DIRECTEUR DE PUBLICATION : ALLAL EL MALEH │ÉDITIONS POPMEDIA │ PUBLICATIONS DES RÉFÉRENCE │PRIX PUBLIC : 30 DH │N°104
MOUSSEM ELECTORAL
ESPOIRS ET DÉPITS Le gouvernement a fini par embrayer . En fixant déjà les législatives. Il a fallu presque une législature au gouvernement Benkirane pour boucler, en partie, l’édifice institutionnel post-Constitution 2011. La 2ème chambre lui échappe au même titre que la première place au hit parade des formations représentées aux communales. Un succès en demi-teinte pour le PJD. Mais une victoire pour le Maroc des régions. Septembre - Octobre 2015
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ÉDITORIAL
DEBOUT LES MORTS ! Allal El Maleh
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es communales sont, enfin, digérées, ou presque. Chacun y est allé de son couplet partisan. Soit pour « crier victoire », et on les a vus, au sein de la majorité, danser de joie même si d’aucuns ont cru bon de jouer la partition de la modération en brocardant les dérapages de la loi de l’offre et de la demande des mandatures. Soit pour remettre en cause, et c’est le cas de l’opposition, de tout un processus marqué par le recours massif à l’argent pour falsifier le verdict des urnes, si ce n’est pas pour remettre en question le rôle de l’Intérieur qui aurait outrepassé sa neutralité pour faire pression sur des formations historiques de la trempe de l’Istiqlal. Mais que dire du PJD qui pilote depuis quatre ans l’Exécutif, lui qui croyait en sa bonne étoile pour réussir là où aucune autre formation n’en a eu jamais la prétention, rafler la mise ? En l’absence de toute « sociologie de l’électorat » à même d’édifier sur les penchants des diverses catégories composant le corps électoral, une réalité qui ajoute au flou ambiant entretenu par le ministère de l’Intérieur quant aux résultats détaillés des épreuves votatives, il faut croire que pour les modérés de nos islamistes les résultats des dernières épreuves électorales ne peuvent être que mitigées. D’abord, parce que « la fine fleur » des candidats estampillés PJD ont peiné à récolter plus qu’un million et demi de voix. Sur une population globale de plus de 30 millions (dont 15 millions d’inscrits sur les listes électorales sur un corps électoral de 25 millions), rien n’empêche d’avoir le succès modeste ! Et comme pour couronner le tout, le parti de la lampe qui ambitionnait de rééquilibrer, à son avantage, le pouvoir législatif, en disposant de la majorité dans les deux chambres, haute comme basse, a mesuré combien il serait vain de prétendre à un quelconque « exclusivisme » qui renforcerait ses capacités au point de prétendre à une « légitimité historique ». Que les électeurs sont ingrats alors que plein de promesses ont été faites aux miséreux, aux veuves et orphelins ! La masse électorale a choisi de donner vainqueur un PAM décrié dans tous les tons par nos barbus. Suivi d’un Istiqlal dont la direction est sortie affaiblie de ces élections, en perdant Fès, son fief historique, au point de remettre en cause le positionnement de cette formation sur l’échiquier politique… Plus, ces mêmes électeurs ont accordé leur confiance à une majorité qui trône à la chambre des conseillers sous la supervision d’un cador du PAM, ennemi juré par excellence du PJD. Le PJD a-t-il rendez-vous avec un désaveu électoral qui ne dit pas son nom ? Les islamistes modérés promis au four et au moulin ont-ils senti le terrain vaciller sous leurs pieds, assurés qu’ils étaient du succès populaire du train de réformes qu’ils ont lancé, en attaquant de front système compensatoire et régime des retraites… Oubliant au passage de prévoir des gares de halte pour permettre au train poussif de respirer ? Pourtant, là aussi, l’approche tout en consensus, privilégiée depuis toujours par les acteurs politiques nationaux, ceux-là mêmes qui oublient que la démocratie s’accommode aussi du « dissensus », ne semble pas avoir été respectée, comme le rappellent les acteurs syndicaux. Impopulaire, la politique menée par le PJD, dans une indifférence générale, comme le montre le taux de participation aux diverses épreuves électorales de l’été ? La pendule à laquelle ont fait jouer des tours rappelle aux divers acteurs publics la dictature du temps. Abdelilah Benkirane, leader du PJD, sait pertinemment que le temps lui est compté. Plus que quelques mois séparent le monde politique des législatives qui ont tout pour se transformer en sanction… de la majorité. Si elle ne réussit pas un coup d’éclat susceptible de restaurer la confiance des Marocains en un jeu politique qui livre de lui même des « instantanés » faits de dérives souvent verbales et dramatiquement messianiques… S’il n’est pas question de scandales que l’on étouffe dans l’œuf pour sauver les apparences d’une expérience immaculée. La véritable gageure réside à ce niveau là. Et il serait illusoire, pour tout politique, de se convaincre du taux mobilisable marginal pour parler au nom du peuple. Celui-là même qui a pris l’habitude d’occuper la rue pour crier son désarroi souvent inaudible, si la machine répressive n’est pas mise à contribution pour calmer les esprits. Et tant pis si « la paix sociale » que l’on conjugue dans tous les temps prenne de sérieux coups. Par ceux qui sont supposés la superviser dans un esprit plus proactif et créatif que réactif. Non, le Chef du gouvernement ne saurait être disculpé de tout le charivari créé ex-nihilo autour du Fonds dédié au développement des zones rurales. Il aurait certainement été bien inspiré de voir large, plutôt que de garder la tête dans le guidon, en planifiant dès la première loi de finances de sa législature un budget conséquent pour rendre justice au « Maroc inutile ». Car même de nos jours, les finances de l’Etat seront mises à rude épreuve pour dégager les ressources nécessaires pour répondre à l’injonction royale. Voilà qui place à un autre niveau le débat porté sur la place publique autour de l’ordonnancement dudit pactole de 50 milliards de Dh. Une cagnotte qui, politiquement parlant, pèse très lourd dans toute course électorale. Lorsque la supervision dudit Fonds glisse entre les mains du chef du PJD, c’est que l’on est présence d’un laisser-aller qui apporte son lot de crédit au discours véhiculé par l’opposition. Celle qui habille le patron de l’Exécutif d’une couardise certaine au regard des prérogatives pourtant énoncées dans la Constitution. Ce qui va à l’encontre des directives clairement énoncées par la plus haute autorité du pays quant à l’application des dispositions de la loi, toute la loi et rien que la loi. Que dire dès lors lorsqu’on est face à la loi suprême du pays ? Là, A. Benkirane a bien failli. Et il est tout à fait normal qu’il craigne sa faillite annoncée. Surtout lorsqu’on sait que les trois quarts du budget de l’Etat échappent à tout contrôle de l’Exécutif… Comme du législatif.
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POINTS CHAUDS
MOUSSEM ÉLECTORAL
LA SANCTION DES URNES
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SOMMAIRE 12
POINTS CHAUDS
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CHRONIQUE
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NATION
Fin de saison électorale Des urnes et des enjeux
Bonjour les dégats Habiller le tram
Abdelmoumni et les communales Du clair-obscur démocratique
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DOSSIER MIGRATIONS
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MAGHREB
DOSSIER MIGRATIONS
La politique migratoire Entre responsabilité et humanisme
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MAGHREB
Le DRS change de tête La fin d’un règne sans partage
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ÉCONOMIE
PLF 2016 Et commencent les tractations…
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PERSPECTIVES MED
Immigration marocaine : Des « chibanis » et assimilés
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MACHREK
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Rentree politique en Algérie Risque élevé…
43
MACHREK
Daech vs Al-Qaida Stratégies et rapports de force
Du kamikaze au loup solitaire La radicalisation en marche
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ÉCONOMIE
ÉCONOMIE
Croissance nationale L’effet terre
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Stratégie agro-industrielle A la recherche de la symbiose
ÉCONOMIE CULTURE
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ÉCONOMIE
Crise du tourisme Déficits à tous les étages !
70
MARCHÉ
31 51 82 90
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ÉCONOMIE
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MARCHÉ
Ikea Maroc La guerre du KIT n’aura pas lieu
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CULTURE
Bentley à la CAC De Crewe à Casa !
91 SPORT
Fédérations sportives Gouvernance surannée
SPORT
Règlements de comptes chez Corral Samir, une bombe à retardement !
Système Bancaire Macro stress test réussi
TRENDS
DOSSIER MIGRATIONS
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Embrasement en Palestine L’esprit « Handala » vivant !
94 SPORT
Mondiaux de Pékin Bilan encourageant
68
MARCHÉ
Marché boursier Léthargie létale ?
77
TRENDS
BMW Série 7 Taste of tomorow
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CULTURE
«Dans le jardin de l’ogre » Nymphomania…
96 SPORT
F1: De Singapour à Suzuka Duel entre Ferrari et Mercedes
DIRECTEUR DE LA PUBLICATION & DE LA RÉDACTION: ALLAL EL MALEH | RÉDACTION: ABDERRAHMANE EL MALEH - A. BEN DRISS - ABOUMARWA - SAID AKECHEMIR - LAMIA MAHFOUD - OULED RIAB - MOHAMMED TALEB - MUSTAPHA EL MALEH - YAHYA SAÏDI | ONT COLLABORÉ À CE NUMÉRO : ABDERRAHMANE MEKKAOUI| RESPONSABLE ADMINISTRATIF & FINANCIER : FATIMA EL MALEH | CRÉATION: ISSRAE TAYBI/PM DÉVELOPPEMENT | PORTRAITISTE: HELMA LALLA | PHOTOS: PM EDITIONS | MENSUEL ÉDITÉ PAR POP MÉDIA SARL: 8, BD. YACOUB EL MANSOUR MAARIF – CASA | TÉL.: 05 22 25 76 17/ 05 22 25 76 54/05 22 25 77 84/ FAX: 05 22 25 77 38/ E MAIL : CONTACT@PERSPECTIVESMED.MA/ WWW.PERSPECTIVESMED.MA/ IMPRESSION: IDÉALE | DISTRIBUTION : SOCHEPRESS | N° DÉPÔT LÉGAL: 2005/0101 | ISSN : 1114-8772 | CE NUMÉRO A ÉTÉ TIRÉ À 15.000 EXEMPLAIRES
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PERSPECTIVES MED
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VU LU
ENTENDU WASHINGTON SE JOUE DES FRONTIÈRES
LE MAGHREB CONCERNÉ
BVC
LES FRONTIÈRES DU MAGHREB NE
DU RETARD À L’ALLUMAGE
SONT-ELLES PLUS IMMUABLES AUX
SUR 1500 MILLIARDS DE DOLLARS, L’AFRIQUE DU SUD RESTE LE GÉANT DES MARCHÉS BOURSIERS AFRICAINS AVEC 950 MILLIARDS DE CAPITALISATION BOURSIÈRE SOIF 65% DE LA CAPITALISATION BOURSIÈRE DU CONTINENT, 90% DES TRANSACTIONS ET 25% DES SOCIÉTÉS COTÉES. VIENNENT ENSUITE LE NIGERIA (50 MILLIARDS DE CAPITALISATION) ET LE MAROC (45 MILLIARDS DE DOLLARS DE CAPITALISATION). CES CHIFFRES PROVIENNENT D’UN RAPPORT PUBLIÉ EN OCTOBRE PAR CASABLANCA FINANCE CITY ET EUROPLACE, TOUS DEUX MEMBRES DU CLUSTER FINANCE DE LA FONDATION AFRIQUE -FRANCE. LE RAPPORT DÉPLORE LA FRAGMENTATION DES MARCHÉS BOURSIERS AFRICAINS ET LE CARACTÈRE TROP NATIONAL DE LA BOURSE SUD-AFRICAINE COMPARÉE À LA PANAFRICAINE BRVM (BOURSE RÉGIONALE D’ABIDJAN QUI COUVRE 8 PAYS ) ET SOULIGNE QUE LE RECOURS AU COMPARTIMENT OBLIGATAIRE EST PEU DÉVELOPPÉ CHEZ LES ENTREPRISES COTÉES DONT L’ENCOURS N’EXCÈDE PAS 100 MILLIARDS DE DOLLARS.
YEUX DES STRATÈGES AMÉRICAINS ? LE DEPARTMENT OF DEFENSE A COMMANDÉ AU HUDSON INSTITUTE, UNE ÉTUDE SUR LES ÉVOLUTIONS TERRITORIALES ÉVENTUELLES AU MOYEN-ORIENT ET EN AFRIQUE DU NORD DANS LES VINGT PROCHAINES ANNÉES. LES ANALYSTES DU THINKTANK CONSERVATEUR DEVRONT RECENSER LES ACTEURS ÉTATIQUES ET NON ÉTATIQUES SOUHAITANT REDESSINER LES FRONTIÈRES ET LEURS MOYENS POUR Y PARVENIR. PUR EXERCICE INTELLECTUEL OU PROJECTIONS GÉOSTRATÉGIQUES POUR LE FUTUR ? LE DOSSIER MÉRITE D’ÊTRE SUIVI DE PRÈS…
Le pouvoir algérien l’a bien entendu depuis New York, au siège de l’ONU. S’il persiste dans sa position dans le dossier saharien, rien n’empêchera le Maroc de soutenir l’autodétermination du peuple kabyle. Et on ne parle même pas des Touaregs du sud algérien. L’IRAN VIENT D’INAUGURER UNE UNIVERSITÉ OUVERTE À TOUS ÉTUDIANTS ET ÉTUDIANTES À PARIS POUR LA FORMATION DE PRÊUN MAROCAIN CHEURS. LA DIRECTION GÉNÉRALE DE LA DIRIGE CETTE UNIVERSITÉ REVIENT À UN MAUNIVERSITÉ ROCAIN « CHIITE » VENU DE BELGIQUE. CHIITE À PARIS LADITE UNIVERSITÉ NE MANQUE PAS DE SUCCÈS PUISQU’ELLE COMPTE DÉJÀ 500 ÉTUDIANTS. SON AURA REPOSE SUR SES LIENS AVEC LA PRETIGIEUSE UNIVERSITÉ AL MOSTAPHA, À QOM.
MAROC-FRANCE
LE CANAL GUIGOU…
L’agence Publics pourrait arracher l’organisation de la conférence environnementale COp22 de Marrakech, en 2016. C’est bien elle qui conseille la ministre déléguée à l’environnement, Hakima el Haite en vue d’»identifier les enjeux» de la conférence onusienne dont le Maroc assure la présidence» en remportant, dans la douleur, un émarché négocié » de 5,9 MDH. L’enjeu est de taille pour cette filiale d’une agence conseil basé en France puisque le contrat est évalué à 22 MDH. En tout cas, la firme dirigée par Gérard Askinazi semble avoir mis le paquet pour remporter le pactole.
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PERSPECTIVES MED
Elisabeth Guigou, L’Elysée a décidé de changer de canal pour mieux gérer ses rapports avec Rabat, loin des tumultes. Le choix de F. Hollande a été fait sur Elisabeth Guigou, députée PS de la Seine Saint-Denis et amie du Maroc qui est montée au front pour aplanir les difficultés liées notamment à l’affaire Hammouchi, patron de la DST qui était dans les radars de la justice française. La marrakchie qui préside aussi la Commission des Affaires étrangères au Sénat serait la meilleure candidate au remplacement de Fabius. Sauf si le maître de l’Elysée lui barre la route sous pression algérienne pour re-placer Bertrand Delanoe connu pour son fort tropisme tunisien.
DOSSIER SAHARIEN
OFFENSIVE DIPLOMATIQUE Christopher Ross, envoyé personnel du Secrétaire général des Nations Unies pour le Sahara a été reçu, à Rabat, par le chef de la diplomatie marocaine, Salaheddine Mezouar, avant son départ à Tindouf où il poursuit sa tournée dans la région. A Rabat, la rencontre s’est déroulée en présence de la ministre déléguée auprès du ministre des Affaires étrangères et de la coopération Mbarka Bouaida et du représentant permanent du Maroc auprès de l’ONU, Omar Hilale. L’arrivée de C. Ross à Rabat et l’accueil qui lui a été réservé laissent entrevoir la fin de la suspicion affichée par le Maroc à l’endroit de l’émissaire onusien en ce qui concerne sa « neutralité, impartialité et objectivité ». En attendant le prochain rapport que ses équipes soumettront, dans les prochaines semaines, aux Nations Unies. Mais il faut dire aussi que cette visite revet un caractère spécial au regard de l’offensive menée par les adversaires du Maroc, notamment auprès des Etats nordiques, cela sans parler de l’Afrique. Le Maroc est donc soumis à une forte pression diplomatique… Seuls bémols, dans tout ça, le déplacement royal à New Delhi, pour le sommet stratégique Inde-Afrique. Sommet duquel la prétendue RASD a été exclue, auquel s’ajoute la position la position clairement affichée par le comité des affaires étrangères du Congrès US qui a recommandé à l’administration américaine, là tout yoyo risque de compliquer les choses, d’adopter le plan d’autonomie proposé par le Maroc.
PALESTINE
SOLIDARITÉ MAROCAINE
CHAISES MUSICALES
LE RETOUR DE H. BOUHAMOU
DES MILLIERS DE MAR-
DES INFORMATIONS CONFIDENTIELLES
CHEURS ONT BATTU LE
CIRCULENT QUANT AU RETOUR AUX
PAVÉ À CASABLLANCA EN
DEVANTS DE LA SCÈNE DE HASSAN
SIGNE DE SOLIDARITÉ
BOUHAMOU, EX-DG DE LA SNI, EN
AVEC LE PEUPLE PALES-
LIEU ET PLACE DE MOSTAFA TERRAB,
TINIEN QUI ENTAME SA
PATRON DE L’OCP. CE DERNIER SERAIT
3ÈME INTIFADA POUR
PRESSENTI POUR REMPLACER AU PIED
PROTESTER CONTRES LES
LEVÉ MUSTAPHA BAKOURY À LA TÊTE
AGISSEMENTS INHUMAINS
DE MASEN QUI A DÉJÀ LANCÉ LE PRO-
DE L’ENTITÉ SIONISTE.
JET SOLAIRE « NOOR » À OUARZAZATE.
DEPUIS LE 1ER OCTOBRE, ASSURENT DES SOURCES MÉDICALES
SAUF QUE MASEN VERRAIT CONFIER
PALESTINIENNES, 53 PALESTINIENS ONT ÉTÉ TUÉS ET PLUS DE
D’AUTRES MISSIONS POUR L’ESSOR
2000 AUTRES BLESSÉS PAR LES SOLDATS ISRAÉLIENS. LE MINIS-
D’AUTRES ÉNERGIES RENOUVELABLES.
TÈRE DE LA SANTÉ PALESTINIEN A PRÉCISÉ QUE SUR LA MÊME
CE MOUVEMENT DE CHAISES MUSI-
PÉRIODE, PLUS DE 5500 PERSONNES ONT ÉTÉ TRAITÉES POUR
CALES RÉPONDRAIT À L’INJONCTION
DES PROBLÈMES MÉDICAUX CONSÉCUTIFS À L’INHALATION DE
ROYALE QUI CONSISTE À ALLER VITE ET
GAZ LACRYMOGÈNES, UTILISÉS MASSIVEMENT PAR LES MILI-
LOIN DANS LE DÉVELOPPEMENT DES
TAIRES ISRAÉLIENS CONTRE LES MANIFESTANTS PALESTINIENS.
ÉNERGIES RENOUVELABLES. PERSPECTIVES MED
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CHRONIQUE BONJOUR LES DÉGATS
HABILLER LE TRAM Par : Said Akechmir
L
e marché publicitaire dans ce pays tourne autour de quelque 6 milliards de Dh. Et il paraît qu’il se bonifie au fil des ans. Tant mieux, dira l’autre ! Sauf que la redistribution de ce pactole consacre une iniquité des plus criardes. On fait l’impasse sur les bienfaits du réseautage, le copinage et autres magouilles qui marquent de leur sceau un marché en mal de régulation. Pour tenter d’y voir un tantinet clair. Dans ce marché où la loi de l’offre et de la demande est tout sauf rigoriste, ce sont les radios, avec l’inflation des ondes que l’on sait, bonnes ou mauvaises, qui en tirent le max. Mais ces stations n’ont qu’à bien se tenir. Car elles sont talonnées de très près par l’affichage. Et dans ce créneau-là, un nouvel entrant ferraille dur pour se faire une place au soleil. On a nommé le tram ! A Casablanca, nul besoin d’être certifié 10/10 par un quelconque ophtalmologue de renom pour voir ces serpents de fer rouler des mécaniques dans les couleurs exigées par les annonceurs. Déjà que l’espace est saturé par tant de panneaux, fixes ou mobiles, lumineux ou non, de quoi défigurer le goût d’une jeunesse qui absorbe plein les yeux les dérives consuméristes, que l’on en rajoute. Et pourtant, il ne faut pas croire que le tour est fait par les « conseilleurs en com » qui ne raisonnent, du haut d’un savoir appris sur le tas, qu’en terme d’optimisation de l’impact. Celui qui cible, droit dans le cœur, une composante du paysage culturel national. Vous l’aurez compris, c’est la presse qui en morfle. Mais est-ce bien grave dans un pays qui peine à dessiner une politique culturelle digne de ce nom ? Les éditeurs que l’environnement asphyxie ont de quoi s’émouvoir face à tous ceux qui osent franchir des zones interdites ailleurs. Eux qui se désolent de voir leur pagination réduite comme une peau de chagrin à cause d’une pub qui prend le tram. Alors qu’il aurait mieux valu ne pas enrichir une entité de service public, le tram est une solution pour le calvaire nommé transport urbain, en mettant à rude épreuve un service public, celui
ACCIDENT DE L’HISTOIRE? LE TRAM EST HABILLÉ PAR LES ANNONCEURS. UN ROULEAU COMPRESSEUR POUR LA PRESSE.
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PERSPECTIVES MED
des médias, à l’heure où les politiques sont à la quête d’une opinion publique. Il fut un temps où des publications de qualité rivalisaient avec le catalogue de la Redoute. Tellement elles étaient noyées de pub qu’elles décalaient des bons de commande si elles ne les refusaient pas ! Ce fut le bon vieux temps. Mais autre temps, autres mœurs. Les plus pressés de la gente médiatique vont jusqu’à pactiser avec le diable pour se refaire une santé. Ils tirent à boulets rouges sur « la concurrence » d’à-côté, oubliant au passage qu’ils arrosent des ambulances. Périlleux est cet exercice qui pousse une profession à rivaliser dans un seul chapitre : celui des rabais. Enclenchant de la sorte une véritable descente aux enfers. La qualité de l‘écrit en prend un coup. Et on ne parle même pas de crédibilité et encore moins d’éthique. Face à ce maelström, l’Exécutif semble voir les choses en clair. El Khalfi, ancien confrère reconverti en porte-parole du gouvernement, tire gloriole du «statut de journaliste professionnel » qu’il a négocié des mois durant avec les gens du métier. Il ne décille pas face aux caméras alors qu’un journaliste qui a choisi de faire classe à part, en lorgnant du côté de l’investigation, s’est retrouvé en prison pour… adultère. Mais des relations incestueuses qui marquent de leur empreinte le monde médiatique point de débat, ni de procès verbal. Pourvu que prime la forme. Quand au fond (et aux fonds d’aide publique pour la mise à niveau des médias), motus et bouche cousue. Est-ce clair ? En attendant, le tram rejoint la prophétie de Marshal Mc Luhan qui annonçait déjà au siècle dernier que le medium et en soi un message. Aude est ainsi faite au consumérisme. Sauf lorsqu’il est question d’un bien culturel. Dommage pour une presse dont le gros excelle dans le pliage des cheveux en quatre et autres contorsions innommables. Rien d’étonnant à ce que le pays soit engagé dans un processus des plus rapides qui soit : assassiner la presse. A petit feu. La démocratie en prend un sévère coup. Sauf pour ceux qui s’en soucient comme d’une feuille de choux gras. Silence, on déshabille ici pour habiller là bas. Et roule le tram !
POINTS CHAUDS
MOUSSEM ÉLECTORAL
LA SANCTION DES URNES
ABDELILAH BENKIRANE, CHEF DU GOUVERNEMENT, MAIS AUSSI LEADER DES ISLAMISTES, NE CROIT PAS EN LA SANCTION DES URNES. SUR UN CORPS ÉLECTORAL ESTIMÉ À 15 MILLIONS (SUR UN TOTAL POTENTIEL DE 25 MILLIONS), LE PJD A RÉCOLTÉ 1,5 MILLION DE VOIX. DEVANÇANT AINSI SON « ENNEMI JURÉ » D’HIER ET D’AUJOURD’HUI, LE PAM QUI, LUI, A RÉUSSI, EN MOBILISANT À PEINE 1,3 MILLION D’ÉLECTEURS, À TRÔNER EN PREMIÈRE PLACE DES COMMUNALES. SUIVI EN CELA PAR L’ISTIQLAL. C’EST UNE DES RAISONS DU DÉPIT DU PJD QUI FERME LA MARCHE DU « TOP TREE ». MÊME EN RÉUSSISSANT À DAMER LE PION AUX AUTRES FORMATIONS DANS LES GRANDS CENTRES URBAINS. LA MAJORITÉ DES GRANDES VILLES SONT DU LOT DES ISLAMISTES AU GRAND DAM DES FORMATIONS PROGRESSISTES COMME DE CELLES DITES LIBÉRALES. CONTRE MAUVAISE FORTUNE, LE PJD EST FORCÉ DE FAIRE BON CŒUR. EN SOULIGNANT, PAR LA VOIX DE SON MENTOR, QUE LES ÉPREUVES ÉLECTORALES DOIVENT ÊTRE APPRÉCIÉES PAR LES SIENS COMME « UN EXPLOIT HISTORIQUE ». AUX YEUX DE BENKIRANE, LES MAROCAINS ONT COMPRIS QUE LA FORMULE QUI MARCHE EST FAITE DE STABILITÉ. MAIS IL OUBLIE, AU PASSAGE, QUE CEUX QUI SE DÉTOURNENT DES URNES PRÉFÈRENT BATTRE LE PAVÉ. POUR CRIER LEUR RAS-LE-BOL. CELA SANS PARLER DES POSITIONS TRANCHÉES DES PARTENAIRES SOCIAUX, OUBLIÉS DE LA GESTION GOUVERNEMENTALE. NI DE L’OPPOSITION POUR LAQUELLE LA FORMATION « HÉGÉMONIQUE » N’A QUE DÉDAIN… DE QUOI SERONT FAITES LES LÉGISLATIVES VERS LESQUELLES LES YEUX DE TOUS LES ACTEURS POLITIQUES LOUCHENT ? THAT’S THE QUESTION ! PERSPECTIVES MED
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POINTS CHAUDS FIN DE SAISON ÉLECTORALE
DES URNES ET DES ENJEUX ALLAL EL MALEH
E
xit le Moussem électoral dont la clôture s’est faite en apothéose en portant le PAM, même au prix d’un suspense marqué du sceau de marchandages, à la présidence de la Chambre haute. Ne manquent à l’appel que les données statistiques que la grande machinerie de l’Intérieur tarde à déverser pour dégager les grandes lignes directrices des multiples scrutins qui ont tenu en haleine le monde politique depuis le 4 septembre. Mais entre le PAM, dont le succès a été saisissant à l’issue de ces épreuves, et le PJD qui a résisté à ce que les commentateurs nomment « usure du pouvoir », l’Istiqlal conforte, lui, l’image qu’il livre de lui même : la machine électorale bien huilée. Même si le fief de son leader a été perdu alors que le trublion Hamid Chabat conditionnait son maintien à la tête de cette formation historique à un succès électoral qui n’a pas eu lieu. Nous voilà donc face au trio de tête dont les composantes ont négocié le marathon électoral, jusqu’au 13 octobre, date à laquelle le pamiste Hakim Benchemass aura réussi à ravir la vedette à l’istiqlalien Abdessamad Kayouh, pour se hisser en haut du perchoir de la chambre des conseillers. Au forceps, certes, mais en démocratie, une voix vaut son pesant d’or ! Sur 120 conseillers, 58 ont voté en faveur du candidat du PAM contre 57 pour le candidat malheureux de l’Istiqlal. Bien sûr qu’il y aura toujours à dire et à redire sur les
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PERSPECTIVES MED
Fini le face-à-face entre leaders politiques ? Difficile de le croire. Chacun y va de son couplet pour donner la mesure de sa force. PAM, PI et PJD représentent le haut du podium. Cela préfigure-t-il une lutte à mort entre ces trois partis d’ici aux législatives prévues pour septembre ? Silence, on affûte les armes… conditions politiques qui ont permis au leader des partis de l’opposition de mieux se positionner face à son allié d’hier, devenu comme par miracle « le soutien critique » du gouvernement piloté par les islamistes du PJD. Une atmosphère de « déjà vu » lors de l’alternance consensuelle qui avait échu aux socialistes conduits, à l’époque, par Abderrahman El Youssoufi. Entre le PI et le PJD, la hache de guerre semble désormais enterrée. Même si on attend toujours que le calumet de la paix soit au centre d’hypothétiques épousailles… tellement les voies du Seigneur restent impénétrables.
PAYSAGE INEXPRESSIF
Toujours est-il opportun de rappeler, et c’est ce qui rend complexe toute lisibilité parfaite dans le livre de l’histoire politique du pays, qu’au cours des diverses étapes du processus électoral, que les consignes de vote n’ont pas été suivis au pied de la lettre. Y a-t-il plus expressif, en la matière, que l’aveu même des états-majors politiques eux-mêmes ?! Ce qui a ouvert en large la voie aux tractations et autres alliances contre-nature dont le corps politique sait cultiver le secret des formules. Bien plus, et c’est ce qui représente aussi un marqueur de la scène politique, les observateurs n’ont pas manqué de relever que la solidarité devant primer entre les diverses composantes de la majorité n’a pas été au
PI-PJD Des sourires et des hommes rendez-vous. Ce qui en dit long sur l’état de fragilité de la coalition composant l’Exécutif. Abdelilah Benkirane, chef des islamistes qui pilote l’expérience, aura beau dire qu’il a réussi là où ses adversaires, voire ses « ennemis jurés » considèrent qu’ils ont triomphé, beaucoup d’inconnues assombrissent le tableau électoral et politique. Au point qu’il serait illusoire de pouvoir trancher, dès à présent, sur la force prétendue des uns et la faiblesse congénitale des autres à quelques mois, seulement, des législatives. Car le taux de participation que les supercalculateurs de l’Intérieur ont mis en évidence, après une mobilisation de plusieurs mois pour garnir les listes électorales, présente une piètre image de « l’enjeu politico-électoral » dans son ensemble. Le corps électoral qui a pris fait et cause pour les multiples éléctions estampillés « communales » et « régionales» n’aura pas excédé les 15 millions d’électeurs. Sur un total potentiel évalué, lui, à 25 millions d’électeurs. De ce qui précède, on ne saurait que rester pantois devant les scores réalisés par les principales formations qui occupent les devants de la scène. Le PAM, arrivé premier en fin de course, n’aura pas excédé le seuil des 1,3 million de voix captés. Alors que le PJD qui excelle dans l’exercice comptable n’aura bénéficié que des suffrages de 1,5 million d’électeurs. On mesure dès lors les hiatus qu’il y a entre la masse électorale et les capacités de stockage des voix des formations en compétition. Bien sûr que le PJD tire « sa » gloriole de sa capacité à jouer sur le terrain perdu par la gauche traditionnelle, les principales villes du pays étant tombées dans son escarcelle (20 sur un total de 35). Et profite de l’occasion pour « flinguer » au passage le PAM qui aurait bénéficié d’un « effet dopage » en faisant le plein de voix dans le rural. On est dès lors devant un « paysage politique » pour le moins inexpressif, les centres urbains étant moins enclins à épouser les lignes conservatrices du PJD. Et ce qui vaut pour le PJD vaut aussi pour le PAM qui a scoré là où « l’authenticité et la modernité » ne font pas bon ménage. Autant dire que l’instantané électoral reste assez pixélisé aux yeux des aficionados de la sociologie politique. Les repères idéologiques demeurant lâches et les frontières de l’influence partisane des plus floues.
SCORIES DEMOCRATIQUES
Le processus électoral enclenché n’aura pas
échappé, au-delà des clivages socio-politiques, aux critiques. Du côté de l’USFP, une « machine électorale » historique qui a perdu de sa superbe, force est de souligner que l’on a assisté à une série de reproches qui auraient entaché les épreuves. Le recours massif à l’argent pour falsifier la volonté des électeurs a été mis en avant pour rejeter une opération qui consacre le retour en force de l’Etat dans la configuration de la carte politique. Le communiqué de la jeunesse socialiste a frappé fort en renouant avec le discours incendiaire d’antan, en dénonçant l’alliance objective entre un pouvoir absolu sur le retour qui s’allie, pour mieux asseoir sa domination, aux forces d’arrière-garde. S’agit-il, en l’occurrence, d’une fuite en avant, éminemment rhétorique, pour mieux digérer une défaite courue d’avance, au regard de l’incapacité de l’actuelle direction des socialistes à gérer les courants qui traversent l’USFP, tout en faisant l’impasse sur le salutaire exercice de l’autocritique ? On laissera aux socialistes le soin d’y répondre… Toujours est-il que le vocabulaire stigmatisant le recours massif à l’achat des consciences n’a pas été le seul lot de l’USFP. Même le PPS, allié de circonstance (historique ?) du PJD y est allé de son couplet en marge du processus électoral. L’élection des conseillers n’aura été obtenue, à 70% dira Nabyl Benabdellah, patron des ex-communistes, qu’au prix fort… On comprend dès lors les raisons qui ont poussé les pouvoirs publics à ouvrir une enquête judiciaire pour « l’achat de voix » contre 26 personnes dont 10 députés. Et dans ce dernier lot, 6 istiqlaliens trônent en bonne place. Attisant l’ire de la direction de l’Istiqlal qui pousse des cris d’orfraie, en chargeant l’Intérieur de vouloir déplumer sa formation. En tout cas, l’affaire est entendue. Malgré la mobilisation par l’Etat de quelque 500 MDH pour ces élections, une cagnotte pour les formations politiques dont la majorité ne se revivifie qu’à l’orée des moussems électoraux, il n’en reste pas moins que le coût des épreuves des urnes est colossal au regard des sommes liquides qui coulent à grand flot. Une étude sérieuse devrait contribuer à cerner ce phénomène pernicieux qui alimente la défiance vis-à-vis du jeu politique et de ses acteurs. Mais au-delà de cette dimension-là, force est de rappeler que l’échiquier politique continue à être fortement déséquilibré par la minoration du poids PERSPECTIVES MED
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POINTS CHAUDS
féminin. Nombre d’associations qui militent pour la cause féminine déplorent le machisme ambiant. Un trait de caractère que l’on retrouve rivé au corps de toutes les formations politiques, conservatrices comme progressistes, de gauche comme de droite. On comprend dès lors les raisons qui ont poussé le CNDH à faire grand cas de la cause féminine en allant jusqu’à suggérer la parité en matière d’héritage. Un dossier qui touche au dogme, certes, mais qui n’en cristallise pas moins les défauts qui continuent à marquer de leur sceau l’architecture institutionnelle du pays… En l’absence de toute volonté d’accélérer la mise en œuvre des engagements constitutionnels, notamment l’Autorité pour la Parité et la Lutte contre toutes formes de Discrimination (APALD) et le Conseil Consultatif de la Famille et de l’Enfance(CCFE) et des politiques publiques sensibles au genre.
ENJEUX MAJEURS
A quelques mois des législatives qui font vibrer les politiques dès à présent, il faut dire que le Moussem électoral qui vient de s’achever avait enregistré un retard de plusieurs années… faisant endosser au Chef du gouvernement le report d’un calendrier électoral qui devait être « ficelé et livré » au lendemain des législatives de 2011. Car au-delà 14
PERSPECTIVES MED
de la continuité avec une deuxième chambre antérieure à la nouvelle Constitution, ce qui la plaçait en « border line » pour les puristes, voire dans l’illégalité, l’enjeu de cette somme de scrutins est éminemment régional, avec une forte connotation politico-diplomatique. Désormais, le Maroc vogue avec 12 régions, contre 16 auparavant. Mais le facteur le plus important dans cette reconfiguration spatiale est bien sûr lié à la résolution, définitive, du dossier du Sahara marocain. En effet, c’est pour dépasser le blocage constaté au niveau du règlement de ce dossier que le Maroc a proposé une offre de large autonomie aux provinces sahariennes récupérées. Une initiative saluée à sa juste valeur par la communauté internationale. Bien entendu, la feuille de route présentée par Rabat représente le maximum du politiquement et diplomatiquement acceptable de la part d’un pays souverain. Mais comme les adversaires de la cause nationale persistent dans leurs machinations machiavéliques, le Maroc ne pouvait rester dans l’expectative. D’autant plus que l’offre de large autonomie est intimement liée au processus de régionalisation révisé. L’enjeu de ce scrutin consiste donc en un passage d’une étape à une autre dans la normalité des institutions territoriales nouvellement constituées. Une gageure conditionnant le développement harmonieux du pays, suivant de nouvelles règles assises sur la décentralisation et la déconcentration. Bref, il s’agit-là d’un processus qui démarre et qui s’inscrit dans le temps. Le pays étant en droit de capitaliser sur une expérience de démocratie locale en maturation. Le jeu valait donc la chandelle. A charge pour les formations politiques de tirer les conclusions nécessaires d’un Moussem électoral marqué par des hauts et des bas.
PAM TOUT LUI RÉUSSIT ?
L’élection de Hakim Benchemass à la tête de la 2ème Chambre fait oublier deux succès retentissants pour le PAM. D’abord, il y a la victoire de Mustapha Bakoury après les doutes quant à ses capacités mobilisatrices au niveau de son fief, Mohammédia. Le leader du PAM a été porté à la tête de la région de Casablanca, là où se concentre le gros du PIB marocain. L’affaire n’est pas aussi mince. Le très conciliant patron du PAM a, dès le départ, laissé bonne impression auprès des membres de la région avec lesquels il compte composer en bonne intelligence. Mais c’est le clivant dossier d’Elias El Omary qui défraye la chronique. Car « l’homme de l’ombre » que l’on crédite de tant de choses, bonnes ou mauvaises, c’est selon, a été porté à la tête de la région d’Al-Hoceima. Le missi dominici du PAM, apprécié par d’aucuns et détestablement haï par d’autres, tous les autres, devra confirmer en remplissant les termes de son mandat à la tête d’une vaste région qui entend s’inscrire dans la dynamique de la croissance. D’ores et déjà, il faut dire qu’il démarre bien. En s’attaquant, bille en tête, à Amendis qui a fait sortir les Tangérois dans les rues ! Mais il faut plus pour plaire. L’essor d’une région pour laquelle des subsides conséquents ont été débloqués appelle à une constance dans l’action intelligente et proactive. Elias est-il le « right man in the right place» ? C’est à voir. Et sans a priori aucun…
NATION COMMENT FOUAD ABDELMOUMNI ÉVALUE LES COMMUNALES
DU CLAIR-OBSCUR DÉMOCRATIQUE Par : M.T.
Le jeu démocratique serait le grand perdant à l’issue des dernières échéances votatives. Fouad Abdelmoumni, économiste et militant des droits de l’homme, regrette que le paysage politique soit aussi pixelisé que par le passé alors que le pays revendique une image démocratique des plus nettes qui lui assure une certaine singularité. Misère des débats et modes de scrutin pénalisent jeu et enjeux politiques.
