LOUIS LONG PROFESSEUR AGRÉGÉ DE L’UNIVERSITÉ DOCTEUR ES SCIENCES - HOMME DE LETTRES
DÉCROCHEZ TOUS VOS EXAMENS
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« Le génie n’est qu’un longue patience » Napoléon
EDOUARD AUBANEL, ÉDITEUR, AVIGNON
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SOMMAIRE PREMIERE PARTIE _____________________________________ 3 L’ENTRAINEMENT PHYSIQUE DE L’ETUDIANT______________ 3 INTRODUCTION ___________________________________________ 4 CHAPITRE PREMIER _______________________________________ 8
La force, la santé et la capacité de travail _____________________ 8 CHAPITRE II _____________________________________________ 12
L’alimentation de l’étudiant_______________________________ 12 CHAPITRE III _____________________________________________ 25
Hygiène de l’étudiant ____________________________________ 25 DEUXIEME PARTIE ____________________________________ 50 L’ENTRAINEMENT MENTAL ______________________________ 50 CHAPITRE PREMIER ______________________________________ 51
Développement de la volonté ______________________________ 51 CHAPITRE II _____________________________________________ 68
L’ordre et la méthode ____________________________________ 68 CHAPITRE III _____________________________________________ 78
Le développement de l’attention ___________________________ 78 et de la mémoire_________________________________________ 78 CHAPITRE IV _____________________________________________ 97
Le développement _______________________________________ 97 de l’imagination créatrice :________________________________ 97 méthode pour faire éclore des idées_________________________ 97 CHAPITRE V ____________________________________________ 112
Le bon sens____________________________________________ 112 CHAPITRE VI ____________________________________________ 132
Le «trac» et la timidité __________________________________ 132 TROISIEME PARTIE___________________________________ 141 PREPARATION DIRECTE D’UN EXAMEN __________________ 141 CHAPITRE PREMIER _____________________________________ 142
Comment organiser son plan de travail ____________________ 142 CHAPITRE II ____________________________________________ 153
Préparation des différentes matières_______________________ 153 CHAPITRE III ____________________________________________ 179
Face à l’examen ________________________________________ 179
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PREMIERE PARTIE
L’ENTRAINEMENT PHYSIQUE DE L’ÉTUDIANT
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INTRODUCTION Partout, des multitudes de jeunes ont à passer sous de redoutables Fourches Caudines. A deux époques de l’année bien connues, la société se divise en deux groupes destinés à se faire face : les candidats, et les examinateurs. Si, dans telles contrées, notamment chez les Allemands et les Anglo-Saxons, les résultats brutaux des compétitions annuelles ou bisannuelles sont amplement amendés par les notes obtenues au cours de l’année, et si ces tests, assez fréquents, ne sont pas toujours d’un niveau extrêmement élevé, l’examen français est quelque chose de dur, de solennel, d’omnipotent, de définitif. Soit, par exemple, l’Agrégation. Y réussissez- vous ? Vous voilà arrivé au port. Plus de compétition à craindre, mais une situation transformée, assise, qui s’améliorera à peu près automatiquement, par périodes bien déterminées, jusqu l’âge de la retraite. Dans maints autres Etats, il n’en est pas ainsi. Les positions sociales s’étagent par examens fractionnés. Vous ne serez jamais au bout de votre rouleau. A n’importe quel stade de votre carrière, un nouveau Concours peut vous faire encore progresser. Un labeur tenace n’a-t-il pas le don de vous sourire? Vous végéterez. Par contre, le « bûcheur qui, au départ, en était au même point que vous, fera son petit bonhomme de chemin, vous laissant bien loin derrière lui. On est peut-être un peu trop tenté, dans notre pays, de tenir l’issue d’un examen pour l’arrêt de la fatalité. Aussi connaît-on
