
SPORT
Les revirements d’A. Glucksmann Girouette ou Don Quichotte ?
Scandale « Laurent-Graciet » De l’écrivain et du maître-chanteur
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CHRONIQUE
SPORT
Sport et Collectivités Territoriales Les enjeux biaisés
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Juste pour rire Mentholée et amère, la pilule!
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI| RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ISSRAE TAYBI/PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES
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ENTENDU DIANA HOLDING VISE LOIN
UNE PLATE FORME À TFZ
BVC
ENFIN L’OUVERTURE DU CAPITAL
DIANA HOLDING ET LE GROUPE
TRÈS ATTENDU PAR LE GOTHA DES PROFESSIONNELS DE LA FINANCE AU MAROC, LE SCHÉMA D’OUVERTURE DU CAPITAL DE LA BOURSE DE CASABLANCA A ÉTÉ PRÉSENTÉ MERCREDI 25 NOVEMBRE LORS D’UNE CÉRÉMONIE PRÉSIDÉE PAR LE MINISTRE DE L’ECONOMIE ET DES FINANCES. UN MÉMO D’ENTENTE RELATIF À L’OUVERTURE DU CAPITAL DE LA SOCIÉTÉ DE BOURSE A ÉTÉ SIGNÉ ENTRE L’ETAT, LE CDVM, LES ACTUELS ACTIONNAIRES DE LA BVC, EN L’OCCURRENCE, LES SOCIÉTÉS DE BOURSE, LES FUTURS ACTIONNAIRES, NOTAMMENT, LES BANQUES ET ENTREPRISES D’ASSURANCES, LA CAISSE DE DÉPÔT ET DE GESTION (CDG) ET CASABLANCA FINANCE CITY AUTHORITY. CETTE RÉFORME DEVRAIT DONNER UN NOUVEAU SOUFFLE À LA PLACE NE MAL DE LIQUIDITÉS. KARIM HAJJI, DG DE LA BVC, PEUT ENFIN SOUFFLER.
DEVANT CONSTITUER UN NOYAU
CASTEL ONT FORMÉ UN CONCERT DUR D’ACTIONNAIRES ENGAGÉS SUR LE LONG TERME AU SERVICE DE BELVEDERE/MARIE BRIZARD WINE & SPIRITS, AVEC LE PROJET DE LE PLACER DANS LE « TOP TEN» MONDIAL DU SECTEUR DES VINS ET SPIRITUEUX À L’HORIZON DES CINQ À DIX ANS. UN PLAN « BIG 18 », ÉLABORÉ PAR JEAN-NOËL REYNAUD ET SES ÉQUIPES, É ÉTÉ CONCOCTÉ DANS CE SENS. ET DEVRAIT BÉNÉFICIER DES RÉSEAUX DE DIANA HOLDING ET DU GROUPE CASTEL POUR INVESTIR DE NOUVELLES ZONES À FORT POTENTIEL DE CROISSANCE, NOTAMMENT EN AFRIQUE ET EN ASIE. DÉJÀ, LA MISE EN SERVICE PAR DIANA HOLDING D’UNE PLATEFORME LOGISTIQUE SUR LA ZONE FRANCHE DE TANGER, À DESTINATION DES MARCHÉS AFRICAINS, AURA UN IMPACT CERTAIN SUR LE DÉVELOPPEMENT COMMERCIAL DE BELVEDERE/ MARIE BRIZARD WINE & SPIRITS. EN TOUT CAS, GHITA ZNIBER NE CACHE PAS SES AMBITIONS DE CROISSANCE VOLONTARISTE.
CRISE DE LA SAMIR
LEVÉE DE FONDS RÉUSSIE
LE CAM CONFIANT Le Groupe Crédit agricole du Maroc vient de clôturer avec succès son émission obligataire lancée récemment. Le CAM réussit non seulement un galop d’essai, mais un véritable test de confiance. En effet, pour une levée de 900 MDH sur une durée de 7 ans, la demande des investisseurs a dépassé les 2 milliards de dirhams. Ce ne sont pas moins d’une vingtaine d’institutionnels et sociétés de gestion qui ont réussi à souscrire à cette opération. A travers cette sortie sur le marché de la dette privé, le CAM vise à couvrir ses besoins de trésorerie en prévision des remboursements des emprunts financiers arrivant à échéance. Mission réussie pour T. Sijilmassi et ses équipes. 6
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VERS LE REDRESSEMENT JUDICIAIRE
Rien ne va plus à la Samir. Les différents protagonistes continuent de faire endosser la responsabilité de la bérézina les uns aux autres. S’exprimant mardi 24 novembre devant la Chambre des conseillers, le ministre de L’Energie, Abdelkader Amara, a assuré que « l’unique solution du problème de la Samir passait impérativement par le règlement de ses dettes ». Un jour auparavant, le top management de la filiale de Corral Petrolium a connu un éclatement sans précédent. Après la démission d’un actionnaire important tel que le Patron de Holmarco, Mohamed Bensalah, du conseil d’administration, Amoudi a été cette fois lâché par ses quatre directeurs de pôles. Ces derniers ont, après l’envoi d’une lettre au Cheikh le 13 novembre dernier, adressé, le jeudi 19, une lettre aux trois ministères qui gèrent le dossier (Intérieur, Energie et Finances). N’ayant pas honoré son engagement d’injecter 6,7 Mrds Dhs dans le capital de sa filiale avant le 15 novembre, Ammoudi, qui s’est vu de plus en plus seul après la désolidarisation de son top management, avait déposé une demande d’ouverture d’un redressement judiciaire auprès du tribunal de commerce de Casablanca. La balle est donc dans le camp du président du tribunal qui devrait décider sur la recevabilité de la demande. En attendant, le collectif des salariés de la raffinerie ne désarme pas…
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ENTENDU EDUCATION NATIONALE
R. BELMOKHTAR SUR LA SELLETTE ! RACHID BELMOKHTAR, MINISTRE DE L’EDUCATION NATIONALE, ESSUYE DES TIRS DE PARTOUT. NON SEULEMENT PARCE QU’IL A FAIT PREUVE DE LÉGERTÉ À L’ENDROIT DES ÉLUS DE LA NATION, À LA CHAMBRE HAUTE, LES MAROCAINS L’ONT VU ROICANER EN RELUQUANT SON GSM ALORS QU’UNE CONSEILLÈRE S’ÉPOUMONNAIT POUR FAIRE ENTENDRE SES CRITIQUES AU SYSTÈME ÉDUCATIF, MAIS PARCE QU’IL NE CONSLTE PERSONNE POUR FAIRE AVANCER « LA RÉFORME ». LE PJD VIENT DE L’ÉPINGLER À CAUSE DE LA CIRCULAIRE ADRESSÉE AUX RECTEURS D’ACADÉMIES RÉGIONALES POUR LEUR ENJOINDRE D’ENSEIGNER LES MATIÈRES SCIENTIFIQUES DE MATHÉMATIQUE ET DE PHYSIQUE EN LANGUE FRANÇAISE POUR LES DEUX CLASSES FINALES DU SECONDAIRE, À PARTIR DE LA RENTRÉE SCOLAIRE PROCHAINE. IL N’EN FALLAIT PAS PLUS POUR QUE LES ÉLUS LUI VOLENT DANS LES PLUMES. EN PARTICULIER CEUX DU PJD. M. YATIM NE L’A PAS RATÉ EN LUI RAPPELANT QUE L’INTRODUCTION DU FRANÇAIS COMME LANGUE D’ENSEIGNEMENT VA À L’ENCONTRE DES ORIENTATIONS PRISES PAR LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE L’EDUCATION QUI A RECOMMANDÉ QUE LE FRANÇAIS SOIT LA PREMIÈRE LANGUE ÉTRANGÈRE ENSEIGNÉE, MAIS NE L’A PAS IDENTIFIÉE COMME LANGUE D’ENSEIGNEMENT. PLUS, LE SYNDICALISTE ATTITRÉ DU PJD A INTERPELLÉ LE MINISTRE SUR LES RESSOURCES HUMAINES POUR CE FAIRE. SUR LES 128.000 ENSEIGNANTS EXERÇANT DANS LE SECTEUR DE L’ENSEIGNEMENT PRIMAIRE, SEULS 60.000 SONT FORMÉS EN ARABE ET EN FRANÇAIS, ALORS QUE LE RESTE NE PRATIQUE QU’UNE SEULE LANGUE. N’ESTCE PAS LÀ LA RÉVÉLATION MÉDIATIQUE FAITE PAR LE MINISTRE HIM SELF ?!
Les amateurs de la bonne chair n’ont qu’à se ronger les doits jusqu’à l’os. Ce qu’ils mangent, d’après l’ONSSA, ne répond à aucune norme puisque sur les 179 abattoirs que compte le Maroc, un seul établissement est conforme à ses normes. De quoi virer végétarien !
LA SANTÉ EN ÉBULLITION
S’IL Y A UNE SEULE SATISFACTION QUE PEUT TIRER LE MINISTRE DE LA SANTÉ LHOUCINE LOUARDI, C’EST QU’IL A TENU PAROLE EN CE QUI CONCERNE LA DOTATION DU MARCHÉ DU MÉDICAMENT MIRACLE, ET À PETIT PRIX, CONTRE L’HÉPATITE C. EN EFFET, LE “SOFOSBUVIR“ MAROCAIN SERA MIS EN VENTE À PARTIR DU 10 DÉCEMBRE ET À 3.000 DH SEULEMENT LA BOÎTE. MAIS POUR LE RESTE, LES SYNDICATS SE CHARGENT DE LE RAPPELER À LA TRISTE RÉALITÉ QU’ENDURE LE SECTEUR DONT IL A LA CHARGE. CDT, FDT ET UGTM ONT ORGANISÉ DES SORTIES DANS 77 VILLES DE 63
LHOUCINE LOUARDI DÉBORDÉ
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PROVINCES. LE PERSONNEL DE LA SANTÉ A FAIT PART DE SES REVENDICATIONS LATENTES : MISE À NIVEAU DU STATUT DES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ, MISE EN APPLICATION DE L’ACCORD DE JUILLET 2011 ET RÉVISION DES INDEMNITÉS SUR LES GARDES. LA SANTÉ RESTE LE PARENT PAUVRE AU NIVEAU DES BUDGETS QUI LUI SONT ALLOUÉS ET DU DÉFICIT CHRONIQUE EN RESSOURCES HUMAINES. «LE PAYS NE DISPOSE QUE DE 50.000 PERSONNES DÉDIÉES AU SECTEUR DE LA SANTÉ; SOIT 10.000 MÉDECINS, 27.000 INFIRMIERS, SANS COMPTER LE PERSONNEL ADMINISTRATIF. C’EST UN NOMBRE TRÈS INSUFFISANT POUR 37 MILLIONS D’HABITANTS», RAPPELLE DR CHENNAOUI.
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ENTENDU PRESSE US
VENT DE SOLIDARITÉ ATLANTIQUE “LE CHAMP DE LIBERTÉ D’EXPRESSION AU ROYAUME A DRASTIQUEMENT RÉGRESSÉ AU COURS DES DEUX DERNIÈRES ANNÉES”. LE VERDICT EST CINGLANT DE LA PART DU WASHINGTON POST QUI EN VOIT LA CONSÉQUENCE DES CAMPAGNES DE”RÉPRESSION MENÉES PAR LES AUTORITÉS À L’ENCONTRE DE LA SOCIÉTÉ CIVILE ET DES JOURNALISTES”. LE CAS DE JOURNALISTES ET ACTEURS ASSOCIATIFS MAROCAINS POURSUIVIS ACTUELLEMENT EN JUSTICE, DONT MAATI MOUNJIB ET HICHAM MANSOURI, SONT CITÉS PAR L’ÉDITORIALISTE QUI APPELLE À ABANDONNER LES POURSUITES DONT ILS FONT LES FRAIS. LE QUOTIDIEN AMÉRICAIN A SUIVI EN CELA LE NEW YORK TIMES QUI AVAIT COMMIS UNE TRIBUNE DE LA MÊME VEINE. LE ROYAUME N’A-T-IL PLUS BONNE PRESSE AUX USA ?
RÉSULTATS DES COMMUNALES
LES DÉTAILS QUI DÉRANGENT
AU PARLEMENT, MOHAMED HASSAD, MINISTRE DE L’INTÉRIEUR, A ÉTÉ PRIS AU DÉPOURVU PAR UNE QUESTION AU SUJET DE LA PUBLICATION DES RÉSULTATS DÉFINITIFS ET DÉTAILLÉS, COMMUNE PAR COMMUNE, PARTI PAR PARTI, EN NOMBRE DE VOIX OBTENUES, DES ÉLECTIONS DU 4 SEPTEMBRE DERNIER. RÉPONDAIT À DIFFÉRENTES QUESTIONS PORTANT NOTAMMENT SUR LA SÉCURITÉ PUBLIQUE, LE MINISTRE DÉSARÇONNÉ N’A PAS TROUVÉ D’AUTRES EXCUSES QUE DE LÂCHER QUE LA QUESTION N’ÉTAIT PAS À L’ORDRE DU JOUR. DOIT-ON EN CONCLURE QU’’IL S’AGITLÀ D’UN SECRET D’ÉTAT ? PO
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PARITÉ
UN SIT-IN EXPRESSIF ! Le réseau des associations de défense des droits des femmes a observé un sit-in devant le Parlement, à Rabat à l’occasion de la célebration de la Journée internationale de lutte contre toutes les formes de violence à l’égard des femmes. Une commémoration qui intervient au moment où le projet de la loi sur l’Instance de parité et lutte contre toutes les formes de discrimination est discuté à la Chambre des représentants. Une loi qui n’est pas du goût des acteurs de la société civile qui se désolent de l’esprit rétrogade ambiant chez les politiciens en charge de promouvoir la parité.
L’HÉRITAGE REVISITÉ PAR A. KHAMLICHI
SORTIR DES DOGMES
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ui a dit que le Maroc ne diposait pas d’oulémas éclairés capables de rabattre le caquet à tous ceux qui s’improvisent gardiens du Temple de la vertu ? Ahmed Khamlichi, directeur de Dar al Hadith al Hassani, fait partie de cette gente qui préfère garder le silence par… vertu. Sauf quand les circonstances exigent de briser le silence pour faire entendre la voix de la modération. Et c’est sur la question de l’héritage, qui anime des débats passionnés, qu’il ose proposer, en marge d’un débat organisé par « Damir », une voie conciliant les deux camps antagonistes. L’héritage est une sorte de rente qu’il faut « repenser », assure Ahmed Khamlichi, connu pour ses prises de sur les grands thèmes socio-religieux qui secouent la société comme l’avortement. Si l’on ne peut interdire ce qui est licite et autoriser ce qui est interdit, en plus de l’interdiction d’interprétation en présence d’un texte explicite, A. Khamlichi ruse en proposant le recours au testament. Même si le testament est prohibé en islam à travers le principe de « pas de legs testamentaire en bénéfice d’un héritier ». Cette idée, selon Khamlichi, était née du principe que le testament est fait par celui qui lègue, qu’il peut donc être injuste et qu’il fallait l’en empêcher. Le directeur de Dar al Hadith al Hassani propose en conséquence que le testament puisse prendre appui sur le verset 180 de sourate al Baqara. « On vous a prescrit, quand la mort est proche de l’un de vous et s’il laisse des biens, de faire un testament en règle en faveur de ses père et mère et de ses plus proches. C’est un devoir pour les pieux », lit-on dans le Coran. Pour Khamlichi, établir un testament pour ses plus proches, comme les personnes à besoins spécifiques, ne relève point du sacrilège. L’orateur a expliqué que cela est déjà fait dans les organismes publics comme la CNSS ou les caisses de retraite qui font bénéficier la veuve de la moitié de la pension de leur époux défunt, en plus des enfants à besoins spécifiques.
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ENTENDU AMENDIS ASSIGNÉE EN JUSTICE
TERRORISME EN CHIFFRES
L’AMDH S’EN MÊLE !
LES MAROCAINS DANS LE LOT
L’AFFAIRE DE LA GESTION DÉLÉ-
Le nombre de djihadistes marocains ayant rejoint le front syrien représenterait au moins 10% du total des contingents étrangers en activité dans ce pays du Levant. Tel est le constat établi, froidement, par Interpol. L’organisation internationale de police a indiqué, au titre de son dernier rapport sur le terrorisme que, sur les 25.000 djihadistes ayant rejoint l’Irak et la Syrie, entre 2.000 et 2.500 personnes sont marocains ou d’origine marocaine. Interpol évoque aussi la multiplicité des sources d’approvisionnement de Daech et d’Al Nosra, entre autres, en djihadistes. Pas moins de 50 pays y ont exporté des combattants. Mais le pire est que mis sous la double pression russe et syrienne, nombreux sont les terroristes qui ont fui les zones de combat. Et c’est leur retour à leur pays d’origine qui donne l’urticaire aux divers services en charge de la sécurité.
FINIT PAS DE REBONDIR. SAUF QUE
GUÉE ACCORDÉE À AMENDIS N’EN CETTE FOIS-CI, CE N’EST PAS DANS LES RUES DES PROVINCES DU NORD OÙ L’IRE DES MANIFESTANTS RÉSONNE TOUJOURS, MAIS AU NIVEAU DES TRIBUNAUX. EN EFFET, L’EX-BÂTONNIER DU BARREAU DE TANGER, ABDESLAM BAKKIOUI, ET L’AVOCAT ABDELMOUMEN RIFAI, ONT DÉPOSÉ UNE PLAINTE, AU NOM DE L’ASSOCIATION MAROCAINE DES DROITS DE L’HOMME (AMDH), CONTRE LA SOCIÉTÉ FRANÇAISE AMENDIS. RELAYÉ PAR LES MÉDIAS, CE RECOURS SE BASERAIT SUR LES DIVERSES DÉCLARATIONS RÉALISÉES LE LONG DU FEUILLETON AMENDIS, ET À L’ÉGARD DESQUELLES LE CHEF DU GOUVERNEMENT, AINSI QUE LE MAIRE DE TANGER POURRAIENT ÊTRE AUDITIONNÉES. L’AMDH SE BASERAIT, ÉGALEMENT, SUR LES RAPPORTS DE LA COUR DES COMPTES, AU TITRE D’UNE MISSION RÉALISÉE EN 2009, ET DANS LAQUELLE LE POINT DE LA PROCÉDURE DE CONTRÔLE DES COMPTEURS A ÉTÉ CRITIQUÉE.
UN MAROCAIN AU PALAIS DE VERRE
DÉLIT DE PRESSE
T. BOUACHRINE DANS LE VISEUR Le couperet vient de tomber ! Taoufik Bouachrine, directeur et propriétaire du journal « Akhbar Al Yaoum » a été condamné par la chambre pénale près du tribunal de première instance de Casablanca, à 2 mois de prison avec sursis, et à des dommages et intérêts qui totalisent 1,6 millions de dirhams. Cette condamnation est liée à la plainte déposée par le directeur général du groupe «Medi Edition», et par le journaliste américain Richard Miniter, par rapport à un article publié par le magazine Forbes en 2012. Diffamation et publication d’informations mensongères sont les charges retenues contre T. Bouachrine qui, pour rappel, n’est pas à sa première comparution devant les tribunaux. Le dernier feuilleton en date l’oppose à Faouzi Lekjaa qui réclame, lui, 1 MDH et d’interdire le directeur du quotidien d’excercer le métier de journaliste. 12
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J. BENOMAR CHOYÉ PAR BAN KI-MOON
Jamal Benomar a été officiellement nommé comme Conseiller spécial du S.G de l’ONU, avec rang de Secrétaire général adjoint. Le diplomate marocain qui officia en tant que médiateur onusien au Yémen avant d’être démis à cause de réserves saoudiennes sur sa personne, aura donc pris sa revanche en confirmant ainsi ses qualités auprès de ses pairs aux Nations Unies. Rien de plus normal puisqu’en rejoigant l’ONU en 1993, J. Benomar y a occupé plusieurs fonctions, au sein du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, au Programme des Nations Unies pour le développement et au Département des affaires politiques. Il a été l’un des bâtisseurs de la Commission des Nations Unies de la consolidation de la paix et du Bureau d’appui à la consolidation de la paix. J. Benomar aurait décliné une offre, apprend-on auprès des médias britanniques, consistant à prendre en charge le dossier libyen en remplacement de Bernardino Leon.
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ENTENDU DÉFAILLANCE D’ENTREPRISES
DE LA CASSE EN PERSPECTIVE L’assureur-crédit Euler Hermes a publié son rapport automnal «Economic Outlook», qui retrace l’état des faillites d’entreprises dans le monde. Euler Hermes s’attend à une envolée des faillites d’entreprises dans les pays émergents durement affectés par la chute des cours des matières premières, la contreperformance de l’économie chinoise et les effets néfastes d’une perspective de hausse des taux d’intérêt américains sur leurs devises. En revanche, Euler Hermes table sur une baisse des défaillances d’entreprises dans les économies avancées où la croissance économique repart comparativement aux années précédentes. Ainsi, États-Unis et Europe occidentale devraient tous deux connaître une baisse de -10 % du nombre de faillites en 2015. Les faillites d’entreprises devraient augmenter en moyenne de 10 % dans la zone Afrique et Moyen-Orient en 2015 et 2016. Quant au Maroc, qui a fait l’objet d’une analyse détaillée, les faillites devraient croitre de + 15 % cette année et de + 10 % l’an prochain selon les estimations des experts de l’assureur-crédit. Ces derniers, à travers une analyse des projections de croissance, suggèrent au royaume de réorienter ses cibles à l’export vers les économies développées qui promettent de belles perspectives.
MÉTIERS DE LA CONSTRUCTION
A CIMENTER
INDUSTRIELS DES MATÉRIAUX DE CONSTRUCTION, ENTREPRISES DE BTP, PROMOTEURS IMMOBILIERS ET CIMENTIERS, SE SOLIDARISENT POUR SORTIR LE SECTEUR DE LA PANNE QU’IL TRAVERSE. DANS CE SENS, ET À TRAVERS LEURS FÉDÉRATIONS RESPECTIVES, ILS SE SONT RASSEMBLÉS DANS UNE INITIATIVE NOMMÉE L’UNION NATIONALE DE LA CONSTRUCTION (UNICO), UNE SUPER ASSOCIATION QUI AURA COMME BUT DE FÉDÉRER LES EFFORTS POUR SORTIR LE SECTEUR DE SA TORPEUR ET DE PRÉPARER, AVEC L’APPUI DU GOUVERNEMENT, UNE STRATÉGIE SUR LE LONG-TERME NOMMÉ «MAROC CONSTRUCTION 2030». PLUSIEURS RÉUNIONS TENUES ENTRE LES DIFFÉRENTES PARTIES PRENANTES, Y COMPRIS AVEC LE MINISTÈRE DE L’INDUSTRIE QUI DEVRAIT PRENDRE SUR LUI POUR LE LANCEMENT DE CETTE FEUILLE DE ROUTE DU SECTEUR DU BÂTIMENT.
Le ministre de l’Energie et des mines s’est fait un devoir que de rassurer quant à la proche libéralisation du marché des hydrocarbures. Rien ne devrait être craint d’une telle perspective, a noté A. Amara alors que des critiques ont été nourries par les professionnels quant à la veille sur la qualité des produits et des prix. Qui vivra verra!
LIBRE-ÉCHANGE
MOSCOU DANS LE VISEUR MOHAMED ABBOU, MINISTRE DU COMMERCE EXTÉRIEUR A ANNONCÉ QUE LE ROYAUME S’APPRÊTE À ENTAMER DES NÉGOCIATIONS AVEC LA RUSSIE SUR LA CRÉATION D’UNE ZONE DE LIBREÉCHANGE. UN COMITÉ RUSSO-MAROCAIN EST DÉJÀ EN PHASE DE LANCER LE PROCESSUS DES NÉGOCIATIONS. LE MAROC ET LA RUSSIE QUI SONT LIÉS DEPUIS 2002 PAR UN ACCORD DE PARTENARIAT STRATÉGIQUE PRÉVOYANT UNE COOPÉRATION BILATÉRALE ACCRUE DANS PLUSIEURS DOMAINES TELS QUE LE COMMERCE, L’AGRICULTURE, LE TOURISME ET LA DÉFENSE, ONT PORTÉ LE VOLUME DES ÉCHANGES À PLUS DE 5 MILLIARDS DE DOLLARS EN 2014. X 14
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PLASTURGIE EXIT LES SACS EN PLASTIQUE
LE MAROC NE SEMBLE PAS ÉCHAPPER AU VENT DE MONDIALISATION DE L’INTERDICTION DES SACS EN PLASTIQUE. HAÏTI, BANGLADESH, MALI, MAURITANIE ET CAMEROUN ONT FAIT CE CHOIX. UNE LOI INTERDISANT LA FABRICATION, LA COMMERCIALISATION ET L’UTILISATION DES SACS EN PLASTIQUE VIENT D’ÊTRE ADOPTÉE PAR LE PARLEMENT. QUOIQUE L’INTERDICTION ÉPARGNE LES SACS À USAGE INDUSTRIEL, AGRICOLE OU HERMÉTIQUE ETC, ELLE DEVRAIT AVOIR DE LOURDES CONSÉQUENCES SUR TOUTE UNE INDUSTRIE. AU MOMENT OÙ LE MINISTÈRE DE L’INDUSTRIE INDIQUE QUE CELLE-CI REPRÉSENTE 4,5 MRDS DHS ET EMPLOIE 8.152 TRAVAILLEURS, LA PROFESSION REVENDIQUE UN POIDS SOCIAL BEAUCOUP PLUS LOURD. SELON LA FÉDÉRATION MAROCAINE DE PLASTURGIE, IL S’AGIT DE 50.000 EMPLOIS (DIRECTS ET INDIRECTS) QUI SERONT PERDUS OUTRE LES INVESTISSEMENTS CONSÉQUENTS POUR NON ENCORE REMBOURSÉS.
CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGATS
UN MINISTRE PRESSÉ Par : Said Akechmir
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l fut un confrère. Il eut à connaître es qualité de responsable d’un canard que l’on respecte ou pas, c’est selon, les affres du métier. Le poids des coûts de production et le gymkhana auquel tout patron de presse est appelé à sacrifier pour éviter de couler. Et pourtant ! Il faut croire que Mustapha El Khalfi d’hier n’est plus celui d’aujourd’hui. Depuis qu’il se pavane derrière les micros pour louer l’action du gouvernement, bonne ou mauvaise, remplissant au pied de la lettre la mission qu’il s’est assignée, celle de porte-parole en l’occurrence. Mais les carences dont il s’est rendu coupable dépassent ce cadre-là, lui qui s’est engagé dans une course contre la montre pour faire passer le projet de code de la presse comme il l’entend lui. C’est-à-dire en faisant la sourde oreille aux reproches de la profession et aux récriminations des défenseurs des libertés. Car El Khalfi d’aujourd’hui rêve de se défaire, avec le concours agissant de bien des milieux qui ont la dent dure contre tout contre-pouvoir, de la presse. Celle qui joue le rôle élémentaire qui lui sied, celui du mouche du coche, mérite à ses yeux de vivre constamment avec un couteau sur la gorge. Au moindre écart, et c’est la saignée promise, à coup de lourdes amendes. Cela sans parler, bien sûr, des crimes de lèse-majesté privatives de liberté. Les confrères de la FMEJ ont eu raison de monter au créneau pour fustiger un projet de code liberticide. Celui qu’El Khalfi a cherché à monnayer en mettant dans un même panier professionnels et amateurs. Pourtant, que de propositions ont été faites pour doter le pays d’une architecture réglementaire au diapason de la quête démocratique telle qu’exprimée aussi bien par les élites que par les masses. Les leaders d’opinion savent à quoi s’en tenir dès lors qu’il est question de l’éthique professionnelle. Mais il faut croire que ce qu’El Khalfi cherche, c’est la banalisation d’un champ médiatique qui se démarquerait par une seule chose : la fin de toute critique aussi objective soit-elle ! C’est à l’avènement de médias mainstream que le ministre aspire assister pour mieux plaire à ses pairs qui vomissent la presse qui dérange, celle qui refuse, même au prix
M. EL KHALFI FERRAILLE POUR UN CODE DE PRESSE LIBERTICIDE
de sa survie, de servir de crachoir aux puissants et de viaduc pour un unanimisme sclérosant. Là où on attendait le ministre de la Com, il a brillé par son absence. Rien n’a été fait pour réviser la politique de soutien à la presse. Pourtant, la logique voudrait que le gros du soutien étatique aille aux entreprises de presse qui ont un projet de développement qu’elles sont incapables de mettre à jour faute de moyens. En sus, rien n’a été réalisé pour apurer un marché publicitaire marqué du sceau d’un clientélisme des plus étroits. Pourtant, c’est là un chantier des plus urgents à mettre en branle pour sauver ce qui peut l’être encore. Et last but not least, on est effroyablement surpris par le poids des contraintes que le nouveau code de la presse charrie alors que le pays a vécu au rythme d’une révolution de velours qui a conduit à l’adoption d’une nouvelle constitution qui fait grand cas des libertés publiques, et à leur tête, la liberté d’expression et le libre accès à l’information. Dès lors, faut-il vite en conclure que le ministre s’est lourdement trempé de générations de réformes en se complaisant dans l’attitude par trop conservatrice qui est la sienne ? En tout cas, l’empressement dont il fait preuve en voulant faire avaliser « son » code, sans le moindre égard pour les contre-propositions formulées par les professionnels, est synonyme d’une seule chose : le peu de cas dont jouirait la gente médiatique auprès de quelques responsables qui se trempent d’époque. El Khalfi voudrait s’en laver les mains en situant la bataille non plus au niveau de son département, incapable de fédérer les uns et les autres et d’enfanter un consensus, mais dans l’arène parlementaire. C’est un choix. Qui le dénude plus qu’il ne cache les véritables desseins recherchés via pareil code. Que reste-t-il donc aux gens des médias ? Les yeux pour pleurer le triste sort qu’on leur réserve. A moins qu’ils troquent leurs habits de tous les jours contre des camisoles conscient qu’ils sont tous en liberté provisoire. Dommage pour un pays qui réagit au quart de tour lorsque la presse d’ailleurs se permet le luxe de lui tailler des croupières dans ce qu’il a de plus cher. N’est-on pas face à une labyrinthite des plus aiguës ? Le ministre doit se résoudre à méditer la sagesse populaire. Celle qui recommande à tout perdu de s’asseoir sur terre. Le maroquin n’est que passager, M. El Kahlfi !
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POINTS CHAUDS
LE MAROC CONTRE DAECH
TOUS LES FRONTS SONT BONS…
Le Maroc est interpellé par le phénomène Daech sur plusieurs plans. D’abord, il y a l’urgence. Et elle est assumée par la BNPJ qui veille au grain pour que le maillage recherché par la nébuleuse terroriste à l’échelle planétaire ne puisse pas prendre dans le Royaume. D’où la multiplicité des interpellations qui, en langage chiffré, s’exprime par le démantèlement de 140 cellules dormantes comprenant quelque 2500 islamistes radicaux. Et l’une dans l’autre, l’urgence consiste aussi à tracer pour traquer les djihadistes de nationalité marocaine qui ont rejoint les foyers de tension dans le « Cham ». Et là, il est question de pister quelque 2000 à 2500 « combattants » qui ont pu rejoindre qui le Front Al Nosra, filiale d’Al-Qaida en Syrie, et qui les rangs de Daech et de ses diverses sections combattantes. Cela sans parler de nos concitoyens de la diaspora du type de ceux qui ont ensanglanté la capitale française. D’ailleurs, ce n’est pas pour rien que le Maroc s’est porté volontaire pour lutter contre Daech dans le cadre de la première coalition conduite par les USA en engageant ses chasseurs-bombardiers dans les fameux bombardements aériens. Comme il n’est pas négligeable de souligner, à cette occasion, l’appui que les services marocains apportent à leurs homologues européens, entre autres, pour traquer les terroristes. Et le crédit dont jouissent les services marocains auprès de leurs partenaires n’est plus à démontrer, comme le rappelle la reconnaissance exprimée, à cet égard, aussi bien par la France que par la Belgique, là où l’alerte est à son maximum, sans oublier l’Espagne. L’ENGAGEMENT CONTRE DAECH SE FAIT AUSSI, ET C’EST IMPORTANT DE LE SOULIGNER, DANS LE REGISTRE CULTUEL. AVEC L’INVESTISSEMENT DE LA PLUS HAUTE AUTORITÉ DU PAYS DANS LA RÉORGANISATION DU CHAMP RELIGIEUX POUR ENDIGUER LES DÉRIVES DE LA PENSÉE DJIHADISTE. LA FORMATION DES IMAMS, AUSSI BIEN AU PROFIT DES PAYS SAHÉLO-SAHARIENS, EUX AUSSI VICTIMES DE LA MÉTASTASE DE L’ISLAMISME RADICAL, QUE DES PAYS EUROPÉENS QUI EN EXPRIMENT LA VOLONTÉ… Mais ce serait faire court en limitant l’investissement du pays dans la lutte contreterroriste à ces seuls volets pour importants qu’ils soient. Le Maroc bataille aussi sur le plan politico-diplomatique en faveur de la paix au Proche-Orient, avec un intérêt tout particulier au nœud gordien que représente la question palestinienne. Car c’est bien de cette pire injustice que se nourrit le discours haineux à l’endroit d’un Occident qui passe à la trappe la juste cause d’un peuple spolié pour justifier toutes les exactions israéliennes. Et c’est de ce pourrissement contagieux que provient le danger de l’éclatement de l’échiquier arabe en mille morceaux… La déliquescence de plusieurs pays (Irak, Syrie, Libye, Yémen) représente un avant goût du chaos ambiant. PERSPECTIVES MED
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POINTS CHAUDS LE POTENTIEL DE NUISANCE DE DAECH RESTE ENTIER
LE MAROC ÉCHAUDÉ ALLAL EL MALEH
De Beyrouth au Sinaï, de Paris à Tunis, de Bamako à Dabanga… La nébuleuse Daech frappe fort pour marquer les esprits et minorer ses lourdes pertes dans son sanctuaire irako-syrien. Engagé sérieusement dans la lutte antiterroriste, le Maroc excipe déjà les dangers auxquels il est exposé. Et multiplie les traques.
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l’heure de la globalisation rampante, il ne faut pas s’attendre à ce que le djihadisme reste confiné dans sa dimension locale. Pour s’en convaincre, il suffit de suivre la chronologie des sanglants attentats qui ont secoué le monde courant novembre. En excluant, bien entendu, les foyers de tension qui persistent en Irak, en Syrie, en Libye, au Yémen et en Afghanistan… Sans oublier, bien sûr, « la habba » qui secoue les territoires palestiniens avec ses concerts de morts et d’asphyxiés. Dans ces zones de conflits ouverts, « chauds» dans la définition purement militaire, tous les ingrédients de la violence servent à cristalliser la haine. Rien d’étonnant à ce que la dérive des Talibans déstabilise davantage le Pakistan et, par ricochet, l’Iran et d’autres contrées asiatiques où la solidarité « islamique » agit comme un
exutoire rassembleur. Comme il n’est pas étonnant que les revers essuyés par Daech, en Irak comme en Syrie, puissent s’exprimer autrement que par des attentats dévastateurs, comme ceux qui ont secoué le Liban, dans la banlieue de Beyrouth, ou encore dans le Sinaï, avec l’explosion en vol d’un aéronef transportant des touristes russes. Attentats meurtriers qui s’apparentent à des expéditions punitives à l’endroit de deux soutiens majeurs du régime syrien, le Hezbollah d’un côté, et la Russie de l’autre. Car là où Daech dispose de cellules et/où de « bases arrière», il faudra s’attendre au pire à mesure que la pression militaire s’accentue sur ses sanctuaires. La France ne pouvait échapper à cette sinistre règle de représailles depuis que Paris a décidé d’envoyer le porte-avions « Charles De Gaulle»
LA NÉBULEUSE DJIHADISTE SE JOUE DES FRONTIÈRES ET SÈME LA TERREUR DANS LE GLOBE
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en mission pour accentuer ses frappes en Irak et en Syrie et s’affirmer, au coté de Moscou, comme l’allié d’une coalition plus déterminée à circonscrire le péril daechien de la région. Les attentats de Paris expriment une telle dérive du djihadisme. Dérive qui ne se manifeste guère sur le seul français, mais bien évidemment là où les intérêts français sont en jeu, comme c’est le cas en Afrique sahélo-saharienne… L’attentat de Bamako est symptomatique d’une telle dynamique meurtrière. Comme le sont aussi les opérations sanguinaires déclenchées par Boko Haram, bien au-delà de son sanctuaire dans le Nord du Nigeria. Même la Tunisie, en phase de transition politique des plus délicates, n’a pas échappé aux ricochets de l’instabilité qui sévit dans la région maghrébine depuis l’éclatement de la Libye. Autant dire que le front de lutte antiterroriste est large à couvrir. Et il faudra craindre que les attentats meurtriers ne suivent « la ligne de fracture » qui s’étend de l’Atlantique à la Mer Rouge. On comprend dès lors que dans nombre de pays européens craignent le pire depuis que Paris a été le théâtre d’un massacre d’innocents. La tension reste palpable aussi bien en Allemagne et en Belgique que dans la sphère nordique de l’Europe. Les sécuritaires sont sur les dents de peur de voir les tentacules de Daech frapper sans discernement. Même le Maroc est sur le qui-vive depuis que l’organisation terroriste a levé le voile sur ses menaces à ne point minorer. La rhétorique développée par cette nébuleuse sur les réseaux sociaux fait valoir « des attaques dévastatrices » qui « anéantiront les soldats, exploseront les palais et détruiront l’économie». Le Royaume reste dans le radar de Daech
BRUXELLES ASSIÉGÉE Les militaires belges quadrillent la capitale pour parer à toute éventualité.
COOPÉRATION MAROCO-ESPAGNOLE
LE PRIX DE L’EFFICACITÉ
LE DIRECTEUR GÉNÉRAL DE LA POLICE ESPAGNOLE, IGNACIO COSIDO, A DÉCLARÉ, LE 26 NOVEMBRE, QUE LA COLLABORATION AVEC LE MAROC DANS LA LUTTE ANTITERRORISTE EST «EXTRAORDINAIREMENT EFFICACE». DE PASSAGE À SEBTA, I. COSIDO A FAIT VALOIR QUE «LA COLLABORATION AVEC LE MAROC EST EXTRAORDINAIREMENT EFFICACE». SELON ABC QUI CITE LE RESPONSABLE ESPAGNOL, «AUCUN AUTRE PAYS EUROPÉEN N’ENTRETIENT AVEC LE MAROC DES RELATIONS AUSSI SOLIDES ET ÉTROITES QUE L’ESPAGNE». UNE COLLABORATION QUI NE SE LIMITE PAS SEULEMENT AU COMBAT ANTITERRORISTE, « CE A PERMIS D’ÉVITER À L’ESPAGNE PLUSIEURS ATTENTATS», MAIS ENGLOBE AUSSI D’AUTRES FRONTS, NOTAMMENT « LA LUTTE CONTRE L’ÉMIGRATION CLANDESTINE ET LE CRIME ORGANISÉ ». PERSPECTIVES MED
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térieur du pays. Plus, les autorités marocaines ont décidé d’annuler la plupart des congés octroyés aux forces de l’ordre et de renforcer la sécurité aux alentours des représentations diplomatiques, les institutions publiques et les lieux très fréquentés par les touristes. Toujours d’après la même source, une attention toute particulière est accordée aux réseaux sociaux ainsi qu’aux sites djihadistes pour tenter de trouver ou de déceler des instructions ciblant le royaume. Depuis 2002, près de 140 cellules terroristes ont été démantelées dans le pays et environ 2.200 personnes ont été arrêtées. Une moisson non négligeable au regard des dégâts occasionnés par les attentats déjà perpétrés dans le Royaume, comme ce fut le cas en mai 2003, à Casablanca, ou encore à Marrakech, en 2011. Ces dernières années, le royaume a également modernisé et renforcé ses procédures sécuritaires avec la mise en place du dispositif de sécurité «Hadar » et la création du « FBI marocain », le Bureau central d’investigations judiciaire (BCIJ).
DAECH TERRORISE Scène de panique à Paris après les attentats qui ont fait des dizaines de morts et de blessés.
qui reproche aux autorités marocaines leur collaboration avec certains pays européens dont la France, la Belgique et l’Espagne pour endiguer les menaces ponctuelles. Dans le cas des attaques récentes sur la capitale française, ce sont les renseignements fournis par le Maroc qui ont aidé à démanteler la cellule terroriste à Saint-Denis et déjouer d’autres attentats prévus à Paris, notamment dans le quartier de la Défense. La Belgique, en état d’alerte maximale, a demandé officiellement l’aide du Maroc pour tenter de mettre la main sur Salah Abdeslam, l’un des hommes faisant partie de terroristes qui ont attaqué Paris et le Stade de France. Les autorités marocaine sont vent debout contre tout ce qui est susceptible de déstabiliser le pays. Ainsi, des mesures de sécurité ont été sensiblement renforcées depuis l’attentat du 24 novembre en Tunisie qui avait ciblé la garde présidentielle. Elles s’ajoutent à celles qui avaient déjà été mises en branle au lendemain des attaques qui ont ébranlé plusieurs quartiers de Paris le 13 novembre dernier. Les contrôles aux frontières, dans les ports et aéroports ont été sévèrement renforcés pour éviter toute infiltration de terroristes à l’in20
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MAROC-UE
SÉCURITÉ, UN PACK GLOBAL
Le Maroc et l’Union européenne (UE) sont en phase d’adopter un nouveau plan d’action en matière de lutte contre le terrorisme. La récente approbation, par le parlement européen, du nouveau programme de sécurité 2015-2020, place la coopération entre la zone euro et le royaume au coeur de la stratégie de lutte contre le terrorisme. Ce plan d’action s’articulera autour de trois axes, en l’occurrence la prévention du terrorisme et de l’extrémisme, la lutte contre le crime organisé et, enfin, la lutte contre la cybercriminalité. Le Maroc prend part, rappelle-t-on, à la réunion de la Commission européenne chargée du terrorisme et au dialogue stratégique sur le terrorisme. Et un accord relatif à la participation du Maroc aux opérations de gestion de crises, a été ratifié entre les deux parties, en juillet 2015 en marge d’une visite de la Haute représentante de l’UE pour les Affaires étrangères et la politique sécuritaire, Federica Mogherini, au Maroc. Tout cela entre dans le cadre du plan d’action 2013-2017 pour la mise en oeuvre des dispositions du Statut avancé entre les deux parties.