PERSPECTIVES MED : QUE POUVEZ-VOUS NOUS DIRE DU TAUX DE PARTICIPATION LORS DES ELECTIONS COMMUNALES DU 4 SEPTEMBRE ? QUELLE EXPLICATION FAITES-VOUS DU PHENOMENE DE L’ABSTENTION? FOUAD ABDELMOUMNI : Je pense que l’essentiel est la motivation des gens. Avant les gens votaient de manière assez systématique parce que ne pas aller voter était considéré comme une marque de sédition et les « mokaddem », « chioukh » et autres agents d’autorité étaient là pour menacer les gens de les signaler et éventuellement les réprimer pour de tels actes. Aujourd’hui, la société est un peu plus sereine sur ce genre de libertés. Les gens qui, auparavant, votaient par obligation ne votent plus pour ce motif. On peut considérer que c’est une toute petite partie de l’électorat. Ceux qui votent, aujourd’hui, sont ceux qui votent par adhésion. Il y a, également, ceux qui votent par appartenance, essentiellement, tribale ou par intérêt parce qu’ils sont rémunérés. Cependant, il y a une très grande majorité de citoyennes et de citoyens qui considèrent que de toute manière, le système politique ne donne pas de sens à leur vote et les candidats qu’ils ont devant eux ne correspondent pas aux profils
qui les intéressent parce que ce sont, et c’est la majorité écrasante des candidats, des personnes réputées être là par intérêt (pour leur business ou pour être proches des autorités ou pour avoir le pouvoir). Donc, la motivation est faible. Maintenant, il faut quand même relever qu’on a commencé à avoir du sens de vote essentiellement dans les grandes villes. Dans celles-ci, il est de plus en plus difficile d’acheter les voix parce que les circonscriptions sont très larges et parce que le nombre de votants potentiels se compte parfois en dizaines de milliers, mais aussi parce qu’il y a un niveau de formation, d’instruction, de qualité des élites au niveau local qui commencent à motiver. Je crois que la prévalence du PJD dans les grandes villes relève de ce processus de reprise du sens du vote politique, alors que la prévalence des autres partis dans de micro-circonscriptions, essentiellement rurales, dénote soit de la peur de l’autorité, soit de l’intérêt, de l’appartenance tribale ou de la pression de l’argent. Ceci dit, je pense qu’il ne s’agit pas simplement d’une question de vote blanc. Les gens qui s’abstiennent de voter ne le font pas seulement parce qu’ils n’adhèrent pas aux profils des candidats en lice, mais ils n’adhèrent pas au système politique. Celui-ci ne leur PERSPECTIVES MED
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NATION donne pas une vraie prise sur les instances élues et ne donne pas de vrais pouvoirs aux instances élues. Personnellement, je ne crois pas que le vote blanc ou l’obligation par la loi d’aller voter puissent réellement changer la donne. Il y a un problème de qualité du système politique et d’adhésion des populations qui doit être résolu par la remise à plat de ces systèmes et du mode de sélection des élites. A PROPOS DU MODE DE SELECTION, TOUT LE MONDE S’ACCORDE SUR LE FAIT FAIT QUE LE PJD ARRIVE, PAR SA DEMARCHE RESPECTANT UNE CERTAINE DEMOCRATIE INTERNE, A SE DISTINGUER SUR CET ASPECT CONTRAIREMENT A D’AUTRES PARTIS OU L’ARGENT JOUE UN ROLE IMPORTANT DANS LA COOPTATION… F.A: En fait, il faut se rendre compte que nous n’avons pas de vrais grands partis. Nous avons des clubs de notables qui sont cooptés et validés par l’autorité de l’administration, donc la majorité écrasante des candidats des partis qu’ils soient du gouvernement ou hors le gouvernement. Tous ceux qui ont une présence au sein du Parlement sont en fait des clubs d’intérêts de notables qui vont acheter leurs candidatures, leur poste. Ce qui revient à dire qu’on ne peut pas parler de sélection politique, d’idéologie, de force organisationnelle et populaire. On parle de notables et de « businessman » avec la capacité d’aller se servir en servant le pouvoir. EST-CE QUE LE TAUX DE PARTICIPATION ELEVE DANS LE MONDE RURAL DENOTE D’UNE PRISE DE CONSCIENCE DE L’IMPORTANCE DE L’EPREUVE VOTATIVE ? F.A: Je crois en fait qu’on ne peut parler de changement que lorsqu’on aura des scrutins de liste à la proportionnelle partout. Plus l’arrondissement est grand, plus on aura près de 100.000 d’habitants qui vont voter, moins il serait facile d’acheter les votes par les promesses d’embauche, de proximité de l’administration ou par l’appartenance tribale. A mon avis, si l’Etat et les élites voulaient réellement donner un sens politique aux élections, il n’y aurait qu’à passer à de grandes circonscriptions, y compris dans le monde rural. Cela contribuerait à l’émergence d’une vraie compétition politique. Or, le pouvoir ne veut pas qu’il y ait émergence de pôles politiques et donc il s’arrange pour que les élections soient une partie de préséance de notables les uns sur les autres. 16
PERSPECTIVES MED
QUAND ON VOIT QUE LE SCRUTIN DE LISTE A DEJA DONNE UN SENS AUX CHOIX DES ELECTEURS, NE VOYEZ-VOUS PAS QUE LE VOTE BLANC POURRAIT POUSSER LES PARTIS A AMELIORER LEUR OFFRE POLITIQUE ? F.A: Ce n’est pas automatique. Aujourd’hui, toutes les indications nous informent que la population n’a pas confiance et, malgré ça, tout le jeu politique consiste à reconduire la même vaine avec de nouvelles facettes, avec des aménagements mineurs. Or, pour que les gens puissent avoir confiance, il faut instaurer certains principes, notamment, le principe de l’élection politique et non pas personnelle, le vote par liste, le vote de masse plutôt que les micro-territoires, la concentration des mandats. A propos de celle-ci, il faut noter que nous avons plus de 30.000 de postes d’élus locaux alors qu’il est évident que nous n’avons pas une offre d’élite suffisante pour satisfaire ces postes. Rappelons que ça a toujours été le cas. Dès les élections de 1976, quand il y a eu 12.000 postes à pourvoir, l’objectif était clair : pousser les partis à être incapables de couvrir une grande partie des postes à pourvoir en candidats, et aussi les pousser à la faute, c’est-à-dire à recruter un maximum de candidats qu’ils ne pouvaient pas contrôler. On devrait diviser le nombre de postes éligibles par quatre au moins pour revenir à quelque chose qui pourrait être à la portée des partis et des élites. Il faudrait aussi que le système redevienne lisible, qu’il y ait un vrai débat sur les projets de société pour que la population puisse voter en connaissance de cause. Aujourd’hui, on empêche ce débat politique. Le monopole des médias audio-visuels par le pouvoir vise justement à empêcher la maturation de la culture politique citoyenne qui pourrait être développée entre autres à l’occasion des débats électoraux. Il faut également mettre un terme à l’impunité. Aujourd’hui, nous avons des élus qui savent qu’ils seront intouchables dès qu’ils auront la couverture, seront proches du palais, des généraux, des commissaires de police, etc. QUE DITES VOUS D’UN CERTAIN NOMBRE DE PRESIDENTS DE COMMUNES QUI ONT ETE LIMOGES PAR L’INTERIEUR, ET QUI SE SONT, POURTANT, PRESENTES LE 4 SEPTEMBRE ET ONT PU REMPORTER LES ELECTIONS AVEC DES MAJORITES CONFORTABLES ? F.A: Il est clair qu’il y a une démarche systématique pour salir le politique, pour que le
débat politique et la culture citoyenne ne se développent pas… A titre anecdotique, vers 1990, lorsque les scandales de corruption de très large envergure ont commencé à toucher l’environnement de Hassan II de manière directe, ce dernier a dit à ses collaborateurs : « Je n’ai pas le pouvoir de convaincre que mon entourage n’est pas corrompu, mon objectif est que les gens sachent que tous les gens sont pourris ». Donc, si on est dans un choix entre quelqu’un qui est pourri et qui est déjà aux affaires ou quelqu’un qui ne cherche à aller aux affaires que pour s’enrichir lui aussi, on va dire : il n’y aura de changement que de mal en pis (ma tbedel sa7bek ghi b’ma kref). Le slogan « Tous pourris » a toujours été le leitmotiv de l’Etat marocain durant les 50 dernières années. Aujourd’hui, on le voit, il est parvenu à salir complètement l’image des partis tels que l’USFP, le PI ou le PPS et il est en train de travailler de manière acharnée pour inclure aussi dans le lot le PJD. Peut-être qu’ils ont été relevés de leurs responsabilités à cause d’une faute qui était suffisamment grave pour qu’ils soient suspendus, mais pas assez pour engager des poursuites légales et encore moins pour les priver de se présenter devant les électeurs. L’image est sombre. Encore une fois, il y a une différence entre le formalisme qui est de mieux en mieux respecté et la nature profonde du système qui repose sur la manipulation pour arriver aux résultats convenus, pour avoir une scène politique éclatée, une représentation atomisée, des élus corrompus et manipulables et pour que la population perde confiance dans le jeu politique. COMMENT JUGEZ-VOUS LES ELECTIONS DU POINT DE VUE MODES ELECTORAUX OU DE SCRUTIN ? F.A: Le mode de scrutin qui appelle à élire 32.000 édiles locaux est, tout simplement, un mode de pourrissement de la scène politique. C’est délibéré, organisé et réfléchi dans cette direction-là. Si l’on veut des élites « cleans » et des élections capables de donner du sens, il faut diviser ce chiffre par quatre ou par cinq. Il faut aussi avoir des élections sur des nombres de citoyens adultes par arrondissement de 50.000 et plus. C’est seulement à ce prix qu’on pourra sortir. Sinon, vous allez toujours avoir des « businessmans » comme Ilyas El Omari qui vont aller se faire élire dans un « douar » avec 140 voix, et qui vont par la suite se
faire élire président de région. CE QUI ETONNE, C’EST QUE LES REGLES DU JEU (SCRUTIN PROPORTIONNEL ET AUTRES) ONT ETE DEFINIES ET ADOPTEES EN 2002, ALORS QU’IL Y AVAIT DES POLITICIENS DE GRAND CALIBRE. POURQUOI N’ONT-ILS PAS VU TOUT CELA VENIR, POURQUOI NE S’Y SONT-ILS PAS OPPOSES? F.A: Qui sont ces politiciens qui auraient pu dire non ? Toute l’élite impliquée en 2002 passait à travers les notables qui achetaient les voix. La caricature que vous voyez aujourd’hui avec l’USFP, le PPS et l’Istiqlal existait exactement en l’état en 2002, mais elle était un peu cachée. Globalement les « Radis » et les autres savaient très bien que l’essentiel des élus était composé de ceux qui étaient choisis par l’administration. Driss Basri qui manipulait les élections a dit une fois : « il est vrai qu’on faisait tomber certains candidats dans certaines circonscriptions, mais on les remplaçait pour le compte de leur parti dans d’autres où ils avaient perdu.» Cela veut dire quoi ? Cela veut dire qu’il n’y a pas d’élite légitime. Si tu es élu, tu l’es par la volonté du Roi et non pas par la capacité du peuple. Et à compter de là, tous les élus et tous les candidats à la ministrabilité ou autre savaient que s’ils voulaient avoir gain de cause ce n’était pas en s’adressant au peuple ou à leur parti. C’était en suppliant le palais (« Al Sodda Al Aâlia bi Allah »). Quand le palais disait niet à une véritable démocratie représentative et proportionnelle, ils étaient tous d’accord… DIX MILLIONS DE MAROCAINS EN AGE DE VOTER SONT ANALPHABETES, CE QUI REMET EN CAUSE LEUR APTITUDE A VOTER. QU’EN EST-IL DE LA QUALITE DES ELECTIONS (D’UN POINT DE VUE QUALITATIF ET NON PLUS QUANTITATIF) ? SI ON ARRIVE A AVOIR DE BONS ELECTEURS, ON AURA CERTAINEMENT DE BONNES ELECTIONS ? F.A: Il est évident que la qualité de l’électeur affecte la qualité des élections. Avec une population qui est consciente de ses intérêts, qui a choisi tel représentant ou tel leader qui est prêt à batailler pour empêcher la manipulation, qui est prête à jeter au caniveau les corrompus, les salopards et les voleurs, évidemment que ça garantit tout le reste. Dans ce sens, la question : est-ce qu’on doit attendre que l’action de la culture ou l’action de la politique s’impose d’ellemême ? On ne peut pas dire qu’il faut qu’il y ait une culture pleinement adéquate pour la démocratie avant de passer à la démocratie.
Il faut au contraire du volontarisme et de toutes les manières quelqu’un qui est analphabète n’est pas nécessairement con ou plus con que celui qui a un doctorat. Il peut être conscient de ses intérêts et de ses choix et être plus capable de batailler pour eux. La question n’est pas là. La question, qu’on soit analphabète ou éduqué, est qu’on n’a pas confiance dans le système politique et dans la classe qui supporte ce système. COMMENT POURRAIT-ON RESTAURER CETTE CONFIANCE ? F.A: Ce qui, à mes yeux, semble constituer des pistes essentielles consiste d’abord à instaurer le débat politique dans les médias audiovisuels, un vrai débat politique et pas « l’helqa » de Lachgar et/ou Chabat. Ensuite, ramasser le système électoral de manière à ce que partout, le nombre de postes à pourvoir soit en moyenne le cinquième de ce qu’il est actuellement et qu’il n’y ait pas d’élections microscopiques comme celles, faites sur-mesure, pour quelques « notables». En fait, le jeu consiste à dire que : « Les villes sont en train de nous échapper donc très difficiles à encadrer, mais de toutes les manières, on se rattrape dans le monde rural où on va avoir des postes micros qu’on va pouvoir gérer aisément ». Il faut, donc, sortir de cette logique. A cela s’ajoute, bien sûr, l’application de la loi simplement. Mettre fin au laisser aller à l’irresponsabilité ou bavures actuelles et appliquer pleinement la loi pour que les criminels ne bénéficient plus de l’impunité et donner de la visibilité aux décisions définitives retenues contre les pourris. A mon avis, tele est la voie rapide vers la démocratie. QUELLE EXPLICATION POUVEZ-VOUS NOUS DONNER DU RECUL DES PARTIS CLASSIQUES LORS DES DERNIERES ELECTIONS ? F.A: L’Istiqlal, l’USFP et le PPS avaient un privilège d’image de vrais partis contrairement à ceux qu’on appelait les partis de l’administration. De nos jours, à tous les égards, il n’y a plus aucune différence entre ces partis-là et le RNI, l’UC,… Et donc ces divers compétiteurs sont en train de jouer dans la même poule. NE VOYEZ-VOUS PAS QUE LE PPS A CHOISI UNE AUTRE VOIE QUE CES PARTIS-LA, IL A EGALEMENT PU PROGRESSER EN TERMES DE RESULTATS A PLUS DE 60 % ? F.A: L’objectif était d’aller vers la taille critique. Mais, fondamentalement, vous avez des notables, des barons locaux qui ont de
l’argent, qui ont une proximité avec l’administration et qui se présentent avec celui-ci et demain avec l’autre. La capacité de présenter des candidats ne peut, à elle seule, constituer une valorisation et n’apporte rien en termes d’idéologie, de politique, de programme, de spécificité, d’image, etc. Il est normal que les petits partis aillent grignoter une part des grands partis. Le seul qui échappe systématiquement à cette règle, c’est celui qui a un avantage d’une image de proximité du Roi, PAM en l’occurrence. QUE PENSEZ-VOUS D’UNE DES LECTURES DE LA SCÈNE POLITIQUE SELON LAQUELLE NOUS NOUS DIRIGEONS VERS UNE BIPOLARISATION DE LA SCÈNE POLITIQUE ENTRE CEUX QUI SONT AVEC LA MAINMISE ET CEUX QUI S’Y OPPOSENT ? F.A: Même pas puisque le PJD ne s’oppose pas à la mainmise. Sur le fond, ils sont tous d’accord. Mais sur le discours, ils sont aussi crétins les uns que les autres. Quant à la perception publique, il est clair que le PJD continue d’avoir un privilège d’image très net, les gens qui ont voté dans les villes pour le PJD sont des gens qui ont dit : les gens du PJD ont une étique, donc même s’il n’a pas de programme, au moins il y a une confiance dans leur motivation. Cela n’empêche pas qu’ils sont en train de s’éroder. QUELLE PLACE OCCUPE L’IDEOLOGIE DANS LA SCENE POLITIQUE ACTUELLE ? F.A: Mais quel est ce parti, y compris le PJD, qui a une idéologie ? Aucun. Tous, ont une seule idéologie, c’est : j’appliquerais au mieux les instructions de SM le Roi. Sinon, il n’y a pas d’orientation. Il n’y a pas de spécificités. Est-ce que vous avez identifié un seul débat d’orientation politique lors de ces élections ? Est-ce vous avez entendu quelqu’un dire : nous voulons privilégier telle orientation par rapport à telle autre : secteur public/secteur privé ; endettement/ désendettement ; projets productifs ; couche entrepreneuse/couche délaissée ? Rien du tout ! Aucun parti n’a cette prétention. Nous sommes dans un système médiéval qui veut avoir une image moderne, mais pas le fonctionnement moderne et les risques modernes. Il veut pouvoir prétendre qu’il est démocratique, mais il veut continuer de pouvoir choisir les gens qui vont diriger, il veut continuer de choisir les relais politiques et donc pour cela, il ne peut pas se permettre l’adoption d’un système qui conduirait à la démocratie. PERSPECTIVES MED
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CHRONIQUE VÉCU ICI
L’URNE ET L’OPINION
R
abelais avait-il raison quand il a écrit « il y’a plus d’imbéciles que d’habitants sur terre » ? A voir l’état de délabrement d’une bonne partie de la classe politique et des intellectuels de mon cher hexagone, le comportement peureux et la médiocrité d’une bonne partie de sa presse, il y’a de quoi s’interroger sur l’état réel du pays des Lumières. Cette année j’ai conviction que la bêtise s’est invitée de façon précoce. D’habitude, les informations sont quasi immuables. Primo, on se penche tendrement sur ces millions de chérubins qui vont user leur fond de culotte sur les bancs de l’école avec les éternelles « questions de fond » tels le poids du cartable et le manque d’effectifs de ses feignasses de professeurs. Deuxio, en mal de grain à moudre, les J.T s’attardent sur le difficile retour au travail après des vacances bien méritées. Enfin, pour faire la transition avec l’immuable instant météo, « l’été indien » s’invite comme à l’accoutumée. Et parce que l’actualité des « restes du monde », nous rattrape et alors que les éditorialistes de l’ensemble de la presse internationale criaient leur indignation face à la mort d’Aylan, exhortant leurs gouvernements respectifs à prendre les mesures qui s’imposent pour mettre un terme à ce type de spectacle macabre, la presse française s’interrogeait sur l’opportunité ou pas de publier la photo de l’ignominie préférant titrer sur la manifestation des agriculteurs à Paris. Il y’a comme un «léger décalage » entre la presse française et celles des autres pays voisins. Même les journaux de « gauche » ont adopté cette position pour le moins ahurissante. Le Sun tabloïde londonien de droite est devenu plus progressiste que « Libération » en demandant à David Cameron de revoir sa position quant au problème des réfugiés de guerre.
LES POLITIQUES
PERDENT LEURS
ÂMES SUR LA VOIE DU POPULISME
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PERSPECTIVES MED
Par : Mustapha El Maleh
Sur Canal Plus, on ne cultive plus la différence. Ah si avec la nouvelle équipe du Grand Journal, on parle désormais le vrai langage des Français que le Front nationale incarne à Merveille. N’est-ce pas Mme M. Biraben. Des « intellectuels » en pleine dérive droitière tel A. Filkenkraut ont plus peur des antiracistes que des racistes. Mais où va la France ? Terre d’accueil et des droits de l’homme, ses élites n’hésitent pas à qualifier les déplacés de guerre de vulgaires « immigrés » et pourquoi pas de clandestins alors que tout autour, on parle de réfugiés. Vous saisissez cette fois-ci la nuance sémantique. Les dessins de Charlie hebdo dénonçant l’hypocrisie de l’Occident sont encore pointés du doigt. Parce que le dessin satirique n’a pas pour finalité de faire rire mais de faire réfléchir, l’encéphalogramme plat de quelques commentateurs ne permet nullement la réflexion mais plutôt l’éloge de l’humour gras. Regardez ce qui circule sur la toile. Et comme si ce n’était pas suffisant, « l’écervelée républicaine », j’ai nommé la Nadine Morano, persiste et signe en parlant d’une France judéo-chrétienne et de Français de « race blanche ». Pas étonnant alors qu’au moment où 60 % des Allemands approuvent la décision de leur gouvernement de donner asile à 800 000 réfugiés, 56 % de mes compatriotes refusent que la France accueille une partie de ces réfugiés ! Une telle apathie journalistique, intellectuelle et politique ne peut trouver son explication dans l’approche des élections régionales et la course à l’échalote pour garder des bastions qui reviendraient, selon les sondages, dans l’escarcelle de l’extrême droite. Les élections présidentielles de 2017 ne peuvent constituer, une excuse ou à un alibi à autant de bêtise humaine. Les prétendants au trône élyséen, déjà dans les starting-blocks, doivent être des hommes et des femmes réfléchis, éclairés sur leur capacité à influencer le citoyen lambda. Cette course est un marathon que les sprinters d’aujourd’hui ne peuvent gagner sans perdre leur âme et se perdre par la même occasion. Gagner une élection n’a jamais signifié l’entrée d’un homme politique dans l’Histoire mais souvent sa sortie par la petite porte.
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DOSSIER MIGRATIONS
CRISE MIGRATOIRE
SALE COMMERCE !
IL A SUFFI QUE L’IMAGE D’AYLAN, CET ENFANT KURDE MORT SUR LA PLAGE DE BODRUM, STATION BALNÉAIRE TURQUE, SOIT CAPTÉ PAR LES OBJECTIFS POUR QU’ELLE FASSE LE TOUR DU MONDE METTANT EN ÉMOI LES OPINIONS OCCIDENTALES. SURTOUT QUE LES PAYS EUROPÉENS VIVENT AU RYTHME D’UN EXODE MASSIF, COMPOSÉ DE RÉFUGIÉS DE CONFLITS SANGLANTS ET DE VICTIMES CLIMATIQUES, QUI N’EST PAS SANS RAPPELER LES VAGUES DE DÉPLACÉS DE LA SECONDE GUERRE MONDIALE. LA BARRE DU MILLION DE RÉFUGIÉS SEMBLE DÉPASSÉE ET DES PRESSIONS SONT EXERCÉES SUR LES PAYS SUD-MÉDITERRANÉENS POUR ENDIGUER UNE DÉFERLANTE INCOMPRESSIBLE. LE MAROC EST AINSI SONDÉ ET SOLLICITÉ POUR SERVIR DE « BASE DE TRI » POUR LES MIGRANTS. UNE SALE BESOGNE REJETÉE FERMEMENT PAR UN PAYS DU SUD QUI FAIT PREUVE D’UNE SOLIDARITÉ AGISSANTE VIA SES PROPRES MÉCANISMES D’ACCUEIL… EN ATTENDANT, L’EUROPE QUI FAIT GRAND ÉTALAGE DE SON « HUMANISME » SE CONTENTE DE GÉRER CES FLUX HUMAINS SELON SES PROPRES INTÉRÊTS. UN ACCUEIL SÉLECTIF EST DÉCIDÉ PAR BONN ALORS QUE LA FRANCE BATAILLE POUR DES QUOTAS. TOUT EN FAISANT ENDURER L’ENFER À CEUX QUI ONT OSÉ FRANCHIR LE RUBICON, COMME AU PAS DE CALAIS. LES ARMÉES SONT SOLLICITÉES AILLEURS QU’EN HONGRIE POUR ENDIGUER LES FLUX QUE LA TURQUIE LAISSE FILER POUR MIEUX (RE) NÉGOCIER SON RÔLE RÉGIONAL. CONTRE LE DÉBLOCAGE DE 2 MILLIARDS D’EUROS, ANKARA ÉTALE UNE FACTURE QUI REPRÉSENTE LE TRIPLE AU BAS MOT. AUTANT DIRE QUE LES DRAMES PERSISTERONT TANT QUE LA PAIX NE SERA PAS RESTAURÉE LÀ OÙ ELLE DOIT L’ÊTRE. LA LUTTE CONTRE LE TERRORISME DAECHIEN EST L’UNE DES FAÇADES QUI CACHE À PEINE LES APPÉTITS AIGUISÉS D’ACTEURS RÉGIONAUX QUI JOUENT AUX CASSANDRE. LE PHÉNOMÈNE MIGRATOIRE RELÈVE DÉSORMAIS DE LA GÉOPOLITIQUE ET DE SES COROLLAIRES FAITS DE LUTTES D’INFLUENCE. UN DOSSIER DES PLUS COMPLEXES AU REGARD DE LA GESTION PASSIONNELLE DE LA CHOSE MIGRATOIRE PAR CES TEMPS DE REPLI IDENTITAIRE OÙ LES SOUVERAINISTES PRÊTENT LEUR LIT AU FASCISME DANS SES PIRES FORMES. PEUT-ON DÉDOUANER UN OCCIDENT QUI PEINE À RÉGLER LE DOSSIER DES CHBANIS MAROCAINS ?
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ENTRETIEN ANIS BIROU EXPLIQUE LA POLITIQUE MIGRATOIRE DU MAROC
ENTRE RESPONSABILITÉ ET HUMANISME Par : A. Ben Driss
De quoi la nouvelle politique migratoire déployée par le Maroc est-elle le nom ? Une question rendue complexe à l’aune de la gestion des drames causés par les flux migratoires qui transcendent les frontières tout au long des côtes méditerranéennes, et bien ailleurs. Anis Birou, en charge du dossier, évoque dans cet entretien comment le Royaume tente de gérer, dans une dimension humaine, les diverses facettes d’un tel phénomène. Le Maroc qui fait partie des « couloirs migratoires » tente, avec ses partenaires, d’atténuer la somme des drames à l’origine de cette grande crise humanitaire qui marque le 3ème millénaire. PERSPECTIVES MED : PAR QUOI SE DISTINGUE LA NOUVELLE POLITIQUE MIGRATOIRE MISE EN BRANLE DEPUIS DEUX ANS ? ANIS BIROU : La nouvelle politique migratoire du Maroc apporte de nouvelles réponses aux enjeux stratégiques posés par la question de l’immigration, tant sur les plans humain, économique, culturel et social, qu’en terme de gouvernance. Elle prône le respect des droits de l’Homme et la lutte contre la traite des êtres humains. Cette politique se veut cohérente, globale, humaniste et responsable. Elle vise à assurer une meilleure intégration des immigrés et une meilleure gestion des flux migratoires. Elle s’inscrit dans le cadre des Hautes Orientations Royales, de la Constitution, des recommandations du Conseil National des Droits de l’Homme et des conventions internationales signées par le Maroc. Elle se base dans sa mise en œuvre sur une approche participative et inclusive. EN QUOI LA DIMENSION HUMAINE EST-ELLE PRISE EN COMPTE PAR LADITE POLITIQUE ? A.B: Il y a lieu de signaler que la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile est guidée dans
sa vision, dans ses objectifs et dans ses programmes d’actions par six principes directeurs dont le premier est l’approche humaniste qui vise à garantir le respect de la dignité humaine. Il s’agit en particulier de préserver le droit à la vie, parfois mis en péril lors des tentatives d’immigration illégale, d’éviter les traitements inhumains ou dégradants, de lutter contre la traite des être humains et d’offrir une chance aux migrants de refaire leur vie au Maroc. Ainsi, le Maroc, dans son engagement pour une approche humaniste dans sa politique d’immigration et d’asile, a tout d’abord mené une opération exceptionnelle de régularisation de la situation administrative des étrangers en séjour illégal au Royaume tout le long de l’année 2014. Il a mis en place une procédure d’examen des demandes d’asile, ouvert un chantier de mise à niveau du cadre législatif et réglementaire et mis en œuvre un plan sécuritaire pour la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains et de trafic des migrants. ON A SOUVENT REPROCHE A LADITE POLITIQUE DE NE PAS DISPOSER D’UNE ARMATURE
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ENTRETIEN été installée sous la présidence du Conseil National des Droits de l’Homme et qui avait recommandé la régularisation systématique des femmes et des enfants. Cette opération qui a connu l’enregistrement de 27.463 demandes a permis la régularisation de la situation de 68% des demandeurs soit 18.694 en attendant les résultats de l’examen des demandes non acceptées par la Commission Nationale des Recours.
LEGISLATIVE IDOINE. QU’ENVISAGEZ –VOUS POUR EN PARFAIRE L’ARCHITECTURE ? A.B: Un des 11 programmes d’action de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile est dédidé au « Cadre réglementaire et conventionnel ». Il regroupe des actions relatives à l’élaboration de nouvelles lois, à l’amendement de lois sectorielles en relation avec la migration et à la signature de nouvelles conventions internationales. Ainsi, un nouveau système législatif intégré a été conçu autour de trois projets de lois : un projet de loi relatif à la lutte contre la traite des êtres humains, adopté en Conseil de Gouvernement du 30 avril 2015 et transmis au Parlement pour adoption, un projet de loi relatif à l’asile, qui sera examiné en Conseil de Gouvernement prochainement, et un projet de loi relatif à la migration en phase légistique finale. LE PROCESSUS DE REGULARISATION DES MIGRANTS EST ENCORE LOIN D’ETRE ACHEVE. PENSEZ-VOUS QU’IL Y A DES LIMITES A CE PROCESSUS ? A.B: Le Maroc a lancé une opération execeptionnelle de régularisation de la situation administrative des étrangers en séjour illégal qui s’est déroulée sur toute l’année 2014 et qui s’est basée sur des critères les plus souples. Outre la participation de la société civile, ONG et associations de migrants, aux travaux des commissions locales chargées de l’examen des demandes de régularisation, une Commission Nationale des Recours a 22
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COMMENT SE PROFILE AUJOURD’HUI LA COOPERATION AVEC LES PAYS DE L’UNION EUROPEENNE EN MATIERE DE GESTION DES FLUX MIGRATOIRES ? Y’A-T-IL DES CONCORDANCES EN LA MATIERE ? A.B: Une Coopération rénovée dans le champs migratoire est l’un des principes directeurs sur lesquels repose la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile. Les domaines de coopération se sont élargis au niveau multilatéral, à travers la négociation de dispositifs de partenariat avec l’Union Européenne, les Nations Unies, l’Organisation Internationale des Migrations, etc. A titre d’exemple, le Partenariat Pour la Mobilité signé en 2013 témoigne de la volonté d’une collaboration étroite entre le Maroc, l’Union Européenne et ses états membres dans le domaine de la migration. Un accord de financement a été signé fin 2014 avec l’Union Européenne en vue de promouvoir l’intégration des migrants au Maroc dans les domaines de l’éducation, de la santé, de l’insertion professionnelle et d’appui à la femme migrante. De même, plusieurs pays européens apportent leur assistance technique ou financière dans la mise en œuvre de la Stratégie Nationale d’Immigration et d’Asile. QU’EN EST T-IL DES RAPPORTS AVEC LES PAYS EMETTEURS DE MIGRANTS ? A.B: Il y a lieu de souligner que l’opération execeptionnelle de régularisation de la situation administrative des étrangers en séjour illégal au Royaume a enregistrée des demandes de 116 pays différents avec une grande proportion d’origine syrienne et subsaharienne. Et là, il est à signaler l’implication et la coopération des ambassades des pays d’origine des migrants dans la sensibilisant et l’appui de leurs ressortissants dans la présentation de leurs demandes de régularisation. La lutte contre la migration illégale au niveau mondial rend nécessaire l’adoption d’une approche globale et solidaire vis-à-vis des pays d’origine des migrants, notamment l’Afrique Subsaharienne, basée sur le développement socio-économique de ces pays. De ce fait, le Maroc a élargi les domaines de coopération au niveau bilatéral avec les pays du Sud en
initiant des projets de co-développement pour renforcer la coopération Sud-Sud. Il a également proposé une Alliance Africaine pour la Migration et le Développement comme espace commun de réflexion et de coordination entre pays africains autour des questions imgratoires et leur synergie avec le développement. ESTIMEZ VOUS QUE LE ROYAUME FAIT DESORMAIS PARTIE INTEGRANTE DES COULOIRS MIGRATOIRES ? SI C’EST LE CAS, COMMENT GERER UNE TELLE PROBLEMATIQUE ? A.B: La situation géostratégique du Maroc fait de notre pays un carrefour des flux migratoires. Cependant, dans le cadre de la mise en œuvre de la nouvelle politique migratoire, des mesures ont été prises visant le renforcement de la gestion des frontières pour limiter les flux migratoires irréguliers et lutter contre le trafic des migrants. Il s’agit d’un renforcement de la surveillance et du contrôle de l’ensemble des zones frontalières, qui a été établit à travers, la mise en place de dispositifs technologiques modernisés ainsi que le déploiement des forces de l’ordre sur l’ensemble des postes frontaliers. Par ailleurs, les autorités compétentes ont mis en place un plan national sécuritaire pour la lutte contre les réseaux de la traite des êtres humains qui prennent de nouvelles formes en termes d’organisation et de relations avec d’autres réseaux criminels internationaux, et ce en coordination avec les services d’autres pays, notamment l’Espagne avec laquelle la coopération dans ce domaine est exemplaire. Ce plan se base sur la réduction des activités de ces réseaux ; le renforcement de la surveillance des plages afin de réduire les activités des réseaux de la migration illégale ; l’anticipation des activités des réseaux criminels, le secours des victimes et le démantèlement de ces réseaux ; l’encouragement du retour volontaire des migrants en situation illégale, en coopération avec les corps diplomatiques de leurs pays, dans des conditions qui respectent leurs droits et leur dignité. Grace à tous ces efforts, le Maroc est de moins en moins un couloir migratoire privilégié par les passeurs. QUE SUGGERE POUR VOUS LE PHENOMENE DE LA MIGRATION CLIMATIQUE ? LE MAROC DOIT-IL SE PREPARER DAVANTAGE POUR GERER PAREILS DEFIS QUI, HIER
ENCORE, ETAIENT ALEATOIRES ? A.B: Les conséquences directes et indirectes du changement climatique sur les écosystèmes à l’échelle mondiale conduisent les populations qui en sont victimes à choisir l’immigration vers des pays ou des régions qui leur serviraient de refuge tant vis-à-vis des aléas de ces changements que d’un point de vue économique. Une telle réalité pose avec acuité la question de la capacité des pouvoirs publics à contenir les vulnérabilités environnementales et l’efficacité des dispositifs juridiques existants, à réguler la question des migrations climatiques et à lui trouver des réponses adaptées. Aussi, vu le caractère transversal et complexe des problèmes liés aux migrations climatiques, il s’avère nécessaire de concevoir la gestion de ce phénomène dans une perspective large, qui va de la prévention voire de la
LA SITUATION GÉOSTRATÉGIQUE DU MAROC FAIT DE NOTRE PAYS UN CARREFOUR DES FLUX MIGRATOIRES. CEPENDANT, DES MESURES ONT ÉTÉ PRISES VISANT LE RENFORCEMENT DE LA GESTION DES FRONTIÈRES
prévision jusqu’à l’adaptation et ce, dans un cadre de coopération internationale. QUEL REGARD PORTEZ-VOUS SUR LE SOUTIEN DU TISSU ASSOCIATIF A LA POLITIQUE MIGRATOIRE DEPLOYEE PAR LE ROYAUME ? A.B: Nous considérons que le rôle de la société civile dans l’accompagnement des migrants est un élément déterminant pour la réussite de la politique migratoire. En effet, les associations sont des leviers essentiels aux processus d’inclusion des migrants et représentent un espace transitionnel dans lequel les compétences et les connaissances peuvent être valorisées, approfondies et actualisées afin de favoriser leur intégration. Dans ce sens, un mécanisme de concertation permanente avec les associations de migrants a été mis en place en vue de s’enquérir de leurs besoins et d’échanger sur les moyens pour les satisfaire. Un cadre de partenariat avec les ONG et associations œuvrant pour les migrants a également été instauré. Un appui financier du ministère chargé des Marocains Résidant à l’Etranger et des Affaires de la Migration et de ses partenaires institutionnels et internationaux est consacré aux activités des associations œuvrant dans le domaine de l’intégration des migrants et ce, dans le cade des appels à projets lancés annuellement dans les domaines de l’intégration économique et auto-emploi des migrants ; l’enseignement des langues et culture marocaines aux migrants ; l’intégration culturelle, éducative et sociale des migrants et leurs enfants ; le soutien aux groupes vulnérables des migrants ; les cours de soutien en faveur des enfants scolarisés des migrants ; l’assistance humanitaire. PERSPECTIVES MED
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DOSSIER MIGRATIONS LE DOSSIER POLITIQUE DES «CHIBANIS» MAROCAINS EN EUROPE
VRAI DÉBAT ET FAUX FUYANTS Par : Abdelkrim Belguendouz Universitaire à Rabat, chercheur spécialisé en migration
Diffusée le 7 octobre 2015 sur «Aljazeera», l’émission en arabe «Taht Al Mijhar», porte un titre d’une actualité brûlante sous le titre : «Braise de la retraite». Il s’agit d’une analyse comparative des droits et du vécu des retraités maghrébins immigrés dans des pays comme la France et les Pays-Bas et de retraités de certains pays européens ( France, Belgique, Italie) dans des pays comme le Maroc et la Tunisie. Les discriminations en termes de droits sont manifestes entre nationaux et étrangers et les gouvernements des pays d’origine restent passifs. Ils n’interviennent pas réellement pour défendre les droits sociaux de cette catégorie de citoyens aujourd’hui retraités, partis à la fleur de l’âge, à la demande des entreprises et des pouvoirs publics européens pour participer activement à la reconstruction de l’Europe, à son développement économique et à son bien-être social et culturel.
DISCRIMINATIONS ET INJUSTICES
Ainsi, le dossier des «chibanis» marocains notamment en France et dans d’autres pays européens reste entier. La dernière réunion à Paris ( 28 mai 2015) des premiers ministres marocain et français -Benkirane et Valls-et des ministres les accompagnant ( mais sans le ministre chargé des MRE), n’a débouché sur pratiquement rien de concret sur ce plan, dans la mesure où la partie marocaine ne s’est pas préparée à temps sur ce dossier. Dans la déclaration finale, la partie française n’a pas pris un engagement ferme de créer un groupe de travail
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commun, en fixant un délai précis, mais elle a seulement déclaré qu’elle «étudiera la proposition marocaine de création d’un groupe de travail relatif à la portabilité des droits sociaux des retraités marocains souhaitant s’installer durablement au Maroc». Or jusqu’à présent, la partie française au mieux,»réfléchit» encore à la question, n’étant pas encore convaincue de l’urgence en la matière, à savoir au niveau législatif et au plan concret, éliminer une discrimination et une injustice flagrantes, dont pâtissent du reste non seulement 175.000 Marocains en France, mais quelque 655.000 autres retraités étrangers dans l’hexagone, selon les statistiques fournies par Cap Sud MRE, une ONG qui mène depuis 2011 une action très active dans le plaidoyer sur ce terrain, en France et au Maroc, avec notamment un lobbying auprès des parlementaires et des partis politiques. Alors que depuis le 1er janvier 2014, les retraités français bénéficient de leur retraite et de la couverture médicale s’ils passent le reste de leur vie à l’étranger, au Maroc par exemple, les retraités marocains par contre et bien qu’ils aient cotisé de la même manière que les retraités français, ne peuvent retourner définitivement au Maroc, en bénéficiant de toutes les prestations.
En effet, restant à la différence des retraités français, soumis à la condition de résidence en France, en vertu du principe de «territorialité» de la protection sociale ( sauf pour les retraites contributives qui sont «exportables»), les retraités marocains ( et autres retraités étrangers) en France sont privés de tous leurs droits sociaux (assurance maladie, prestations non contributives de vieillesse ou d’invalidité, autres aides sociales etc...) ainsi que de se faire soigner avec couverture médicale, et de ne plus recevoir de quoi les faire vivre eux et leurs familles, s’ils s’absentent du territoire français pendant plus de 183 jours par an. Ils sont donc «assignés à résidence «, c’est à dire pratiquement tenus, contre leur gré, de séjourner en France une bonne partie de l’année (au moins six mois plus un jour) et ce, dans des conditions pénibles et difficiles.
TOURAINE, MAUVAIS TOUR Sur ce plan, une clarification s’impose à propos d’une mesure prise il y a quelques jours à peine par la ministre française des Affaires sociales, de la santé et des droits des femmes, qui touche également les retraités marocains en France, plus précisément ceux dont les retraites sont très faibles, dont le nombre avoisine quelque 15.000 MRE. Cette mesure qui a fait l’objet d’un décret paru au journal officiel du 8 octobre 2015, consiste en la substitution de l’ASPA ( Allocation de Solidarité des Personnes âgés ) et de l’allocation logement en revalorisation permettant ainsi une exportabilité de la retraite dans sa globalité. La mesure qui entrera en vigueur le 1er janvier 2016, est effectivement à saluer, mais la présentation qu’en fait le site officiel du ministère français des Affaires sociales est très discutable, lorsqu’il est mis en gros titre ce qui suit :»Marisol Touraine met en place une aide permettant aux migrants âgés de choisir librement leur résidence une fois à la retraite». On comprendrait par là que la condition de résidence est supprimée pour les «chibanis» qui pourront profiter de leur sécurité sociale en dehors de la France, au Maroc par exemple. Dans le corps du texte, la même idée est développée à deux reprises : l’objectif de cette mesure concernant les chibanis résidant en foyer de travailleurs migrants est de « leur permettre d’effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine et de se rapprocher de leur famille sans pour autant perdre leurs prestations.» Vers la fin de l’annonce, on y lit également : cette allocation qui constitue une «avancée essentielle»,»permettra à ces retraités étran-
gers qui résident en foyers de travailleurs migrants d’effectuer des séjours de longue durée dans leur pays d’origine auprès de leur famille sans perdre leurs prestations.» Or cette présentation officielle du côté français est ambiguë, voire trompeuse et il s’agit de la démystifier. Comme le souligne avec pertinence un communiqué en date du 12 octobre 2015 de l’Association CAP SUD MRE sous la plume de son président Salem Fkire,»il est important de signaler que cette nouvelle évolution ne concerne que 10% de nos retraités (MRE en France). Ladite retraite «complémentaire» ne sera donc plus soumise à l’obligation de résidence comme l’est actuellement la prestation d’assurance-vieillesse «retraite» ( L 311-7CSS). Nous voulons surtout signaler que 100% de nos retraités n’ont toujours pas la possibilité de profiter de leurs retraites de manière permanente dans leur pays d’origine, au risque de perdre leur prestation de sécurité sociale qui, elle, est soumise à l’obligation de résidence et ce,exclusivement pour les retraités immigrés en France» Cette situation constitue une discrimination et une injustice flagrantes qu’il s’agit d’éliminer notamment par l’intervention des responsables gouvernementaux marocains auprès de leurs homologues français. Encore une fois, la mesure du gouvernement français est certes un pas en avant, mais elle est à relativiser, car elle ne règle ni la prise en charge des soins médicaux à l’étranger ( ici le Maroc) qui est très importante pour les personnes âgées, tout comme elle ne lève nullement l’hypothèque de la conditionnalité de résidence. A quand cette avancée essentielle !?
DOUBLE LANGAGE Par ailleurs, dans le reportage diffusé par «Aljazeera», on entend, certes, une députée au parlement marocain mener un plaidoyer pour réaliser l’égalité des droits, mais appartenant à un groupe parlementaire de la majorité et en l’occurrence, le parti qui dirige la coalition gouvernementale à Rabat, on s’attend normalement à une certaine cohérence au niveau de l’action gouvernementale et à un suivi vigilant du côté parlementaire. Or on constate que très souvent, ce genre d’intervention médiatique est de la pure «com». Pour ce qui est du dossier des Marocains aux Pays-Bas, l’intervention de l’ambassadeur du Maroc à La Haye qui affirme catégoriquement que le contrôle au Maroc par des organismes néerlandais des biens au Maroc de MRE de Hollande a été supprimé depuis janvier 2014, est une affirmation en totale contradiction avec la réalité concrète sur le terrain. Des seg-
ments actifs de la société civile MRE aux PaysBas comme EMCEMO et la coordination des ONG marocaines pour La Défense des droits sociaux des Marocains des Pays-Bas ont, tout dernièrement encore lors d’un meeting organisé le 4 octobre 2015 à la mosquée bleue d’Amsterdam, et sur la base de témoignages et de documents précis, fustigé à nouveau la persistance de ces pratiques menées avec la connivence de représentants de certaines autorités marocaines locales. Voilà donc un reportage instructif de la chaine qatarie qui interpelle notamment les responsables marocains sur certains aspects du dossier des MRE. Au niveau médiatique même, les chaînes marocaines de télévision ne devraient-elles pas prendre des initiatives en réalisant des reportages et des débats pluriels et contradictoires sur le dossier multidimensionnel MRE, qui est pratiquement oublié, ou bien lors des bulletins d’information, traité pratiquement et uniquement selon la seule vision gouvernementale et celle d’autres organismes officiels !?
L’EXCEPTION MÉDI1 TV C’est à l’honneur de Médi1 TV d’avoir consacré le 1er octobre 2015, dans le cadre de l’émission «60 minutes pour comprendre», un numéro sur le thème des retraités marocains en Europe, avec notamment la présentation du livre de Youssef Hajji « Idbihi, parcours d’un Marocain 1968-1987». Il s’agit en l’occurrence de Mostafa Idbihi, ouvrier et syndicaliste chez Renault-Ile Seguin, qui a livré également son témoignage direct sur le plateau concernant les luttes ouvrières de l’époque, menées par les travailleurs marocains en France, avec la solidarité agissante des syndicats de classe comme le CGT et la CFDT, qui étaient alors combattues en particulier par le syndicat maison CFT, avec la connivence notamment des tristement célèbres «Amicales» marocaines... Les luttes des cheminots marocains de la SNCF, avec le dernier épisode judiciaire heureux, ont été aussi analysées, montrant comme sur d’autres dossiers des travailleurs marocains en France, l’absence d’action de réel soutien des institutions marocaines concernées. Dans «60 minutes pour comprendre», un reportage a bien fait état de la signature la veille (30 septembre 2015), entre les Pays-Bas et le Maroc d’un accord comportant de nouvelles dispositions en matière de sécurité sociale. L’information était donnée sur la base d’un communiqué du ministère néerlandais des affaires sociales, donnant plusieurs détails et qualifiant l’accord d’équilibré, alors qu’il a fallu attendre huit jours, le 8 octobre 2015, pour PERSPECTIVES MED
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DOSSIER MIGRATIONS qu’enfin la partie marocaine daigne publier un communiqué ministériel tripartite,plus optimiste encore que celui de La Haye.
UN DÉBAT ESQUIVÉ Mais il est fort regrettable que lors du débat proprement dit sur le plateau de Médi1 TV, le chargé de mission auprès du CCME et consultant auprès de ce conseil en matière de politique de la vieillesse, qui est pourtant un MRE des Pays-Bas, ait botté en touche, n’ayant fait aucun commentaire sur cette révision et ses retombées négatives sur les droits futurs des MRE en Hollande. En effet, la «loi sur le principe de résidence» à la place du pays de travail ou d’emploi, votée le 1e juillet 2012 et entrée en application à partir du 1er janvier 2013, a eu des incidences négatives non pas sur les retraités ayant travaillé et cotisé aux PaysBas et ayant choisi de s’installer au Maroc, mais sur les ayants droit des personnes décédées et qui sont restées ou sont retournées au Maroc. Il s’agit des pensions pour les survivant(e)s et des allocations familiales qui ne sont plus payeés au taux interne hollandais mais à un taux inférieur correspondant au coût de la vie dans le pays d’origine, fixé à moins de 40% pour le Maroc par le gouvernement néerlandais. Par ailleurs, dans le cadre des politiques néo-liberales, une autre mesure figurant dans le plan gouvernemental néerlandais, revient à mettre fin à l’exportation pure et simple des allocations familiales pour les enfants résidant hors de l’Union Européenne, à travers un texte de loi intitulé:
«Arrêt de l’exportation des allocations familiales.» Dans le but d’appliquer sa nouvelle législation, le gouvernement néerlandais avait proposé notamment au Maroc de réviser la convention de sécurité sociale de 1972 liant le Maroc aux Pays-Bas. Le gouvernement Benkirane avait, dans un premier temps trop tardé à réagir, puis après un semblant de «résistance», a cédé au diktat des Pays-Bas, à la lumière des résultats des «négociations» menées.
UNE SOUMISSION AUX PAYS-BAS
Si la justice néerlandaise a, en première instance et en appel, donné raison aux MRE de Hollande, obligeant les caisses néerlandaises à restituer aux intéressés les ponctions opérées depuis le début de 2013 au titre de la nouvelle loi, le gouvernement marocain a superbement ignoré cette jurisprudence et s’est soumis pour le futur, aux pressions du gouvernement néerlandais. En effet, certes, le droit à l’exportation des allocations familiales vers le Maroc sera maintenu aux nouveaux bénéficiaires dont le droit s’ouvre le 1er janvier 2016, mais ceci se fera seulement pour une période allant uniquement jusqu’au 31 décembre 2020. Par ailleurs d’ici fin 2019, une réduction cumulative de 10% se fera sur ces allocations pour atteindre la ponction de 40% annuelle, qui est le taux imposé au Maroc compte tenue de la différence en termes de coût de la vie,voir même selon La Haye, de «niveau de vie». De ce fait, on ne supprime pas une injustice en l’étalant dans le temps et en la programmant sur quatre ans. Cette manière de procéder est simplement un artifice pour faire passer la pilule. De plus, à partir du 1er janvier 2021, l’exportation des allocations familiales sera supprimée définitivement pour les nouveaux bénéficiaires de la sécurité sociale à partir du 1er janvier 2021. Il en est de même de la couverture médicale en matière de soins de santé qui sera, à partir de cette date, supprimée.