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le cri du coeur du recalé » : « II n’y a de la veine que pour la canaille !... » Mais oui... un camarade peu coté a « passé ». Ce pauvre type », bien meilleur, n’est-il pas resté sur le pavé ? Celui-ci n’est-il pas tombé sur la seule composition qu’il eût spécialement étudiée? Cet autre malin n’avait-il pas de petites notes dont il a su se servir « en douce » Nous allons tenter, au cours de cet ouvrage, de montrer que cette conception demande à être révisée. Un candidat qui VEUT et qui SAIT s’y prendre peut compter presque sûrement en lever la palme de haute lutte. Car il est des principes, très simples mais inflexibles, DONT DEPEND IRRESISTIBLEMENT LE SUCCES. De puissants efforts sans lendemain, feux de paille, n’atteignent pas le but. Voués à L’ECHEC, le lièvre partant comme un trait, le roi de l’Atlas s’agitant furieusement dans ses rêts ! Par contre, une activité d’apparence modeste sans panache, mais poursuivie régulièrement finalement à de substantiels résultat. La tortue gagne la course. Le rat délivre le lion. La grand’mère, tricotant tout l’hiver au coin du feu, présentera un jour une paire de bas de laine bien chauds. Un fruit hâtivement mûri a-t-il la saveur sucrée de la mignonne fraise des bois, tardivement arrivée à maturité ? Nous allons bien vous surprendre en vous faisant remarquer que tous ces processus très, patients qui font éclore du tangible et du solide, peuvent être considérés comme éléments fondamentaux d’une branche relativement récente des mathématiques : le CALCUL INTEGRAL. En voici le principe, génial dans sa simplicité : UNE SOMME DE TRES PETITS
NOMBRES,
DE
MINUSCULES
RESULTATS
EXTREMEMENT NOMBREUX N’EST PAS NEGLIGEABLE.
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C’est par des apports de ce genre que se font la plupart des transformations dans la nature : croissance, entre autres. Le banquier érige sa fortune par de menus prélèvements sur les opérations de ses clients. Celles-ci étant innombrables, il finit par s’assurer un bénéfice substantiel. Il en est de même pour tout commerçant qui, en dernière analyse, se trouve pratiquer le calcul intégral, tout comme M. Jourdain faisait de la prose : sans le savoir. ( Celui qui emploie cette méthode : travailler chaque jour normalement, travailler régulièrement, travailler longtemps, a des chances véritablement exceptionnelles de maîtriser un examen, et, plus généralement, d’atteindre n’importe quel but. Dédaigner cette peu reluisante façon de dispenser vos sueurs pour procéder, aux approches de la redoutable compétition, à un labeur spectaculaire et cyclopéen, fera de vous, tout au plus, un candidat « tangent » . Pour vous et vos pareils — qui sont légion — les épreuves seront UNE LOTERIE. Si un examen doit être mûri lentement comme un fruit, on peut, à un point de vue différent, l’assimiler à un championnat. Or, comment se prépare, par exemple, un Joë Louis ou un Randolph Turpin ? Par 1’ENTRAINEMENT, suite de pratiques minutieuses consenties chaque jour, pendant de longues semaines, sous la direction d’un spécialiste (manager). Cet entraînement comprend une partie touchant à la physiologie générale : hygiène, choix de l’alimentation; une partie éducative, ayant pour but de développer harmonieusement tels groupes de muscles; enfin, une organisation technique amenant le boxeur à être « fin prêt » au moment de « la bagarre ». Or, que fait généralement celui qui vise un examen? Il «potasse » couci-couça suivant l’inspiration, et, s’il se prépare seul, aux heures où il a le temps, et si des occupations plus
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importantes : lire le journal fumer une cigarette, aller au cinéma ne s’y opposent pas, il ne songe nullement à s’imposer une discipline rigoureuse au moment de faire ses preuves, verra-t-il son frêle esquif ballotté sur une mer plus ou moins démontée, sans espoir sérieux d’atteindre au but qui luit au loin comme un phare. Pour songer à un examen, il faut absolument : ¾ un entraînement PHYSIQUE, qui décuple les forces, et, en particulier, réduit au minimum les risques de carence physiologique au jour J; ¾ un entraînement MENTAL, pour éduquer ses facultés et tremper son esprit de ténacité; ¾ une méthode rationnelle d’entraînement TECHNIQUE. Cet entraînement doit durer un temps variant de quelques mois à plusieurs années. Tous les as des Concours ont attaqué ainsi la difficulté. Plus généralement tous ceux qui ont « percé », depuis Victor Hugo jusqu’à Einstein, en passant par Edison et Vanderbilt, se sont poussés suivant le même processus. Et, au fond, la destinée de
l’homme
est-elle
autre
chose
qu’une
compétition
permanente, dont le Jury, implacable entre tous, a pour nom LA VIE?