EN SYRIE
DAECH ET CONSORTS S’EFFILOCHENT Par : A. Ben Zeroual
Daech et consorts courent vers leur perte. Un front semble se dessiner avec pour principal objectif de terrasser l’hydre terroriste là où il se réfugie. Mais la justesse de ce combat ne doit pas faire oublier le nœud du problème : le règlement pacifique de la question palestinienne.
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l y a un avant et un après 30 septembre en Syrie. Car c’est depuis cette date que l’implication de la Russie s’est davantage renforcée dans ce pays en proie à une « guerre civile » nourrie par des appétits amalgamant les soutiens de diverses natures de puissances locales. Pour l’après 30 septembre, on notera d’abord le renforcement de la présence militaire russe dans les bases syriennes par du matériel hautement stratégique. Depuis qu’un bombardier russe a été descendu par la chasse turque, Moscou a décidé de déployer tout ce que compte son arsenal militaire d’armes sophistiquées à même de conjurer le mauvais sort. Du S-300 au S-400, autant de batteries de missiles anti-aériens de premier choix veillent sur le ciel syrien et au-delà. Ensuite, sous l’impressionnant déluge de feu que l’aviation russe abat sur les positions rebelles, y compris du côté turkmène, à la frontière syro-turque, les forces armées syriennes semblent plus déterminées à reprendre sous son contrôle les régions qu’elle avait déserté au profit d’une insurrection armée composite avec Daech et Al-Nosra comme icones. Cette avancée sur plusieurs fronts à la fois limite, dans l’espace, la présence des insurgés et inscrit, dans le temps, une défaite des divers groupes terroristes peu enclins à négocier avec le régime syrien, cinq ans après l’ouverture des hostilités. Un vent nouveau souffle désormais sur la région avec l’entente cordiale scellée entre Téhéran et Moscou, les deux capitales étant décidées à en finir, et pour de bon, avec Daech et consorts. Et dans cet effort, force est de constater que Paris s’est invitée à la messe en renforçant sa présence militaire et en tentant de dégager un front plus large pour contenir la nébuleuse terroriste qui menace, au-delà des pays meurtris dans la zone, le reste du monde. Mais il est vrai que le large front recherché aussi bien par les Russes que par les Français butte
sur nombre d’écueils. D’abord, celui bien américain qui traine des pieds pour des raisons électorales, mais aussi par méfiance à l’endroit de Moscou taxé par Obama de vouloir avant tout sauver la mise du régime Assad. Ensuite, et ce n’est nullement un facteur à minorer, il y a lieu de soulever le jeu pour le moins trouble qu’assument des puissances régionales en tête desquelles on retrouve la Turquie. Ce pays qui s’est permis de nourrir la tension avec la Russie étant confondu dans sa bienveillance à l’endroit non seulement des « insurgés modérés », comme la minorité turkmène au profit de laquelle Ankara s’agitait pour s’assurer la gestion d’une zone ‘exclusion aérienne, mais aussi à l’égard de Daech, groupe terroriste avec lequel le commerce des hydrocarbures s’avère des plus lucratifs pour les Turcs, et d’Al-Nosra, filiale syrienne d’Al-Qaida. A ce sujet, les révélations faites par V. Poutine lors du récent G-20 auront été corroborée par les journalistes turcs de Cumhuriyet mis à l’ombre pour « espionnage » à cause de documents et de photos publiés attestant l’implication des services turcs dans le trafic d’armes avec les groupes djihadistes sévissant en Syrie. Mais les connivences avec la nébuleuse terroriste ne s’arrêtent pas aux seules frontières turques pour atteindre aussi des « alliés » de Paris dans la région. Les lignes de financement et les livraisons d’armes sophistiquées ( type Tow et/ou Milan) sont aussi le lot de l’Arabie Saoudite et du Qatar. On comprend dès lors le débat qui fait rage au sein des capitales occidentales quant aux limites de la concordance des temps avec les capitales qui nourrissent le djihadisme à l’échelle planétaire. Surtout depuis que Daech a fini par présenter ses sanglantes «lettres de créances » à Paris. Avec tout le bataclan qui s’en est suivi… PERSPECTIVES MED
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ENTRETIEN LA RECOMPOSITION DU PROCHE-ORIENT ANALYSÉE PAR ERIC DENÉCÉ
L’EUROPE, AUXILIAIRE DES USA Entretien réalisé par : A. Ben Driss
Face à l’emballement de l’histoire tumultueuse du Proche-Orient et de ses répercussions sur le reste du monde, comme on vient de le voir avec la série d’attentats qui ont frappé au cœur de la France, toute lecture factuelle pécherait par un excès d’approximations qui manquent de profondeur. La forte implication de la Russie en Syrie, allié historique et plate-forme d’une nouvelle projection géopolitique régionale, donne déjà le ton de ce qu’adviendra de la lutte acharnée contre le djihadisme islamiste. L’entretien réalisé avec Eric Denécé, spécialiste du monde du renseignement, permet de se faire une idée plus précise des enjeux liés aux développements qui marquent l’échiquier proche-oriental. L’analyste qui décortique finement les rôles assumés par les divers acteurs en compétition n’hésite pas à brocarder le collectif européen, la France en tête, qui joue pleinement la partition orchestrée par l’Empire américain. PERSPECTIVES MED : LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME PREND-ELLE UNE AUTRE TOURNURE AVEC L’IMPLICATION DIRECTE DE LA RUSSIE EN SYRIE ? ERIC DENÉCÉ : Bien sûr. C’est une vraie inversion de tendance, même si les divers groupes terroristes en Syrie (Jabhat Al-Nosra et Daech) avaient peu de chances de renverser le régime de Bachar El-Assad, car il bénéficie toujours d’un soutien important de la population, contrairement à ce que les médias racontent. L’entrée en jeu des Russes est particulièrement efficace et cause de nombreuses pertes dans leurs rangs. D’ailleurs, l’armée syrienne est repassée à l’offensive et reprend peu à peu du terrain, ce qui va lui permettre de sécuriser la Syrie utile, qui regroupe l’essentiel de la population. Mais tout cela va se faire progressivement, il ne faut pas s’attendre à une progression « éclair » des forces syriennes, qui sont tout de même diminuées après quatre années de guerre. Mais les premiers signes sont là : Damas LA FRANCE N’A PLUS est redevenu sûr et les reconstructions ont GUÈRE DE POLITIQUE recommencé à Homs.
« ARABE », TANT NOS
EST-CE TROP TOT POUR PARLER DU DIRIGEANTS POLITIQUES, DEBUT DE LA FIN POUR DAECH ET SES DEPUIS 2007, ONT ÉPOUSÉ SOUTIENS ? E.D: C’est encore LA VISION DU MONDE DES difficile à dire. Certes Daech a cessé son expansion depuis fin AMÉRICAINS 2014, il a même perdu du terrain sous les coups de la coalition dirigée par les Etats-Unis ; et il connaît de nouveaux revers avec l’entrée en jeu des Russes. 22
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Toutefois, tant que l’organisation Etat islamique bénéficiera du soutien, direct ou indirect de l’Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie, il continuera d’exister. D’autant qu’il faut bien dire que la très faible combativité de l’armée irakienne ne permet pas d’espérer des actions d’envergure au sol à court terme. De plus, l’absence de coordination entre la coalition et l’Iran limite la portée des opérations contre Daesh, toujours en sursis, mais toujours dangereux. COMMENT EVALUEZ-VOUS L’INTEGRATION DE L’IRAN DANS LA RECHERCHE DE TOUTE SOLUTION EN SYRIE ? E.D: C’est absolument indispensable. L’Iran est un Etat majeur de la région comme du jeu international. Aucune solution durable ne peut être élaborée sans lui. Surtout, ses forces opérent directement en Syrie aux côtés des Syriens, du Hezbollah libanais et des Russes, mais aussi en Irak et au Yémen. Téhéran montre en l’occurrence qu’il n’abandonne jamais un allié : les Iraniens se souviennent que la Syrie avait été le seul Etat à les soutenir pendant la guerre contre l’Irak (1980-1988) Je crois surtout qu’il faut évoluer sur un point : que l’on apprécie ou pas le régime iranien et ses positions internationales, force est de constater qu’il a été constamment diabolisé ces dernières années. Or, même s’il ne s’agit pas d’une démocratie ainsi que l’entendent les Occidentaux, ce pays est moins éloigné de ce modèle que l’est l’Arabie saoudite, Etat archaïque et népotique ne respectant guère les droits des femmes ni des étrangers, opposé à toute expression démocratique et soutien direct ou indirect du terrorisme takfiri. LE ROLE DEVOLU A TEHERAN DANS LA REGION EST-IL A MEME DE CHANGER LA DONNE GEOSTRATEGIQUE ET GEOPOLITIQUE DANS LA REGION?
Eric Denécé, docteur ès Science Politique, est directeur du Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R) et de sa société de conseil en Risk Management (CF2R SERVICES). Il a notamment supervisé un travail d’équipe, très fouillé, sur «Le Printemps Arabe», mouvement qui s’inscrit en droite ligne des «révolutions de couleur» que les Américains promeuvent dans le monde. Y A-T-IL DE QUOI DONNER CREDIT A LA CRISTALLISATION DES RAPPORTS ENTRE « CHIITES » ET « SUNNITES » ? E.D: Non, l’Iran ne peut changer la situation à lui seul. Mais, s’il n’était pas intégré dans un processus régional, il aurait tous les moyens d’empêcher une évolution et de rendre la situation impossible. Par ailleurs, les Iraniens rejettent l’idée que la situation actuelle pourrait se résumer à un affrontement chiites/sunnites. Bien que les tensions soient réelles, ils réaffirment régulièrement leur croyance en une umma unie. Leur position n’est dure qu’à l’encontre des djihadistes … qui sont le plus souvent d’essence wahhbite ou salafiste. LA TURQUIE VERRA-T-ELLE SON RÔLE « MINORÉ » DANS LA GÉOPOLITIQUE RÉGIONALE ? E.D: Indéniablement oui. Erdogan a joué et a perdu au niveau régional. A trop vouloir en faire, la situation s’est retournée contre lui La Turqui qui voulait jouer le rôle d’une puissance régionale se trouve aujourd’hui encerclée par les forces russes, sur sa frontière nord, comme au sud, en Syrie. De plus, sous la pression des Occidentaux, Erdogan a du faire évoluer sa position à l’égard de Daech et lancer ses premières opérations contre l’organisation C’est donc un échec total de sa stratégie et nous devons nous en réjouir. Erdogan est un autocrate saisi par la folie du pouvoir comme l’illustre sa manipulation des élections turques et sa volonté de devenir président à vie… ET QUID DE L’ARABIE SAOUDITE ENGLUEE DANS LE CONFLIT AVEC LE YEMEN?
E.D: L’Arabie saoudite est un Etat du passé, malgré sa puissance financière. Ryad commence à sentir le vent tourner depuis que les Américains, grâce au gaz de schiste, ont moins besoin du Moyen-Orient.Toutefois, l’Arabie saoudite dispose d’un pouvoir d’influence et de nuisance considérable grâce à l’argent du pétrole et s’en sert pour jouer au pyromane. Il convient de rappeler que c’est grâce à son appui (et plus tard à celui du Qatar) que depuis les années 1980 le terrorisme islamiste s’est répandu dans le monde ! C’est ce wahhabisme, version archaique et rétrograde de l’islam qui est à l’origine du rejet qui finit par toucher les musulmans partout hors du monde arabe. Or le wahhabisme ne représente que 10% des croyants ! Par ailleurs, il faut dire haut et fort que l’intervention saoudienne au Yémen est une véritable agression sur laquelle la communauté internationale ferme les yeux. Pourquoi les médias n’évoquent-ils pas la déroute de l’armée (de mercenaires) de Ryad ? Pourquoi ne parlent-ils pas des nombreuses victimes civiles collatérales ? Et surtout, pourquoi la Saoudiens n’ont-ils pas plutôt déployé leurs forces contre Daech, qui représente une menace infiniment supérieure à celle des Houthis ? QUEL ROLE POURRAIT JOUER L’EGYPTE DANS LA NOUVELLE CARTE QUI SE DESSINE POUR LA REGION ? E.D: Je pense que l’Egypte du président El-Sissi est amené à jouer un rôle majeur en Afrique du Nord et au Moyen-Orient dans les années à venir. Le Caire dispose des forces militaires les plus importantes de la région et ne cesse de les moderniser. Son rôle dans la lutte contre les terroristes est essentiel, c’est bien pour
cela que Daesh le craint et de lui nuire. Toutefois, contrairement à ce que disent les médias occidentaux, malgré la permanence des attaques terroristes, la branche de Daesh au Sinaï connaît depuis un an une série de revers majeurs face à l’armée égyptienne. Comme en Syrie, la tendance s’inverse. Saluons enfin le courage des Egyptiens qui ont mis un terme au régime illégitime de l’organisation des Frères musulmans, après un an de règne catastrophique. C’est un événement fondamental, car tous les mouvements djihadistes actuels puisent leurs racines idéologiques dans les textes de cette confrérie terroriste. Or, elle a connu la déroute sur la terre même dont elle est issue. QUE DIRE DE L’ENGAGEMENT FRANÇAIS DANS LA REGION ? PEUT-ON ENCORE PARLER DE POLITIQUE ARABE POUR PARIS ? E.D: Malheureusement, la France n’a plus guère de politique « arabe », tant nos dirigeants politiques, depuis 2007, ont épousé la vision du monde des Américains. Nous sommes « rentrés dans le rang », à l’image des autres européens qui ne sont guère plus que des auxiliaires des Etats-Unis. C’est déplorable, car le monde occidental devient monocolore et s’enferme dans une vision déformée de la situation, sous l’influence des ses alliés du Golfe. Européens et Français perdent ainsi tout crédit en n’ayant plus d’indépendance de vue et de parole. Cela risque de conduire à un rejet de plus en plus marqué de l’Occident par les autres pays du monde, en particulier les BRICS, qui comptent de plus en plus. PERSPECTIVES MED
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MONDE APRÈS LE CHOC ET L’EFFROI
COMPRENDRE POUR VAINCRE Par : L.M.
« On doit comprendre !» Tel est le cri lancé en chœur par les Français et repris par les instances universitaires, mais à leur façon. Un début d’une guerre silencieuse dédiée à lutter contre Daech et consorts sur le plan des idées. Une voie salutaire.
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onnée, la France se réveille après avoir subi, vendredi 13 novembre, dans sa chair les affres du terrorisme djihadiste. Le bilan des derniers attentats concomitants opérés en Ile-de-France s’est révélé particulièrement lourd en pertes humaines : 130 morts et des dizaines de blessés. Mais le tournis est toujours là, omniprésent, depuis que les enquêteurs ont mis en évidence l’implication de jeunes banlieusards dans les tueries. C’est qu’il y a quelque chose qui cloche dans le modèle français d’intégration. L’heure n’est donc plus à la seule réaction, sécuritaire par excellence, pour conjurer un mal de vivre désormais domestique, ni à la seule expédition punitive, le Charles de Gaulle ayant reçu l’ordre de cingler les vagues pour se rendre en Méditerranée orientale pour croiser le fer avec Daech, nébuleuse commanditaire des attentas. L’heure est à la compréhension du phénomène djihadiste qui sévit dans l’Hexagone. Et rien de mieux que de mobiliser autour de cet effort de compréhension toutes les compétences intellectuelles susceptibles d’apporter les éclairages nécessaires. Car le constat, et il des plus désolants, est là : la France est pauvre en spécialistes de l’Islam capables de produire notes et ouvrages nécessaires à la compréhension des déchirements qui s’opèrent dans le monde arabo-musulman et à l’appréhension des défis auxquels la France est appelée à faire face. Déjà, dans le seul créneau du renseignement, outil indispensable à la prise de décision politique, l’approche du moment est décriée pour être lacunaire. Et ils sont nombreux « les vieux routiers » à s’être réveillés pour donner libre cours à leurs critiques à l’endroit des diverses officines faibles en encadrement humain adéquat. « on a beau avoir de bonnes oreilles, il est important d’avoir un cerveau» pour filtrer le trop plein d’informations qui sont le lot desdits services. Et là, ce sont les 24
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ressources humaines, faibles, qui sont mises à l’index. Mais le débat dépasse le seuil des « clercs » du renseignement pour s’inviter aussi, et c’est capital, parmi les instances universitaires. Un appel à contribution pour saisir les dimensions des attentats djihadistes, sous toutes leurs coutures, a été lancé rien moins que par le CNRS. Sociologues, anthropologues, philologues… Tout ce que compte la France en compétences scientifiques est sollicité pour apporter les éclairages nécessaires à la compréhension du djihadisme. Mais là, il s’agira de faire la part des choses, jugée des plus nécessaires, à l’heure où une inflation de spécialistes a dominé la scène médiatique. Autant dire que ne saurait s’improviser spécialiste qui veut. Car il s’agira, en l’occurrence, de démêler un écheveau des plus complexes, loin des raccourcis qui conduisent à jeter l’anathème sur autrui, la communauté musulmane et ses lieux de culte faisant les frais en premier. C’est donc vers une analyse à froid d’un phénomène tout brûlant que la sphère universitaire s’oriente. Et c’est tout à son honneur. A charge pour les autres centres universitaires, ceux des pays arabo-musulmans, d’oser suivre pareille piste. Histoire de décortiquer un mal profond dont il est difficile de guérir en soutenant, tout simplement, que le djihadisme relève de l’hérésie.
CHRONIQUE VÉCU ICI
SOUDAIN, L’HORREUR !
E
lle est bien loin l’insouciance de cette rentrée. Entre une douceur exceptionnelle et un ciel bleu azur, on était presque bien. Et c’est ce presque qui donnait un arrière goût amer à cet état d’esprit, que dire un sentiment de culpabilité refoulé. En effet les frontières de Schengen débordaient plus que jamais de milliers de réfugiés qui tentaient quotidiennement de chercher un havre de paix bien loin des enfers qui les ont craché. Leurs visages burinés par de longs périples harassants emplissent les écrans et barrent les unes des journaux dans une quasi indifférence. A Calais, la « jungle » implose. Depuis près d’une décennie, les rustines sécuritaires et humanitaires semblent plus que jamais dérisoires pour répondre de façon durable à cette situation qui n’a que trop duré. Si les forces vives de cette nation millénaire ont pour habitude de donner le la à la vie politique, force est de constater que c’est le côté obscurantiste qui impose désormais le tempo. Et pendant ce temps là, la classe politique hexagonale en totale décomposition, tétanisée par les sondages des élections régionales de décembre et obnibulée par les présidentielles de mai 2017, nous servait, à la vue de chaque micro et caméra des plats froids et nauséabonds, loin, très loin des préoccupations réelles des Français. Alors que le voisin d’outre Rhin ouvre ses frontières, la France, pays de tolérance et d’ouverture se ferme. Il paraît que c’est « la Solution » puisqu’ils «sont différents de nous » et posent un grand problème à notre « identité», plutôt à celle des « français de souche ». Alors que tous les jours, la Méditerranée rejette des petits Eylan avec famille au grand complet, face contre terre , on nous apprêtait à être sacrifiés sur l’autel de la consommation, fêtes de fin d’année obligent. Et patatras ce qui devait arriver arriva. D’après les spécialistes, ce n’était plus une question de oui ou de non mais plutôt de quand et où ?
CET EXODE DJIHADISTE N’EST PAS CHOSE NOUVELLE
Par : Mustapha El Maleh
Ce vendredi 13, nous avons eu la réponse. Si c’est une aubaine pour les superstitieux de tout poil ça l’est moins pour l’ensemble des patriotes à l’échelle nationale et des humanistes à l’échelle de la planète qui se reconnaissent une fois encore dans le rejet et la condamnation de l’horreur qui a frappé Paris à plusieurs reprises. Au moment où je griffonne ces mots, le décompte macabre des victimes n’est toujours pas terminé et l’enquête qui avance fait apparaître, sans grande surprise, des réseaux qui dépassent les frontières. Mais ce qui est sûr c’est que si les commanditaires sont du côté de Raqqa en Syrie, les exécutants de leurs basses manœuvres sont bien de chez nous. Et oui qu’on le veuille ou pas ce sont nos enfants qui servent de chaire à canon là-bas et désormais ici. Cet exode djihadiste n’est pas chose nouvelle. On a bien fermé les yeux sur des départs en masse vers les zones de conflits au Proche et Moyen Orient depuis des années. La Turquie, « pays allié », a toujours servi de point de passage au vu et au su de tous les services de renseignements. Qu’avons nous fait ? Démunis face à une nouvelle donne : rien ou presque. Le retour de quelques rescapés de l’enfer sur Terre, que les stratèges n’ont absolument pas considéré dans leurs calculs au début, nous pose un autre problème : comment gérer leur comeback. Et là encore, les pays d’Europe n’ont pas les mêmes traitements face à ce mal qui s’attaque aux faibles d’esprit, aux oisifs en mal de perspectives et autres laissés pour compte. Entre l’accompagnement et l’emprisonnement, les avis divergent. Aujourd’hui, l’amertume a laissé place au dégoût mêlé de colère. Anxiogène, le climat se crispe et les jours à venir s’annoncent difficiles. A coup sûr, les uns vont tirer leurs marrons du feu, suivez mon regard, mais la démocratie et les démocrates qui portent ses valeurs à bras le corps vont en payer le prix fort. Une communauté déjà stigmatisée va devoir raser les murs, tenter de devenir invisible aux regards accusateurs et actions vengeresses alimentées par un discours revanchard, de haine qui au lieu de faire son autocritique, véritable remise en cause des choix ayant généré cette horreur, persiste dans ses options et jette à la vindicte populaire une communauté de millions d’hommes et de femmes qui font cette Nation.
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MONDE DÉRIVES DROITIÈRES EN FRANCE
DU SANG ET DES LARMES Par : Abou Sarah
Les derniers attentats qui ont ensanglanté la France sont mis à profit par la gente politique pour glisser davantage vers une droitisation pur jus. Un opportunisme de la pire espèce qui met en danger les fondamentaux du pays des lumières.
Q
ui a dit que la droite française est la plus bête du monde ? C’était, il y a presque 60 ans, un certain Guy Mollet. Et bien ce constat se confirme à nouveau et de bien triste manière. Encore une fois, la droite française et, à sa tête, le parti des Républicains vient de redonner vie à cette assertion. Alors que le pays traverse l`une des pages les plus sombres de son histoire contemporaine, confronté à une vague de terrorisme jamais vue dans l’hexagone, 128 décès et 360 blessés, dont bon nombre dans un état critique, l’aile droite de l’échiquier politique français n’a pas trouvé mieux que de chercher à polémiquer avec le Premier ministre et à conspuer Mme Taubira, garde des sceaux, lors de la séance des questions au gouvernement au Palais Bourbon. L’indécence atteint des sommets, nous sommes encore en période de deuil national et le sang des victimes n’a pas encore séché qu’elle veut déjà tirer profit de cette tragédie nationale. De l’autre côté de l’Atlantique, Donald Trump, dans un meeting de campagne pour les primaires républicaines pour les élections présidentielles aux Etats Unis, affirme haut et fort que si les victimes étaient armées, elle n’auraient pas connu le sort qu’elle ont subi. Face à autant d’ineptie, Il n’y a qu’un mot pour qualifier de tels propos :
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imbéciles. La veille, la droite a su montrer un visage uni avec le reste des partis politiques, digne , autour du Président de la République. Convoquée en congrès à Versailles, évènement rarissime dans l’histoire contemporaine de la France pour être informée, et pour répondre unanimement à la menace terroriste par l’unité nationale, sa véritable nature a très vite repris le dessus. L’approche des élections régionales et la mobilisation quasi unanime des Français derrière le Président de la République expliquent cette attitude odieuse d’hommes politiques en mal de maroquins. C’est que les ors de la République tournent les têtes ou plutôt ce qu’il en reste à une grande partie de notre classe politique. Depuis lundi, les Français assistent, médusés, à l’indécence d’une partie des ténors du parti Les Républicains. Ils n’ont qu’un mot à la bouche : plus de sécurité et de répression. C’est un concours de joutes verbales et à celui qui sera le plus à droite. A l’évidence, l’objectif c’est d’empêcher l’érosion inéluctable d’une partie de leur électorat qui glisse, par défaut, vers le Front national. Cela même alors que, selon un sondage Odoxa, près des 73 % des Français font confiance au Président et à son Gouvernement
dans la gestion de la crise aussi bien à l’intérieur qu’à l’extérieur de nos frontières. Outre, les sympathisants de gauche, ce sont 63 % des sympathisants de droite qui partagent cette opinion. Chacun y va de ses propositions qui rappellent le glissement dangereux des Etats-Unis vers le Patriot act et le centre de détention de triste mémoire, Guantanamo, en violation des droits et libertés fondamentales. N’est ce pas justement cela que veulent les terroristes? Cette vilénie, seuls quelques hommes politiques osent la dénoncer ouvertement. Trois sages tiennent tête aux « faucons » de la droite : Alain Jupé, François Fillon et Dominique de Villepin. Si une partie des députés montent au créneau pour exister médiatiquement, la majorité des députés de la droite et du centre sont déroutés par la ligne politique de leurs leaders qui s’étripent pour exister. Certains parlent d’indécence dans l’attaque de l’Exécutif dans ces temps difficiles, d’autres comme Daniel Fasquel, dénoncent l’ambiance lamentable et irresponsable de son camp dans le palais Bourbon. Quand à François Fillon, il qualifie le comportement de son parti de … Dans un entretien accordé au quotidien le Monde, Nicolas Sarkozy, pose des conditions pour le vote de la réforme constitutionnelle proposée par F. Hollande et d’ajouter que « trop de temps a été perdu depuis Charlie Hebdo ». En dénonçant les failles de sécurité qui auraient amené aux attentats du vendredi 13 et, contrairement à Alain Jupé qui a fait son mea culpa concernant la réduction des effectifs des forces de l’ordre, il refuse d’admettre que 13 000 postes de policiers ont été supprimés durant son mandat et que des écoles de formation de policiers ont été fermées. Jean François Copé va jusqu’à qualifier la politique de Sarkozy « d’erreur historique ». Quand on sait qu’il faut deux années pour former un gardien de la paix, le gouvernement Vals ne peut faire des miracles même si « impossible n’est pas français ». Cette frénésie, on la doit à un manque de repères de la droite classique. Le drapeau tricolore, la Marseillaise, la sécurité sont, depuis des décennies, des symboles et des thèmes chers à son électorat. Depuis les élections de 2007 avec Ségolène Royale et surtout depuis les attentats de Charlie, la gauche s’est saisie de ces thèmes, par opportunisme, peut-être par pragmatisme. Toujours est il que le parti de Sarkozy se cherche et ses dérives ultranationalistes rappellent celles de sa campagne de 2012 qui l’ont mise, tout simplement, hors jeu. Devant les maires de France réunis au palais des Congrès à Paris mercredi 18 novembre, l’hôte de l’Elysée prêche l’union nationale contre le terrorisme. Il a rassuré un auditoire plus républicain que les députés « qu’Aucun acte xénophobe, antisémite, antimusulman ne doit être toléré. Tous les jours, vous
vous battez pour que nos différences ne deviennent pas des divergences et des séparations. Par la terreur, Daech veut installer, par ses propres tueries, le poison de la suspicion, de la stigmatisation, de la division. Ne cédons pas aux tentations de repli, à la peur, aux excès et à la surenchère. » et d’ajouter que sa politique «sera implacable contre toute forme de haine. » F. Hollande a évoqué le cas des réfugiés syriens et irakiens. Pour lui, ils sont trop souvent montrés du doigt par l’extrême droite et la droite, qui voient dans leur arrivée une porte ouverte aux djihadistes. Il a martelé que ces réfugiés «sont martyrisés par ceux qui nous attaquent aujourd’hui». Enfin il a confirmé que 30 000 réfugiés seront accueillis en France dans les deux prochaines années, comme convenu avec les partenaires européens. De tous cette effervescence, il y’a un constat qui s’impose. Si la sécurité est un préalable dans un Etat de droit, la justice l’est plus encore. De même, le tour de vis sécuritaire ne suffira pas à endiguer le mal qui ronge nos banlieues et au-delà et qui pousse nos enfants à tuer et à se faire tuer pour un idéal apocalyptique. Assécher les filières djihadistes passe par une réflexion globale sur ce que nous sommes, ce que nous voulons être et ce que devrait être la France sur la scène internationale. C’est un effort collectif qui doit être consenti pour défendre nos valeurs. Devrions nous nous priver de nos libertés pour notre sécurité ? Benjamin Franklin a donné une réponse à méditer par les élus de gauche et surtout de droite : « Un peuple prêt à sacrifier un peu de liberté pour un peu de sécurité ne mérite ni l’une ni l’autre, et finit par perdre les deux. »
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NATION DOSSIER SAHARIEN
LES NOUVEAUX DÉFIS DE C. ROSS Par : Abou Jihad
La traditionnelle tournée de l’émissaire des Nations Unies dans la région intervient à l’heure où des signaux forts sont émis pour en finir avec un conflit factice.D’abord, il y a la fermeté marocaine réaffirmée au plus haut sommet de l’Etat quant aux lignes rouges à ne pas franchir. Ensuite, il y a les fissures qui commencent à prendre de l’ampleur au niveau de la classe politique algérienne et de son aversion pour tout processus de partition. C. Ross saura-t-il décoder tous ces signaux qui représentent autant d’enjeux nouveaux ?
S. Mezouar face à C. Ross à Rabat : qui tient la barbichette de l’autre ?
L
e mois de novembre a été particulièrement chargé pour le dossier du Sahara. A quelques semaines de la visite du roi Mohammed VI à Laâyoune, où il a prononcé un discours historique, annonçant la fin des tergiversations pour le Maroc qui entend mettre en marche la régionalisation avancée, Christopher Ross, l’émissaire de Ban Ki-moon au Sahara, a entamé une nouvelle tournée dans la région du Maghreb. A Rabat, deuxième étape de son périple maghrébin qui l’avait conduit d’abord à Alger, l’émissaire américain a été reçu, dans une atmosphère décontractée, par le chef de la diplomatie marocaine. Si rien n’a filtré sur la teneur des discussions auxquelles ont pris part Mbarka Bouaida, ministre
QUE CACHE LE NEW LOOK DE C. ROSS POUR DÉBLOQUER LE CONFLIT FACTICE DU SAHARA ?
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déléguée aux AE et Omar Hilal, représentant permanent du Maroc à l’ONU, tout porte à croire que la partie marocaine n’aura pas manqué de rappeler au messi dominici les constantes sur lesquelle s’articule la démarche marocaine pour assurer un règlement définitif de la question saharienne. Soit l’offre d’autonomie dans le cadre de la régionalisation avancée que le Maroc a déjà mis en branle. Faisant preuve de transparence, le maximum que Rabat puisse offrir aura été réitéré à C. Ross. Celui-là même qui, depuis Alger où il a été reçu par Abdelaziz Bouteflika, aura entendu le même discours éculé charpenté par la diplomatie algérienne autour du sempiternel principe d’autodétermination du peuple sahraoui. L’émissaire onusien sait à quoi s’en tenir, lui qui est appelé à produire, sous peu, un rapport au Conseil de sécurité sur ses missions de bons offices. Car ni « le dialogue direct » entre le Maroc et les séparatistes du Polisario, n’a pu aboutir au rythme des rounds de Manhasset. Ni les autres vois sondées pour éviter l’échec n’ont réussi à réaliser la moindre percée. C. Ross qui aurait été séduit par l’idée d’une confédération aura vite déchanté face à la
fermeté du Maroc. Une fermeté exprimée, une nouvelle fois, lors du discours royal du 6 novembre, -et bien avant lui devant les Nations unies-, et qui recadre la démarche politico-diplomatique du Royaume dans ce cadre : l’autonomie et rien que l’autonomie, toute autre voie relèverait de l’aventure susceptible de faire basculer la région dans le chaos. « Il se leurre celui qui attend du Maroc qu’il fasse une tout autre concession. Car le Maroc a tout donné » avait notamment martelé le chef de l’Etat qui n’a pas hésité à faire le parallèle entre le Maroc qui développe ses provinces récupérées et la démarche algérienne bélliqueuse qui mobilise des milliards de dollars non pas pour assurer la dignité au supposé « peuple sahraoui » qu’elle instrumentalise, mais pour tordre le coup à l’Histoire, en cherchant à dénier au Maroc son légitime processus de parachèvement de l’intégrité territoriale, et annihiler la donne géographie en tentant d’amputer le Royaume de son continum saharien. La diplomatie marocaine est consciente des enjeux liés aux démarches de C. Ross et tente tout pour l’empêcher de torpiller la dynamique enclenchée par l’offre marocaine d’une large autonomie. Offre qui, faut-il le rappeler, a bénéficié et jouit toujours d’un apriori positif exprimé par la communauté internationale. L’émissaire onusien aura certainement eu écho de la ferme position de la diplomatie palestinienne qui rejette tout amalgame que d’aucuns seraient tentés d’emprunter. Il n’y a pas de raccourci à faire entre la communauté d’une noble cause, celle du peuple palestinien martyrisé, et celle qui confine à un mercenariat dont seule l’Algérie tire profit. « Nous soutenons l’intégrité territoriale du Royaume du Maroc ainsi que les propositions visant à régler le conflit autour de la question du Sahara, et exprimons notre rejet catégorique et clair de toutes les comparaisons erronées et fallacieuses avec la cause palestinienne ». C’est en ces termes que s’est exprimé Riyad Al-Maliki, chef de la diplomatie palestinienne, lors de son séjour à Rabat. Une telle précision trouvera-t-elle écho, au-delà des frontières marocaines, au niveau des capitales nordiques, voire européennes, promptes à s’enflammer pour une machination machiavélique ourdie par le système algérien ? Nul besoin de
rappeler à ce sujet que le désintérêt de la communauté internationale pour «le conflit de basse intensité » qui sévit au Sahara n’aide pas à trancher dans le vif. Pourtant, les processus de partition enclenchés ailleurs n’ont en rien réussi à instaurer la paix ni à apaiser les tensions. Et lorsqu’on sait que pour le cas saharien les sables restent mouvants, il ne saurait guère être étonnant d’établir déjà les accointances avérées entre la dérive séparatiste, encouragée par Alger, et l’instabilité dans la région sahélo-saharienne. Ne s’inquiète-t-on pas aux Nations-Unies des risques de voir la jeunesse sahraouie, à l’horizon bouché, alimenter les rangs du terrorisme ravageur ? Les services de Ban Ki-moon qui savent filter l’information ne sauraient blâmer en cela le Maroc qui a alerté, à plusieurs reprises, de tous ces périls qui marquent de leur sceau la région. Si l’espoir de Christopher Ross vise rééllement à relancer les négociations entre le Maroc et le Polisario, rien ne l’empêche d’évaluer la capacité des séparatistes à pouvoir s’émanciper de la tutelle d’Alger. Et, pourquoi pas, de mettre le pouvoir algérien devant ses responsabilités. Surtout que dans la classe politique algérienne, des voix s’élèvent pour critiquer la gestion du dossier saharien par le système. N’est-il pas vrai que Amar Saadani, SG du FLN, a fait valoir, sur le plateau d’Ennahar TV, qu’il vaudrait mieux ne pas trop s’apesantir sur l’affaire du Sahara. Car lorsqu’il parlera de ce dossier, et il sait de quoi il est question, c’est le peuple algérien qui descendra dans les rues ?
Plus, la leader du Parti du Travail, n’at-elle pas appelé à faire une sourdine sur la prétendue cause saharienne qui renferme en elle même les germes de la partition à l’échelle régionale ? Jamais le landerneau politique algérien n’a sonné le tocsin sur cette sombre affaire avec une telle force. La fin de règne suscite bien des débats à Alger où tous les scenarii restent envisageables. De tout cela, C. Ross n’en ignore pas les plus petits détails, lui qui avait officié, en sa qualité d’ambassadeur américain accrédité à Alger. Dès lors, sonder d’autres voies que celles que le Maroc a déjà fait valoir, dans le cadre de sa souveraineté, ne saurait relever que de la supercherie. On comprend dès lors pourquoi, en 2012 déjà, le Maroc avait retiré sa confiance au diplomate onusien en l’accusant de partialité. De quoi sera fait son prochain rapport qui ne saurait faire abstraction de la situation inhumaine qui sévit dans les camps de Lahmada ? Osera-t-il soumettre ce sanctuaire aux missions de contrôle onusiens, y compris en matière des droits humains ? Quoi qu’il en soit, la stabilité qui règne dans les provinces sahariennes, appelées à vivre un développement socio-économique jamais égalé (avec la mobilisation de quelque 8 milliards de dollars sur 5 ans), doit inciter les uns et les autres à plus d’humilité. Le Maroc qui affiche une sérénité de bon aloi dans ses provinces récupérées depuis 40 ans déjà ne cédera point aux menaces d’où qu’elles viennent et de quelque nature qu’elles soient.