HORS LA LOI
C’est là une régression en totale contradiction avec l’article 16 de la Constitution de 2011 qui stipule notamment que «le Royaume du Maroc œuvre à la protection des droits et des intérêts légitimes des citoyennes et des citoyens marocains résidant à l’étranger, dans le respect du droit international (...)». On est loin également du respect du 26
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programme du gouvernement Benkirane adopté au parlement en janvier 2012, par lequel le gouvernement s’était engagé notamment sur le volet social du dossier des Marocains résidant à l’étranger, à œuvrer à la consolidation du dialogue et à la diversification des canaux de communication et de coopération avec les gouvernements des pays d’accueil, ainsi qu’à la révision et à l’élargissement des accords bilatéraux dans le domaine social, dans le sens bien entendu de l’approfondissement de ces droits et non de leur diminution... D’autant plus que, pour le cas des PaysBas, l’article 5 de la convention de sécurité sociale signée entre le Maroc et la Hollande le 14 février 1972, aurait dû constituer la pièce maîtresse entre les mains du gouvernement marocain pour s’opposer à cette remise en cause de droits acquis : «les prestations en espèces d’invalidité ou de survivants, les allocations au décès et les allocations familiales acquises au titre de la législation de l’une des parties contractantes, ne peuvent subir aucune réduction, ni modification, ni suspension, ni suppression, ni confiscation du fait que le bénéficiaire ou l’enfant réside sur le territoire de la partie contractante autre que celui où se trouve l’institution débitrice « De même, le paragraphe 1 de l’article 65 de l’Accord d’Association euro-marocain du 26 février 1996, qui lie le Maroc à l’UE dont les Pays-Bas font partie, interdit ce genre de discrimination en matière de sécurité sociale des ressortissants marocains par rapport aux ressortissants de l’Etat membre d’accueil. Par ailleurs, même si le texte n’est pas juridiquement contraignant, la Déclaration conjointe du 7 juin 2013,établissant un Partenariat de Mobilité entre le Royaume du Maroc et l’Union européenne et 9 de ses États membres, dont précisément les PaysBas, insiste au point 10 sur la nécessité de «préserver les droits de sécurité sociale des travailleurs marocains et des membres de leur famille (...) en veillant au respect des accords et conventions bilatéraux en matière de protection sociale», et au point 11, de «renforcer la protection et la portabilité des droits de sécurité sociale des travailleurs migrants marocains et des membres de leurs familles dans l’UE». Par conséquent, la révision de l’accord de sécurité sociale entre le Maroc et les PaysBas, n’aurait dû se faire que dans un sens protecteur ou même d’élargissement en matière de droits humains au sens large, et
non comme elle s’est opérée le 30 septembre 2015, dans un esprit de discrimination, d’érosion et de régression sociale.
ENGAGEMENTS NON TENUS
Pourtant, il y’a quelques mois encore, le gouvernement marocain soulignait «sa préoccupation» de l’intention des Pays-Bas d’annuler de manière unilatérale la convention de sécurité sociale signée en 1972 entre le Maroc et les Pays-Bas. Par la suite, les trois ministres marocains concernés ( Affaires étrangères , Emploi, MRE et affaires de la migration), n’avaient cessé de répéter par le biais de la presse et de la tribune du parlement marocain, que le Maroc avait dénoncé «vigoureusement» la décision unilatérale du gouvernement néerlandais et «son rejet total de cette décision aussi bien dans la forme que dans le fond», et que des décisions allaient être prises par Rabat en vue de «consolider la défense des intérêts , des acquis et des droits des Marocains en Hollande.» «Le Maroc n’est pas prêt à sacrifier les intérêts de ses ressortissants et céder sur les acquis réalisés en la matière «. Plus encore,»des actions seront envisagées sur le plan aussi bien politique que juridique», précisait alors un communiqué du ministère marocain des affaires étrangères à la suite d’une réunion tripartite des trois ministres concernés. Comme le demandait la société civile MRE aux Pays-Bas, en particulier EMCEMO et la Coordination des ONG marocaines contre la décision de remise en cause des allocations sociales aux Pays-Bas, le gouvernement marocain pouvait utiliser réellement ces cartes en suspendant notamment l’échange d’informations sur la criminalité transnationale et les échanges de détenus, la réadmission des «irréguliers», la collaboration avec des organismes néerlandais au Maroc qui cherchent à avoir des informations sur les biens détenus par les MRE de Hollande au Maroc, qui sont utilisés pour supprimer ( avec remboursement rétroactif !) les aides sociales... Or au lieu de tout cela, le trio ministériel a cédé de fait aux désideratas de la partie néerlandaise, en acceptant, même si elle est étalée sur 4 ans la réduction de 40% pour les nouveaux bénéficiaires de la sécurité sociale à partir du 1er janvier 2016, et en remettant totalement en cause, à partir du 1er janvier 2021, l’exportation des allocations familiales et la prise en charge des dépenses médicales au Maroc ! Ce recul inacceptable et irrecevable, n’est-il pas préjudiciable également aux intérêts légitimes des Marocains dans d’autres pays d’immigration, dont les gouvernements seraient tentés de réclamer de bénéficier du même «avantage comparatif» concédé par la partie marocaine au gouvernement néerlandais !?
ENJEUX STRATÉGIQUES
Par ailleurs, la suppression de l’exportation des allocations familiales constitue non seulement une régression que le gouvernement marocain n’aurait dû jamais accepter, mais elle renvoie à un autre enjeu, fondamentalement stratégique concernant l’avenir de la communauté marocaine résidant à l’étranger et le futur de ses liens avec le pays d’origine qu’est le Maroc. Dans cet esprit, et pour
justifier cette suppression, l’ambassade des Pays-Bas précisait le 27 janvier 2013 :»d’un point de vue d’intégration, il n’est pas souhaitable que certains gens décident de laisser des enfants -des citoyens néerlandais-au Maroc pour des raisons financières.Tôt ou tard, ces enfant vont rentrer aux Pays-Bas. Si à ce moment là, ils ne maîtrisent pas la langue néerlandaise, ils sont destinés à échouer dans leur vie publique.» Or à notre sens, les enfants concernés n’ont pas tous la nationalité néerlandaise.Par ailleurs, même s’ils l’ont, ils ne sont pas moins également marocains, et à ce titre, ils ont bien le droit de vivre au Maroc. De plus, pourquoi enlever aux parents marocains, ou marocco-néerlandais, la liberté d’avoir leurs enfants soit aux Pays-Bas, soit au Maroc? Tout comme il est inexact de dire que ce sont des raisons purement financières qui amènent des parents à laisser leurs enfants au Maroc, occultant par là, des raisons socio-culturelles. Ainsi, en cédant aux exigences néerlandaises, les responsables marocains ont ouvert une énorme brèche, celle de voir les nouvelles générations de marocains issues de l’immigration, être considérées par les pays d’immigration,uniquement comme citoyens hollandais, français,belges etc, et sans aucune attache patriotique avec le Maroc. En signant dans cet esprit les nouvelles modifications de l’accord de sécurité sociale avec les Pays-Bas, les responsables marocains contribuent désormais institutionnellement que le Maroc lui-même coupe de plus en plus et par divers biais, le lien ombilical avec ce qui ne devrait plus être considéré comme la communauté marocaine à l’étranger !!! Au total, la révision de l’accord de sécurité sociale entre le Maroc et les Pays-Bas, n’a nullement débouché sur un résultat «équilibré»comme le proclament les responsables des deux pays, permettant «la sauvegarde des intérêts de toutes les parties concernées». Si pour les deux pays, les responsables respectifs estiment que l’accord est «gagnant-gagnant», les Marocains des Pays-Bas -qui n’ont nullement été réellement consultés et encore moins impliqués-, sont au contraire les grands perdants. On comprend dés lors pourquoi, très en colère, le tissu associatif MRE en Hollande, a parlé notamment de «capitulation» du Maroc vis-à-vis des Pays-Bas, de «coup de poignard dans le dos» effectué par le gouvernement marocain à l’encontre des Marocains en Hollande et d’»accord mascarade». Par ailleurs, les recours qui sont actuellement à l’étude par cette société civile auprès notamment, des juridictions européennes et d’instances internationales, ne concernent pas uniquement les Pays-Bas, mais également le Maroc! PERSPECTIVES MED
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DOSSIER MIGRATIONS IMMIGRATION MAROCAINE :
DES « CHIBANIS » ET ASSIMILÉS Par : Abou Sarah
Le Maroc est devenu une terre d’accueil pour les migrants. Mais il reste aussi une terre d’émission, comme en témoigne le nombre de naturalisés établis à l’étranger, et tout particulièrement en France. Une lecture chiffrée du phénomène des «chibanis» et assimilés s’avère édifiante.
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epuis près de 70 ans, l’immigration marocaine en France est une composante essentielle de son tissu social et de son paysage démographique et économique. Entre la première génération ramenée pour reconstruire un pays meurtri par deux conflits mondiaux et les migrants d’aujourd’hui qui traversent les frontières de l’hexagone légalement ou de façon clandestine, le profil des migrants a radicalement changé. C’est ce que nous allons tenter de cerner brièvement alors que des centaines de milliers de marocains ont opté pour la nationalité française si bien qu’ils sortent désormais de cette catégorie de population. La France compte aujourd’hui quelque 5,4 millions d’immigrants , soit 8,5 % de la population métropolitaine. On est loin, très loin de l’invasion tant redoutée par une partie de la classe politico-médiatique qui brandit une mise à mort certaine de leur « France Judéo-chrétienne » et de « race blanche ». Visibles mais loin d’être majoritaires, les migrants originaires d’Afrique ne représentent que 40 % de ce flot migratoire soit à peine cinq points de plus que les migrants d’origine européenne.
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On est loin de l’exclusivité de cette dernière dans les flux migratoires entre la fin du XIX siècle et 1945. Et parce que la France est une terre d’accueil et d’enracinement de descendants d’immigrés en nombre, on estime cette deuxième génération à quelque 6,7 millions de personnes dont 2,2 millions issus de couples mixtes avec un seul parent immigré. Français par le droit du sang ou du sol, ils sont Français à part entière et non pas entièrement à part comme on le sous entend sans tabou. Mais à regarder de plus près, on note que la population maghrébine est largement majoritaire parmi les Africains puisque à eux seuls, l’Algérie, le Maroc et la Tunisie ont envoyé près de 70 % de ce flux. A l’évidence, l’Histoire, la proximité géographique entre les deux rives de la Méditerranées expliquent aisément cette prépondérance. Avec 650 000 immigrés, les Marocains toisent les effectifs de l’Afrique Noire, c’est dire l’importance de la communauté marocaine en France aux côtés de leurs voisins maghrébins. Ce sont les Trente Glorieuses en Europe qui ont initié ces flux alors que les rives Sud de la Médi-
terranée regorgent d’une main d’œuvre jeune et désœuvrée du fait d’économies locales exsangues. A cette époque l’émigration était quasi masculine et il a fallu attendre le début des années soixante-dix pour que la France change de politique migratoire avec deux grandes orientations. La première consiste en la fermeture des frontières pour une main d’œuvre non qualifiée, crise post guerre d’Octobre 1973 oblige, la seconde, elle, a autorisé le regroupement familial si bien que le flux de nouveaux arrivants ne s’est jamais tari avec l’arrivée des femmes et des enfants. Cette ouverture politique et sociale, incarnée, à l’époque, par une droite plus tolérante, a permis aux femmes d’être représentée dans les mêmes proportions que le sexe féminin dans la société française à savoir 51 % alors qu’elles ne représentaient que 44 % en 1968 !
de l’Union européenne ont un taux de chômage encore plus élevé (20,2 %) alors que celui des immigrés natifs d’un pays de l’Union européenne à 27 est identique à celui des non-immigrés (9,1 %). Pas étonnant de constater amèrement la démobilisation et même la défiance des jeunes des quartiers à forte majorité maghrébine face à l’école comme puissance motrice de l’ascenseur social.
SITUATION DURE…
En 2012, 2,8 millions d’immigrés âgés de 15 ans ou plus sont présents sur le marché du travail en France métropolitaine. Qu’ils exercent une activité professionnelle où qu’ils soient au chômage, ils représentent 10 % de la population active. Selon l’ISEE, Le taux d’activité des immigrés de 15 à 64 ans s’élève à 69 %, soit 3 points de moins que celui des non-immigrés. En effet, si les hommes immigrés sont plus souvent actifs que les autres (80 % contre 75 % pour les non-immigrés), le taux d’activité des femmes immigrées (58 %) est en revanche nettement inférieur à celui des femmes qui ne sont pas immigrées (68 %). Ces 10 points ne sont en réalité qu’une moyenne puisque seules 55 % des femmes immigrées originaires d’un pays hors Union européenne sont réellement actives. Les causes de cette sous-représentation sont multiples. La culture du pays d’origine en est la principale puisque la femme est réduite à sa fonction de mère de famille avec un taux de fécondité supérieur à la moyenne française: 2,97 enfants par femme. Pour ce qui du taux de chômage, il est assez parlant d’une société ou l’origine ethnique est un frein à l’embauche. En 2012, 16,9 % des immigrés étaient au chômage soit 8 points que la part des non immigrés : 9,1 %. La sous-qualification des immigrés et les emplois qu’ils occupent n’expliquent pas à eux seuls ce différentiel. En effet, l’écart est marqué chez les plus diplômés : le taux de chômage des immigrés diplômés de l’enseignement supérieur représente le double de celui de leurs homologues non-immigrés. Et quand on regarde de plus près la situation, les chiffres sont assez parlants pour se passer de tout commentaire. Les immigrés non originaires
ATTENTION, AMNÉSIQUES ! La France est le premier pays européen à avoir recours à une main d’œuvre étrangère pour combler son déficit démographique. Le pays, entré précocement dans la transition démographique, voit dès la fin du XIX siècle les générations de jeunes adultes se réduire. L’appel à l’immigration s’impose. Dès lors, cette dernière connaît un essor continu. Jusqu’en 1914, les immigrants sont originaires des pays frontaliers (Belgique et Italie). Leur nombre s’élève à 1 160 000 au recensement de 1911. Durant la Première Guerre Mondiale, ce sont 820 000 travailleurs des colonies qui sont employés sur le front ou dans les usines en métropole. Dans l’entre-deuxguerres, le patronat français a eu recours aux Polonais et Italiens qui s’installèrent massivement dans les bassins industriels et miniers de Nord et de l’Est de la France. En 1931, le pays comptait 2,9 millions d’immigrés, soit 6,9 % de la population totale. L’hexagone devient aussi la principale terre d’accueil des réfugiés politiques, Russes blancs, Arméniens, Italiens antifascistes, républicains espagnols etc ). Les besoins liés à la reconstruction puis les Trente Glorieuse entraine un appel massif à la main d’œuvre étrangère dont les provenances se diversifient. Ibériques et Maghrébins forment le plus gros du contingent. Rappelons à cet effet que l’Algérie était un département français d’où l’importance de cette migration. Au début des années 70, la France se ferme à l’immigration du travail mais autorise le regroupement familial. Moins importants, les flux des années 80 charrient des migrants de plusieurs provenances à leur tête les anciennes colonies de l’Afrique subsaharienne. A noter que la fermeture des frontières a eu pour conséquence logique la montée de l’immigration clandestine. Aujourd’hui, la France opte pour une immigration choisie. Ce sont les compétences non pourvues par le marché du travail qui sont les plus recherchées, et elles sont nombreuses qualifiée ou pas.
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DOSSIER MIGRATIONS
Alors si le retour au bled s’impose pour les uns, la tentation de traverser la Manche ou même l’Atlantique n’est plus un épiphénomène mais tend à se banaliser.
MAL LOTIS ? Cette expression qui date de 2004, émane du Haut Conseil de l’Intégration. Elle fait état de l’incurie de l’Etat français à gérer le sort de ces milliers de retraités qui ont donné la force de leur âge pour reconstruire ce pays. Si la reconnaissance par voie politique n’est point d’actualité, rendez-vous devant les tribunaux. Le verdict du Conseil prudhommal de Paris à l’encontre de la SNCF en dit long sur les injustices subies par cette foule silencieuse. Toujours est-il que la France compte aujourd’hui quelque 850 000 Chibanis dont 70 % sont d’origine maghrébine. 350 000 ont plus de 65 ans et ils sont nombreux à se battre encore et encore contre les discriminations. Embauchés avec des contrats de travail particuliers avec, à la clef, des droits à la retraite sous-estimés, ils sont en situation de souffrance voire de détresse sociale. Les procédures de naturalisation étant souvent ralenties par une administration tatillonne, ils ont beaucoup de mal à faire valoir leurs droits. A la lecture de ce tableau fort peu reluisant, que l’on soit femme, jeune diplômé ou chibani, les Marocains sont ils pour autant si mal lotis ? La réponse est loin être catégorique. De belles réussites, 30
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discrètes, sont à mettre sur les tableaux d’honneur des deux pays. Les Marocains ou français d’origine marocaine se fondent dans le paysage de leur pays d’accueil ou deuxième pays tout court. Structures socioprofessionnelles, comportement démographique, civisme, ils sont présents et actifs sans pour autant sentir le besoin d’être remuants.
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MAGHREB RENTREE POLITIQUE EN ALGÉRIE
RISQUE ÉLEVÉ… Par : L.M.
La rentrée politique reste particulièrement chaude en Algérie depuis que les opérations de purge ont touché, après l’armée, jusqu’au puissant DRS. Les partis de l’opposition à l’Assemblée populaire nationale (FFS, PT, FJD et Alliance de l’Algérie verte regroupant le MSP, El Islah et Ennahda) ont boycotté plénière consacrée à l’installation du bureau et des structures de l’APN. Une fronde qui s’ajoute à un ras-le-bol généralisé.
«
Trouvez-vous normal que le projet de loi de finances 2016 passe d’abord par l’APS (agence de presse) avant l’APN ? Nous avons boycotté la séance pour ne pas cautionner un bureau inutile » a laissé entendre le chef du groupe parlementaire du FFS. Démarche adoptée aussi par le parti dirigé par Louisa Hanoune. En 2012, le PT avait pris la décision de boycotter les structures de l’APN en raison de la fraude qui avait entaché les législatives de 2012. Du coup, c’est la légitimité de l’APN en prend un coup. Reste les partis islamistes qui voulu intégrer les structures de l’Assemblée sans que leur demande ne soit agréée par le président de l’APN. «Ould Khelifa a tout simplement piétiné le règlement intérieur. L’Alliance a été sanctionnée pour son choix de militer dans l’opposition. On ne
LA CLASSE POLITIQUE ALGÉRIENNE N’EST PLUS TÉTANISÉE FACE AU SYSTÈME. ELLE EXIGE LE NETTOYAGE DES ÉCURIES D’AUGIAS.
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veut pas de l’opposition comme contrepouvoir » a laisse-t-on entendre. «Le bureau de l’APN a un droit de regard sur les questions orales, sur les initiatives des députés et les projets de loi. Il ne veut pas d’une opposition qui risque de bloquer des projets chers au Président, comme celui de la révision de la Constitution», explique le député Benkhalef. Il y a lieu de signaler que la leader du PT, comptabilisée parmi les proches du Président Bouteflika, n’hésite plus à s’en prendre à l’oligarchie qui gouverne le pays. A Oran, Louisa Hanoune avait fustigé le comportement du ministre de l’Industrie et des Mines, Abdessalem Bouchouareb outre Ahmed Ouyahia. Devant les cadres de sa formation, elle a dénoncé «l’oligarchie qui se substitue à l’Etat ». Commentant l’actualité, la première responsable du PT a dénoncé la répression dont est victime la chaîne privée El Watan DZ dont la fermeture a été qualifiée de «dérive inacceptable». Sur sa lancée, elle a fustigé «le démantèlement de l’élite du DRS dont 13 généraux ont été spectaculairement limogés». «L’Etat est en danger car le DRS est sa colonne vertébrale. On a démantelé le DRS qui est pourtant le cerveau de la lutte antiterroriste, de la lutte
DU NOBEL POUR LA TUNISIE
ET DES QUESTIONS
En attendant le 10 décembre, à Oslo, là où la cérémonie de remise du Prix Nobel de la Paix au Quartet tunisien, les préparatifs vont bon train pour assurer le succès de la participation tunisienne. Une réunion de mise au point et de coordination s’est tenue à cet effet en vue de mettre à profit cette distinction au bénéfice de l’économie tunisienne en mettant à contribution les amis de la Tunisie. Le pouvoir tunisien s’y active à l’heure où des dissensions sont apparues au sein de « Nida Tounes », formation que dirige le Président Essebssi et qu’une fronde a été constatée au niveau de l’Exécutif que dirige Essid. En effet, en l’espace de quelques semaines,
contre le crime organisé et la corruption», déplore-t-elle. Mme Hanoune a pris la défense du général à la retraite Hocine Benhadid dont l’arrestation est qualifiée de «règlement de comptes». Le changement de ton et de posture est également perceptible au niveau de formations alliées. Après huit ans d’alliance et plus de 15 ans de cohabitation dans le même pouvoir, FLN et RND affichent publiquement leur désaccord. Le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, et son homologue du RND, Ahmed Ouyahia, échangent des « amabilités » on ne peut claires. Dans une course de leadership, chacun tente de s’affirmer comme la principale force sur une scène politique complètement verrouillée. A. Saadani, devenu secrétaire général du FLN grâce à la bénédiction du clan présidentiel, se montre d’une féroce animosité à l’égard d’A. Ouyahia, dont il soupçonne une volonté de briguer un mandat présidentiel. Depuis que ce dernier tente de mettre en valeur « l’Alliance présidentielle » qualifiée par son rival de «dangereuse» voire «caduque». Ce dernier affirme mordicus que «la période de transition» et «celle de l’accaparement total du pouvoir» sont dépassées. Le patron du RND ne digère toujours pas le refus du FLN d’accepter sa proposition de constituer, en compagnie du MPA et du TAJ, un nouveau bloc pour faire face à l’opposition. Des acteurs politiques estiment que la récente série de changements institutionnels qu’a connue le pays tendent à accroître le pouvoir de l’état-major de l’armée et de l’homme qui l’incarne. Certains prêtent à Gaïd Salah l’intention de briguer la magistrature suprême. L. Hanoune dénonce cette dérive et rejoint ainsi l’appel de Mouloud Hamrouche qui invite l’institution militaire à «briser la sacro-sainte règle de cooptation». Remettant ainsi au centre du débat national le rôle mais surtout la responsabilité de l’armée dans la persistance de l’impasse politique dans laquelle est coincé le pays, ou dans son concours jugé «indispensable» dans la sortie de crise.
deux ministres ont faussé compagnie au chef du gouvernement. D’abord, il y eut la démission du ministre en charge des relations avec le Parlement qui sera suivie, quelques jours plus tard, par le départ intempestif du ministre de la Justice. De tels « incidents » ont de quoi ternir quelque peu l’optimisme affiché par d’aucuns quant à la transition « coulante » en Tunisie depuis le départ de Ben Ali. Surtout que le lourd dossier des assassinats politiques n’a pas encore été définitivement clos, que la loi sur l’amnistie soulève un tollé et que la lutte contre le terrorisme a tendance à faire glisser le système vers une ère révolue. C’est d’ailleurs ce qui transparait à travers les bras de fer, répétitifs, engagés à l’’encontre de la centrale syndicale UGTT dont le rôle a été moteur dans la transition pacifique en Tunisie.
L’ONU S’ÉCHINE À DÉGAGER UNE SOLUTION DE PAIX
LA LIBYE À LA CROISÉE DES CHEMINS
Les libyens s’interrogent sur l’impact de l’annonce de la constitution d’un gouvernement d’union nationale, à Skhirat, par Bernardino Leon, l’envoyé spécial de l’ONU. La question est d’acuité à l’heure où le Parlement de Tobrouk (Al Karama) privilégie la poursuite du dialogue et qu’à Tripoli, les forces de Fajr Libya opposent leur veto à toute solution. En attendant, l’activisme des milices est loin de confiner à l’optimisme. En effet, le Parlement libyen reconnu par la communauté internationale, avait reporté sa décision sur l’offre de gouvernement d’union nationale proposée par l’émissaire de l’ONU pour trouver une issue politique au conflit. Quatre ans après la chute du régime Kadhafi, la Libye est en proie à un conflit opposant deux Parlements rivaux : le Congrès général national (CGN) basé à Tripoli, sous la coupe de la coalition des milices Fajr Libya, et un autre siégeant à Tobrouk, reconnu par la communauté internationale. B. Léon alimente l’espoir d’une normalisation de la situation à laquelle se greffe plusieurs milices djihadistes dont Daech. Début octobre, il a annoncé, depuis Skhirat la formation d’un gouvernement d’unité nationale. «Après une année d’efforts déployés dans ce processus avec plus de 150 personnalités libyennes représentant toutes les régions, le moment est enfin venu pour que nous puissions proposer la formation d’un gouvernement d’unité nationale», a-t-il déclaré. Le gouvernement libyen d’unité nationale en question sera présidé par Fayez El Sarraj et aura trois vice-Premiers ministres : Ahmad Meitig, Fathi El Mejbri et Moussa El Koni. Selon M. Leon, l’embuche est de parvenir à un consensus sur la liste du conseil présidentiel. PERSPECTIVES MED
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MAGHREB LE DRS CHANGE DE TÊTE
LA FIN D’UN RÈGNE SANS PARTAGE Par : Abedrrahmane Mekkaoui
La chute du général-major Mediene, patron de la puissante Direction du renseignement et de sécurité (DRS), soulève nombre d’interrogations sur l’avenir de l’Algérie et de ses relations avec son voisinage immédiat voire loin. Attendue pour d’aucuns et surprenante pour d’autres, cette destitution qui ne dit pas son nom préfigure-telle d’un déverrouillage du système ou d’un changement dans la médiocrité et le sang ?
L’
information qui a défrayé la chronique algérienne et au-delà est bien celle qui a été officialisée dimanche 13 septembre. Celui que les Algériens affublaient du titre grandiloquent du « Dieu de l’Algérie », « Rab Dzaïr » a quitté la citadelle de Dely Ibrahim (baptisée Dar Al-Ghoul). C’est un communiqué de la présidence algérienne qui l’a annoncé. Donnant crédit à l’information qui a été diffusée par le quotidien Annahar, connu pour être proche de Saïd Bouteflika, frère d’un Président absent de la scène depuis deux ans. Mais tout porte à croire que le Major Mediene, en froid avec le clan présidentiel, avait présenté sa démission bien avant le 13 septembre. Une « démission » qui serait le fruit de tractations engagées il y a quelques mois déjà par des services amis, CIA et DGSE pour ne pas les nommer. Souvenons-nous du séjour du patron des services américains John Brennan, à Alger, pour négocier le départ en toute sécurité et dans l’honneur de l’homme le plus secret et le plus invisible d’Alger. Séjour qui a été précédé, il faut le rappeler, d’une courte visite de 6 heures du Président François Hollande à Alger, en compagnie du patron des services français Bernard Bajolet. Des observa-
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PERSPECTIVES MED
teurs y voyaient déjà une médiation du même jus pour éviter à l’Algérie de sombrer dans l’anarchie et le chaos et sauvegarder les intérêts des puissances étrangères dans la région. Rien de plus normal puisque le général Toufik dispose d’une armée estimée à 5 millions de collaborateurs (indicateurs et correspondants). Outre le fait que le légendaire homme fort de l’Algérie dont l’iconographie est sujette à caution a cultivé le secret aussi bien sur sa date que sur son lieu de naissance. Le dénouement n’aura donc pas été une affaire purement algéro-algérienne. Et cela se conçoit au regard des périls qui entourent l’Algérie avec l’effondrement de la Libye (1200 milices s’y étripent), une Tunisie où officient les djihadiste de l’organisation Oqba Ibnou Nafii dans les monts Chaambi limitrophes et Daech à Oued Issouf et Sakiet Sidi Youssef, et un Sahel en proie à une déstabilisation plurielle, avec Ansar Eddine installés à El-Khalil (à 15 kilomètres de la frontière sud algérienne), les katibat El Mourabitoune retranchés dans les monts Tassili, le Hoggar et Ifoughas, Daech qui se consolide dans les camps de Tindouf et une AQMI encore active dans le Nord, à Tizi Ouzzou
et Djijel. Cela sans parler du précédent sanglant de Tighintourine, complexe gazier attaqué par les « Signataires par le sang » que dirige l’increvable Mokhtar Belmokhtar, alias le Borgne. Attaque qui aurait été à l’origine de l’AVC de Bouteflika. Car les services occidentaux (américains, britanniques, norvégiens et japonais) ont mis au jour l’implication directe du DRS dans la prise du complexe gazier par les djihadistes. Les écoutes obtenues grâce aux satellites espions qui survolaient la région ont permis de dévoiler les accointances entre les Signataires par le Sang et les services algériens. Le Général Toufik et ses adjoints Othmane Tartag, dit Bachir, Abdelkader Aït Aourabi, alias Hassan, étaient impliqués dans cette sanglante histoire qui a fait 39 victimes. Car le commando, composé de miliciens du Polisario et de Touaregs du Niger, était dirigé par Mohamed Lamine Bouchneb, lieutenant de Belmokhtar, ex-officier de la milice du Polisario, mort dans le carnage ordonné par les trois généraux du DRS. Cette action menée par les services algériens visait à torpiller l’opération Serval au Mali, à l’époque négociée avec Saïd Bouteflika, au Val De Grâce, à Paris. On comprend dès lors les raisons de cette purge profonde au sein du DRS. Un processus qui a démarré avec le rattachement de plusieurs départements du renseignement de l’armée à l‘état-major (le général Djebbar Mhanna), la dissolution du département de l’intervention et de sécurité (le général Ali Bendaoud), le démantèlement du service de l’information dirigé par le colonel Fawzi, la liquidation de la direction des affaires judiciaires (rattachée à la gendarmerie et commandée par le général), la mise à mort de la direction de l’intelligence économique(dirigée par le général Odahi), la relève du général de la garde présidentielle (Moulay Ahmed Meliani, remplacé par le général-major Benali Benali, chef de la 5ème région militaire de Constantine) et Djamel Lakhal Majdoub le général chargé de la sécurité présidentielle (remplacé par lé général Nacer Habchi)… L’effeuillage continuait avec le départ du général major Ahmed Boustila, à la tête de la gendarmerie et allait atteindre son point d’orgue avec le départ négocié du puissant Toufik. Ce sont pas moins de 50 officiers supérieurs du DRS qui ont été mis à la retraite avec
une fournée de plus de 100 généraux qui leur sont proches. Forçant ainsi le trait d’une purge de grande ampleur… Cette opération de dépouillage qui a pris le temps qu’il fallait profiterait au chef d’état-major et vice ministre de la Défense, Ahmed Gaïd Saleh, et à son entourage fait de jeunes généraux, au général Hamel, chef d’une Police à « la Ben Ali » forte de 200.000 agents et dotée de moyens considérables et au général-major Mennad Nouba, patron d’une gendarmerie composée de 136.000 hommes. D’après Ahmed Chouchan, chef du Mouvement des officiers algériens libres (MAOL), basé à Londres, cette restructuration menée par de jeunes généraux prépare « l’Algérie à une nouvelle époque de démocratie et de liberté en prévision d’élections présidentielles anticipées et l’ouverture du champ politique à la société civile ». Mais la partie est encore loin d’être gagnée, selon la même source, à cause de l’intervention de puissances étrangères et de la situation socio-économique catastrophique. L’Algérie profonde reste ébranlée par ce séisme malgré la préparation de longue date de l’opinion publique. Depuis 2002, Bouteflika avait voulu placer son homme de confiance
Noureddine Yazid Zerhouni comme adjoint de « l’homme invisible ». Mais le niet de Toufik l’avait dissuadé. D’autres moyens ont été tentés pour isoler « Rab Dzaïr », l’homme au cigare, en s’approchant davantage de la France et des USA, des majors des hydrocarbures (une loi avantageuse leur a été confectionnée sur mesure), des réseaux islamistes monarchistes, du FIS qui a changé d’identité et d’une classe moyenne qui s’est fortifiée à l’ombre de l’économie de rente. Le socle social n’étant consolidé qu’à coups de milliards de dollars distribués pour gagner la paix sociale. Depuis 1999, pas moins de 1.200 milliards de dollars ont ainsi été dilapidés pour corrompre la société. Même si la situation socio-économique est des plus inquiétantes en Algérie qui ploie sous le poids de la chute des cours pétroliers, un kilo de lentilles est écoulé à 1.200 dinars, il n’en reste pas moins que le déboulonnage de Toufik obnubile une bonne partie de l’opinion publique. Une opinion partagée entre ceux qui considèrent le général déchu comme un héro de la nation qui a sauvé l’Etat algérien durant la décennie noire (en bloquant la poussée du « péril vert ») et ceux qui voient en lui, comme en
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MAGHREB
IN AMENAS
LES « MARINES » ALGÉRIENS SPECTATEURS !
C’est bel et bien le DRS qui a piloté l’opération de récupération du site gazier de Tighentourine des mains des terroristes de Mokhtar Belmokhtar. Pourtant, la 6ème région militaire, composée de bataillons d’élites, les fameux « Bérets Noirs », formés par les Américains avec un budget de 2 milliards de dollars, n’a pas été sollicitée pour déloger les terroristes. Et le général Abderrazak Cherif, commandant de la région militaire, avait reçu l’ordre de Toufik de rester à l’écart de l’assaut livré par les hommes de la direction d’intervention et de sécurité, bras armé du DRS. L’attitude braquée du Général-major Toufik a semé le doute au sein de l’ANP. Particulièrement chez les chefs de régions militaires qui ont commencé à faire le forcing auprès du chef d’état-major Ahmed Gaïd Saleh et vice-ministre de la défense en vue de réduire la mainmise du DRS sur l’appareil militaire. Les officiers algériens allaient remettre en cause instructions, évaluations et autres rapports du renseignement. Ce qui a créé un schisme total entre l’état-major et le renseignement militaire. Notons que l’Algérie se singularise par le fait de disposer d’un chef d’état-major opérationnel qui cumule en même le temps les fonctions de vice-ministre de la Défense, avec de larges attributions. Une double casquette unique au monde. Ce qui conforte la thèse selon laquelle il serait le successeur de Bouteflika en cas de vacance du pouvoir d’ici à 2019, afin de garantir les intérêts du clan présidentiel et de ses alliés. 36
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ses lieutenants, des criminels de guerre passibles de la Cour martiale ou du tribunal militaire de Blida, comme ce qui s’est réalisé avec le général Hassan. D’autres songent même au Tribunal pénal international où plusieurs plaintes ont déjà été enregistrées. La situation reste explosive en Algérie et laisse présager, comme le soulignent nombre d’observateurs, une période transitoire ouverte sur toutes les hypothèses, y compris celle aventuriste d’un coup d’état militaire. Autant dire que le legs que le général Otman Tartag, alias Bachir, est appelé à gérer est des plus problématiques. La confiance dont il bénéficie auprès de l’entourage présidentiel a-t-elle été négociée pour permettre l’éclipse du puissant Toufik par l’homme qui le connaît le mieux et qui plus est béni par les services occidentaux, où est-ce que sa réhabilitation par Bouteflika, avec sa nomination au titre de conseiller à la sécurité, a-t-elle été réalisée dans l’objectif de trahir son ex-mentor et partant parfaire le processus de démantèlement de la meccano de Toufik ? L’histoire se chargera d’apporter son lot de vérités. En attendant, force est de rappeler que le général Othman Tartag, affublé du titre de « bombardier », est responsable, au même titre que son ex-patron, de plusieurs abus jugés comme crimes de guerre ou crimes contre l’humanité. L’assassinat en direct du Président Boudiaf, les attentats de Marrakech, à Atlas Asni, à l’origine de la fermeture de la frontière maroco-algérienne en 1994, la création du GIA de Abdelhak Laayaida, la liquidation des Moines de Tibéhrine, l’assassinat de gendarmes français à Alger, la création des centres de concentration de Oued Ennamouss et de Reggane, la disparition de 20.000 algériennes et algériens, le détournement du vol Air France desservant Alger-Marseille, les attentats du métro de Paris, l’assassinat de plusieurs opposants à l’étranger… Triste lot que celui-là. Vidé de toute substance, le DRS qui vit une restructuration profonde va-t-il réussir la gestion des dossiers chauds ? Sera-t-il englouti par la déferlante que constitue le renforcement de l’état-major, de la police et de la gendarmerie ? L’Hydre DRS sera-t-il ainsi abattu pour être remplacé par une agence d’intelligence moderne selon le schéma français ? Autant de questions en suspens… Toujours est-il opportun de rappeler que depuis la création du Comité d’organisation militaire (COM) en 1958, en passant par le MALG (ministère d’armement et de logistique que dirigeait le Colonel Boussouf, alias Si Mabrouk) et par la Sécurité militaire (SM), le service de renseignement algérien a toujours été géré par la logique des conflits et des alliances.
LE MYSTÉRIEUX « HOMME AU CIGARE »
MEDIENE PLONGE POUR DE BON !
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upposé né en 1939, Sétif où à Tizi Ouzzou, le général major Mohamed Lamine Mediene, alias Toufik, a démarré sa carrière en tant que sous-off mécanicien dans la marine marchande française. Ce qui lui a permis de débarquer à Tripoli, en 1958, pour rejoindre le maquis et l’armée de la frontière basée en Tunisie. D’un naturel taiseux et méfiant, le fondateur des renseignements algériens, le colonel Boussouf à la tête du MALG, l’envoya à Moscou pour parfaire ses connaissances à l’école du KGB d’où il sortira major de la première promotion baptisée « Tapis Rouge ». De retour, en 1961, à Saquiet Sidi Youssef, en Tunisie, il a été adopté comme homme de confiance de Boussouf et participer ainsi au premier coup d’Etat de 1962 mené contre le Gouvernement révolutionnaire provisoire algérien (GRPA). Comme il a été à l’origine de l’avortement du putsch mené par Aït Ahmed et Boudiaf, à la même époque, contre Ben Bella et Boumediene. En 1965, il participa au coup d’état contre Ben Bella et appuya le Colonel Kasdi Merbah qui allait le récompenser en le nommant commandant. En 1970, il a été nommé patron de la SM de la 2ème région militaire basée à Oran dont le chef était le Colonel Chadli Bendjedid. Les relations d’amitié et de confiance nouées dans l’Oranais, « l’Homme au Cigare » s’est attelé à étudier la frontière maroco-algérienne dans ses moindres recoins. D’Al Andaloussiate, célèbre plage où il résida jusqu’à Béchar, il a tissé des relations occultes avec les tribus. On prête à Mediene une parfaite connaissance des hommes et des tribus de la région. Plus, des contrebandiers assurent qu’il les appelaient par leurs noms, lui qui ambitionnait de noyauter ces réseaux transfrontaliers. A la même époque, le Maroc avait décelé le jeu perfide de ce lieutenant-colonel inconnu en mettant en face de lui un grand calibre du renseignement marocain, Hamid El Boukhari. Gouverneur d’Oujda, il a été chargé par Hassan II de prendre langue avec cet espion hors pair à qui on prête une parfaite connaissance des côtes allant de Mers El Kébir à Tanger. Homme-grenouille à ses heures perdues, il connut une promotion spectaculaire à l’annonce du décès de Houari Boumediene et de l’accès de Chadli à la tête de l’Etat algérien. Promu au grade de colonel major, Toufik a été chargé de la sécurité présidentielle avant d’être nommé patron de la sécurité de l’armée. Après un bref séjour en Libye, pour contrôler le colonel Kadhafi qui ne portait dans son cœur la nouvelle équipe à la tête de l’Algérie, lui qui réclamait la souveraineté libyenne sur une nappe phréatique de 152 milliards de m3 d’eau douce. En 1988, après les émeutes du 5 octobre, il a été rappelé pour remplacer le général Lekhal Ayat à la tête de la SM. Et c’est en 1990 qu’il allait trôner à la tête du DRS où plusieurs départements relevant de divers départements et services lui ont été rattachés. Le général major a survécu à six chefs d’Etat et 12 chefs de gouvernement et quadrillé l’Algérie de la petite commune de Borj Baji Mokhtar jusqu’à la présidence de la République. Rien ne bougeait sans sa bénédiction. D’où son titre de Rab Dzair. PERSPECTIVES MED
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MACHREK DÉCONFITURE ATLANTISTE AU PROCHE-ORIENT
LE SALUT VIENT-IL DE L’OURAL ? Par : L.M.
Tapis rouge pour Poutine à Damas et tapis rouge pour Assad à Moscou. La sainte alliance anti-terroriste est en marche au Proche-Orient où une multiplicité d’acteurs, grands et petits, s’agite. Ni Assad ne sera sacrifié, ni la Syrie ne s’effondrera. Le message russe est des plus clairs à l’heure où les acteurs de la pax americana, sans parler de leurs comparses, perdent pied dans la région. Une nouvelle donne est née.
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u Proche-Orient, voire bien au-delà, il y a un avant 30 septembre et un après. La Russie, légaliste à l’extrême, est intervenue ce jour-là militairement en Syrie. Chasseurs et bombardiers ont pris leurs marques dans l’espace aérien syrien pour y mener une guerre sans merci contre Daech et consorts. Faisant bénéficier l’armée syrienne, éprouvée par une guerre d’usure, d’une couverture aérienne efficace qui lui balise la voie pour la reconquête des territoires perdus sur plusieurs fronts. L’implication russe, il fallait s’y attendre, n’a pas bénéficié d’un accueil favorable auprès des divers acteurs régionaux impliqués et encore moins auprès des puissances occidentales, USA en tête. Mais le rouleau compresseur russe n’allait pas s’arrêter en si bon chemin pour sauver un de ses alliés historiques en Méditerranée. Des missiles ont été tirés de la Caspienne pour signifier l’intransigeance de Poutine. S’il est encore tôt de pouvoir tirer les conclusions d’une telle campagne militaire dont nombre d’oracles prédisent la défaite, comme en
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Afghanistan, il est notable de souligner que les frappes aériennes russes, soutenues, ont réussi à déstabiliser les réseaux terroristes qui s’accrochent à une bouée de sauvetage qui tarde à venir : les doter de missiles anti-aériens pour démultiplier leur force de nuisance. Arabie Saoudite et Turquie font la fine bouche face à la forte implication de Moscou sur le terrain syrien. Là où ils ne sont soutenus que par l’Iran et les miliciens du Hezbollah. Si l’on fait abstraction de la coordination des renseignements mise sur pieds à Bagdad pour en finir avec Daech. Une coordination qui pourrait s’élargir au regard des périls qui guettent les pays de la région, voire au-delà. Déjà, le Caire semble s’aligner sur la démarche russe qui prémunit la Syrie d’un effondrement dont les retombées seraient désastreuses. Et si les forces de l’OTAN ont décidé d’organiser au pied levé de grandes manœuvres militaires en face de la Syrie, la Russie n’a pas hésité non plus à se livrer à des exercices combinant toutes les forces simulant la reprise d’une ville tombée entre les mains de rebelles. L’Iran n’a pas tardé à suivre le même schéma. Face à cette tension, la Chine qui craint la contagion djihadiste, au même titre que la Russie, n’est pas absente de la région où ses unités navales, forte d’un porte-avions, y croisent. Si l’attention est focalisée aujourd’hui sur Daech (voire ci-après notre Dossier), il n’empêche. C’est nœud gordien de la problématique proche-orientale, la question de la Palestine, qui est évacué… Au risque d’un embrasement. Car les foyers de tension n’épargnent aucune région arabe de la Mer d’Oman à l’Atlantique. Serait-ce le prélude à un nouvel ordre arabe ? En tout cas, depuis que l’Iran a su jouer finement son dossier nucléaire, l’ordre perse (que d’aucuns assimilent à une offensive du chiisme contre le sunnisme) est en marche.