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CHAPITRE PREMIER La force, la santé et la capacité de travail
Pour être en mesure « d’enlever », vos examens et concours, vous devez vous montrer capable de travailler énergiquement et longtemps. Suivant une expression chère à notre professeur de sciences de l’Ecole Normale, les chances de réussite sont proportionnelles à la somme de travail fourni, à la quantité et à la qualité des connaissances,non ingurgitées comme dans un repas de glouton générateur d’indigestions, mais
réellement
assimilées.
Une
robuste
santé
est
absolument indispensable. Vous veillerez donc de très près à maintenir et à renforcer l’intégrité de vos organes et de leurs fonctions, et à accroître progressivement vos forces jusqu’à la date fatidique. Rien de possible sans cela.
* ** Celui qui se livre à des études prolongées doit, chaque année, réserver plusieurs semaines à un repos intellectuel ABSOLU — et à un repos physique relatif — combiné avec une 8
alimentation particulièrement riche et digestible, dans le but de se refaire le système nerveux, même s’il ne se sent pas vraiment fatigué. II faut, en effet, ne pas oublier que la sensation de fatigue n’est pas un critérium très sûr. Si, invariablement, l’étudiant trouve pénibles les premières séances de travail, correspondant à la période d’adaptation, on remarque, au contraire, qu’il n’éprouve, par un dangereux paradoxe, aucune sensation de lassitude aux époques de surmenage intense. Illusion périlleuse... Comment l’usure physiologique n’existerait- t-elle pas? Forcément, les « cellules grises » — pour employer le langage d’Hercule Poirot — sont de plus en plus secouées par la somme considérable de travail effectuée durant l’année scolaire; et, de surcroît, cet état alarmant ne peut qu’être aggravé par les chaleurs de l’été, saison des examens par excellence.
Seulement,
l’organisme
est
surchauffé
par
l’entraînement les nerfs sont sous pression ». - Si, à ce moment, l’étudiant dort peu; si, sa main étant allongée et les doigts rapprochés, ceux-ci sont affectés d’un léger tremblement, et surtout si l’auriculaire s’écarte de l’annulaire
si,
enfin,
le
sujet
éprouve
une
secousse
douloureuse à l’audition brusque d’un bruit très fort (sirène, trompe d’auto, explosion de mine), aucun doute n’est permis il y a surmenage accusé et usure dangereuse. Sous peine de désordres graves, l’élève doit modérer sur-le-champ son activité. Une prostration morbide va s’abattre sur lui pendant les vacances, au bout d’une semaine de repos, alors qu’il commencera à se détendre. Il se sentira abattu, courbaturé, et maigrira, en dépit d’une excellente nourriture. Au bout de quelques semaines seulement et à la faveur des journées plus fraîches de septembre, il se mettra à « récupérer ». 9
Ce qui précède suffit à justifier largement la longueur des vacances consenties aux étudiants. * ** On a beaucoup médit du travail intellectuel, relativement à ses fâcheuses répercussions sur l’état de la santé. Exagération... Ce qui, à notre humble avis, s’avère véritablement néfaste, serait plutôt l’excès des sports violents, en vue trop souvent — circonstance aggravante — de la PERFORMANCE, auxquels il est devenu de bon ton de voir s’adonner les jeunes piliers d’Université. Que telle Faculté puisse faire état de plus de succès que telle autre en ce qui concerne les examens de Licence, bagatelle... Mais que l’équipe de football de ses étudiants vienne de l’emporter dans un match régional : voilà un titre de gloire que, de nos jours, rien ne saurait égaler! Il y a là une source d’épuisement qui fait, hélas! monter la courbe tracée avec autorité par le bacille de Koch. Par contre, de nombreux savants : Hippocrate, Chevreul, Fontenelle, le grand poète persan Saadi, ont atteint un âge fort avancé. C’est que le travail intellectuel régulier, par la discipline à laquelle il soumet les leviers de l’organisme et parce qu’il préserve d’excitations malsaines, comporte des chances de santé de tout premier ordre. Au cours de notre passage à l’Université de Montpellier, nous avions repéré des « numéros» paresseux et — lâchons le mot — débauchés, que les maîtres remarquaient rarement à l’amphi théâtre. Nous disons à dessein
« remarquaient » ,
non point tant que l’apparition à éclipses de ces silhouettes peu
connues
fût
sensationnelle 10
par
son
caractère