Une vue des camps de la honte à Tindouf
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NATION ABDERRAHMANE MEKKAOUI ANALYSE LA NOUVELLE « FEUILLE DE ROUTE » POUR LE SAHARA
NOUVELLE DONNE, NOUVEAUX ARGUMENTS par: A. Ben Zeroual
Le discours royal de Laayoune marquera les annales maghrébines par sa franchise et sa dureté à l’endroit du système algérien. Celui-là qui consacre des milliards de dollars pour isoler le Maroc politiquement, diplomatiquement et économiquement. Le temps des ruptures dans la gestion des affaires du Sahara est arrivé. Le Maroc en balise les voies. Pr. Abderrahmane Mekkaoui, spécialiste dans les affaires militaires et géopolitiques, apporte son éclairage sur la nouvelle « feuille de route » dévoilée depuis Laayoune par le Roi. Pour cet « algérianiste » averti, « la voie royale » a désarçonné les ennemis de la cause nationale. PERSPECTIVES MED : LE 40EME ANNIVERSAIRE DE LA MARCHE VERTE A ETE MARQUE PAR UN DEPLACEMENT ROYAL A LAAYOUNE. QUELLE LECTURE FAITES-VOUS DE CETTE SYMBOLIQUE ? Abderrahmane Mekkaoui : C’est un acte courageux qui intervient dans un contexte particulier au regard des menaces exprimées à ce propos ainsi que du tapage médiatique de l’ennemi pour dissuader cette volonté de renouer avec les provinces du Sud. Pour s’en convaincre, il suffit de citer ici la lettre adressée à Ban ki-Moon par le chef des séparatistes du Polisario et les déclarations du chef de la diplomatie algérienne, Ramtane Laamamra. Tout cela verse dans le creuset des pressions sur les puissances occidentales et les membres du Conseil de sécurité pour faire avorter la visite royale à Laayoune. Dès lors, tous ces facteurs exogènes n’ont pas influencé, détourné ou réduit la volonté royale de se rendre à Laayoune, une ville marocaine comme les autres. COMMENT INTERPRETERIEZ-VOUS SONT LES POINTS FORTS DU DISCOURS ROYAL PRONONCE A CETTE OCCASION, DISCOURS QUI VEHICULE PLUSIEURS RUPTURES AUSSI BIEN A CARACTERE PUREMENT DOMESTIQUE QUE REGIONAL LE ROI VEUT ET INTERNATIONAL ? A.M: Le discours royal, TRANSFORMER LA fortement histoRÉGION EN UNE SORTE DE rique a été chargé de messages destinés aussi bien aux acteurs « FLORIDE AFRICAINE » endogènes qu’aux intervenants exogènes. CE QUI A CRÉÉ Le Maroc, a martelé le BEAUCOUP DE JALOUSIES roi, est pour toute solution politique juste et mutuellement accepCHEZ NOS VOISINS table ne dépassant pas l’autonomie. Dans la foulée, le roi a nommément chargé l’Algérie d’être le responsable direct du 30
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pourrissement de la situation. Les 220 milliards de dollars que les Algériens ont investi pour l’entretien d’un problème factice, sans aucun geste humanitaire pour la population sahraouie incarcérée dans les camps de Lahmada, à Tindouf, représentent autant de preuves irréfutables de l’implication directe de l’Algérie dans l’alimentation de la tension régionale. En contrepartie, le Maroc a investi l’équivalent de ce que les Algériens ont mobilisé dans le développement socio-économique et culturel de ses provinces méridionales. Deux cas de figure que le roi a mis en relief pour montrer que le Maroc vise un équilibre économique régional, entre Nord et Sud, avec la participation de la population locale dans l’exploitation des ressources de la région. Mais là aussi, il y a une rupture à souligner. Souvenons que dans la foulée de la récupération des provinces du sud, le Maroc s’est allié aux grandes familles sahraouies qui ont accumulé des fortunes considérables sans partage avec la population locale. Cet épiphénomène a créé une économie de rente qui a abouti à des inégalités socioéconomiques criantes et parlantes. Ce fait doit être corrigé dans le cadre d’une politique économique rationnelle et prometteuse. Les mégaprojets lancés par le roi dans les provinces du sud transformeront toute la région en un immense chantier qui aura un impact positif sur l’Afrique subsaharienne et celle occidentale. Projet grandiose susceptible de contrecarre aussi les visées de l’Algérie et de ses alliés à isoler le Maroc de l’Afrique en le coupant de ses racines africaines dans le domaine économique. D’après les spécialistes qui suivent le conflit du Sahara, le roi veut transformer la région en une sorte de « Floride africaine » ce qui a créé beaucoup de jalousies chez nos voisins espagnols des îles canaries. Grosso modo, le discours royal a mis les points sur les « i » aussi bien au niveau des relations maroco-algériennes que du plafond fixé à toute négociation future pour dégager une solution durable à un conflit somme toute factice. Donc, au-delà de l’offre marocaine d’autonomie, point de négociations ni de concessions après autant de
Pr. Abderrahmane Mekkaoui fait partie des rares «algéranistes» pour lesquels les moindres circonvolutions qui marquent la scène algérienne n’ont pas de secret. Cet universitaire marocain qui s’est reconverti dans la géostratégie fait déjà le bonheur des visiteurs de l’Ecole de guerre à Paris. sacrifices consentis sur le terrain. Il faut noter que c’est la première fois que le roi s’est adressé directement à l’opinion algérienne et à la population de cette région en soulignant que la majorité des sahraouis sont dans leur pays, le Maroc, et qu’il n’y a qu‘une minorité de 40.000 âmes qui se trouve à Tindouf. La manifestation en face du siège de la Minurso, à Laayoune comme ailleurs, est un message clair selon lequel le Maroc ne voit aucune raison au maintien de cette force onusienne sur son territoire. Rappelons que la Minurso est la seule force onusienne en chômage technique depuis 40 ans. Cette force cause beaucoup de problèmes aux Marocains ce qui signifie que leur maintien est devenu obsolète. Dans ce cadre là, Christopher Ross, envoyé spécial du SG de l’ONU, n’a plus de raison de continuer à véhiculer des thèses qui n’ont aucune valeur sur le terrain. Tantôt ce messi dominici parle de « Baker 2 », tantôt de « confédération» alors que dans les salons fermés, il reconnaît que la naissance d’un Etat dans la région n’est pas viable. Le Maroc s’est aperçu que l’insistance de C. Ross à vouloir visiter les provinces du sud cache un complot politico-diplomatique lourd de conséquences. D’où la mise en garde qui a pris les formes qu’il fallait : C. Ross est parsona non grata à Laayoune et tout contact avec les Marocains devrait se faire depuis Rabat. COMMENT EXPLIQUEZ-VOUS LA REACTION TIMOREE DE L’ALGERIE OFFICIELLE SI L’ON EXCEPTE CELLE DES MEDIAS QUI FONT DU DOSSIER SAHARIEN LEUR MARRONNIER ? A.M: La visite royale à Laayoune a perturbé la donne à Alger d’où des déclarations contradictoires des décideurs algériens. D’un coté, Ramtane Laamamra parle de
diplomatie médiatique et folklorique qui peut conduire au pire, c’est-à-dire à la guerre, tandis que que le chef du FLN Amar Saadani sous-entend, lui, la possibilité d’un lâchage du Polisario et de l’affaire du Sahara pour des raisons de politique intérieure plus prioritaires. La seule réaction reste la lettre envoyée par le front à Ban ki-Moon accusant le Maroc de ne pas respecter ses engagements et résolutions des Nations Unies concernant la question, tout en mettant l’ONU devant ses soi-disant responsabilités en évoquant un retour éventuel à la lutte armée. La situation politique algérienne, très ambiguë, débouchera-t-elle sur un coup d’état militaire ? Favorisera-t-elle le pis-aller avec une guerre éclair contre le Maroc ? Où assistera-t-on à l’effondrement du système algérien, avec l’installation de l’Algérie voisine dans des modèles tragiques libyen, syrien ou yéménite ? Toutes ces hypothèses restent plausibles à l’heure où la région nord-africaine est enflammée et instable. L’HISTOIRE EST-ELLE APPELEE A S’ACCELERER POUR LE DOSSIER SAHARIEN SI ON SE BASE SUR LA REAFFIRMATION ROYALE, DEPUIS LAAYOUNE, QUE L’OFFRE D’AUTONOMIE EST LE MAXIMUM QUE LE MAROC PUISSE ACCEPTER ? A.M: Je pense que l’opinion algérienne commence à voir dans ce conflit un conflit du système et non celui des Algériens. Les déclarations de la quasi-totalité des chefs des partis et des associations de la société civile, concentrent une seule demande ; le désengagement de l’Algérie de cette aventure sans issue et que les dirigeants cessent d’utiliser la théorie du complot venant du Maroc pour souder le micro-nationalisme algérien. Cette doctrine n’est plus acceptable par l’opinion dans son ensemble. Et comme disait
Chafik Mesbah, Général du DRS algérien réfugié en France, le Polisario qui fut le petit chameau introduit dans la maison algérienne risque, en voulant le bouter dehors, de casser la baraque… La solution est donc liée à l’avenir très proche de l’Algérie. Plusieurs centres d’études stratégiques en Europe, nourris par les analyses du Mouvement des officiers libres algériens (MOL) évoquent un dénouement à la portugaise avec l’instauration de la démocratie en Algérie. Tous les pays européens s’investissent pour éviter que le chaos libyen ne se reproduise en Algérie. Des scenarï ont même été établis par l’OTAN pour évacuer pas moins de 3 millions de binationaux de l’Algérie vers l’Europe. QUEL ROLE DOIT ASSUMER LA CLASSE POLITIQUE MAROCAINE POUR RENFORCER LE FRONT INTERIEUR ET PORTER LA VOIX DU MAROC AUPRES DES OPINIONS PUBLIQUES A L’ETRANGER, COMME CELA A ETE LE CAS EN SUEDE ? A.M: Il faut repenser notre diplomatie à tous les niveaux et à tous les étages et, partant, cesser d’entretenir le doute par tout discours nourri par un quelconque apprentis-sorcier. La voie royale consisterait à dégager un consensus national sur la stratégie royale concernant l’évolution de la situation. Notre conflit avec les Algériens est devenu multiforme, il se situe au niveau du verbe et de l’image. A mon humble avis, le renforcement du front intérieur signifierait aussi la mobilisation des Marocains du monde car les décisions dans les pays démocratiques européens et latino américains prennent en compte l’orientation de leur propre opinion publique. Il faut dès lors privilégier un travail de fond visant la société civile de ces pays en relation avec les associations marocaines crédibles. Ce PERSPECTIVES MED
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n’est pas des associations marocaines qui vont se déplacer en Suède, en Norvège au Danemark où en Irlande, mais c’est à la diaspora marocaine de le faire. Nous avons un potentiel humain très actif qui est marginalisé à cause du comportement de quelques individus de la 5ème colonne qui défigurent l ‘image des nationalistes afin de réduire leurs activités et ternir en sourdine leur image. Les 6 millions de marocains du monde, dont 400.000 aux USA, qui ont le pays dans la peau n’attendent que le changement de cap pour passer à l’action. Les compétences ignorées, oubliées, marginalisées n’attendent qu’un bon discours et une bonne stratégie d’action pour agir. Et pour le cas d’espèce, force est de souligner que l’affaire ne se résume pas à l’argent à débourser plus qu’elle n’est tributaire d’une volonté politique ferme et résolue. LA DIPLOMATIE MAROCAINE FAIT PREUVE D’OFFENSIVE, NOTAMMENT EN SOUTENANT, DEPUIS LES NATIONS UNIES, LES DROITS INALIENABLES 32
PERSPECTIVES MED
DU PEUPLE KABYLE EN ALGERIE. QUELLES PERSPECTIVES S’OUVRENT A CE SUJET D’AUTANT QUE LE CAS KABYLE PEUT AUSSI ETRE GENERALISE A CELUI DES TOUAREGS ? A.M: L’Algérie est une maison de verre. Et le fait d’envoyer la pierre aux voisins n’est pas une solution en soi. Notre voisin de l’Est est un ensemble de peuples, d’ethnie et de régions que seule la théorie du complot a pu souder depuis 1958, soit depuis la création du Comité d’organisation militaire (COM), noyau du DRS actuel. C’est à partir de cet embryon que l’ALN a été créé et donné naissance à l’Etat algérien. On est face à un même cas de figure qu’en Israël. En soulevant la question de la région de la Kabylie, le Maroc a voulu égaliser le Sahara marocain avec le cas de la Kabylie, car les deux régions, au-delà des spécificités historiques, ethniques, linguistiques, ont des attaches avec leur ensemble géographique, le Maroc et l’Algérie. Depuis des millénaires, et avec toutes les dynasties, depuis les Phéniciens jusqu’aux Arabes, le Maroc a toujours été constitué une seule et même unité géographique avec son Sahara. Toutes les dynasties qui ont perdu cette profondeur stratégique ont chuté au profit d’autres venant du sud… Je rappelle que Boumediene, dans un discours fleuve, a l’occasion de la nationalisation du pétrole algérien, il avait annoncé que l’Algérie pouvait abandonner le Nord, avec sa Kabylie, et mourir pour le sud, c’est-à-dire le Targuistan. Le Maroc n’a jamais voulu déstabiliser l’Algérie, et surtout durant la décennie noire de 1992 car pour la monarchie marocaine, une Algérie effondrée et implosée aurait conséquences gravissimes sur la sécurité et la stabilité du Maroc. Une rencontre avec le leader autonomiste de la Kabylie, Mhanni, m’a permis de mesurer l’optimisme qu’il cultive au destin d’une région marginalisée et humiliée par le système politique algérien depuis le printemps berbère. Cette escalade ente les deux pays est due au déclenchement de la de guerre économique entamée par l’Algérie et l’Afrique du Sud pour couper le Maroc de ses racines africaines et renforcer son isolement dans le continent. Cette guerre économique est la conséquence de leur défaite militaire, diplomatique et juridique et est considérée par le Maroc comme la goutte qui a fait déborder le vase nécessitant une réplique forte, mesurée et rationnelle. La dernière déclaration du chef du FLN, A. Saadani a montré le désarroi et l’embarras de la classe poli algérienne suite au discours royal musclé que les Marocains du monde ont applaudi.
MAGHREB L’ALGÉRIE DANS LA TOURMENTE
LE SYSTÈME SE DÉLITE
«
UNE FOIS ENCORE, L’OPINION ALGÉRIENNE EST TENUE DANS LE FLOU CONCERNANT LA SANTÉ DU CHEF DE L’ETAT. A. BOUTEFLIKA AURAIT ÉTÉ TRANSPORTÉ, EN URGENCE, HORS DU PAYS POUR RECEVOIR DES SOINS APPROPRIÉS. MAIS IL Y A D’AUTRES RAISONS QUI POUSSE LA MARMITE ALGÉRIENNE À BOUILLIR DANGEREUSEMENT. AU PÉRIL TERRORISTE SE JOINT UNE CRISE ÉCONOMIQUE SANS PRÉCÉDENT. LE TOUT AVEC UNE PANNE DU « SYSTÈME ». MAXIMALE ALERTE…
Par : A. Ben Driss
Durant les 15 dernières années, l’Algérie a engrangé, grâce au pétrole, 900 milliards de dollars. Durant les 17 premières années de l’indépendance, nous n’avons eu que 25 milliards de dollars qui n’ont pas été dépensés pour l’enrichissement des personnes (…) Mais depuis 15 ans, la corruption a galopé à une vitesse hallucinante. Tout l’argent qui a été accumulé s’est traduit par un appauvrissement du pays». C’est de la sorte que Sid Ahmed Ghozali a choisi, en ce novembre, d’inaugurer son cycle reproches au systèmes. L’homme n’est pas un inconnu puisqu’il a été chef de gouvernement et connaît sur le bout des doigts la réalité de l’économie algérienne assise sur la rente pétrolière. L’ex-patron de la Sonatrach que des solutions à la crise actuelle existent. Mais avec «ce régime et ce pouvoir qui ont commis «trois fautes capitales». Vouloir gouverner par l’obéissance, enfreindre les lois et la déresponsabilisation des responsables. d’obéir : «Il prétend pouvoir diriger en donnant des ordres. Ce n’est pas possible. Il n’y a pas de politiques applicables sans la participation de la société.» La deuxième faute consiste, ajoute-t-il, en le non-respect de la loi : «Le pouvoir ne respecte pas la loi. Cette loi, c’est la Constitution et les lois qui en découlent. Ceux qui font les lois sont les premiers à les transgresser.» Et de préciser que la troisième faute concerne «l’irresponsabilité des responsables». Et de se joindre à l’appel de la Coordination pour les libertés et la transition démocratique (CLTD) pour «changer le système ». «Il ne faut pas aussi croire le discours officiel qui assimile le changement et l’alternance au pouvoir au désordre et à la prolifération du terrorisme», martèle-t-il. Les partis et les personnalités de l’opposition structurés au sein de ladite coordination ont décidé de s’organiser avant d’occuper le terrain de la protestation. L’Instance de suivi et de concertation de l’opposition (ISCO) a adopté, dernièrement, le principe d’aller vers un deuxième congrès national de l’opposition avant la fin de l’année 2015 et l’organisation d’une rencontre politique pour évaluer les différentes actions menées jusqu’à présent. Lors de cette réunion tenue dans une conjoncture difficile, les volets politique et économique ont occupé une PERSPECTIVES MED
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grande partie de la concertation. Les participants ont tous relevé la situation économique critique qui prévaut dans le pays et le danger qui guette l’Algérie en raison, selon eux, de l’effondrement du pouvoir en place. Pour l’ISCO, la crise risque de conduire le pays à l’impasse. «Les clignotants sont tous au rouge et les prémices d’une explosion sont perceptibles sur le terrain. La situation est grave, que ce soit sur le plan politique, économique ou social. Nous devons agir», explique Soufiane Djilali, membre de l’ISCO. Cette instance a vu, cette fois-ci, s’élargir son champ d’action à d’autres entités partisanes et personnalités politiques. Le nombre des participants avoisine actuellement la trentaine», rappellent les membres de la Coordination qui «relèvent avec fierté l’engagement de nouveaux partis politiques au sein de l’organisation représentative de l’opposition et exhortent toutes les forces et les élites, estudiantines, sociales, syndicales, politiques et économiques à participer à l’initiative de transition démocratique pour activer l’ensemble du programme de sensibilisation politique».
APPEL A L’ARMEE Des voix s’élèvent de plus en plus fort dans le landerneau politique pour inviter l’armée à réagir. «Les institutions habilitées doivent déclarer la vacance du pouvoir», appelle le président de Jil Jadid, pour qui l’institution militaire porte une part de responsabilité dans la situation actuelle, rappelant que c’est elle qui a «installé Bouteflika au pouvoir». En conséquence, Soufiane Djilali lui demande de «corriger son erreur». Et de demander une nouvelle fois un changement du système pour éviter la paralysie des institutions. «L’institution présidentielle est entre les mains de personnalités que nous ne connaissons pas », martèle-t-il. Cette saillie rejoint l’idée avancée par le groupe des 19 personnalités qui ont estimé que le Président était «sous tutelle». «Pour ne pas dire qu’il est séquestré, il est sous surveillance», avait suggéré Lakhdar Bouregaâ, membre du groupe des 19. Si l’on excepte le RCD, plus timoré dans sa démarche, les autres formations politiques algériennes sont unanimes à juger la situation dangereusement instable. Il en va ainsi du président du Mouvement pour la société et la paix (MSP) Abderrazak Makri qui craint le pire pour l’Algérie. A ses yeux, « la situation est au bord de l’explosion et l’Algérie risque, avec la crise économique qui s’est installée, l’effondrement avant fin 2016». Même Louisa Hanoune, chef historique du PT, pourtant connue pour ses amitiés avec le chef de 34
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l’Etat, aujourd’hui diminué, n’hésite plus à voler dans les plumes du Président et de ses hommes, tous coupables de la crise pluridimensionnelle que traverse l’Algérie. La situation est d’un ubuesque dans un pays marqué par les soubresauts d’une fin de règne. Le départ du puissant Médiene, alias Toufik, du DRS n’est qu’un épisode parmi d’autres. Le feuilleton de l’épuration ayant démarré avec le choix des têtes couronnées de l’armée et de la sécurité à faire tomber. C’est de ces circonvolutions-là que le doute s’est renforcé chez les Algériens quant aux véritables compétences du chef de l’Etat à assumer ses fonctions. Ses traditionnels détracteurs, de Benflis à Benhadid, auxquels se sont joints les «19», appellent donc à ce que le pays renoue avec une normalité perdue où les Bouteflika, Président et Conseiller à la Présidence, nourrissent le flou avec le réseau qui détient le pouvoir. C’est tout le secret du « système » que dénonce depuis toujours A. Ghozali privé de tout rôle politique structuré.
MORCELLEMENT DU MONDE ARABE
DANS LA MARMITE DE LA CIA Bill Stewart, ancien responsable à la CIA et auteur du livre « Washington’s War in Nicaragua », a dans un entretien accordé à un site d’information mexicain Santa Fe New Mexican News assuré que presque aucun pays au Moyen-Orient et en Afrique n’échappera à un plan de morcellement sauf… quatre. Maroc, Tunisie, Egypte et Algérie y figurent. Pour le cas algérien, l’ex-agent explique son exception à l’aune de son passé révolutionnaire, élément clé de cette «non-déstabilisation». En effet, l’Algérie est le seul pays arabe à avoir mené une vraie révolution au sens classique du terme. Plus de sept années de guerre sans relâche contre le colonialisme français qui était alors la cinquième puissance militaire mondiale. Ajoutée à cela, la révolte du 5 Octobre 1988 qui a permis à l’Algérie une ouverture démocratique, restée entre parenthèses. Outre la donne liée à la lutte contre le terrorisme qui s’est soldée par 200.000 morts au moins.
MAGHREB MONCEF MARZOUKI CIBLÉ
DAECH S’ENRACINE EN LIBYE
TERREUR ENDIGUER EN TUNISIE LA DÉRIVE
A
l’heure où les opérations anti-terroristes prennent de l’ampleur en Tunisie, l’ex-président Moncef Marzouki a été informé d’un projet d’assassinat le visant, apprend-on auprès du ministère de l’Intérieur. L’entourage de l’ancien chef de l’État qui a confirmé un tel projet a réclamé une meilleure protection. Adnène Mancer, son ex-directeur de campagne, a indiqué que « depuis deux ou trois semaines » la protection de Moncef Marzouki ne relevait plus de la sécurité présidentielle mais du service de protection des personnalités, qui dépend du ministère de l’Intérieur. « Quand la protection du Dr Marzouki a été diminuée, alors peut-être les terroristes ont-ils pensé à passer à l’acte », a-t-il déploré. « Si ces menaces sont mises en application, le but serait de provoquer le chaos dans le pays », a-t-il ajouté. La responsabilité du Président Beji Caid Essebssi est ainsi engagée dans tout scénario criminel… En effet, la Tunisie est prise en tenaille par les djihadistes qui officient aussi bien à la frontière avec l’Algérie, dans les monts Chaambi, qu’à la frontière avec la Libye, pays en proie au chaos depuis la chute du régime de Kadhafi. L’armée, au même titre que les services de sécurité, sont sur les dents. Car non seulement les opérations de ratissage s’avèrent des plus meurtrières à la frontière avec l’Algérie, mais parce que la crise ouverte en Libye représente une menace réelle pour la stabilité de la Tunisie, pays qui passe par une période de turbulences. Turbulences politiques avec la tension qui sévit au sein de Nidaa Tounes, parti sorti majoritaire des dernières élections qui risque de perdre de son poids. Au profit des islamistes d’Ennahda, aux aguets. Mais aussi des turbulences économiques avec une contraction de l’activité économique qui n’est pas sans incidences sociales. Et, enfin, turbulences sur le plan religieux, la mise au pas de quelques mosquées qui distillent un discours appelant à la haine et au djihad. Ce qui rebooste la capacité de mobilisation d’Ennahda qui vole au secours des islamistes qu’il entend mettre sous sa coupe.
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ès la première semaine de sa prise officielle de fonction, le nouvel envoyé spécial du Secrétaire général de l’ONU et chef de la Mission d’Appui des Nations unies en Libye (MANUL), Martin Kobler, s’est empressé de consacrer sa première visite en Libye. Un déplacement de première importance à l’heure où des informations font état du renforcement des rangs de Daech dans le pays par l’arrivée de nombre de djihadistes qui ont fui la Syrie où l’armée déroule son rouleau compresseur sur plusieurs fronts en bénéficiant de la couverture aérienne russe. Parallèlement à la mission de M. Kobler, Rabat a adressé une invitation au candidat désigné à la présidence du gouvernement de réconciliation nationale, Faez al-Sarraj, pour effectuer une visite officielle au Maroc, destinée à débattre de la coopération et du soutien au prochain cabinet en Libye. Le Maroc qui s’est impliqué dans la dynamique de normalisation en Libye, notamment via les multiples rounds de négociations à Skhirat, ne perd pas espoir de voir les parties en conflit en Libye dépasser les blocages qui ont conduit à l’impasse du processus de paix. Force est de rappeler que le dernier projet d’accord politique, présenté en juin dernier, à Skhirat, par Bernardino Leon, ex-envoyé spécial des Nations unies pour la Libye, avait suscité des réactions contradictoires chez les principaux acteurs politiques, à rebours du consensus recherché. Aux délégations représentant les deux camps rivaux, celui de Tobrouk-Baïda (Est) et celui de Tripoli (Ouest), B. Leon avait proposé une formule de gouvernement d’union nationale visant à mettre un terme à la guerre civile. Proposition déclinée par le Parlement basé à Tobrouk, rassemblant libéraux, anti-islamistes et ex-kadhafistes, en exprimant sa déception à l’égard de la quatrième mouture dont elle estime qu’elle ne fait pas justice à sa légitimité d’Assemblée reconnue par la communauté internationale. Contrairement à ses rivaux de Tripoli du Congrès général national (CGN), coalition islamiste. M. Kobler réussira-t-il à endiguer la dérive de ce pays, là où B. Leon avait échoué ?
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PANORAMA EUROPOL ÉCHAUDÉ
SÉRIEUSES MENACES De nouvelles attaques sont « probables » sur le territoire de l’Union européenne, craint Rob Wainwright, directeur d’Europol qui considère la menace terroriste après les attentats de Paris comme « la plus sérieuse depuis les dix dernières années ». « Nous pouvons estimer, sans exagérer, que d’autres attaques sont probables », a déclaré M. Wainwright devant la commission Liberté civiles, justice et affaires intérieures du Parlement européen, qualifiant la menace terroriste comme « la plus sérieuse depuis les dix dernières années en Europe ». Invité par les eurodéputés à s’exprimer après les attaques du 13 novembre à Paris, il a reconnu plusieurs lacunes dont le suivi des mouvements des combattants étrangers suspects entre l’Europe, la Syrie et l’Irak. Quelque 10.000 suspects en la matière « sont rentrés dans les Etats membres et les pays partenaires au niveau international », a-t-il rapporté.
UN POÈTE CONDAMNÉ À MORT ! LA JUSTICE SAOUDIENNE REPROCHE AU POÈTE PALESTINIEN ASHRAF FAYAD D’AVOIR TENU DES PROPOS CONTRE DIEU ET CONTRE LE ROYAUME. CETTE ACCUSATION QUI REPOSE SUR UN TÉMOIGNAGE UNIQUE EST DONC SANCTIONNÉE PAR LA PEINE DE MORT. «J’AI ÉTÉ TRÈS CHOQUÉ MAIS C’ÉTAIT ATTENDU. JE N’AI CEPENDANT RIEN FAIT POUR MÉRITER LA MORT», A EXPLIQUÉ LE POÈTE AUX MÉDIAS. IL AVAIT DÉJÀ ÉTÉ DÉTENU EN 2013, POUR BLASPHÈME. EN JANVIER 2014, ASHRAF FAYAD AVAIT DE NOUVEAU ÉTÉ ARRÊTÉ ET CONDAMNÉ À QUATRE ANS DE PRISON ET 800 COUPS DE FOUET EN PREMIÈRE INSTANCE APRÈS UNE PLAINTE PROVENANT D’UN GROUPE DE DISCUSSION CULTUREL DANS UN CAFÉ D’ABHA (SUD-OUEST). UN HOMME AFFIRMAIT ALORS L’AVOIR ENTENDU TENIR DES PROPOS CONTRE DIEU, TANDIS QU’UN RELIGIEUX L’ACCUSAIT DE «BLASPHÈME» DANS UN RECUEIL DE POÈMES QUE LE PALESTINIEN A ÉCRIT IL Y A 10 ANS. A. FAYAD AVAIT DÉMENTI QUE SON OUVRAGE SOIT «BLASPHÉMATOIRE», MAIS S’ÉTAIT QUAND MÊME EXCUSÉ. LA COUR N’AVAIT ALORS «PAS VOULU LE CONDAMNER À MORT».
RENSEIGNEMENT EUROPÉEN
FRANQUISME
HALTE À L’IMPUNITÉ !
DES MILLIER DE PERSONNES ONT DÉFILÉ DANS LES RUES DE MADRID LE 22 NOVEMBRE POUR RÉCLAMER LA RECONNAISSANCE DES CRIMES DE LA DICTATURE DE FRANCISCO FRANCO, MORT IL Y A 40 ANS, COUVERTS PAR UNE AMNISTIE VOTÉE EN 1977. LES MANIFESTANTS RÉCLAMAIENT L’ABROGATION DE LA LOI D’AMNISTIE DE 1977, DEUX ANS APRÈS LA MORT DU DICTATEUR, QUI EMPÊCHE LES POURSUITES JUDICIAIRES CONTRE LES AUTEURS DE D’ATTEINTES AUX DROITS DE L’HOMME LORS DE LA GUERRE CIVILE ESPAGNOLE PUIS SOUS LE RÉGIME DICTATORIAL DE FRANCISCO FRANCO.
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ARABIE SAOUDITE
PERSPECTIVES MED
ET LES DROITS DE L’HOMME ? L’Agence des droits fondamentaux de l’Union européenne a souligné dans un récent rapport, dévoilé à Strasbourg, la nécessité de renforcer et d’évaluer régulièrement le cadre législatif qui entoure le travail des agences de renseignement, afin de protéger les droits fondamentaux des citoyens. Il est nécessaire de «continuer à réformer les cadres législatifs de façon à combler le manque de contrôle » des agences, selon les conclusions du rapport rendu public à l’occasion du Forum mondial de la démocratie organisé par le Conseil de l’Europe à Strasbourg. Le rapport qui se concentre sur la «surveillance de masse» pointe des défaillances «dans les cadres législatifs nationaux » notamment aux niveaux des définitions « des catégories de personnes et du spectre d’activités qui peuvent être soumis à surveillance». Ses auteurs soulignent la nécessité d’un droit de regard parlementaire mais aussi de comités d’experts entièrement dédiés au contrôle des services de renseignement, comme c’est déjà le cas dans 15 Etats membres de l’UE.
INQUIÉTUDES AU SÉNÉGAL
DJIHADISME AMBIANT L’ARRESTATION AU SÉNÉGAL D’UNE CELLULE DJIHADISTE ACCROÎT L’INQUIÉTUDE QUANT AUX CONNEXIONS TERRORISTES AU NIVEAU DE LA RÉGION. LA QUASI ÉLIMINATION DU MOUVEMENT POUR L’UNICITÉ ET LE JIHAD EN AFRIQUE DE L’OUEST (MUJAO) NE SEMBLE PAS ÊTRE SYNONYME D’UNE QUASI ÉLIMINATION DE LA MENACE TERRORISTE AU NIVEAU DE LA RÉGION. LES ENQUÊTEURS SÉNÉGALAIS TENTENT DE VOIR CLAIR DANS LA GALAXIE DJIHADISTE QUI LES A ÉPARGNÉS JUSQU’À PRÉSENT. SI LES ACCOINTANCES ENTRE AQMI ET BOKO-HARAM SONT CONNUES AUSSI BIEN QUE CELLES QUI EXISTENT ENTRE LES MOURABITOUNES ET LES FORCES DE LIBÉRATION DU MACINA, LE FLOU ARTISTIQUE ENTOURE TOUJOURS LA NATURE DES RAPPORTS ENTRE LES AUTRES ENTITÉS TERRORISTES ÉPARPILLÉES DANS LES PAYS OUEST-AFRICAINS».
BOCO HARAM SÉVIT
ATTENTATS EN CHAINE Le terrorisme a frappé, une nouvelle fois, le nord-est du Nigeria. Une kamikaze s’est fait exploser à Maiduguiri, capitale de l’Etat de Borno. régulièrement prise pour cible par les islamistes du groupe Etat islamique en Afrique de l’Ouest, (ex-Boko Haram). Huit personnes ont été tuées à proximité d’un poste de contrôle, au milieu de réfugiés. Il s’agit du troisième attentat qui touche cette région du Nigeria. Au moins 45 personnes sont mortes en l’espace d’une semaine dans des explosions dans les villes de Kano et de Yola. Pour tenter de juguler le péril terroriste, les chefs d’État du G5 du Sahel (Burkina Faso, Niger, Tchad, Mali, Mauritanie) ont annoncé la mise en place de plusieurs mesures fortes comme la création d’une force conjointe régionale. C’était lors du sommet de Ndjamena qui s’est déroulé alors que Bamako était victime d’une attaque terroriste d’envergure. Autres décisions : la création d’une école régionale de la guerre basée en Mauritanie et qui entrera en fonction dès 2016 ; le lancement d’une compagnie aérienne régionale « pour améliorer les dessertes entre les pays » membres ; la construction d’une ligne de chemin de fer reliant la Mauritanie, le Burkina, le Mali, le Niger et le Tchad; et enfin la suppression des visas entre les pays membres « sous réserve de la prise de dispositions sécuritaires appropriées ».
Ali Khamenai, guide suprême de la révolution islamique (Iran) : «Tant que la politique de l’Occident sera dominée par les doubles standards, tant que les terroristes, de l’avis de leurs puissants protecteurs, seront divisés en bons et mauvais, tant que les intérêts des gouvernements primeront les valeurs et la morale humaines, inutile de même essayer de chercher ailleurs les racines de la violence».
LE PRÉSIDENT DU PARTI D’OPPOSITION PRO-KURDE HDP, SELAHATTIN DEMIRTAS, EST SORTI INDEMNE D’UN TIR CONTRE SA VOITURE ALORS QU’IL CIRCULAIT À DIYARBAKIR, DANS LE SUD-EST DU PAYS. C’EST EN ARRIVANT À SON DOMICILE QUE L’IMPACT DU PROJECTILE TURQUIE A ÉTÉ DÉCOUVERT SUR LA VITRE ARRIÈRE DU VÉHICULE, EXACTEMENT À L’ENDROIT OÙ LE COPRÉSIDENT DU PARTI PREND PLACE DANS SA VOITURE BLINDÉE. CE N’EST PAS LA PREMIÈRE TENTATIVE D’ASSASSINAT VISANT S. DEMIRTAS PUISQU’UNE DOUBLE EXPLOSION DE COLIS PIÉGÉS, À QUELQUES MÈTRES DE LA SCÈNE OÙ IL S’APPRÊTAIT À PRENDRE LA PAROLE LORS D’UN MEETING À DIYARBAKIR, 48 HEURES AVANT LE SCRUTIN LÉGISLATIF DU 7 JUIN DERNIER, AVAIT DÉJÀ ÉTÉ INTERPRÉTÉE COMME UNE ATTAQUE LE VISANT PERSONNELLEMENT.
DEMIRTAS CIBLÉ
OPERATION US EN LIBYE
UN DAECHIEN TUÉ
Une première en Libye. Les Etats-Unis ont bombardé le groupe terroriste autoproclamé Etat islamique (EI) et éliminé dans la foulée l’Irakien Abou Nabil, présenté comme le chef du groupe dans le pays. «La mort de Nabil va amoindrir les capacités de l’EI à atteindre ses objectifs en Libye», s’est félicité dans un communiqué Peter Cook, porte-parole du Pentagone. M. Cook a précisé que la frappe avait été «autorisée et initiée avant l’attaque terroriste sur Paris». Selon le porte-parole du Pentagone, Abou Nabil, alias Wissam Najm Abd Zayd Al Zubaydi, a longtemps été «un militant d’Al Qaîda» et était «le plus haut responsable de l’EI en Libye». En juin dernier, les Etats-Unis avaient mené un autre bombardement aérien qui visait le chef terroriste Mokhtar Belmokhtar, lié à Al Qaîda. La mort du chef terroriste n’a jamais pu être confirmée.
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PANORAMA ASSASSINAT D’ARAFAT
LES SOCIALISTES AU POUVOIR À LISBONNE
LA FIN DE L’AUSTÉRITÉ ? LE CHEF DE L’ÉTAT PORTUGAIS A MIS FIN À UN SUSPENS DE PRESQUE DEUX MOIS. IL A NOMMÉ LE LEADER SOCIALISTE ANTONIO COSTA PREMIER MINISTRE EN CHARGE DE FORMER UN GOUVERNEMENT. A LA SUITE DES LÉGISLATIVES DU 4 OCTOBRE DERNIER, PEDRO PASSOS COELHO, PREMIER MINISTRE SORTANT ET DONT LA COALITION ÉTAIT ARRIVÉE EN TÊTE EN NOMBRE DE VOIX, AVAIT ÉTÉ CHARGÉ DE FORMER LE GOUVERNEMENT. MAIS, MINORITAIRE À L’ASSEMBLÉE, CE GOUVERNEMENT A FAIT L’OBJET D’UNE MOTION DE CENSURE. L’ALLIANCE PASSÉE PAR LES SOCIALISTES AVEC LE PARTI COMMUNISTE, LES VERTS ET LE BLOC DE GAUCHE (EXTRÊME GAUCHE, SENSIBILITÉ SYRIZA) EST INÉDITE AU PORTUGAL. CETTE UNION DE LA GAUCHE LUSITANIENNE A FAIT L’OBJET D’ACCORDS BILATÉRAUX. LA QUESTION QUI SE POSE EST DE SAVOIR SI LES SOCIALISTES RELÈVERONT LE DÉFI DE L’AUSTÉRITÉ DANS LAQUELLE LE PAYS EST PLONGÉ DEPUIS 4 ANS.
L’ENQUÊTE AVANCE…
LA COMMISSION D’ENQUÊTE PALESTINIENNE SUR LA MORT DE YASSER ARAFAT A IDENTIFIÉ L’AUTEUR DE L’»ASSASSINAT» DE L’ANCIEN PRÉSIDENT PALESTINIEN, A AFFIRMÉ MARDI À L’AFP SON CHEF TAWFIQ TIRAWI, ACCUSANT UNE NOUVELLE FOIS ISRAËL D’ÊTRE «RESPONSABLE» DU DÉCÈS DU DÉFUNT LEADER. CETTE DÉCLARATION INTERVIENT À LA VEILLE DES COMMÉMORATIONS DU 11E ANNIVERSAIRE DE LA MORT DE L’ICÔNE PALESTINIENNE ET ALORS QUE LES JUGES D’INSTRUCTION FRANÇAIS EN CHARGE DE L’ENQUÊTE POUR «ASSASSINAT» OUVERTE PAR SA VEUVE ONT RÉCEMMENT PRONONCÉ UN NON-LIEU. SOUHA ARAFAT A FAIT APPEL. «IL FAUDRA ENCORE UN PEU DE TEMPS POUR ÉLUCIDER LES CONDITIONS EXACTES DE CET ASSASSINAT», A-T-IL AJOUTÉ, PRÉCISANT TOUTEFOIS QU’»ISRAËL EST RESPONSABLE DE CET ASSASSINAT» SUR LEQUEL LES PALESTINIENS ENQUÊTENT DEPUIS 2009.
Benyamin Netanyahu, Premier ministre israélien, veut « suspension des contacts diplomatiques » entre l’entité sioniste et l’Union européenne sur les questions relatives au processus de paix avec les Palestiniens ». En attendant, Tsahal a déjà fait plus 100 morts et des centaines de blessés parmi les Palestiniens en Intifada. Depuis la mort de Mollah Omar, leader charismatique des Taliban afghan, la lutte entre les factions s’intensifie. L’une d’elle qui a prêté allégeance à Daech n’a pas hésité à sévir, dans l’est du pays, contre les Hazara. Quatre hommes, deux femmes SANGUINAIRES et un enfant ont ainsi été égorgés. Les TOUJOURS Hazaras, une ethnie majoritairement chiite, sont régulièrement pris pour cible en LES TALIBAN DÉCHIRÉS Afghanistan et au Pakistan, notamment par des groupes extrémistes sunnites, en raison de leur appartenance religieuse. Durant la guerre civile d’Afghanistan, la ville de Mazar-e-Sharif a notamment été le théâtre de massacres à grande échelle : entre 8000 et 10000 Hazaras y avaient été assassinés par des Taliban.
DIXIT « SI LES RUSSES CONTINUENT À BOMBARDER NOS GARS, IL FAUT QU’OBAMA RIPOSTE » ! C’EST CE À QUOI EST ARRIVÉ ZBIGNIEW BRZEZINSKI, ANCIEN CONSEILLER À LA SÉCURITÉ NATIONALE DE JIMMY CARTER, EN PARLANT DE « JABHAT AL-NOSRAH »
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PERSPECTIVES MED
ITALIE SUR LE QUIVIVE
ON DÉMANTÈLE… Un coup de filet a permis de démanteler un réseau terroriste européen qui prévoyait des opérations pour tenter d’obtenir la libération de son chef détenu en Norvège, a annoncé la police italienne. Les mandats d’arrêt concernent 17 personnes et seuls six membres du réseau ont été arrêtés en Italie, quatre au Royaume-Uni, trois en Norvège… Les autres ayant fui en Irak et en Syrie. Le réseau se développait «sur internet à travers des procédures « noires », des plateformes peu connues que nous avons réussi à pénétrer», a confié Giovanni Governale, un responsable du groupe des opérations spéciales des carabiniers italiens. L’alerte reste à son maximum à Rome et Milan, suite aux « risques d’attentats» dévoilés par les Américains.
ÉCONOMIE &
MARCHÉ
LOI DE FINANCES 2016
REALPOLITIK…
LE DERNIER PROJET DE LOI DE FINANCES DE LA LÉGISLATURE, SOUMIS AUX FOURCHES CAUDINES DU POUVOIR LÉGISLATIF, PASSERA L’EXAMEN PARLEMENTAIRE SANS GRANDS DÉGÂTS ET AU PRIX DE QUELQUES AMENDEMENTS. IL NE FAUDRA PAS S’ATTENDRE À UN QUELCONQUE BLOCAGE MALGRÉ LE DIKTAT D’UN EXÉCUTIF QUI NE SAURAIT ÊTRE MINORÉ PAR LES OUVERTURES À DESTINATIONS DES PARTENAIRES ÉCONOMIQUES, COMME CE FUT LE CAS AVEC LA CONFÉDÉRATION PATRONALE. MAIS CETTE OUVERTURE N’AURA PAS FLÉCHI L’ÉLAN DES REVENDICATIONS PATRONALES NI L’IRE DES CENTRALES SYNDICALES QUI CONSIDÈRENT LE PROJET DE BUDGET CLIVANT À PLUS D’UN TITRE. EN CETTE ANNÉE CHARNIÈRE OÙ LES REGARDS DES POLITIQUES SONT BRAQUÉS SUR LES PROCHAINES LÉGISLATIVES, IL FAUT CROIRE QUE L’EXÉCUTIF A JOUÉ LA CARTE DE LA REALPOLITIK PLUS QUE DU POPULISME. LE TAUX DE CROISSANCE EST LIMITÉ À 3,5% ET LA POLITIQUE DE L’EMPLOI DES PLUS ORDINAIRES. POINT DE RUPTURES À PRÉVOIR. PAS MÊME CELLE LIÉE À LA FISCALITÉ EN MAL DE RÉFORME. LE VOLONTARISME N’EST POINT À L’ORDRE DU JOUR SI L’ON EXCEPTE CELUI INDUIT PAR L’APPUI AU MONDE RURAL OU ENCORE CELUI LIÉ À LA MISE EN PLACE DE LA RÉGIONALISATION AVANCÉE. AUTANT DIRE QUE L’ÉQUIPE BENKIRANE A FAIT PREUVE D’UN CONSERVATISME DE BON ALOI. DOMMAGE POUR UN PAYS QUI NE SAURAIT AVANCER SUR LA VOIE DE L’ÉMERGENCE SANS RUPTURES. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE PLF 2016
DES BUDGETS ET DES MAUX Par : Abou Marwa
C’est un rituel. Le Grand argentier a présenté aux deux chambres du Parlement, et dans un deuxième temps à la presse, les grandes lignes du projet de Loi de finances 2016. Un projet qui se veut le couronnement des efforts déployés par les institutions législative et exécutive pour mettre en place le cadre législatif financier capable d’accompagner le processus démocratique et la dynamique du développement engagée par le pays.
L
e projet de loi des finances pour l’exercice 2016 revêt un caractère spécial. Tout en étant le ticket de sortie de la coalition post 2011, il est aussi le point de départ de la mise en œuvre de la loi Organique relative à la loi des finances qui, arrimée aux standards internationaux les plus récents en matière de gestion budgétaire, se veut une nouvelle étape dans le processus d’amélioration de la gestion des finances publiques et de la reddition des comptes. S’inscrivant dans la continuité du plan d’action gouvernementale qui puise sa source dans les directives Royales énoncées à l’occasion de différents discours, ce PLF est animé par le rêve d’accès du Maroc au club des émergents via une économie performante et intégrée qui réduit les disparités sociales et territoriales et qui crée des opportunités d’emploi et de la richesse. Selon les grandes lignes du PLF, l’Exécutif s’est fixé plusieurs objectifs ambitieux qui visent entre autres la consolidation des bases d’un développement économique équilibré, la promotion de la demande et de l’offre, la stimulation de l’industrialisation et le soutien à l’investissement et aux entreprises, la réalisation d’une économie inclusive réduisant les
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PERSPECTIVES MED
disparités sociales et spatiales et la promotion de l’emploi, la mise en œuvre de la régionalisation et l’accélération du rythme des grandes réformes structurelles, et la poursuite des efforts pour le rétablissement progressif des équilibres macroéconomiques. Au-delà de ces grands chantiers, il s’agira aussi d’explorer de nouveaux relais de croissance aussi bien pour les secteurs qui ont atteint une certaine maturité, avec des signes d’essoufflement de leurs modèles économiques (télécommunications, des services financiers, de l’immobilier), que pour ceux qui fonctionnent en deçà de leurs réelles capacités intrinsèques (les industries du textile-habillement, de l’agroalimentaire et du secteur de la pêche ), et dont l’impératif est de leur impulser une réelle dynamique à travers un repositionnement stratégique à la faveur d’une montée dans la chaîne de valeur mondiale, une meilleure valorisation industrielle de leur potentiel de production et une plus ample diversification des marchés, notamment, en direction de l’Afrique.