DJIHADISME RAMPANT
D’AL-QAIDA À DAECH
LES SENTIERS DE LA SAUVAGERIE
DAECH FAIT PEUR. ET AL-QAIDA ENCORE PLUS ! JAMAIS LE DJIHADISME ISLAMISTE N’A AUTANT BÉNÉFICIÉ DE L’INTÉRÊT DES SPÉCIALISTES DE TOUS CRINS ET DES APPRÉHENSIONS DES DIVERSES OFFICINES DU RENSEIGNEMENT. LA PEUR QUI S’EST INSTALLÉE AVEC LA PROCLAMATION DE « L’ETAT ISLAMIQUE » EN IRAK ET EN SYRIE, LE TOUT DOUBLÉ DE VICTOIRES MILITAIRES FOUDROYANTES, PARTICULIÈREMENT EN IRAK, TRANSCENDE LES FRONTIÈRES. CAR DAECH TENTE DE SUPPLANTER AL-QAIDA, ORGANISATION TERRORISTE LONGTEMPS APPARENTÉE À OUSSAMA BEN LADEN. ET DÉROULE UNE AUTRE PERCEPTION DU DJIHAD BASÉE SUR L’EXPANSION TERRITORIALE EN TERRE D’ISLAM… ET AILLEURS. SA FORCE TIENT EN L’ESSOR D’UN « DJIHADISME 2.0 » OÙ LES MÉDIAS CLASSIQUES ET, SURTOUT SOCIAUX, SONT EXPLOITÉS À UN DEGRÉ JAMAIS ÉGALÉ POUR S’ASSURER LA CONQUÊTE DES ESPRITS. LE LESSIVAGE DES CERVEAUX A PERMIS À CETTE ORGANISATION TERRORISTE DE DISPOSER D’UNE ARMÉE DE MERCENAIRES FORTEMENT ENCADRÉS PAR DES LÉGIONS ÉTRANGÈRES DE « COMBATTANTS DE LA LIBERTÉ » FORMÉS PAR LES SERVICES OCCIDENTAUX POUR BOUTER LES TROUPES SOVIÉTIQUES DE L’AFGHANISTAN. PASSÉE L’ÉPREUVE DES TALIBANS, ET LE REMAKE N’EST PAS SI ÉLOIGNÉ QUE CELA AVEC LA PRISE DE KUNDUZ, ET L’EXÉCUTION DE BEN LADEN AU PAKISTAN, AL-QAIDA S’EST ILLUSTRÉE SUR D’AUTRES THÉÂTRES QUE LES GROTTES DE TORA BORA. DU MACHREK AU MAGHREB, ELLE DISPUTE LA VEDETTE À DAECH. DANS CE DOSSIER, ABDERRAHMANE MEKKAOUI, SPÉCIALISTE DES AFFAIRES MILITAIRES ET STRATÉGIQUES, TENTE DE CERNER LE PHÉNOMÈNE DJIHADISTE ET SES IMPLICATIONS SUR LE TERRAIN. EN PASSANT AU CRIBLE DE L’ANALYSE SON VADE MECUM DIT « GESTION DE LA BARBARIE ». PERSPECTIVES MED
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MACHREK DAECH VS AL-QAIDA
STRATÉGIES ET RAPPORTS DE FORCE Al-Qaida, comme Daech, ont assis leur force de nuisance sur des bases idéologiques assez différentes mais ô combien connexes. Les deux organisations terroristes prônent la lutte contre les impies et les laquais des croisés en terre d’Islam. C’est le retour au Califat qui est ainsi promu par cette nébuleuse terroriste qui fait du chaos et de sa gestion le moyen pour asseoir sa suprématie. Qu’est ce qui différencie alors Al-Qaida et Daech ? Eclairages.
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ombre d’analystes ont tenté de comprendre les liens organiques et/ou organisationnels entre l’EI dirigée officiellement par Ibrahim Al Baghdadi et Al-Qaida que pilote Ayman Al-Zawahiri. Mais le dénominateur commun c’est le takfirisme et la violence. Chaque organisation a son projet spécifique. L’EI est une branche djihadiste développée par Abou Moussaab Zarkaoui, père spirituel d’Al-Baghdadi et fondateur de l’Organisation « Unicité et Djihad » qui cherchait depuis 2004 à s’éloigner d’Ayman Al Zawahiri en s’en prenant aux chiites en les considérant comme des alliés de l’Iran et des Etats Unis d’Amérique. Chose qu’Al-Qaida n’a jamais voulu faire. Il y a une radicalité qui distingue clairement les deux organisations à tel point que les militaires occidentaux considèrent Daech comme une façade politique et militaire fondée dans la prison Bouka près de Bassorah. C’est dans cette prison que les trois composantes que sont les ex-officiers supérieurs de l’armée irakienne démantelée par Washington, les membres du parti Baath, dissout, et la branche irakienne de la confrérie Nakchabandia (puissante dans tout le Moyen Orient, et surtout au sein de la communauté sunnite) ont scellé leur entente. Les projets de ces deux organisations salafistes sont diamétralement opposés. Stratégiquement, l’objectif ciblé par Daech est l’établissement du Califat d’Alep à Moussol, alors qu’Al Qaida, cible la lutte planétaire contre les croisés, les juifs et leurs alliés et la libération des terres de l’Islam. Sur le plan organisationnel, l’EI a corrigé les erreurs d’Al-Qaida qui sur-médiatisait ses actions, comme ce fut le cas lors des attentats du 11 septembre 2001. Tout en commettant l’erreur stratégique en focalisant l’attention des puissances occidentales sur le sanctuaire des djihadistes que représentait l’Afghanis40
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tan sous les Talibans. Pour les théoriciens de Daech, Aboubakr En-Naji, auteur présumé du « Management de la barbarie », Ben Laden cherchait plus à se venger de ses parrains qu’à l’établissement d’un Etat califal qui rassemble la Oumma. Quand au mode opératoire d’Al-Qaida, tel que décrit dans leur journal électronique « Inspire », il se base sur le choix des cibles par Al-Qaida centrale réfugiée chez les Talibans pakistanais. Cet état-major réduit composé d’anciens officiers des forces spéciales égyptiennes décide des grandes lignes du djihad. La planification et le lancement des opérations par Al-Qaida dans la Péninsule arabique (AQPA) qui dispose de moyens matériels et logistiques considérables. Et l’exécution des opérations est laissée à l’initiative de la cellule choisie ou d’un djihadiste solitaire. Ces cellules dormantes et autres «loups solitaires » sont généralement recrutés dans les prisons à travers la planète. Le mot d’ordre d’Al-Qaida pour ses sympathisants qui ont basculé de la criminalité vers le Djihad est de hisser la bannière du djihad en procédant à des assassinats ou à des attentats suicide. Comme d’habitude, le mode opératoire est connu comme la fabrication des engins explosifs, le listing des cibles à travers la planète comprenant des personnalités proches du pouvoir occidental. Pour A. Al Zawahiri, Al-Qaida doit désormais s’attaquer au cœur des croisés, l’Amérique en tête. De son côté, Ibrahim Ibn Hassan Assiri, chef militaire d’AQPA, a décrit comment l’attentat contre l’hebdo Charlie Hebdo a Paris a été organisé et le rôle de la prison dans la désignation des « loups solitaires » qui n’ont aucun lien avec la structure de commandement d’Al-Qaida dont une partie est réfugiée dans le Wasiristan et l’autre en Iran. Celle-ci consiste
«LE MANAGEMENT DE LA SAUVAGERIE», VÉRITABLE VADE MECUM DES DJIHADISTES 2.0 FAIT LE DISTINGO ENTRE AL-QAIDA ET DAECH
à inspirer et guider les « moudjahidines » avec ses publications retraçant les grandes lignes du djihad. Généralement, c’est la technique de « la grappe de raisins » qui est utilisée. Le meneur de toute cellule recrute dans sa propre famille ou dans son quartier ou dans le même pavillon carcéral. Plusieurs attentats en Europe et dans le sous-continent indien ont respecté ce mode opératoire. Dans tous les discours d’Ayman Al-Zawahiri, Al-Qaida privilégie des actions précises, ponctuelles, décentralisées et réalisées soit par d’anciens criminels convertis au djihad et sans rapport avec le commandement, soit par des cellules dormantes dirigées par la nébuleuse takfiriste. Daech dispose quant à lui d’un noyau dur
aguerri et expérimenté avec un commandement décentralisé, autonome et disposant de moyens logistiques et financiers. L‘EI combine les opérations militaires classiques aux techniques de la guérilla dans l’ensemble des territoires qui ont prêté allégeance au Calife Al-Baghdadi. En se focalisant sur la zone Mossoul-Alep, Daech oriente ses combattants sur la Wilaya de la Libye, considérée comme son foyer de projection sur le Maghreb, l’Afrique et l’Europe. Ce qui est très inquiétant est que l’EI considère tous les groupes affiliés à Al-Qaida sont des apostats à combattre au même degré que les refuzniks chiites. Dans ce rapport de force inégal entre les deux mouvements, c’est l’appel à l’unité djihadiste lancé par Al-Zawahiri, surtout en Irak et en Syrie, qui en fixe les axes importants : l’arrêt des combats entre groupes rivaux, surtout entre Daech, le Front al Nosra, Ahrar Ac-Cham et l’Armée de Mohamed, la cessation des campagnes de propagande de la négation réciproque, la création d’un tribunal religieux indépendant pour aplanir les dissensions internes, une amnistie générale et la libération des djihadistes emprisonnés de part et d’autre et une collaboration logistique. Al-Qaida qui est une organisation secrète et sélective perd du terrain au profit de Daech qui est attractif, riche et moins rigoureux sur le plan religieux. Le rapprochement entre Américains et Russes poussera-t-il les deux mouvements djihadistes à s’allier au lieu de s’entretuer contre ce qu’ils considèrent « croisade contre l’islam » ? Toute union de ces deux structures serait fatale et agirait comme un facteur démultiplicateur de la poussée takfiriste au-delà de l’espace arabo-musulman. Pour bien comprendre la genèse de daeche et d’Al-Qaida, il faut étudier en profondeur leurs publications officielles que l’on retrouve dans les revues électroniques Dabiq (*) et Inspire. Car cela permet de connaître la physionomie de l’Etat islamique, ses objectifs, son projet et ses stratèges, et particulièrement Abou Mossaab Al-Souri. Propagande et discours de l’EI sont plein d’enseignements. Daech est passé en l’espace de quelques mois après le déclenchement du « Printemps arabe » d’un groupe ultra-minoritaire présent dans les provinces d’Al-Anbar, Salaheddine et Ninive à une véritable armée avec un commandement qui planifie ses opérations contre deux armées (irakienne et syrienne) et une coalition de 60 pays auxquels s’ajoute la Russie, l’Iran et le Hezbollah libanais. Daech est devenu bel et bien un acteur majeur sur les scènes moyen-orientale, maghrébine, africaine et caucasienne. La cause de cette expansion rapide et spectaculaire s’explique par un ensemble d’évènements
favorables, notamment l’effondrement des gouvernements irakien et syrien. La majorité des combattants et commandants de Daech sont issus principalement de l’Irak où ils avaient pris par à la guerre contre l’Iran durant 8 ans à laquelle succéda le combat contre les troupes US et britanniques après la guerre d’occupation de 2003. Plusieurs syriens, dont le fondateur du Front Al-Nosra, Mohamed Al Joulani, ont pris part à la lutte contre l’occupation de l’Irak. D’autres circonstances, moins connues, ont favorisé l’essor de Daech qui a tiré les leçons des échecs passés du djihadisme pour améliorer sa stratégie pour la rendre plus redoutable. Le commandement de Daech n’est point composé d’apprentis sorciers. Il trace des plans élaborés par des stratèges aguerris et expérimentés surtout dans les domaines du renseignement et des finances. Le plus connu parmi ces stratèges est le syrien Abou Moussab Al-Soury, ancien afghan arabe, considéré par les Américains comme un homme dur et très intelligent. Un vrai « intellectuel » qui a mâché l’histoire militaire internationale ayant gagné une place de choix auprès de Ben Laden et de son successeur Al-Zawahiri. Sa vie djihadiste revient au soulèvement des Frères Musulmans en Syrie et son écrasement dans le sang en février 1982 sous le régime de Hafez Al Assad. Depuis cette défaite, Abou Moussaab a multiplié analyses et réflexion et mis en relief ce qu’il appelle « les 17 leçons amères ». Il conseille à l’EI de ne pas tomber dans l’erreur fatale des Frères Musulmans qui avaient occulté la conception de leur stratégie avant de mener la rébellion. La défaillance en matière de communication et de propagande a fait que les objectifs idéologiques restaient inconnus. Eviter de compter sur le soutien extérieur en développant des ressources propres. Les djihadistes du reste du monde étant considérés comme des sympathisants «Al-Ansar », chargés de missions secondaires. Ce stratège militaire recommande de ne pas suivre le modèle de recrutement de masse en s’appuyant sur des djihadistes d’élite. Ce qui explique la demande en djihadistes Ouzbeks, Tadjiks, tchéchènes et autres Ouïgours. Il conseille de mener des actions terroristes et des opérations de guérilla au lieu de mener des guerres d’usure contre les armées irakienne et syrienne. C’est un véritable projet politico-militaire global, solide et complet qui est ainsi promu par Daech. Ce qui rend difficile toute tâche de remise en cause d’une idéologie conquérante. L’analyse de la communication de Daech montre à quel point les slogans de l’oppression et de l’humiliation dont souffrent les PERSPECTIVES MED
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MACHREK
musulmans à travers le monde, sans limites de frontières, avec à la clé la promesse de la création d’un Etat idéal à même de sortir la communauté de la négligence et de l’obscurité. Le temps est venu, d’après Daech, pour le redressement. D’après Dabiq, tout musulman qui rejoint les rangs de la nébuleuse djihadiste sera maître, honoré, vénéré, « la tête haute et la dignité préservée ». La guerre en cours en Syrie et en Irak, ainsi que dans les autres Wilayas d’Afrique et d’Asie, est une réédition des temps glorieux du Salaf de l’Islam. Même les échecs de l’EI sont comparés aux échecs du prophète qui fut obligé de quitter la Mecque pour se réfugier à Médine, cela sans parler de la bataille d’Ouhoud. La cruauté et la terreur est un outil et non pas une fin en soi. Elles sont même considérées comme légitimes. En résumé, une stratégie de terreur qui reflète la vérité des textes coraniques et de la Sunna et qui vise la conquête du pouvoir en trois phases, comme l’a souligné l’autre stratège de Daech, Abou Bakr En Naji, dans son livre « le management de la barbarie ». Selon ce penseur, les Moudjahidines doivent s’attaquer aux centres névralgiques et sensibles de quelques pays afin d’obliger les Etats en place à y concentrer leurs forces, ce qui leur facilitera leur établissement en zones périphériques. Ce processus poussera les régimes combattus à multiplier les opérations de répression pour reprendre le contrôle du terrain perdu. La deuxième étape, d’après ce théoricien qui a servi dans les forces spéciales égyptiennes, consiste en la barbarie où la violence arrivera à un degré tel que les populations se détourneraient des Etats pour rallier les rangs des djihadistes pour rétablir l’ordre et la paix. La moitié de l’Irak et de la Syrie représente des laboratoires à ciel ouvert. L’ultime phase est la propagation de l’ordre par l’installation d’un califat musulman, comme ce fut le cas pour le système taliban en Afghanistan. Les stratèges de Daech ne considèrent pas la deuxième étape du désordre comme de la violence
LA BARBARIE EST À LA BASE DE L’EXPANSION DE LA DOMINATION DJIHADISTE.
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gratuite mais plutôt comme un passage obligé vers la victoire. Abou Bakr En-Naji prône « la mort ou le califat», contrairement à Al-Qaida qui revendique « la victoire ou le martyre ». Par contre, les deux groupes djihadistes ont des convergences en matière de rejet des systèmes démocratiques, du nationalisme, du communisme et de l’Occident. Mais ils ne partagent pas souvent ni la même stratégie, ni les mêmes objectifs. Daech mène une guerre d’attraction massive tandis qu’Al Qaida réalise des opérations sensationnelles et publicitaires. Contrairement au djihad centralisé et territorialisé, le djihad universalisé et délocalisé, avec un islam rigoriste, comme base au djihad international, les bastions contrôlés par Daech où règne l’ordre est appelé « Club Med du Djihad » et multiplie les appels à tous les musulmans d’accourir vers le Califat. Daech a un projet d’Etat là où Al-Qaida n’en a pas. Voilà pourquoi l’EI compte s’installer, résolument, dans la durée. Si les Maghrébins son invités à rejoindre ses bastions de Syrthe et de Derna, les cadres supérieurs sont priés, eux, d’émigrer vers Mossoul ou Raqqa. Les Jound Al Khilafa, éradiqués à El Bouira, en Algérie, et à Essaouira, au Maroc, sont l’œuvre de quelques émirs algériens et marocains devant servir à affaiblir les Etats maghrébins considérés comme des alliés de l’Occident, cet ennemi juré. Il va sans dire que face à une telle idéologie qui fait l’apologie de la barbarie, avec plus ou moins de nuances pour appâter un maximum de « soldats du djihad », les services de renseignement qui s’y trouvent confrontés doivent faire preuve d’une très grande vigilance dans le traitement des dossiers djihadistes comme dans la traque des « fous de Dieu ». La maîtrise du phénomène doit se faire dans le respect des valeurs universelles de la démocratie (une manière comme une autre pour «déconstruire » les thèses de la violence au nom de Dieu) et non plus à l’aune de la seule logique répressive. Un dosage subtil est à trouver dans le cadre de la traque généralisée des djihadistes. Ce qui n’exclue en rien l’effort qui doit être mené tambour battant en matière d’exégèse pour saper les fondements d’une pensée kamikaze relayée par les médias, classiques comme sociaux, pour «gérer la barbarie ». La lutte contre le djihadisme se trouve complexifiée en ce sens qu’elle incite à faire réagir tous les ressorts de la société pour que la greffe terroriste soit rejetée. En un, comme en mille mots, il s’agira d’opposer un projet de société fédérateur aux apprentis sorciers qui décontextualisent la révélation pour servir de louches desseins faits d’apologie de la mort et de la destruction totale du legs d’une humanité plurielle avec, comme prime, un « djihad sexuel »… - Dabiq est le nom d’une petite ville au Nord de la Syrie qui, selon le Coran et la Sunna, servira de théâtre d’une guerre finale, prélude à l’apocalypse. Rien de plus normal à ce que le site d’info qui s’y rapporte soit logé en… Israël!
MACHREK DU KAMIKAZE AU LOUP SOLITAIRE
LA RADICALISATION EN MARCHE Par : A. Mekkaoui
En général, on désigne par « Loup solitaire » toute personne isolée qui se livre à un ou plusieurs actes de violence qui confinent aux actes « terroristes ». Pour cerner ce phénomène et tenter d’en appréhender le fonctionnement, des études ont été menées dans le but d’éradiquer, dans la mesure du possible, tout passage à l’acte.
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arginal avant les années 1990, le phénomène des tueurs solitaires a tendance à se développer depuis ces dernières années. « Loup solitaire » reste une expression par trop réductrice. D’après les observations faites aux EtatsUnis d’Amérique, là où il y eut le plus d’attaques de ce genre, quatre catégories d’individus répondent à cette typologie de terroristes. Les « solitaires » qui n’entretiennent pas de contact avec une organisation terroriste si l’on excepte le recours aux sites djihadistes sur le net et sans liaison avec des activistes via les réseaux sociaux ou d’autres moyens de communication. Les cas qui répondent à cette définition sont ceux de Man Haron Monis, ancien chiite iranien converti au sunnisme radical, auteur en décembre 2014, de la prise d’otages du café Lindt de Sydney qui s’est terminée tragiquement (trois morts) et de Bertrand « Biläl» Nzohabonano, qui a attaqué un commissariat à Joué-Lès-Tours (trois blessés et le suspect abattu par la police). L’étudiant américain d’origine iranienne Mohammad Reza Taheri qui a précipité son tout terrain dans la foule de l’Université de Caroline du Nord de ChapelHill en 2006 pour « venger la mort de musulmans de par le monde » en est aussi un exemple. Quant aux véritables « loups solitaires », ils entre-
tiennent, eux, des contacts avec des activistes, essentiellement via les réseaux sociaux. Il en va ainsi pour le major Nidal Malik Hassan, responsable du massacre de Fort Hood (13 morts, 30 blessés) en 2009, en contact régulier avec le prêcheur américain d’origine yéménite Anwar Al Awlaki. Il l’avait rencontré alors que ce dernier occupait les fonctions de recteur de la mosquée Dar al-Hijrah de Falls Church, dans l’Etat de Washington. Impliqué dans les attentats du 11 septembre 2001 (plusieurs des kamikazes fréquentaient sa mosquée), il est parvenu à fuir les Etats-Unis en 2002 pour le Yémen. En 2006, il a commencé à officier sur le web pour le compte d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQAP), affilié à Al-Qaida « canal historique ». Sa mort dans une frappe de drone « piloté » par la CIA, le 30 septembre 2011, a interrompu ses prêches sans pour autant empêcher ses discours de circuler sur la toile. Le cas des frères Dkokhar et Tamerlan Tsarnaev, d’origine daghestanaise, auteurs de l’attentat dirigé contre le marathon de Boston, le 15 avril 2013 intègre la catégorie des « meutes de loups ». Il s’agit de groupuscules qui s’auto radicalisent mutuellement. John Allen Muhammad né Williams et Lee Malvo, qui ont tué 10 personnes au hasard en 2002 avec un fusil à lunette depuis le coffre aménagé d’une limousine en font partie. John Allen Muhammad, vétéran de la
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première guerre du Golfe, comptait parmi les victimes du « syndrome de la guerre du Golfe ». Il avait aussiconnu deux divorces et des déboires professionnels (carrière ratée dans l’armée puis deux échecs dans le civil). Il a été exécuté en 2009. Son compagnon qu’il considérait un peu comme son fils, mineur au moment des faits, a écopé de six condamnations à perpétuité sans possibilité de réduction de peine. Il semble que l’intention des deux tueurs était d’exiger une rançon de la part du gouvernement américain pour ensuite financer le recrutement d’adeptes qui auraient déclenché d’autres tueries aux Etats-Unis. Quant aux « attaquants solitaires », il s’agit d’individus directement activés par la hiérarchie d’une organisation terroriste avec laquelle ils entretiennent volontairement plus de contact par souci de clandestinité. Ils n’entrent alors plus vraiment dans la catégorie des « loups solitaires », mais dans celle des « activistes télécommandés». En l’état actuel des enquêtes, Mohammed Merah et Medhi Nemouche, ayant eu des contacts directs avec des djihadistes - le premier au Pakistan avec Al-Qaida « canal historique », le deuxième en Syrie avec Daesh - semblent entrer dans cette catégorie. Toutefois, aucune opération précise n’avait été programmée, leurs mentors leur laissant décider des modalités d’exécution de leurs crimes. Les victimes n’étaient pas choisies au hasard : il s’agissait soit de militaires, soit de membres de la communauté juive. Globalement, les returnees, ceux qui reviennent d’une terre de djihad, sont des «attaquants solitaires » en puissance même si, heureusement, tous ne passeront pas à l’action. Il y aurait une grande différence entre les activistes agissant isolément et ceux qui vont mener le djihad à l’étranger. Les premiers présenteraient souvent une pathologie psychiatrique ainsi qu’une inaptitude à la socialisation. Ainsi, le passé de ces individus a révélé qu’ils se mettaient volontairement à l’écart, que beaucoup avaient été les témoins - et parfois les ac44
PERSPECTIVES MED
teurs - de crises familiales et qu’ils étaient souvent confrontés au chômage. Certains faisaient usage de drogue quand ils ne participaient pas directement à son trafic. Tout cela provoque des désordres psychologiques importants; ainsi beaucoup sont dépressifs et certains présentent des caractères obsessionnels-compulsifs. Les deux « conducteurs fous » qui ont percuté volontairement la foule à Dijon et à Nantes peu avant Noël 2014 l’illustrent parfaitement. Celui de Dijon était passé 147 fois en hôpital psychiatrique au cours des quatre années précédentes. Quant à celui de Nantes, en dehors du fait qu’il avait1,8 gramme d’alcool/litre de sang (quatre fois la dose minimale tolérée), il avait laissé un carnet dans lequel il exprimait sa «haine de la société [...], le risque d’être tué par les servicessecrets [...], le dénigrement de sa famille sur internet ». Il convient aussi de prendre en compte l’effet d’entraînement provoqué par le mimétisme médiatique. Un acte terroriste qui tourne en boucle sur les chaînes de télévision peut donner le courage à des personnes isolées de passer à l’action. Ainsi, la méthode qui consiste à faucher des passants avec un véhicule, prônée par Daesh, a été employée à plusieurs reprises en Israël et deux fois au Canada à l’automne 2014. L’usage d’armes blanches comme à Joué-lès-Tours avait déjà eu lieu en mai 2013 contre un soldat patrouillant dans le cadre du plan Vigipirate dans la gare RER de la Défense et, deux jours auparavant, deux individus avaient assassiné un militaire britannique de la même manière à Londres. L’idéologie (dans le cas des islamistes, l’interprétation maximaliste du salafisme djihadiste guerrier) n’est pas, dans la plupart des cas, l’élément déclencheur du passage à l’acte. Elle n’en n’est que le prétexte avancé pour le justifier. C’est une sorte d’«idéologie de la validation » qui permet de transférer toutes les frustrations personnelles dans la transgression des règles. Les mouvements islamiques radicaux ont
toujours tenté de profiter de ce facteur pour enrôler de nouveaux activistes. Le discours consiste à affirmer que l’islam est le seul à même de résoudre les problèmes personnels de leurs futurs adeptes tout en satisfaisant leur besoin de vengeance visà-vis de ce qu’ils ressentent comme étant une injustice. Il est fait appel à l’esprit de compassion en montrant les « horreurs » que subissent les populations musulmanes de par le monde. La théorie du complot est aussi largement répandue avec, en particulier la diffusion des Protocoles des Sages de Sion[1] et l’insinuation que les attaques du 11 septembre 2001[2] ont été commises par la CIA et le Mossad... L’ennemi est toujours désigné clairement: les « croisés » qui sont des « idolâtres car ils adorent la croix et attribuent un enfant au Seigneur des cieux et de la terre », les juifs, qui sont les « agresseurs », et les « apostats» qui sont des traîtres à l’islam[3]. Ces discours connaissent un grand retentissement auprès de certains Français qui n’hésitent pas à déclarer sur Tweeter : « nous continuerons à frapper vos civils comme vous le faites dans nos pays en Irak ou en Syrie. L’islam se réveille malgré vous ». Al-Qaida « canal historique » a tout d’abord utilisé des agents recruteurs que l’on pouvait rencontrer dans des mosquées, des écoles coraniques, des clubs de sport, des associations, etc. Puis, la nébuleuse, diminuée par des années de luttes, s’est servie du net qui présente l’avantage de pouvoir toucher des populations (majoritairement jeunes) bien plus importantes sans grands risques pour les recruteurs. Un des plus célèbre a été Anwar Al Awlaqi. En dehors des réseaux sociaux, il utilisait une revue en ligne dénommée Inspire. Cette dernière offrait encore une vision « journalistique » du djihad et détaillait des recettes de terrorisme et de guérilla. Le premier numéro comportait un article intitulé « Comment fabriquer une bombe dans la cuisine de votre maman », ce qui a permis aux frères Tsarnaev de confectionner un engin explosif improvisé dans une cocotte-minute. Dans un numéro d’Inspire, le cheikh Nasser
bin Ali al-Ansi d’Al-Qaida dans la péninsule arabique (AQAP) parle sans détour: « les lions d’Allah qui sont présents partout de par le monde - certains les appellent les « loups solitaires » - doivent savoir qu’ils sont le pire des cauchemars de l’Ouest. Ainsi, ne sous-estimez pas vos opérations. Ne minimisez pas votre djihad ». En outre, la revue Inspire désigne les grandes compagnies aériennes occidentales comme des objectifs prioritaires. Daesh a encore davantage professionnalisé sa communication en tenant compte des attentes des jeunes dans le domaine cinématographique et des jeux vidéo. En effet, ses sites de propagande rappellent l’imaginaire, le morbide et la violence qui sont souvent présents dans de nombreux jeux vidéo. Il utilise lui la revue Dabiq. En décembre, il a lancé via le Centre médiatique al-Hayat (son organe de propagande) sa première publication en français Dar al-Islam (« Terre d’islam »). Moins tourné vers l’action en dehors du Proche-Orient, Daesh a comme objectif principal de faire venir dans l’Etat islamique un maximum de volontaires étrangers et des familles entières. Les premiers sont destinés à compléter les rangs de son armée dont les effectifs restent limités en regard de ses ambitions. Les secondes permettent de peupler le califat. Elles y trouvent la possibilité de pratiquer « en toute liberté » leur religion. Pour cela, selon les mots de la revue Dar al-Islam, il fait état de l’« immense bienfait qu’est celui de vivre sous la foi d’Allah au milieu de croyants. Et pour rappeler à ceux qui n’ont pas accompli l’obligation d’émigrer de la terre de mécréance et de guerre vers celle de l’Islam qu’ils sont en immense danger dans ce monde et dans l’autre ». Selon Abou Bakr al-Baghdadi, l’émir de Daech, tout musulman doit lui faire allégeance (Bay’ah) et a le devoir de le rejoindre (Hijrah) pour renforcer l’Etat islamique qu’il est en train de fonder. Mais ceux qui, pour une raison ou une autre, ne peuvent gagner le front syro-irakien doivent déclencher des actions offensives là où ils se trouvent et comme ils le peuvent. C’est un appel clair à tous les solitaires qui souhaitent passer à l’action. Le problème avec les islamistes radicaux islamiques, c’est qu’ils disent ce qu’ils vont faire et font ce qu’ils ont dit : « Allah a jeté l’effroi dans les cœurs et ils sont terrorisés par le retour du Califat et la bannière noire du Tawhid (monothéisme) qui bientôt flottera sur la Mecque, Médine, Bagdad, Constantinople jusqu’à Rome ». Il convient toutefois de rester prudent sur les conclusions de ces études qui ne portent que sur quelques dizaines de cas connus. Il faut aussi partir du principe que, comme ailleurs, il y a de nombreuses « exceptions qui confirment la règle ». Même si la majorité des cas d’actions terroristes relèvent de l’islam radical, il est aussi important de constater que les milieux d’extrême-droite sont aussi concerné - particulièrement aux Etats-Unis -, sans oublier le cas d’Andrea Behring Breivik qui a tué 77 personnes et en a blessé 151 autres, le 22 juillet 2011 en Norvège. Les « loups solitaires » et apparentés sont à ranger dans les « moyens » du terrorisme qui n’est qu’une technique de combat du faible au fort. Même si, par miracle,
la cause de l’islam radical venait à s’estomper, la méthode terroriste serait alors employée par d’autres adeptes d’idéologies extrêmes : extrême-droite, extrême-gauche, écologie radicale, anarchisme, etc. Enfin, il convient de ne pas verser dans le pessimisme du style « les loups solitaires sont indétectables car non connus des services de renseignement ». En effet, ce phénomène peut être combattu avec efficacité. En effet, les volontaires désireux de lancer un acte violent isolé souhaitent généralement laisser leur empreinte dans l’Histoire. Leur ego leur commande que l’on se souvienne d’eux car leur objectif principal est de sortir de l’anonymat et d’une vie qu’ils jugent stérile. Pour ce faire, ils préparent et diffusent, parfois à l’avance, des messages destinés à revendiquer leurs actions. Ils offrent alors ainsi l’opportunité aux services de lutte de les découvrir avant même d’avoir pu passer à l’acte. De plus, leur manque de professionnalisme est un handicap à leur dangerosité même s’ils font de malheureuses victimes. Et en aucun cas, ils ne peuvent mettre en danger les sociétés qu’ils attaquent. Au contraire, ils provoquent des sursauts d’union nationale en montrant que la Démocratie a un prix. [1] C’est un faux qui prétend que les juifs et les francs-maçons ont un plan de conquête du monde. Ecrit en 1901 à Paris par un informateur des services secrets russes, il a été repris par les nazis et par tous les antisémites voulant donner une raison « historique » à leurs abominations. [2] A l’heure actuelle, force est de constater que la grande majorité de ce que l’on appelle « la rue arabe », croit fermement en cette thèse. La propagande islamique radicale a été particulièrement efficace pour faire passer cette intoxication. [3] L’immense majorité des victimes du terrorisme islamique sont des musulmans. Il n’y a pas une semaine qui se passe sans que des attentats de masse n’aient lieu au Pakistan, en Irak ou ailleurs. Les chiites sont particulièrement visés car, dans l’esprit des théoriciens de l’islam radical sunnite, ils sont encore « pires » que les chrétiens et les juifs, appelés « les gens du Livre » car adeptes des religions monothéistes. En effet, ces derniers sont des « ennemis » qui peuvent éventuellement être convertis, ou payer un impôt spécifique (dhimma), sinon ils sont tués. En revanche, les chiites sont des traîtres qui doivent être massacrés. PERSPECTIVES MED
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MACHREK DAECH DANS L’ŒIL DE MOSCOU
UN RAPPORT ACCABLANT !
L
ABOU MOUTAZ AL-QORACHI NE NUIRA PLUS. DAECH A CONFIRMÉ SA MORT DANS UN ENREGISTREMENT DIFFUSÉ SUR DES SITES ISLAMISTES. LE 21 AOÛT DERNIER, LA MAISON BLANCHE AVAIT ANNONCÉ L’AVOIR TUÉ AU COURS UN RAID AÉRIEN À PROXIMITÉ DE MOSSOUL, EN IRAK. MAIS C’EST DE MOSCOU QU’UNE SURPRISE DE TAILLE A ÉTÉ RENDUE PUBLIQUE. LES SOUTIENS DE DAECH.
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PERSPECTIVES MED
Par : A. Ben Driss
es Américains avaient laissé entendre que Hayali, principal adjoint d’Abou Bakr Al-Baghdadi en charge des opérations en Irak, était l’un des principaux coordinateurs des transferts d’armes, d’explosifs, de véhicules et d’individus entre l’Irak et la Syrie. Dès lors, il faut attendre plus de temps avant que la machine propagandiste de Daech ne confirme ou infirme le succès du raid irakien sur un convoi de «responsables » de l’organisation « Etat islamique» qui évoluait à hauteur de Karbala, près de la frontière avec la Syrie. Daech passe par des moments des plus difficiles depuis le 30 septembre dernier, date à laquelle les raids russes ont déparré sur les posistions des djihadistes de tout bord en Syrie. Un engagement qui fait oublier le résultat en demi-teinte des bombardements de la large coalition menée par les EtatsUnis d’Amérique. Moscou qui a volé au secours de Damas le fait pour veiller sur ses propres intérêts. La diplomatie russe est claire là-dessus. Pince sans rire, Serguei Lavrov, cheville ouvrière de la diplomatie poutinienne n’a-t-il pas interpellé son homologue US en lui rappelant de quoi serait faite « la réaction des États-Unis si le groupe État islamique (EI) annonçait son intention de planter son drapeau sur le toit de la Maison-Blanche ? » J. Kerry qui demandait, non sans acrimonie, des éclaircissements sur l’engagement russe en Syrie n’aura pas attendu longtemps puisque Lavrov lui a fait écouter l’enregistrement d’un des chefs de l’EI qui promettait d’installer le drapeau de cette organisation sur le toit du Kremlin. A Moscou, les responsables considèrent que la menace terroriste l’ensemble de leur pays. On comprend dès lors pour quoi il s’agit pour eux d’une bataille essentielle, voire existentielle. D’où la déclaration du président d’il y a près d’un mois lorsqu’il annonça qu’en participant aux combats en Syrie, les Russes défendent les remparts de Moscou. Argumentaire développé aussi devant le vice-héritier du trône saoudien, le prince Mohammad ben Salmane, au cours de sa dernière à Sotchi où il a été reçu par l’hôte du Kremlin. Il est opportun de souligner que le séjour de l’hôte saoudien en Russie est intervenu après la publication, à Moscou, d’un rapport des renseignements russes sur les États et les parties qui
soutiennent l’EI en Irak et en Syrie. La section de la lutte antiterroriste au sein des renseignements russes (FSB) aurait établi un rapport exhaustif sur les moyens utilisés par l’organisation terroriste pour recevoir des aides financières. Selon le rapport, les fonds en provenance d’Arabie saoudite passaient par le pouvoir irakien via l’ancien vice-président Tarek el-Hachémi (actuellement en fuite). Les fonds étaient donc transférés au compte d’une société établie à Londres et appartenant à T. Hachémi avant leur transfert, par petits montants, à un compte appartenant à Izzat el-Douri dans une banque installée dans le Kurdistan irakien. C’est ce dernier qui les remettait aux chefs de l’EI... Le rapport russe souligne que des ulémas wahhabites auraient même proposé de redistribuer cette année une partie des recettes de la saison de pèlerinage aux commandements de l’EI, dans une volonté de contribuer à la « lutte sainte »... Toujours selon le rapport, d’autres fonds en provenance des États-Unis passeraient par le gouvernement de Massoud Barzani, toujours dans le Kurdistan irakien. Ce gouvernement les remettait à l’EI en prétendant qu’il s’agissait de recettes provenant de la vente du pétrole dans les régions contrôlées par les djihadistes. Le rapport précise aussi qu’une grande partie des armes possédées par l’organisation proviendrait des zones contrôlées par l’EI en Syrie, après des combats contre les factions de l’opposition syrienne, ainsi que de l’armée irakienne après la prise de la province de Ninive et de Mossoul. Le rôle de la Turquie dans l’aide aux terroristes de Daech serait déterminant, confirme le rapport, Ankara ayant acheté pour le compte de l’organisation 300 pick-up Toyota équipés, par la suite, de canons et de dispositifs de communication. Le rôle de la Turquie ne se limiterait pas à une aide logistique, mais concerne aussi la formation des «combattants de l’EI » et l’entretien de leurs équipements militaires et logistiques. Plus, Ankara aurait autorisé la collecte, sur son territoire, de dons en faveur de l’EI dans les milieux islamistes. Le rôle de la Jordanie se limitait par contre à l’entraînement et à la formation des combattants de cette organisation, tout en collectant des informations sur les moyens et les capacités de l’armée irakienne. Ce rapport se fonde sur des éléments concrets, virements bancaires, photos aériennes et enregistrements précis. Et si Moscou a décidé de rendre public ledit rapport, c’est bel et bien pour placer les différents pays impliqués dans l’appui direct ou non à Daech face à leurs responsabilités. Soit ils continuent dans cette voie et ne peuvent plus prétendre lutter contre le terrorisme, soit ils cessent d’aider l’EI et se rallient indirectement ou non à la campagne contre le terrorisme.
DAECH PAS SI RICHE…
Faible rente pétrolière , budget fait de confiscations et dépenses essentiellement militaires. Daech n’est pas aussi riche qu’on le croyait. Celle qui fait que ce groupe terroriste serait assis sur un trésor de guerre de 2,2 milliards de dollars, comme le soulignait le rapport du Centre français d’analyse du terrorisme. Rapport qui établit la rente pétrolière à 3 millions de dollars/jour, selon les estimations de deux experts américains largement repris par les médias en août 2014. Trêve d’extrapolations ; Aymenn Jawad al-Tamimi, spécialiste des réseaux terroristes et chercheur associé au Centre pluridisciplinaire d’Herzliya (en Israël) et au Forum américain du Moyen-Orient, développe une autre thèse sur la base d’un rapport budgétaire mensuel trouvé à Deir ez-Zor. Ce document qui récapitule les revenus et dépenses pour le mois de décembre 2014 provient directement du «ministère des Finances» de cette région à l’est de la Syrie et permet de relativiser la prétendue richesse de ce mouvement terroriste. La rente pétrolière n’excéderait donc pas les 2 millions de dollars en un mois. A partir de l’exemple de Deir ez-Zor, Aymenn Jawad al-Tamimi estime que “les revenus pétroliers sont surestimés” et qu’ils représentent plutôt 5 % à 10 % de la somme avancée par les experts américains. Le pétrole n’est donc pas la principale source de revenus pour la province de Deir ez-Zor, puisque les confiscations et taxes imposées à la population représentent près de 70 % de l’argent collecté. Les dépenses illustrent, quant à elles, une administration provinciale qui se soucie presque exclusivement des aspects militaires et sécuritaires, alors même que cette région «est plutôt calme et n’est pas directement confrontée aux combats», souligne Aymenn Jawad Al-Tamini. Les autorités y ont dépensé 3,9 millions de dollars pour l’entretien des bases militaires, les salaires des combattants et celui de la «police islamique». Ce budget correspond à plus de 70 % de l’ensemble des dépenses et souligne que la population qui vit sous le joug de l’EI “ne doit pas s’attendre à un niveau de service public satisfaisant”. PERSPECTIVES MED
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PANORAMA PAIX AU MALI
LA MINUSMA EN FAIT LES FRAIS La mission de l’ONU au Mali (Minusma) est l’une des plus meurtrières de l’histoire des Casques bleus, avec 60 morts, a indiqué l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (Sipri). Intitulé « Tendances de la mortalité dans les opérations de paix de l’ONU », le rapport souligne que 1.938 soldats ont péri depuis la première opération de paix au Proche-Orient en 1948, mais dont près des trois quarts dans des accidents ou de mort naturelle. Les missions les plus meurtrières ont eu lieu dans les années 1990, avec deux LES CASQUES BLEUS très petites opérations au Tadjikistan et en GéorDÉPLOYÉS AU MALI gie (trois et huit morts PAYENT UN LOURD TRIBUT respectivement, le taux de mortalité le plus élevé), FACE À L’INSTABILITÉ mais surtout l’Unosom II en Somalie (1993-1995), avec 148 morts dont 109 violentes, pour près de 19.000 soldats engagés. La Minusma, avec 60 morts dont 40 violentes pour quelque 8.400 soldats engagés, arrive juste après en termes de taux de mortalité. Pour le Sipri, elle est « l’une des opérations de maintien de la paix de l’ONU les plus meurtrières jamais vues », alors que dans l’ensemble la mortalité chez les Casques bleus a nettement diminué.
TPI
UN TOUAREG À LA BARRE
Un chef touareg membre du groupe Ansare Ed-Dine, auteur au nord Mali d’actes de sauvagerie contre la population locale et de destructions de mausolées historiques, a été présenté devant la CPI pour y être jugé. Ahmad Al Faqi Al Mahdi est poursuivi par la CPI pour destructions d’édifices religieux et monuments historiques. Selon l’accusation, Al Mahdi était un des chefs d’Ansar Ed-Dine, groupe terroriste associé à Al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) serait très proche du régime algérien. Le « New York Times », avait révélé, en 2013, l’existence de liens avérés entre les terroristes d’Ansare Ed-Dine et le régime algérien. Plus encore la publication américaine indiquait que c’est le régime algérien qui a crée ce groupe terroriste au nord Mali.
LES 8 700 MILITAIRES DE LA COALITION MULTINATIONALE ONT, CERTES, AFFAIBLI LES TERRORISTES. MAIS LA CAPACITÉ DE NUISANCE DE BOCO HARAM, SURTOUT DANS LE NORD DU NIGERIA, RESTE ASSEZ PALPABLE, RIEN N’Y FAIT COMME LE DÉMONTRENT LES ATTENTATS ET ATTAQUES EN SÉRIE. EN VISITE À NIAMEY, LE BOCO HARAM PRÉSIDENT TCHADIEN IDRISS DÉBY A PROMIS D’EN FINIR UNE FOIS POUR TOUTE AVEC CETTE NÉBULEUSE À LA FIN DE LA SAISON DES PLUIES, EN DÉTRUISANT LEUR SANCTUAIRE DANS LA FORÊT DE SAMBISA. PROMESSE TENUE ? 48
PERSPECTIVES MED
CHEZ GOLDMAN SACHS UN PARACHUTE POUR RASMUSSEN L’ex-patron de l’Alliance atlantique et ex-Premier ministre du danemark s’est retrouvé, moins d’un an après avoir cédé son fauteuil au sein de l’OTAN, dans les bras de la célèbre banque privée US, Goldman Sachs. Il a été investi d’une mission consistant à résoudre un litige concernant la vente à la banque de participations dans l’entreprise DONG Energy (production et fourniture de pétrole, de gaz et d’électricité), elle-même contrôlée par l’État danois. Qui a dit que l’OTAN manquait de ressources au point de ne pas reconnaître les siens ?