exceptionnel, mais parce que, s’il arrivait à ces amateurs de s’y aventurer, c’était, vous l’avez deviné, uniquement pour troubler le cours. Ces garçons — on le croira sans peine — ne se torturaient nullement les méninges à étudier... A la rentrée de Pâques, ils se souvenaient soudain que l’année scolaire se terminait par un redoutable... test, et se décidaient à « démarrer ». Fouettés — et pour cause — par la peur de l’échec, ils « y allaient » alors, durant de longues heures de jour et même de nuit, d’un formidable coup de boutoir. Les copains se regardaient stupéfaits au spectacle imprévu d’un labeur si intense de la part de fumistes » qui n’y étaient nullement entraînés; mais leur étonnement devenait sans bornes à les voir, à cette existence d’enfer, engraisser à vue d’oeil, et présenter, à la veille du concours, tous les signes d’une santé florissante. C’est que le travail, entre autres effets salutaires, avait l’avantage de stopper leur vie irrégulière, et leur état physique en profitait. * ** En dosant ses efforts journaliers, à l’instar du champion cycliste
qui
s’entraîne,
en
absorbant
une
nourriture
convenable, en se conformant aux règles de l’hygiène bonifiées par de récents et retentissants perfectionnements, en pratiquant quelques exercices très simples, l’étudiant, au lieu de courir, de mois en mois, à un effondrement physique précurseur d’un, rendement de plus en plus médiocre, verra sa santé se raffermir, ses forces doubler, sa capacité de travail tripler, et — ce qui ne gâte rien — son entrain, son enthousiasme pour sa préparation s’accroître de décade en décade.
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CHAPITRE II
L’alimentation de l’étudiant
Pour conserver la santé, l’accroître, et multiplier ses forces, il faut soigner la CELLULE. Cette cellule est rénovée, galvanisée et constamment débarrassée de ses poisons par un liquide nourricier : le SANG. Or, le ravitaillement véhiculé par le sang VIENT DE L’ALIMENTATION. L’alimentation doit fournir, dans des proportions déterminées, des substances albuminoïdes pour nourrir et réparer et des principes carbonés pour brûler, sous l’influence de l’oxygène Cette combustion détruit les toxines, et produit la chaleur animale qui est une des formes de L’ENERGIE. Il faut veiller à ce que des sels et des vitamines arrivent en quantité suffisante. Une nourriture distribuée au petit bonheur, mal proportionnée, insuffisante ou trop copieuse détériore ce qu’en médecine on nomme le « terrain », et on devient vulnérable aux attaques de ces petites bêtes que Pasteur nous a appris à connaître. On
commence
enfin
à
réaliser
—
après
l’avoir
systématiquement et dédaigneusement ignoré pendant des siècles, en dépit des avertissements d’Hippocrate, qui vécut cent dix ans — que (toutes les maladies sont susceptibles,
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avec le temps, d’être grandement améliorées, puis gué (ries, par une alimentation appropriée. C’est ce qu’a exprimé un savant Esculape en ces termes « La meilleure de toutes les drogues, c’est une bonne alimentation. » Un autre claironnait Quand l’estomac va, tout va; quand l’estomac ne va pas, rien ne va. » Enfin, le héros d’Arcole ne proclamait-il pas : « Mes soldats gagnent les batailles avec leurs jambes, et ils marchent avec leur estomac » * ** D’une façon générale, la maladie résulte de violations multiples des lois de la biologie. Du reste, ne nous leurrons pas : les microbes sont toujours présents autour de nous, et prêts à envahir notre organisme. Mais que peuvent-ils si notre corps est blindé, si le TERRAIN est résistant ? Ainsi chuchotait à son lit de mort— peut-être, tout de même, avec une pointe d’exagération — le grand homme qui avait sauvé le petit Jupille de la rage : « Claude Bernard avait raison le MICROBE n’est rien; le TERRAIN est tout. » Eléments monocellulaires nocifs et virus prolifèrent seulement sur les êtres dont le sang est vicié, intoxiqué, affaibli. Or, comme le dit si bien le Dr Carton, la pureté et la vigueur du sang, des plasmas et des organes dépendent uniquement des matériaux employés pour les constituer. Aussi importe-t-il avant tout, pour être fort et bien portant, de suivre un régime alimentaire RATIONNEL, de respirer un air pur, suffisamment sec et ensoleillé, de se donner un exercice régulier et raisonnable et d’éliminer chaque jour, par la peau, les poumons, les reins et les voies intestinales, les déchets de la nutrition et les toxines du corps.