RACOLAGE GENERALISE
Afin de réaliser les objectifs d’émergence tant
attendus, l’Exécutif compte soutenir l’offre de production des secteurs destinés à l’exportation, à forte valeur ajoutée et créateurs d’emploi. Dans cette optique, le Gouvernement s’est focalisé dans le PLF sur quatre points essentiels. En tête desquels la poursuite de la mise en œuvre du Plan national d’accélération industrielle et de renforcement du positionnement du pays sur la carte des chaînes de valeur mondiales via le développement des systèmes industriels, le renforcement de l’intégration industrielle et la poursuite des efforts d’appui financier. Même le domaine foncier sera mobilisé en faveur des industriels pour s’ajouter aux autres leviers que l’exécutif promet d’actionner. Ensuite, c’est le développement et l’accélération des autres plans sectoriels qui sont visés pour diversifier la capacité productive de l’économie nationale et réduire sa dépendance énergétique et alimentaire. Pour ce faire, l’appui du tissu productif national pour suivre les transformations sectorielles mondiales serait dans le pipe. Il en va ainsi pour le Plan Maroc Vert, Halieutis, vision touristique 2020 et autres programmes des énergies renouvelables et de préservation de l’environnement. Quant au troisième pilier de la programmation budgétaire gouvernementale, il vise le renforcement des mesures pour la promotion des investissements privés nationaux et étrangers notamment à travers l’allocation d’une partie des marges budgétaires générées par les réformes, la mobilisation des ressources et la maîtrise des dépenses de fonctionnement, en vue de promouvoir les investissements publics productifs. A cela s’ajoute la poursuite de la mise en place de la stratégie logistique, la consolidation des mesures d’amélioration du climat des affaires et de promotion
de l’investissement, la modernisation du secteur financier en vue d’accompagner la dynamique de l’investissement et de l’entreprise et l’intégration du secteur informel. Enfin, c’est la diversification des marchés et la promotion de l’export qui est l’ultime priorité de l’Exécutif. Pour relever cette gageure, plusieurs mesures sont prévues pour mettre à profit les accords de libre-échange, plus particulièrement ceux conclus avec l’Union européenne, les EtatsUnis et les économies émergentes, outre le renforcement du partenariat sud-sud avec les pays de l’Afrique subsaharienne.
REGIONALISATION EN MARCHE
Conscient de l’importance que revêt la mise en œuvre du processus de la régionalisation pour ériger un développement économique et social équilibré, le Gouvernement entend œuvrer, dans le cadre du
L’ULTIME LOI DE FINANCES DE LA LÉGISLATURE EST UN AVEU D’ÉCHEC DU GOUVERNEMENT ET SES 5% DE CROISSANCE MIROITÉS LORS DE L’INVESTITURE EN 2012 SELON L’OPPOSITION.
PLF 2016, pour la mise en place des lois organiques de la région et des collectivités territoriales, en vue de leur permettre de jouer pleinement leur rôle dans le processus de développement économique, social, culturel et environnemental sur les plans régional, provincial et communal. Ainsi, en vue de permettre aux régions de s’acquitter de leurs nouvelles missions telles que définies par la loi Organique relative à la région qui prévoit un renforcement des ressources transférées par l’Etat en leur faveur, et outre des parts du budget général estimées à 2 Mrds Dhs, il sera procédé au relèvement graduel des recettes financières transférées par l’Etat. En pourcentages, les transferts iront crescendo de 1% de l’IS et l’IR et 13% de l’impôt sur les contrats d’assurance à 2% et 20%, respectivement soit un montant total de plus de 4 Mrds Dhs pour cette année. Les collectivités territoriales (CT) bénéficient, également, de crédits transférés du Budget général de l’Etat pour atteindre les 10 Mrds Dhs en… 2021. Outre ces transferts, les régions seront habilitées à procéder à des emprunts et bénéficier d’avances de l’Etat. Par ailleurs, le processus de régionalisation avancée consacre le principe de solidarité entre les régions et ce, dans l’objectif d’atténuer les inégalités liées à la concentration de la richesse, à l’inégal développement des territoires et aux disparités géographiques et démographiques entre les régions. A cet effet, un fonds dit « Fonds de solidarité interrégionale » sera mis en place afin d’assurer l’affectation des ressources en fonction des besoins des régions les moins bien loties. De même, le « Fonds de mise à niveau sociale» aura pour mission de résorber les déficits des régions en matière de développement humain et d’infrastructures de base. Par ailleurs, et pour être en phase PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE avec les mutations importantes de l’architecture institutionnelle, les efforts seront focalisés sur le déploiement de la déconcentration administrative et le renforcement des mécanismes de la contractualisation avec la région et les autres collectivités territoriales pour soutenir l’approche spatiale et régionale pour une mise en place efficace des politiques publiques.
ACCELERATION DES REFORMES La réforme fiscale sera poursuivie conformément aux recommandations préconisées lors des assises nationales sur la fiscalité de 2013. Des mesures sont introduites dans le sens de l’élargissement de l’assiette et du renforcement du rendement de la fiscalité, à travers notamment la poursuite de la réforme de la TVA, en révisant les taux d’imposition sur certains produits et en accordant un régime fiscal spécifique au secteur agroindustriel, et l’institution de l’obligation de retenue à la source de l’IR sur les revenus fonciers. Des mesures de simplification et d’harmonisation du système fiscal sont, également, proposées et portent, particulièrement, sur la fiscalité régissant certains produits financiers alternatifs et celle
PASSAGE CHEZ LES PARLEMENTAIRES PLUIE D’AMENDEMENTS! La discussion en commission des finances sur les amendements à apporter au projet de loi de Finances 2016 a été longue et animée. Pas moins de 240 amendements ont été proposés pour la première partie du projet dont 51approuvés en commission avant le passage en plénière. Les principales dispositions amendées concernent les produits pétroliers où la proposition du PLF2016 d’instaurer les droits de douanes sur cer-
applicable à certains types de tabacs manufacturés. Et pour répondre aux impératifs d’équité fiscale, il est proposé l’institution d’un barème de taux proportionnels pour l’IS et l’abrogation des dispositions en matière de l’IR relatives à l’acquisition de logements dans le cadre de l’indivision, ainsi que l’application d’un tarif progressif pour la contribution sociale de solidarité sur les livraisons à soi-même de construction d’habitation personnelle. Et en matière d’amélioration de la gestion de l’impôt, le Projet de Loi de Finances 2016 prévoit la dématérialisation du recouvrement de la taxe spéciale
tains produits pétroliers a été supprimée pour ne pas perturber le mar-
annuelle sur les véhicules automobiles et la généralisa-
ché à la veille de sa libéralisation totale le 1er décembre prochain. Idem
tion de la télédéclaration et le télépaiement à partir de
pour le beurre, la taxe sur le sable, et la livraison à soi-même pour les
2017. Parallèlement, des efforts seront déployés pour la
droits d’enregistrement. Pour ce qui est de la TIC sur la bière, Boussaid
poursuite de l’implémentation de la constitution, ainsi
a sorti l’artillerie lourde pour contrer la proposition de l’USFP qui n’est
que l’accélération de l’adoption des lois organiques et
autre que l’article 77 de la constitution, soit le mécanisme qui permet au
des réformes structurelles, notamment la poursuite de
ministre des Finances de bloquer toute proposition qui pourrait minorer les recettes de l’Etat. Pour ce qui est de l’ONCF, la TVA sur les tickets va passer de 14% à 20%, la disposition a été maintenue. L’impact sur le prix du ticket sera de 1 à 11 Dhs par ticket, en fonction des catégories et du trajet mais l’ONCF va bénéficier d’une exonération permanente sur les achats des équipements. Enfin, une des mesures choc de ce PLF
la réforme de la justice conformément au plan d’action de la charte élaborée dans le cadre du dialogue national sur cette réforme, la réforme du système de retraite suivant une approche progressive afin d’assurer l’équilibre financier des régimes de retraite, la poursuite de la réforme de la caisse de compensation en vue de dégager des marges budgétaires supplémentaires pour financer
a été abandonnée d’un commun accord : il s’agit de la pénalisation
l’investissement productif, cibler les couches sociales
des fraudes fiscales, qui semble-t-il s’est glissée par erreur dans le PLF
défavorisées et renforcer les services sociaux dans le
puisque le ministre lui-même s’en est presque excusé en la retirant !
domaine de la santé, de l’éducation et de l’habitat.
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PERSPECTIVES MED
UN PLF SANS CONCERTATION
BUDGET 2016
LES SYNDICATS EN CHIFFRES : VOIENT ROUGE !
D
ans une première, le gouvernement Benkirane a choisi de passer à l’examen du projet de loi de finances au Parlement sans prendre en considération aucune revendication syndicale voire sans se soucier de l’existence même des syndicats ni d’un dialogue social. Interrogé sur ce point, le secrétaire général de l’UMT, Miloudi Moukharik a exprimé sa profonde déception en confiant qu’il s’agit d’une loi de finances sans aucune dimension sociale et sans aucune mesure au profit des salariés. « Le PLF ne contient ni baisse d’impôt, ni augmentation des salaires ni augmentations des allocations. Et par conséquent, c’est une loi de finances rétrograde », nous a-t-il dit. Invité à répondre à l’affirmation gouvernementale selon laquelle cette loi de finances « a consacré une large importance au volet social, Moukharik nuance ces propos « Ça dépend de ce qu’on entend par volet social. S’ils veulent dire par cela la construction des écoles et des hôpitaux… Nous, en tant que syndicalistes, nous défendons les conditions de vie des salariés en améliorant leurs revenus et leurs salaires. » De son côté, le secrétaire général de la FDT, Abderrahman Azzouzi, affirme que « Benkirane a évité intentionnellement le rendez-vous de septembre fixé avec les centrales parce qu’il n’avait rien à donner et n’a rien réservé aux syndicats ». Azzouzi a déploré le fait que le gouvernement « travaille de concert avec le patronat et ignore totalement les représentants des travailleurs ». Un autre pavé dans la mare qui ne manquera point de briser une paix sociale déjà malmenée par la «tyrannie» Benkirane.
Le PLF 2016 prévoit la réalisation d’un taux de croissance de 3 %, la poursuite de la réduction du déficit budgétaire à 3,5 % et la maîtrise de l’inflation à hauteur de 1,7 %, dans le cadre d’un prix du pétrole à 61 dollars le baril et un taux de change de 9,5 dirhams/dollar. Les données chiffrées des dépenses s’établissent à hauteur de 388 Mrds Dhs. Les dépenses de fonctionnement plafonnent à 183 Mrds Dhs au lieu de 195 Mrds Dhs en 2015. Les charges de compensation pour 2016 sont prévues à 15,5 Mrds Dhs, contre 23 Mrds Dhs en 2015. Les dépenses de personnel vont accuser une hausse de 1,2%,à 106,8 Mrds Dhs, et 26 000 fonctionnaires seront recrutés en 2016. L’investissement du Budget général a augmenté de 13,5% à 61,4 milliards de DH contre 54,1 milliards en 2015. 113,7 Mrds Dhs si l’on ajoute les crédits de report engagés dans la Loi de finances 2015 pour un montant de 16,5 Mrds Dhs et des crédits d’engagement sur l’année 2017 et suivantes pour 35,8 Mrds Dhs. En comptabilisant les dépenses d’investissement des collectivités locales, des établissements et entreprises publics, des comptes spéciaux du Trésor et des SGMA, le volume des investissements consolidés se monte à 189 Mrds Dhs, soit le même niveau qu’en 2015. Les recettes devraient atteindre 364 mrds dhs. Dans le détail des recettes du Budget général, qui connaitront une augmentation de 2,7%., l’impôt sur le revenu devrait progresser de 5,7%, à 38,6 Mrds Dhs, l’impôt sur les sociétés de 3,45%, à 44,25 Mrds Dhs, et la TVA à l’intérieur de 1,8 %, à 22,8 Mrds Dhs, la TIC sur les produits énergétiques de 3,1%, à 14,8 Mrds Dhs, les droits de douane de 4,5%, à près de 10 Mrds Dhs, les droits d’enregistrement et de timbre en hausse de +26,1%, à presque 10 Mrds Dhs. Le taux d’endettement devrait se stabiliser à moins de 64% du PIB en 2015 avant de suivre un trend baissier à partir de 2016. La demande étrangère de marchandises adressée au Maroc, en volume, devrait progresser de 4,2 % en 2016, selon le PLF ; 4,4 % en 2016 émanant de l’Union européenne et 3,6 % hors UE. Le PLF consacre plus de 4 Mrds Dhs aux régions. 45,7 Mrds Dhs pour l’école publique, 10 Mrds Dhs pour l’enseignement supérieur et 14,3 Mrds Dhs pour la santé publique Mesures pour l’inclusion socio-économique des jeunes : 330000 bousiers de l’enseignement supérieur pour un budget de 1,6 Mrds Dhs 65 000 nouvelles insertions à travers le Programme IDMAJ Opérationnalisation de l’Indemnité pour perte d’emploi (500 M Dhs sur 3 ans) 250 000 étudiants couverts par le régime AMO de base PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE LE CMC CRITIQUE LE BUDGET
EFFETS LIMITÉS
D
ans sa dernière lettre mensuelle, le Centre marocain de Conjoncture (CMC) donne son avis sur le projet de Loi de Finances 2016, qualifiant la réduction des déficits budgétaires, qui semble constituer le principal fait marquant du projet de « trompe-l’œil » résultant de l’accroissement de la pression fiscale et de l’endettement. Dans ce sillage, le CMC attire l’attention sur la forte hausse des charges de la dette au point de dépasser la valeur des investissements, expliquant que la politique économique envisagée apparaît ainsi comme la poursuite de la politique d’austérité en vigueur depuis 2012. Le CMC souligne à cet effet que le recours fréquent de l’État à l’endettement pour financer le déficit budgétaire a eu pour effet une montée en flèche des charges de remboursement au titre du paiement des intérêts et commissions et du principal. Une hausse qui a entravé la capacité du Gouvernement à générer les ressources nécessaires pour assurer le financement de la croissance dans de meilleures conditions. Sur le volet fiscal, les analystes du CMC affirment que le poids excessif des charges qui pèsent sur les entreprises marocaines est souvent cité comme une cause majeure de leurs médiocres performances, ce qui rend la réforme de la fiscalité des entreprises une nécessité impérieuse alors que les dispositions de la Loi de Finances 2016 restent timides à cet égard. Enfin, le CMC dévoile que le PLF 2016 retient la consolidation de la dynamique de croissance, le renforcement des piliers de développement économique et social et l‘accélération du processus de régionalisation comme axes prioritaires et souligne que les moyens budgétaires mobilisables pour la mise en œuvre des multiples actions envisagées dans le cadre de ces priorités s’avèrent, à l’examen, contraignants. Dans ces conditions, le CMC affirme que l’impact global sur l’activité économique du pays de ce projet de Loi de Finances sera limité.
LA GESTION DU DÉFICIT BUDGÉTAIRE PAR LE RECOURS À LA DETTE OBÈRE LES POSSIBILITÉS DE DÉVELOPPEMENT
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PERSPECTIVES MED
PROPOSITIONS DE L’ASMEX
GARANTIR LA COMPÉTITIVITÉ FISCALE
I
ndépendamment du patronat bien qu’elle en fasse partie, l’Association marocaine des exportateurs (ASMEX) a émis ses doléances quant au PLF 2016 avec au menu une pléiade d’amendements que l’association estime nécessaires pour le développement de plusieurs secteurs exportateurs à commencer pour celui des produits de la pêche, le secteur avicole, celui des mines, du textile ainsi que du conseil en ingénierie. Pour l’industrie de la valorisation des produits de la mer, les exportateurs proposent un alignement de la TVA imposée sur les produits à valeur ajoutée de la pêche et celle sur la conserve de sardines. L’ASMEX suggère aussi pour le même secteur la baisse des droits de douane sur les emballages et intrants destinés aux industries de valorisation des produits de la pêche. La production nationale étant insuffisante ou ne répondant pas, en matière de qualité, aux besoins des industriels, ce qui force ces derniers à en importer. Le coût des intrants, comme les boîtes métalliques, représente parfois le tiers de la valeur du produit fini, ce qui pénalise la compétitivité à l’export selon l’association. Du côté de l’industrie minière, l’ASMEX prône plus d’équité fiscale à travers une exonération d’impôt pendant les cinq premières années d’exercice pour les entreprises minières exportatrices, comme c’est déjà le cas pour le reste des secteurs. L’association demande aussi une exonération de la TVA pendant la phase de recherche, ainsi qu’une instauration d’un système de «crédit d’impôt de recherche» afin d’encourager les entreprises à consacrer une partie de leurs gains à l’effort de recherche pour la reconstitution de gisements et pour leur valorisation. En ce qui concerne le secteur du textile et de l’habillement, la lutte contre l’informel constitue l’épine dorsale de la recommandation de l’ASMEX. Ces mesures comprennent, entre autres, la réduction de la TVA de 20 à 10% ainsi que l’extension des avantages dont dispose l’exportateur final aux prestataires ayant participé à l’élaboration du produit. Enfin pour le conseil en ingénierie, les exportateurs souhaitent une élimination de toute imposition sur les salaires, y compris les primes, pour le personnel marocain expatrié. Ceci permettra, selon l’ASMEX, une meilleure présence des bureaux marocains à l’étranger, promouvant ainsi, l’exportation de l’ingénierie marocaine vers des marchés prometteurs, notamment en Afrique. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE LOF
LE PIED À L’ÉTRIER… Par : Abedrrahmane El Maleh
De nouvelles règles d’élaboration et d’exécution du budget de l’État entrent en lice avec la promulgation de la loi organique relative aux lois de finances (LOF). Pour plus de performance et d’efficacité des politiques publiques, l’État devrait abandonner la logique de moyens au profit de celles des résultats. L’actuelle loi de finances est la première à obéir à ce canevas.
L
e contexte de nécessaire redressement des finances publiques a plaidé en faveur de la réforme LOF dans le but de donner un cadre rénové qui assure transparence, fiabilité, sincérité des comptes publics… Le tout avec le souci d’efficacité et d’économie dans le pilotage des politiques publiques. Avec l’adoption de la loi organique relative aux lois de finances, le Maroc s’engage dans une dynamique de modernisation sans précédent de la gestion publique, en mettant la performance au cœur de l’action de l’État et en confiant aux Parlementaires un rôle renforcé dans le contrôle du budget, désormais organisé en grandes politiques publiques permettant de mieux apprécier les choix budgétaires de l’Exécutif. Bien que la loi des finances pour l’exercice 2016 signe le début de sa mise en œuvre, le chemin à parcourir pour son appropriation demeure considérable et les conditions d’examen, d’adoption, de mise en œuvre et de contrôle du budget sont aussi appelé à être profondément transformées. Dans ce sens, le Chef du gouvernement A. Benkirane n’a pas manqué, à l’ouverture d’un séminaire d’appropriation de la LOF, de relever l’impératif de moderniser les lois régissant la gestion des finances publiques de manière à accompagner la dynamique enclenchée par le Royaume. Il a appelé, dans ce contexte, à s’armer de courage et d’audace pour moderniser les législa-
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PERSPECTIVES MED
tions obsolètes qui limitent l’efficience des réformes enclenchées dans l’ensemble des secteurs, et par conséquent, favoriser le positionnement du Maroc en tant que pays émergent. Mohamed Boussaid, ministre de l’Economie et des finances, a ajouté une couche en affirmant que cette nouvelle législation qui respecte les critères avancés de transparence et de visibilité en matière de gestion publique permettra de définir un nouveau cadre pour l’élaboration, l’adoption et le contrôle des lois de finances. Il a aussi précisé que cette loi organique représente un «chantier structurant et une grande réforme», dont la mise en œuvre se fera de façon progressive et selon un calendrier qui s’étalera sur cinq ans.
LA GOUVERNANCE PAR LA PERFORMANCE
Avec l’adoption de la Constitution de 2011, la modification de la loi organique est devenue un impératif urgent car ce texte suprême prévoit un certain nombre de principes relatifs aux finances publiques. Dans ce sens, l’action de l’État devrait faire l’objet d’une évaluation systématique, mesurée à travers des objectifs et des indicateurs, où sur la base de l’appréciation des résultats obtenus. Telle que conçue, la LOF devrait permettre de sortir d’une logique de moyens affectés à une administration, pour passer à une logique de
résultats par politique publique. Et à en croire les dires de Faouzi Lekjaa, directeur du budget, la modification de la loi organique, en gestation depuis des années, a démarré en 2001 avec une phase expérimentale affectant le ministère avec l’adoption d’une gestion basée sur les résultats, sur l’évaluation de la performance, une allocation des enveloppes budgétaires en fonction de l’atteinte des objectifs. Et d’ajouter que cette nouvelle LOF pose les jalons d’une gestion budgétaire orientée vers les résultats et la performance pour garantir une meilleure visibilité et une plus grande maitrise des enjeux budgétaires et du processus de préparation et d’exécution du budget de l’Etat, notant que dans le but de concrétiser les principes constitutionnels de reddition des comptes et d’évaluation de politiques publiques, des audits de performance sont réalisés afin d’apprécier le dispositif du contrôle interne, d’analyser les programmes et les indicateurs ainsi que le suivi des résultats. En développant cette culture de résultats, la LOF devrait également permettre de dépenser mieux et d’améliorer l’efficacité de l’action publique pour le bénéfice de tous : citoyens, usagers, contribuables et agents de l’État. La performance, c’està-dire la capacité à atteindre des résultats attendus, est ainsi au cœur du nouveau cadre budgétaire. Au-delà, en consacrant une logique de performance qui invite à examiner, de manière structurelle, le bien-fondé des dépenses engagées par l’État, elle ouvre la voie à une démarche d’évaluation des politiques et de l’action publiques. Dans ce sens l’entrée en vigueur de la LOF est accompagnée d’une évolution du rôle des principaux acteurs du contrôle et du pilotage des finances publiques de l’État. Le Parlement s’est vu ainsi confier de nouvelles responsabilités, notamment un rôle renforcé dans le débat public sur les finances de l’État et un pouvoir de contrôle accru de l’efficacité de la dépense publique. En conséquence, les débats parlementaires, tant pour le budget que pour l’examen de son exécution, ne vont plus porter uniquement sur les crédits et leur justification, mais aussi sur les stratégies et les objectifs des politiques publiques. Une nouvelle chaîne de responsabilités se met ainsi en place dans l’administration avec des libertés plus larges pour les gestionnaires publics.
de l’Education nationale et de la formation professionnelle, ces département ont fait l’objet d’un projet pilote articulant leurs budgets autour de programmes, tout en déclinant une démarche de performance. Une seconde phase de préfiguration a concerné cinq nouveaux départements ministériels à partir de la Loi de Finances 2015 dans la perspective de tester la disposition relative à la programmation budgétaire triennale. Au terme de cette deuxième vague de préfiguration, six ministères ont élaboré leurs projets de performance, leurs projets de budget sectoriel ainsi que les programmations budgétaires triennales sur la période 2015-2017. Au titre de la Loi de Finances 2016, sept nouveaux départements ministériels seront associés dans le cadre d’une troisième vague de préfiguration : le ministère délégué auprès du Chef de Gouvernement chargé des Affaires générales et de la gouvernance, le ministère de l’Habitat et de la politique de la ville, le département de la Pêche maritime, le ministère délégué auprès du ministère de l’Energie chargé de l’Eau, le ministère de l’Artisanat et de l’économie sociale et solidaire, le ministère de l’Enseignement Supérieur, de la recherche scientifique et de la formation des cadres et enfin le ministère de la Solidarité, de la femme, de la famille et du développement social. Ces Départements, en plus de ceux faisant l’objet des deux premières phases, sont appelés à restructurer leurs budgets autour de programmes, d’adopter une démarche de performance, d’introduire une programmation budgétaire triennale, faisant l’objet d’une actualisation annuelle, sur la période 2016-2018. En outre, les départements préfigurateurs doivent élaborer des projets de performance traçant les stratégies de leurs programmes dans une perspective triennale, les objectifs associés à chaque programme et les indicateurs de performance permettant de mesurer les résultats atteints. Ces projets de performance seront validés lors des conférences budgétaires et de performance, transmis aux commissions parlementaires sectorielles concernées et publiés sur le site dédié à la mise en œuvre de la réforme de la LOF. Ces départements devraient bénéficier de l’accompagnement nécessaire en termes d’appui, de sensibilisation et de formation de la part du ministère de l’Economie et des Finances, en vue d’assurer le bon déroulement de cette opération de préfiguration.
ALLER CRESCENDO
Concernant l’entrée en vigueur de la LOF, elle se déroulera de manière progressive sur cinq ans à partir du 1er janvier 2016, conformément au calendrier fixé par l’article 69 de ce texte. Et dans le cadre de cette approche progressive, des phases de préfiguration de la budgétisation par programme axée sur la performance ont été entamées pour une meilleure appropriation et internalisation des nouveaux outils et règles budgétaires par les départements ministériels. Le lancement de la première vague de préfiguration a concerné quatre départements ministériels, à savoir celui de l’Economie et des finances, le Haut-Commissariat aux Eaux et forêts et à la lutte contre la désertification, le ministère de l’Equipement, du transport et de la logistique, le département de l’Agriculture au sein du ministère de l’agriculture et de la pêche maritime, et les deux département du ministère PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE FMI/ MAROC
LES BONNES NOTES
A
l’issue de son séjour au Maroc, la mission des services du FMI a rendu public le bilan de la santé économique du Royaume, attestant que la gestion macroéconomique prudente et la poursuite des réformes structurelles ont été bénéfiques au cours des dernières années. Dans ces conditions, la croissance économique devrait atteindre 4,7%, en 2015, grâce à une bonne campagne agricole. A l’inverse, l’activité non agricole resterait modérée en raison d’une plus lente reprise de l’activité économique en Europe. Pour l’année 2016 et à l’instar du PLF en cours, le FMI prévoit une croissance limitée à 3% en raison d’un retour de l’activité agricole à un niveau normal. A moyen terme, elle devrait s’accélérer progressivement pour s’approcher de 5%. Volet budgétaire, la mission souligne une évolution positive en ligne avec l’objectif de 4,3% du PIB pour l’année 2015. A ce titre, la mission a salué les efforts consentis par le Gouvernement dans le cadre de la maîtrise du déficit budgétaire comme la réforme du régime des subventions, le projet de loi de finance 2016 qui cible 3,5% de déficit budgétaire ainsi que la modernisation et l’amélioration du cadre budgétaire. Toutefois, la mission recommande de rendre le système fiscal plus efficient et équitable et de réformer le régime des retraites afin de réduire davantage le déficit et renforcer
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PERSPECTIVES MED
les marges de manœuvre de l’économie. Pour sa part, le déficit des transactions courantes devrait s’établir à 1,5% du PIB, portant les réserves internationales nettes à 6,5 mois d’importations. Ces réalisations sont expliquées, en partie, par la baisse de la facture énergétique et alimentaire, la progression des exportations d’automobiles et des transferts de fonds des MRE. Toutefois, il convient de poursuivre l’amélioration du climat des affaires, de la gouvernance et de la transparence afin d’accroître la compétitivité du pays à l’international. S’agissant du secteur financier, le récent Programme d’Evaluation du Système Financier a confirmé qu’il demeure sain. Les Banques marocaines sont rentables et bien capitalisées. Les risques d’instabilité financière sont limités. En revanche, la mission préconise de surveiller l’augmentation des créances en souffrance et la concentration des engagements. Enfin sur le plan social, la pauvreté, le chômage et les inégalités ont baissé pendant la dernière décennie, mais beaucoup d’efforts sont à faire dans l’avenir pour mieux partager les bienfaits de la croissance. Dans ce contexte, le FMI met l’accent sur la réduction des disparités sociales et régionales, l’accroissement du taux d’activité des femmes et l’amélioration de la qualité de l’éducation et de la santé.
REPÈRES L’ÉCONOMIE INFORMELLE
UN FREIN MAJEUR AU DÉVELOPPEMENT Le poids de l’économie informelle au Maroc, varie selon les instituts d’analyse (FMI, Banque mondiale, Ifri), mais représenterait de 20% à 40% du PIB. Très développée, les décideurs s’accordent à considérer qu’elle est excessive et qu’elle pèse sur l’économie. La sphère informelle est, par nature, ce qui échappe au contrôle de l’État (l’économie grise) et donc à l’impôt. Non prise en compte dans le PIB, elle tire souvent son origine dans la faible capacité d’embauche du secteur légal et les défaillances de l’État à assurer efficacement son rôle régalien (services publics de qualité modeste, bureaucratie souvent tatillonne, impôts excessifs). Le poids de l’informel dans l’emploi s’établirait ainsi à 35%, un secteur où la protection sociale et le droit du travail sont donc inexistants. Il concerne donc majoritairement des personnes sans formation. Dans le secteur du commerce, entre 50% et 85% des PME seraient dans l’informel. Plus problématique, la crise économique depuis 2009 aurait eu des effets de propagation de l’informel : plus d’une nouvelle offre d’emploi sur deux proviendrait de l’informel. Ce phénomène peut devenir un problème social, lorsque l’économie grise ne concerne plus seulement le monde rural ou les petites PME familiales, mais affecte également les diplômés. Les conséquences d’une forte économie grise, étudiées depuis longtemps, sont assez connues et elles ne sont pas toutes négatives puisque le secteur informel peut aussi servir d’amortisseur social en temps de crise et absorber le trop plein de demande d’emploi, qui, sinon viendrait gonfler le nombre de chômeurs. Mais dans son ensemble, le manque à gagner fiscal pour l’Etat, les liens avec la corruption et la fuite des capitaux, ou les distorsions de prix qui affectent le marché, entament largement le développement des pays émergents. Plus elle est développée, plus l’économie informelle distord le calcul du PIB et de la croissance même si une corrélation chiffrée est difficile à établir.
FITCH RATING NOTATION MAINTENUE
L’Agence de notation internationale Fitch Ratings a maintenu les notes « BBB- » et « BBB » du Maroc, respectivement, pour ses émissions souveraines de longterme en devises et en monnaie locale avec une perspective stable. L’Agence a mis en avant la stabilité économique et sociale et les efforts soutenus par le Gouvernement pour réduire le déficit budgétaire et la dette extérieure. Selon les analystes de Fitch Ratings, le taux de croissance devrait atteindre, en 2015, 4,6% en raison d’une bonne campagne céréalière. La production du secteur manufacturier devrait, elle aussi, progresser grâce au soutien apporté par l’Etat pour le développement des nouvelles industries. D’après les prévisions de l’Agence, l’inflation resterait maîtrisée, ce qui devrait favoriser une croissance soutenue, appuyée par la nouvelle Loi de Finances, l’amélioration des exportations et le maintien des Investissements Directs Etrangers. Enfin, Fitch Ratings ajoute dans son analyse que la baisse des cours du pétrole au niveau international aurait permis au Maroc de réduire sa facture énergétique et son déficit budgétaire.
CAISSE DE COMPENSATION
BAISSE SUBSTANTIELLE DES CHARGES
SELON LES STATISTIQUES DE LA CAISSE DE COMPENSATION POUR LES TROIS PREMIERS TRIMESTRES DE L’EXERCICE EN COURS, LA CHARGE DE COMPENSATION RELATIVE AU GAZ BUTANE ET AU SUCRE S’EST ÉTABLIE À 8,7 MRDS DHS CONTRE 13,6 MRDS DHS UNE ANNÉE PLUS TÔT. DANS CE SENS, LA CHARGE DE COMPENSATION DU GAZ BUTANE RESSORT À 5,98 MRDS DHS À FIN SEPTEMBRE 2015 EN ALLÈGEMENT DE 5,1 MRDS DHS PAR RAPPORT À LA MÊME PÉRIODE EN 2014. CETTE RÉGRESSION TROUVE SON ORIGINE DANS 1)- L’AUGMENTATION DE SA CONSOMMATION DE 1,18% ET 2)- LA FORTE BAISSE DES PRIX DE SUBVENTION UNITAIRE DE PRÈS DE 47%. POUR RAPPEL, PLUS DE 84% DE LA SUBVENTION CONCERNERAIT LA BONBONNE DE 12KGS ET 16% CONCERNERAIT LA BONBONNE DE 3KGS. DU CÔTÉ DU SUCRE, LA CHARGE DE COMPENSATION TOTALISE 2,32 MRDS DHS SUR LES SEPT PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE (2,29 MRDS DHS DURANT LA MÊME PÉRIODE EN 2014). A CE NIVEAU, LE SUCRE GRANULÉ REPRÉSENTERAIT UNE PART DE 56% DE LA QUANTITÉ GLOBALE CONSOMMÉE. PAR AILLEURS, LE PAIEMENT DE LA SUBVENTION RELATIVE AUX PRODUITS DU GAZ BUTANE ET DU SUCRE S’EST ÉLEVÉE À 12,6 MRDS DHS SUR LES DIX PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE 2015 (27,1 MRDS DHS AU MOIS D’OCTOBRE 2014), SOIT UNE BAISSE DE PRÈS DE 49%. PERSPECTIVES MED
49
REPÈRES CONJONCTURE
CLIMAT DÉFAVORABLE
Selon les résultats trimestriels de l’enquête de conjoncture de Bank Al-Maghrib, les industriels continueraient, durant le troisième trimestre de l’année 2015 et pour le 6ème trimestre consécutif, à juger défavorablement le climat général des affaires. Pour ce qui est des conditions de production, les industriels déclarent que l’approvisionnement, dans l’ensemble, se serait déroulé dans des conditions difficiles, handicapé par l’insuffisance de la demande et l’accentuation de la concurrence. Les stocks de matières premières et des demi-produits auraient, quant à eux, été à un niveau inférieur à la normale selon la majorité des industriels, à l’exception des branches mécaniques et métallurgiques dont 84% des chefs d’entreprises estiment qu’elles seraient à un niveau normal. Les effectifs employés auraient, pour leur part, accusé une baisse, qui devrait se poursuivre au cours du prochain trimestre. Au niveau des coûts unitaires de production, les industriels auraient observé une hausse dans l’ensemble des branches, à l’exclusion de celles mécaniques et métallurgiques, qui seraient en baisse. Sur le plan financier, les dépenses d’investissement seraient en progression par rapport au T2-2015, et pourraient continuer cette amélioration durant les 3 prochains mois, excepté pour l’industrie de textile dont 64% des industriels anticiperaient une stagnation. Enfin, l’accès au financement bancaire a été jugé normal par les trois quarts des industriels et difficile selon le reste, avec un coût de crédit en stagnation selon 77% des chefs d’entreprises.
DOING BUSINESS 2016
AMÉLIORATION DU CLIMAT DES AFFAIRES CHÔMAGE
Selon la 13ème édition du rapport Doing Business 2016 préparé par la Banque mondiale, le Maroc gagne 5 places pour se positionner au 75ème rang du classement mondial sur la facilité à faire des affaires répertoriant 189 pays. Au niveau de la région MENA, le Maroc occupe la 6ème place. L’amélioration du score du Maroc serait attribuable aux réformes réglementaires entreprises en matière de facilitation à la création d’entreprise, de raccordement à l’électricité, de paiement des taxes et impôts et de transfert de propriété en lien notamment avec l’échange électronique d’informations entre les différentes administrations fiscales. En revanche, le Royaume aurait régressé en ce qui concerne l’octroi de permis de construire. Dans ce contexte, le pays affiche une progression d’un point à 64,51% dans l’indicateur «distance de la frontière » mesurant l’éloignement d’une économie par rapport à la meilleure performance enregistrée. Enfin, il est à signaler que la Banque mondiale a révisé sa méthodologie d’évaluation de l’environnement des affaires en introduisant de nouveaux sous-indicateurs relatifs à l’efficacité et à la qualité des réglementations.
Au terme du 3ème trimestre 2015, la population active au chômage ressort à 1 206 000 personnes, en augmentation de 5,8% comparativement à une année auparavant, portant par conséquent le taux de chômage à 10,1% (+0,5 point). Par branche, 27 000 postes ont été créés dans le secteur des services, 25 000 autres dans le secteur des BTP et 16 000 dans l’industrie, incluant l’artisanat. A l’inverse, le secteur de l’agriculture, forêt et pêche a perdu 27 000 emplois. L’analyse des principales caractéristiques de la population active en chômage révèle que 79,8% des chômeurs sont des citadins, 63,5% sont des jeunes âgés de 15 à 29 ans, 26,7% sont diplômés de niveau supérieur, 54% sont primo-demandeurs d’emploi et 66% chôment depuis plus d’une année. Au total, le nombre de chômeurs s’est accru de 66 000 personnes. Par zone, ce taux est passé de 14,5% à 15,1% en milieu urbain et de 4,1% à 4,3% en milieu rural. Pour sa part, le taux de sous-emploi a augmenté de 0,7 point, passant de 10,6% à 11,3% au niveau national. Il est passé de 9,6% à 10,2% en milieu urbain et de 11,6% à 12,3% en milieu rural. Notons enfin que la population active âgée de 15 ans et plus a connu une hausse de 0,9% à 11 992 000 personnes comparativement à la même période une année auparavant. Le taux d’activité a, quant à lui, diminué de 0,3 point, passant de 48,2% à 47,9%.
LE TAUX DÉPASSE LA BARRE DES 10%
50
PERSPECTIVES MED
MÉNAGES
CONFIANCE ÉRODÉE
ACTIFS IMMOBILIERS
SELON L’ENQUÊTE DU HCP, L’INDICE DE CONFIANCE DES
A LA BAISSE !
MÉNAGES (ICM) SE SERAIT ÉTABLI À 76,3 PTS, EN HAUSSE
AU TITRE DU T3-2015, L’INDICE DES PRIX DES ACTIFS IMMOBILIERS A AFFICHÉ UNE BAISSE DE 2,2% COMPARATIVEMENT À UNE ANNÉE AUPARAVANT, SELON L’ENQUÊTE DE BANK AL MAGHRIB. CETTE CONTRACTION INTÈGRE UN RECUL DE 4% DES PRIX DU FONCIER, UN RETRAIT DE 3,6% DE CEUX DES BIENS À USAGE PROFESSIONNEL ET UN REPLI DE 1% DE CEUX DES RÉSIDENTIELS. PARALLÈLEMENT, LE NOMBRE DES TRANSACTIONS A RÉGRESSÉ DE 8,7% (CONTRE UNE BAISSE DE 7,4% UN TRIMESTRE AUPARAVANT). CETTE VARIATION EST DUE PRINCIPALEMENT À LA DÉGRADATION DE 8,4% DES VENTES DES APPARTEMENTS. PAR VILLE, LES PLUS FORTES BAISSES ONT ÉTÉ ENREGISTRÉES À MARRAKECH (-16%), CASABLANCA (-6,1%) ET, EL JADIDA (-3,7%). EN REVANCHE, DES HAUSSES SONT SIGNALÉES À KÉNITRA (+2,2%), TANGER (+2%) ET RABAT (+1%). EN VARIATION TRIMESTRIELLE, L’IPAI S’EST REPLIÉ DE -1,5%, EN RAISON DE LA BAISSE DE -2,4% DES PRIX DU FONCIER, -1,3% DES PRIX ET DU COMMERCIAL ET -1,1% DE CEUX DES BIENS RÉSIDENTIELS.
SUCRE DÉCOMPENSATION PROGRESSIVE DÈS 2016 SELON LE CHEF DU GOUVERNEMENT, LE DÉMANTÈLEMENT DE LA SUBVENTION DU SUCRE PRENDRA EFFET DÈS L’ANNÉE PROCHAINE. DANS UN PREMIER TEMPS, LA DÉCOMPENSATION SERAIT GRADUELLE À RAISON D’UNE RÉDUCTION DE 0,15 DHS / KG DE SUCRE SUR 18 MOIS. IL EN RÉSUL-
DE 0,2 PT COMPARATIVEMENT À UN TRIMESTRE AUPARAVANT. PAR COMPOSANTES DE L’ICM, LES PERCEPTIONS DE L’ÉVOLUTION DU NIVEAU DE VIE SE SONT DÉTÉRIORÉES DE 2,3 PTS. PAR AILLEURS, 74,4% DES MÉNAGES S’ATTENDENT À UNE HAUSSE DU NOMBRE DE CHÔMEURS POUR LES 12 MOIS À VENIR. SUR UN AUTRE PLAN, PRÈS DE 56% DES MÉNAGES CONSIDÈRENT QUE LE MOMENT N’EST PAS OPPORTUN POUR FAIRE DES ACHATS DE BIENS DURABLES. SEULS 21,3% PENSENT LE CONTRAIRE. POUR CE QUI EST DE LA SITUATION FINANCIÈRE DES MÉNAGES, 60,5% CONSIDÈRENT QUE LEURS REVENUS COUVRENT LEURS DÉPENSES, 32,3% D’ENTRE EUX DÉCLARENT S’ENDETTER OU PUISER DANS LEUR ÉPARGNE ET 7,2% AFFIRMENT POUVOIR ÉPARGNER UNE PARTIE DE LEUR REVENU. PARALLÈLEMENT, 85,3% DES MÉNAGES ESTIMENT NE PAS POUVOIR ÉPARGNER AU COURS DES 12 PROCHAINS MOIS, CONTRE 14,7%.