LE PAPE À NEW YORK
RETRAIT US DE L’AFGHANISTAN
LA THÈSE DES TROIS « T »
TROP TÔT !
Devant les dirigeants du monde, au Palais de l’ONU, à New York, le pape de 78 ans a entonné avec solennité les thèmes qui lui sont chers. Il a dénoncé une « crise écologique qui peut mettre en péril l’existence même de l’humanité » appelé à un système économique plus juste et demandé aux chefs d’Etat d’assurer à leur peuple un « minimum absolu (soit sa thèse des 3 « T ») toit, travail et terre ». Il a aussi plaidé pour que sur « le plan spirituel, la liberté de pensée, qui comprend la liberté religieuse, le droit à l’éducation, notamment des filles, et les autres droits civiques » soient respectés. Osera-t-on dire mieux à Al-Azhar ?
Les très violents combats qui s’étaient déroulés à Kunduz, dans le nord de l’Afghanistan, et la multiplicaion des démonstrations de force des Talibans ont amené la Maison Blanche à réviser sa politique de retrait. L’armée afghane avait peiné face aux talibans qui avaient pris le contrôle de cette ville stratégique, soit la plus belle prise des insurgés depuis 2001. La perte - même temporaire - de Kunduz aura en effet été dévastatrice pour l’image du gouvernement du président Ashraf Ghani, élu sur la promesse de ramener la paix dans le pays. Cette offensive talibane montre aussi que les insurgés quittent désormais leur base traditionnelle du Sud pour attaquer le Nord de manière spectaculaire. Cet été, les attaques ont été particulièrement violentes dans tout le pays.
L’IRE DE MOSCOU L’OTAN PREND BASE EN GÉORGIE
« Il y a maintenant un peu plus de Géorgie dans l’Otan et un peu plus d’Otan dans la Géorgie », a déclaré le secrétaire général de l’Otan qui a inauguré le centre à Krtsanissi, près de Tbilissi, en présence du président et du Premier ministre géorgiens. « C’est un centre important pour l’entraînement des alliés et des partenaires de l’Otan », a ajouté Jens Stoltenberg. La diplomatie russe a réagi rapidement par la voix de sa porte-parole, Maria Zakharova. « Nous considérons que cette initiative est une nouvelle provocation de l’Alliance visant à élargir son influence géopolitique. L’installation de ce site militaire de l’Otan en Géorgie sera un facteur déstabilisant pour la sécurité de toute la région », a-t-elle averti. Pour Moscou, la Géorgie n’a pas tiré les leçons de la guerre de 2008. Depuis lors, les forces russes occupent la région de l’Ossétie du Sud, considérée comme un Etat indépendant par Moscou.
WWF LANCE UN SURPÊCHE SOS
Les populations d’animaux marins, mammifères, oiseaux, reptiles ou poissons, ont chuté de moitié depuis les années 1970 du fait de la surpêche, de la pollution et du changement climatique, a averti l’organisation WWF dans un rapport rendu public en septembre. Dans son rapport, l’organisation se base sur son indice « Planète Vivante» des populations marines, qui mesure la tendance suivie par les populations d’animaux marins, « a enregistré une régression de 49% entre 1970 et 2012 ». Certaines ont même vu leur effectif fondre de près de 75 %, s’alarme le WWF dont l’étude est effectuée sur une base d’observation de 5 829 populations appartenant à 1 234 espèces. Les experts mettent pourtant en garde : les récifs coralliens et prairies sous-marines pourraient disparaître du globe d’ici 2050 sous l’effet du réchauffement climatique. Lorsqu’on sait que plus de 25 % de toutes les espèces marines y habitent, la perte des récifs représenterait une « extinction catastrophique, aux conséquences dramatiques sur les communautés ». PERSPECTIVES MED
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PANORAMA
UN COMÉDIEN PRÉSIDENT DU GUATEMALA
RIRA BIEN…
« Avec ce vote, vous m’avez fait président, j’ai reçu un mandat et ce mandat doit servir à lutter contre la corruption qui nous a rongés ». C’est ainsi que s’est exprimé à la télé du Guatemala, Jimmy Morales, comédien et animateur qui a scoré (68,73% des voix) pour succéder à la tête de l’Etat au président déchu, englué dans des affaires de corruption. Sans aucune expérience politique, « un gage d’honnêteté » estiment ses affidés, le président-comédien a damé le pion à l’ex-Première dame Sandra Torres, soutenue par l’Union nationale de l’espoir (UNE, social-démocrate). N’étant créditée que de 31,27% des voix, elle a reconnue sa défaite. J. Morales, candidat du parti de droite FCN-Nacion, assume donc par accident la magistrature suprême en surfant sur la vague de la contestation populaire à l’égard d’une classe politique traditionnelle pourrie.
- Quand Ai Weiwei et Julian Assange se rencontrent, voici ce que ça donne : deux doigts d’honneur immortalisés par une photo postée sur Instagram. Si l’artiste chinois, dissident, a inauguré une exposition-rétrospective à Londres, le fondateur de WikiLeaks, menacé d’extradition, se cloître toujours depuis trois ans à l’ambassade équatorienne de la capitale britannique. - Le patron du constructeur automobile allemand BMW, Harald Krüger, s’effondre en pleine conférence de presse au salon de l’automobile de Francfort, victime d’un malaise sans gravité. C’eut été celui du groupe WV, les choses auraient pu être appréciées autrement.
- À l’occasion du 14e anniversaire des attentats du 11-Septembre, 3.000 drapeaux ont été plantés dans le parc de Winnetka dans l’Illinois, à la mémoire des victimes.
- Une ancienne espèce humaine, baptisée Homo naledi, a été découverte dans une grotte d’Afrique du Sud où ont été exhumés les ossements de 15 hominidés. Cette photo, publiée par le National Geographic, montre une reconstruction de son visage par le paléo-artiste John Gurche.
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PERSPECTIVES MED
LES MISTRALS POUR L’EGYPTE PROJECTION RENFORCÉE MOSCOU N’A PAS HÉSITÉ À DONNER SON AVAL POUR LA VENTE PAR PARIS DES DEUX MISTRAL À LA MARINE ÉGYPTIENNE. CE QUI EST DE NATURE À RENFORCER LES CAPACITÉS DE PROJECTION DE L’ARMÉE ÉGYPTIENNE EN LUTTE CONTRE LE TERRORISME DANS LE SINAÏ ET AILLEURS. DE HAUTS GRADÉS DE L’ARMÉE ÉGYPTIENNE VIENNENT DE BOUCLER LA BOUCLE EN NÉGOCIANT L’ACHAT DE 50 HÉLICOPTÈRES DE COMBAT KAMOV KA52, DONT UNE TRENTAINE DANS LA VERSION NAVALISÉE KA-52K, QUE LA MARINE RUSSE AVAIT PRÉCISÉMENT COMMANDÉE POUR SES DEUX MISTRAL.
SALE TEMPS AU BRÉSIL CORRUPTION À TOUS LES ÉTAGES ? L’ancien trésorier du Parti des travailleurs (PT, gauche) au pouvoir au Brésil, Joao Vaccari, a été condamné à plus de 15 ans de prison pour avoir participé au réseau de corruption au sein de la compagnie pétrolière Petrobras. «Avec les délits de corruption, blanchiment d’argent, association de malfaiteurs (...), les peines totalisent 15 ans et quatre mois de prison», indique le juge qui enquête sur le scandale de corruption à Petrobras, la compagnie-phare du Brésil. La Présidente Dilma Russef craint d’être éclaboussée par les scandales que l’opposition s’acharne à mettre en évidence… En demandant son départ à grand renfort de manifs. Voilà qui a poussé la vieille militantes à oser parler de « coup d’Etat » en préparation…
ÉCONOMIE &
MARCHÉ
RÉFORMER LE TRAIN DES RÉFORMES
IL Y A PLUS QU’UN BRIN DE SURRÉALISME DANS LE PAYS. SURTOUT LORSQU’ON MÂTINE LE DISCOURS OFFICIEL DE RÉFORMES DONT IL S’AGIRA DE FAIRE LE PLEIN POUR FAIRE AVANCER LE SCHMILBLICK. CAR LE ROI APPELLE AUX RÉFORMES. ET IL EST SUIVI EN CELA PAR LE CHEF DU GOUVERNEMENT, AVANT QUE CE DISCOURS NE RUISSELLE DE LA TÊTE À LA BASE DE LA PYRAMIDE. LES RESPONSABLES PARLENT DES RÉFORMES URGENTES À FAIRE ET LES INSTITUTIONS INTERNATIONALES, COMME LES PARTENAIRES POLITICOÉCONOMIQUES DU PAYS INVITENT À HÂTER LES RÉFORMES… SANS POUR AUTANT QUE LES RÉFORMES VOULUES ET INVOQUÉES NE SE RÉALISENT. IL VA SANS DIRE QUE CELA DÉPASSE L’ENTENDEMENT. AU POINT DE POUSSER LE BON SENS DANS SES DERNIERS RETRANCHEMENTS EN SOULEVANT LA QUESTION QUI VAILLE : NE FAUDRAIT-IL PAS RÉFORMER, PROSAÏQUEMENT, LE TRAIN DES RÉFORMES LUI MÊME ? MAIS POUR CE FAIRE, UN PRÉALABLE : CHANGER DE CULTURE POLITIQUE. CAR LE LOGICIEL AVEC LEQUEL LE PAYS EST GÉRÉ EST DEVENU CADUC. ET L’UNE DES CARACTÉRISTIQUES DE L’OBSOLESCENCE EST BIEN CELLE QUI CONDUIT À EMPRUNTER D’UN LOGICIEL NOUVEAU DES SOLUTIONS INCOMPATIBLES AVEC L’ANCIEN. FAUT-IL DÈS LORS DONNER DU CRÉDIT AU PATRON DE BANK AL MAGHRIB LORSQU’IL MET LE DOIGT SUR LA VÉRITABLE PLAIE QUI SANCTIONNE LE PAYS À TOUS LES ÉTAGES , POLITIQUES, ÉCONOMIQUES, SOCIAUX, CULTURELS ET CULTUELS ? PRIORITÉ DOIT ÊTRE ACCORDÉE À L’ENSEIGNEMENT QUI SYMBOLISE OÙ LA RÉGÉNÉRESCENCE D’UN PAYS OU, À DIEU NE PLAISE, SA DÉGÉNÉRESCENCE. LE CHOIX EST VITE FAIT LORSQU’ON A LA TÊTE SUR LES ÉPAULES. POUR UN PAYS DONT OFFICIELLEMENT ON RECONNAÎT LA PAUVRETÉ (EN ATTENDANT L’ÉVALUATION DU PATRIMOINE IMMATÉRIEL), IL N’Y A DE RICHESSE QUE CELLE DES HOMMES. DES RESSOURCES À FAIRE VALOIR AU MIEUX POUR ROMPRE AVEC LE CYCLE DE PAUVRETÉ QUI SE RENOUVELLE DE GÉNÉRATION EN GÉNÉRATION. LÀ RÉSIDE UNE DES PREMIÈRES RUPTURES À OSER POUR RÉFORMER, ENFIN, LE TRAIN DES RÉFORMES TOUJOURS EN RETARD ! PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE PLF 2016
ET COMMENCENT LES TRACTATIONS… Par : Abderrahmane El Maleh
L’Exécutif vient d’adopter le projet de loi de finances 2016 qui doit transiter par les couloirs du parlement. Un budget sous le signe de la continuité avec comme hypothèse de croissance de 3% ( on joue la modestie! ) et un déficit budgétaire de 3,5% du PIB. ( A voire! )
A
u début des travaux du dernier Conseil des ministres, Mohamed Boussaid, grand argentier, a exposé les orientations générales du projet de loi de Finances 2016.L’ulitime d’une législature marquée par les hésitations du PJD. Il a précisé que ce projet intervient dans un contexte international marqué par une amélioration des prévisions de l’économie mondiale et de perspectives prometteuses pour la région euro-méditerranéenne, favorisant la demande étrangère, et la baisse des prix du pétrole sur les marchés internationaux. Il intervient aussi après une année marquée par un taux de croissance de 5% et une récolte agricole record de 115 millions de quintaux ainsi que dans le cadre d’indicateurs économiques favorables résultant d’une série de grandes réformes ayant
LE PROJET DE BUDGET, LE DERNIER DE LA LEGISLATURE, A ÉTÉ DEVOILÉ. AU RENDEZ-VOUS, UNE CROISSANCE MOLLE ET LE PLEIN D’ALEAS!
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PERSPECTIVES MED
abouti à la baisse du déficit de la balance des paiements à 2,8% contre 9% auparavant et de celui de la balance commerciale de 20,4% par rapport à l’année dernière. S’articulant autour de 4 priorités, ce projet ambitionne de consolider les bases d’une croissance économique équilibrée poursuivant le soutien de la demande et l’encouragement de l’offre à travers, en particulier, la stimulation de l’industrialisation, l’encouragement de l’investissement privé, le soutien de l’entreprise et l’accélération des plans sectoriels, le renforcement des piliers d’un développement économique intégré qui diminue les disparités sociales et spatiales et offre des opportunités d’emploi décent, l’accélération de la mise en œuvre de la régionalisation et de la cadence des grandes réformes structurantes et la mise en œuvre de la réforme de la loi organique des Finances et la poursuite des efforts pour la récupération progressive des équilibres macro-économiques. Ce projet vise également la mise en œuvre du programme ambitieux annoncé par le Roi, dans le discours du Trône, relatif à la lutte contre les déficits en matière de services publics et de base dans le monde rural, notamment dans
les régions éloignées et enclavées. Des mesures concrètes ainsi que des chiffres ont été énoncés, à commencer par l’instauration probable de la progressivité de l’IS, d’une TVA sur la marge, ainsi que le remboursement de la TVA sur les investissements effectués après les 36 mois d’exonération, sans oublier la mise en œuvre du quota de 20% des marchés publics réservés aux PME. Les chiffres du PLF 2016 prévoient 388 Mrds Dhs de charges pour 364 388 Mrds Dhs de recettes. 189 388 Mrds Dhs d’investissements publics et 13,1 Mrds Dhs comme budget pour la Santé. Le projet prévoit 26.000 postes de travail dans la fonction publique ainsi que des bourses pour 330 000 étudiants du supérieur soit 150 000 nouveaux bénéficiaires. Enfin, 50 milliards Mrds Dhs seront canalisés vers la mise à niveau de 29 000 Douars en terme d’infrastructures de base et de prestations sociales. En définitif ce PLF prévoit une croissance du PIB de 3% et un déficit budgétaire de 3,5%.
DOLÉANCES PATRONALES
La CGEM, fidèle à son approche proactive, avait déjà exposé ses propositions. Mesures qui portent globalement sur la réforme de la fiscalité en mettant l’accent sur la poursuite de la réforme de la TVA. A ce titre, le patronat propose la généralisation du principe de remboursement des crédits de TVA ainsi que la mise en place d’un suivi effectif des délais de remboursements et ce, pour une meilleure visibilité. Il recommande également l’exonération permanente de la TVA sur l’acquisition des biens d’investissement et propose un mécanisme de paiement de la TVA sur la marge, notamment pour les secteurs où les intrants en amont sont exonérés comme le secteur agricole. De même, et dans la continuité des dispositions prises dans le cadre des Lois de finances 2014 et 2015, la CGEM propose de revoir à la baisse le nombre de taux de TVA pour converger vers 2 taux. Sur un autre registre, la Confédération recommande l’optimisation de l’IS notamment à travers l’introduction de la progressivité du calcul de l’IS sur la base du niveau du bénéfice : des taux de 10%, 20% et de 30%. Dans ce sillage et pour encourager les opérateurs à s’installer dans les Zones Industrielles -ZI- et les Plateformes Industrielles Intégrées -P2I-, le patronat juge nécessaire l’instauration d’une réduction de l’IS de 10% du montant de l’investissement réalisé dans ces zones et de 5% du montant de l’investissement hors ZI. La CGEM propose également l’instauration d’une fiscalité de Groupe basée sur le résultat consolidé permettant de considérer le Groupe de sociétés comme étant une seule entité fiscale. S’agissant de l’IR, la CGEM recommande l’introduction de mesures spécifiques pour un meilleur rendement de l’IR professionnel,
l’harmonisation des règles fiscales avec les règles sociales et la refonte du dispositif des déductions sur salaires. Elle suggère, également, la suppression de certaines taxes parafiscales qui pénalisent le développement de secteurs comme le ciment, le fer à béton, le sable et le plastique. Autant de suggestions qui induisent, aux yeux de l’exécutif, un coût. Ce qui préfigure d’une bataille au niveau du parlement lors de la présentation des amendements. Surtout en deuxième lecture devant la chambre haute ou le Patronat est représenté.
URGENCE DES RÉFORMES Les grands axes, fixés pour le projet de loi de Finances 2016, devront profiter d’un contexte économique international favorable. Cependant rien n’est garanti. Dans une étude publiée récemment intitulée «les pays arabes en transition : perspectives économiques et défis clés », le FMI a émis quelques inquiétudes quant au rythme de croissance de l’économie marocaine sur le moyen terme. En effet, sur le court/moyen terme, plusieurs facteurs risquent de ralentir le rythme de croissance et remettre en question les équilibres macroéconomiques. En particulier le repli de la VA agricole à cause d’une récolte céréalière ordinaire qui devrait ralentir le taux de croissance globale de l’économie. D’un autre côté, une croissance plus lente que prévue dans les pays partenaires qui à travers la baisse de la demande adressée au Maroc, la baisse des transferts des MRE et la baisse des IDE aggraveraient le déficit du compte courant. A cela s’ajouterait la probable flambée du cours du pétrole qui devrait davantage creuser le déficit du compte courant. Enfin, l’institution revient aussi sur le fait que 2016, en interne, avec ses élections législatives, pourraient ralentir la cadence des réformes structurelles dans un environnement régional instable. Dans ce contexte, le FMI préconise certaines mesures pour atteindre une croissance plus élevée à travers les facilités d’accès au financement, l’amélioration de l’environnement des affaires, de la gouvernance et du système judiciaire. C’est ce qu’a rappelé le gouverneur de Bank Al-Maghrib Abdellatif Jouahri, lors d’une réunion avec les membres de la commission des finances et du développement économique à la Chambre des représentants, et son appel à ne pas perdre davantage de temps dans les consultations qui concernent les réformes structurelles à caractère urgent, notamment la réforme des régimes de retraites et de la Caisse de compensation. Jouahri a aussi affirmé que le secteur de l’enseignement pose une problématique majeure puisqu’il est étroitement lié à la croissance. De quoi 2016 sera-t-elle le nom ?
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ÉCONOMIE CROISSANCE NATIONALE
L’EFFET TERRE Par: A. Abou Marwa
L’analyse des indicateurs conjoncturels disponibles augure d’un dynamisme confirmé au niveau de l’activité économique nationale. Evolution qui repose, en partie, sur les performances du secteur agricole dont les impacts restent favorables.
L
es données que dévoile la note de conjoncture du Haut-Commissariat au Plan font ressortir une croissance de l’économie nationale estimée à 4,5% durant le 3ème trimestre 2015 en glissement annuel contre 4,3% un trimestre auparavant. Cette évolution serait attribuable au raffermissement de l’activité agricole qui aurait progressé de 16,6% en variation annuelle (contre 14,9% au T2 2015) et au redressement des activités hors agriculture à 1,8% au T3 2015 comparativement à la même période en 2014. Tenant compte des données infra-annuelles LE CIEL SAUVE LES MEUBLES! disponibles, la croissance devrait se situer à 4,6% en UNE SEMPITERNELLE RÉALITÉ, 2015, portée essentielleQUI INVITE À CAPITALISER SUR ment par une production céréalière record (115 LE PRIMAIRE POUR DÉVELOPPER millions de quintaux) alors que la croissance du LE SECONDAIRE ET LE TERTIAIRE. PIB non agricole devrait rester limitée à 3,3%. Cette performance est due notamment à des conditions climatiques favorables marquées par un volume pluviométrique important et bien réparti dans le temps et dans l’espace.
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PERSPECTIVES MED
Dans ce contexte, la valeur ajoutée agricole devrait croître de 15% en 2015, après avoir connu une contraction de 2,5% l’année écoulée. Pour sa part, le rythme de croissance de l’activité non agricole devrait connaître une légère amélioration par rapport à 2014. Cette évolution serait favorisée par le redressement, quoi que modéré, de la croissance chez les principaux pays partenaires, la modération significative des prix des matières premières énergétiques et la dynamique favorable de la demande intérieure. En effet, la consommation finale des ménages devrait afficher un profil favorable comme en témoignent la reprise des crédits à la consommation et le redressement des transferts des MRE. Cette orientation est également favorisée par l’amélioration attendue des revenus agricoles et le maintien du pouvoir d’achat en raison de l’évolution modérée des prix dont notamment la composante énergétique. Sur le marché du travail, après une hausse de 0,7 en 2014, le taux de chômage a diminué de 0,6 point au deuxième trimestre 2015 à 8,7%, avec des reculs à 13,4% en milieu urbain et 3,3% en zones rurales. Cette évolution reflète une baisse sensible du taux d’activité de 0,9 point alors que les créations d’emploi se sont limitées à 38.000
postes. Le secteur de l’agriculture, forêt et pêche en particulier a connu une perte de 58.000 postes en dépit d’une production céréalière record.
CLIGNOTANTS AU VERT ?
Selon le HCP, pour le troisième trimestre de cette année, l’économie nationale aurait réalisé une croissance de 4,5% en variation annuelle (Vs. 4,3% un trimestre auparavant). L’activité agricole se serait raffermie de 16,6%, tandis que la croissance des activités hors agriculture aurait progressé de seulement 1,8%, contre 1,6% au deuxième trimestre, en lien particulièrement avec le dynamisme dans la branche électrique et les services hors tourisme. Les autres branches n’auraient enregistré qu’une reprise modeste, pâtissant des faibles performances des mines et de la construction. Dans ce sens, le rythme de progression des industries manufacturières se serait limité à 1,8%, favorisé par une demande extérieure favorablement orientée pour l’automobile et les conserves de légumes et de poissons. Le secteur de la construction aurait enregistré une progression de 1,2% de sa valeur ajoutée, alors que l’activité minière aurait quasiment stagné, après trois trimestres de baisses consécutives, tirée par une légère reprise des activités d’extraction des minerais non-métalliques. Concernant l’activité électrique, sa valeur ajoutée se serait renforcée de 6,4% portée par l’amélioration des activités des centrales thermiques (production d’électricité en hausse de 6,8% au T3-2015). S’agissant des activités tertiaires (services, communication, transport et commerce), leur comportement est globalement bon. Reste l’activité de l’hébergement & restauration dont l’évolution baissière se serait atténuée pour se situer à -1,8% contre -3,4% un trimestre auparavant. Par composante, la demande intérieure aurait continué de soutenir la croissance économique. En effet, la consommation des ménages se serait accrue de 3,8% en variation annuelle (vs. +3,4% au T2 2015) alimentée notamment par une progression de 5,6% des crédits à la consommation et une augmentation de 6,5% des transferts des MRE. L’investissement productif se serait, quant à lui, apprécié de 1,7% au T3 2015 contre 1,2% un trimestre auparavant résultant du redressement des investissements en construction comme en témoignent l’amélioration des ventes de ciment de 5,2% et la hausse du flux des crédits accordés à l’immobilier de 2,9%. L’investissement en produits industriels aurait, pour sa part, maintenu sa croissance compte tenu du renforcement des importations de biens d’équipement et de l’accroissement de 2,1% de l’encours des crédits à l’équipement, à fin août 2015.
PANNE D’INVESTISSEMENT Pour ce qui est de l’investissement, les indicateurs disponibles font état d’une évolution mitigée au titre de l’année 2015. Sa contribution à la croissance serait quasi nulle au titre de l’année 2015 après une participation négative de 1,1 point en 2014. En somme, l’évolution de l’investissement reste pénalisée par un attentisme continu des opérateurs économiques, lié en partie à l’incertitude entourant l’évolution de la demande extérieure. Concernant l’investissement privé, compte tenu des indicateurs avancés, une relative stabilisation est attendue au cours de cette année. En effet, les flux d’IDE (21,1% à fin août) et les importations en biens d’équipement hors acquisition d’avions (1,7% à fin août) laissent présager une légère reprise. Néanmoins, la poursuite de la baisse du crédit aux promoteurs immobiliers (-4,9% à fin juillet) et la contraction du rythme d’accroissement annuel du crédit à l’équipement (1,6% à fin juillet) continuent d’alimenter les incertitudes quant à la vigueur du redressement de l’investissement privé. S’agissant de l’investissement public, au regard de l’enveloppe budgétaire programmée (5,2% du PIB) et du taux d’exécution à fin juillet (57%), sa contribution à la dynamique globale resterait limitée. En termes de perspectives, et à la lumière de l’ensemble de ces évolutions, le taux de croissance du PIB non agricole devrait s’établir en 2015 à 3,3%. Cette révision est due principalement au manque de vigueur affiché par les secteurs des mines et du tourisme. S’agissant de la croissance globale en 2015, celle-ci devrait atteindre 4,6%. En 2016, sous l’hypothèse d’une campagne agricole moyenne et d’une légère amélioration de la valeur ajoutée non agricole, la croissance afficherait un taux de 2,4% et sa composante non agricole devrait rester au même niveau de 2015, soit 3,3%.Les principales incertitudes qui entourent ces prévisions ont trait notamment à l’ampleur de la reprise de la demande étrangère et aux évolutions des cours des matières premières, produits énergétiques en tête. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE COMPTES RÉGIONAUX
EN ATTENDANT L’AVANCÉE !
L
es comptes régionaux publiés par le HCP relatifs à l’année 2013 laissent apparaitre des évolutions pour le moins contrastées du Produit Intérieur Brut. Les régions ayant affiché un taux de croissance supérieur à la moyenne nationale sont au nombre de sept. Il s’agit de Doukala-Abda (+18,8%), Souss-Massa-Darâa (+13,6%), Tanger-Tétouan (+12,2%), Gharb- Chrarda-Béni Hssen (+11,2%), l’Oriental (+10,8%), Tadla-Azilal (+10,4%) et le Grand Casablanca (+8,4%). Les régions de Marrakech-Tensift-Al Haouz, de Fès-Boulemane et de Meknès-Tafilalet ont réalisé des croissances respectives de+6,3%, +4,2% et de +3,5%, soit égales où inférieures à la moyenne nationale. Par contre, le reste des régions (Chaouia-Ouardigha, Rabat-Salé- Zemmour-Zaer, les trois régions du sud et Taza-Al Hoceïma-Taounate) ont été marquées par des croissances négatives de -2,7%, -3,8%, -1,1% et -0,2% respectivement. Par branche d’activité, le secteur primaire demeure prédominant au niveau des régions de Tadla-Azilal, Gharb-Chrarda-Béni Hssen et de Taza-Al Hoceïma- Taounate avec des parts respectives de 31,8%, de 31,1% et de 31%
«LE MAROC UTILE» N’EST PAS UNE VUE DE L’ESPRIT. UN RÉÉQUILIBRAGE DE LA RICHESSE RESTE CHIMÉRIQUE POUR NOMBRE DE RÉGIONS.
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du PIB régional. Le secteur secondaire est, quant à lui, dominant dans les régions de Chaouia-Ouardigha, de Doukala-Abda, du Grand Casablanca et de Tanger- Tétouan avec des pondérations de 48,3%, de 39,2%, de 33,4% et de 29,9% respectivement. En ce qui concerne les activités tertiaires, celles-ci sont représentées dans les régions de Rabat-Salé-Zemmour-Zaer, des trois régions du Sud, du Grand Casablanca et de Fès-Boulemane avec 72,1%, 66,9%, 56,7% et 54,7% respectivement. LeGrand Casablanca demeure en tête de liste des régions en termes de PIB par habitant avec 52 903 Dhs, en appréciation de 7,3% comparativement à fin 2012. Celui-ci dépasse largement la moyenne nationale qui est de 27 356 Dhs per capita. Concernant les dépenses de consommation finale des ménages, les régions avec les parts les plus importantes du total national sont : le Grand Casablanca (17%), Tanger-Tétouan (11,2%), Souss-Massa-Darâa (10,3%) et Rabat-Salé- Zemmour-Zaer (8,7%), représentant à elles seules 47,2%. Et pour finir, les régions contribuant le plus à la création de la richesse nationale (soit 51,2% du PIB en valeur) sont toujours les même: Le Grand Casablanca (23,4% du PIB) ; Rabat-Salé-Zemmour (11,6% du PIB) ; Tanger-Tétouan (8,6% du PIB) ; Et, Souss-Massa-Darâa (7,7% du PIB). Comme quoi, « le Maroc Utile » a la peau dure !
RATING/GOUVERNANCE
ENCORE DES EFFORTS!
L
e Maroc est classé 16ème sur 54 pays africains par la fondation Mo Ibrahim et deuxième dans la région de l’Afrique du Nord après la Tunisie. La fondation qui phosphore sur la gouvernance depuis 2007 prend en compte 4 critères : la justice, les droits de l’Homme, les opportunités économiques et le développement humain. Le Maroc est l’un des pays qui se développent le plus vite selon ce rapport. Il fait partie des 4 pays qui se sont améliorés au niveau de tous les critères depuis 2011 mais surtout au niveau des opportunités économiques. Dans cette catégorie, le Maroc aurait réalisé des gains impressionnants depuis 2011. Le Maroc se classe 3ème dans le continent au niveau des opportunités économiques et là où il fait beau d’investir, et a amélioré sa note dans toutes les sous catégories : environnement des affaires, gestion publique, infrastructure ou encore développement du secteur rural. Toutefois, au niveau de l’environnement des affaires, un problème notable au niveau des procédures douanières a été signalé. La deuxième performance du pays est liée au développement humain. Le Maroc est classé toutefois 12ème sur le continent et 3ème dans la région derrière la Tunisie et l’Algérie. En revanche, le Maroc est encore mauvais élève au niveau des droits de l’homme selon ce rapport qui classe le pays au 42ème rang. Si les facteurs handicapants pris en compte ont trait à la participation aux élections ou encore la parité homme femme dans le milieu du travail, les plus mauvais indicateurs pointent, eux, parité et droits de l’homme. Enfin, beaucoup d’efforts restent à faire au niveau de la sécurité et de l’Etat de droit. Le Maroc est classé 18ème sur le continent. La meilleure note revient à la sécurité nationale. Cependant, le Maroc recule au niveau des différents indicateurs notamment celui de la sécurité personnelle, de la justice, de l’indépendance judiciaire, et aussi du trafic humain. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE STRATÉGIE AGRO-INDUSTRIELLE
A LA RECHERCHE DE LA SYMBIOSE
P
L’AGRO-INDUSTRIE NATIONALE AURA BIENTÔT SON PLAN DE DÉVELOPPEMENT. UNE ÉTUDE APPROFONDIE DE LA FILIÈRE EST EN PHASE DE FINALISATION. DE LA FERME À LA TABLE, LES INTÉRÊTS DES PRODUCTEURS ET DES TRANSFORMATEURS N’ÉTANT PAS CONCORDANTS, LA CHAÎNE DE VALEUR SEMBLE BRISÉE. COMBLER CETTE RUPTURE EST LE DÉFI À RELEVER.
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PERSPECTIVES MED
Par : M.T.
ersonne ne doute du fait que l’agriculture est un secteur à très fort potentiel de croissance. Celle-ci devait, selon les projections de la FAO, être de plus de 70% à l’horizon de 2050 en raison de l’explosion démographique. Face à cela, nombreux sont les pays qui affichent d’ores et déjà leurs ambitions. Le Maroc n’est pas en reste. Ayant fait le choix de développer son agrobusiness à travers le Plan Maroc Vert (PMV), le pays a, au vu et au su de tout le monde, fait des pas importants en termes de production. « Aujourd’hui, on peut dire que les objectifs du PMV, en ce qui concerne les volumes de production, ont été atteints », confie avec fierté le président de la Confédération marocaine de l’agriculture et du développement rural (COMADER), Ahmed Ouayach. Mais, par ce qu’il y aura toujours un « mais », « il s’agit, aujourd’hui, de transformer un peu plus de cette production pour avoir des produits à haute valeur ajoutée qui répondent aux normes et standards internationaux que ce soit en matière de la consommation ou au niveau de la sécurité alimentaire», explique-t-il. C’est dans cette logique que le PMV prévoyait l’aménagement des six agropoles dans quelques régions entre 2009 et 2015. Bien qu’accusant quelques retards, certaines sont déjà opérationnels (Berkane et Meknès) tandis que les autres le seront très prochainement. Faisant partie des batailles de la deuxième phase du PMV, la valorisation et la transformation, sont loin d’être une « bataille gagnée ». « Cette agro-industrie est appelée à se moderniser pour être à la hauteur de sa mission», insiste cet initié en précisant que « c’est dans ce cadre-là que les départements de l’Agriculture et de l’Industrie ont lancé une étude approfondie qui a touché la majorité des filières et qui va proposer des solutions et également va déboucher sur un contrat programme entre les pouvoirs publics et les opérateurs ». Le tout doit être achevé avant la fin de l’exercice. Accusant, un retard de deux ans, selon des sources sûres, ce chantier devrait être achevé sous deux mois. « C’est un chantier qui doit normalement, c’est même un impératif, se terminer avant la fin de l’année », affirme A. Ouayach. Et ce, pour que les choses soient opérationnelles dès le début de l’exercice fiscal prochain (2016). « Normalement, il faut que le contrat-programme soit prêt pour qu’il soit signé à l’occasion du salon de l’agriculture», voire avant, révèle-t-il. Cependant, la tâche s’annonce difficile, la stratégie agro-industrielle tant attendue devrait se
confronter à une multitude de problématiques, à leur tête « la rupture entre l’amont et l’aval du secteur ».
MANQUE DE SYNERGIE Outre les problématiques relatives à l’amélioration de la compétitivité, la sécurisation de l’approvisionnement, la mise à niveau logistique, la protection de l’environnement, la stratégie en gestation devrait avant tout créer une synergie entre les chaînes de valeur. Un objectif qui semble difficile. La mise en commun de moyens qui se renforcent entre eux pour aboutir à booster le secteur se heurte à une réalité qui laisse songeur. Selon un professionnel avisé qui n’est autre que le secrétaire général de l’Aspam (Association des producteurs d’agrumes du Maroc, Ahmed Derrab, « le problème qui se pose, en général, c’est qu’il y a une rupture entre l’amont et l’aval du secteur ». « Dans la plupart des cas, les industriels ne sont pas des agriculteurs, et donc les intérêts ne sont pas concordants», explique-t-il. D’un côté, il y a les industriels qui veulent acheter la matière première avec les prix les plus faibles pour pouvoir améliorer leur marge et donc avoir plus de liberté de manœuvre et de l’autre siègent les producteurs, rarement impliqués dans l’agro-industrie et cherchant à préserver leurs intérêts. Dès lors, résume-t-il, « quand il y a une pléthore, ce sont les agriculteurs qui reçoivent les coups de bâton. Parce que les producteurs sont obligés de brader leurs marchandises (périssables et difficilement stockables), les industriels font la fine bouche et essayent d’avoir le produit pour trois fois rien. Et quand c’est l’inverse (faible production), ce sont les agriculteurs qui tirent des coups de fusil, rareté oblige. Les industriels acculés achètent à des prix élevés ». Selon lui, l’idéal pour résoudre cette relation conflictuelle est « qu’il y ait une symbiose entre l’amont et l’aval ». Autrement dit, selon lui, on ne doit pas considérer l’activité agro-industrielle comme une activité lucrative dont l’existence se justifie par le fait qu’il faut essayer d’acheter les matières premières au prix le plus faible pour pouvoir les transformer et en tirer un meilleur profit ». Appelant à un rapprochement entre les deux parties et plus de lien de solidarité, A. Derrab plaide pour la complémentarité : « il faut qu’il y ait une intégration entre l’amont et l’aval de manière à ce que la transformation se passe en parfaite symbiose ».
PROTEGER LE PETIT FELLAH Insistant sur la nécessité de rééquilibrer ces relations, A. Derrab souligne que l’intégration doit se faire « de manière à ce que les agriculteurs puissent utiliser la transformation comme « une soupape de sécurité ». Et ce, d’abord pour alléger le marché local et ensuite pour améliorer
la qualité des produits qui sont vendus en frais étant entendu que les produits transformés sont en général de moindre qualité par rapport aux produits consommés en frais ». L’archétype est « d’intégrer l’agro-industrie à l’amont et qu’elle soit une sorte de débouché normal », résumet-il. Comme disent les économistes « produire, c’est bien, vendre, c’est mieux et encaisser, c’est l’idéal ». Et de s’interroger : A quoi ça sert de produire des milliers de tonnes et puis au lieu de les vendre à la ferme à 2 ou 3 DH de le faire à 50 centimes ?». « Bien entendu, beaucoup de gens ne savent pas que les produit reviennent chers (…), ces produits ont besoin de beaucoup de matériaux, pour faire le binage, pour les produits de traitement… même pour pomper l’eau, il faut une motopompe qui a besoin de gasoil et de pièces détachées … » Afin d’avoir une chaîne de valeur soudée, A. Derrab appelle les deux départements de l’Agriculture et de l’Industrie à « travailler pour que l’agro-industrie soit partie intégrante de l’amont et aussi permettre aux producteurs de se regrouper dans des coopératives ou dans des groupements de commercialisation pour mieux vendre leurs produits». En parfaite intelligence, le président de la Comader souligne que ces propos reprennent « l’objet de tous ces chantiers qui ont été lancés récemment.» «Actuellement, la coordination est assurée par le ministère de l’Agriculture et de la pêche maritime… l’Etat a un rôle régalien qu’il assure désormais». Rappelant que la loi en vigueur qui découle de la convention signée lors du dernier au Salon international de l’agriculture de Méknès comporte, entre autres, des accords interprofessionnels qui doivent être appliqués, A. Ouayach souligne, à l’instar du secrétaire de l’Aspam que la balle est dans le camp des professionnels. « Les agriculteurs de chaque filière doivent se réunir avec les industriels pour s’entendre sur un prix dans une sorte d’agrégation à grande échelle », dit-il. Ce qui ne l’empêche pas pour autant de défendre « le maillon faible » à savoir les petits fellahs. Refusant catégoriquement la théorie du moins-disant, il insiste sur le fait que « les industriels doivent comprendre que le fellah n’est pas le même, il est plus éveillé et plus conscient de ses intérêts ». Et de conclure qu’avec le futur contrat-programme, « il va y avoir des ressources qui vont être distribuées sous forme de subventions et d’incitations à l’investissement, mais les opérateurs sont appelés à moderniser l’outil, donc mettre la main à la poche pour être capables de mener à bien leurs missions ». Ainsi, on peut dire que l’échec de ce chantier ne peut, en tout état de cause, être toléré. « Aujourd’hui, c’est sur les coups de fusil que ça marche. On ne peut pas bâtir une industrie durable sur du ponctuel », conclut A. Derrab. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE CRISE DU TOURISME
DÉFICITS À TOUS LES ÉTAGES ! Par : Mohammed Taleb
Le tourisme national va de mal en pis. Un diagnostic qui fait l’unanimité. Un déficit de lisibilité marque la démarche de la tutelle et l’opacité marque de son sceau la politique de promotion. Mais cette défaillance au niveau de la gouvernance n’épargne pas les opérateurs non plus en mal de représentativité.
L’
objectif de voir le Maroc parmi les 20 premières destinations touristiques mondiales à l’horizon 2020 relève, sauf miracle, de l’utopie. Le Maroc est encore loin d’avoir fait le plein des objectifs de la vision 2010. Un des artisans du business modèle confie que cette stratégie était un véritable fiasco. Si l’objectif de base de 10 millions de touristes n’a été franchi qu’en 2013, il faut dire que les autres paramètres n’ont pas suivi surtout en matière de durée moyenne de séjour. Qui dit durée moyenne de séjour, dit nuitées, ensuite volume d’affaires et en dernier lieu rentabilité. Dans ce cas, « si l’on sait que l’on n’a pu atteindre que 37% des nuitées prévues, il serait facile de déduire que l’on est resté loin, voire trop loin des autres objectifs», martèle cet initié. Pire, installé dans la crise, le secteur peine à capitaliser sur les acquis mineurs de l’ancienne stratégie et les perspectives s’annoncent de plus en plus sombres. Alors que certains opérateurs publics et privés s’efforcent de croire en une reprise prochaine de l’activité refusant, ainsi, de voir la vérité en face, les derniers chiffres font état d’une aggravation de la situation. Que faire alors ? Chaque groupe d’intérêts avance sa version. Certains se plaignent du manque de moyens, d’autres dénoncent le saupoudrage de ces derniers s’ils ne brocardent pas au
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passage la politique de promotion. Mais les plus radicaux vont jusqu’à remettre en cause la stratégie dans son ensemble et profitent pour appeler à sa révision de fond en comble. Une chose est sûre, le secteur est confronté à des problèmes inhabituels. Des voix s’élèvent par-ci et par-là pour dénoncer le silence radio des responsables aveuglément optimistes, tandis que ces derniers débitent à l’envi le discours de la «bonne saison » qui ne fait que masquer les véritables maux dont souffre le secteur.
SINISTROSE ?
Oui, le secteur est en crise. Tous les acteurs en conviennent. «Tous les paramètres et les signaux sont plutôt défavorables, le secteur ne vit que des problèmes », note un professionnel sous le sceau de l’anonymat. Pendant ce temps, la tutelle voit les choses autrement. Essayant tant bien que mal de nuancer les contreperformances du secteur, le ministère à travers son observatoire contesté, s’est félicité d’une légère reprise après l’effet Ramadan, qui, selon lui, permettrait « d’absorber les contres performances» du premier semestre. Pourtant, loin de constituer l’amorce d’un redressement de l’activité, l’augmentation des arrivées de 12% durant le mois
de juillet est essentiellement due à l’augmentation des arrivées des MRE de 20,2%, qui reste pour autant très peu profitable aux établissements hôteliers. La preuve ? La baisse de 8% des nuitées à fin juillet. Quoique qu’elle eut aidé à minimiser relativement les dégâts, permettant de ramener la baisse des recettes de voyages de 11,2% au premier semestre à 3,1% à fin juillet, son impact final confine au négatif. Les professionnels, hôteliers en tête, savent mieux que quiconque lire les statistiques. Dès lors, cette diminution pourrait avoir des conséquences désastreuses. Un ex- président de la Fédération du tourisme au sein de la CGEM affirme, indubitablement, que « lorsqu’il y a une baisse de 3 à 4% des arrivées, cela veut dire que la baisse serait d’au moins 8 ou 9% des nuitées. Parallèlement à cela, la recette moyenne par client va de 3 à 10%. A un autre niveau, le cumul de tout cela donne une baisse de marge oscillant entre 30 et 40 %. In fine, la baisse des résultats peut aller dans un tel cas de 50 à 80%. De tout ça, on n’en parle jamais », se désole-t-il.
CLIMAT D’APPREHENSION
A ces contre-performances, les informations en provenance des Tours Opérateurs (TO), mais aussi du principal opérateur aérien, n’augurent rien de bon pour le reste de la saison ni pour la prochaine. En effet, les réservations des TO des séjours d’hiver sont en chute libre. Alors qu’elles oscillaient entre 9 et 10% durant les mois de novembre, décembre et janvier derniers, elles ont baissé à 3 ou 4% pour les prochains trois mois. Le PDG de la Royal Air Maroc, Driss Benhima, connu pour son franc-parler, a jeté un grand pavé dans la marre en pronostiquant « un hiver très froid ». Quoique que contestés, ces propos «glaçants» devront être pris au sérieux vue la relation étroite entre transport aérien et tourisme.. En effet, D. Benhima n’est pas le seul à faire remarquer que les incidents qui secouent la région ont installé une morosité qui perdure. Loin d’être les seuls déterminants de la crise, tant qu’il y a beaucoup de facteurs endogènes qui font défaut, ces facteurs exogènes ont eu une incidence plus conséquente sur la scène nationale. L’ancien président de la Fédération nationale des agences de voyages du Maroc (FNAV), Amal Karioun, note qu’« il ne s’agit plus d’événements passagers ». « Par le passé, même l’effet des attentats de Casablanca, on a pu le circonscrire, mais actuellement, il ne s’agit pas du Maroc mais de toute la région ». Ce connaisseur de l’industrie touristique explique que si le tourisme national a toujours pu résister aux menaces passagères de son
environnement, il doit désormais tenir tête à une crise régionale qui perdure. Cependant, d’autres acteurs rappellent qu’il n’y a pas que les facteurs environnementaux qui pénalisent, mais aussi des facteurs maroco-marocains. Selon eux, le secteur est plus que jamais pénalisé par un manque de vision, de convergence des efforts entre les différents maillons de la chaîne, de communication entre ces derniers et une tutelle qui n’arrive toujours pas à dresser le constat sans concession et trouver les solutions.