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Ainsi, la GUERISON de toutes les maladies ne peut se produire et persister qu’en détectant les fautes de régime et d’hygiène antérieures, et en modifiant radicalement ce régime et cette hygiène.
* ** Nous sommes tout à fait d’accord avec le Dr Carton pour la composition moyenne d’un menu rationnel. Le petit déjeuner du matin peut comprendre d’abord une boisson un peu excitante et tonique : le thé par la théine, le café par la caféine, le chocolat par la théobromine, sans lait ou avec très peu de lait. Le lait en excès en effet, peut se coaguler en un gros bloc, dans l’estomac, surtout s’il est avalé d’une seule gorgée d’où constipation opiniâtre .Mettre, dans la tasse, un tiers de lait au maximum. Chez les sujets nerveux, l’absorber sous forme de lait concentré Sucré ( par exemple). Dose : trois-quarts d’une cuillerée à café diluée dans l’infusion. Ce lait-là se digère mieux que le lait frais. On prendra des aliments d’une teneur médiocre en azote, donc en albuminoïdes mais avant tout combustibles :pain grillé (le charbon jouant, dans l’organisme, le rôle d’un puissant filtre anti-microbien, antiseptique, antiputride et absorbant des gaz, donc par là éminemment digestif); ou encore, biscottes ou pâtisserie légère : biscuits secs ou à la cuillère, brioche .On ajoutera du beurre , frais et naturel à l’exclusion de la margarine; ou du miel ou du fromage ou de la confiture — A ce repas matinal, il faudra toujours se garder de consommer un oeuf nature, de la viande ou du poisson, contrairement à ce que font les naturels d’Outre-Manche. 14
En hiver, remplacez l’infusion par une soupe aux légumes ou aux céréales (porridge ou farine ou pâtes cuites à l’eau sucrée et au beurre presque sans lait).
* ** Sentez-vous votre estomac embarrassé pour avoir un peu trop mangé ? Le jeûne matinal, de temps à autre, sera excellent : vous vous contenterez d’un grand verre d’eau NON SUCREE Elle purifie le sang et minéralise merveilleusement. Au lieu de vous affaiblir à cause de la privation d’aliments plus substantiels, cette diète vous confère paradoxalement une euphorie spéciale qui vous rend apte au travail intellectuel.
* **
Que comprend un repas midi bien combiné? 1° Des aliments minéraux et riches en VITAMINE qu’il est utile de s’administrer au début comme hors-d’oeuvre : quelques feuilles de salades (mâche en hiver, romaine en été,pissenlit aux époques d’équinoxes, cette dernière salade étant en outre diurétique, tonique et stomachique). On y joindra des légumes crus en très petite quantité : petits pois,radis, pommes de terre, artichaut, carotte, chou
et une cuillerée à café de blé
cuit, une pincée de sel FRAIS, un peu de beurre CRU et une pomme de terre cuite dans le four ou sous la cendre en robe des champs.