S&P
L’INVESTMENT GRADE CONSERVÉ LE MAROC CONSERVE SON INVESTMENT GRADE. EN EFFET, STANDARD & POOR’S (S&P) VIENT DE RECONDUIRE LA NOTATION DE LA DETTE À LONG TERME (BBB-) AVEC DES
TERAIT UNE ÉCONOMIE DE 2 MRDS, DONT LA
PERSPECTIVES STABLES. LA NOTE
MOITIÉ SERAIT AFFECTÉE AU FONDS DE COHÉSION
À COURT TERME RESTE POUR SA
SOCIALE ET LE RESTE AUX INFRASTRUCTURES SO-
PART À A-3. L’AGENCE DE NOTATION
CIOÉCONOMIQUES. SUR LA BASE D’UNE CONSOM-
ANTICIPE UNE ACCÉLÉRATION DE LA
MATION ANNUELLE DE 36 KG PAR HABITANT, LE
CROISSANCE DE L’ÉCONOMIE MAROCAINE (4,6% EN 2015) GRÂCE À
COÛT DE LA VIE ESTIMÉ DEVRAIT S’ÉTABLIR À
UNE BONNE SAISON AGRICOLE ET UNE PRODUCTION EN HAUSSE
MOINS DE 100 DHS PAR HABITANT ET PAR AN UNE FOIS LE PRODUIT ENTIÈREMENT DÉCOMPENSÉ. A L’ÉCHELLE INTERNATIONALE, LES COURS DU SUCRE SEMBLENT FAVORISER CETTE RÉFORME. EN EFFET, UNE NOUVELLE BAISSE DES PRIX
DANS LES SECTEURS À PLUS FORTE AJOUTÉE, COMME L’AUTOMOBILE, L’AÉRONAUTIQUE ET L’ÉLECTRONIQUE. LES REVENUS DES PHOSPHATES SONT ÉGALEMENT AMENÉS À CROÎTRE. TOUTEFOIS, ON NOTE UNE MISE EN GARDE CONTRE LA DEMANDE EXTÉRIEURE
POURRAIT SE PRODUIRE AVEC LA FIN DES QUOTAS
QUI RESTE VOLATILE, DANS LE TOURISME NOTAMMENT. SELON LES
EN EUROPE (PRÉVUE À FIN SEPTEMBRE 2017) ET
PRÉVISIONS DE S&P, LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE DEVRAIT S’AC-
UN MARCHÉ PLUS OUVERT, CONCURRENTIEL ET
CÉLÉRER À 5% EN 2018. DE SON CÔTÉ, LE DÉFICIT BUDGÉTAIRE
DISPOSANT DE PLUS GROS VOLUMES.
DEVRAIT ATTEINDRE 4,3% DU PIB EN 2015 CONTRE 4,9% EN 2014. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE TRANSITION DÉMOGRAPHIQUE
DES CHIFFRES ET DES RIDES Par : Mohammed Taleb
Les premiers résultats du sixième recensement général de la population et de l’habitat (RGPH 2014) ont été portés à la connaissance du public. Quoique provisoires, ces indicateurs dressent un tableau des changements structurels que connait la population marocaine et donne une idée sur l’avenir, défis et défaillances dans le lot.
L
e recensement représente une formidable banque de données tant sur les personnes que sur l’habitat. Quoi qu’on en dise sur le traitement et l’exploitation des informations, sachant que le HCP ne nous a procuré jusqu’à présent que de 2 % des informations requises, cette nouvelle radioscopie (partielle) de la réalité économique mais aussi sociale constitue un véritable gisement d’informations qui peuvent servir aux différentes politiques publiques mais aussi aux études et recherches portant sur l’évolution de la réalité du Marocain. Dressés grâce aux efforts de plus de 54000 agents recenseurs qui ont sillonné villes et campagnes pour faire le dénombre et établir des profils-types, les premiers résultats du sixième recensement depuis le protectorat donnent un aperçu détaillé des multiples facettes de l’évolution du Maroc, démographiquement parlant, ainsi que sur les différents aspects socio-économiques de la population. Pour ceux qui préfèrent voir le verre à moitié plein, il y a lieu de noter des améliorations de la scolarisation, du taux d’alphabétisation, des conditions d’habitation. Cependant, pour ceux qui espèrent le meilleur mais envisagent le pire, une lecture des données laisse dire que le Maroc, qui a presque achevé sa transition démographique devra désormais faire
52
PERSPECTIVES MED
face à de nouveaux défis plus grands et plus difficiles à surmonter.
LE MAROC S’URBANISE
A fin 2014, les Marocains étaient un peu plus de 33,8 millions contre 29,89 en 2004, soit une augmentation de 13,2%. Une progression moins importante que celle enregistrée entre 1994 et 2004 (le taux d’accroissement de la population a baissé de 1,35% à 1,25% entre 2004 et 2014). Si la population urbaine est passée de 55,1% en 2004 à 60,3% (20,4 millions) en 2014, celle des campagnes connait un solde quasi nul (13,4 millions) par rapport à 2004. Ce qui s’explique par un rythme d’accroissement plus important en ville (2,1%) contre 0,01 dans les campagnes, résultat de l’exode rural, du reclassement de certaines localités rurales et de l’extension du périmètre urbain. Cette urbanisation aussi rapide soit elle s’est accompagnée d’une amélioration moins importante des conditions de vie surtout dans le rural. L’actualisation « provisoire » des données socio-économiques montre qu’il y a de plus en plus de ménages, en milieu urbain, qui occupent des maisons modernes (62,5% en 2004 à 65,9% en 2014), plus dans des appartements (12.4% en 2004 à 16,6% en 2014),
et beaucoup moins occupant des maisons traditionnelles (4,8% en 2014 contre 8,1%). Hormis le Grand Casablanca qui se distingue tristement par une forte proportion des ménages vivant dans les bidonvilles (10,6%), la proportion des Marocains vivant dans ce genre d’habitation a baissé de 8,2% à 5,6%. Les améliorations constatées à ce niveau dans le milieu urbain sont loin de l’être dans le milieu rural où le type de logement prédominant reste « l’habitat de type rural » à hauteur de 66,3% et les maisons modernes ne représentent que 24,5 contre 13,6% en 2004.
INEGALITE DU SERVICE PUBLIC
Sur le plan des conditions de vie, une première lecture des indicateurs dévoilés laisse dire que le Maroc est bien loin de consacrer le principe d’égalité face aux services publics. Dans ce sillage, il y a lieu de souligner que malgré les efforts entrepris en termes de mise à niveau des logements en ce qui concerne les équipements sociaux de base, le Maroc a toujours du chemin à faire pour garantir un cadre décent de vie pour ses concitoyens. Même si la part des ménages raccordés au réseau d’électricité a augmenté de 71,6% à 91,9%, 8,1% des ménages ne disposent pas encore de cet équipement de base. Cette propension est de 14,7% dans le rural. Pire, le raccordement à l’eau potable ne concerne que 72,9% des ménages en 2014 (57,5% 2004). Si cette proportion s’élève à 91% dans le milieu urbain (83% 2004), elle n’est que de 38,3% dans le milieu rural (18,1% en 2004). Concernant l’évacuation des eaux usées, ce service ne concerne que 88,5% des très chanceux ménages urbains en 2014 (79% 2004). Dans les campagnes, les fosses septiques avec 50,5% et les puits perdus avec 20,8% constituent le mode d’évacuation le plus utilisé. S’agissant de l’évacuation des déchets ménagers, ce service est assuré à hauteur de 67,7% seulement par les services communaux, tandis que 4,8% des ménages urbains en 2014 continuent de jeter leurs déchets dans la nature. Cela va sans dire que 89,3% des ménages ruraux recourent à ce dernier mode d’évacuation et que les services communaux et les camions ne dépassent pas 2,7% et 5,9% respectivement. Par ailleurs, 6,3% des ménages urbains ne disposent pas encore de latrine, contre - malgré une nette progression- 16,3% en milieu rural (41% en 2004). Près d’un ménage urbain sur deux ne disposent pas d’une douche (45,4%). Bien que cette proportion ait doublé durant la période intercensitaire, seuls 9.7% des ménages ruraux disposent de cet équipement en 2014. Ce qui ne les empêche pas d’avoir un téléphone portable (90,1% rural et 96,6% urbain). Loin de là, ce qui ne présage rien de bon pour l’avenir des générations futures, seul un ménage sur 4 (25,4%) possède un ordinateur (5,4% en milieu rural et 35,8% en milieu urbain), un ménage sur 5 (19,4%) a accès à Internet (3,5% en milieu rural et 27,6% en milieu urbain). Et ce, pendant que 92.7% possèdent un téléviseur et 83,7% possèdent une antenne parabolique.
LE MAROC VIEILLIT
A côté de cette évolution dans l’espace, il y a bien d’autres évolutions dans le temps qui doivent être soulignées. Sur une longue période, on voit clairement que le rythme de croissance démographique continue d’évoluer sur un trend
baissier. Le taux de fécondité est passé de 7,2 enfants par femme en 1960 (date du premier recensement) à 2,1 en 2014. Pour le statisticien du Royaume, il est observable que la transition est presque achevée. Le nombre moyen d’enfants par femme est à 2,21 contre 2,47 en 2004. En ville en particulier, la fécondité est sous le seuil (2,1%) de remplacement des générations (2,01) et reste légèrement au dessus de ce seuil à 2,55 enfants par femme dans le rural. Sous l’effet de cette baisse, la part des jeunes de moins de 15 ans a baissé de 3 points, passant ainsi de 31% en 2004 à 28% en 2014. La population d’âge actif (15 à 59 ans) s’est accrue de 60,7% en 2004 à 62,4% en 2014. Et ce, sous l’effet de l’élan démographique issu des années passées ayant connue une forte fécondité. La part de la population de plus de 60 ans a enregistré une augmentation sensible passant ainsi de 8,1% en 2004 à 9,6% en 2014. Pour plus de précision, il faut noter qu’en termes des effectifs, cette population a connu une augmentation de 35% en passant de 2,376 millions à 3,209 millions durant la même période intercensitaire. Ceci dit, les prochaines études devant servir de base pour les stratégies futures du Royaume doivent désormais s’intéresser plus aux conséquences que pourrait avoir à long terme ce qui semble être une perspective démographique assez certaine à savoir le vieillissement de la population marocaine.
QUEL AVENIR POUR LA POPULATION ÂGÉE ? A elle seule, sans parler des autres problématiques importantes mais à moindre échelle, la problématique du vieillissement conjuguée à celle de l’accroissement moins rapide de la population interpelle l’action publique à plus d’un titre. De plus, dans la mesure où les dispositifs institutionnels actuels financent les retraites publiques grâce aux cotisations des actifs, le vieillissement et l’augmentation du nombre de retraités par actif exerceront inévitablement une pression croissante sur la situation budgétaire du pays. Les paiements (allocations) au titre des régimes publics de retraite augmenteront nécessairement et représenteront une proportion croissante des dépenses sociales totales! Il ne s’agit pas d’un alarmisme gratuit, mais plutôt d’une réalité qui donne des sueurs froides. Surtout lorsqu’on sait que 45% des personnes âgées de 25 ans et plus ne disposent d’aucun niveau d’instruction et que seuls 8% comptent un niveau d’enseignement supérieur. Diagnostiquer, expliquer, dresser les constats… tous ces exercices sont bons à prendre. Reste à dégager les solutions qu’il faut aux maux actuels et à venir. Le 3ème âge est problématique pour le pays alors que sous d’autres cieux, c’est le 4ème âge qui bénéficie de politiques appropriées. Avec cela suppose comme surcoûts induits en pensions et soins… PERSPECTIVES MED
53
ÉCONOMIE RÉFORME DES RETRAITES
SEULE LA CMR EST CIBLÉE ! Par : M. Taleb
Alors que l’on s’attendait à un projet de réforme globale des systèmes de retraite, le gouvernement a fini par sortir de son chapeau une réformette qui concerne le seul régime de pensions civiles de la seule Caisse marocaine des retraites (CMR). Pourquoi alors cette focalisation, après quatre années de tergiversations, sur la CMR et sur le RPC en particulier ?
P
réparée à la sauvette et sans l’accord des partenaires sociaux, une petite réforme de la retraite est dans le pipe. Dépourvu de visibilité et d’un véritable projet de réforme, le gouvernement Benkirane qui n’a pas réussi à convaincre les syndicats, qui s’accrochent à une réforme globale des systèmes de retraite, a choisi de faire cavalier seul. Faute de choix, chose qui reste à vérifier, l’Exécutif a privilégié une seule piste, celle de la réforme paramétrique du seul régime des pensions civiles (RPC) de la CMR. Tombe donc du calcul le régime des pensions militaires (RPM) qui souffre d’un déficit structurel abyssal depuis des années. Face à une dramatisation de la situation de la CMR durant les dernières années, qui pourtant reste sujette à discussion, l’Exécutif a décidé à la hussarde d’adresser les projets de loi formant sa réforme des retraites au secrétariat général du gouvernement (SGG) pour étude finale et
LA RÉFORME EST BASÉE SUR DES ÉTUDES ACTUARIELLES ET DES HYPOTHÈSES INFONDÉES
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PERSPECTIVES MED
contrôle juridique avant de passer dans le circuit d’approbation. Fait étonnant, ladite réforme est basée sur des études actuarielles qui paraissent infondées en partant d’hypothèses ne représentant pas la réalité des choses. Ces études pourtant « certifiées » par une équipe dédiée laissaient entendre que le déficit technique devait se produire en 2011. Chose qui n’a pas eu lieu remettant en doute la portée de ces études puisque ce déficit n’a été effectif qu’en 2014, comme le montre un rapport du comité d’audit de la caisse relatif à la période 2014-2015 (voir encadré). Pis, ces études se basent sur des hypothèses n’intégrant pas les performances probables des investissements du portefeuille de la caisse qui s’élève à plus 84 Mrds Dhs, et inclut une table de mortalité de 88-90 ans ce qui est loin d’être le cas pour les Marocains, étant donné que l’espérance de vie officielle, selon le HCP, n’est que de 71,7 ans (2004) et qu’ « il est bien difficile de savoir si les gains d’espérance de vie vont se ralentir ou se poursuivre au rythme «normal » compte tenu du niveau déjà atteint ou s’accélérer et tendre vers quelle limite », selon la Prospective Maroc 2030 du HCP.
TOLLE SYNDICAL
Ce scénario imprévu a provoqué l’indignation de l’ensemble des partenaires sociaux. La méthode a littéralement ulcéré les centrales syndicales qui ont dénoncé un passage en force et un déni de démocratie. « Il n’est pas admissible de traiter un sujet aussi essentiel que la réforme très controversée de la retraite d’une manière aussi expéditive », fustige Miloudi Moukharik, secrétaire général de l’UMT, pour qui le « dossier de la retraite n’est pas le dossier d’une seule partie ou de la partie gouvernementale ». « C’est un dossier sociétal qui a besoin d’une large concertation et d’un large consensus. Or, le gouvernement est venu adopter trois paramètres tous au détriment des salariés », s’est-il insurgé. Ces trois paramètres dont parle M. Moukharik constituent les « trois axes indispensables pour la réforme », selon le rapport économique et financier accompagnant le projet de loi de finances 2016, que sont: « la hausse graduelle de l’âge de départ à la retraite pour atteindre les 65 ans, l’augmentation des cotisations des employés et la baisse du montant des pensions de retraite». Autre syndicaliste, même son de cloche. Abderrahmane Azzouzi, secrétaire général de FDT, fustige, pour sa part, la précipitation de Benkirane. « Il a dit dans sa dernière sortie télévisée que « les syndicats n’allaient pas accepter sa proposition de réforme, chose selon laquelle on peut comprendre indirectement qu’il considère que notre position est juste », nous a-t-il confié. Et de poursuivre : « Il a dit qu’en tout état de cause il comptait aller de l’avant dans la réforme selon la mouture gouvernementale». Pis, Azzouzi affirme qu’aucune proposition des syndicats n’a été prise en compte. « Ni la hausse de l’âge qui devait rester optionnelle ou au choix, étant donné que les affiliés n’ont pas les mêmes conditions de travail, ni l’augmentation des cotisations. Nous avons dit qu’en ce qui concerne l’adhésion ou les cotisations dans tous les pays du monde, l’Etat paye les deux tiers et l’affilié paye le reste. Sauf chez nous ou le rapport est de 50/50% », s’est-il désolé. Ce qu’ignore Si Azzouzi c’est que même ici-bas les militaires affiliés à la CMR payent le tiers au moment où les civils payent la moitié. Pire, pour combler le déficit structurel du RPM, le RPC fait des avances pour couvrir les arriérés de l’Etat.
APPROCHE REDUCTRICE
Refusant catégoriquement l’approche gouvernementale, Abdelmajid Ammouri Bouaazza, du bureau exécutif de la CDT, précise qu’« il s’agit d’une question sociétale en relation avec le «modèle social » qui ne peut pas être limité sous une approche paramétrique », mais devrait « être traitée dans le cadre d’un large dia-
logue ». Dans le même sens, Mohamed Haitoum, membre du comité technique de la réforme des régimes de retraite, estime que « le Chef du gouvernement a dépassé toutes les normes ». « Alors que nous parlions de la réforme globale de la retraite parce qu’il s’agit d’un dossier sociétal éminemment important (…) Benkirane a limité la réforme aux pensions civiles de la CMR », a-t-il regretté en précisant que « la réforme du RPC de la CMR ne constitue même pas un chapitre de la réforme globale de la retraite ; il est inacceptable de jouer son avenir sur un coin de table. C’est en substance notre désaccord fondamental avec la démarche gouvernementale ». Quoiqu’on en dise du côté des centrales syndicales, d’autres voix s’élèvent pour dénoncer cette réformette de la retraite qui revient discrètement par la petite porte du SGG. Entre autre voix, Mohammed Bouzakiri, représentant des adhérents des administrations publiques au Conseil d’administration de la CMR, remet en cause les fondements mêmes ainsi que les hypothèses de base sur lesquelles s’est basé le gouvernement dans sa démarche. Bouzakiri assure qu’ « il y a eu au fil des dernières années une dramatisation de la situation de la CMR » qui cache derrière elle une « gouvernance et une gestion désastreuses des cotisations des adhérents ». Du même avis, Hassan El Mardi, également représentant des affiliés au régime des pensions civiles, dénonce l’absence de transparence et la mauvaise gouvernance de la CMR, mais aussi les allégations mensongères de la direction de la CMR et du gouvernement quant aux prétendus déficits de la caisse et l’exagération de la gravité de sa situation. Faisant allusion à l’incohérence des données communiquées sur la situation de la CMR, le secrétaire général du syndicat populaire des salariés considère qu’il ne peut y avoir de réforme fiable qu’après vérification minutieuse de celles-ci. Anguille sous roche il y a ?
GESTION HORS NORMES Faisant de la lutte contre la corruption et la mauvaise gouvernance son cheval de bataille, le gouvernement n’a déployé aucune action pour l’ancrage des principes de la bonne gouvernance au sein de la caisse. Le Conseil d’administration (2015) qui devait se tenir au plus tard le 31 mai PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE CMR
DÉFICIT DOUTEUX
A
lors que les bilans actuariels certifiés par une équipe chargée des études actuarielles, composée de cinq actuaires et un statisticien, indiquent qu’ « un déficit technique » devrait être constaté depuis 2011 », un rapport d’activité du comité d’audit de la CMR relatif à la période 2014-2015, précise que le « régime des pensions civiles a enregistré pour la première fois un déficit technique, soit un solde des opérations techniques de -936,43 MDH au titre de l’exercice 2014 contre un excédent technique de 703, 85 MDH une année auparavant ». Alors qu’on n’a pas cessé d’exagérer la gravité de la situation de la caisse, ce régime a réalisé, comme l’indique son compte des produits et charges, un résultat financier comptable net de plus de 5,01 milliards de dirhams au 31/12/2014. Cependant, compte tenu des revenus de portefeuille (profits sur réalisation de placement de 3,246 MMDH et Intérêts et autres produits financiers 443 MDH) et des charges propres à la gestion du portefeuille du RPC qui se sont élevées à plus de 1,91 MMDH, l’exercice 2014 s’est soldé par un résultat global du RPC de 4,075 milliards de dirhams. D’où la nécessité de s’interroger sur un volet éminemment important qui n’est autre que la gestion financière des fonds de réserve. Au moment où tout le débat s’articule sur la réserve et son épuisement qui est loin d’être aussi certain et si les dernières études actuarielles fixent 2022 comme échéance, il faut rappeler que des études précédentes fixaient cette échéance à 2021 avec, à la clé, un déficit technique au quatrième trimestre de 2012. Il ne faut surtout pas négliger un volet éminemment important : la gestion financière des fonds de réserve. La caisse dort sur un matelas qui s’élève à plus de 84 MMDH en 2014 et qui peut être plus important au 31/12/2015. L’amélioration de sa gestion financière pourrait donc retarder l’échéance du déficit total. Une optimisation de la gestion et de l’investissement de ce matelas financier, qui culmine à près de 85 MMDH, pourrait constituer le véritable chemin de la réforme. Il faut savoir qu’avec ce chiffre mirobolant, un seul petit point de plus dans le taux de rendement est susceptible de rallonger la durée de vie de la caisse de plusieurs années. Pour arrêter l’hémorragie, nul besoin d’être clerc pour choisir la bonne piste.
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PERSPECTIVES MED
dernier comme le stipule la loi 43-95 (article 6) portant sur la réorganisation de la CMR ne s’est pas tenu encore. Plus grave, le Chef du gouvernement tenu par les statuts de présider le Conseil d’administration est incessamment aux abonnés absents. Depuis son investiture, Benkirane n’a jamais jugé utile d’assister audit conseil préférant déléguer ses prérogatives au ministre de l’Economie et des finances, Mohammed Boussaid ou encore au directeur de la CMR, Mohammed El Alaoui El Abdellaoui. « Certes, le Chef du gouvernement peut déléguer la présidence du Conseil d’administration au ministre de l’Economie et des finances mais en aucun cas au Directeur de la CMR», fustige M. Bouzakiri qui rappelle que le directeur de la caisse « n’a pas le droit de convoquer les différents membres à un Conseil d’administration ». Et de déplorer ainsi une « autorité qui dépasse actuellement toutes les limites légales ». « C’est Benkirane qui permet cela», s’insurge M. Bouzakiri au même titre que d’autres qui s’emploient, depuis le début de leur mandat, à brocarder la mauvaise gouvernance de la caisse et dénoncer des aspects de prévarication au sein de cet établissement. Entre autres, ils pointent du doigt le non respect du Code marocain des bonnes pratiques de gouvernance des entreprises et établissements publics «qui évoque clairement le respect des instances de délibération et des échéances et des délais». Dans ce sens, ils déplorent avec amertume le non examen par le comité permanent des rapports délibérés, en soulignant que ce comité est, invraisemblablement, « la seule entité en charge de la préparation du conseil et l’élaboration de ces rapports hors du Conseil d’administration ». Parmi les aspects les plus frappants de l’anarchie qui règne dans la Caisse, on évoque la nomination de représentants du ministre de l’Economie et des Finances qui ne répondent pas aux critères requis pour présider les commissions émanant du Conseil de l’institution. A titre d’exemple, M. Bouzakiri, souligne que le comité d’allocation des actifs (chargé de l’investissement des fonds de prévoyance), normalement présidé par le représentant du ministre de l’Economie et des finances, serait manipulé par un expert externe qui répond au nom de Mohamed El Babsiri. Tout en signalant que lui et Hassan El Mardi, également membres de ce comité, ont contesté les indemnités versées à M. El Babsiri. Bouzakiri va plus loin: est ce que le Chef du gouvernement accepte qu’un expert externe à la caisse, qui touche un salaire important et qui ne remplit pas les conditions de bonne moralité (qui n’est pas marié) exigés par le statut de la fonction publique (dahir de 1958) pour l’accès à la fonction publique, puisse décider du sort et de l’avenir des retraités marocains ? ». « Si le contrôleur de l’Etat est absent, si les PV ne sont pas conformes, si la gouvernance est absente, si les réunions ne sont pas tenues régulièrement, où elle est la bonne gouvernance alors ?, se plaint-il. « Il s’agit d’une catastrophe. Les Marocains doivent savoir que ce matelas financier (84 milliards de dirhams), qui représente le budget d’un Etat africain, est en danger à cause de la mauvaise gestion », crie ce membre du Conseil d’administration de la CMR.
DRAPOR DRAPÉE DANS LE SECRET
UN CHAPELET DE REBONDISSEMENTS Par :Mohammed Taleb
Affaire, scandale où escroquerie ? L’affaire Drapor qui s’apparente à une affaire de loyauté trahie soulève une infinité d’interrogations qui rythment la saga judiciaire qui ne cesse de défrayer la chronique. Alors qu’on croyait que l’enjeu était purement local, l’affaire Drapor se complique avec ses ramifications internationales… Comment démêler un tel écheveau ?
C’
est une affaire tentaculaire aux dessous opaques qui livre, au compte-goutte, ses contours. Alors qu’on croyait que les enjeux de cette affaire étaient purement locaux et concernaient la seule et unique société de dragage des ports au Maroc, il s’avère, au fil des révélations, qu’il s’agit d’une affaire aux ramifications internationales. Depuis son déclenchement après le procès de feu Lahcen Jakhoukh contre des membres de sa famille et des responsables de la dernière société marocaine privatisée en 2007, l’affaire Drapor n’en finit pas de livrer de nouveaux secrets. A partir du moment où l’affaire s’est invitée sous le feu des projecteurs, l’acharnement des parties opposées (Mustapha Aziz d’un coté et les héritiers de Feu Jakhoukh Lahcen de l’autre) à défendre leurs positions les poussent à dévoiler de nouveaux aspects de l’imbroglio et quelques unes des armes employées pour s’assurer la victoire. Constituant
L’ENJEU ÉCONOMIQUE ET STRATÉGIQUE DE CETTE AFFAIRE NE MANQUE PAS D’ATTISER L’APPÉTIT DE BIEN DES PRÉDATEURS
une véritable saga judiciaire, plusieurs affaires dans l’affaire défilent devant plusieurs juridictions en France, au Maroc mais aussi au Gabon. Pourtant, ce ne sont pas que les juges d’instruction, les avocats et enquêteurs de la police judiciaire qui s’y mettent. Selon des sources impliquées, l’enjeu économique et stratégique de cette affaire pour les économies respectives du Maroc et du Gabon, mais aussi le pactole que constitue l’héritage du richissime homme d’affaires secret Jakhoukh ne manquent pas d’attiser l’appétit de bien des prédateurs. Démystifier cette affaire revient à de l’absurde, l’affaire est sans cesse marquée par de nouveaux épisodes. De multiples rebondissements en prime !
AFFAIRE D’HERITAGE ?
Après que les accusations portées de part et d’autre dans ce procès aient épuisé le registre des accusations financières et criminelles, les derniers chefs d’accusations proférés se basent sur le droit de succession (statut personnel). Après le décès de Jakhoukh survenu le 9 juin dernier, l’enjeu est désormais centré sur le legs. Si les héritiers réclament les droits de succession naturels,
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ÉCONOMIE
Mustapha Aziz, s’y oppose en s’affirmant « héritier désigné par testament ». Et de faire grand cas du testament enregistré chez un notaire français dénommé Jean-Marie Pannetier qui fait de lui « le légataire universel ». En théorie, d’après la législation française, Mustapha Aziz, devrait recevoir la totalité de la succession ». Pour les Jakhoukhs, sortis de leur mutisme depuis juillet dernier, il s’agit de « tentatives de spoliation ». Soutenus par leurs avocats, Me Hassan Semlali et Me Mohamed Tahari, Soumya, Btissam et Badr Jakhoukh, respectivement veuve et enfants du défunt, ont accusé Aziz de se livrer à « une course contre la montre pour récupérer le maximum de biens avant que les différentes plaintes n’aboutissent à l’arrêt de ses basses manœuvres ». Selon eux, l’homme qui se présente comme l’ami du défunt est présenté comme un intrus qui se cache derrière toute la tragédie vécue par la famille ces dernières années. Pas de quoi le démonter. Dans son bureau de PDG de Drapor, il clame que « ces accusations sont dénuées de tout fondement ». « Feu Lahcen Jakhoukh est mon ami et mon partenaire depuis pratiquement 27 ans, depuis le temps où j’étais conseiller du président du Gabon, Omar Bango », affirme-t-il. Et de préciser « ce qui nous lie est une amitié pas seulement dans les affaires mais une sorte de fraternité ». Si la famille a été marginalisée par Lahcen depuis longtemps, et pas seulement depuis 4 ou 5 ans, il faut se demander pourquoi. Et d’affirmer que Jakhoukh père « savait que beaucoup de choses se passaient dans son dos et cherchait à se mettre à l’écart de tout ça, avant même l’éclatement du scandale de Drapor et la plainte intentée par « Aâmi Lahcen » contre le groupe 58
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qui dirigeait la société, dont le fils Badr et un certain Marouazi, depuis deux ans objet d’un mandat d’arrêt national et international. « Je saisis cette occasion pour demander à la nouvelle direction de police de trouver cet homme qui a fait beaucoup de mal à la société », plaide-t-il. Une assertion qui intrigue Badr Jakhoukh qui affirme, lui, avoir croisé l’insaisissable Marouazi à Casablanca. Il était en train de récupérer ses enfants à la sortie de leur école ! Le fils cadet du PDG de Satram Marine affirme que tout allait bien avant l’apparition d’Aziz. Ce dernier, ami d’études du fils de M. Aziz, aurait joué les intermédiaires pour le rapprocher, à sa demande, de son père. « Je regrette vraiment d’avoir été la cause de cette liaison », laisse-t-il tomber. Me Tahari tente de démystifier cet imbroglio. « Comment un père qui n’avait pas confiance en ses fils et son épouse, leur aurait-il confié la gestion de son patrimoine » ? Plus, ajoute l’avocat, « le défunt ne se contentait pas de ça mais achetait des biens qu’il enregistrait au nom de ses fils, faisant de ces derniers ses propres associés ».
JAKHOUKH, UN PRETE-NOM?
Aziz balaie toutes ces accusations d’un revers de main. « Je n’ai rien spolié » puisque, soutient-il mordicus, « je suis partenaire avec L. Jakhoukh depuis très longtemps que ce soit au Gabon, au Maroc, au Mali, au Sénégal ou dans d’autres pays ». Et de préciser que son ami Lahcen était son représentant puisque «j’étais dans des positions où je ne pouvais pas traiter les affaires ». Autrement dit, Jakhoukh constituait pour lui un prêtenom. « Spolier » serait dès lors un terme inadéquat dans ce contexte. D’autant
que Lahcen Jakhoukh disait, publiquement, qu’il comptait « déshériter sa petite famille ». Pour sa défense, M. Aziz affirme ignorer jusque sa désignation comme légataire universel ! Quoiqu’il en soit, ce testament est complètement rejeté par les héritiers. Selon leur avocat Me Semlali, « Puisque le défunt a des enfants males et il n’a ni père ni mère, ses enfants sont ses héritiers légitimes ». Ces derniers auraient, d’après lui, fait l’acte de succession et auraient commencé à l’introduire auprès des conservations foncières au Maroc là ou il y a les biens de la famille. Pour cet avocat au Barreau de Kenitra, la prétention de Mustapha Bziouit, alias Mustapha Aziz, d’être « l’exécuteur testamentaire» de la succession de Lahcen Jakhoukh relève de « l’aberration » au regard du droit personnel marocain. « Nous avons la loi islamique (Acharaâ) et la jurisprudence islamique (Fiqh) qui précisent que le défunt est hérité par ses héritiers et que le testament ne peut excéder le tiers», rappelle-t-il. Dès lors, « toutes ces magouilles » visent le détournement de biens d’autrui. « Étant donné qu’il a accès aux sociétés de Jakhoukh il est en train de les vider en s’accaparant le matériel et en l’inscrivant d’une manière frauduleuse en son nom. Et ce, dans le but essentiel de laisser les héritiers de Lahcen Jakhoukh sur le carreau». Me Semlali va plus loin en remettant en cause la validité dudit testament. Il serait frappé « d’illégalité » car obtenu de Lahcen Jakhoukh « alors qu’il était agonisant », nous a-t-il révélé en insistant sur le fait que « ce monsieur arrive par ses interventions et ses appuis à entraver les héritiers de jouir de leurs droits ». De sacrés mots sont ainsi lâchés, « interventions et appuis ». Mais l’avocat
ENTRE LE CLAPET FINAL SIGNIFIÉ PAR L’UNE DES PARTIES, ET LA REVENDICATION DES AYANTS DROIT DE L’AUTRE, L’AFFAIRE EST LOIN D’AVOIR LIVRÉ TOUS SES SECRETS. SUR LE FRONT JUDICIAIRE, DES REBONDISSEMENTS SONT À PRÉVOIR. AFFAIRE NON CLASSÉE…
reste évasif à ce sujet se contentant de souligner qu’il s’agit là d’une affaire qui expire « un non droit » car «toutes les plaintes déposées contre lui sont classées»! Me Tahri appuie ces propos en confiant que « L. Jakhoukh, qui était atteint d’un cancer du pancréas en phase terminale, avait était hospitalisé à Paris quelque semaines avant son décès ». «Vu la gravité de sa maladie, il est clair que Si Lahcen, hospitalisé le 29 avril jusqu’à son décès le 9 juin, était inapte à signer un testament le 5 mai ! » Campant sur ses appuis, l’autre camp soutient la validité du testament remis en cause. Pour appuyer ses dires, M. Aziz rappelle que « l’acte de succession est doté, selon lui, d’une force d’exécution au Maroc»: « Voilà l’acte de succession. Nous, on a fait l’exequatur de ce testament au Maroc, donc c’est fini ». Aux accusations des avocats de la famille, il indique que le testament, acte établi au Maroc ou ailleurs, le désigne comme légataire universel ». Obtenu par l’un de ses avocats Mohammed El Montassir, le jugement du tribunal de première instance de Casablanca, daté du 23/07/2015, stipule « l’exécution rapide ». Selon la législation marocaine l’héritier désigné par testament peut se contenter du tiers et donner le reste aux héritiers par lien de parenté. « J’avais l’intention de m’y conformer », lâche bon prince M. Aziz. Mais face « à ces ingrats », comme il affuble les héritiers Jakhoukh, « je vais réagir autrement ». « Le contenu du testament ne comporte aucune inhibition ou obstacle en contradiction avec la jurisprudence musulmane et aux préceptes musulmans et ne menace en aucun cas l’ordre public au Maroc», nous a expliqué Dr Aziz. Ce qui demeure, selon lui, en parfaite adéquation avec l’article 430 du code civil marocain mais aussi avec l’article 277 du code de la famille « la Moudawana » qui stipule que « le testament est l’acte par lequel son auteur constitue, sur le tiers de ses biens, un droit qui devient exigible à son décès ». « Pour toutes ces raisons, il a été décidé l’exécution du testament », achève-t-il la lecture du jugement qu’il avait entre les mains. « Ce testament a déjà reçu l’exequatur au Maroc, donc il a été accepté et jugé au Maroc et l’acte de succession a été déjà fait. Ce qu’ils disent est complètement idiot. Ça s’était avant l’action en justice », conclut-il. Du côté des plaignants, c’est Me Tahari qui monte au front pour les défendre. « Nous avons déposé une plainte, et il est fort probable qu’il sera arrêté très prochainement. Une enquête est diligentée actuellement et nous estimons qu’il faut laisser la police judiciaire et le parquet général faire leur travail. » Entre le clapet final signifié par l’une des partie, et la revendication des ayants droit de l’autre, l’affaire est loin d’avoir livré tous ses secrets. Sur le front judiciaire, des rebondissements sont à prévoir. Affaire non classée… PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE INTERNATIONALISATION DES BANQUES MAROCAINES
LES BIG THREE S’EXPORTENT Par : Abou Marwa
Epousant les objectifs du Royaume d’arrimage à l’économie mondiale, les grandes banques nationales se sont lancées depuis plus d’une décennie à l’assaut du marché international avec comme point focal l’Afrique. De Washington à Shanghai en passant par la city de Londres, les Big Three (AWB,BCP, BMCE) se cherchent et se donnent les moyens pour une expansion durable.
L
argement dominé par les banques européennes jusqu’à la fin des années 1990, le secteur bancaire africain est en pleine mutation. A côté d’acteurs traditionnels, des groupes régionaux émergent et se muent progressivement en véritables groupes bancaires panafricains. Ces banques, qu’elles soient locales, régionales ou continentales, affichent une stratégie de développement plus agressive. Elles cherchent à pénétrer de nouveaux segments de marché et à toucher des cibles jusquelà exclues du système bancaire. Elles multiplient les agences, déploient des services innovants et à bas coût, mieux adaptés aux populations peu bancarisées. L’accès aux services bancaires progresse, la banque de détail et le financement des petites et moyennes entreprises se développent. Cela ne va pas sans risque pour nombre d’institutions qui n’ont pas la taille critique des géants mondiaux. Small is buetiful. Une réalité qui prend de l’ampleur. Même si le total des actifs détenus par les 200 plus grandes banques africaines atteint à peine les 1000 milliards de dollars, poids négligeable comparé aux 96 000 milliards de $ détenus que pèsent les 1000 plus grandes banques mondiales (la plus grande banque d’Afrique, la Standard Bank en Afrique du Sud, est 24 fois plus petite que la première banque du monde JP Morgan). Quoique le système financier africain, très
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PERSPECTIVES MED
fragmenté et hétérogène ; évolue rapidement, il reste caractérisé par une division géographique importante. Du fait de l’histoire et de la question de la langue, les cinq principales régions, à savoir l’Afrique du Nord (Maghreb et Egypte), l’Afrique francophone, l’Afrique du Sud, le Nigéria et le reste de l’Afrique anglophone, sont longtemps restées très distinctes. A cela s’ajoute la faible bancarisation des Africains, seule une personne sur 10 est bancarisée. Pis, le taux de bancarisation n’excède pas les 5% dans l’Afrique sub-saharienne. De cet état de fait, le secteur bancaire africain devrait continuer d’offrir un potentiel de développement important. Les perspectives sont multiples : des segments de marché restent à explorer (crédit immobilier, financement agricole, monétique, etc.), et la plupart des financements importants échappent encore au secteur bancaire local (infrastructures, mines et hydrocarbures, commerce international, etc.). Cela sans évoquer les synergies avec les autres acteurs de marché insuffisamment exploitées (marchés boursiers, fonds d’investissement, fonds de garantie, assurance, microfinance, etc.). Dès lors, l’Afrique anglophone et francophone demeurent totalement déconnectées ou presque. C’est dans cet environnement là que les banques marocaines ont tenté leur chance. A leurs risque et péril.
EXPANSION PAR ACCOMPAGNEMENT A l’échelle nationale, la libéralisation financière engagée par les autorités marocaines a impulsé la concurrence et ouvert la sphère financière aux banques étrangères venant s’associer aux banques privées locales. Cette concurrence acerbe s’est traduite par un écrasement des marges bénéficiaires. L’expansion ne pouvait se faire, en attendant la maturité pleine du marché domestique, que via une ouverture sur l’étranger, en particulier, sur l’Afrique. Cette ouverture a été également encouragée par les politiques de privatisation et les mesures de déréglementation et de restructuration du secteur bancaire devenu désormais suffisamment rentable pour attiser l’appétit des banques marocaines. S’y ajoute l’élan d’intégration régionale initié par le Roi, là où les banques constituent un catalyseur essentiel dans l’accompagnement des clients et investisseurs marocains. Dans un sens, le processus d’internationalisation et d’ouverture de l’économie marocaine sur les pays de l’Afrique, est du pain béni pour les institutions bancaires qui plus est profitent d’une couverture politique. Les grandes entreprises qui se sentaient à l’étroit, au même titre que les institutions bancaires, ne pouvaient passer à côté de l’aubaine africaine. Les grandes banques marocaines qui ont joué le jeu accompagnent une bonne partie des activités internationales de commerce et d’investissement tout en profitant de ce qu’on appelle les avantages à la localisation que présentent cet espace économique.De ce fait, tout en diversifiant leurs opérations, les banques marocaines, désormais mieux organisées et plus innovantes, rattrapent leur retard et devancent même leurs homologues des pays du Nord, en s’appuyant sur leurs réseaux d’agences, qui se densifient rapidement – assurant de ce fait l’évolution du niveau général de bancarisation en Afrique. Les produits sont toujours plus nombreux et plus modernes : monétique, banque par Internet ou par téléphone mobile. Elles visent les mêmes cibles, du particulier à la grande entreprise, soucieuses de conquérir des parts sur des marchés très peu développés où chaque intervenant est contraint de travailler avec toutes les clientèles. Attijariwafa Bank (ATW), BMCE Bank et la Banque centrale populaire (BCP) sont désormais des acteurs incontournables du paysage bancaire africain. Grâce à leurs acquisitions entamées en 2005, elles ont pu se tailler une position de leader et ont surtout su profiter de la croissance offerte par le marché africain souvent assimilé à la dernière frontière de la croissance.