MARKETING DEFAILLANT
Face à cet amalgame associant le Maroc à l’instabilité régionale, une politique agressive de promotion, mais aussi un resserrement
UNE REMISE À PLAT DE LA STRATÉGIE TOURISTIQUE EST REQUISE. des rangs des acteurs du secteur deviennent plus que jamais indispensables. On en est loin ! L’actuelle crise a révélé au grand jour le manque de visibilité dont souffre le secteur ainsi que les multiples défaillances du marketing de la destination. « Tout le monde travaille en tant que pompier là où il y a le feu on va l’éteindre », regrette A. Karioun. Et de pointer l’absence de planification. « On n’arrive toujours pas à dire : voici le plan d’action pour les cinq années à venir, voilà ce que l’on va dépenser sur chaque partie ». Ce manque de visibilité est souvent imputé à un manque de moyens. « C’est vrai que la première entrave, malgré toutes les bonnes volontés que peut avoir l’ONMT, c’est qu’il ne connait jamais son budget ». Et par conséquent, il ne peut pas engager des sommes parce qu’il est toujours tributaire du budget», explique ce voyagiste. Ce qui n’empêche pas, précise-t-il, qu’il peut y avoir une vision. Autre responsable de la FNT, autre son de cloche. Pour ce voyagiste qui préfère voir global, « l’ONMT n’est qu’une partie du problème». Un autre professionnel renchérit en se demandant « pourquoi investir des sommes colossales dans des campagnes publicitaires, alors qu’on pourrait avec un petit effort
participer au capital de certains TO étrangers ou dans le web-marketing ». Allant plus loin, il assène que si la communication marketing est très importante, elle n’est qu’un support de la table. Il y a aussi le produit, la stratégie d’investissement, la faiblesse de l’offre…». Bien sûr que l’ONMT a besoin de plus de moyens pour assurer son rôle de promotion. Encore faut-il que « le PJD prouve qu’il n’est pas contre le tourisme car depuis qu’il est au gouvernement, le budget de l’ONMT a fondu». Cet opérateur va plus loin en s’intérrogeant que si Abderrafie Zouiten, DG de l’ONMT, fait du mieux qu’il peut, est-il bien en phase avec la CNT (confédération nationale du tourisme)? Et cette dernière, est-elle en phase avec le ministère ? Et-ce ce dernier, est il en phase avec l’ONMT ? » Quoique l’on puisse dire sur le manque de moyens, il faut y ajouter un manque de transparence de la part de l’ONMT et de la tutelle. Si la réponse au problème du financement de la promotion a été la taxe aérienne, « le plus frustrant, c’est qu’on ne connaît pas le produit de cette taxe ». Censé, en théorie, profiter des recettes de la taxe à hauteur de 50%, l’ONMT refuse de communiquer à ce propos. Motus et bouche cousue du côté de A. Zouiten. Une affaire grave lorsqu’on raisonne en terme de bonne gouvernance. Mais il faut aussi souligner qu’en ces termes, les professionnels aussi traînent dans leur sillage un lourd passif. Ni les fédérations, ni la confédération ne méritent de lauriers. Dès lors, la question qui s’impose en matière de déficit communicationnel entre officiels et opérateurs n’est-elle pas symptomatique d’un déficit en matière de crédibilité constaté au niveau de la représentation sectorielle ? En attendant des jours meilleurs, l’impression qui se dégage est que le secteur est englué dans une « situation d’hypnose généralisée», comme le résume sagement un opérateur. N’est-il pas urgent de changer de focale pour attaquer les vrais maux qui pénalisent la destination Maroc ? Pour A. Karioun, vieux routier dans le secteur, « tant que nous sommes encore sur une politique de tourisme tournée exclusivement vers les couples et les vieux, tant que nous ne nous remettons pas à mettre en place des structures pour l’accueil des familles, nous sommes loin d’être une destination touristique ». Une affaire de confiance à gagner. Y compris auprès du gisement « local » pénalisé par une facturation par trop discriminatoire. Un scandale lorsqu’on sait que le rapport prix/service va du simple au septuple, voire plus ! PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE RÈGLEMENTS DE COMPTES CHEZ CORRAL
SAMIR, UNE BOMBE À RETARDEMENT ! Par : Mohammed Taleb
Et si jamais la SAMIR venait à disparaitre ? Pareille projection assomme plus de 10.000 pères de famille depuis le 4 août dernier, sans pour autant achaler le top management du raffineur ou encore moins la tutelle ou les responsables du GPM. Tous ces protagonistes aux intérêts divergents sont engagés dans un bras de fer qui risque de durer. Avec des dégâts à la clé.
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epuis son déclenchement avec l’arrêt soudain du raffinage le 4 août dernier, la crise de la Samir n’a cessé de défrayer la chronique. Dans l’expectative, les salariés de l’unique raffinerie du Royaume, ceux des filiales et des sous-traitants ainsi que les petits porteurs sont sur le qui-vive et suivent avec impatience le déroulement des négociations entre l’Etat marocain et l’investisseur principal Corral Petroleum. Des négociations qui n’augurent rien de bon, chacune des parties campant sur sa position. Contrairement à ce qu’on essaye de faire croire quant à « la crise financière » supposée, la véritable pierre est liée aux quotas d’importation. L’import et la distribution des produits pétroliers sont les deux mamelles d’un commerce juteux qui fait saliver les investisseurs. Et c’est là où tout se joue… Depuis la privatisation de Samir, la configuration du marché des produits pétroliers a connu d’importants bouleversements qui expliquent les véritables dessous de la crise. Rappelons qu’au moment de la privatisation, les deux raffineries assuraient grâce à une capacité de traitement de 7,45 millions de tonnes par an (6,25 M/T pour la Samir et 1,2 M/T pour la Société Chérifienne du Pétrole (SCP)) la totalité des besoins nationaux en produits pétroliers. Peu à peu, sur les 18 dernières années, les distributeurs regroupés au sein du Groupement des pétroliers marocains (GPM) ont commen-
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PERSPECTIVES MED
cé à se soustraire du monopole via l’importation et par conséquent grignoter sur les parts de marché du raffineur. Des contingents qu’ils ne seront pas prêts à céder aussi facilement que croit le top management de Corral. D’autant plus que les distributeurs, qui assurent actuellement la totalité de l’approvisionnement du marché, entendent s’accaparer une part de marché plus conséquente. Corral cherche donc, à travers le forcing qu’il fait sur l’Etat, dont la date a été bien choisie (coïncidence avec la visite du Roi Salmane d’Arabie Saoudite et approche d’échéances avec la douane), à récupérer « ce qui lui appartient !». C’est d’ailleurs pourquoi Samir a décidé d’attaquer ses concurrents sur leur créneau en créant, en 2013, une filiale dédiée à la distribution baptisée Société de distribution de carburants et de combustibles (SDCC). Une ambition qui risque de se heurter au mur d’une administration et de banques qui en ont assez de rééchelonner les dettes du holding et d’un GPM pas du tout prêt à céder un iota de ses intérêts.
SECRET DE POLICHINELLE
Au-delà de cette guerre de tracés, une question s’impose d’elle-même : comment Samir en est arrivé là ? Chacun des acteurs du secteur y va de sa version des plus raisonnables aux plus sournoises. La thèse la plus répondue est celle des
difficultés financières de la société, qui culminent à près de 50 milliards de dirhams de dette (selon le Chef du gouvernement) et l’ardoise ne cesse de s’alourdir (pénalités, intérêts et surestaries…). Mais de l’autre côté, on soupçonne une cabale menée par les distributeurs et les banques bloquant le plan de restructuration de la dette de la société et empêchant l’arrivée de nouveaux investisseurs dans son tour de table. Selon une source bien placée au sein de la société, « le GPM n’ayant pas digéré l’entrée de la SDCC sur le marché de la distribution, a commencé à user de pratiques déloyales ». Même son de cloche chez le Secrétaire général du syndicat des industries du pétrole et du gaz, Lhoucine El Yamani, pour qui « la dégringolade de la Samir qui se poursuit depuis des années est en fait un secret de polichinelle ». « Tout le monde savait que la raffinerie sombrait et tout le monde était dans le déni », nous a-t-il confié. Selon lui, l’une des armes utilisées par les distributeurs dans le bras de fer avec Samir était « le dumping ». « Les distributeurs ont inondé le marché sans aucune justification, et face à cela les autorités sont resté les bras croisés », assure-t-il. Pour le syndicaliste, cela n’empêche pas que « la responsabilité dans le dossier de la Samir est partagée entre l’Etat marocain et l’investisseur principal ». L’Etat n’a pas « assumé sa responsabilité de contrôle de l’exécution du cahier de charge de la privatisation mais également de celui de la convention d’investissement signée entre le gouvernement et le raffineur en décembre 2004 ». Cette logique de laisser faire devait buter immanquablement sur un problème qui a pris d’autres dimensions. De l’autre côté, ajoute le syndicaliste, « l’actionnaire principal s’était engagé à injecter des capitaux pour la modernisation de l’outil de production, ce qui n’a pas été le cas ». Pis, ajoute ce militant de la CDT, « il a eu recours aux capitaux propres de la société et aux crédits pour financer les plans d’investissement ». Résultat des courses, l’Etat est invité à « reconnaitre son échec en ce qui concerne la privatisation de la Samir ».
L’ETAT RESPONSABLE
Ni les distributeurs, ni l’actionnaire principal ne veulent du bien pour le raffineur et partant pour l’économie nationale. Non pas parce que ce puissant groupe d’influence se bat pour ses intérêts ou parce que l’investisseur principal soit mal intentionné, loin de là. Mais plutôt parce que dans le monde des affaires, aucun autre intérêt ne prévaut sur celui des actionnaires. L’erreur fondamentale d’analyse et de stratégie commise par l’Etat était de mettre un monopole (Samir et SCP) entre les mains d’investisseurs étrangers. A l’époque post programme d’ajustement structurel (PAS), les privatisations battaient leur plein. Durant la première moitié des années 90, les deux structures étaient considérées comme stratégiques. D’ailleurs les deux raffineries ne furent inscrites sur la liste des privatisations qu’en 1995. «La politique libérale, les contraintes budgétaires, l’impératif de modernisation –accords avec l’UE obligent- mais aussi les intérêts personnels de quelques commis de l’Etat ont fini par l’emporter sur la thèse de la notion stratégique du raffineur » rappellent d’anciens cadres de Samir. A leurs yeux, « c’est l’artisan de la privatisation qui avait semé les graines des problèmes actuels »,. D’abord parce l’homme en
question qui disait que « l’Etat allait jouer son rôle de régulateur», avait cédé, en 1997, à Corral sur « la libéralisation après 5 ans» tout en défendant le report de la libéralisation en 2002». Le nom d’Abderrahman Saaïdi est lâché puisqu’il devint en 2001 DG de la filiale de Corral. Selon ce cadre proche d’Abderrafie Menjour directeur général de la Samir à l’époque, A. Saaïdi ramait à contre courant. « Il était le seul à défendre le choix de la privatisation tandis que Menjour, ardent militant d’une présence des investisseurs nationaux dans le raffinage, mettait les mains et les pieds pour que l’Etat sauvegarde les intérêts de tous ». L’architecte de la privatisation a également réussi à obtenir, en 2002, auprès du gouvernement d’Abderrahman El Youssoufi l’acquis du démantèlement progressif des droits d’importation des produits raffinés (10% annuellement) jusqu’en 2009, date de la libéralisation totale du secteur. Après quatre ans aux commandes de la Samir, A. Saaïdi fut remplacé par Jamal Baamer. Ce saoudien d’origine yéménite, tout comme son mentor le cheikh Mohammed Houssine Al Amoudi, a gardé la même méthode « basée sur les privilèges et autres concessions arrachées auprès du gouvernement ». L’arrivée de J. Baamer à la direction de la raffinerie intervenait juste avant la signature de ladite convention d’investissement d’une valeur estimée à plus de 6 milliards de DH. Ce n’est que 2 ans après la signature de la convention par Driss Jettou, premier ministre de l’époque, que Samir avait bouclé le financement grâce à un investissement de 3,5 milliards de dirhams. Et ce, malgré le fait que Saaïdi (2001-2004) avait laissé plus de 2 milliards d’excédent. Emasculé par la libéralisation du secteur et par l’absence de loi sur la régulation du secteur, l’Etat ne pouvait rien faire pour la préservation du raffineur à la dérive. L’épreuve de force d’aujourd’hui risque d’écraser sur son chemin les milliers d’emplois directs et indirects outre les petits porteurs.
UN VIDE JURIDIQUE AU PROFIT DES MASTODONTES DU SECTEUR Le ministère de l’Energie partage avec les différents protagonistes une part importante de responsabilité dans cette crise puisqu’il a laissé grossir la boule de neige jusqu’à ce qu’elle se transforme en avalanche risquant de tout détruire sur son passage. Depuis sa libéralisation, le marché des produits pétroliers baignait dans le désordre total, un vide juridique entoure l’importation devant un Conseil de la concurrence incapable de s’imposer en tant qu’institution constitutionnelle. Le ministère de tutelle s’est réveillé tardivement de son hibernation pour enfin proposer un projet de loi qui risque de bloquer au niveau du Secrétariat général du gouvernement (SGG) puisqu’il est loin de répondre aux attentes des différents protagonistes. En effet, le mercredi 22 septembre, un projet de loi sur « l’importation, l’exportation, le raffinage, la reprise en raffinerie et en centre emplisseur, le stockage et la distribution des hydrocarbures », proposé par le département dirigé par Abdelkader Amara, a été mis en ligne sur le site du SGG. « Ce projet de loi est loin de constituer une issue au différend entre les distributeurs et le raffineur», commente une source proche du dossier. Les quotas d’importation, véritable point de discorde, ne sont pas évoqués… PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE LA CDT AU CHEVET DE LA SAMIR
ET SI ON RENATIONALISAIT ? Propos recueillis par M.T.
Le Secrétaire général du syndicat du pétrole et du gaz, Houssine El Yamani, apporte un autre éclairage sur les risques liés à l’extinction de la Samir. Dégoupiller la crise pourrait passer par la renationalisation. Piste crédible?
PERSPECTIVES MED : VOTRE BUREAU SYNDICAL A TENU PLUSIEURS REUNIONS DERNIEREMENT, QUELLES SONT LES CONCLUSIONS QUE VOUS AVEZ TIREES ? QUI EST LE RESPONSABLE DE LA SITUATION ACTUELLE ? HOUSSINE EL YAMANI : Nous considérons que l’Etat et l’actionnaire principal se partagent la responsabilité concernant la crise de la Samir. Le premier, parce qu’il n’a pas assumé sa responsabilité de contrôle de l’exécution du cahier de charges de la privatisation, mais également de celui de la convention d’investissement signée en décembre 2004. Les responsables ont vendu le secteur en adoptant une logique de laisser faire jusqu’au jour où ils se sont réveillés sur un problème qui a pris d’autres dimensions. De l’autre côté, l’actionnaire principal s’était engagé de ramener des capitaux et les injecter pour la modernisation de l’outil de raffinage. Ce qui n’a pas été fait. Pis, il ne s’est pas contenté d’un recours aux capitaux propres de la société et a opté pour des crédits colossaux pour financer les plans d’investissement. Voilà pourquoi nous demandons à ce que l’Etat avoue son échec en ce qui concerne la privatisation de la Samir. Pour nous, la seule solution de cette crise et le retour de l’Etat dans le capital de la Samir pour
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PERSPECTIVES MED
intervenir dans la gestion. Et ce, dans une sorte de renationalisation partielle ou totale à travers laquelle il peut assurer son rôle de contrôle d’une manière absolue sur l’exécution de la politique nationale en ce qui concerne le raffinage et l’approvisionnement du marché national en produits pétroliers. Et aussi imposer à toutes les parties d’exécuter leurs engagements. S’agissant du trou financier existant actuellement à cause de l’endettement inouï et qui peut avoir des conséquences néfastes sur les créanciers notamment les banques nationales mais également sur l’Etat à travers la TIC (la taxe intérieure sur la consommation). Le seul qui peut assurer le recouvrement de ces créances est l’Etat. Ce dernier ne peut agir que s’il opère un retour dans le capital de la Samir. DANS UN COMMUNIQUE QUE VOUS VENEZ DE PUBLIER, VOUS APPELEZ LE GOUVERNEMENT A ASSURER SA MISSION DE REGULATION. N’EST-IL PAS LE CAS ? H.E : Nous ne cesserons de réitérer notre doléance en ce qui concerne la régulation du secteur. Il doit y avoir un gendarme du secteur. Autrement dit, le gouvernement doit légiférer pour instituer une agence nationale de régulation de l’approvisionnement
du marché national en hydrocarbures. Cette agence devra donner la priorité au produit national et assurer le complément pour combler le déficit structurel à travers l’importation. C’est la seule issue pour cette crise. Et ceux qui prétendent que le Maroc peut balancer totalement et se contenter de l’importation du produit finis mettent en jeu le futur du Maroc. Parce que même si les conditions du marché sont favorables aujourd’hui avec un prix du baril oscillant entre 40 et 50 dollars, le pays risque de payer cher toute fluctuation à la hausse. D’autant plus que l’industrie génère des emplois, et qui dit industrie dit également création de plus-values et de richesses. Chose que l’importation ne peut permettre. Loin de l’Etat et de son rôle, il se peut que ces groupes d’influence qui prétendent que l’importation est la solution, changent d’idée s’ils avaient leur part dans le capital de la Samir. QUELLES SONT, SELON VOUS, LES PISTES DE SOLUTION ? H.E : Pour résoudre l’équation Samir, il n’y a pas mille et un chemin. Il y a deux solutions possibles : A l’amont et en aval. Pour ce qui est de la première, il faut apporter des capitaux capables de couvrir les dettes et assurer l’approvisionnement. Aujourd’hui, on parle de 45 Mrds Dhs de dettes et l’ardoise ne cesse de s’alourdir avec les pénalités, les intérêts de la dette, mais aussi les surestaries appliquées pour chaque retardement de livraison. En plus d’un rétablissement de la confiance auprès des banques pour qu’elles ouvrent les vannes pour assurer l’approvisionnement. S’agissant de la solution en aval, cette dernière est dans le marché. COMME QUOI ? H.E : Il faut assurer à la raffinerie une part de marché stable. Parce que si on continue ce bras de fer avec les distributeurs, le dumping persistera. Un projet de loi doit garantir à la raffinerie une part de marché stable en parfaite adéquation avec sa performance et sa rentabilité. La raffinerie peut arriver à produire jusqu’à 10 millions de tonnes par an. Ce qui veut dire que la Samir doit avoir une part de marché oscillant entre 70 et 75% du volume de consommation nationale. Mais tout réside dans la compétitivité. D’autant plus que la raffinerie ne peut avoir d’avantage comparatif qu’en travaillant à plein régime, soit la seule manière de minimiser les coûts et réaliser des économies d’échelle. D’ailleurs, c’est la cause pour laquelle a été fermée la raffinerie de Sidi Kacem dont la capacité de production n’excédait pas les 2 millions de tonnes et par conséquent ne permettait pas une minimisation des coûts. On l’avait fermée en 2008 et on a augmenté la capacité de celle de Mohammedia à 10 millions de tonnes. Il faut également souligner que la convention d’investissement signée en 2004 comporte un alinéa selon lequel la permission d’importation ne peut être délivrée que si la Samir s’avère incapable de produire. Pour que la raffinerie puisse être rentable et compétitive, elle doit travailler à pleine allure. Pour qu’elle marche à pleine allure, elle doit avoir un minimum de marché. Ce dernier pour l’assurer, il faut qu’il ait un gendarme du secteur pour définir les parts entre elle et les distributeurs. Quand tu m’auras donné cette visibilité, je peux aller chercher des capitaux et rembourser les dettes… En ce qui concerne le gasoil la Samir, même en plein régime, ne peut pas couvrir les besoins du marché national car elle a un déficit structurel. Déficit de capacité de production. De l’autre côté, nous avons un excédent structurel du super (essence). Si le gouvernement opte pour une politique incitative à la consommation de l’essence à travers la TIC on pourrait ainsi combler le déficit du gasoil. Et de cette manière, on n’aura pas une double importation (importation du produit brut et importation de gasoil produits finis) et on pourrait même exporter le naphta (naphtalène ou naphtaline). En ce qui concerne cette dernière il y a un autre projet qui devait voir le
jour. Un complexe de pétrochimie qui a une valeur ajoutée plus importante que celle de la raffinerie. Il faut rappeler que d’après le cahier des charges de la privatisation, un investissement de 5 milliards de dirhams devait être exécuté en 1997 et 2002. Parce que l’Etat marocain avait signé des accords avec l’UE et devait se conformer à ses normes. On faisait du gasoil 10000 ppm. L’Etat était alors incapable de mettre en place les investissements nécessaires et a fini par céder le terrain au secteur privé. Corral devait ramener les capitaux nécessaires pour cet investissement. Chose qui n’a jamais eu lieu, mais l’Etat qui n’a pas fait de contrôle est aussi responsable. L’incendie de 2002 avait remis en surface cet investissement. Avant novembre 2002, en juin, Abraham Serfati avait soulevé la question en estimant qu’il était plus que jamais nécessaire de moderniser la machine conformément aux cahiers des charges. Mais personne ne nous a entendus. Ce n’est qu’à partir de 2002 qu’ont commencé les pourparlers pour la réalisation des investissements devant s’effectuer entre 1997 et 2002. Les négociations ont abouti à la convention d’investissement de 2004. Quand Saaïdi (2001-2004) est parti, il avait laissé plus de 2 milliards d’excédents. L’ARRET ACTUEL DU RAFFINAGE N’AURA-IL PAS UNE INCIDENCE SUR L’APPAREIL DE PRODUCTION ? H.E : l’appareil de production est vraiment sous la menace d’incident. Une machine en arrêt doit être graissée pour permettre sa lubrification et doit passer par des tests de redémarrage avant de se remettre marche. En ce qui concerne le raffinage, il se peut qu’il y ait des problèmes dans l’arrêt et dans le démarrage. Quand la machine est sur une allure normale (surtout si ses canaux sont pleins) à plein régime c’est notre plus beau jour. Quand la machine est en arrêt il y a la corrosion externe et interne aussi. Pour éviter les dégraissions de l’appareil de production nous demandons le démarrage imminent. Actuellement, nous sommes otages d’un différent entre l’Etat marocain et l’investisseur principal. L’Etat a décrété un embargo. Deux bateaux ont été interceptés et par conséquent la Samir aura à payer des surestaries. Pour chaque livraison retardée la Samir débourse entre 400000 et 500000 dirhams. Est-ce que l’Etat veut tuer la Samir avec cet embargo ? Si c’est le cas alors il doit sortir une décision claire et courageuse selon laquelle nous n’avons pas besoin de raffinage et qu’ils viennent perquisitionner la société. Nous disons qu’il faut traiter le problème à part et laisser l’appareil marcher. De cette manière, on pourrait éviter le problème du personnel et aussi rembourser les dettes. Et si on stoppe la production tout le monde aura à subir les conséquences. L’Etat peut à travers ses créances entrer dans le capital de la Samir en tant qu’actionnaire. La machine n’a pas de pitié, son entretien peut donner lieu à de nouveaux incidents. Rappelons qu’un communiqué daté de 2004 du syndicat disait que si on n’arrivait pas à trouver une solution entre le raffineur les distributeurs et l’Etat marocain, le secteur se dirigera frontalement vers l’impasse. Plus de 1000 d’emplois directs, 5000 emplois permanents des sociétés de sous-traitance et lorsqu’on sait qu’il y a un arrêt général les 5000 s’élèvent à 7500. Sans oublier les retraités de Samir qui ont beaucoup d’avantages liés à la société. Nous n’avons pas de couverture médicale à l’image de l’AMO ou du RAMED. Nous avons une assurance facultative beaucoup plus avantageuse. Donc dès demain, ces gens n’auront pas de couverture médicale parce que c’est la Samir qui paye la cotisation à la société d’assurance. PERSPECTIVES MED
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ÉCONOMIE DÉBORDEMENT DE LA CRISE DE LA SAMIR
LE SYSTÈME FINANCIER POLLUÉ
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lors que la crise de la Samir semble s’éloigner d’une issue sans conséquences malencontreuses, la liste des victimes des dommages collatéraux est loin d’être bouclée. Outre le personnel, les petits porteurs ainsi que le tissu industriel naturellement lié au raffineur, banques et compagnies d’assurances se retrouvent aussi au banc des victimes potentielles. Ayant une vision claire des enjeux de la crise de la Samir, qui risque fort de partir en vrille, et de ses éventuelles implications sur le système bancaire, le gouverneur de Bank Al Maghrib (BAM) a essayé autant que faire se peut de dédramatiser la situation. En envisageant le pire, Abdellatif Jouahri, qui s’exprimait lors du dernier Conseil de BAM, a précisé que si la Samir se trouve en défaut de paiement, « le secteur bancaire ne connaîtra pas une crise systémique ». Pour Jouahri, le stress test réussi par les principales banques du Royaume -exposées à plus de 8,5 milliards de dirhams au risque Samir-, éloigne le secteur de la catastrophe. Cependant, les autres scénarios ne sont pas pour autant à négliger. Prenons le cas du groupe BCP, dont l’encours des crédits par décaissement de la Samir s’élève à 1,9 Mrds de Dhs, a affecté une provision additionnelle pour risque de 535 MDH pour couvrir, entre autres, celui de la Samir. La banque aurait augmenté, pour la première fois depuis 2011, ses provisions pour risques généraux à plus de 2,8 Mrds Dhs, soit plus du double de son résultat net qui se situe à plus d’un milliard. Ce qui est valable pour la BCP l’est également pour les autres banques. Somme toute, le coût du risque ne manquera pas de plomber les résultats des institutions bancaires et leur capacité à financer l’économie. Du côté des assurances, c’est à leur tour d’en prendre pour leur grade. Certes, elles sont moins exposées au risque que les banques, mais elles ne sont pas pour autant à l’abri. L’empressement de certaines d’entre elles à déclarer qu’elles ne craignent pas la crise justifie le soupçon. Le tandem Atlanta-Sanad est le plus exposé. Voulant dissuader les doutes qui peuvent impacter le cours de ses actions, le management d’Atlanta, dont la participation qui s’élève à 350 MDhs (300 MDhs provisionnée) a essayé de minimiser le risque en affirmant que l’exposition sur le raffineur n’excède pas 3% du portefeuille (10,4 Mrds Dhs). Pour ce qui est de Sanad, qui détient aussi des actions de Samir, elle risque de perdre également un grand client… Peut-être que l’exposition des assureurs reste maitrisable, selon les évaluations faites par la DAPS (Direction des assurances et de la prévoyance sociale) mais l’ampleur de la détérioration du portefeuille actions et obligations (contenant des titres Samir) est loin de l’être. Ainsi, une affection du système bancaire devient plus conséquente si l’on y ajoute les miasmes du secteur immobilier. Dans ce sens, la solution selon BAM est la « consortialisation » du risque. « Consortialiser » l’ensemble de la dette aiderait les banques à diviser le risque et faire front commun lors des négociations de sortie de crise.
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PERSPECTIVES MED
PERSPECTIVES MED
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MARCHÉS MARCHÉ BOURSIER
LÉTHARGIE LÉTALE ?
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LE MARCHÉ DES ACTIONS AURAIT ÉVOLUÉ DANS UNE CONJONCTURE RELATIVEMENT DIFFICILE AU TROISIÈME TRIMESTRE 2015 COMME EN TÉMOIGNENT LES COURS BOURSIERS QUI SE SONT FORTEMENT CORRIGÉS À LA BAISSE, SUITE AU REPLI DES RÉSULTATS SEMESTRIELS DES COTATIONS. CETTE ÉVOLUTION N’A PAS MANQUÉ D’AFFECTER LA CONFIANCE DES INVESTISSEURS ET AINSI ENTRAÎNER UN NET RALENTISSEMENT DES ÉCHANGES SUR LE MARCHÉ DES ACTIONS.
Par : Abou Marwa
près un S1 2015 négatif, la place boursière casablancaise ne parvient pas à rompre avec sa profonde léthargie et clôture le troisième trimestre sur un net repli. Les indices phares du marché ont ainsi essuyé une contre-performance de 4,84% à 9 114,29 points pour le MASI et de 5,00% à 7 445,70 points pour le MADEX. Cette vague baissière de la cote trouve son origine, principalement, dans les pertes accusées par la quasi-totalité des Blue-chips. On trouve, dans cette lignée, les titres Lafarge ciments (-12,70%) ; Addoha (-11,78%); Cosumar (-9,49%) ; Wafa assurance (-5,19%) et Holcim (-4,40%). Ces cinq valeurs contribuent, à elles seules, à hauteur de -1,84% à la régression de l’indice de toutes les valeurs cotées au terme du T3 2015. Cette contre-performance a coïncidé aussi avec la conjonction de plusieurs éléments, notamment la dégradation de la masse bénéficiaire des sociétés cotées à la BVC de 32,1% à 9,77 Mrds Dhs. L’explication se situe au niveau du malaise subi par nombre de sociétés cotées, notamment Alliances et Samir dont les pertes ont lourdement impacté le MASI durant le S1 2015. Autre fait marquant, la reclassification annuelle par la Bourse de Casablanca des sociétés cotées dans les compartiments. Dans ce sens, CGI a été classée au 3ème compartiment au moment où Unimer, SMI et Med paper ont rejoint le 2ème avec Timar. De son côté, Delattre Levivier Maroc a été promue au 1er compartiment. La valorisation globale du marché au troisième trimestre 2015 s’établit à 458,43 Mrds Dhs en forte dépréciation de 28,29 Mrds Dhs par rapport au 30 juin 2015, soit un recul de 5,81%. Il est à relever que la capitalisation de la cote s’est lourdement avachie suite au retrait du titre CGI le 30 septembre 2015.
BAISSE GENERALISEE Le comportement négatif de la place casablancaise trouve son origine dans les évolutions contrastées des secteurs phares de la cote, à savoir : « Banques » et « Télécommunications», « Bâtiments & Matériaux de Construction » et «Immobilier ». Signalons que ces quatre secteurs canalisent, conjointement, 76,03% de la capitali68
PERSPECTIVES MED
sation flottante totale avec des poids respectifs de 38,83%, 18,16%, 14,80% et 4,25%. L’exception qui confirme la rège est la contribution positive de la branche «Télécommunications » qui a terminé le T3 2015 en croissance 2,04%. Ainsi, 17 secteurs des 22 cotés ont clôturé le 3ème trimestre de l’exercice 2015 sur une tendance baissière. Parmi les plus fortes baisses sectorielles, l’indice « Immobilier » occupe le hit-parade avec une décroissance de 26,14% redevable à l’ensemble des valeurs du secteur: Alliances (-34,67%), RDS (-25,03%) et Addoha (-11,78%). En revanche, l’indice « Electricité» se positionne en tête de liste en s’adjugeant un gain trimestriel de 9,31% et ce, grâce à son unique valeur Taqa morocco. Cette dernière tire son épingle du jeu grâce à la consolidation de son bilan ainsi que la montée en puissance de ses unités 5&6. Pour sa part, la branche des « Distributeurs » occupe la 2ème position en enregistrant une progression de 7,10% au T3 2015 suite aux gains amassés par le trio Auto Nejma (+19,47%), Auto Hall (+11,72%) et Label Vie (+2,60%). Dans cette lignée, la baisse de la cote émane, particulièrement, des pertes accusées par la quasi-totalité des grandes capitalisations. Toutefois, sur les 74 sociétés cotées, seules 21 se sont inscrites en baisse, clôturant le trimestre sur des variations allant de +0,67% jusqu’à +19,47%. Coté volume drainé à près de 98% sur le marché officiel, le flux transactionnel trimestriels transigé sur le marché Actions se limite à 3 943,32 M Dhs, en régression de 41,1% en comparaison avec le volume négocié durant la même période de l’exercice précédent (6 694,76 M Dhs). Par compartiment, les échanges sur le marché officiel s’établissent à 3 850,49 M Dhs, en amenuisement de 21,4% comparativement au T3 2014. A noter que plus de 55% des transactions transigées sur ce marché ont été canalisées par les valeurs IAM, Attijariwafa Bank, BCP et Cosumar. Au niveau du marché de gré à gré, le volume d’affaires trimestriel totalise 92,84 M Dhs, en dégradation de 94,8% par rapport à une année plus tôt.
LE MARCHÉ N’EN FINIT PAS DE VIVRE UN MARASME QUI TRAÎNE. L’ÉTRANGLEMENT NE SAURAIT SE DESSERRER SANS PAPIER
RÉFORME
UNE LOI, DEUX MARCHÉS Le conseil de gouvernement a adopté le projet de loi relatif à la bourse des valeurs, aux sociétés de bourse et aux conseillers en investissement financier (CIF). Ce nouveau projet de loi stipule ainsi la création de 2 marchés, principal et alternatif. Ce dernier sera dédié aux PME avec des conditions d’accès au marché adaptées aux spécificités de cette catégorie d’entreprises. Le projet de loi, qui prévoit également la création des compartiments réservés à la négociation des fonds collectifs, notamment les Exchange Traded Funds (ETF), et les fonds immobiliers, stipule aussi la cotation des entreprises étrangères, en permettant aux organismes ou personnes morales n’ayant pas leur siège au Maroc d’être cotés à l’un des compartiments des marchés. Le nouveau texte prévoit, par ailleurs, l’encadrement de l’activité des conseillers en investissement et les services d’investissement, à travers l’énumération et la définition des services d’investissements, et l’élargissement des domaines d’action des sociétés de bourse pour toucher aux activités connexes au domaine de l’intermédiation. PERSPECTIVES MED
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MARCHÉS SYSTÈME BANCAIRE
MACRO STRESS TEST RÉUSSI
A
fin d’évaluer l’impact d’un retournement de conjoncture sur la stabilité du système bancaire marocain, Bank Al-Maghrib a réalisé un stress test couvrant les années 2015 et 2016 sur un groupe de 8 banques représentant près de 90% du total actif du secteur bancaire. Les résultats indiquent qu’en cas de conditions macroéconomiques extrêmes, les banques marocaines disposeraient de fonds propres suffisants pour absorber le choc sur 2 ans tout en affichant des ratios de solvabilité supérieurs aux minima requis, soit des niveaux de 13,3% en 2015 et de 13,1% en 2016, confirmant ainsi sa résilience même dans un environnement hostile. Au sujet de l’impact de la crise de l’immobilier sur les établissements bancaires, le rapport de la stabilité financière de BAM souligne que leur exposition a été réduite en 2014 pour s’établir à 237 Mrds Dhs au titre
IL N’Y AURA PAS DE TREMBLEMENT DE TERRE DANS LE SECTEUR BANCAIRE SOUMIS AU RISQUE. BAM RASSURE
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PERSPECTIVES MED
des crédits à l’habitat, et à 65 Mrds Dhs pour la promotion immobilière. Dans ce cadre, des provisions ont été constituées par les établissements pour couvrir le risque relatif au secteur immobilier et une restructuration des créances a été opérée au profit des entreprises en difficulté. BAM précise également que la couverture des crédits immobiliers par les fonds propres est convergente avec les normes bâloises relatives au financement immobilier. Sur un autre registre, le rapport note que les tensions sur les liquidités bancaires se seraient allégées en 2014 consécutivement à la bonne tenue des dépôts et à la baisse de la réserve monétaire qui passe de 4% à 2%. En effet, les dépôts ont enregistré une progression de 6,6% à 770 Mrds Dhs à fin 2014 après une hausse de 3,7% en 2013 (70% des ressources des Banques contre 66% un an auparavant). A l’inverse, les dettes envers les établissements de crédit et assimilés se sont repliées de 16,5%, traduisant un recours moindre en monnaie Banque Centrale, toujours selon le même rapport.
MARCHÉS RÉSULTATS SEMESTRIELS
LA FOIRE AUX PROFIT WARNINGS
A
u regard des résultats publiés, la cote casablancaise a clôturé la première moitié de l’exercice 2015 sur une piètre performance, comme en témoigne la publication de 10 profit warnings (contre aucun profit warning publié au S1- 2014). Au vu de leur poids, les secteurs du pétrole & gaz et de l’immobilier continuent de tirer vers le bas toute la cote éclipsant la performance des autres secteurs, tels les banques, les assurances, l’électricité, l’agro-alimentaire et le matériel informatique & ingénierie. Sur les 72 sociétés ayant publié leurs résultats, 49 sociétés ont affiché des revenus en hausse et 39 entreprises ont affiché un RNPG en appréciation. En somme, le CA consolidé de l’ensemble de la cote s’est dégradé de 7,5% pour s’établir à 118,5 Mrds Dhs (contre +5,8% au S1-2014). Recouvrant une chute de 49,2% du CA consolidé de Samir à 12 487 M Dhs, compte tenu de ses difficultés de trésorerie et de commercialisation (concurrence acharnée des produits raffinés importés). Le tout suivi d’une décrue de 81,3% du CA d’Alliances à 373,3 M Dhs, intégrant un recul sur tous les segments de construction. A contrario, on notera l’affermissement de 38,5% du CA consolidé de Taqa morocco à 4 355,8 M Dhs, en lien particulièrement avec l’augmentation du taux de disponibilité des unités 5 et 6 Et, une bonification de 13,9% des revenus de Maroc Telecom à 16 583 M Dhs, attribuable à l’intégration des nouvelles filiales africaines (Atlantique Telecom). Il convient de souligner la résilience du secteur bancaire avec une contribution positive de 0,5 pt à la croissance des revenus de la cote et ce, en dépit d’un ralentissement notable des crédits.
TAQA
CA EN HAUSSE
Au terme du premier semestre 2015, TAQA MOROCCO enregistre un chiffre d’affaires consolidé de 4 356 M Dhs (soit 51% des prévisions annuelles), intégrant principalement : la bonne performance opérationnelle des unités 5 & 6 sur une période pleine de 6 mois. Le taux de disponibilité de ces unités étant passé de 96,6% au S1 2015, contre 91,5% une année auparavant. L’impact de l’appréciation du Dollar, notamment sur l’activité « frais d’énergie » n’est point à minorer. Outre le repli de 4,2 points à 86,6% du taux de disponibilité des unités 1 à 4 suite à la révision majeure programmée de l’unité 4 observée durant le premier semestre 2015. Dans une proportion supérieure, le résultat d’exploitation consolidé se hisse de 43% à 1 286 M Dhs (soit 74,7% des prévisions annuelles), profitant principalement de l’optimisation des charges d’exploitation et de maintenance. Par conséquent, la marge opérationnelle se bonifie légèrement de 0,8 point pour ressortir à 29,5%. Moins dynamique, le RNPG limite sa hausse à 16% pour s’établir à 445 M Dhs (soit 60,2% des prévisions annuelles), pénalisé principalement par la dégradation du déficit du résultat financier, qui passe de -190,3 M Dhs à -407,9 M Dhs, suite à l’alourdissement des charges d’intérêts au niveau de JLEC 5 & 6. La marge nette recule, ainsi, de 2 points à 10,2%. Au volet bilanciel, l’endettement net recul de 3,6% comparativement à fin 2014, pour s’établir à 12 380,4 M Dhs, établissant le gearing à 237,8%.
CIH
UN RÉSULTAT EN REPLI Dans un contexte sectoriel marqué par un tassement des crédits, CIH Bank affiche au terme du S1 2015 un résultat en repli, vraisemblablement sous l’effet de la non-récurrence des reprises sur dossiers historiques réalisées en 2014. En termes de performances commerciales, les dépôts à vue progressent de 13,2% à 17,1 Mrds Dhs par rapport au S1 2014 suite aux appréciations des comptes chèques (+9,1%), des comptes d’épargne (+10,7%) et des comptes courants (+26,9%). En revanche, les DAT reculent de 13,3% à 4,1 Mrds Dhs, intégrant des DAT particuliers en croissance de 20% contre des DAT institutionnels qui baissent au profit des CD (+11,7% à 6,7 Mrds Dhs), conformément à la politique de remplacement de ces dépôts. De leur côté, les crédits sains ressortent en hausse de 3% à 33,8 Mrds Dhs par rapport à fin juin 2014, intégrant des crédits hors immobiliers en progression (+20% à 8,4 Mrds Dhs) portés par les croissances de 75% à 2,8 Mrds Dhs des crédits de trésorerie et de 2% à 4,5 Mrds Dhs des crédits à la consommation, contre un encours de crédits immobiliers stable à 24 Mrds Dhs. La baisse de 6,8% des encours de la promotion immobilière ayant absorbé la hausse de 3% des crédits aux particuliers. Le RNPG accuse un repli de 28,8% à 190 M Dhs à fin juin 2015 et le RN recule de 19,9% à 200 M Dhs et progresserait de +12,4% par rapport au résultat de la même période de l’année passée. Enfin, il est à noter qu’au cours de ce premier semestre, CIH Bank a finalisé l’opération d’acquisition de 10% dans le capital d’ATLANTA, a réalisé une émission obligataire de 1 Mrds Dhs et a augmenté le capital de SOFAC d’un montant de 84 M Dhs. PERSPECTIVES MED
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MARCHÉS
BCP
BON CRU
Le Groupe BANQUE CENTRALE POPULAIRE clôture le premier semestre de l’année sur une note positive, affichant des performances commerciales et financières en progression, bénéficiant en particulier de la contribution vigoureuse des filiales subsahariennes. En effet, l’encours des dépôts à la clientèle enregistre une progression de 2,8% à 236,2 M Dhs (dont 23,9% provenant de l’activité agrégée, contre 23,7% à fin 2014), qui s’accompagne toutefois d’une légère détérioration de la structure des ressources avec une baisse de 0,6 point de la part des ressources non rémunérées à 63,7% (vs. 52,9% pour le secteur) comparativement au S1 2014. En social, la progression de 3,6% à 56,5 M Dhs de l’encours s’explique principalement par la croissance de 13,1% à 35,8 M Dhs des comptes créditeurs et de 5,1% à 4,7 M Dhs des comptes d’épargne, ayant entièrement absorbé les replis enregistrés au niveau des dépôts à terme. En parallèle, l’encours des crédits à la clientèle ressort en appréciation de 1,2% à 208,5 M Dhs, généré à raison de 42,4% par l’activité agrégée. La part de marché du Groupe au Maroc se fixe ainsi à 26,7% (-0,1 point par rapport à fin 2014) en terme de collecte de dépôts et à 24,8% (+0,2 point) en terme de distribution de crédits. Le taux de transformation se fixe, quant à lui, à 88,3% (contre 89,7% à fin 2014). Au volet opérationnel, le PNB consolidé s’apprécie de 3,4% à 7,7 M Dhs (soit 51,5% de nos prévisions 2015 non encore ajustées), sous l’impulsion de la croissance de 9,2% à 5,3 M Dhs de la marge d’intérêt, atténuée par la baisse de 15,3% à 1,2 M Dhs du résultat des activités de marché (-18,9% en social à M MAD 958,4) et le repli de 7,4% à 903,9 M Dhs de la marge sur commissions. Enfin, le RNPG se bonifie de 9,3% à 1,2 M Dhs. Le pôle Banque au Maroc et Banque Offshore voit sa participation au RNPG reculer de 9,8 points à 76,8% au profit de la Banque de Détail à l’international dont la part croît de 6,7 points à 15,2% et des sociétés de financement spécialisées (+3,1 points à 8,1%).