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2° Un plat de résistance consistant en un aliment azoté d’origine animale : viande plutôt légère. 3° Des aliments combustibles : pain De plus, en hiver un ou deux féculents : pommes de terre à discrétion ; semoules, flocons de céréales, pâtes , riz.Des corps gras : beurre naturel ou huile d’olive pour la préparation des plats ( l’huile de noix serait excellente, si elle ne constipait un peu et ne rancissait rapidement). 4° Un aliment diastasé : un peu de fromage fermenté, cru ou cuit : tomme de Savoie, Saint-Nectaire, Hollande, Gruyère ordinaire, Coulommiers, Bondon de Neufchâtel, Camembert. Chacun de ces mets précieux aide à la synthèse alimentaire correcte. Tant pis pour Louis XIV que l’on sevrait de fromage, sous prétexte que ce produit était par trop vulgaire. En faire paraître sur la table du Roi-Soleil eût constitué un crime de lèse-majesté 5° Des aliments sucrés et vitaminés (vitamine C : fruits de saison, plus dessert sucré : confiture, miel ou pain d’épice. 6° Des produits excitants pour stimuler l’appétit et favoriser les sécrétions digestives : sauces légères , sel,
condiments
végétaux, rissolement, vin coupé de beaucoup d’eau, thé, café.
* ** Le goûter sera extrêmement sobre : pain avec beurre ou chocolat Quant au repas du soir il comprendra : 16
1° Un potage peu abondant (pour éviter la distension de la paroi stomacale, les dilatations et dyspepsies atoniques avec fermentations intestinales), peu chargé en légumes, épaissi avec du vermicelle ou une pomme de terre râpée CRUE. Jamais de bouillon de viande 2° Un plat de résistance azoté mais, ici, pas sous forme de viande : un oeuf nature, à la coque(très digestible ou dur avec un peu de vinaigre ou sur le plat ou sous forme d’omelette ou du fromage fermenté. 3° Des aliments - combustibles à digestion facile : pain et un féculent l’été, deux l’hiver : semoules, pâtes, pommes de terre. 4° Un aliment minéralisé absolument nécessaire le soir pour aider à la récupération nocturne des sels minéraux, fournir des déchets susceptibles d’exciter les contractions péristaltiques de l’intestin, et empêcher ainsi la constipation, cet ennemi mortel de l’intellectuel et de l’étudiant : légumes verts de saison CUITS. 5° Un aliment diastasé : fromage doux ou lait caillé 6° Des aliments sucrés et à vitamines C : fruits de saison et dessert sucré confiture etc.). * ** L’étudiant qui, le plus souvent, est un jeune homme ou un adolescent, devra faciliter sa croissance, affermir son système osseux et nerveux. Nous ne saurions trop lui recommander, en automne et en hiver, de demander à son médecin s’il 17
l’autorise à « se mettre » à l’huile de foie de morue, puissant accumulateur d’énergies,
ce
qui fait du corps une
véritable bouteille de Leyde. Dose : une cuillerée à soupe au repas de midi et une au repas du soir. Ceux qui se figurent ne pas supporter ce merveilleux aliment procéderont de la façon suivante : ils dilueront l’huile dans leur premier mets et boiront de l’eau contenant du jus de citron et un peu de bicarbonate de soude Ainsi sera contrebalancé l’excès de vitamines A qui pourrait donner lieu à une inflammation des muqueuses buccale et intestinale, et prédisposer au scorbut. Du reste, il existe en France de nombreuses autres préparations parfaitement tolérées et efficaces : consulter le docteur de la famille à cet égard. En été on remplacera l’huile de foie de morue par le glycérophosphate de chaux granulé ou en cachets toujours après avis du « toubib » familial. * ** Voyons maintenant à serrer d’un peu plus près la façon dont le candidat à un examen doit adapter son régime alimentaire à ses besoins particuliers. Des expériences physiologiques absolument concluantes ont prouvé depuis longtemps que l’effort intellectuel accélère la dénutrition de la cellule nerveuse, et, notamment par la suite, la perte d’acide phosphorique par les urines et la sueur. Cette fuite s’exagère-t-elle? Elle entraîne rapidement une diminution très nette des facultés, qui se traduit par une fatigue considérable sous l’action de l’étude. Elle conduit, en passant par l’insomnie, à des troubles neurasthéniques. De plus, le travail de l’esprit intensifie la déminéralisation, c’est-à-dire l’élimination anormale de divers sels indispensables à l’organisme, notamment de la chaux et de la magnésie. Cet 18