UNE CIBLE AFRICAINE Dans cet environnement très compétitif, les banquiers marocains développent des stratégies visant à capter de nouveaux flux financier à même d’accompagner leur expansion dans le continent, à savoir l’ouverture d’antennes dans les plus grandes
places financières internationales qui cherchent des partenaires fiables pour mieux rebondir en Afrique où l’Empire du Milieu s’échine à renforcer ses posistions. L’Afrique est au cœur de la politique de développement des banques marocaines qui souhaitent renforcer davantage leurs positions sur un continent de près d’un milliard d’âmes, et riche en ressources naturelles. Dans cet objectif, la mission première des différentes structures basée dans les pays développés ou en voie de l’être, consiste à développer les activités de banque d’affaires, afin de disposer d’une ingénierie financière destinée à intervenir sur des projets d’infrastructure porteurs. Ces postes avancés des groupes bancaires entendent s’impliquer en amont sur les transactions nécessitant un conseil ou un accompagnement des investisseurs internationaux qui désirent se positionner au Maroc ou dans la région de l’Afrique subsaharienne et en Afrique de l’Ouest. Ceci étant, et sans pour autant attendre l’arrivée effective de ces partenaires, Bank of Africa, Atlantic Business Group ou encore ATW et ses filiales africaines ne campent pas sur leurs positions, elles se déclarent décidées à poursuivre leurs africanisation, en étendant leurs présence à des zones jusque-là non couvertes, comme l’Afrique anglophone et lusophone. Une évolution naturelle dans la mesure où ces banques n’ont d’autre choix que de croître pour continuer d’exister. Car les marchés africains constituent un relais essentiel de croissance. Outre la nécessité de développer des rendements d’échelle afin d’être compétitives, elles doivent atteindre une taille critique pour être en mesure de diversifier les risques, à la fois sectoriels - en réduisant la concentration de leurs portefeuilles -, et pays - en ouvrant des filiales hors de leur implantation d’origine. De plus, ces établissements ont une meilleure compréhension des besoins des opérateurs économiques locaux, et sont davantage en mesure d’innover pour adapter leur offre et pénétrer de nouveaux segments de marché. Au-delà de l’expertise et des ressources qu’elles apportent, ces banques demeurent indispensables pour financer les grands investissements, les opérations de commerce international et, de manière générale, pour faire le pont entre l’Afrique et les autres continents. Bref, le secteur bancaire traduit dans les faits la réalité géostratégique du Royaume ; la porte d’entrée pour le Continent noir. PERSPECTIVES MED
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MARCHÉS MARCHÉ BOURSIER
TENDANCE BAISSIÈRE
E
LE RECUL DE L’INDICE MASI S’EST POURSUIVI EN OCTOBRE EN ENREGISTRANT UN NOUVEAU REPLI DE 0,4% ET ACCENTUANT AINSI SA CONTREPERFORMANCE DEPUIS LE DÉBUT DE L’ANNÉE À 5,6%. EN CE QUI CONCERNE LE RATIO DE LIQUIDITÉ, IL S’EST ÉTABLI À 4,1% SUR LES DIX PREMIERS MOIS DE L’ANNÉE, APRÈS 3,9% EN 2014.
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Par : Abou Marwa
n octobre, l’indice MASI a poursuivi sa tendance baissière entamée depuis mars, accusant un recul de 0,4% par rapport au mois précèdent et cumulant ainsi une contreperformance de 5,6% depuis le début de l’année. La baisse de l’indice de référence de la Bourse lors du dernier mois s’explique principalement par la dépréciation des indices sectoriels « bâtiments et matériaux de construction » de 3,1%, « distributeurs » de 3,4% et « banques » de 1,4%. Le recul de l’indice bancaire a été tiré principalement par les baisses des valeurs d’Attijariwafa bank (-2,7%) et BCP (-2%). Pour ce qui est du secteur immobilier, en dépit de la hausse de 5,6% enregistrée au cours de ce mois, sa contreperformance depuis le début de l’année s’est établie à 39,3%. Dans ce contexte, la capitalisation boursière a régressé légèrement de 0,2% à 457,6 Mrds Dhs. En ce qui concerne la liquidité, son ratio ressort à 4,1% au cours des dix premiers mois de l’année contre 3,9% en 2014. En octobre, les transactions se sont chiffrées à 1,5 Mrds Dhs, contre une moyenne de 3 milliards sur les neufs premiers mois de l’année et ont été réalisées principalement sur le marché central. Dans ce sillage, les valeurs BCP, Attijariwafa bank, IAM et Addoha captent près de 75% des échanges mensuels.
L’IMMOBILIER SAUVE LA MISE Sur les dix premiers mois de l’exercice 2015, ce sont 11 secteurs sur les 22 cotés qui ont affiché des contre-performances. Ainis, l’indice «Ingénierie et biens d’équipements industriels» se positionne en queue de peloton avec une perte mensuelle de 9,06%. En effet, ce dernier a pâti de la contre-performance enregistrée par sa valeur Stroc Creative Contractors (-36,63%). La filière «Sylviculture & papier» accuse une baisse mensuelle de 8,10% imputable à son seul titre Med Paper. Pour sa part, la branche des « Distributeurs » fléchit de 3,39% à cause des contractions de ses cinq valeurs Label vie (-8,60%), Stokvis (-5,21%), Ennakl (-1,22%), Fenie Brossette (-0,99%) et Auto hall (-0,44%). Seul l’indice des « Boissons » tire son épingle du jeu, au titre du mois d’Octobre 2015, en se plaçant en
tête de liste des performances mensuelles avec une ascension de 15,91%, grâce au bon comportement de ses deux titres Brasseries du Maroc (+19,03%) et Oulmes (+0,11%). En 2ème rang, figure le secteur « Électricité » qui se bonifie de 5,94%, tirant profit de l’accroissement de son unique valeur Taqa Morocco. En 3ème position, se situe l’indice « Immobilier » qui affiche une légère progression mensuelle de 5,65%, attribuable au duo Addoha (+7,57%) et Résidences Dar Saada (+5,61%). Rappelons que le leader de l’habitat social Addoha a connu durant le mois d’Octobre un incendie n’ayant entraîné que des dégâts matériels. Toutefois, force est de constater que, sur les 73 sociétés cotées, 32 ont pu résister au mouvement baissier du marché en clôturant le 10ème mois sur des variations allant de +0,11% à +19,03%.
SUR DEUX IPO ANNONCÉES, SEULE CELLE D’AFMA A ÉTÉ RETENUE ALORS QUE POUR MUTANDIS, INITIALEMENT PRÉVUE AVANT LA FIN DE L’ANNÉE, LE CDVM A ANNONCÉ LE REJET POUR IRRÉGULARITÉ DES STATUTS DU HOLDING DIRIGÉ PAR DOUIRI
RÈGLEMENTATION ENFIN, LE MARCHÉ ALTERNATIF D’après le Conseil Déontologique des Valeurs Mobilières (CDVM), la création d’un Marché alternatif dédié aux petites et moyennes entreprises (PME) s’inscrirait dans un schéma global d’organisation du marché boursier qui réserve une place entière à cette catégorie d’entreprises. Dans ce sens, ce nouveau marché, prévu dans le cadre du projet de loi relatif à la Bourse des valeurs, aux sociétés de bourse et aux conseillers en investissement financier, proposerait des outils de segmentation plus importants de nature à distinguer les conditions d’accès à la bourse en fonction de la taille de l’entreprise et de son cycle de croissance, relève le Conseil dans sa newsletter relative au 3ème trimestre 2015. Avec cette réforme, le texte de loi connaîtra la plus importante refonte depuis sa promulgation en 1993, ajoute le gendarme de la Bourse, ajoutant que ce nouveau texte est conforme aux standards internationaux. Cependant note le CDVM, si le projet de loi renvoie à la réglementation la fixation de critères quantitatifs et opérationnels, l’articulation entre lesdits critères est d’une importance accrue pour trouver un meilleur compromis entre l’attractivité des conditions d’accueil pour les PME et les impératifs de transparence et de protection des investisseurs. Il s’agit là d’une problématique mondiale pour laquelle il n’y a pas de recette unique. Les expériences internationales de marchés alternatifs attestent de la diversité des schémas en place sur fond de recherche permanente de nouvelles pistes à même d’améliorer l’efficacité de ces marchés. D’autres conditions à portée plus globale sont également visées. Il s’agira principalement des obligations d’informations exigées par le régime de l’appel public à l’épargne ou des dispositions relatives aux offres publiques sur les titres cotés. Par ailleurs, le gendarme de la bourse souligne que la création d’un marché alternatif devrait s’accompagner d’un plan global de soutien au financement des PME tout au long de leur développement. Cela exige à la fois un élargissement qualitatif de la palette des mesures incitatives et l’implication de tous les acteurs concernés.
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DOSSIER DU
MOIS
COP21
AMBITIONS CONTRARIÉES
Non, les Américains dont on attendait plus, depuis que B. Obama a fait semblant d’écouter «la pression de la rue», ne veulent pas d’un accord contraignant.Ils l’ont fait savoir aux Français qui accueillent la COP21 dans un climat tendu marqué par des contingences sécuritaires qui mettent à l’écart les manifestations de la société civile qui ont toujours accompagné pareils fora. Pourtant, le dossier du climat, et les enjeux qu’il charrie, est d’une portée géopolitique non négligeable à l’heure où les armées se préparent aux «guerres de l’eau» et aux risques induits par la faillite d’Etats promus aux catastrophes naturelles. Les réfugiés climatiques ne sont donc pas une vue de l’esprit... COMMENT DÈS LORS RESTER AUTISTE FACE À L’APPEL DE LA RAISON QUI INCITE LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE À REVOIR SES «MODÈLES DE DÉVELOPPEMENT» QUI SE RÉVÈLENT ÉNERGIVORES ET POLLUANTS. COMMENT REFUSER DE CHANGER LA DONNE EN RENVOYANT DOS-À-DOS CLIMATOSCEPTIQUES ET PARTISANS D’UN SURSAUT CLIMATIQUE? AU COURS DES 15 DERNIÈRES ANNÉES, LE RÉCHAUFFEMENT DU CLIMAT A ÉTÉ PALPABLE ET 2014 A MÊME RÉUSSI À ATTEINDRE UN PIC ALARMANT. L’ACIDIFICATION CONTINUE DES OCÉANS, SOUS L’EFFET DU CAPTAGE DES REJETS EN CO2 QUI N’EN FINISSENT PAS DE SE MASSIFIER, RÉDUIT COMME UNE PEAU DE CHAGRIN LA GRANDE BARRIÈRE DE CORAIL... ET ON N’ÉVOQUE MÊME PAR LE PERMAFROST DONT LA FONTE EST VISIBLE À L’OEIL NUE AU RISQUE DE PERDRE CET IMMENSE RÉSERVOIR DE GAZ À EFFETS DE SERRE. L’AFFAIRE EST GRAVE POUR SUBIR LA DURE LOI DE L’EMPIRE. ET DANS CE MAELSTRÖM D’ENJEUX, DE QUOI SERA FAITE LA RÉPONSE DES PAYS LES PLUS VULNÉRABLES ET QUI SE TROUVENT ÊTRE LES PAYS LES PLUS DÉMUNIS PAR UN SYSTÈME D’ÉCHANGE INÉGAL? A la COP 21, le Maroc compte présenter une stratégie de développement durable qui appelle à être...financée. Et il n’est pas le seul dans l’arène. Le crédit carbone deviendra-t-il assez crédible pour rassurer les pays les moins avancés? Au volontarisme des uns s’oppose le diktat des puissances. Les termes de l’équation climatique sont si déséquilibrés. A Marrakech, prochaine étape de la COP qui succédera à celle de Paris, réussira-t-on à rééquilibrer un tant soi peu les termes du gâchis économique, climatique et politique? PERSPECTIVES MED
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COP21 AMBITIONS DURABLES DU MAROC
VISER L’ÉCONOMIE VERTE Par : Abou Marwa
Après une première phase 2009-2014, le Maroc amorce, cette année, une deuxième étape dans le processus de sa transition énergétique. Objectifs prioritaires ; la construction de nouvelles capacités de production et l’achèvement des programmes, notamment, en énergies renouvelables. Le coût est de 200 Mrds Dhs à l’horizon 2020.
L
a dimension environnementale, appréhendée en termes de durabilité des systèmes de production, de consommation, et d’usage efficient des ressources, représente de plus en plus une composante principale de la compétitivité d’un pays. Partant, le modèle de croissance marocain est appelé à migrer progressivement vers un modèle plus propre, en optant pour le développement des énergies renouvelables comme locomotive de sa transition vers une économie verte. Depuis l’avènement de la nouvelle stratégie énergétique en 2009, un programme ambitieux du développement des énergies renouvelables a été lancé pour atteindre 42% de la production électrique nationale et pour un ancrage plus prononcé des énergies propres dans le bouquet énergétique (de 4,8% en 2014, à 12,7% en 2020 et à 14,2% en 2025). Les perspectives de développement portent sur l’atteinte de 6.000 mégawatts, à l’horizon 2020, et qui se diviseront à parts égales entre solaire, éolien, et hydraulique. Cela permettrait, aussi, de contribuer à l’effort de réduction du GES en évitant l’émission de 3,7 millions de tonnes de CO2 par an tout en favorisant la création d’emplois additionnels (23.000 emplois à l’horizon 2020). La mise en œuvre de la stratégie nationale
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PERSPECTIVES MED
d’énergie constitue un atout, notamment, en matière d’emploi et d’intégration locale. En effet, le tissu industriel marocain dispose d’un potentiel important pour relever le défi d’intégration industrielle, notamment, pour le solaire et l’éolien. Pour développer une industrie viable et compétitive à même de saisir pleinement ces opportunités, le royaume sera amené à accompagner ces nouvelles filières par la mise en place des formations spécialisées et pointues et par l’encouragement de la R&D. Certes, la mise en place d’infrastructures spécifiques et dédiées, tels que les UATRS, l’IRESEN, les cités de l’innovation, les clusters avance… Néanmoins, il est judicieux d’élaborer une stratégie de consolidation ou de mutualisation des compétences et des infrastructures existantes. Avec, en perspective, la création des plateformes de recherche spécifiques aux thématiques prioritaires.
BILAN ENCOURAGEANT En termes de réalisations, avec l’entrée en service de la première tranche Noor1 du Complexe Solaire d’Ouarzazate (160 MW) réalisée dans le cadre du Plan Solaire Marocain (2000 MW pour un coût estimé à 9 Mrds Dhs), le raccordement au réseau électrique
national de très haute tension, a été opéré en mars 2015. Concernant les deux centrales Noor II (d’une capacité de 200 MW) et Nour III (d’une puissance de 150 MW) adjugées au consortium composé d’Acwa Power et de Sener pour un montant global de près de 2 milliards de dollars, sont en cours de développement. La dernière étape du complexe sera le lancement des appels d’offres relatifs à la construction de la quatrième phase Noor IV d’une puissance de 70 MW. D’autres projets sont également envisagés, en particulier, le lancement de la pré-qualification pour la réalisation des centrales solaires de Lâayoune (80MW) et Boujdour (20MW). Dans le même sillage, une feuille de route pour le développement du photovoltaïque a été lancée fin 2014 et qui envisage, notamment, l’amélioration du cadre juridique et réglementaire pour une utilisation à plus grande échelle du photovoltaïque englobant même le résidentiel et les services. Concernant le programme de pompage solaire, il y a lieu de signaler qu’une convention de partenariat est dans l’air devant regrouper le ministère de l’Energie, des Mines, de l’Eau et de l’Environnement, le ministère de l’Agriculture et de la Pêche Maritime, l’Agence nationale pour le développement des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique (ADEREE) et le Crédit agricole du Maroc. Concernant le Programme éolien de 2000 MW, sa réalisation permettra la production annuelle de 6.600 GWh pour un coût estimé à 3,5 Mrds Dhs. L’année 2015 a connu l’injection de la capacité totale du parc éolien de Tarfaya de 300 MW, considéré comme le plus important projet éolien sur le continent africain, et portant la puissance installée opérationnelle à 780 MW, dont 200 MW réalisées et exploitées par le privé dans le cadre de la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables. Une puissance cumulée de 370 MW est en cours de construction ou de développement. Quant au programme éolien de 850 MW lancé par l’ONEE en 2014, l’évaluation des offres techniques est en cours. De même, les projets éoliens développés dans le cadre de la loi 13-09 ont vu leur production électrique augmenter de 51,7%, passant de 394 GWh en 2013 à 597,5 GWh en 2014. Quant au Programme hydroélectrique, la capacité déjà installée à ce jour est de 1.771 MW. La mise en œuvre du complément du programme prévoit la réalisation, à l’horizon 2020, du complexe hydroélectrique d’El Menzel d’une puissance de 125 MW et de la Station de Transfert d’Energie par Pompage (STEP) d’Abdelmoumen d’une puissance de 350 MW. Par ailleurs, des microcentrales
PLAN GAZIER
FEUILLE DE ROUTE ENTÉRINÉE Afin de diversifier les sources d’approvisionnement en hydrocarbures et de migrer vers un modèle énergétique propre, notamment, à travers l’élargissement de l’utilisation du gaz naturel, une feuille de route a été mise en place. Objectif, répondre aux besoins croissants en la matière estimés, à l’horizon 2025, à près de 5 milliards de m3 par an dont 70% destinés à la production d’électricité. A cet horizon, la part du gaz naturel dans le mix énergétique global serait portée, ainsi, à 13,38%. Ce programme de développement du gaz liquéfié mobilisera une enveloppe estimée à 46 Mrds Dhs. Les principales utilisations de ce montant concernent la construction des stations électriques pour le gaz naturel ainsi que la construction, au niveau du port de Jarf Lasfar, d’une station de transformation du gaz naturel liquéfié et de sa digue d’accueil. Toutes ces infrastructures seront mises en service en 2021. En ce qui concerne le volet efficacité énergétique, le Département de l’Energie et des Mines procède actuellement, en collaboration avec l’Agence Nationale pour le Développement des Energies Renouvelables et l’Efficacité Energétique, à la finalisation d’une feuille de route nationale de l’Efficacité Energétique à l’horizon 2030. Cette nouvelle stratégie sera déclinée en plans d’actions sectoriels et en objectifs chiffrés pour le renforcement de l’Efficacité Energétique au niveau des secteurs du bâtiment, de l’éclairage public, de l’industrie, du transport et de l’agriculture et pêche. PERSPECTIVES MED
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COP21 hydroélectriques totalisant une puissance d’environ 100 MW sont en cours de développement par le privé dans le cadre de la loi 13-09 relative aux énergies renouvelables et environ 300 MW sont en cours d’examen.
FINANCEMENT DEMOCRATISE La problématique du financement de ces projets pharaoniques semble faire partie du passé. Ainsi, pour le projet NOOR, les trois quarts du montage financier de la première tranche de 160 MW, dont le coût global atteint le milliard d’euros, est venue des banques de développement. L’Agence française de développement (AFD), la Banque européenne d’investissement (BEI), la banque allemande de développement KFW, la Banque mondiale et la Banque africaine de développement (BAD) sont parties prenantes. Le Fonds de technologie propre a été mis à contribution, à travers la Banque mondiale et la BAD. Quant au quart du montage restant, il est venu de l’Agence solaire marocaine (Masen) et d’un partenaire privé choisi après appel d’offres, dans le cadre d’un partenariat public-privé (PPP). Le financement de la seconde et troisième phases de la centrale de Ouarzazate, en service dès 2017 pour une capacité de 350 MW, devra être réalisé à hauteur de 2 milliards de dollars, à 20 % sur fonds propres par Acwa Power (Arabie Saoudite) et à 80 % sur une dette contractée par Masen, par le biais de fonds garantis par les banques de développement déjà citées, ainsi que par le Fonds pour les technologies propres, qui fait partie des Fonds d’investissements climatiques (FIC). Il y a lieu de signaler l’implication du secteur bancaire marocain dans les grands projets éoliens et solaires mais aussi dans des projets purement privés. La loi 13.09 de 2010 sur les énergies renouvelables permet aux privés, particuliers ou entreprises, d’investir pour produire leur propre énergie à partir d’énergies renouvelables. Ce qui a permis la mobilisation des financements verts dans un cadre public-privé pour des projets « propres » qui n’émettent pas de CO2 mais aussi le développement de projets purement privés. Aujourd’hui, près de 500 MW éoliens servent de gros consommateurs dans les secteurs du ciment, de la sidérurgie ou de la mine. Par ailleurs, de grands projets éoliens nationaux sont accompagnés par l’Office national de l’électricité et de l’eau (ONEE). Celle-ci lance des appels d’offres avec une part de préfinancement privé, qui voit des promoteurs venir soumissionner. Les projets réalisés en partenariat public-privé (PPP) voient les banques marocaines et étrangères également sollicitées, pour apporter des financements à côté des grandes banques de développement. Un fonds spécial, le Morseff, doté de 80 millions d’euros, a été mis en place en juin 2015 par la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), l’AFD, la KfW et la BEI. Il vise à accompagner le secteur privé marocain dans les projets d’énergies renouvelables et d’efficacité énergétique. Il s’appuie sur les banques locales marocaines (BMCE Bank) qui proposent à leurs clients cette ligne de crédit spécifique. D’autres banques ont aussi mis en place des lignes propres, dédiées à l’efficacité énergétique ou au pompage solaire. 68
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LES CIMENTIERS «ÉCO- RESPONSABLES »
S
ur les douze dernières années, les cimentiers regroupés dans leur association APC se sont engagés dans une course à l’économie d’énergie et au développement responsable. Dans ce sens, les entreprises du secteur, «environnementalement» cautionnées par le ministère de tutelle, ont notablement réduit leur consommation électrique et thermique. Les investissements environnementaux engagés depuis 2003 représentent deux milliards et demi de dirhams. Ils constituent pour les nouvelles unités 15% du total des investissements de capacités. En outre, les derniers investissements réalisés ont privilégié des équipements performants en termes d’économies de consommation d’énergie ainsi que des techniques de production propre. Dans ce cadre, le choix de la production d’électricité éolienne constitue, selon les opérateurs, une solution qui concilie efficacité économique et performance environnementale. En 2015, la capacité sollicitée par les cimentiers est de 137 MW, soit 43% des besoins permettant d’éviter l’émission de près de 400 000 t. de gaz à effet de serre. Et ils ne comptent pas en rester là ! Lafarge Maroc a porté sa capacité de 10 à 32 MW et signé une convention avec Nareva pour la construction d’un parc de 100 MW. Ciments du Maroc, de son côté, a achevé la construction d’un parc de 5 MW, extensible à 10, voire 50 MW. Outre celui de 10 MW, à Safi. Côté électricité solaire, le procédé CSP a été installé par Ciments du Maroc à la cimenterie d’Aït Baha. Il contribue à la cogénération de l’énergie électrique à hauteur de 9.000.000 kWh/an. Toujours dans le plan environnemental, la valorisation des déchets (combustibles de substitution) contribue à la réduction des émissions de gaz à effet de serre et à la préservation des ressources naturelles tout en assurant aux collectivités locales le service qu’elles attendent d’un incinérateur traditionnel ou de tout autre procédé d’élimination des déchets réduisant les mises en décharge, les enfouissements et les déversements. Sur ce point, l’augmentation de la capacité de production de ciment se traduit aussi par une augmentation de la capacité d’incinération. Cette puissance de feu peut éliminer 50 % de l’ensemble des déchets ménagers et industriels du pays. Le taux d’utilisation des combustibles de substitution, actuellement de 12%, est appelé à se renforcer (objectif 40%).
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COP21 PRÉSERVATION DE LA BIODIVERSITÉ
L’EAU AU CENTRE DE TOUS LES DÉFIS Par : M.T.
Absorbant 80% de ses ressources hydriques, l’agriculture marocaine, un des piliers du développement, est soumise à de multiples défis. Préservation des ressources hydrique, avec moins de pression, lutte contre les pollutions, l’érosion et le déséquilibre de la biodiversité, en font partie.
A
vec des zones arides et semi-arides représentant plus des deux tiers du territoire, la vocation agricole du pays est sujette à caution avec la rareté des ressources en eau et une sécheresse récurrente. D’où le souci d’une gestion rationnelle des ressources hydriques via une politique fortement dynamique. La réalisation de grandes retenues de stockage d’eau a, depuis des décades, englouti et de façon continue des investissements publics considérables. Un choix irréprochablement raisonnable, mais qui n’a pas été accompagné d’autres démarches devant le conforter. Le sol et la végétation, qui sous forme herbacée ou arborée jouent un rôle fondamental dans le cycle de l’eau, n’ont pas bénéficié de la même importance accordée à l’eau. Les recherches un peu récentes par rapport aux années durant lesquelles le Maroc avait initié sa stratégie de l’eau montrent que « la quantité d’eau durablement disponible sur un territoire donné est entièrement dépendante de la nature du sol et de sa couverture végétale ». La protection de la ressource en eau et l’optimisation de son usage notamment en agriculture sont, ainsi, étroitement liées à la manière dont le sol et sa
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couverture végétale absorbent et conservent l’eau qui leur est apportée par les précipitations. Une gestion intégrée de l’eau passe sans nul doute par la préservation des sols mais aussi du couvert végétal qui restent les parents pauvres des stratégies nationales de développement durable.
LES MAROCAINS ET L’EAU
« Vaincre sa vulnérabilité face aux aléas climatiques » a, depuis l’aube de l’indépendance, constitué un objectif de la politique publique au Maroc. Le secteur de l’eau a depuis le temps été l’un des rares à bénéficier d’une politique forte et constamment dynamique. Peut-être que la clairvoyance du défunt Hassan II y est pour quelque chose. Ce visionnaire auquel on attribue une expression fortement parlante - «à choisir entre un bulletin météo et un rapport de police, je privilégie le premier, car il peut être annonciateur de tensions »-, connaissait bien le rôle joué par la rareté de l’eau ; et donc des famines, dans l’histoire du pays. Quoique l’histoire relate que les populations ont vécu en parfaite symbiose ici-bas avec le milieu hydrique,
sachant tirer profit des années humides et s’accommodant des années de sécheresse en atténuant les impacts, grâce à un sens averti de l’économie dans l’utilisation de l’eau, la rareté de ce bien a été derrière bien des tensions. Cette liaison étroite entre les Marocains et l’eau a inspiré Hubert Lyautey à transformer l’adage « gouverner, c’est prévoir» en « gouverner, c’est pleuvoir ». Autant dire que la question de l’eau n’a cessé de prendre une place centrale dans le débat public.
SECTEUR « HYDRIVORE » La question de l’eau au Maroc est une question qui a toujours divisé l’opinion autour d’elle. D’un côté, on trouve l’opinion dominante selon laquelle « la quantité moyenne d’eau disponible au Maroc est inférieure aux normes minimales internationalement reconnues, et est sujette à des fluctuations extrêmes dans l’espace et dans le temps ». Un avis partagé par la majorité des chercheurs dans ce domaine. D’un autre côté, on trouve des avis assez divergents. Le climatologue Mohamed Karouk est un des porteurs de ce genre d’idées. Pour cet expert international en la matière « ceux qui disent que le Maroc à des problèmes en ce qui concerne l’eau sont à côté de la plaque ». « Ce n’est pas vrai que nous n’avons pas de ressources suffisantes en eau. Il faut dire la vérité aux Marocains », dit-il. Suscitant l’étonnement, ce membre du GIEC explique que c’est « parce que la nature dit le contraire ». « il faut comprendre que le stress hydrique dont parlent les experts internationaux est lié à deux éléments : la ressource et la demande », soutient-il. Ainsi, la question à poser, selon le géographe, consisterait à savoir si « ce stress est en relation avec la ressource ou avec la demande et l’usage ». Il faut, donc, selon cet expert primé à l’échelle internationale, « essayer de gérer la demande avant de parler des manquements de l’offre ». D’après lui, l’exemple flagrant de cette mauvaise gestion de la demande est l’affectation de plus de 80% des ressources globales disponibles dans notre pays à l’agriculture. De ce point de vue, une révision de la stratégie globale s’impose. Car même avec les procédés d’irrigation rationnelle nous continuerons à affecter l’essentiel à notre agriculture. « Nous sommes un pays exportateur des produits alimentaires et nous participons à la sécurité alimentaire d’autres pays, notamment les Européens et du Golfe. Mais à quel prix ? » Dès lors, doit-on continuer à exploiter cette richesse de la manière actuelle ? Devrait-on mettre une grosse partie du budget national et du patrimoine
naturel au service de l’agriculture ? Lorsqu’on mobilise ainsi notre sol, notre main d’œuvre, notre eau … Quid de la contrepartie ? La contrepartie correspond-elle au coût réel du produit? « C’est pour ça, spécifie le climatologue, qu’il faut ouvrir un sérieux débat ». Un avis partagé par le Conseil économique et social qui dans son rapport « La gouvernance par la gestion intégrée des ressources en eau » a appelé à une meilleure gestion de la demande, notamment, à travers le programme national d’économie d’eau dans l’irrigation (PNEEI) qui devrait permettre d’atteindre, à l’horizon 2020, une économie et une valorisation de l’eau de 50%. Quoi qu’il en soit, et au-delà des joutes occasionnées, les études environnementales soulignent que quel que soit le contexte climatique et géomorphologique, un territoire qui présente une bonne hétérogénéité de l’espace, une bonne rugosité des surfaces et une bonne porosité des substrats –comme c’est le cas du territoire national-, sera capable de mobiliser dans la durée une plus grande ressource en eau de qualité, et cela grâce au couple sol-plante. Reste à savoir est-ce qu’on aura assez d’audace pour redéfinir les priorités et passer à une gestion plus équitable des ressources en eau entre les différents secteurs. Le tout en optant aussi pour la préservation et la réhabilitation des sols et de la végétation.
RECONSTITUTION DU COUVERT VÉGÉTAL
LE GRAND RATTRAPAGE Selon M. Karouk, « les impacts du réchauffement climatiques ont été ressentis au Maroc au niveau du cycle hydrique (ou cycle de l’eau) ». Ce phénomène qui a concerné l’ensemble de la planète n’a pas épargné notre pays. « Nous avons constaté que les eaux sont devenues de plus en plus rares depuis les années 1970 parce qu’il y avait une phase de sécheresse », ajoute-t-il. Si l’on veut rétablir l’équilibre de ce cycle, il faut agir positivement sur le couple sol-plante. Ce couple à l’origine de la vie et au cœur des différents processus et cycles qui la régissent, dont les mécanismes font preuve d’une grande résilience, et d’un « génie » particulièrement efficient pour mobiliser et valoriser les ressources vitales. Ayant pris consciente de l’importance de la préservation des sols et du couvert végétal, le Maroc essaye tant bien que mal de se rattraper à ce niveau. Entre 1970 (année de lancement du premier Plan national de reboisement (PNR)) et 2000, le bilan reste peu rassurant. Seuls 540.000 ha ont été reboisés. Et depuis les opérations de reboisement se sont multipliées sans pour autant arriver aux objectifs fixés. Le manque de moyens financiers a toujours constitué un frein à la réalisation des programmes tracés. Selon les statistiques officielles, en 2006, « la superficie forestière est évaluée à 9,7 millions ha ». « Si l’on considère uniquement la superficie des formations forestières (non compris l’alfa) qui est de près de 6.4 M ha, le taux moyen de boisement du pays est de l’ordre de 9%, ce qui est en deçà du taux optimal (15 à 20%) nécessaire à l’équilibre écologique environnemental », précise un rapport sur le « Plan national d’aménagement des bassins versants (PNABV) » réalisé par le ministère de tutelle. PERSPECTIVES MED
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COP21 FONDS VERT POUR LE CLIMAT
DÉLIER LES CORDONS DE LA BOURSE…
L
a capacité de l’économie mondiale à contenir le réchauffement climatique en dessous de 2°C dépendra en grande partie des investissements en infrastructures énergétiques comme déterminants pour contenir les émissions de gaz à effet de serre sur le long terme. Et les pays émergents et en voie de développement jouent un rôle majeur dans la dynamique des politiques à adopter en matière d’atténuation des GES. Selon l’Agence internationale de l’énergie (AIE), limiter le réchauffement climatique nécessiterait un investissement en cumulé d’environ 53 000 Mrds de dollars entre 2015 et 2035. Instrument clé de la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques, esquissé en 2009 à Copenhague et créé en 2010, le Fonds vert pour le climat (Green Climate Fund - GFC) manque de fonds ! Il n’est doté, à ce jour, que d’un peu plus de 10 Mrds de dollars. Ce Fonds a pour mission de financer des programmes de réduction des émissions de gaz à effets de serre (GES) et d’adaptation au réchauffement dans les pays en développement. Son
LA COMMUNAUTÉ INTERNATIONALE RÉUSSIRA-T-ELLE À MOBILISER 100 MILLIARDS DE DOLLARS PAR AN ?
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action va de la collecte des contributions financières formellement promises par les pays développés à la COP de Lima, jusqu’à la mobilisation des ressources pour permettre aux pays les moins avancés économiquement - mais les plus exposés aux effets du changement climatique - de lancer les chantiers les plus urgents. A fin octobre, 35 pays environ avaient contribué, ou promis de contribuer, au Fonds vert. Il est donc capital que tous les États réunis à Paris s’engagent à créer à la fois des conditions favorables aux investissements préservant le climat et un contexte général propice à une transition vers des investissements plus respectueux du climat à l’échelle mondiale. En outre, l’accord de Paris sur le climat devra régler le financement pour l’après 2020 en sus du montant garanti de 100 Mrds de dollars par an promis à Copenhague. En 2014, les fonds mobilisés par l’ensemble des pays donateurs s’élevaient déjà à 61,8 milliards de dollars (70 % de fonds publics, 3 % de garanties de crédits à l’exportation, 27 % de fonds privés). Cela montre que la communauté internationale est en bonne voie pour atteindre l’objectif de 100 milliards de dollars par an d’ici à 2020. Mais à Paris, cela dépassera le cadre des bonnes intentions car les besoins des pays en voie de développement sont estimés à 350 à 450 milliards de dollars par an, ce qui en dit long sur les engagements à prendre.
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COP21 GESTION DES DÉCHETS DANGEREUX
DÉCONTAMINATION DES PCB À BOUSKOURA Par : M.T.
Le Maroc vient de se doter d’une unité inédite de réhabilitation des appareils électriques. Un louable petit pas vers la concrétisation du Plan directeur national de gestion des déchets dangereux qui doit être accompagné d’un suivi rigoureux. Comme quoi, il n’est jamais tard pour bien faire.
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lus de 11 ans après la ratification de la Convention de Stockholm (2004) qui vise à restreindre puis éliminer totalement la production, l’écoulement, l’utilisation et le stockage des polluants organiques persistants (POPs) les plus dangereux, le Maroc fait enfin dans le concret. Bien que le traité porte dans un premier temps sur une liste de 12 POPs, le Maroc prétendument investi dans la lutte contre les POPs vient de commencer par Polychlorobiphényle (PCB). Inaugurée récemment à Bouskoura, la première plate forme de traitement et de réhabilitation des appareils électriques réhabilite déjà des transformateurs et condensateurs en service contaminés par les PCB entre 50 et 50000 PPM. Parmi les premiers bénéficiaires, on trouve des entreprises publiques à l’image de l’OCP, l’ONCF, l’ONEE et l’ANP mais aussi des opérateurs privés comme Lydec, Amendis Tanger, la Société Métallurgique d’Imiter (SMI) filiale de Managem, Amendis Tétouan, Salam Gaz et bien d’autres. Cette plateforme pourra également décontaminer et valoriser des appareils hors service contaminés. Mise en place grâce à l’appui financier du Fonds mondial pour l’environnement en collaboration avec l’Organisation des Nations unies pour le développement in-
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dustriel (ONUDI) et du Programme des Nations unies pour le développement (PNUD) en qualité d’agences d’exécution, cette plateforme sera exploitée par un consortium franco-marocain privé. Composé de Tredi, filiale de l’entreprise française Séché Environnement et de Maroc Maintenance Environnement, ce consortium constitue aux yeux de Hakima El Haite, ministre déléguée chargée de l’Environnement, « un petit pas industriel, mais un grand pas environnemental ». Faisant allusion aux risques d’utilisation des PCB classés comme des substances cancérigènes, la ministre a estimé que « c’est un petit projet qui nous évite bien des malheurs que nous ignorons » en rappelant que « les impacts sanitaires des PCB ont été complètement ignorés ».
DE CENTRE NATIONAL À CONSORTIUM Installée à proximité des grands axes routiers et du port de Casablanca, cette infrastructure a été mise en place dans le cadre du Programme national «Gestion et élimination sécurisée des équipements contenant ou contaminés aux PCB». Ce programme, qui succède au vieux « Plan National du Maroc pour la Mise en œuvre de la Convention de Stockholm sur les POPs »,
a été lancé en 2010 par le ministère de l’Environnement avec l’appui financier du Fonds pour l’environnement mondial et en collaboration avec l’ONUDI. La lutte contre les POPs, et en particulier les PCB, devait se faire via un centre national, programmé depuis des années. Mais ce projet a été bloqué par H. El Haite. Comme à l’accoutumée ici-bas, la première décision prise par un ministre dès son arrivée à la tête d’un département est de gommer tout ce qui a été fait par ses prédécesseurs. H. El Haite n’échappe pas à cette règle puisqu’elle a décidé d’enterrer une fois pour tout ledit projet en refusant de signer les documents ciblant la mise en place d’un Centre national d’élimination des déchets spéciaux (CNEDS) établi dans le cadre du Plan national de déchets dangereux mais aussi le projet de Centre national de traitement de déchets dangereux (CNEDS). « J’ai refusé de signer parce que ce centre allait être dirigé par l’Etat et celui-ci devait subventionner le traitement des rejets industriels », s’est-elle justifié en soutenant qu’il « n’est pas du ressort ni des capacités de l’Etat de diriger un centre national de gestion des déchets ». « Ce jour-là, on avait décidé de segmenter les déchets dangereux marocains et faire en sorte que chaque type de déchets dangereux respecte la chaîne de valeur et soit traité par des opérateurs et par des spécialistes et en partenariat avec les opérateurs privés qui ont pris le risque de s’investir avec nous », a-t-elle précisé. « L’Etat a d’autres fonctions de régulation, de contrôles, mais pas des fonctions d’exécution et de création d’industrie », confiet-elle. Et de soutenir que la mise entre les mains du privé d’un tel projet est une garantie de l’efficacité puisque, selon elle, les « sociétés spécialistes ont la qualification et l’expertise nécessaires».
GRATUITÉ PASSAGÈRE A partir du lancement de cette plate-forme et jusqu’en 2016, les décontaminations seront subventionnées grâce au partenariat avec l’ONUDI et le PNUD. « C’est un appel important aux entreprises nationales à apporter leur matériel contaminé pour bénéficier de ce programme », a indiqué H. El Haite ajoutant qu’il sera « dès qu’on aura fini avec les entreprises marocaines vers la fin de 2016, ouvert à d’autres pays notamment les pays africains et arabes puisqu’à cette date». La ministre va plus loin en estimant que « cette plateforme permettra de rendre service à tous les détenteurs de produits contaminés par le PCB et ouvrira un nouveau marché environnemental au niveau de notre pays et en Afrique et aussi dans le Moyen Orient ». Le plaidoyer de la ministre va plus loin : « Nous comptons développer les métiers de demain, les métiers de croissance verte, les métiers de développement qui vont créer des opportunités d’emplois ». Cependant, les décontaminations qui seront faites au niveau de ladite la plateforme, qui a coûté 1.500.000 de dollars, devront concerner seulement 1000 tonnes prises en charge par l’ONUDI. Ce qui reste un niveau très faible par rapport aux matériaux contaminés existants au Maroc mais aussi par rapport au niveau global des déchets dangereux produits. Les estimations actuelles les évaluent à sur de 300000 tonnes par an, soit
20% de la quantité des déchets industriels produite au Maroc. Soulignons que la gestion de ce type de déchets qui constituent selon leur nature, leur degré de nocivité et de dangerosité, une réelle menace pour l’environnement et la santé des populations, était dépourvue par le passé d’un cadre réglementaire. La loi la loi n°28-00 relative à la gestion des déchets stipule qu’un plan directeur national doit être « établi pour une période de dix ans et (…) qu’il est approuvé par décret. Toutefois et en l’absence de ce plan, l’administration fixe par voie réglementaire sur tout ou partie du territoire national les lieux, les conditions, les prescriptions et les directives techniques nécessaires pour la gestion écologiquement rationnelle des déchets dangereux ». Voilà que le décret (n° 2-14-85) relatif à la gestion des déchets dangereux a été promulgué (20 janvier 2015), sauf qu’il n’englobe aucune mesure coercitive pouvant obliger les générateurs de déchets dangereux à se conformer aux normes ou tout détenteur d’appareils contaminés au PCB à leur faire subir la décontamination.
DÉCONTAMINATION DES PCB
L’ÉCONOMIE DE L’INTERDIT…
Le Maroc était l’un des premiers pays à avoir signé la Convention de Stockholm qui a pour objectif principal de protéger la santé humaine et l’environnement contre les effets néfastes des Polluants Organiques Persistants (POPs). Elle définit les substances concernées, tout en laissant la possibilité d’en ajouter de nouvelles, ainsi que les règles relatives à la production, l’utilisation, l’importation et l’exportation de ces substances. Initialement la Convention concernait 12 POP prioritaires qui sont produits intentionnellement ou non (Aldrine ; Chlordane ; Dieldrine, DDT; Endrine; Heptachlore; Mirex; Toxaphène; Dioxine; Furanne; Hexachlorobenzène (HCB) et Polychlorobiphényle (PCB)). Le Maroc, bien que signataire, a toujours eu de la peine à lutter contre l’utilisation de ces substances sur son territoire. Vue sous cet angle, cette initiative de lutte contre les PCB reste louable. Notons que ces derniers sont classés en tant que substances cancérigènes pour l’homme et ils sont reconnus en tant que perturbateurs endocriniens, ils peuvent générer des malformations fœtales, un affaiblissement des systèmes immunitaires, des troubles du cycle de reproduction, de la croissance et du système nerveux. Ces effets affectent toutes les espèces animales, y compris l’espèce humaine et sont en synergie avec ceux d’autres polluants persistants. Ils sont utilisés principalement comme fluides diélectriques (huile) principalement dans les transformateurs et les condensateurs, mais également dans certains radiateurs ou autres équipements électriques. Ils sont, également, largement utilisés comme lubrifiants dans les turbines et les pompes, dans la formation des huiles de coupe pour le traitement du métal, les soudures, les adhésifs, les peintures et les papiers autocopiants sans carbone. Une telle dangerosité soulève la question de l’interdiction totale de l’utilisation des PCB au Maroc comme c’est le cas en France qui a franchi le pas depuis 1987.
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COP21 L’IRESEN FAIT LE PLEIN DE PROJETS DURABLES
LA COURSE À LA R&D Par : L.M.
S’il est un acteur appelé à traduire en projets de recherche et de développement la stratégie nationale des énergies renouvelables, c’est bien de l’’Institut de recherche en énergie solaire et en énergies nouvelles (IRESEN) qu’il s’agit. Au carrefour du pilotage de projets de recherche, cet institut veille à la réalisation et au financement de tout projet jugé porteur. En impliquant une kyrielle d’Universités et d’acteurs privés.