COSUMAR
BON RÉSULTAT LA SOCIÉTÉ COSUMAR VIENT DE PUBLIER SES RÉSULTATS FINANCIERS SEMESTRIELS FAISANT ÉTAT D’UN CHIFFRE D’AFFAIRES CONSOLIDÉ DE 3 318 M DHS (+9,93%). SELON LE MANAGEMENT, CETTE PERFORMANCE ÉMANE DE LA STRATÉGIE D’OUVERTURE DU GROUPE SUR L’INTERNATIONAL À TRAVERS L’IMPORTATION DU SUCRE BRUT EN ADMISSION TEMPORAIRE (AT) EN QUANTITÉ NÉCESSAIRE DESTINÉE À L’EXPORT, SON RAFFINAGE EN UTILISANT LES CAPACITÉS EXCÉDENTAIRES DE L’USINE DE CASA APRÈS SATISFACTION DES BESOINS DU MARCHÉ LOCAL ET, ENFIN, L’EXPORT DU SUCRE BLANC SANS SUBVENTION VERS DIFFÉRENTES DESTINATIONS ET CORRESPONDANT AUX QUANTITÉS DE SUCRE IMPORTÉ EN AT. SUR LE VOLET OPÉRATIONNEL, LE RÉSULTAT D’EXPLOITATION RESSORT À 635 M DHS (+38,95%). CETTE ÉVOLUTION FAIT SUITE À UNE CONJONCTURE FAVORABLE DE LA CAMPAGNE SUCRIÈRE 2015 (CONDITIONS CLIMATIQUES CONVENABLES, RATIONALISATION ET BAISSE DES CHARGES D’EXPLOITATION EN LIEN AVEC LA CONTRACTION DU PRIX DU FUEL). AU FINAL, LE RNPG DU GROUPE TOTALISE 404 M DHS EN HAUSSE DE 38,83%. 72
PERSPECTIVES MED
ATTIJARIWAFA BANK
RÉALISATIONS SATISFAISANTES Les indicateurs d’activité d’Attijariwafa bank démontrent une résilience dans un contexte de montée des risques au Maroc et réalisent des progressions salutaires. En effet, l’épargne totale collectée enregistre une hausse de 8,2% à 374,4 Mrds Dhs. Pour sa part, l’encours des crédits affiche une baisse limitée de seulement 0,8% à 254,4 Mrds Dhs. Seulement cette progression des encours ne s’est nullement traduite sur le PNB puisque sa quasi-stagnation trouve son origine dans la baisse de 18,5% du résultat des activités de marché suite à la baisse des taux obligataires. Toutefois, ce repli a été compensé par la hausse de la marge d’intérêt et la marge de commissions qui enregistrent des progressions satisfaisantes, respectivement de 6,9% et 2,9%. La hausse du coefficient d’exploitation de 2,3 pts à 44,5% trouve davantage son origine dans la quasi-stagnation du PNB que dans la hausse de 5,6% des charges d’exploitation à 4,0 Mrds Dhs. Par ailleurs, grâce à une politique proactive en matière de gestion des risques, le groupe a pu réduire sa charge de risque de 25,0% à 1,2 Mrds Dhs. Dans ce contexte, le résultat d’exploitation s’améliore de 4,6% pour s’établir à 4,2 M Dhs au terme du S1 2015. Au final, le résultat net part du groupe ressort à 2,3 Mrds Dhs, en hausse de 2,2% par rapport au S1 2014.
TOTAL MAROC
DES RÉSULTATS EN DÉTÉRIORATION
Après son IPO, Total Maroc publie pour la 1ère fois ses réalisations semestrielles. Ces dernières affichent une détérioration, aussi bien au niveau du chiffre d’affaires consolidé que du RNPG. Dans un contexte de repli des ventes de produits blancs (Diesel, Essence...) de -1,6% sur le marché, Total Maroc enregistre une légère croissance de +0,5% sur le même segment. Cependant, suite à la baisse des prix des produits pétroliers, le chiffre d’affaires consolidé régresse de 25,5% pour s’établir à 4 274 M Dhs et ce malgré, la hausse du total de ventes tous produits confondus de 3,5% à 621 KTonnes. Dans ces conditions, le résultat d’exploitation s’élève à 188,8 M Dhs, en régression de 12,2%. La marge opérationnelle ressort à 4,4% pour le S1-2015, contre 3,7% un an auparavant. Pour sa part le RNPG du Groupe perd 13,9% pour atteindre 145,9 M Dhs. Concernant les agrégats bilanciels, le fonds de roulement creuse son déficit à -537,7 M Dhs (Vs. -392,4 M Dhs à fin 2014). Pour sa part, le BFR s’aggrave à 537,7 M Dhs, sous l’effet d’une hausse des stocks de +34,6% à 1 041,6 M Dhs. Il en découle, une trésorerie nette de -1 075,4 M Dhs, contre -804,5 M Dhs à fin 2014. En termes de perspectives, la société compte adapter son fonctionnement et son organisation afin de faire face à la libéralisation des prix prévue à partir du 1er décembre 2015.
CGI
TRISTE DÉPART
Au terme du premier semestre 2015, CGI, société radiée le 30/09/2015 de la Bourse de Casablanca, affiche des réalisations financières en berne. En effet, les revenus consolidés s’effritent de -75,2% à 417,6 M Dhs. Dans une ample mesure, le REX consolidé bascule en territoire négatif à -54,9 M Dhs, contre 207,5 M Dhs au S1 2014 et ce, consécutivement à l’alourdissement du poids des charges opérationnelles sur le CA à 2,8x contre 1,1x une année auparavant. De son côté, le résultat financier creuse son déficit à -76,9 M Dhs contre -43,7 M Dhs au 30/06/2014. Intégrant un résultat non courant de -6 M Dhs (vs. -7,1 M Dhs au S1 2014), le RNPG ressort négatif à -70 M Dhs contre 190,8 M Dhs une année auparavant. Au niveau bilanciel, l’endettement net s’accroît de 8,3% à 6,7 Mrds Dhs par rapport à 2014, établissant ainsi le gearing à 162,2% contre 147,2% en 2014. En social, les indicateurs financiers dénotent d’un chiffre d’affaires en retrait de 83,9% à 169,1 M Dhs Enfin, sur le plan de la gouvernance, le Conseil d’Administration tenu le 29/09/2015 a nommé M. Khadir LAMRINI en qualité de Directeur Général, en remplacement de M. Nabil KERDOUDI, qui occupait ce poste par intérim depuis le départ de Mohammed Ali GHANNAM.
GRISAILLE HOLCIM
SEMESTRIELLE
AU TERME DU 1ER SEMESTRE 2015, HOLCIM MAROC AFFICHE UN CHIFFRE D’AFFAIRES CONSOLIDÉ EN BAISSE DE 8,6% À 1 592,3 M DHS. AU VOLET OPÉRATIONNEL, LES CHARGES D’EXPLOITATION S’ALOURDISSENT DE 3,9% À 1 308,4 M DHS SUITE À L’ACCROISSEMENT DE 13,5% À 256,6 M DHS DES DOTATIONS D’EXPLOITATION ET À LA HAUSSE DE 2,9% À 904,8 M DHS DES ACHATS CONSOMMÉS ET AUTRES CHARGES EXTERNES. PAR CONSÉQUENT, LE RÉSULTAT D’EXPLOITATION RECULE DE 22,0% À 409,2 M DHS POUR UNE MARGE OPÉRATIONNELLE EN REPLI DE 4,4 POINTS À 25,7%. POUR SA PART, LE RÉSULTAT FINANCIER CREUSE SON DÉFICIT QUI PASSE DE -27,5 M DHS AU S1 2014 À -54,7 M DHS AU S1 2015 TANDIS QUE LE RÉSULTAT NON COURANT ALLÈGE SES PERTES DE 38,4% À -12,4 M DHS. PARTANT, LE RÉSULTAT NET CONSOLIDÉ ACCUSE UNE BAISSE DE 25,3% À 242,4 M DHS POUR UNE MARGE NETTE DE 15,2% CONTRE 18,6% AU S1 2014. INTÉGRANT UN EMPRUNT OBLIGATAIRE DE 1 500 M DHS, L’ENDETTEMENT NET AUGMENTE DE 11,7% À 2 129,9 M DHS POUR UN GEARING EN HAUSSE DE 2,5 POINTS À 99,3%. EN SOCIAL, LE CHIFFRE D’AFFAIRES RECULE DE 7,7% À 1 490,5 M DHS TANDIS QUE LE REX SE REPLIE DE 20,2% À 416,7 M DHS. ENFIN, LA CAPACITÉ BÉNÉFICIAIRE BAISSE DE 7,9% À 294,4 M DHS. PERSPECTIVES MED
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MARCHÉS IKEA MAROC
LA GUERRE DU KIT N’AURA PAS LIEU Par : Abou Marwa
Après l’annonce de son installation au Maroc il y a 9 mois, Ikea, leader mondial de l’ameublement a ouvert ses portes aux journalistes dans la perspective d’une ouverture imminente. Le même jour, une décision de l’administration est tombée avec comme impact le gel de l’ouverture au grand public pour des raisons de « Conformité ».
C’
est en avant-première que les journalistes ont été conviés le 28 septembre, à Zenata, à visiter le premier magasin Ikea du pays et deuxième dans un pays africain (Egypte). Filiale du groupe Kowetien Al Homaizi, qui détient les droits d’exploitation de la marque Ikea pour le Koweit, la Jordanie et le Maroc, l’enseigne apporte des solutions d’ameublement étudiées pour répondre aux besoins du plus grand nombre de marocains. La connaissance des besoins des Marocains acquise grâce à la visite de plus de 100 foyers «nous a permis de créer un Ikea humain qui accueille des familles avec leurs enfants, en leur proposant nos dernières solutions d’ameublement qui s’adaptent à leurs besoins et à leurs goûts», a déclaré Marino Maganto, en insistant également sur l’engagement à long terme de Ikea au Maroc. L’enseigne suédoise,
déployée sur une superficie de 26 000m2, représente un investissement de 450 MDH et générerait 400 emplois directs et 1000 indirects. Ikea avait choisi de s’implanter à Zenata en raison du devenir programmé de cette région qui inclut notamment un Mall ainsi qu’un grand supermarché, mais surtout en visant une clientèle venant à 80% de Casablanca et 20% de Rabat. Une sortie d’autoroute a été aménagée à cet effet pour l’accès direct au magasin, et on commençait déjà à mesurer l’impact de cette ouverture en matière de concurrence pour les opérateurs locaux du marché de l’ameublement, notamment Mobilia et Kitea. Du côté de Mobillia, Hasna Idrissi, directrice générale de l’enseigne juge cette ouverture « bénéfique pour le marché » et surtout le consommateur marocain dans la mesure où toute concurrence loyale devrait stimuler le secteur. Elle aborde cette ouverture avec sérénité et met en valeur les atouts qui feraient la différence : un taux d’intégration de 50% au niveau des produits, mais surtout une « connaissance parfaite » des besoins de la clientèle, acquise au prix de 17 ans d’expérience. Il est difficile de parler, dès à présent, d’une guerre du kit. Même si le report de l’exploitation d’Ikéa, faute de certificat de conformité, renvoie, lui, au dossier du Sahara, l’enseigne suédoise payant les frais des errements diplomatiques de Stokholm. Surtout lorsque le catalogue des produits affiche à bien des égards des écarts de prix considérables par rapport à ceux pratiqués en Europe. Mobilia, comme Kitea, pour ne citer que ces deux enseignes, ont de quoi voir venir.
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PERSPECTIVES MED
MARCHÉ
DOUCEMENT MAIS…
L’
Association des Importateurs de Véhicules au Maroc (AIVAM) vient de publier les statistiques des ventes automobiles à fin septembre 2015. Il en ressort une bonification de 1,5% à 92 611 immatriculations. Cette évolution intègre une hausse de 2,7% des ventes des voitures particulières à 84 404, soit 91,1% du volume global, et un recul de 10,1% des ventes des véhicules utilitaires légers à 8 207 unités. Par marque et sur les 9 premiers mois de l’année, Dacia occupe la 1ère place avec 25 438 unités vendues à fin septembre 2015, soit un affermissement de 3,0% comparativement à une année auparavant et une part de marché de 30,1%. De leur côté, les ventes de Renault se sont étiolées de 5,8% à 7 965 véhicules, pour une part de marché de 9,4%. En 3ème position, la marque Ford a vendu 6 926 voitures (-2,8% par rapport à fin septembre 2014). S’agissant des ventes de la marque coréenne Hyundai elles totalisent 6 269 unités (une part de marché de 7,4%). Pour leur part, Peugeot et Fiat ont écoulé respectivement 6 059 et 5 505 voitures. Côté performance, il est à noter la fulgurante ascension de la marque nippone Nissan, qui sous la cap d’Auto Hall, totalise 3 682 unités vendues à fin septembre 2015, contre 1904 seulement à la même période de 2014, soit une croissance de 93,38%. Elle conforte ainsi les perspectives du groupe quant au succès de la nouvelle version du Qashqai et l’introduction des nouvelles Juke et Note. Du côté des marques premium, MERCEDES occupe la 1ère position avec 1 524 unités, devançant ainsi BMW dont les écoulements s’élèvent à 1 491 unités. AUDI se maintient, pour sa part, à la 3ème place avec 1 291 unités. Enfin, la marque JEEP draine 826 ventes depuis le début de l’année, avec un niveau record courant septembre avec 153 unités. Concernant le segment VUL, la marque Toyota affiche les meilleures ventes avec 1 271 unités écoulées, suivie par Fiat et Mitsubishi avec respectivement 1 165 et 1 131 nouvelles immatriculations. Enfin il est à noter que sur le seul mois de septembre, les ventes s’élèvent à 9 704 unités en hausse de 4,2% comparativement à août 2015 et de 2,5% en glissement annuel.
LE MARCHÉ AUTOMOBILE ROULE CAHIN-CAHA. EN ATTENDANT DE RENOUER AVEC UNE CROISSANCE À DEUX CHIFFRES. RARE !
PERSPECTIVES MED
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MAJESTUEUSE RENTRÉE Smeia vient de découvrir son vaisseau amiral, la nouvelle Série 7 qui révolutionne le marché auto. Un Swing réussi auquel CAC riposte en découvrant son nouveau cheval de bataille estampillé luxe. Il s’agit de Bentley. Des poids lourds qui roulent des mécaniques!
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PERSPECTIVES MED
TRENDS BMW SÉRIE 7
TASTE OF TOMOROW Par : Abou Marwa
SMEIA, l’importateur exclusif de la marque BMW, et à l’occasion de la 7éme édition du tournoi international de Golf de la marque, a levé le voile sur la nouveau vaisseau amiral bavarois et l’avant-gout de l’avenir tel qu’il se profile toujours sous la bannière de la sept.
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MW est depuis longtemps un leader en matière d’innovation automobile avec comme conviction que la meilleure façon d’anticiper l’avenir, c’est de le créer. Avec cette Nouvelle BMW Série 7, le pari semble gagné. Des innovations révolutionnaires, un confort qui établit de nouvelles références, un design contemporain et un dynamisme tout aussi impressionnant qu’efficient. De la partie avant jusqu’à la poupe expressive, les lignes précises de la double nervure mettent en valeur la carrosserie élancée. Pour la première fois, le pan coupé dit de Hofmeister est entièrement intégré au design des vitrages. La calandre imposante légèrement convexe souligne le tempérament fougueux de la BMW Série 7. Les projecteurs accolés à la double calandre et la jupe large confèrent un cachet très dynamique à la partie avant. Matériaux raffinés, design lumineux pertinent et innovations révolutionnaires forment une composition virtuose révélant la cohérence avec laquelle la BMW Série 7 incarne le luxe et le bien-être. Côté innovation, commençant déjà par la clé de démarrage de la Série 7 qui ressemble plus à un smartphone qu’à une clé ordinaire. Elle permet d’actionner la climatisation à bord depuis la maison ou garer l’auto à distance depuis un simple bouton, très utile par exemple lorsque la place est trop étroite pour sortir du vaisseau après l’avoir positionnée. Une fois dedans, une pléthore de technologies de pointe sont offerts à l’image du système d’aide active à la conduite Active Comfort Drive, d’un sélecteur de mode de conduite avec mode ADAPTIVE, du système iDrive à commande gestuelle, ou vocale sans oublier la commande tactile, un nouvel affichage tête haute couleur, un assistant de sortie de stationnement avant et arrière, et même une fonction pilote automatique (assistant directionnel et de contrôle de la trajectoire:
conduite en courbe automatique avec action autonome sur la direction sur route et autoroute jusqu’à 210 km/h). Et pour pousser le confort à l’extrême, surtout côté passager arrière, le Pack Executive Lounge Experience offre une fonction de massage et programme Vitalité, un toit ouvrant panoramique en verre « Sky Lounge », un tapis de lumière et un support pour smartphones avec station de charge par induction. Et c’est sans évoquer la présence d’une tablette 7 pouces qui permet aux passagers de piloter les fonctions d’info-divertissement et de confort proposées. La Nouvelle BMW Série 7 offre une nouvelle innovation visionnaire : les projecteurs Laser BMW. Reconnaissables à leurs bandes horizontales bleues, ils offrent au conducteur de la BMW Série 7 encore plus d’intensité lumineuse avec plus de 600 m de portée pour les feux de route. Mettant en avant le plaisir de conduite, tout autant que le confort de voyage, cette Série 7 confirme son statut de berline de référence grâce aussi aux différents blocs moteurs qui vont de l’écologique aux monstres de puissance. Deux motorisations avec boîte de vitesse automatique 8 rapports et trois niveaux de finition (confort, exclusive et le pack M) sont proposés pour ce lancement. L’entrée de gamme est constituée de la 730d à moteur Diesel 6 cylindres en ligne de 265 ch avec sa déclinaison longue 730 Ld. La deuxième version est la 740i à moteur essence 6 cylindres en ligne de 326 ch et sa version rallongée 740 Li. Le ticket d’entrée est pour sa part fixé à 953 000 Dhs TTC pour atteindre les 1 348 000 Dhs TTC pour la 740 Li sous finition M.
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TRENDS BENTLEY À LA CAC
DE CREWE À CASA !
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a Centrale Automobile Chérifienne vient d’inaugurer sa première concession de la célèbre marque britannique Bentley à Casablanca. Située dans le quartier Aïn Sebaâ, elle proposera aux clients toute la gamme des modèles Bentley, y compris le Bentayga, dernier né de la marque et qui se veut le SUV le plus rapide, puissant, luxueux et exclusif au monde. Outre le Bentayga, tous les autres modèles de la gamme Bentley trouveront leurs places dans la salle d’exposition qui s’étend sur 400 m2. L’élégante Continental GT y cotoie la berline de luxe Flying Spur, sans oublier le modèle phare, la Mulsanne. Il faut dire que la marque britannique a connu une année record en 2014, stimulée par le lancement de nouveaux modèles notamment la Flying Spur V8 ainsi que les Continental GT V8 S et GT Speed, coupé et cabriolet, et qui ont porté les ventes à 11 020 voitures, soit 9 % d’augmentation, ce qui pousse ainsi la marque à renforcer sa position dans le monde. Les gisements clés de vente que sont les Amériques, la Chine, l’Europe (y compris le Royaume-Uni) et le Moyen-Orient ont réalisé des performances notables. Les Amériques restent le premier marché de Bentley mais la Chine s’en rapproche inexorablement. Robert Engstler, directeur régional pour l’Europe chez Bentley Motors, estime que les débuts de la marque au Maroc bénéficient d’une « position solide ». A ses yeux, « les clients potentiels font déjà preuve d’un grand intérêt pour Bentley. Avec sa connaissance approfondie du marché marocain et son expérience longue et prospère de la concession automobile, nous sommes convaincu que la Centrale Automobile Chérifienne constitue le partenaire qu’il nous faut. » Victor Elbaz, président de la CAC, affirme que : « Le potentiel de Bentley sur le marché est très bon. ». Dans ce sens le groupe compte sur 12 livraisons par année pleine des modèles faits mains à l’usine de Crewe en Angleterre où la combinaison d’un artisanat horspair, transmis de génération en génération, d’une ingénierie ultra spécialisée et d’une technologie de pointe se retrouve. Car une Bentley est gage d’un voyage très personnel, la porte d’entrée vers un univers de haute performance et de luxe. Enfin Bentley Casablanca assurera également des services après-vente, ainsi que les articles de luxe de la marque.
QUI A DIT QUE LE MARCHÉ DU LUXE SE TASSE ? LA CAC RÉPOND EN BENTLEY
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TRENDS HONDA JAZZ
DU PROGRESSIF ! L
A HONDA JAZZ VIENT DE SE FAIRE UNE BEAUTÉ POUR SA NOUVELLE DÉCLINAISON DE 2015. PRÉSENTÉE PAR LE GROUPE UNIVERS MOTORS IMPORTATEUR EXCLUSIF DE LA MARQUE, LA NOUVELLE JAZZ SE PRÉTEND COMME UNE BOMBINETTE NERVEUSE, ÉLÉGANTE AVEC UN LOOK PLUS SPORTIF, UN INTÉRIEUR PLUS SPACIEUX, ET DES FONCTIONNALITÉS PLUS INTELLIGENTES. AINSI POUR 2015, LA JAZZ SE DOTE À L’AVANT D’UNE CALANDRE IMPOSANTE, DE PARE-CHOCS SCULPTÉS ET DE LIGNES FLUIDES ET EXPRESSIVES. TOUT EN RONDEUR, LA JAZZ GARDE SA SILHOUETTE CLASSIQUE MAIS SON DESIGN PLUS IMPOSANT EST ASSOCIÉ À UN CHÂSSIS REHAUSSÉ QUI DONNE PLUS D’ESPACE AU NIVEAU DES JAMBES POUR LES PASSAGERS ARRIÈRE. CHAQUE COURBE A ÉTÉ AINSI REPENSÉE POUR AMÉLIORER LA CONSOMMATION ET LA MANIABILITÉ. SUR CE DERNIER POINT, L’INTÉRIEUR PASSE DE 354 LITRES À 884 LITRES, OFFRANT UNE MODULARITÉ INÉGALÉE ET UN VOLUME DE CHARGEMENT IMPRESSIONNANT. LA NOUVELLE JAZZ EST PROPOSÉE AVEC UNE SEULE VERSION TREND ÉQUIPÉE DU MOTEUR 1,3 LITRE I-VTEC ASSOCIÉ SOIT À UNE BOITE À VITESSE MANUELLE À SIX RAPPORT OU À BVA CVT POUR DES PRIX RESPECTIFS DE LANCEMENT DE 149 000 DHS ET 169 000 DHS.
SEAT MII
GRIFFÉE MANGO
Le Groupe Univers Motors vient d’enrichir la gamme SEAT, avec le lancement de la petite citadine Seat Mii by MANGO. Fruit d’une collaboration entre le constructeur catalan et MANGO, icône de la mode en Espagne, la micro citadine se veut une parfaite association de plaisir de conduite SEAT et de l’esprit créatif de MANGO. Pour la version Mii commercialisée au Maroc, Univers Motors a choisi une motorisation 1.0 l sobre et économique, tout en misant sur l’élégance de son design et sa riche dotation en équipements complets de série: l’ABS, l’ESC, les airbags frontaux et latéraux conducteur et passager, la désactivation de l’airbag passager, les points d’ancrage Isofix avec Top Tether sur les deux sièges arrière, la climatisation, le système audio CD/mp3 + AUX-IN, le verrouillage centralisé à distance, les vitres électriques à l’avant, etc. De plus l’ensemble des accessoires, des tapis de sol au porte-clés, sont estampillés Mango pour le plus grand plaisir des amateurs de la marque. La SEAT Mii by MANGO est disponible au Maroc en version cinq portes avec un prix de lancement : 127.400 DH. PERSPECTIVES MED
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CAUSE PALESTINIENNE
JUSTE «HANDALA»
A elles seules, les planches de Naji Al-Ali, caricaturiste palestinien assassiné par les sbires du tristement célèbre Mossad, résument la lutte de tout un peuple. Avec ses espoirs et ses déceptions. Que dirait “Handala”, le héros de ce dessinateur palestinien engagé si son mentor était encore vivant? Qu’exprimerait sa posture? Et que suggéreraient les “bulles” à la calligraphie pure? Certainement que la flamme de l’Intifada est là, bien enracinée dans tous les territoires palestiniens spoliés. Comme quoi, les dessins de N. Al-Ali transcendent le temps et son usure.
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CULTURE EMBRASEMENT EN PALESTINE
L’ESPRIT « HANDALA » VIVANT ! Par :L.M.
Pour ceux qui croient facile de tuer les idées qui dérangent, l’exemple des caricatures commises par Naji Al-Ali est là pour énoncer le contraire. Jamais ses dessins n’ont été aussi actuels. « Handala », héros du dessinateur assassiné par un commando israélien, avec une comlicité bien arabe, n’a pas pris une ride. L’Histoire le retiendra.
«
Handala est pour moi comme une boussole. Une boussole qui indique toujours la direction de la Palestine ». Voilà qui résume pratiquement tout du rapport que Naji Al-Ali a su entretenir avec l’un des personnages-clé de ses dessins, le petit observateur imperturbable face aux drames qui secouent le monde arabe, avec pour épicentre la question palestinienne. Le célèbre caricaturiste palestinien, tombé sous les balles d’un commando israélien, dans les rues de Londres, aura certainement marqué de son empreinte la dure lutte du peuple palestinien face à l’injustice de l’histoire imaginée par Sykes-Picot pour le partage de la région arabe entre colonies britanniques et françaises, le foyer juif étant la prime d’un tel partage inéquitable. Natif de la Galilée en 1936, il eut à vivre les affres d’une enfance volée et du destin tragique des innombrables familles de réfugiés entassées à la hâte dans les camps de l’Unwra créés spécialement en 1949, suite à la Grande catastrophe nationale, la « Nakba ». Pour Naji, ce fut le camp de Aïn al-Hilwe, au Sud-Liban, qui marqua un parcours sinueux et mouvementé dès le départ : celui d’une prise de conscience et de l’engagement politique face à un envahisseur aussi illégitime que soutenu par la mauvaise conscience des puissances coloniales du moment, mandatées pour se partager des territoires administrés auparavant par l’empire ottoman.
Durant tout son parcours, Naji al-Ali n’abandonnera jamais l’idée d’un État palestinien libre et indépendant dont le socle fondateur avait été anéanti lors d’une répression féroce en 1939, privant pour longtemps les Palestiniens de leurs élites et cadres dirigeants. La résistance palestinienne s’organisa à partir des années 50-60 : l’œuvre de Naji prit son envol, avec la création en 1969 de son alter ego, le petit HANDALA, ce témoin imperturbable de la réalité tragique d’un peuple humilié et dépouillé de tout, sauf de sa fierté et de sa farouche volonté à détruire le mythe d’un Etat croupion qui, grâce aux soutiens dont il bénéficie auprès des puissances occidentales et aux appuis des régimes locaux, corrompus jusqu’à la moelle, déploie sa machine de guerre pou écraser toute contestation. Encore aujourd’hui, les dessins de Naji al-Ali gardent toute leur fraîcheur et leur pertinence. Les revendications que les diverses planches expriment n’ont pas succombé aux vicisstudes de l’histoire. Rien de plus normal puisque l’entité sioniste persiste dans son arrogante offensive à vouloir détruire le sentiment national palestinien en transformant la Palestine en un mouroir à ciel ouvert. Les offensives contre Gaza, une des zones les plus peuplées au monde, rappellent les crimes de guerre que l’occupation israélienne persiste à commettre en jouissant d’une impunité à toute épreuve. Et le
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CULTURE
DÉBUT OCTOBRE, LES TERRITOIRES PALESTINIENS S’EMBRASÈRENT À CAUSE DE LA PROFANATION D’AL-AQSA. «LA GÉNÉRATION OSB» NE CROIT PLUS À LA PAIX ÉTRIQUÉE. UNE 3ÈME INTIFADA EST EN COURS. 82
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tour de vis répressif déployé dans les autres territoires palestiniens, particulièrement à Ramallah et à Al Qods, est symptomatique de cette rageuse politique expansionniste qui se base sur la multiplication des colonies et sur la destruction du patrimoine culturel et cultuel palestinien. Avec la globalisation, les dessins de N. Al-Ali deviennent un formidable symbole pour tous les peuples opprimés aspirant à la reconnaissance de leurs droits fondamentaux et légitimes, à commencer par ce peuple de Palestine dont une multitude de planches illustrent l’autre histoire, celle de la résistance. N. Al Ali exprime la douleur de tout un peuple. Et à ce titre ses dessins immortalisent aussi bien les justes luttes menées pour contrecarrer les desseins israéliens que les abymes de la misère dans laquelle se retrouvent les alliés arabes de l’entité d’occupation. Ces planches se réduisent à des traits sombres et puissants comme pour mieux ressortir un drame de l’Hstoire que les uns et les autres cherchent par tous les moyens à occulter. Prisons, chevaux de frise, clés sans serrures, exodes, exils et camps, barils de pétrole, bombes, ruines représentent la somme de cette prise de conscience de la juste lutte du peuple palestinien pour survivre au malheureux destin qu’il endure depuis 1948 et prétendre à édifier sa propre histoire ; celle de la libération. Ses planches expirent la Palestine, cette blessure béante qui interpelle toutes les bonnes consciences à luttr contre l’injustice. Point de méloncolie dans l’œuvre du fils prodige de la Galilée qui, discrètement, résume à coup de crayon, le combat politique et la révolte d’un peuple soutenu par ceux qui dénoncent l’injustice. Il y a vingt quatre ans, le dessinateur palestinien, qui a illuminé la presse arabe exilée de ses planches, fut froidement assassinée. Ses assassins qui répondaient à l’ordre de Tel Aviv furent renseignés par des arabes sur les habitudes du dessinateur qui dérangeait. La trahison dont est victime la Palestine l’a finalement rattrapée pour écourter son combat. Mais ce serait illusoire de prétendre tuer une idée. Les planches où Handala trône en bonne place vivent toujours après le destin tragique de leur auteur. Comme l’a si bien imaginé « Al-Mayaden », unique chaine de télé arabe qui en a fait de courtes séries d’une actualité brûlante. Celle de l’indignation face à ce qui se trame aujourd’hui en Palestine, là où une troisième Intifada qui ne dit pas son nom est en cours. Stephane Hessel, ancien diplomate et auteur du célèbre livre « Indignez-vous ! » a eu des mots justes à l’endroit du défunt N. Al Ali dont un opus vient d’être mis sur le marché en France. « La Palestine est une de mes principales indignations. Les dessins de Naji al-Ali la justifient et la renforcent. Sans doute parce qu’ils portent l’histoire des réfugiés palestiniens, ceux dont le sort est le plus incertain, bien qu’ils soient la racine de cette douloureuse et injuste histoire. Mais Naji al-Ali , c’est aussi une création, et donc une résistance vivante. La puissance de sa non-violence l’a tué. Mais son espérance n’en est que plus à venir. »
CORTO MALTESE DE RETOUR
SOUS LE SOLEIL DE MINUIT Par : L.M.
Et de treize pour Corto Maltese, personnage sorti de l’imaginaire du talentueux Hugo Pratt, disparu il y a 20 ans. Les exploits de ce héros, désormais adopté par le duo espagnol Juan Diaz Canales pour le récit et Ruben Pellejero pour la griffe, renouent avec l’esprit de la série et s’inscrivent en droite ligne de la « Ballade de la mer salée », album culte imprimé en 1975.
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es nostalgiques de Corto Maltese, grand aventurier devant l’éternel, comme les aficionados de la BD érigée en art suprême par Hugo Pratt, n’auront pas manqué la sortie, en septembre dernier, du 13è épisode de la série intitulée « Sous le soleil de minuit ». Le marin romantique grimé par la talentueux Ruben Pellejero est transporté par les vagues vers le Grand Nord, soit un subtile « linkage » avec la « Ballade de la mer salée », album culte s’il en est. Une nouvelle vie est ainsi donnée à Corto Maltese grâce à la décision prise par Simone Romani, ancienne coloriste de Pratt et son ayant droit. Les aventures du célèbre marin se déroulent donc en 1915 en répondant à l’appel de son ami Jack London qui lui a demandé d’aller remettre une lettre à une ancienne vedette de saloon du temps de la Ruée vers l’or, reconvertie en pasionaria de la lutte contre la traite des Blanches. En route pour le Grand Nord, le flegmatique marin à favoris et boucle d’oreille va croiser le chemin d’une pléthore de personnages cocasses (proxénètes japonais, patriotes irlandais, chef inuit se prenant pour Robespierre…) Tout un univers qui constitue le véritable levant pour des planches où l’action le dispute à la poésie. En cette période où la manipulation génétique est de rigueur, les inconditionnels de Pratt auront certainement saisi, à travers les ambiances graphiques, que l’ADN du créateur de Corto Maltese n’a pas été dénaturé. Que du bonheur pour les lecteurs qui doivent s’arracher les 300.000 exemplaires lancés à la vente. Casterman, qui hérite de la quasi-totalité des droits mondiaux de la série a de quoi se réjouir au vu d’un tel engouement pour l’icône Corto, même si son projet de redonner vie à l’esprit Pratt lui a été ravi de l’autre côté des Alpes. Depuis que Patricia Zanotti avait fait jouer son veto. Il y a lieu de rappeler que cinq ans avant
sa disparition, dans un livre d’entretiens avec le journaliste Dominique Petitfaux, De l’autre côté de Corto (Casterman, 1990), le géniteur de Corto avait tendu la perche à Manara. « Si, après ma mort, Corto Maltese peut rapporter de l’argent à ma famille, à des gens que j’aime bien, pourquoi pas ? Je ne suis pas choqué à l’idée que quelqu’un comme Vianello [son assistant] ou Manara, par exemple, puisse un jour [le] reprendre. » Mais ce dernier avait refusé de se joindre à l’équipée au motif que son grand ami défunt refusait que son personnage lui survive. La palme est donc revenue au duo espagnol. Juan Diaz Canales, créateur de Blacksad (Dargaud) qui doit beaucoup à Pratt imagine une histoire se déroulant sous le cercle arctique sur fond de luttes nationales et de première guerre mondiale. Le scénariste espagnol va aussi suggérer le nom de Ruben Pellejero, un dessinateur accompli (Les Aventures de Dieter Lumpen, Le Silence de Malka) dont le style fut influencé, au début, par celui de Pratt. « Corto est un personnage plus connu que lu », reconnaît Patrizia Zanotti. En France, près de 30 000 copies des albums existants sont vendues chaque année. Ce nouvel album tiré à dix fois plus d’exemplaires épanchera-t-il la soif des aficionados de Corto ? En tout cas, l’occasion a été jugée opportune pour relancer ce fonds de commerce avec de nombreuses éditions et rééditions à l’image de Corto Maltese. La Ballade de la mer salée, roman d’Hugo Pratt, traduit de l’italien par Fanchita Gonzalez-Batle, Denoël, Le Corbeau de Pierre. La jeunesse de Corto Maltese (Il corvo di pietra), de Marco Steiner, traduit de l’italien par Christophe Mileschi, Denoël, Folio « BD » réédite en format semi-poche deux épisodes de Corto Maltese : Fable de Venise et Les Ethiopiques. PERSPECTIVES MED
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CULTURE LEÏLA SLIMANI «DANS LE JARDIN DE L’OGRE »
NYMPHOMANIA…
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LE PRIX LITTÉRAIRE DE «LA MAMOUNIA» A ÉTÉ ATTRIBUÉ À LEÏLA SLIMANI POUR SON ROMAN «DANS LE JARDIN DE L’OGRE». UN PARI ASSEZ SINGULIER SUR UN ROMAN QUI LÈVE LE VOILE SUR UN TABOU: L’ADDICTION SEXUELLE FÉMININE.
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Par: Abou Jihad
aut-il s’étonner de pouvoir voyager, à travers le récit de Leïla Slimani, dans l’univers de la nymphomanie en terre arabo-musulmane ? En plongeant «Dans le jardin de l’ogre », c’est la face cachée d’un univers féminin longtemps tû qui vous prend aux tripes. «Adèle ne peut plus penser qu’à ça. Elle se lève, boit un café très fort dans la maison endormie. Debout dans la cuisine, elle se balance d’un pied sur l’autre. Elle fume une cigarette. Sous la douche elle a envie de se griffer, de se déchirer le corps en deux. Elle cogne son front contre le mur. Elle veut qu’on la saisisse, qu’on lui brise le crâne contre la vitre. (…) Elle ne voudrait n’être qu’un objet au milieu d’une horde, être sucée, dévorée, avalée toute entière. Qu’on lui pince les seins, qu’on lui morde le ventre. Elle veut être une poupée dans le jardin d’un ogre». C’est donc de l’héroine, journaliste SVP, et la romancière l’a été avant de se détourner de l’atmosphère des rédactions, dont il est question. Une héroine droguée au sexe prisonnière qu’elle est d’une aliénation qui tire sa substantifique moelle de la descente aux enfers de DSK après ses errements à New York. Sauf que l’on et dans le monde non plus d’un Casanova qui a défrayé la chronique internationale, qui ne connaît pas les lubies de l’ex-patron du FMI, mais d’une femme tourmentée par ses pulsions quasi-morbides. Le tableau dépeint par L. Slimani est maculé de saleté, de tristesse et de douleur. Son personnage, Adèle Robinson, est dépendant du sexe. Adèle se morfond dans sa vie bourgeoise, le quotidien l’ennuie, le futur l’angoisse. Alors pour oublier son existence, elle baise avec n’importe qui, n’importe où, sans chercher ni plaisir, ni tendresse. À peine son mari gastro-entérologue parti travailler, cette journaliste spécialiste de politique internationale ouvre la porte de sa deuxième vie et cherche avec des hommes de passage, connus ou pas, «ce sentiment magique de toucher du doigt le vil et l’obscène, la perversion bourgeoise et la misère humaine». Le récit est volontairement « cru et froid », comme se plait à le souligner la jeune romancière r’batie. Elle qui a choisi d’attaquer de biais un tabou qui ronge la société où elle a grandi. Le sexe n’étant toujours pas considéré comme un sujet des plus
banals. Nul besoin de rappeler, à ce sujet, les tribulations de Nabyl Ayouch depuis qu’il a commis son fameux film « Mutch Loved », offrant ainsi une autre plongée dans le monde galuque de la prostitution à Marrakech. La romancière aura donc choisi de parler au nom d’une «étrangère », Adèle n’est ni « Fatima», ni « Souad », prénoms à connotation arabe. Un faux fuyant pour échapper à la fameuse censure qui persiste à brocarder tout ce qui est considéré comme une atteinte à la morale ? Pour biaiser, L. Slimani jette son dévolu sur l’universalisme dans lequel elle inscrit son premier roman. Comme quoi, il ne suffit pas d’être marocaine pour sacrifier au rituel d’une imagerie éculée ; dépeindre chameaux, charmeurs de serpents et autres porteurs d’eau. Haro donc sur la culture de la carte-postale. En tout cas, en se lançant à pieds joints dans un tel terrain glissant, la romancière en herbe sait désormais à quoi s’attendre. Il faudra qu’elle prouve qu’elle a les moyens de ses ambitions littéraires. La critique qui l’a chaleureusement accueillie, pour cette saillie, ne manquera pas de mettre la barre plus haut… En lui remettant le 6éme prix littéraire de la Mamounia de Marrakech qui consacre pour la première fois une femme marocaine, Christine Orban n’a pas hésité à parler de « sujet gonflé ». Et le jury a été unanime à saluer « l’audace » de la romancière « à aborder un sujet peu traité, qui plus est par une femme musulmane et écrit d’une façon brillante, avec beaucoup de psychologie». Même si elle prend ses distances avec tous les clichés devant accompagner les commentaires sur une auteure qui est né et a grandi à Rabat, «que je le veuille au non, ‘femme’ et ‘musulmane’, c’est ce que je suis au Maroc, précise L. Slimani. Dès lors, « quand j’écris ce que je pense de la sexualité dans un pays où l’homosexualité et la sexualité hors mariage sont interdites, cela m’engage. Quelque part, je prends des risques», reconnaît-elle. Mais la romancière n’ignore pas, non plus, que la société reste vivace face aux dérives liées à la promotion d’une « culture immaculée, propre et pleine de vertu. La preuve, elle la souligne elle-même. «Quand j’ai présenté le livre, les gens étaient très ouverts, très curieux. Les Marocains sont friands de débats et ils en ont marre de l’hypocrisie et de la chape de plomb qui pèse sur certains sujets, notamment la sexualité». Leïla Slimani qui assure aimer « les femmes anti-héros », ces « personnages négatifs» en rupture avec la culture « mère courage », est happée dans le maelström de «la noirceur humaine » qui la fascine. « Je trouve ça vertigineux. Il y a peu de personnages féminins explorés sous cet angle». De quoi sera faite sa nouvelle surprise éditoriale ? « Dans le jardin de l’ogre », le côté cour qui n’a pas bénéficié de la focale de la romancière pourrait compléter le tableau. Bon vent !
RÉSULTATS SEMESTRIELS
ALWAN ET AL-MUQRI DISTINGUÉS Les romans « Le Castor » du Saoudien Mohammed Hassan Alwan et « Femme interdite » du Yéménite Ali al-Muqri ont été distingués par le jury du Prix de la fondation Lagardère consacré à la promotion de la littérature arabe.
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omme le hasard fait bien les choses ! Un Saoudien et un Yéménite, dont les pays sont en guerre depuis quelques mois déjà, ont été réunis par le prix de la Fondation Lagardère. Présidé par Pierre Leroy et composé d’éminentes personnalités du monde des médias, des arts et de la culture, ainsi que de spécialistes du monde arabe, le jury a élu, par une très forte majorité, l’ouvrage de Mohammed Hasan Alwan, « Le Castor », traduit de l’arabe. Le jury a également décerné une Mention spéciale à Ali al-Muqri pour son roman « La Femme interdite », également traduit. « Le Castor » résume, pour le romancier saoudien, la vie d’un pan de la société angoissée. Ghaleb, héros du roman, est un quadragénaire saoudien échoué sur les rives de la Willamette, à Portland. Il se retrouve un jour nez à nez avec un mammifère dont il ignore le nom – qui s’avère être un castor –, mais qui lui rappelle singulièrement l’entourage qu’il a laissé derrière lui. Aussitôt, il est renvoyé à son passé familial et à ses échecs personnels... Avec ses constructions fragiles et alambiquées, luttant souvent en vain contre le courant, le rongeur devient pour lui une manière de double auquel il confie ses interrogations et ses angoisses devant le sens de la vie. Un univers pittoresque. Le Yéménite Ali al-Muqri, romancier et journaliste engagé, donne la parole à une jeune femme du Yémen, présenté comme un pays rigoriste où règne la charia. Cadette d’une famille modeste, entourée d’une sœur aînée, Loula, « une parfaite dévergondée » aux multiples aventures sexuelles, et d’un frère, Raqib, d’abord marxiste et rebelle avant de se transformer après son mariage en intégriste religieux, la narratrice peine à trouver sa place dans un milieu traditionnel où la femme est victime d’une oppression constante qui l’oblige à bien des hypocrisies. La narratrice finira par épouser l’ami de son frère qui l’emmènera mener le jihad en Afghanistan – une aventure qui virera au grotesque. Hommage est ainsi rendu à deux regards croisés critiques à l’égard d’une société arabe qui n’évolue pas. Regards usant de l’humour, de la fantaisie, du conte ou des paraboles.
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BLOC-NOTES UN FILM SUR LE PROPHÈTE
LE DÉFI DE MAJID MAJIDI
BIENNALE DES ARTS DE VENIS
HAYAT SAIDI DISTINGUÉE La plasticienne Saidi s’est vu décerner le ‘Prix international Marco Polo - Ambassadeur Art’’ lors d’une cérémonie solennelle qui s’est déroulée, à Venise, mythique cité italienne qui accueille la Biennale des Arts. Cette distinction a été attribuée à l’artiste marocaine en reconnaissance de ses talents artistiques. S’exprimant à cette occasion, Mme Saidi s’est dite «heureuse» d’avoir été récompensée pour ses œuvres, soulignant qu’elle a «des liens particuliers» avec l’Italie où elle avait vécu des années durant.
Après plusieurs années de production, la mégaproduction iranienne du réalisateur Majid Majidi consacrée à l’enfance du prophète Mahomet est projetée dans les salles iraniennes. Un long-métrage que les tenants de l’islam sunnite ne voient pas d’un bon œil. Ce premier volet d’une trilogie véhicule un message contre la violence religieuse. Au centre d’une brouille entre Téhéran et Ryad, en 2012 déjà les Saoudiens s’étaient élevés contre une production qui fait dans l’idolâtrie, cette mégaproduction qui a mobilisé quelque 40 millions de dollars (en partie financée par l’Etat). Projeté au festival du film de Montréal, son producteur cherche à susciter l’intérêt des distributeurs européens. Aux yeux du cinéaste iranien, l’interprétation fallacieuse de l’Islam vient «de groupes terroristes» comme «l’État islamique qui n’ont pas de lien avec l’islam dont ils ont volé le nom» et qui veulent en projeter «une image terrifiante dans le monde» alors que «l’islam c’est la concertation, la bonté et la paix». Selon Majid Majidi, «Mahomet» ne dépeint pas le prophète lui-même mais le monde tyrannique qui l’entoure tel qu’il le voit à travers ses yeux d’enfant, de sa naissance à l’âge de 13 ans. Par un jeu d’effets spéciaux, son visage n’apparaît jamais, «mais on voit sa silhouette et son profil». Ce qui «peut être dénoncé par les plus radicaux», reconnaît le cinéaste.