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ombreuses sont les réalisations à l’actif d’un établissement qui remplit le rôle de véritable hub vers lequel convergent les efforts locaux e matière de recherche et développement. Tout en prenant soin d’assurer le linkage nécessaire pour l’adoption du know-how développé ailleurs dans le cadre de tout transfert de savoir-faire. Parmi les réalisations que l’IRESEN pourrait fièrement arborer est le projet « Coldsun » en faveur d’un habitat peu énergivore. Il s’agit d’une solution de climatisation innovante de 200 KW utilisant un champ solaire de type Fresnel localement développé. Pour ce projet dans lequel plusieurs partenaires interviennent, avec un budget de 6,8 MDH (dont 4,9 MDH financés par l’Iresen), les objectifs visés intègrent la logique du développement durable. Car ledit projet qui présente un grand potentiel d’intégration locale offre de l’énergie renouvelable la moins chère et un potentiel d’économie d’un millions de TEP et 3,7 millions de t de CO2. Un autre projet mixant solaire et biomasse pour eau chaude et chauffage des hammams (5,3 MDH dont près de 50% financés par l’Iresen) engendre un potentiel d’économie de 5 Mt de bois énergie par an (et 20 Mt de CO2). Toujours dans l’habitat, un projet de micro-grid intelligent a été retenu pour Tafraouet avec un coût de plus de 6 MDH dont plus de la moitié assurée par l’Iresen. Il s’agit d’une architecture énergétique locale innovante et réplicable intégrant photovoltaïque et thermique dans el but de réduire la facture énergétique de 70% et les émissions de CO2. Dans l’énergie et l’eau, le projet Aquasolar, couplant solaire et dessalement de l’eau (avec un coût de 5 MDH en majorité financé par l’Iresen), vise garantir à certaines régions du pays isolées les besoins exprimés en eau et en électricité via des techniques optimisant le rendement et les coût tout en préservant l’environnement. Dans la production d’énergie, un système décentralisé hybride (solaire et biomasse) de cogénération sera décliné en trois prototypes, le tout financé par la commission européenne (5,7 M d’euros outre l’implication de l’Iresen 500.000 euros). Dans l’agriculture, deux projets ont été ciblés. D’abord, la conception d’un 76
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séchoir solaire hybride autonome et intelligent qui est promu via un investissement global de 2,6 MDH (dont 1,9 revenant à l’Iresen. Ensuite, c’est un projet destiné à la climatisation des fermes avicoles, via le solaire, qui a été retenu, avec un investissement global de 3 MDH (dont 2,4 MDH pour l’Iresen). Nul besoin de rappeler, à ce sujet, les dégâts que les garndes chaleurs occasionnent à l’aviculture. Dans le volet industriel, trois projets ont bénéficié de l’implication de l’Iresen. D’abord, il y a le développement d’un procédé de séchage flash solaire des phosphates, avec un budget de 6,4 MDH (dont 3,7 MDH mobilisés par l’Iresen). L’objectif est de munir le séchoir-flash dont voudrait se doter l’OCP en une unité pilote pour alimentation en énergie solaire. Ce projet sera mis à profit par l’OCP pour la mise en place d’une installation pour le séchage des phosphates. Cette unité de traitement de 8000t/j permettra des économies en fioul de 100 MDH par an. Ensuite, il s’agit du développement de procédés de rafraichissement solaire via une installation de production d’eau glacée à absorption alimentée par l’eau chaude solaire (3,5 MDH dont 2,3 MDH de l’Iresen). Si l’outil expérimental permettra aux ingénieurs de se familiariser avec la clim solaire, le prototype pourra être commercialisé. Enfin, l’Iresen est impliqué dans un projet pour le maintien en chauffe, grâce aux panneaux solaires à haute énergie, d’un stockage de bitume (avec un coût de 4,5 MDH dont 2,6 MDH revenant à l’Iresen). Le projet pilote (portant le chaffage d’un stock de 80 t de bitume à 150°) vise à développer une technologie nouvelle exportable en Afrique. Et last but not least, l’Iresen entend rester dans le vent en développant la recherche dans la mobilité verte avec des véhicules électriques à Benguérir. Avec pour objectifs de développer la recherche liée au stockage et à la durée de vie des batteries et de mettre en place des modèles d’impact socio-économique de la mobilité verte dans le pays. Et de fil en aiguille, l’Iresen ne pouvait pas passer à côté d’un projet aussi ambitieux de bornes de recharge électrique solaire. Pour ce projet de près de 2,3 MDH (dont plus de 50% revenant à l’Iresen), set recharge électrique solaire. Qui dit mieux!
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UN ORWELL ALGÉRIEN LE PRIX DE L’ENGAGEMENT A l’heure où les terroristes de Daech tiennent en haleine le monde entier, Boualem Sansal livre à ses lecteurs, comme à ses détracteurs, sa vision du monde islamique. Dominé par un obscurantisme qui asservit la religion à des fins politiques. L’oppression est là, avec son concert d’exactions inhumaines. L’islamisme est ainsi dénoncé. De là à taxer le roman d’islamophobie, le raccourci ne tient pas. Sauf pour les aveugles.
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CULTURE BOUALEM SANSAL
SOUFFLE ORWELIEN EN ABISTAN Par : L.M.
Il y a un après « 1984 », roman culte de G. Orwel. Et c’est ce que le romancier algérien Boualem Sansal a tenté de faire en signant « 2084 ». Dans l’Abistan qu’il décrit, les enturbannés sont au pouvoir. Avec tout ce que le totalitarisme islamiste charrie dans son sillage.
B.
Sansal a vécu la décennie noire qui a marqué de son feu l’âme des algérienne. Rien de plus normal à ce qu’il s’essaya, dès le début de sa carrière de romancier à décrire l’univers chaotique qu’imprègne l’islamisme politique lorsqu’il cristallise les passions, à commencer par celle du pouvoir, absolu ! Mais avec 2084, on n’est plus dans la trame du premier roman écrit sur commande « le Serment des barbares ». On est projeté dans un futur dépeint par un romancier aigri par le (mauvais) sort jeté sur l’ensemble de l’échiquier arabe. De ce qu’il est convenu d’appeler « Printemps arabe » ne restent que les cendres. Le romancier s’insurge, à sa façon, pour crier son désespoir et le faire partager. Les élites, celles qui ont la légitimité de questionner la société, de se projeter dans le futur et d’infléchir les choix de société? Elles ont été corrompues et il n’y a rien à attendre d’elles. De la jeunesse qui représente le seul gisement de richesse sur lequel les pays arabes peuvent encore compter ? La dérive a réussi à en désarticuler une bonne partie. Que reste alors de ce monde à feu et à sang si l’on excepte le langage de la canonnière et la malédiction des hydrocarbures ? En Abistan, la trajectoire dessinée par Sansal n’est vraiment pas belle à imaginer. Faut-il croire en sa fable politico-religieuse qui a fait de lui l’une
des stars de la rentrée littéraire française ? En tout cas, 2084, a déjà dépassé les 150 000 exemplaires ventes… Et chemin faisant, enflammé la critique. Que de crédit pour ce romancier qui a été «évincé» de son statut de fonctionnaire algérien par une administration qui voyait en lui le trublion à sacrifier… Pour l’exemple. En tout cas, sa fable a séduit la totalité des jurés de Femina, du Renaudot, du Goncourt, etc. Avant d’être écarté. Et l’agréable surprise allait survenir du Quai Conti qui lui a accordé, ex aequo avec Hédi Kaddour, le grand prix du roman de l’Académie française. Car l’écrivain algérien n’a pas que des amis, il faut le croire. S’il compte des aficionados, il est catégorié par quelques détracteurs de mauvais aloi d’être «islamophobe ». Pourtant, c’est l’instrumentalisation de l’Islam par les politiques qui pose problème à l’auteur. Lui qui sait que les chiffres macabres de la décennie noire dépassent l’avouable décompte des 100.000 morts. Souvenons-nous que dans les années 1990, le FIS, branche politique des islamistes, avait emporté les élections législatives en décembre 1991, en Algérie. Une progression à laquelle les généraux algériens ont fait barrage en annulant les résultats du scrutin. Ouvrant ainsi la boite de Pandore. Le Serment
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CULTURE des barbares et Le Village de l’Allemand, premiers romans de Sansal, lui permirent de mieux malaxer la texture de ce passé récent chargé de morts et de trahisons. Corruption morale, financière et religieuse, et instrumentalisation du Coran sont autant de leviers qui ont guidé sa quête romanesque. C’est d’ailleurs ce qui transparaîtra aussi de son roman au titre fort évocateur «Gouverner au nom d’Allah ». Obsessionnelle aversion pour l’islam politique ? Rien n’y fait. Le romancier reste entier dans ses engagements. Il va même jusqu’à appeler à sauver le Soldat Islam de l’islamisme. Dur à cuir ? En tout cas, il a cette capacité à encaisser les chocs. Et assume même ce que d’autres ont jugé comme une traîtrise. Lorsque le romancier a fit un voyage en Israël. Mais passons… Dans 2084, B. Sansal ne s’est privé de rien pour donner libre cours à ses hantises. « Je traite de la structure du pouvoir, de la langue, des slogans qui sont omniprésents, du système coercitif. Avec ce genre de projet, on est toujours tenté d’aller vers le discours, ce qui est le contraire de la littérature. Je voulais rester sur ma propre méthodologie : raconter un nouveau totalitarisme religieux. » Le romancier sait à quoi s’attendre lui qui n’a pas même pas été invité au dernier Salon du livre d’Alger. La marginalisation. Répondant à une question sur la situation des inltellectuels face aux pouvoirs, les deux termes de l’équation qu’il sert traduit, à elle seule, la situation bien fragile qu’il endure dans son pays, lui qui a fait le choix de rester parmi les siens. « Ou vous servez le régime et vous aurez tout, carrière, logement, ou vous serez réprimés. » C’est avec une grande émotion qu’il rappelle l’exil forcé de Kateb Yacine.
2084 SE DÉROULE À QODSABAD, CAPITALE DE L’ABISTAN. UN EMPIRE DIRIGÉ PAR ABI, ALIAS BIGAYE, DÉLÉGUÉ SUR TERRE DE YÖLAH, LE DIEU, QU’ON PRIE NEUF FOIS PAR JOUR, QU’ON SERT VIA UNE LANGUE SACRÉE APPELÉE L’ALBILANG ET UNE KYRIELLE D’ORGANISATIONS, D’INSTITUTIONS ET DE MÉDIAS. LE CONSEIL DE REDRESSEMENT ORGANISE LE RESPECT DU CULTE ET MAINTIENT LA PEUR, DONC L’ORDRE DES CHOSES: « LA MORT C’EST LA VIE », « LE MENSONGE C’EST LA VÉRITÉ », « LA LOGIQUE C’EST L’ABSURDE », PROFESSE-T-ON EN ABISTAN. POUR SEULE DISTRACTIONS, LE PÈLERINAGE ET LES CHÂTIMENTS PUBLICS. UNE SEULE DATE DANS L’HISTOIRE DU PAYS, 2084, LA GRANDE GUERRE SAINTE. ATI, LONGTEMPS TUBERCULEUX, UN HÉROS CANDIDE QUI NE VEUT PAS LE RESTER. CET ÊTRE VEUT SEULEMENT COMPRENDRE COMMENT LE SYSTÈME QUI L’OPPRIME FONCTIONNE ET PUIS PARTIR. JUSTE PARTIR. L’ABISTAN EST RÉPUTÉ NE PAS AVOIR DE FRONTIÈRES CAR IL EST, FORCÉMENT, LA TOTALITÉ DU MONDE. MAIS ATI N’Y CROIT PAS ET VEUT TROUVER « LA FRONTIÈRE » ET POURQUOI PAS LA FRANCHIR.
« MOUTONS IDIOTS » ET CONTREFAÇON B. Sansal n’a pas la langue dans la poche. Il ne décille pas lorsqu’il évoque sa prophétie. « On ne sait pas trop ce qui est réellement, durablement et supérieurement dangereux: est-ce l’islamisme qui sombre dans la folie et qui finira par s’autodétruire et détruire le monde ? Est-ce l’islam qui s’appauvrit et éclate comme une banquise fragilisée dont les masses erratiques vont se fracasser l’une contre l’autre ? Est-ce le mode d’organisation abominablement stérile des sociétés arabo-musulmanes, tout à la fois patriarcales, féodales, tribales, claniques, hypercentralisées, constamment en porte à faux avec le temps, la modernité et l’Autre ? Le fait est que l’islamisme (sous toutes ses formes : modérée, salafiste, wahhabite, djihadiste) et l’islam dans sa version identitaire se propagent énergiquement dans le monde et partout se créent de solides bastions, autarciques et bien défendus, dans les pays musulmans comme au cœur de l’Occident le plus matérialiste et même dans les pays les mieux ancrés dans leurs traditions. Une culture nouvelle se développe ainsi qu’une nouvelle langue. La dictature a besoin d’une langue magique pour transformer les hommes en moutons idiots» « La religion n’a jamais servi qu’à subjuguer les peuples et les mettre au service du roi, représentant autoproclamé de Dieu sur terre et protecteur de l’Église. Dès lors qu’on lui retire cette fonction, elle s’effondre et Dieu libéré devient un sujet relevant de la science et de la philosophie. En Europe, la laïcité n’a pas fait que séparer l’État et l’Église, elle a signé la fin de l’Église. En terres d’islam, il s’est produit l’inverse : la mosquée a détrôné l’État, balayé les rois et pris tout le pouvoir. Demain, elle chassera Allah et réalisera cette chose impossible, elle sera Allah. Selon la croyance islamique, l’islam est la perfection des religions et en cela il est l’avenir du monde. C’est peut-être vrai, mais force est de constater qu’au cours du temps l’islam n’a pas reçu les soins nécessaires pour le garder dans sa perfection initiale. Il a été fracturé, dénaturé, dévoyé, abâtardi, et en premier par ceux-là, califes, commandeurs, sultans, docteurs de la foi et lettrés divers, qui avaient le devoir de le protéger. De triche en trafic sur sa teneur et son aloi, ils en ont fait des choses abominables: l’islam religion d’État, l’islamisme, le wahhabisme, le salafisme. C’est cela qu’il faut expliquer aux jeunes qui s’adonnent à l’islam. Ce qu’on leur enseigne s’appelle « islam », mais, avant de signer l’engagement, il faut bien vérifier qu’il ne s’agit pas d’une vulgaire contrefaçon ». 80
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LES REVIREMENTS D’A. GLUCKSMANN
GIROUETTE OU DON QUICHOTTE ? Par : L.M.
Champion du « transformisme », le cheminement d’André Glucksmann est le témoignage des revirements qu’un « enragé » de gauche s’est payé au fil des ans. Disparu à 70 ans, ce penseur qui a fait partie du club des « nouveaux philosophes », loin de tout académisme, a viré vers un atlantisme de bon aloi.
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ul ne saurait affirmer, avec assurance, qu’A. Glucksmann, fils putatif de Raymond Aron et de J.P. Sartre fut le pourfendeur de la barbarie et le défenseur de « l’humanité bafouée ». Que l’on se souvienne du parcours du philosophe qui bénéficia d’un intérêt assez singulier en ces jours où la France s’est réveillée au sinistre souvenir de Daech, que l’enfant terrible de mai 1968, s’agitait dans les rangs des maoïstes et se faisait un devoir que de charger bille en tête les « camarades » du PCF qui, à l’époque, rêvaient encore de la dictature du prolétariat. A. Glucksman s’était jeté dans les bras des pourfendeurs du communisme à la soviétique, par trop stalinien, en lui opposant, bien sûr, le souffle nouveau induit par la « Grande Révolution Culturelle Prolétarienne» impulsée par Mao. Celui auquel on imprima l’étiquette de « nouveau philosophe » devait faire de son penchant « anti-léniniste » un fonds de commerce. « La Cuisinière et le mangeur d’homme » est considéré par les penseurs de gauche comme un pamphlet qui verse dans l’antimarxisme primaire. N’a-t-il pas écrit que «la prise de pouvoir gérontocratique n’a pas dissipé l’horizon d’horreur des dictatures hitlérienne et stalinienne» ? Quel amalgame lorsqu’on décotique l’histoire de la 2ème guerre mondiale… Rien d’étonnant de celui qui assura que « le marxisme ne produit pas seulement des paradoxes scientifiques mais aussi des camps de concentration ». Et on ne parle pas de son autre succès de librairie « Les maîtres-penseurs » où le rationalisme en prend pour son grade. Mais c’est avec « La force du vertige » qui condamne les penchants guerriers de l’URSS que le penseur, allait choisir son camp parmi les néoconservateurs franchouillards, à l’image d’un BHL et consorts nourris aux mamelons de l’alliance atlantique. Faut-il rappeler, à ce sujet, ses envolées en faveur des Talibans afghans qui se payaient les rouges assimilés à une force impérialiste comme les autres ? Est-il opportun de faire cas de ses appels lyriques en faveur de l’interventionnisme atlantiste en Libye ou en Syrie ? Que subsiste du «col mao » adopté comme posture par ces intellos de l’extrême gauche si ce n’est leur aversion pour le « prolétariat » juste bon, sous leurs focales
bienveillantes, à se « révolter » éternellement ? Une grande imposture récupérée par les médias au nom de l’antitotalitarisme. Le courant « libéral-libertaire » allait naître dans ce club fermé de la pensée unique. Celle qui, à grand renfort de bricolage idéologique, a fertilisé le terreau idéologique qui assura l’amalgame de tous les partisans du nouveau bloc historique mondial contre-révolutionnaire. On est donc face à un antitotalitarisme d’apparat qui n’en finit pas de bénir le capital et sa force « démocratique » exportable « clé-en-main » comme le soutiennent encore les héritiers des néo-conservateurs. En se contentant, sous des oripeaux humanistes, de recycler la théorie du chaos dont les manifestations vont des « révolutions de couleurs » au « printemps arabes », sachant qu’aucun continent n’est épargné par cette marche forcée de l’histoire au service de l’impérialisme atlantiste. La construction philosophique de Glucksmann s’est figée avec son opus de 1984, en faisant de la « dissuasion » nucléaire, la « seconde mort de l’humanité » un moindre mal que le « risque » du basculement de l’humanité dans le glacis sibérien. « Je préfère succomber avec mon enfant que j’aime (sous-entendu, dans une guerre nucléaire, G.G.) plutôt que l’imaginer entraîné vers quelque Sibérie planétaire ». C’est sa « pensée vertigineuse » assumée. Le cheminement du pourfendeur de « l’ordre établi » cachait-il, dans ses plis d’éternel enragé, autre chose qu’une aversion pour toute construction socialiste ? A. Glucksmann partage avec la seule théorie Richard Nixon qui vaille : la suprématie de l’Empire US. « Le mythe de la paix » que l’ex-chef de la diplomatie américaine allait commettre est symptomatique d’une telle obsession à laquelle le « philosophe » allait sacrifier. Si Glucksmann fut un philosophe au sens où l’est toute personne qui cherche à penser jusqu’au bout, sa faconde agissait comme un repoussoir tragique de tout progressisme. Dès lors, de l’humanisme et de l’universalisme qui traversent l’œuvre d’A. Glucksmann, le tout sanctifié dans un discours « antitotalitaire », le triomphe revient donc à la bourgeoisie impérialiste. Le philosophe, fort prétentieux dans sa quête, avait tout faux. Lui qui, soutena la guerre conduie par Washington contre l’Irak. Et appuya l’intervention en Libye… PERSPECTIVES MED
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CULTURE SCANDALE « LAURENT-GRACIET »
DE L’ÉCRIVAIN ET DU MAÎTRE-CHANTEUR
L
LE JOURNALISME CONDUIT À TOUT. Y COMPRIS AU PIRE. LA PREUVE EST À CHERCHER AU NIVEAU DU SCANDALE QUI A SECOUÉ LE LANDERNAU POLITICOMÉDIATIQUE HEXAGONAL (ET BIEN AU-DELÀ) LORSQUE LES SULFUREUX ERIC LAURENT ET MONIQUE GRACIET ONT ÉTÉ SURPRIS PAR LA POLICE EN FLAGRANT DÉLIT D’EXTORSION DE FONDS. LES DEUX PRÉTENDUS JOURNALISTES D’INVESTIGATION CHERCHAIENT À MONNAYER LEUR SILENCE, LA MONARCHIE MAROCAINE FAISANT L’OBJET DE LEUR DÉLIRE, CONTRE 3 MILLIONS D’EUROS. CES PRÉTENDUS MAÎTRES À PENSER SE SONT DÉVOILÉS AU GRAND JOUR. DERRIÈRE LES MASQUES ON DÉCOUVRE DES MAITRES-CHANTEUR PUR JUS ! MOHAMMED MRAIZIKA, DOCTEUR EN SCIENCES SOCIALES ET CONSULTANT EN INGÉNIERIE CULTURELLE, REVIENT SUR LES PÉRIPÉTIES DE CETTE SALE AFFAIRE.
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Par : M. Mraizika
a chronique littéraire est empreinte d’exemples d’escrocs littéraires, de plagiaires et de mystificateurs qui ont réussi à tromper leur monde et obtenir la reconnaissance de leurs pairs. Certains d’entre eux, démasqués, ont évoqué «l’intertextualité» ou la faute d’un «nègre» pour justifier leur méfait. Mais, lorsque deux journalistes français utilisent l’écriture comme procédé d’extorsion de fonds et le livre comme moyen d’intimidation et de chantage, alors on n’est plus dans la chronique littéraire ; on n’est plus dans le cas d’une faute morale excusable, mais en présence d’un délit grave que réprouve et punit la loi (Article 313-1 du Code pénal). Le feuilleton à rebondissements que les médias français passent en boucle depuis le 27 août, laisse pantois tant l’affaire qu’il met en scène est sidérante : chantage et tentative d’extorsion de fonds menés de concert par deux personnalités publiques, deux journalistes, contre un Souverain. Cette affaire délictueuse débute, en fait, le 23 juillet, comme débuterait un mauvais polar, lorsque l’un des deux journalistes incriminés, Éric Laurent, approche les autorités marocaines pour leur faire part d’un projet d’écriture et leur signifier ses conditions : la non-publication d’un livre à charge contre trois millions d’euros. C’est énorme, grotesque, bête et méchant. Les révélations de Me Dupond-Moretti (avocat du Maroc) et les épisodes qui vont suivre, qui ont pour décorum le Royal Monceau, les locaux de la Brigade de Répression de la Délinquance contre la Personne (BRDP) en disent long sur les intentions des deux comparses. Au-delà des questions de fond qu’il serait normal et légitime de poser lorsqu’il s’agit de parler d’un livre, d’un vrai, ce sont les motivations des deux journalistes qui questionnent et suscitent le plus la curiosité. Comment un journaliste qui a fait ses preuves, peut-il se transformer en vulgaire maître-chanteur ? Est-ce de la cupidité ? Est-ce de l’inconscienceanimée par la volonté de nuire ? Des deux journalistes qui ont tenté de rançonner le Maroc, c’est Éric Laurent qui est le plus à plaindre. Non pas parce qu’il s’est conduit en maître-chanteur de bas étage, mais à cause de son ingratitude. Certes, l’ingrati-
tude ne fait pas partie des sept péchés capitaux tels que Thomas d’Aquin (1225-1274) les conçoit, mais elle rend un homme fragile et incertain ; elle «demande sans peine, reçoit sans pudeur, et oublie sans remords» (1). A bien des égards, Éric Laurent a fait (dès 2012) preuve d’ingratitude et failli à son devoir de reconnaissance à l’égard du Maroc et de sa Monarchie. Certes. Il s’est trouvé au début de sa carrière, dans différentes régions du monde, en situation privilégiée d’enquêteur et d’intervieweur. Et c’est probablement grâce à cette posture et à la réputation qui en découle (bon intervieweur) qu’il eut le privilège, au début des années 90, d’approcher la Monarchie marocaine. La publication en 1993 d’un livre d’Entretiens avec Feu Hassan II (*Mémoire d’un Roi,* Paris, Plon*) lui assura *une certaine notoriété. Mais, ce ne sont pas les qualités d’écrivain ou d’intervieweur qui rayonnent sur ce premier livre. Ce sont plutôt les réponses et les réflexions de Feu Hassan II et sa personnalité qui en assurèrent le succès. Dans ce livre, en effet, le Roi Hassan II passe en revue près de quatre décennies d’un règne (1961 à 1999), jalonné d’événements difficiles (1972-73) et marqué de réalisations décisives à la construction du Maroc moderne : La Marche Verte (1975), les réformes constitutionnelles (92-96), la politique des barrages, l’Alternance politique (1998). Les dessous de la diplomatie internationale, dans ce qu’elle a de complexe et d’essentiel, y sont exposés avec virtuosité. C’est donc cette proximité avec le monarque Chérifien, qui allait ouvrir à Éric Laurent de nouveaux horizons d’écriture en 2013 avec la sortie d’un second livre d’Entretiens avec le défunt Roi, sous le titre «Le génie de la modération, réflexions sur les vérités de l’islam». Le voilà désormais dans une position enviable. Mais, l’ingratitude finit par rattraper le journaliste. En 2012, il change son fusil d’épaule pour coéditer avec Catherine Graciet, celle-là même qui se trouve aujourd’hui à ses côtés, comme complice, dans cette affaire blâmable, un livre hostile au Roi du Maroc. Construit sur un ramassis de mensonges, fait d’affabulations et truffé d’inepties, ce livre ne suscita que l’indifférence. Les deux comparses «ratent» ainsi un «coup» financier qu’ils espéraient juteux. Venir aujourd’hui réclamer trois millions d’euros au Roi Mohammed VI, contre la non-publication d’un livre à charge, c’est, selon le brillant Éric Dupont-Moretti, avocat du Maroc, «Du jamais vu, c’est d’une audace folle !». Mais au-delà de l’incrédulité et de la surprise que suscita leur interpellation à Paris ce 27 août, et du système de défense choisi par leurs avocats qui parlent de «traquenard», la démarche des deux journalistes confirme, si besoin est, le caractère inconséquent de leur premier livre. Cette affaire montre en substance que n’est pas «SPECTRE» qui veut, et n’est pas donneur de leçon qui veut et qu’il est même «dangereux de donner des leçons de morale, de se poser en justicier de la pensée ou de
la littérature des autres. Car, tôt ou tard, la réalité vous rattrape et vous ramène à la modestie» (2) La tentative crapuleuse des deux journalistes s’est bruyamment fracassée contre la réalité (ce qu’ils sont réellement), contre la sérénité et la résolution d’un Souverain Chérifien et contre la volonté d’un pays millénaire qui a choisi le chemin de «révolutions» tranquilles pour consolider ses acquis et préparer son avenir. Cette affaire les a révéléssous un jour peu glorieux, celui de vulgaires maîtres-chanteurs. Ce n’est pas la modestie ou l’honnêteté intellectuelle et le génie littéraire qui distinguent leur démarche, mais plutôt la vanité, la cupidité, la supercherie et la recherche du gain facile. Morale de l’histoire : «Le vaniteux est bas quand il désire, fier dès qu’il espère, et ingrat lorsqu’il obtient» (3). Mohamed Mraizika, Docteur en Sciences Sociales et consultant en ingénierie culturelle.
NOTES :
1- Citation de Charles Pinot Duclos, *Considérations sur les mœurs de ce siècle* (1751) 2- Philippe Bilger, magistrat honoraire, ex-avocat général à la cour d’assises de Paris, Article publié le 23 août 2011 (cf. son blog) 3- Citation de Marie-Jeanne Riccoboni (1713 -1792), Comédienne et romancière française (in. *Lettres de Milady Juliette Catesby-1759*)
MODIGLIANI PULVÉRISE LES RECORDS
INESTIMABLE « NU COUCHÉ » ! Le marché de l’art réserve bien des surprises. Ainsi, la toile de 1917-1918, estimée à 100 millions de dollars par la maison Christie’s, n’avait jamais été auparavant proposée aux enchères. Mais le 9 novembre dans la soirée, date à marquer d’une pierre blanche, en l’espace de quelques minutes, le “Nu couché” d’Amedeo Modigliani a remporté les suffrages en pulvérisant le précédent record pour une œuvre de l’artiste, une sculpture adjugée en un an plutôt à 70,7 millions de dollars. C’est le deuxième prix le plus élevé jamais atteint pour une œuvre d’art vendue aux enchères. Mais les aficionados des œuvres artistiques qui courent les enchères n’ont pas fait le déplacement pour rien. Un autre record mondial est intervenu, avec la vente de “Nurse”, de Roy Lichtenstein, pour 95,37 millions de dollars, presque le double du précédent record pour une œuvre du maître du Pop Art américain, qui était de 56,12 millions de dollars. “Nurse” était estimée à 80 millions de dollars. Les deux toiles étaient les pièces phares d’une soirée sur le thème de “La Muse de l’artiste”, durant laquelle Christie’s a mis aux enchères 34 œuvres du 19e et 20e siècle, de très grande qualité. La vente a également permis d’établir un nouveau record pour une œuvre de Gustave Courbet. La “Femme nue couchée” fut écoulée à 15,29 millions de dollars - quatre fois plus que le précédent record du peintre du 19e siècle, à 3,74 millions. PERSPECTIVES MED
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CULTURE GAMAL GHITANY
L’ARCHÉOLOGIE DU CONTE Par : L.M.
Gamal Ghitany, intellectuel engagé s’il en est, s’est éteint à 70 ans. L’homme dont la curiosité est incommensurable a laissé derrière lui une œuvre romanesque assez singulière. Et une masse d’articles engagés contre l’islamisme.
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l ne manquait pas de courage politique alors qu’il courait sur ses soixante dix ans. D’abord un courage politique qui lui a permis, vite, de ne pas être déboussolé par ce qu’il est convenu d’appeler «Printemps égyptien » qui a ouvert le pays des Pharaons sur la pire des parenthèses politiques, l’accès des Frèress Musulmans au pouvoir. Dans ses billets quotidiens, il n’avait pas hésité à écorcher vif le pouvoir islamiste qui préparait le pays au chaos. Courageux, il l’a été face à la mort. Cette inéluctable fin pour tout être vivant, il l’avait cotoyée sur le front es qualité de reporter de guerre lorsque l’armée égyptienne a réalisé la prouesse du déversoir, en arrivant à bout de la fameuse « ligne Barleev », c’était lors de la guerre d’octobre 1973 contre l’armée israélienne. Avant que son corps ne commence à réagir par de sérieuses alertes. Gamal Ghitany, comme tous les Pharaons, était obnubilé par le temps. Et c’est la raison qui le poussa à confier, à l’article de la mort, qu’il aspirait à une autre vie, tellement la sienne fut courte pour pouvoir réaliser tous ses projets littéraires. Mais pas uniquement. Il s’est consacré à l’urbanisme au point de devenir l’expert égyptien par excellence. Cet intérêt pour l’urbanisme s’explique par la dimension de la vie. Sans vie humaine, point de bâti. Mais ce qu’il a pu réaliser avec maesteria serait certainement le viaduc entre deux générations de romanciers en Egypte. Viaduc qui assure la jonction entre la primo-génération de romanciers qui allait s’illustrer avec le Prix Nobel, Neguib Mahfouz, et celle de la nouvelle génération qui s’illustra notamment avec les œuvres de Sonaallah Ibrahim ou encore Ala Al Aswani. Un passeur de témoin en somme qui est resté d’une curiosité sans fin pour les nouveaux talents. Et comment en serait-il autrement puisque G. Ghitany a redonné un nouveau souffle, dès 1993, à la revue de grande qualité « Akhbar Al Adab » dont il est resté chef de file jusqu’en 2011. Il ne pouvait rêver meilleur observatoire de la scène littéraire égyptienne très bouillonnante. Au point que pour lui, la révolution égyptienne ne représenta point de surprise… De ses souvenirs de jeunesse qu’il garda du Vieux Caire où il a vu le jour et où il apprit le 84
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métier de dessinateur de tapis à l’âge de 17 ans, rien n’a été perdu. Les trames de ses romans témoignent de ce penchant tripal qu’il avait à parfaire l’œuvre. De l’orfèvrerie en somme ! Cela transparait de son écriture et du choix judicieux des mots employés. Dans « Zayni Barakat », une fresque qui n’en occulte pas moins une critique acerbe de l’autoritarisme, il exprima ce à quoi doivent aspirer des peuples comme le sien écrasé dans le carcan de l’oppression. Cela lui valut quelques mois de prison puisque le roman fut interprêté comme une critique à peine voilée du régime nassérien. Ce contre quoi l’auteur s’est toujours défendu. Mais c’est « Le livre des immuminations » qui allait charpenter l’épaisseur de l’homme. Ce roman autobiographique poignant se déroule comme un « conte polyphonique explorant les méandres de l’âme égyptienne ». Traduit en plusieurs langues, ce roman a contribué à asseoir sa renommée au-delà de l’espace arabe. Mais ce sont ses « Carnets » regroupés en plusieurs tômes qui fascinent les critiques comme les aficionados du romancier. Un travail de quête identitaire où G. Ghitany se permet de voyager dans le temps… Celui de l’Egypte léguée par les Pharaons. Faut-il s’étonner lorsqu’on sait que ses amis s’échinent aujourd’hui à lire dans ses notes rédigées avec la minutie d’un orfèvre et la patience d’un philologue ? « Les carnets » sont une œuvre majeure, mûrie par un grand esprit que seules les rives du Nil, fertiles, peuvent enfanter. C’est d’une véritable archéologie du conte qu’il est question dans ce travail très fouillé. Rien d’étonnant à ce qu’il soit couronné, en 2015, du prestigieux prix du Nil pour la littérature, soit la plus haute distinction littéraire décernée par le gouvernement égyptien. Une trentaine d’années après s’être fait chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres par la France (1987). Mais le véritable couronnemment auquel aspirait G. Ghitany fut celui de vivre un jour de plus pour voir la révolution égyptienne triompher de l’obscurantisme de la Confrérie dont le bras armé sème toujours la terreur dans le Sinaï. Le vœu de ce grand amateur de l’astronomie fut exhaucé. Signe des astres ?
PHOTOS
Leila Alaoui est à l’honneur à la biennale des photographes du monde arabe qui se déroule à Paris du 10 novembre au 17 janvier en compagnie d’une cinquantaine d’autres photographes de talent. Inspirée par les séries « The Americans » de Robert Frank et « In The American West » de Richard Avedon, cette pasionaria de la photo a parcouru tout le Maroc pour sa série « Les Marocains ». Avec un studio photo mobile, elle a ainsi capturé des portraits d’hommes et de femmes de tous âges et de différentes ethnies, dans des lieux publics comme les souks, et des rassemblements locaux.
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BLOC-NOTES DAECH DANS LA FOCALE DE KARIM MISKÉ
POUR OUTRAGE AU RAÏS
T. DJEHICHE EMBASTILLÉ
TAHAR DJEHICHE, 54 ANS, CARICATURISTE, VIENT D’ÊTRE CONDAMNÉ À MEGHAÏR (WILAYA D’EL OUED) À 6 MOIS DE PRISON FERME ET 500 000 DA D’AMENDE POUR «OUTRAGE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE» ET «INCITATION À ATTROUPEMENT NON ARMÉ». TAHAR DJEHICHE A FAIT L’OBJET D’UNE PLAINTE POUR AVOIR POSTÉ SUR LE RÉSEAU SOCIAL FACEBOOK DES CARICATURES DU CHEF DE L’ETAT ET DES MANIFESTATIONS CONTRE LE GAZ DE SCHISTE À IN SALAH. IL A ÉTÉ AUDITIONNÉ PAR LA POLICE ET PRÉSENTÉ DEVANT LE PROCUREUR DE LA RÉPUBLIQUE, FIN AVRIL DERNIER. IL AVAIT ÉTÉ ACQUITTÉ EN MAI DERNIER, AVANT QU’«UNE PARTIE INCONNUE» N’INTRODUISE UN APPEL.
CE PORTRAIT RÉALISÉ PAR MUSTAPHA BOUTADJINE, ARTISTE QUI MARIE GRAPHISME ET COLLAGE, EST LA PREUVE DU SOUTIEN DE L’ARTISTE AU JOURNALISTE NOIR AMÉRICAIN MUMIA MUMIA ABU-JAMAL ÉCROUÉ. DIMINUÉ ABOU-JAMAL PAR LA MALADIE, LE JOURNALISTE IN MEMORIAM AMÉRICAIN SE VOIT TOUJOURS PRIVÉ DE L’ASSISTANCE MÉDICALE QU’EXIGE SON ÉTAT DE SANTÉ. L’ADMINISTRATION PÉNITENTIAIRE ET LA JUSTICE DE L’ETAT DE PENNSYLVANIE RECHIGNENT À SAUVER LA VIE D’UN INTELLECTUEL ENGAGÉ ?
UN MONSTRE…
Aux yeux de Karim Miské, réalisateur et spécialiste du monde arabe, «Daech incarne le mal ». Le réalisateur du documentaire « Islamisme. le nouvel ennemi ? » en 1994 n’hésite pas à définir les bornes de tout travail sur Daech. « Si je devais me lancer dans un nouveau documentaire sur le sujet, j’aimerais qu’on y voie des questions propres au monde arabe, comme sa perte d’autonomie depuis l’Empire ottoman et ensuite par la colonisation occidentale. Pendant des siècles, les Arabes ne se sont pas dirigés eux-mêmes. Quand il s’est agi ensuite de récupérer son indépendance, le monde arabe avait beaucoup à rattraper. Le nationalisme arabe n’a pas été à la hauteur de ses promesses. Il n’a pas su développer une modernité ouverte avec des États fonctionnels où chacun peut avoir sa place et l’envie d’exister. Il en résulte un retour vers un passé fantasmé. Je commencerais donc un tel documentaire par Le Seigneur des anneaux. Daech, c’est le Mordor, le pays du mal. Daech incarne le mal. Or, nous avons tous besoin d’une image du mal. On aime s’en repaître (…) C’est notre nouveau monstre. L’Union soviétique n’existe plus, donc nous nous sommes recréés une image du mal avec les intégristes, mais c’est presque à notre usage. Notre problème aujourd’hui, c’est plutôt que nous sommes dans une société de plus en plus fragmentée, très inégalitaire. Le problème, ça n’est pas la religion, les ethnies et les communautés, c’est la réalité sociale que nous cachons derrière (…) Quand vous voyez la chaîne saoudienne Iqraa (« le savoir et la connaissance» en arabe), c’est rigoriste, rétrograde et cela ne développe qu’une vision wahhabite et salafiste du monde. Mais cela donne des réponses simples à toutes les questions sous une forme moderne, la télé. Daech n’a fait qu’aller au bout de cette logique de refus de la modernité à la sauce occidentale et l’utilisation de ses outils (le Web) pour sa propagande. »
“ Chefs-d’oeuvres d’Afrique dans les collections du musée Dapper “ Des oeuvres figurant parmi les plus importantes au monde réunies pour la première fois au musée Dapper, à Paris. L’exposition, qui comprend quelque 130 pièces, présente des oeuvres majeures. Certaines sont uniques et n’ont aucun équivalent dans le monde, telles des sculptures du Gabon (Fang, Kota, Punu...), du Cameroun (Bangwa), du Bénin (Fon), ou encore du Mali (Dogon, Soninke). Ces pièces maîtresses puisent leurs significations dans les cultures de l’Afrique centrale ou dans celles de l’Afrique de l’Ouest. Masques, statues, statuettes, autels, parures, armes et bien d’autres artefacts sont liés à des pratiques et des savoirs spécifiques. Leurs fonctions sont multiples. Certains objets étaient utilisés dans le cadre des initiations, celles des adolescents ou celles des hommes mûrs devant développer leurs connaissances ésotériques et / ou techniques. D’autres - parfois les mêmes - intervenaient lors de cultes destinés à rendre hommage aux ancêtres, à assurer la fécondité des femmes, la fertilité des terres ou à soigner. 86
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ART AFRICAIN
EXCEPTIONNELLE COLLECTION
NOSTALGIE
AU TEMPS DES DIVAS « Ô nuit, ô mes yeux » de la libanaise Lamia Ziadé est un livre inclassable (Ed POL). C’est un patchwork des années folles arabes, lorsque ses divas, d’Asmahan à Oum Kalthoum, ont osé braver les interdits et remporter les cœurs de dizaines de millions d’Arabes par delà les frontières. «J’ai commencé ce livre il y a cinq ans parce que je voulais raconter la vie d’Asmahan, cette chanteuse druze qui fut la plus belle, la plus scandaleuse, la plus ambiguë, disparue tragiquement à 26 ans, sa voiture plongeant dans les eaux, comme le lui avait prédit une voyante. Tout le monde voulait la mort d’Asmahan : les Druzes parce qu’ils souffraient de la voir bafouer les moeurs de sa tribu. Les Français et les Anglais parce qu’elle avait été espionne pour eux. Et Oum Kalthoum parce qu’elle lui faisait de l’ombre. Mais si tu racontes Asmahan, il faut tout raconter : toutes les filles de cette époque, les chanteuses, les danseuses, les actrices, les tenancières de cabaret, les politiciens, les chanteurs. Et peu à peu, tu racontes l’histoire intime du panarabisme.» Ô nuit, Ô mes yeux est le tombeau d’une «société» qui s’effondrera en 1975 : en février, Oum Kalthoum meurt, en avril, la guerre du Liban est déclenchée. «Je termine mon récit en 1979. Après, on est passé à un autre stade de barbarie.» Faut-il faire un dessin des véritables desseins des djihadistes qui se jouent de la paix du monde, en saignant à blanc le monde arabe où même la musique est jugée haram, relevant de l’interdit ?!
GOULAG
DÉGEL À MOSCOU
Dans le noir, le bruits des verrous qui claquent et des aboiements des chiens ont de quoi glacer le sang des visiteurs. C’est l’effet recherché par le Musée du Goulag, ouvert à Moscou, depuis que la Russie a décidé d’entamer son devoir de mémoire. Portes rouillées, morceaux de barbelés, murs de briques sinistres, fenêtres condamnées... La carte de «l’archipel du Goulag», immense réseau de camps où des dizaines de millions de détenus ont subi les pires atrocités de l’ère stalinienne, est offerte à la curiosité des visiteurs. Pas moins de 2 500 photographies, témoignages et artefacts étalent l’indicible sur quatre étages. Seule la période jusqu’en 1958 est ainsi couverte ce qui nourrit la polémique autour des camps politiques qui ont existé jusqu’à la fin de l’URSS. «Après la mort de Staline, les camps n’ont pas disparu, mais le nombre de détenus politiques ne se calculait plus en millions», justifie Ivanova, la directrice adjointe scientifique du musée. Le dégel permettra-t-il au pouvoir russe de plier définitivement les pages sombres de l’oppression qui a marqué le règne du « petit père des peuples », Staline étant toujours apprécié pour ce qu’il a fait contre le nazisme, et de ses successeurs ? L’enjeu est là…
SOPHIE BESSIS (HISTORIENNE) :
SAÏD JAB EL KHEIR (CHERCHEUR) «J’ACCUSE LES EXÉGÈTES QUI ONT RETARDÉ L’ÉVOLUTION DE LA NATION ET DU MONDE, CAR ILS ONT DÉVIÉ L’ISLAM DE SON COURANT NATUREL, POUR EN FAIRE UNE ŒUVRE DE POLITIQUE ET DE POUVOIR. ILS ONT FERMÉ LA PORTE DE L’EXÉGÈSE DÈS LES DÉBUTS DE L’ISLAM, ET DEPUIS ON TOURNE EN ROND». «DE MÊME, LES NATIONS ARABES N’ONT PAS ŒUVRÉ À LE DÉVELOPPER, MAIS À INSTRUMENTALISER LE DISCOURS RELIGIEUX À DES FINS POLITIQUES, ET CE, AFIN DE COMBLER LES LACUNES ET LES MANQUES IDÉOLOGIQUES».
«LE PHÉNOMÈNE DAECH EST INÉDIT. IL A EMPRUNTÉ À AL QAÎDA SON INTERNATIONALISME ET AUX TALIBAN LEUR ANCRAGE LOCAL. C’EST UN ETAT TOTALITAIRE QUI A GAGNÉ DU TERRAIN. IL A UNE VISION OBSCURANTISTE DE L’ISLAM. IL EST SOUTENU FINANCIÈREMENT PAR LES MONARCHIES DU PÉTRODOLLAR QUI ACHÈTENT LE SILENCE DES PUISSANCES OCCIDENTALES. JE PARLE DES BAILLEURS DE FONDS WAHHABITES, PRIVÉS OU VIA DES FONDATIONS, QUI FINANCENT LE DJIHAD.» PERSPECTIVES MED
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DOPAGE
L’ATHLÉTISME DANS LE VISEUR Des puissances de l’athlétisme tremblent devant les révélations fracassantes sur l’ampleur du dopage. La Russie et le Kenya seraient dans la ligne de mire. Mais pas seulement. Il faut craindre que le scandale du dopage agisse comme une boule de neige... qui affecterait d’autres disciplines, à l’image du cyclisme. Le dossier est lourd de conséquences et les enjeux sont multiples.
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SPORT SPORT ET LUTTE CONTRE LE DOPAGE
LE TONNEAU DES DANAÏDES Par : Yahya Saïdi
Eclaboussée récemment par une bourrasque de scandales liés au dopage, l’IAAF (Association Internationale des Fédérations d’Athlétisme) a été mise à nu suite à une affaire de corruption passive et de blanchiment d’argent en matière de contrôle de dopage. L’AMA (Agence Mondiale Antidopage) a enfoncé le clou par un rapport qui a épinglé la Russie en attendant les autres, tous les autres.
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éagissant aux poursuites judiciaires de Lamine Diack (Ex-Président de l’IAAF entre 1999 et août 2015) et de deux de ses proches ainsi que le sulfureux médecin, ex-responsable de la lutte contre le dopage de l’IAAF (1994-2014), le Conseil de l’IAAF a suspendu provisoirement l’athlétisme russe avec le risque de voir tous ses athlètes écartés des Jeux Olympiques de Rio de Janeiro de juillet 2016. Auparavant, les accusés ont été renvoyés au Comité d’éthique de l’IAAF.
ET SI ON SUSPEND L’IAAF ? Dans le second rapport de l’AMA dont la publication est prévue fin décembre, on parle d’une recommandation pour que le CIO suspende l’IAAF et donc d’exclure l’athlétisme des prochains Jeux Olympiques de Rio de Janeiro. Aujourd’hui, le nouveau président de l’IAAF, le Britannique Sebastien Coe ainsi que les membres qui ont été réélus semblent avoir donné leur langue au chat. Car le système du contrôle et de lutte contre le dopage est totalement défaillant. Se focaliser uniquement sur le cas de la Russie, voire le Kenya qui sera l’objet du prochain rapport de l’AMA, n’est en fait que la partie invisible de l’iceberg. Quand la chaîne allemande ARD, en collaboration
avec le quotidien britannique Sunday Times, avait diffusé un documentaire poignant sur des dysfonctionnements graves en pointant la Russie et le Kenya, le premier à riposter contre ces révélations est Sebastien Coe. Et ce qui a dérangé S. Coe, c’est le fait que la Chaîne ARD détienne quelques 12000 milles tests sanguins, dont 800 seraient anormaux. Pis encore, un tiers des médailles aux Mondiaux d’Athlétisme et aux Jeux Olympiques entre 2001 et 2012, remportées par des athlètes dont les analyses sanguines ont été jugées anormales par un hématologue australien auquel s’est fiée la Chaîne ARD avant de balancer son investigation. Malgré ce coup de tonnerre médiatico-sportif, force est de constater que l’AMA n’est pas allée jusqu’où bout pour épingler tous les tests sanguins anormaux. Car les décisions récemment prises par le Conseil de fondation de l’AMA semblent vouloir esquiver l’examen des arguments irréfutables de la chaîne ARD en se contentant des cas de la Russie et du Kenya. Derrière ces mesures dichotomiques, on sent bien l’influence des grandes firmes qui financent les fédérations internationales et le CIO et qui pèsent de tout leur poids pour protéger leurs intérêts mercantilistes. L’absence de l’éthique se
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SPORT
ET LE MAROC ? A u Maroc, une seule fédération sportive qui contrôle et lutte effectivement contre le dopage. C’est la FRMA (Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme) qui a mis un dispositif efficace et qui finance par ses propres moyens la lutte antidopage. Cette mission est du ressort de l’Etat en l’occurrence le ministère de la Jeunesse et des Sports qui ne fait rien avec les fédérations sportives. Un projet de loi en la matière avait été élaboré en 2009 mais qui demeure lettre morte. Même ladite « Commission Nationale de lutte Contre le Dopage » ressemble aux OVNI du fait de son cadre juridique virtuel. Quelques semaines après les Jeux Olympiques de Londres en 2012, l’ex-ministre, Mohammed Ouzzine, avait annoncé sa dissolution alors qu’il s’agit d’une commission fantôme juridiquement parlant. Et ce qu’on cache encore, c’est la dilapidation d’une subvention affectée par l’UNESCO en 2010 et virée au compte spécial du FNDS (Fonds National de Développement du Sport). L’athlétisme marocain donne la leçon en matière de lutte contre le dopage. Abdesselam Ahizoune, président de la FRMA, a entamé des travaux d’Hercules pour assainir un sport trop gangrené de par le passé sur tous les plans au grand malheur de ceux qui parlent «d’acquis imaginaires» alors qu’il s’agit d’un passif lourd. Certes, nombreux sont les athlètes qui ont été convaincus de dopage tandis que d’autres ont été chanceux. Les athlètes marocains auraient pu glaner des médailles aux JO et aux Mondiaux d’Athlétisme, si les décideurs de la FRMA avaient perçu le tissu d’un certain Gabriel Dollé, ancien patron de la lutte antidopage de l’IAAF (1994-2014). Mais à la FRMA, on a opté pour un athlétisme propre au lieu de la tricherie récompensée que certains appellent l’Epopée ! On se souvient du coup monté à l’ouverture des JO de Londres: deux athlètes marocains, Meryem Alaoui Selsouli et Amine Lâalou, ont été révélés positifs. Le timing de cette révélation à la veille des JO visait à déstabiliser la FRMA. Çà a été orchestré par une Marocaine qui a exploité l’impact planétaire de l’événement olympique de Londres et servir la soupe aux rabatteurs qui râlaient à Londres et au Maroc. P.S : Notre magazine ‘’PERSPECTIVES MED’’ a souvent traité des problèmes du dopage dans le sport. Dans notre édition de Mars de 2010, nous avions publié un dossier sous le titre ‘’Révélations Confondantes’’ avec des preuves irréfutables sur des cas au Maroc. Nous allions publier d’autres dossiers mais nous avions compris que le pourrissement et la pourriture est partout dans le monde. Le temps nous a donné raison car ce qui vient d’être révélé au niveau de l’IAAF se passe de tout commentaire.
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pose d’autant avec acuité quand s’ajoute aux sponsors, les intérêts des dirigeants des fédérations internationales. A titre d’exemple et non des moindres, Lord Sebastien Coe est non seulement le conseiller spécial de la firme Nike depuis 1978, mais il est aussi directeur exécutif de CSM, une société spécialisée dans le marketing sportif. En principe, Sebastien Coe est inéligible où il est membre du Conseil de l’IAAF depuis 2003, de son Comité Exécutif depuis 2007 et président depuis août dernier. On comprend dès lors pourquoi Sir Coe avait qualifié son prédécesseur, Lamine Diack, de leader spirituel !
L’INDEPENDANCE IMPOSSIBLE ! Voilà presque un demi-siècle que le CIO avait décrété le contrôle et la lutte contre le dopage, c’est-à-dire avant que l’AMA ne voie le jour en 1999 et la promulgation du Code Mondial Antidopage. Aujourd’hui, au sein du CIO, on est convaincu que le moment est venu pour que les fédérations sportives internationales ne soient plus chargées du contrôle antidopage du fait de la situation de conflits d’intérêts dans laquelle elles se retrouvent. «Il y a un conflit d’intérêts sur le principe même des fédérations internationales. D’un côté, elles jouent le rôle de régulateur en dictant la règle; de l’autre, elles sont les organisatrices des grands événements et en touchent les bénéfices. Il y a la confusion entre le législatif et l’exécutif.» Et ce ne sont pas des propos de n’importe qui quand on sait qu’elles appartiennent au Dr Alain Garnier, ex-directeur médical de l’AMA (2000-2010). Déjà un groupe de travail a été mis en place pour réfléchir sur la proposition faite par le CIO consistant à charger l’AMA du contrôle et de la lutte antidopage. Ce que les fédérations internationales ne voient pas du bon œil en l’occurrence la FIFA qui tire les ficelles avec d’autres fédés par le truchement de l’ASOIF, une association internationale qui réunit les fédérations internationales. Même en confiant à l’AMA, qui est une organisation de droit privé (Suisse) et dont le siège est au Canada ( !), le contrôle antidopage, la question de l’indépendance serait une utopie. Pour deux simples raisons : La composition de l’AMA est un conglomérat où siègent à parts égales, les représentants de gouvernements et du mouvement sportif, le CIO. L’AMA dont le budget annuel est 25 millions euros devra avoir un budget conséquent qui devrait être multiplié par dix pour qu’elle puisse s’acquitter des missions non seulement de régulation mais aussi du contrôle. En attendant, dans cette sempiternelle lutte antidopage, l’hypocrisie est le mot maître. C’est le tonneau des danaïdes car souvent, c’est du ‘’faire semblantisme’’ !
BASKET-BALL
LA HONTE, LA RENTE ET LA REFONTE Par : Y.S.
La Fédération Royale Marocaine de Basket-ball vit depuis longtemps une crise de gouvernance qui n’a jamais dit son nom. Sa suspension pour la deuxième fois par la FIBA est imminente. La honte
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éhiculant durant des décennies l’esprit d’une discipline universitaire par excellence, l’image d’Épinal du basket-ball à été écorché sur tous les plans. Censée être fédératrice pour booster le développement du basket-ball, la FRMBB est minée par les conflits d’intérêts des clubs dont les représentants jouent le médecin et le malade. Les dysfonctionnements du Comité Directeur Fédéral ( CDF ) sont les vraies raisons qui sont derrière ce chaos. Un Comité Directeur Fédéral qui, depuis son élection le 18 janvier 2014, prend des décisions sans aucun respect des dispositions des statuts dont un nombre important est tributaire des décisions de l’assemblée générale. Un Comité dont la moitié des membres a stigmatisé les décisions unilatérales du président. Les représentants des grands clubs se sont, eux aussi, élevés pour dénoncer cette déliquescence dans laquelle se trouve la FRMBB. Et ils sont décidés résolument à ne prendre part au championnat national qu’après la tenue d’une Assemblée Générale Élective pour crever l’abcès et élire un Comité Directeur Fédéral judicieusement représenté par des compétences.
LA RENTE Comptant comme de par le passé sur la subvention du ministère de la Jeunesse et des Sports et des miettes des droits TV (1,5 MDH), le CDF brûle la chandelle par les deux bouts. Au lieu de s’atteler aux choix stratégiques et faire des ligues régionales de véritables relais de son plan de développement, l’actuel président, a fait cavalier seul en accordant des faveurs aux clubs (Équipements Sportifs, Exonération des frais d’arbitrage, etc). Ce qui n’est pas conforme avec la convention d’objectifs signée avec le ministère qui a affecté à la FRMBB deux subventions sans tenue de l’Assemblée générale annuelle. L’actuel directeur des Sports du MJS est le premier responsable de cette contravention. Ce dernier est de mèche puisqu’il n’a jamais mis en demeure le président du Comité Directeur de la FRMBB pour le rappeler à l’ordre. Preuve en est le torrent de courriers qui lui ont été notifiés par des dirigeants de clubs, de ligues et de membres même du CDF. La situation est devenue très compliquée quand le trésorier général adjoint et un autre membre a saisi le Tribunal des délits financiers à Rabat.
LA REFONTE Bien évidemment la refonte statutaire est incontournable. Et c’est là que le bât blesse. Recommandée depuis plus d’une décennie, cette refonte a vu le jour en décembre 2012. Une refonte faite simultanément avec le ministère de la Jeunesse et des Sports et la Fédération Internationale de Basket-ball. Or l’élection du CDF en vertu de ces statuts fut reportée à cause de l’ingérence du MJS dont les responsables ont tout fait pour torpiller l’assemblée générale élective. En octobre 2013, le MJS est allé même jusqu’à désigner un Comité Provisoire pour déboulonner la majorité qui soutenait le Dr Fouad Amar, l’homme qui a géré, durant deux années, la FRMBB sans avoir droit au moindre rond du MJS. En novembre de la même année, la FIBA suspend la FRMBB à cause de l’ingérence du MJS. Une assemblée générale élective eut lieu le 18 janvier 2014 sur la base de nouveaux statuts, concoctés par le Comité Provisoire, mais non validés par la FIBA. Pour convaincre cette dernière, il fallait arguer les dispositions transitoires des statuts visant à régulariser les statuts au plus tard fin octobre de l’année dernière conformément aux directives et aux statuts de la FIBA. Or le CDF n’a pas respecté ses engagements et la copie du projet des statuts qu’il vient d’envoyer aux clubs en arabe n’est pas celle qui a été envoyée en français l’année dernière à la FIBA. Aujourd’hui, mis devant le fait accompli, le président du Comité Directeur Fédéral a usé d’un subterfuge en proposant dans le projet des statuts une disposition transitoire pour assurer sa continuité à la tête de la FRMBB. Sans que les représentants des ligues régionales n’en fassent partie. Ce qui est quasiment impossible et cette fourberie consiste à contourner et les statuts et l’arrêté du ministre de la Jeunesse et des Sports inhérents aux statuts - types des fédérations sportives. Composantes essentielles de la FRMBB, l’absurde serait de voir un CDF continuer sans représentants des ligues régionales. La seule issue est la tenue d’une Assemblée Générale Élective. L’actuel président aura l’occasion de se porter candidat à la présidence avec une liste homogène et de prouver que la majorité le légitime. PERSPECTIVES MED
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SPORT SPORT ET COLLECTIVITÉS TERRITORIALES AU MAROC
LES ENJEUX BIAISÉS
Par : Yahya Saïdi
Malgré sa constitutionnalisation, le sport n’est pas ancré dans les politiques publiques locales, régionales et nationales. Les collectivités territoriales (Communes, Conseils Préfectoraux voire Régionaux) se contentent souvent de mesurettes. La logique de développement du sport est réduite à la distribution de subventions en faveur des associations.
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l’heure de la régionalisation avancée et du toilettage juridique qu’ont subi récemment les collectivités territoriales, les élus ne semblent pas conscients des nouveaux enjeux pour booster le développement du sport sur la base d’un aggiornamento afin de mettre un terme à la rente et aux visions étriquées des politicards.
DE L’AMÉNAGEMENT TERRITORIAL DU SPORT
Elément structurant de l’aménagement du territoire et du développement durable, le sport en tant que fait social global POURQUOI LES FÉDÉRATIONS demeure le ‘’grand oublié’’. Un oubli qui n’est pas dû SPORTIVES N’ARRIVENT PAS À uniquement à l’absence des politiques publiques coordonnées comme l’avait souDÉCLINER, À L’ÉCHELLE ligné le Roi Mohammed VI, RÉGIONALE, DE POLITIQUE dans Sa Lettre adressée aux participants (tes) au grenelle SPORTIVE DIGNE DE CE NOM ? de Skhirate en octobre 2008 mais aussi à la précarité du mouvement sportif (Associations, Ligues, Fédérations sportives…) qui ne peut
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souscrire à une démarche participative sans qu’il se dote des compétences et expertises nécessaires. Dans l’ancienne loi 06-87 et dans l’actuelle loi 30-09, ce sont les ligues régionales auxquelles le législateur a conféré la participation à l’étude et à la réalisation des aménagements sportifs régionaux. Ce qui est cohérent avec les prérogatives des Collectivités Régionales non parce que la promotion du sport a droit au chapitre dans la loi des régions mais parce qu’il faut intégrer le sport dans le SRAT (Schéma Régional de l’Aménagement du Territoire). Or la régionalisation sportive est aussi tributaire des plans d’action des fédérations sportives, régentées par des dirigeants locaux qui versent dans le top-down (Centralisme du pouvoir, des compétences et des moyens). Les deux tiers des fédérations sportives ne disposent même pas d’une seule ligue régionale, relais incontournable pour appliquer le principe de subsidiarité, un principe constitutionnalisé. Pas si étonnant car la majorité ne porte que le nom de fédérations sans en avoir la taille. La faute incombe au ministère de la Jeunesse et des Sports trop laxiste quant à la
signature des conventions d’objectifs avec ces fédérations dépourvues du plus strict minimum pour qu’elles puissent participer à l’exécution de service public de leurs disciplines sportives. La régionalisation sportive est d’autant plus déclinée dans la loi 30-09 qui décentralise le CNOM (Comité National Olympique Marocain) où il est stipulé la création des CRO (Comités Régionaux Olympiques) dont le représentant est membre des Conseils d’Administration des Académies Régionales de l’Education et de la Formation). Mais les CRO n’ont jamais vu le jour ni en vertu de l’actuelle loi ni en vertu de l’ancienne. Le ministère de la Jeunesse et des Sports a beau amender en juin 2013 « son » décret relatif à son organisation et à ses attributions en décrétant la mise en place de huit Directions Régionales sans attributions réelles et sans que le nombre de ces dernières ne soit conforme ni au nouveau découpage territorial régional (12 régions) ni à l’ancien (16 régions).
INSTITUTIONNALISER LE MOUVEMENT SPORTIF Le sport est certes un acteur majeur qui contribue à l’efficience économique et sociale. La cohésion de tous les intervenants en matière de développement du sport est un préalable. C’est une vérité de la Palisse diraient les pince-sans-rire quand bien même il serait question d’abord de nettoyer les écuries d’Augias pour favoriser l’émergence de véritables acteurs du sport et donc de nouvelles élites sportives passionnées. Et cette institutionnalisation doit se mouler sur la législation sportive en vigueur sur fond de l’agrément dont doit disposer chaque association et de l’habilitation de chaque fédération. Là on s’emmêle encore les pinceaux à cause de textes promulgués en queue de poisson et
d’un ministère de la Jeunesse et des Sports qui ne joue pas son rôle de véritable administration de mission, d’impulsion et d’accompagnement. Un ministère qui, démuni des ressources humaines spécialisées ; ressources qui se réduisent au demeurant comme peau de chagrin, ne peut en aucune manière jouer son rôle de régulateur régalien. Car le problème de fond n’est pas uniquement lié à l’enveloppe budgétaire globale, à moins qu’on parle du football, ni même dans l’infrastructure trop ‘’footballisée’’ mais dans les moyens humains. Il s’agit, en l’occurrence, des techniciens, ces encadreurs techniques dont le nombre n’est même pas proportionnel au chiffre chétif du nombre de licenciés pratiquant toutes disciplines confondues (Trois cent mille à peu près). Chiffre qui doit être triplé uniquement pour le football. L’institutionnalisation du mouvement sportif est indispensable pour que les collectivités territoriales puissent être incitées à sceller un partenariat sur la base de projets fiables et réalisables. C’est là où l’on attend les uns et les autres pour souscrire à la logique de développement et mettre fin à la rente. C’est d’ailleurs la substantifique moelle de l’article 26 de la Constitution qui stipule que ‘’ Les pouvoirs publics apportent, par des moyens appropriés, leur contribution au développement de la création culturelle et artistique, et de la recherche scientifique, ainsi qu’à la promotion du sport. Ils favorisent le développement et l’organisation de ces secteurs de manière indépendante et sur des bases démocratiques et professionnelles précises’’. Démocratiques et professionnelles précises, deux vocables malheureusement galvaudés et pas encore injectés dans le réel des passionnés du sport qui pâtissent de la violence symbolique. De quoi être pessimiste face aux enjeux biaisés du secteur sportif sous toutes ces facettes : Economique, Social, Culturel, Educatif, Sanitaire, Environnemental. PERSPECTIVES MED
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SPORT FÉDÉRATION ROYALE MAROCAINE DE FOOTBALL
L’INCOHÉRENCE D’UNE HABILITATION Par : Y.S.
Publiés au bulletin officiel le 15 octobre dernier, les deux arrêtés du ministre de la Jeunesse et des Sports, portant sur l’adoption des statuts et l’habilitation de la Fédération Royale Marocaine de Football (FRMF), sont controversés. La responsabilité incombe à un département gouvernemental qui dérégule !
L
a validation des statuts des fédérations sportives marocaines par le ministère de la Jeunesse et des Sports est une condition sine qua non pour que ces dernières aient droit à l’habilitation et participer ipso facto à l’exécution de la mission de service public. C’est ce qui est clairement énoncé dans l’article 25 de la loi 30-09 relative à l’Education Physique et aux Sports. Cependant, l’adoption des statuts et l’habilitation de la FRMF par le MJS sont incontestablement incohérentes pour les raisons suivantes : Primo : Si l’article 25 de la loi 30-09 confère au ministère de la Jeunesse et des Sports l’adoption des statuts des fédérations sportives, l’article Premier du décret d’application de cette loi n’est pas explicite là-dessus du fait que le ministre de la Jeunesse et des Sports n’est pas chargé de l’adoption des statuts mais uniquement d’accorder l’habilitation aux fédérations sportives et la retirer le cas échéant. Secundo : Les statuts de la FRMF ne font pas référence à la loi 30-09 et à son décret d’application à titre de dispositions particulières de l’ordonnancement juridique public. Tertio : Quelques dispositions statutaires de la FRMF sont incohérentes avec la loi 30-09 et son décret d’application. Dans l’article 10 des statuts de cette fédération, on s’arroge le droit d’exiger ‘’des associations sportives d’adopter des statuts qui sont conformes aux exigences stipulées dans les statuts de la FRMF.’’ Or l’exigence de cette mise en conformité des statuts des associations sportives doit être opérée par rapport aux statuts-types des associations, édictées par le ministère de la Jeunesse et des Sports quand on se réfère à l’article 9 de la loi 30-09 et à l’article 5 de son 94
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décret d’application. Et in fine, les statuts de la FRMF n’exigent pas des associations sportives d’être agréées par le MJS conformément à l’article 5 du décret d’application de la loi 30-09. Encore faut-il ajouter que les arrêtés du ministre de la Jeunesse et des Sports sont obligatoires pour que chaque fédération sportive soit reconnue d’utilité publique. Cette obligation, on la trouve dans l’article 9 du dahir des Libertés publiques qui fait malheureusement référence à l’article 17 de l’ancienne loi 06-87.
GOUVERNANCE
QUID DES AUTRES FÉDÉS ? La FRMF est la seule fédération sportive habilitée par le MJS sur fond d’incohérences de la loi 30-09 et de son décret d’application qu’on a colligés ci-haut. En vertu de l’ancienne loi 06-87, seules deux fédérations sportives ont été habilitées par arrêtés du ministre: La Fédération Royale Marocaine de Golf (2002) et la Fédération Royale Marocaine d’Athlétisme (2009). Cette dernière est la seule fédération sportive reconnue d’utilité publique à côté d’associations sportives telles l’Association Trophée Hassan II, le FUS en tant qu’association omnisports, l’association Mohammed VI de Football et la Fondation Mohammed VI des Champions sportifs. Face aux tâtonnements du ministère, l’habilitation des fédérations sportives qui constitue la clef de voûte de leur institutionnalisation est reléguée au second plan. Les crédits que la tutelle mobilise pour les subventionner sur la base de conventions d’objectifs enfreignent la législation en vigueur. L’absence des députés des deux chambres du parlement qui n’ont jamais sonné le tocsin en focalisant l’attention sur les questions d’ordre législatif et la passivité de la Cour des Comptes qui n’a pas encore épinglé la gouvernance des fédérations sont, en quelques sortes, les vraies causes de ce désordre dans lequel se complait le ministère.
SCANDALE DU COMPLEXE SPORTIF MY ABDELLAH
L’IMPUNITÉ
Par : Y.S.
Si l’affaire de la pelouse du Complexe sportif My Abdellah de Rabat a conduit à bouter Mohammed Ouzzine du maroquin de la Jeunesse et des Sports et à torpiller Karim Aquari, ex-secrétaire général, les autres fautifs sont toujours là.
C’
est sur instructions royales que le Chef du Gouvernement a diligenté deux commissions d’enquête pour passer au crible les marchés publics de la rénovation du Complexe sportif My Abdellah: la première, issue du ministère de l’Economie et des Finances, et la seconde de l’Intérieur. Les rapports de ces deux commissions ont établi la responsabilité politique et administrative du ministère de la Jeunesse et des Sports. C’est ce qu’on a lu dans le Communiqué rendu public par le Cabinet Royal. Cependant, ces deux rapports sont toujours frappés du sceau de l’opacité même si Mme Nabila Benomar, députée du PAM a , à deux reprises, revendiqué l’accès à ces deux rapports pour les éplucher en Commission des Affaires sociales de la Chambre des députés. Mais il semble que l’on cherche par tous les moyens à intercepter ces rapports pour échapper au contrôle du pouvoir législatif. Cela s’explique-t-il seulement par le fait que la présidente de la Commission parlementaire des Affaires Sociales soit issue du même parti auquel appartenait le ministre déchu et de l’actuel ministre qui lui a succédé ? Voilà qui conduit à croire qu’au nom d’une sacro-sainte alliance gouvernementale, on cache ce qu’il faut montrer. Heureusement, il y a eu le communiqué du Cabinet Royal qui a coupé court aux délires des politicards. Dans les rapports, on parle de sept fonctionnaires qui doivent être sanctionnés et punis et à leur tête l’actuel directeur des Sports, un ingénieur-paysagiste que la majorité des fédérations sportives déplorent. Du jamais vu ! Des têtes tombent quand il y a un scandale, processus normal. Or dans cette affaire, l’impunité est déroutante. Les rapports citent les noms des fautifs sans qu’aucune mesure ne soit prise à leur encontre! Et last but not least, la gestion des installations sportives de manière autonome (SEGMA) est aussi pointée du doigt. C’est la Cour des comptes qui est vivement interpellée pour jeter la lumière sur des dysfonctionnements latents. La SONARGES qui est au bout du gouffre doit elle aussi passer
par les fourches caudines de la Cour des comptes. Le lancement récent de l’appel à candidatures, après deux années sans président de Directoire, n’est qu’un trompe-l’oeil qui viserait à donner un blanc-seing à ceux qui ont mis la clef sous le paillasson sans solder les comptes d’une entreprise semi-publique qui croule sous des dettes astronomiques. Beaucoup de poussière sous le tapis du ministère de la Jeunesse et des Sports, un département gouvernemental qui est devenu la risée du mouvement sportif. Son financement coûte trop cher aux contribuables et la partition du secteur du sport et de la Jeunesse est une urgence en les débarrassant des surenchères partisanes éculées.
LES DÉFAUTS DE LA CUIRASSE DU MJS
Le nouveau ministre de la Jeunesse et des Sports, Lahcen Sekkouri, vient de lancer des appels à candidatures pour pourvoir aux postes de Secrétaire Général, du Président du Conseil du Directoire de la SONARGES, du Directeur de l’institut Sportif My Rachid et de quelques chefs de divisions de directions du ministère de la Jeunesse et des Sports. Pour l’appel à candidatures au poste du Secrétaire Général, il a été lancé la première fois en juin dernier. Nombreux sont ceux qui ont déposé leur candidature sans qu’ils aient été convoqués. Cet appel à candidatures a été déclaré infructueux du fait que le délai de trois mois à été épuisé sans que le jury ne s’acquitte de sa tâche! Aujourd’hui, le nouveau ministre relance cet appel à candidatures et l’on parle déjà du candidat qui sera retenu. On ne comprend pas pourquoi on n’a pas lancé l’appel à candidatures de la Marocaine des Jeux et des Sports voire du Complexe sportif My Abdellah. Appel à candidatures ou pas, le problème de fond dans lequel se morfond le ministère de la Jeunesse et des Sports réside dans les ressources humaines. La cascade de valeureux cadres partis en retraite ou via le DVD, a affaibli le MJS. Et le nombre de postes budgétaires se réduit d’année en année. Ce qui donne de plus en plus du fil à retordre à ce département gouvernemental qui s’est métamorphosé en impuissance publique.
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SPORT FORMULE 1 : LE SACRE DE MERCEDES ET DE SES ÉTOILES
UN AIR D’EMPIRE
Par : Abou Sarah
C’est au Texas que les pilotes de l’écurie Mercedes ont bouclé, avant terme, une saison de victoires. Lewis Hamilton, aérien sur les pistes d’Austin, a damé le pion à tous ses rivaux.
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ien avant le grand prix d’Abou Dhabi prévu le 29 novembre, Mercedes et ses pilotes ont raflé les plus hautes marches du podium. En tant qu’écurie, la firme bavaroise est le leader incontestable du paddock. Ses pilotes qui ont marqué par leur dextérité et leur intelligence la saison sont tout simplement premier et deuxième. Fort d’un Sebastian Vettel radieux, mais que 3ème dans le classement des pilotes, Ferrari n’a pas su lui fournir un moteur et un châssis à même de rivaliser avec l’outrageante performance de Mercedes. La firme de Maranello termine la saison dans une décevante seconde position. Retour sur une escapade américaine qui a clos les «hostilités».
SUR LES TROIS
CIRCUITS AMÉRICAINS,
LES ÉTOILES FILANTES DE MERCEDES ONT ÉCRASÉ
AUSTIN OU LE SACRE D’HAMILTON
Tout a commencé à Austin, Texas. Dans un circuit mythique de la course automobile, Hamilton s’est adjugé la première place devant son coéquipier et rival,
LES CONCURRENTS
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Nico Rosberg. Déçu par sa performance lors des qualifications écourtées par les trombes d’eau qui se sont abattues sur le sud des Etats Unis, le pilote britannique n’a laissé aucune chance à son acolyte allemand le poussant même à sortir de la piste pour s’emparer de la place de leader qu’il affectionne tout particulièrement pour ne point la lâcher jusqu’au drapeau à damiers. Les péripéties de la course, pluies, accident et intervention de la safety car ont joué les troubles fêtes mais la chance de même que la stratégie du team Mercedes ont permis à Hamilton de brandir le trophée de la victoire. Malheureux deuxième, Rosberg, ne peut s’en prendre qu’à lui même avec sa sortie de piste au 49e tours. Certes la manœuvre d’Hamilton au premier virage est empreinte d’agressivité poussant même Toto Wolff à prendre fait et cause pour son poulain allemand, mais le pilote anglais s’en défend et déclare qu’il « ne prend pas le départ pour finir deuxième ». Accoutumé du fait, Vettel, au volant de sa Ferrari, s’est contenté de la troisième place. Ce que l’on retiendra de cette course c’est que tout en signant sa 4ème victoire aux Etats Unis, Hamilton
est sacré champion du monde de la saison alors qu’il a assuré a son écurie la première place lors du grand prix de Russie quinze jours auparavant.
L’AMERIQUE LATINE OU LE RETOUR EN FORCE DE ROSBERG
La première manche s’est déroulée au Mexique. Ce que l’on retiendra de ce grand prix de Formule 1 c’est la remarquable ferveur des dizaines de milliers de spectateurs qui ont fêté les bolides sur l’asphalte mexicain et leur pilote d’exception. Comme d’habitude, Mercedes a signé le doublé. C’est à se poser la question si le suspens ne se résume plus dans l’ordre d’arrivée des étoiles filantes de Mercedes. Quid de Hamilton ou de Rosberg…… tellement les autres écuries sont distancées. Contrairement à Austin, Nico Rosberg s’est distingué dès le début en reléguant son coéquipier en seconde position. Il s’est même payé le luxe de signer le hat trick avec la pôle position et le meilleur tour. Il n’empêche que la succession des tours avait un arrière goût fade, bien loin de l’ambiance relevée dans les tribunes. Il faut dire que même Vettel, unique prétendant à un chamboulement de l’ordre établi par Mercedes, a déclaré avec une pointe d’humour qu’il espérait un accrochage entre les deux monoplaces allemandes pour espérer les devancer ! Avec ses erreurs au 18ème tour et à 19 tour de l’arrivée, il s’est définitivement immobilisé sur le mur de Tecpro. Vettel voit s’éloigner la deuxième place puisque son compatriote Rosberg totalise désormais 21 points d’avance. Finalement, la Scuderia a été bien servie. Avec zéro point au compteur, elle a bu le calice jusqu’à la lie. Pour ce qui du « régional de l’étape », le pilote mexicain Sergio Perez au volant de sa modeste Force India, a su terminer dans les points, ce qui est une prouesse face aux deux écuries de tête qui ont raflé la mise… sonnante et trébuchante.
APRES LE MARIACHI MEXICAIN, PLACE A LA SAMBA BRESILIENNE
Mercedes n’a pas fini de faire danser ses concurrents au rythme des pays visités. Le grand Prix du Brésil n’a pas dérogé à la règle. A nouveau Rosberg et Hamilton ont mené la danse, les autres pilotes furent contraints de jouer le rôle de pâles figurants. L’enjeu de ce grand prix de Sao Paulo fut l’attribution de la seconde place au classement général des pilotes. Pour Rosberg, s’il veut s’assurer définitivement cette position, sa monoplace doit être impérativement devant celle de Vettel. Piqué au vif, il était résolu à damer le pion au nouveau champion du monde en restant aux avants postes de l’extinction des feus à l’arrivée, 61 tours plus tard. Hamilton a tout essayé pour ravir la place de leader à Nico sans succès. Même en ayant été à moins d’une seconde ce qui lui permettait d’actionner le DRS, il n’a pas pu venir au bout de son entreprise créant un climat de tension dans le stand Mercedes. En effet, l’écurie
veut un doublé en laissant ses pilotes en découdre sur la piste, mais pas à n’importe quel prix. Ayant en tête la manœuvre presque déloyale d’Hamilton à Austin, la crainte de Toto Wolff et sa crispation tout au long de la course se justifiaient aisément. Finalement Rosberg gagne privant son coéquipier d’une autre victoire. C’est raté pour le pilote anglais puisque le grand prix d’Interlagos est l’unique circuit qui se refuse à lui. Déçu et limite mauvais joueur, il n’a pas enlevé son casque pour saluer la performance de Rosberg, les mécaniciens et les milliers de spectateurs qui accouraient sur la piste pour acclamer pilotes et bolides. Il a déclaré qu’il a « tout donné » mais que « sur ce circuit, les dépassements sont difficiles ». Et d’ajouter avec une pointe d’amertume mêlée de reproches « En termes de stratégie, j’aimerais parfois qu’on prenne plus de risques. C’est ce que les gens veulent voir » Amusé par le duel entre les deux pilotes Mercedes, Vettel, éternel troisième place, garde le sourire même si la deuxième place lui a définitivement tourné le dos. Heureux de sa performance, le vainqueur du jour déclare à propos de son retour en force « J’ai travaillé dur pour revenir … pour progresser et gagner des courses par la suite. Et de conclure « J’espère encore gagner à Abu Dhabi, pour le dernier Grand Prix de la saison.
LA SCUDERIA APPELÉE À RATTRAPER SON RETARD TECHNOLOGIQUE POUR ASSURER AUX FERRARI LEUR AURA
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CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE
MENTHOLÉE ET AMÈRE, LA PILULE! Par : Ouled Riab
S’
il est un slogan qui fait rêver du Maroc, c’est bien celui du farniente et de l’hospitalité. C’est ce que les messages promotionnels véhiculent pour booster l’industrie du tourisme. Soit ! Quand bien même tout marocain normalement constitué constate que ses semblables sont un tantinet tristounets pour une hospitalité voulue légendaire. Et quand on évoque l’hospitalité, rien de mieux pour « fumer le calumet de la paix » en cette terre de tolérance que de siroter un thé à la menthe. C’est l’un des premiers gestes de bienvenu que l’on accorde aux touristes de passage au pays. Mais ne voilà-t-il pas que l’un des ingrédients majeurs de l’hospitalité marocaine se trouve confronté au diktat de Bruxelles. Pour la énième fois, des lots de menthe n’ont pas réussi à passer entre les fourches caudines des contrôleurs de l’Union Européenne pour un taux élevé de pesticides. Rien que ça ! Bien entendu, de côté-ci de la Méditerranée, on n’en a pas fait grand cas. Tout au plus l’Organisme qui veille sur la sécurité alimentaire s’est permis le luxe de faire tinter les verres sur la théière en annonçant vouloir lancer une campagne de sensibilisation visant les producteurs de menthe. Histoire de doser moins fort les adjuvants qui permettent à la sacrée plante odorante qu’est la menthe de pousser des ailes… jusqu’en Europe. En d’autres termes, n’eut été la réaction coercitive des technocrates de l’U.E, nul n’aurait osé sonner le tocsin pour épargner au consommateur, bien local celui-là, les dégâts des poisons dont les agriculteurs arrosent leurs champs. Pourtant, ça fait un bail que la presse, responsable, a soulevé le pot aux roses. En mettant en exergue les dégâts sur la santé que représente l’usage abusif des « calices » qui permettent à la menthe de verdoyer. Et dire que le pays connaît, par les temps qui courent, une poussée de cancers dont on n’arrive pas à situer les causes, si l’on excepte, bien sûr, le tabagisme. Il faut réagir et au plus vite pour
NON, IL NE FAUT PAS CONDAMNER LE THÉ MAIS SES IMPORTATEURS ET LES PESTICIDES QUI VONT AVEC
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établir une nomenclature des produits toxiques que les Marocains ingèrent par devers eux-mêmes. Sinon, c’est l’hécatombe qui est à craindre. Et l’affaire ne concerne pas uniquement le ministère de l’Agriculture et de ses filiales. L’affaire doit mobiliser tout l’Exécutif. Autour d’un verre de thé, car il l’apprécie par dessus tout, notre Abdelilah Benkirane pourrait taper sur la théière histoire de faire comprendre aux ministres concernés qu’il faut arrêter de jouer avec la santé des citoyens. Pour sa gouverne, on lui annonce, à l’occasion, que le contrôle ne doit pas toucher la seule plante odorante ô combien douce au palais et désaltérante. Mais aussi, et cette réalité-là, bien des lobbies l’occultent, le thé importé. Les cadres de l’ONSSA qui entendent réagir auprès des planteurs de menthe sont-ils désarmés face au poison que l’on importe par tonnes pour que les Marocains puissent avoir leur verre de thé ? Que le chef du gouvernement puisse se gaver des meilleurs thé que la planète puisse offrir est une chose. Mais qu’il garde le silence sur un commerce de la mort, là il y a bel et bien problème. Pour s’en convaincre, il suffit d’écouter les cadres de l’ONSSA qui ont passé au crible des échantillons de thé importé. Pour découvrir, à leur grand étonnement, que le taux des résidus de pesticides est des plus mortels. Les Marocains méritent mieux que la camelote qu’ils sont obligés d’acheter pour s’assurer les services de la traditionnelle bouilloire. Car peut-on imaginer la décoction que des millions de nos concitoyens s’offrent chaque jour et par litres ? Un thé contaminé auquel s’ajoute une menthe empoisonnée… Faut-il boire la tasse et fermer sa gueule pour faire plaisir à des commerçants de la mort ? Santé, Intérieur et, bien sûr, Agriculture doivent travailler de concert pour éviter le pire. Car lorsqu’on ingère des substances cancérigènes, on est condamné à une mort certaine. Que ce soit à petit feu ou non. Osera-t-on voire clair dans les affaires des importateurs qui inondent le marché, à grand renfort de pub, de thé juste bon pour la poubelle ? Quant à la menthe, et là l’affaire est entendue, le nivellement par le haut se fera par les contrôles aux frontières de l’UE. Les bonnes pratiques auxquelles doivent répondre les producteurs finiront bien par être adoptée localement. Pour le cas d’espèce, la globalisation a quelque chose de bon. En ce sens qu’elle permet aux uns et aux autres de se déciller.
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