Belkacem Bouteldja, l’enfant terrible d’El Hamri, pionnier de la musique raï, est décédé, à Oran, emporté par un cancer. Il avait 64 ans. Ce grand artiste s’est éclipsé, la rage au ventre, ADIEU BOUTELDJA ! danns l’indifférence totale et quasiment à huis clos. Avec une femme handicaLE RAÏ ORPHELIN pée et privé de son téléphone portable (on le lui a subtilisé à l’hôpital), il a quitté la vie en léguant un riche patrimoine qui a fait et fera toujours parler de lui. Souvenons-nous que c’est ce jeune loup, qui, à peine âgé de 13 ans, avait commis un lèse-majesté, c’était en 1965, lorsqu’il détrôna la diva Rimiti.
ADONIS : «AUJOURD’HUI, CE QUI FAIT BOUGER LES EUROPÉENS, CE NE SONT PAS LES IDÉAUX, MAIS LES INTÉRÊTS, COMME LE PÉTROLE, LE GAZ OU DES ESPACES STRATÉGIQUES. A LEURS YEUX, LE MONDE ARABE N’EST QU’UN ENSEMBLE D’INTÉRÊTS ET IL N’Y A PAS DE PLACE POUR L’ÊTRE HUMAIN. SI RIEN NE CHANGE, IL NE RESTERA BIENTÔT DE L’EUROPE QUE LE NOM ET LA FORME. L’IDÉAL DE DÉMOCRATIE QU’ELLE REPRÉSENTE EST CLAIREMENT MENACÉ.
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ROMAN
LE RÉCIT CLINIQUE PERD SON MAÎTRE Le neurologue et écrivain britannique Oliver Sacks est mort à New York, à l’âge de 82 ans. Le succès de ses livres a fait de lui l’un des médecins les plus célèbres du monde. Dans «l’Homme qui prenait sa femme pour un chapeau», «l’Eveil» ou «Un anthropologue sur Mars», il a réveillé le genre du «récit clinique» cher à Freud et aux médecins du XIXème siècle. Dans une langue élégante et décontractée, avec un art consommé de la mise en scène et de la narration, il racontait ses patients: un peintre qui a perdu la perception des couleurs, un homme atteint d’agnosie visuelle qui ne peut identifier que des formes géométriques simples et ne peut donc pas reconnaître un visage, un chirurgien parcouru de tics qui disparaissent quand il opère.
PLAIDOYER PHILOSOPHIQUE
PLANCHES
PRIME À L’HUMOUR L’ÉCRIVAINE LIBANAISE HALA MOUGHANIE A REÇU LE PRIX THÉÂTRE RFI 2015 LORS DU 32E FESTIVAL DES FRANCOPHONIES EN LIMOUSIN. À LIMOGES, SA PIÈCE DE THÉÂTRE «TAIS-TOI ET CREUSE» A ÉTÉ CHOISIE PARMI 216 TEXTES PROVENANT DE 24 PAYS. KOFFI KWAHULÉ, DRAMATURGE IVOIRIEN ET PÉRSIDENT DU JURY A SALUÉ L’HUMOUR JUBILATOIRE ET FÉROCE DU TEXTE.
« THE WAY FOUNNDATION » À DAKHLA
PONT ARTISTIQUE
INTRAITABLE Y. SEDDIK Le philosophe tunisien Youssef Seddik milite toujours contre la lecture stricte et unique du Coran. Pour ce musulman non pratiquant, voir le Coran comme une vérité absolue est une erreur. «La langue du Coran est une langue qui n’est plus usitée et même la structure de la phrase, la complexité de la syntaxe n’est plus de mise aujourd’hui dans le langage parlé, dans les journaux, dans les livres modernes, que ce soit les romans ou les essais, et donc c’est délibérément que nous avons opéré ce que j’appelle une congélation du texte du Coran dans la récitation et non pas dans la lecture. La lecture, c’est un échange, le lecteur est aussi important que celui qui propose le texte et, quand on est récitant, on est dans le sens unique, un sens unique qui a donné lieu à la manipulation de ce qui est dit pour d’autres buts et d’autres objectifs que l’objectif de l’ensemble des religions.» Il estime d’ailleurs que certains versets sont aujourd’hui désuets comme celui qui appelle à couper la main des voleurs, par exemple. «La législation a évolué, parce que la manière de punir a tout à fait changé, elle a changé dans le sens de l’humanisation de la sanction, si ce sens de l’humanisation de la sanction continue, on s’aperçoit que des versets n’ont plus du tout cours.»
La ville de Dakhla a abrité en septembre dernier une exposition d’oeuvres d’arts plastiques et de photographies réalisées par une constellation d’artistes américains représentant la Fondation internationale « The Way Foundation ». Le choix porté par des artistes plasticiens et des photographes de renommée internationale sur la ville de Dakhla pour abriter l’exposition de leurs oeuvres dont le vernissage a eu lieu le 14 courant constitue une excellente initiative artistique visant à établir un pont de communication intercontinental, a indiqué Nicolas De Vahia, directeur de l’établissement abritant l’exposition.
CARICATURE
H. HADDAD S’EN VA ! “UN CADRE NOIR, COMME SUR CHACUN DE CES DESSINS. SAUF QUE, CETTE FOIS, HADDAD SE REPRÉSENTE LUI-MÊME, SORTANT DU TABLEAU : “ADIEU !” A 70 ANS, LE DESSINATEUR LIBANAIS HABIB HADDAD, COLLABORATEUR DU QUOTIDIEN AL-HAYAT ET RÉGULIÈREMENT REPRIS PAR COURRIER INTERNATIONAL, PREND SA RETRAITE. SES ŒUVRES ONT ÉTÉ PRIMÉES DANS DE NOMBREUX FESTIVALS ET EXPOSÉES À PLUSIEURS REPRISES, PARTICULIÈREMENT EN FRANCE. « TRÈS CHERS LECTEURS D’AL-HAYAT, CE FUT UN HONNEUR, ADIEU MAIS LE COMBAT CONTINUE » A-T-IL ÉCRIT SUR SON BLOGUE. PERSPECTIVES MED
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CULTURE PATRIMOINE ARCHÉLOGIQUE DE LA MÉSOPOTAMIE
PILLAGE INDUSTRIEL !
Par : L.M.
Daech n’hésite devant rien pour asseoir sa domination. A la négation de l’autre, les pogroms le rappellent à qui veut bien y croire, ce groupe terroriste s’investit aussi dans « l’annihilation de l’Histoire » en ciblant le patrimoine archéologique que la civilisation de la Mésopotamie à légué à l’Humanité. Triste histoire que celle que traverse le monde arabo-musulman. Du Mali en Irak, en passant par la Syrie… Même le pauvre Yémen n’est pas épargné.
L
e constat est horrifiant ! Et c’est bien Irina Bokova qui l’a établi alors que les regards de la bienpensance occidentale s’en détournent. Si l’on excepte les trafiquants d’objets d’art qui s’enrichissent au détriment de peuples saignés à blans, y compris dans leur culture qui n’est autre que le socle de l’identité. Pour la directrice de l’Unesco, le groupe terroriste « Etat islamique » se livre en Syrie à un pillage archéologique à l’échelle « industrielle ». Elle invoque dès lors la nécessité de lutter contre le trafic d’objets d’art qui sert à financer le djihadisme. « Limiter le trafic d’objets d’art est en ce moment la priorité numéro un », d’autant qu’il « sert au financement des extrémistes », a souligné la directrice générale de l’Unesco, qui a appelé les pays de l’Union européenne à « consolider leur législation pour arrêter ce trafic . Parallèlement aux destructions à caractère idéologique de sites antiques, le patrimoine archéologique légué par les civilisations ante-islamiques étant jugé par ses « idéologues » impi, Daech se livre à un important trafic marchand d’objets anciens, excavés de façon sauvage dans ce pays au très riche patrimoine antique, et qui le finance au même titre que les trafics d’armes, de pétrole ou d’êtres humains.
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Outre les importants revenus générés, cette activité « fait partie d’une stratégie de purge culturelle, pour détruire le passé, le présent et l’avenir de cette région connue comme un berceau de la civilisation humaine », a-t-elle souligné. Selon le directeur des Antiquités de Syrie Maamun Abdulkarim, la situation est complexe car les extrémistes ont installé des campements à l’intérieur de plusieurs sites antiques. « Ce n’est pas simplement l’histoire de la Syrie qu’ils essayent de détruire aujourd’hui mais toute une page de l’histoire de l’humanité », a-t-il alerté par vidéo lors de la conférence. Les terroristes avaient procédé à la destruction du temple de Bêl, joyau de la cité antique de Palmyre en Syrie, un « crime intolérable contre la civilisation » selon l’Unesco. Avant de riposter aux premières frappes aériennes de la Russie par le dynamitage de l’Arc de triomphe, une fierté de l’ancienne cité. Mme Bokova a reconnu que si les pays européens et les Etats-Unis étaient parmi les plus susceptibles de réagir efficacement au commerce d’objets pillés en Syrie, ce trafic s’établissait à « l’échelle mondiale ». Là où le langage de la canonnière a pris le dessus sur tout autre processus, on assiste à un lessivage mémoriel. C’est comme qui dirait que l’objectif tapi
derrière cette fureur incontrôlée et incontrôlable consisterait à raser la mémoire plusieurs fois millénaire de cette partie du monde. « Les pillages et les destructions des sites archéologiques ont atteint une échelle sans précédent. » Selon un rapport de l’Organisation des Nations Unies basé sur des images satellites, près de 300 sites du patrimoine culturel syrien ont été détruits, endommagés ou pillés. En Irak, la liste n’en finit pas de s’allonger : Mossoul, Assour, la cité antique de Hatra, les ruines de Nimrud (XIIIe siècle avant J.-C.), la citadelle de Tal Afar, ou encore Samarra, la capitale du Califat abbasside, sont saccagées au marteau-piqueur ou à coups de bulldozers et d’explosifs. Et depuis des mois, l’héritage historique de l’Arabia Felix (Arabie heureuse, surnom d’un Yémen martyrisé) est ravagé par la violence du conflit armé opposant les « houthis », milice chiite alliée à l’ex-président Abdallah Saleh, à la coalition arabe conduite par l’Arabie Saoudite. Sanaa, Shibam, Saada et Zabid, ainsi que le site archéologique de la ville préislamique de Baraqish ont été ciblées. Considérée comme un des plus anciens joyaux du paysage urbain islamique, la vieille ville de la capitale Sanaa n’a pas été épargnée. Le feu roulant des bombes largués par les chasseurs-bombardiers de la coalition ont atteint de plein fouet le quartier al-Qassimi, dont les célèbres maisons-tours en pisé, richement décorés de motifs géométriques en brique et en blanc de chaux, sont « un témoignage unique de l’architecture d’avant le XIe siècle ». Le secteur historique d’al-Owrdhi, abritant des hammams et des caravansérails, une centaine de minarets et de coupoles datant de l’ère ottomane, a subi, lui aussi, « des dégâts irréparables ». La sonnette d’alarme a été tirée pour un autre site inscrit au patrimoine mondial depuis 1982 : la vieille ville fortifiée de Shibam, surnommée la « Manhattan du désert », en raison de ses impressionnants bâtiments en brique crue, élancés sur sept étages. Édifiée sur un éperon rocheux dans la vallée de Hadramaout, elle est restée identique depuis sa fondation au XVIe siècle. Pis, des photos postées sur le web par les bloggeurs et l’Institut allemand d’archéologie montrent le barrage de Marib, construit au VIIIe siècle avant J.-C., quasi pulvérisé par un bombardement. Ancienne capitale du royaume de Saba, Marib est un des sites antiques majeurs du Yémen et de la péninsule Arabique. Outre les monuments culturels, tels la colonie de Wadi Ghufaina et le temple Awam et sa nécropole, la cité renferme les vestiges du plus grand barrage de l’antiquité. Avec ses vannes monumentales en forme de tours de vingt mètres de haut sur cent de large, il est considéré comme l’une des
merveilles de l’ingénierie. Dhamar, capitale d’un des gouvernorats au sud de Sanaa, a subi la destruction du Musée national et réduit en poussière plus de 10 000 objets archéologiques de la civilisation himyarite. Des centaines de stèles, de brûle-encens et d’éléments d’architecture portant des inscriptions en sabatéen se sont évaporés. Ces pièces avaient été documentées et archivées par des spécialistes italiens de l’université de Pise. D’une valeur historique inestimable, Zabid, capitale du Yémen du XIIIe au XVe siècle, a également subi les foudres du conflit armé. Classé au patrimoine mondial en 1993, le site qui offre un ensemble homogène d’architecture domestique et militaire, de minarets et un réseau de rues étroites, porte les stigmates de la destruction. À Taez, la troisième ville du Yémen, occupée par les combattants, la forteresse médiévale d’al-Qahira (Le Caire) a été bombardée par les frappes de la coalition militaire. Et à Wadi Farda, au nord-ouest du Yémen, les vestiges de Baraqish, ancienne cité minéenne préchrétienne, ont été également touchés. Non loin de la frontière d’Arabie Saoudite, à Saada, bastion des Houtis, les maisons millénaires en pisé, finement décorées à la chaux, et les minarets centenaires ont été sérieusement endommagés par des bombardements. Même les tombes anciennes n’ont pas été épargnées dans la région de Hadramaout. La situation est des plus poignantes et donne la mesure de la menace qui plane sur un patrimoine qui a livré « un témoignage exceptionnel de la grandeur de la civilisation islamique » et qui est « dépositaire de l’identité, de l’histoire et de la mémoire de la population yéménite », comme l’avait affirmé la directrice générale de l’Unesco. Pourtant, la sale guerre n’épargne rien dans la région. L’horreur ! PERSPECTIVES MED
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BÉRÉZINA SPORTIVE
A QUI LA FAUTE ? Du retard à l’allumage ? Telle semble être la situation de la législation sportive qui nécessite non seulement une remise à plat pour assurer l’installation d’une réelle gouvernance sportive, mais aussi une remise en cause de la supposée « élite » sportive qui persiste à travailler selon des canons caducs. L’affaire qui revient de droit à la tutelle ne conforte guère la position du patron de l’Exécutif qui n’a pas de vision claire en matière de stratégie sportive. Ceux qui demandent des champions et exigent l’émergence d’une élite sportive ex nihilo se trempent de piste. On comprend dès lors la somme des déconvenues et des frustrations populaires.
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SPORT FÉDÉRATIONS SPORTIVES
LES ORIPEAUX D’UNE GOUVERNANCE SURANNÉE Par : Yahya Saïdi
Censées fédérer au sens large du terme le mouvement sportif local et régional et adopter des choix stratégiques du sport du haut niveau, celui de l’excellence, les fédérations sportives au Maroc, petites et grandes, sont figées, depuis l’Indépendance, dans un carcan d’une gouvernance surannée.
O
rganisées par un dahir et un décret chétifs promulgués en septembre 1957, une année avant la promulgation le dahir des libertés du 15 novembre 1958, les fédérations sportives, appelées Unions, étaient l’émanation de dirigeants représentant des associations sportives et des ligues régionales. Trente années plus tard, le sport marocain allait doter pour la première fois d’une loi sur le sport, dite loi relative à l’Education Physique et aux Sports (Loi 06/87, promulguée en avril 1989). Une loi pratiquement calquée sur la Loi française du 16 juillet 1984 (Loi Avice du nom de la ministre de l’époque).
FAUX-DEPART ET FAUSSE ROUTE ! Et pourtant, la composition des organes directeurs des fédérations sportives marocaines est restée la même puisque les dirigeants des associations et des ligues régionales « s’auto-élisent ». Or cette loi 06/87, tout comme la loi récente (30-09), a été mal interprétée. Aucune de ces deux lois ne stipule que les Comités Directeurs des fédérations sportives ne soient que l’effluve des représentants des associations ou des ligues régionales qui sont, elles-aussi, l’émanation des dirigeants des associations. Ce qui est dit sans équivoque dans les deux lois précitées est que les fédérations sportives regroupent les associations, les ligues régionales et professionnelles, les sociétés sportives et les personnes physiques en tant que membres affiliés et non en tant que membres éligibles au sein des organes directeurs des fédérations. Et c’est au ministère de la Jeunesse et des Sports qu’incombe la responsabilité du fait qu’il ne fallait pas spécifier dans les statuts-types des fédérations sportives l’éligibilité des dirigeants des associations et des ligues régionales dans la configuration des comités directeurs pour éviter les conflits d’intérêts. Autrement
dit, les dirigeants des associations et les ligues régionales doivent se contenter du statut d’électeurs sans être éligibles. Et ce sont les personnes physiques auxquelles les fédérations sportives délivrent une licence fédérale individuelle qui sont éligibles. Mais la licence fédérale individuelle n’est prévue par aucune voie statutaire ou réglementaire des fédérations sportives. Minées par l’antagonisme, la mésintelligence et les intérêts particuliers des dirigeants des associations, les fédérations sportives, ces « extensions bureaucratiques de l’Etat » ne peuvent en aucune manière participer à une mission de service public et à développer le sport de haut niveau, une de leurs missions principale voire à être interactives avec les niveaux local et régional.
« DE-MISSION » DE SERVICE PUBLIC ! La législation sportive marocaine confère aux fédérations sportives la participation à l’exécution d’une mission de service public. Une mission partielle dont elles sont investies, tributaires de l’habilitation et de statuts adoptés par le Ministère de la Jeunesse et des Sports et publiés sous formes d’arrêtés ministériels, condition sine qua non pour que les fédérations sportives soient reconnues d’utilité publique. Cette reconnaissance est conférée par un décret en vertu de l’article 9 du dahir des libertés publiques. Si les fédérations du Golf et d’Athlétisme ont été habilitées avec des statuts adoptés et publiés au Bulletin Officiel, (Seule la fédé d’Athlétisme qui est reconnue d’utilité publique depuis 2009), aujourd’hui, aucune fédération n’est en conformité avec la nouvelle loi 3009 et son décret d’application: Ni habilitation ni statuts publiés au BO. Et le ministère de la galère (pardon !) de la Jeunesse et des Sports signe des conventions d’objectifs et affecte des subventions aux fédérations sportives sans que celles-ci ne remplissent les condi-
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SPORT tions institutionnelles qu’on vient d’évoquer. Des subventions qui sont mandatées sur la base de critères arbitraires et politiciens souvent sans corrélation de responsabilité et reddition des comptes, deux vocables galvaudés et minorés. Des subventions qui visent la sujétion des fédérations et leur vassalisation à l’encontre de la loi suprême, la Constitution, notamment dans son article 26. Acculer le mouvement fédéral sportif à opérer sa mue pour l’institutionnaliser en conformité avec les canons standards de la gouvernance moderne du sport est une chose trop sérieuse pour la laisser aux dirigeants bénévoles et/ou volontaires d’associations amateurs.
SANS PDN ET SANS DTN !
AU TOILETTAGE DES TEXTES QUI RÉGISSENT LE SPORT NATIONAL, TOUTES DISCIPLINES CONFONDUES, DOIT S’AJOUTER UNE PURGE AU SEIN DES ÉQUIPES DIRIGEANTES DU SPORT DONT L’AMATEURISME S’ACCOMMODE MAL DES RUPTURES À RÉALISER. OSERA-T-ON FRANCHIR LE PAS ? 92
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La substantifique moelle de la gouvernance sportive c’est le volet sportivo-technique. Dans les fédérations sportives, voire les associations qu’on appelle communément les clubs, ce volet est laissé en jachère ! Les contre-performances ou les déconvenues sportives à l’échelle internationale sont dues essentiellement à l’absence de prise de conscience quant à l’importance cruciale du technique qui accuse un déficit sur tous les plans. L’Etat en assume une grande responsabilité et les fédérations sportives fonctionnent sans véritable PDN (Plan de Développement Technique) avec ses clauses de confidence. Un préalable pour mettre en place de véritables DTN (Directions Techniques Nationales). Si la majorité des fédérations sportives n’ont même pas de directeurs techniques, certaines l’ont mais sans structure, soit avec un organigramme formel et monolithique. Et ce qui donne du fil à retordre, c’est quand on lit dans l’article 25 de ladite loi 30-09 que pour être habilitées, les fédérations sportives « doivent appliquer le programme national en matière du sport ». Pis encore, dans les statuts-types on est allé même jusqu’à exiger des fédérations sportives d’appliquer le programme national de la discipline, placée sous la tutelle de la fédération indiquée. Or ce programme national en matière du sport voire par discipline n’a jamais vu le jour à cause d’un ministère qui se moule depuis quatre années sur tout, sauf sur le mouvement sportif ! Sans textes législatifs applicables et intelligibles qui ont le caractère contraignant voire harmonisés avec la Constitution et ceux des instances internationales, sans plans de développement sportif, sans ressources humaines proportionnelles aux besoins de chaque discipline, sans recherche scientifique sacrifiée sur l’autel de la chienlit et l’amateurisme des dirigeants, sans infrastructure adéquate où la promotion et la spéculation immobilière a « obscurantisé » les espaces sportifs et verts, sans système sportif fort, sans benchmark car souvent c’est l’autarcie ou le serpent qui se mord la queue… Voilà autant de dysfonctionnements graves qui défavorisent le développement du sport marocain. Face à cette situation calamiteuse, comment les fédérations sportives vont se départir de leurs oripeaux et participer à l’exécution d’une mission de service public ? C’est la honte et la rente. Et c’est peut-être le moins que l’on puisse dire…
MINISTÈRE DE LA JEUNESSE ET DES SPORTS
LA SCLÉROSE
Par : Yahya Saïdi
Au ministère de la Jeunesse et des Sports, on change de ministre comme de chemises. Dans un département gouvernemental sclérosé, ankylosé et obsolète.
E
n quatre années, le ministère de la Jeunesse et des Sports a vu par trois fois consécutives le changement de son ministre. Et au nom d’une drôle d’alliance gouvernementale, ce maroquin est confié à un partisan du Mouvement Populaire pour réguler un mouvement sportif désemparé. La contradiction principale n’est pas dans le changement des ministres ni même dans leur obédience partisane. Elle réside indubitablement dans l’absence des choix stratégiques de l’Etat en matière de développement du sport. Fragilisé par l’absence de profils qui correspondent à ses missions, constat établi aussi au niveau des délégations provinciales et/ ou préfectorales, ce ministère est devenu l’apanage du Mouvement Populaire. Les dysfonctionnements sont récurrents là où il serait illusoire d’aspirer à une réforme de cette administration de mission dont les décideurs doivent balayer devant leurs portes avant de balayer devant celles des fédérations sportives. La volonté où plutôt le courage politique fait défaut et l’on a du mal à voir encore un Conseil du Gouvernement qui daube sur le sport du fait qu’il n’a jamais mis en place la stratégie de son développement ni avoir procédé à l’évaluation de sa « politique publique » conformément à l’article 92 de la Constitution. Une négligence grave alors qu’il s’agit bel et bien d’un secteur constitutionnalisé (Articles 26, 31 et 33). La sclérose c’est aussi l’arsenal juridique obsolète. Les incohérences, la non application des textes qui existent déjà, la non promulgation d’autres textes d’application notamment de la loi 30-09 sont autant de hiatus qui plombent le sport. D’autant plus que la loi dite relative à l’Education Physique et aux Sports est inconstitutionnelle et anticonstitutionnelle car d’une part, elle se réfère à la constitution de 1996, et d’autre part, nombre de ses dispositions sont incohérentes avec la nouvelle constitution. Ceux qui prêchent l’abrogation du ministère de la Jeunesse et des Sports en le remplaçant par un Haut Commissariat au Sport (En 1965, feu Hassan II avis mis en place cet organisme appelé ‘’Haut Commissariat au Sport et à l’Education Civique’’ dont le responsable était l’actuel président qui régente le CNOM en toute illégalité) veulent noyer le poisson.
En attendant, au ministère, tous les appels à candidatures antérieurs ont fini par profiter aux candidats qui obéissent à des considérations partisanes ! Le cas de la Direction du Sport est flagrant car il s’agit bel et bien d’un ingénieur-paysagiste, recruté il y a quinze ans par Ahmed Moussaoui, autre ministre « populaire ». L’actuel directeur du Sport est déjà pointé du doigt par des dirigeants de fédérations sportives et son nom figure bien dans la liste des sept responsables du scandale de la pelouse du Complexe Sportif My Abdellah à l’occasion du mundialito des clubs de football en décembre 2014. Pour rappel, seul le Secrétaire Général, Karim Aqari, a été évincé en lançant un appel à candidatures il y a trois mois sans que le jury ne sélectionne le vrai candidat qui devrait, peut être, être d’obédience politique de l’actuel ministre de la Jeunesse et des Sports et surtout de ses prédécesseurs dont les agissements occultes sont un secret de polichinelle. La lenteur lancinante est à déplorer aussi quant au lancement des appels à candidatures de la SONARGES, sans DG depuis deux ans, de la MDJS, de l’Institut Royal My Rachid, du Complexe Sportif My Abdellah et la Direction du Sport. PERSPECTIVES MED
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SPORT MONDIAUX D’ATHLÉTISME DE PÉKIN
UN BILAN TRÈS ENCOURAGEANT Par : Y.S.
Enfin, l’athlétisme marocain n’est pas revenu bredouille des championnats du monde d’athlétisme dont la 15 ème édition a eu lieu en août dernier à Pékin. Un bilan technique très encourageant enregistré à dix mois des Jeux Olympiques de Rio Janeiro. Eclairage.
Q
ue retenir de la participation masculine et féminine des athlètes marocains aux Mondiaux d’Athlétisme de Pékin ? Un bilan technique très encourageant à plus d’un titre. D’abord, chez les dames comme chez les messieurs, une dizaine d’’athlètes est parvenue à poinçonner leurs billets pour la finale. N’est pas finaliste qui veut et surtout les athlètes qui enregistrent un classement parmi les huit premiers de chaque épreuve. Car ce classement donne des points à chaque pays en fonction du classement des finalistes de chaque épreuve. Le Maroc a bien amélioré son classement par points grâce à une nouvelle génération d’athlètes, purs produits d’une politique d’un athlétisme propre et en construction. Iguider, le sauveur Champion du monde junior du 1500 m, champion du monde en salle il y a trois ans en Turquie, médaillé de bronze aux J.O de Londres 2012, Abedelâati Iguider remporte sa première médaille aux championnats du monde d’Athlétisme après sa participation aux éditions de Berlin (2009), de Daegu (2011) et de Moscou (2013). Une précieuse médaille pour Iguider qui n’a pas démérité devant l’armada kenyane et un certain Makhloufi de l’Algérie, médaillé olympique de Londres du 1500 m. On croyait Abdelâati Iguider un athlète fini après sa contre-performance aux Mondiaux de Moscou et surtout après ses drôles de sorties médiatiques où il a voulu faire porter le chapeau de ses déconvenues à la FRMA. Mais il s’est ressaisi en comprenant que seul le travail sérieux paie. Le revoici renaître de ses cendres tel un phœnix bien avant ces Mondiaux de Pékin quand on sait qu’il a pulvérisé au meeting de Monaco son record personnel en 3 mn 28 sec, soit la deuxième fois qu’il court en moins de 3 mn 30 sec. A. Iguider est le quatrième athlète marocain à courir en moins de 3 mn 30 sec après Said Aouita, Hicham El Guerrouj, Amine Lâalou. A. Iguider détient désormais la cinquième meilleure performance nationale de tous les temps. Les quatre premières meilleures performances nationales sur 1500 m étant détenues par Hicham El Guerrouj. 94
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Rabab Arafi, un parfum olympique De ces mondiaux de Pékin, on retient particulièrement l’étonnante et impressionnante athlète Rabab Arafi qui était sur le point de s’affranchir d’une médaille sur le 800 m et avec un chrono au dessous de 2 mn (1 mn 58 sec 55/100). Rabab Arafi (24 ans) a doublé la mise en prenant part auparavant au 1500 m dont elle a été médaillée d’or d’Afrique en 2012 à Porto Novo et médaillée de Bronze aux Championnats d’Afrique, l’année dernière à Marrakech. A huit mois des Jeux Olympiques de Rio Janeiro, Rabab Arafi doit se polariser sur le 800 m car les J.O représentent un autre enjeu avec ses particularités. Ils sont nombreux les athlètes qui sont parvenus à battre des records du monde sans parvenir pour autant à remporter une seule médaille olympique. Et l’on se rappelle la participation de Said Aouita aux J.O de Séoul en 1988 qui, à cause de la sur-compétition sur le 800 m, a fini par craquer en se contentant d’une médaille de bronze, remportée à la Pyrrhus sans pouvoir s’aligner sur le 1500 m.
EL GUERROUJ, CE ‘’PRO-ALGÉRIEN’’ ! Hicham El Guerrouj, le fonctionnaire fantôme du ministère de la Jeunesse et des Sports et l’Organisateur des quatre premières éditions du Meeting International de Tanger sans jamais rendre les comptes y compris les 2,4 MDH qu’il a reçus du FNDS et affectés à l’association Beni Znissen des Œuvres Sociales de Berkane, n’a pipé mot sur la médaille de Bronze d’A. Iguider aux mondiaux de Pékin. C’était en direct sur France 3 où H.El Guerrouj n’avait pas tari d’éloges sur les athlètes kenyans et l’Algérien Makhloufi. Soit pas un seul mot comme si Iguider était un médaillé fantôme ! Aux J.O de Londres, dès le coup d’envoi du 1500 m El Guerrouj se passionnait pour Makhloufi qui a remporté la médaille d’or. A l’issue de cette course, Hicham s’est jeté dans les bras d’un journaliste algérien de la Chaîne Al Jazeira. (PERSPECTIVES MED en a la vidéo). Hicham El Guerrouj est-il un pro-algérien ?
LA MAROCAINE DES JEUX ET DES SPORTS
LE BRUT, LE NET ET LE FNDS Par : Abou Nadir
Contrairement à la SONARGES qui croule inexorablement sous le joug d’un passif lourd, la Marocaine des Jeux et des Sports voit son chiffre d’affaires augmenter exponentiellement chaque année. Si le net est clair et net, il n’en est pas de même pour le reste.
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pinglée par la Cour des Comptes dont les limiers ont relevé des tas de dysfonctionnements avant l’arrivée de son actuel administrateur en novembre 2009, la MDJS a vu le jour en 1962 et sa mise sous tutelle du ministère de la Jeunesse et des Sports en 1995. La mission principale de la MDJS est d’affecter le bénéfice net au FNDS (Fonds National de Développement du Sport), destiné à financer le sport de haut niveau, les fédérations sportives, la reconversion socio-sportive des sportifs de haut niveau et l’infrastructure suite à un modif opéré dans la loi des finances de 2010. Pour le compte de l’année dernière, le brut de la MDJS a atteint 1,65 milliard de dirhams et un net de 570 millions de dirhams versés dans le compte du FNDS, un compte d’affectation spéciale dont l’ordonnateur est le ministre de la Jeunesse et des Sports. Cependant, ce qui est controversé à la Marocaine des Jeux et des Sports c’est le non-respect de sa mission quand son directeur général s’arroge le droit de signer des conventions avec des associations qui empiètent sur le terrain des fédérations sportives voire des associations de rente. Quant aux largesses publicitaires, le népotisme est flagrant quand bien même M. Younes El Machrafi, Directeur Général de la MDJS, se retrancherait derrière un avis d’appel d’offres pour confier à une agence de communication, téléguidée par des œillères. Et jusqu’à preuve de contraire, on n’a pas vu de relance d’un avis d’appel d’offres car le premier (Avis 06/2011) a été dans le cadre d’une période bien déterminée (2011-2013). L’heure n’a-t- elle pas encore sonné pour que la Cour des Comptes revienne pour éplucher la gouvernance de la MDJS ? N’est-il pas temps pour lancer un appel à
candidatures pour pourvoir au poste de Directeur Général conformément à la nouvelle constitution et aux textes en vigueur quand on sait que M.Y.El Machrafi est là depuis six ans ? Il en va de même pour la SONARGES, une société qui a été minée par un tollé de dysfonctionnements et de dérives sans nommer de Directeur Général à sa tête depuis septembre 2013. La Cour des Comptes a de quoi travailler. A charge pour ses éléments de s’atteler à l’audit de ces deux sociétés voire les fonds du FNDS, une autre caisse, mise illégalement sous la coupe d’une direction du ministère de la Jeunesse et des Sports
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SPORT FORMULE I : DE SINGAPOUR À SUZUKA
DUEL ENTRE FERRARI ET MERCEDES Par : Abou Sarah
C’est encore et toujours au choc des Titans que les courses de F-1 invitent les aficionados. Le bras de fer engagé entre les écuries Mercedes et Ferrari n’est pas près de finir. De piste en piste et de rebondissements en rebondissements, il faut croire que la chance reste du côté des flèches blanches. De quoi cabrer davantage la scuderia qui s’accroche… Au rêve de Singapour. Qui a volé en éclats au Japon !
C
omme à l’accoutumée, le grand prix de Singapour a été un moment de pure bonheur pour les amoureux de la Formule 1. Certes, rouler de nuit pour la huitième année consécutive n’est plus une « nouveauté » dans le microcosme fermé du haut niveau de la course automobile, mais l’émergence en force de cette cité– Etat, devenue la première place financière d’Asie et la quatrième du monde en a convaincu plus d’un et tant pis pour l’empreinte écologique dont les organisateurs tentent de se préoccuper. Et parce que les rebondissements sont légion, le spectacle était au rendez vous. Dès lors le suspens dans le classement des pilotes comme des écuries est relancé de plus belle. Contrairement à bien des qualifications, cette fois-ci les Ferrari ont su s’imposer puisque Vettel a signé la pôle position et Raïkonen occupait la troisième position derrière Ricardo à bord de sa
RUGISSEMENT DES MOTEURS, CONTRÔLE DES GOMMES, … LE MONDE DE LA F.1 RESTE FASCINANT
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Williams. Quant aux Mercedes, elles sont reléguées en 5 et 6 positions. Il faut dire qu’ils ont eu le plus grand mal à régler leur monoplace dans les séances d’essais libres comme durant les qualifications. A 20 heures, quand les bolides ont pris leur envol pour avaler 61 tours à près de 230 km/h de moyenne, Vettel a rapidement creusé l’écart avec ses poursuivants. A la fin du premier tours, il a déjà mis plus de 3 secondes à Ricardo ce qui est une éternité dans ce sport de grande vitesse. En continuant à creuser les écarts à chaque tour, on prédisait très tôt sa victoire. La seule question qui se posait, comme d’habitude, était liée à la stratégie des teams avec un nombre d’arrêt variable en 2 et 3 passages par la ligne des stands. Alors que le T.G.Vettel glissait avec aisance sur les rails de Singapour, Roseberg, devenu une locomotive diesel freine un long peloton qui languissait de monotonie. Mais au 13 ème tour, Nico Hülkenberg percute Massa au sortir des stands provoquant le déclenchement de la Safety Car virtuelle (*) avant l’entrée de la « réelle » quelques tours plus tard. Si l’avance
de Vettel a été réduite à néant, en bon stratège, la Scuderia en a profité pour changer les pneumatiques de ses deux monoplaces à l’instar des autres écuries, bien entendu. Dès que la course a repris ses droits au 19 è tour, les Mercedes ont essayé de s’accrocher. Mais leur choix des gommes tendres était tout sauf judicieux puisqu’elles n’ont pas réussi à inquiéter les Ferrari. Pire encore, au 26 tour, Hamilton ne peut que constater la perte de puissance de sa voiture qui glisse irrémédiablement dans le classement pour se trouver à la 16 position ! A la radio, il suggère l’abandon pour préserver le moteur. Sa requête fut acceptée au 33 tour puisque les ingénieurs n’ont pas pu trouver de solution pour réinitialiser les programmes en roulant. Au même moment, Massa, Sainz et d’autres pilotes ont essuyé quelques plâtres en raison d’un pont électromagnétique qui passe les vitesses au Neutre !! Au 37 tour et à la surprise générale, un spectateur s’est invité sur la piste. La Safety Car refait son apparition jusqu’au 42 tour pour laisser place nette aux Ferrari qui signent un doublet qu’on n’a plus revu depuis le grand prix d’Espagne en 2013 soit il y a 45 grands prix de cela. Dans la nuit sombre, Vettel et Ferrari ont illuminé Singapour avec une maestria qui force le respect. Le feu d’artifice qui salue habituellement le vainqueur est dédié pour la quatrième fois à Vettel. Scène étonnante, le service d’ordre fut débordé par les techniciens de Ferrari qui veulent saluer de près leur champion. Tout sourire, celui-ci fut congratulé aussi par ses anciens camarades de Red bull : Une belle leçon de franche camaraderie dans le paddock qui ne manque pas de mordant comme on peut le constater chez Mercedes où les noms d’oiseaux fusent à foison. Toujours est il que la joie fut la tonalité globale du podium avec un Vettel aux anges, Riccardo qui se hisse dans une position inédite dans son parcours de pilote de formule I et l’eternel Raïkonen qui, à la troisième position, a fait tout simplement le Job.
SUZUKA : LES FLECHES D’ARGENT EN TETE
On prend les mêmes et on recommence : tel est le spectacle quasi fade que nous a réservé le grand prix du Japon. Pour battre les flèches d’argent, il faut être à 110 % de ses capacités et tabler sur une défaillance quelconque dans cette redoutable machine à gagner. Ce weekend end, personne ne pouvait les égaler. Le Cheval cabré s’est contenté de suivre le rythme et Alonso au volant de sa Toyota qui pilotait dans le fief nippon de son écurie n’a cessé de pester contre sa machine en qualifiant ses performances à l’identique d’une monoplace de GP 2. Même si Rosberg a su prendre la pôle position profitant d’une erreur d’Hamilton qui lui a coûté quelques centièmes de secondes et bien entendu de sa propre performance en tant que très bon pilote, il a été contraint de céder la première place à son coéquipier avec beaucoup d’amertume. En effet, une semaine après
son abandon à Singapour, Lewis Hamilton s’est imposé de manière autoritaire à Suzuka, devant son coéquipier Nico Rosberg et Sébastian Vettel. Parti sur la partie sale de la piste Hamilton s’est invité de force devant son coéquipier. Si le premier affiche une confiance et un égo confirmé, Rosberg, moins incisif n’a toujours pas digéré les conséquences de son accrochage avec Hamilton à Spa en septembre 2014. Dès lors, il est un ton en dessous chaque fois qu’il y’a confrontation directe entre les deux pilotes qui ne s’apprécient guère et règlent leurs comptes par voie médiatique ce qui est loin d’être la bonne solution en terme de communication et d’image. Pour revenir à la course : on est resté sur notre faim puisque les dépassements se sont fait uniquement à coup de changement de pneumatique pour espérer grappiller des centièmes de secondes et gagner une place sans plus. Pour ce qui du classement entre les pilotes, il est resté inchangé même si Hamilton s’est davantage mis à l’abri en creusant l’écart avec Nico Roseberg puisque 48 points les séparent. Quant aux deux pilotes allemands Roseberg et Vettel, ce ne sont plus que 11 longueurs qui les départagent. A noter que le pilote Ferrari, en confiance, peut croquer son compatriote dans les prochains grands prix. Pour ce qui des écuries, c’est désormais un gouffre qui sépare les deux teams de tête : 169 points ! Et à moins d’un miracle, Mercedes sera sacrée champion du monde bien avant la fin du calendrier. Dans l’attente, espérons que le grands prix de Russie aura un goût plus relevé ce qui serait de bonne augure pour apprécier davantage le Grand prix d’Austin à la réputation pour le moins piquante. PERSPECTIVES MED
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CHRONIQUE JUSTE POUR RIRE
SANTÉ « PATHOLOGIQUE » Par : Ouled Riab
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ais quelle mouche a donc piqué notre ministre de la Santé ? En tout cas, lui, le camarade El Ouardi, sait plus que quiconque, que les maladies tropicales tant craintes n’ont pas encore frappé aux portes du Maroc. Car il faut craindre pour lui. Depuis qu’une fièvre «inconnue » pour lui semble avoir affecté le corps de la médecine, internes et étudiants à la fois. Prompt à réagir, il s’est empressé d’ouvrir en grand les placards où l’on enfuit les médicaments pour trouver l’antidote. Mais là, rien à se mettre sous la dent. Du coup, il s’est ingénié, comme tout marocain qui se respecte, à « bricoler » une décoction qui ferait l’affaire. Euréka! Du haut de son maroquin ministériel, il en a appelé aux parents des étudiants en médecine pour qu’ils fassent pression « morale » sur leurs chérubins qui ruent dans les brancards. Mais le camarade qui, pourtant, a bien assimilé les cours de l’anatomie lorsqu’il usait ses pantalons sur les bancs de la fac de médecine, voit sa tête lui jouer des tours. Tout au plus s’il ne confond pas adultes au caractère bien trempé et bambins qui trainent des pieds à l’approche du portail de la crèche. Voilà où conduit la plongée, tête baissée, dans le système. Tous ceux qui osent quitter les sentiers battus ou sortir un tantinet des voies cloutées sont assimilés à des mineurs. Comme quoi, il y a encore des places à pourvoir du côté de « Bouya Omar » ! Mais trêve d’enfantillage. Celui qui a conduit l’Exécutif à suivre si Lhoucine pour en appeler, dans un communiqué des plus officiels, aux parents. Qui osera parler de « chantage affectif » en l’occurrence ? Personne. Pas même les plus futés de nos responsables qui sont bien placés pour appliquer la loi lorsqu’il est question de trancher dans la très complexe histoire de l’âge de la majorité légale et pénale. Pourtant, l’affaire est si simple pour invoquer tous les saints pour que la raison triomphe.
LE CORPS DE LA SANTÉ PUBLIQUE A MAL. NUL NE SAURAIT L’IGNORER. A MOINS QUE …
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Là, pour le sujet éminemment conflictuel, ce sont les finances publiques qui sont à solliciter pour apurer une situation pour le moins kafkaïenne. Car elle symbolise autant d’injustices à l’endroit de médecins accomplis et d’autres en projet. Qui pourrait vivre avec une misère et être appelé, à tout moment, à soigner toutes les misères que le pays offre ? Telle est la goutte qui a fait et fera déborder le vase. Sans traitement respectable, il ne faut pas s’attendre à ce que le corps des médecins du public fasse preuve d’un quelconque respect à l’égard de ceux qui veulent les emmurer dans la misère. Ce n’est pas avec un peu plus que le Smig qu’un étudiant en médecine verra la vie en rose. Et dire que l’Exécutif déblatère à tout bout de champ sur la généralisation des bourses aux étudiants et sur la couverture médicale qui s’ensuit… Au rythme où avance l’approche populiste de tous les maux de la société, il ne faut pas s’étonner de voir les médecins bien de chez nous continuer à faire le bonheur chez les autres. Pour la simple raison qu’ailleurs, leur dignité est sauve. Cela fait partie intégrante de la plaie nommée « fuite des cerveaux ». Mais pour ceux qui présentent des encéphalogrammes plats, où pour reprendre la formule en vogue de Poutine lorsqu’il qualifia ses détracteurs de « têtes remplies de bouillie de maïs »,- (et on imagine que Monsanto en a pris pour son grade du côté de l’Empire « transgénique »)-, il ne faut s’attendre à plus que du dédain. Alors que le pays pourrait profiter de ses ressources humaines pour créer de la richesse. Et ne dites pas, camarade El Ouardi, que le Maroc serait incapable de développer le tourisme médical, comme cela se fait déjà ici, il y a des cliniques privées qui ne font que ça, et bien plus ailleurs. Forcer le chef du gouvernement à mettre sa main à la poche pourrait hâter pareil processus vertueux. A quelque chose malheur est bon, dit-on. La crise qui sévit dans la santé publique pourrait être l’occasion pour hisser un tel secteur à des sommets. A moins que, à moins que… Car bien des pères fouettards jouent avec le feu en voyant dans tout mouvement social l’œuvre de quelques Cassandre qui voudraient mettre en équation la stabilité du pays. Et c’est de cette pathologie-là qu’il faudra craindre le pire.
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