appauvrissement en substances inorganiques se traduit le plus souvent par des maux de dents ou des sueurs abondante se produisant de préférence la nuit : il mène droit à la névrose et à la tuberculose .Enfin, les étudiants laissent échapper une forte proportion d’azote. Il est donc de toute nécessité, non seulement au point de vue strict de la santé, mais encore pour maintenir l’esprit dans un état constant de vigueur indispensable au succès des études, que l’intellectuel fasse choix d’une alimentation capable de reconstituer l’organisme d’après les indications précédentes. Compte tenu des menus types sus-mentionnés, et qui s’appliquent à l’homme moyen, l’étudiant devra veiller à prendre une nourriture plus azotée que carbonée. Celle-ci, d’ailleurs, proscrira les substances lourdes : graisses, huiles, dont la digestion, déjà laborieuse chez le travailleur manuel, réclame avant tout un exercice très énergique. (Nous avons vu plus haut les précautions à prendre pour assimiler l’huile de foie de morue). Ces aliments seront remplacés par le beurre naturel et le sucre non travaillé (sucre coloré, miel, fruits très sucrés, à l’exclusion du sucre blanc cristallisé industriel).
* ** En ce qui concerne les matières azotées ou protéines, la question est assez délicate. Les viandes, qui passent pour le type des ces aliments, sont en général d’une assimilation plutôt ardue pour un étudiant, qui est une personne sédentaire. Dans ces conditions, elles déposent dans l’intestin des résidus, véritables poisons (toxines) prédisposant à diverses affections, et, avant tout, amenant très vite l’insomnie et l’entérite. Nous avons déjà retranché du régime moyen les 19
viandes lourdes ou échauffantes : porc, gibier. Celui qui prépare un examen étant jeune et généralement doué d’un bon estomac, pourra se permettre d’user de la viande de boeuf qui est extrêmement reconstituante. Une faveur spéciale sera réservée au poisson. Outre sa parfaite digestibilité quand il est très frais, il possède le précieux avantage de contenir de fortes proportions de phosphore, cet aliment vital du système nerveux.
* ** Nous ne saurions trop insister sur ce point : Sans astreindre l’étudiant à un régime végétarien sévère, mettons-le en garde contre l’abus de la viande déjà exclue le soir de tous les régimes. Il aura, au contraire, tout intérêt à accorder quotidiennement une place importante à alimentation azotée végétale. Pois, lentilles, fèves et même haricots (dont les effets de fermentation seront « contrés » par le bicarbonate de soude et le charbon de Belloc), contiennent une plus forte proportion d’azote que la chair et seront mieux supportés, si l’on a soin de faire usage de ces légumineuses sous forme de farines, c’est-à-dire sans les peaux qui sont d’une digestion presque impossible.
On
insistera
surtout
sur
les
lentilles,
qui
contiennent beaucoup d’acide phosphorique et une notable quantité de fer. Noix, amandes, noisettes et noix du Brésil sont fort recommandables à titre de dessert. Ces fruits si savoureux se digèrent bien, en général; sous leur apparence modeste, ils sont très nourrissants, contenant — le croirait-on? — plus d’azote que la viande elle-même ! Il convient toutefois de 20
signaler l’effet astringent des noix : elles tendent à produire de la constipation. Si l’on redoute cette incommodité,
on leur
préférera les amandes, qui jouissent, au contraire, de propriétés plutôt laxatives. Soigneusement cuits, les épinards sont excellents. Outre leur vertu dépurative et légèrement purgative, très favorable en toute saison, et tout particulièrement au printemps et à l’automne, ils exercent une action reconstituante par le fer qu’ils contiennent. Les pâtes de bonne qualité sont nourrissantes et de digestion facile. Ces aliments — ainsi que le riz — jouissent de propriétés astringentes qui en rendent l’usage précieux en été, à titre de précaution contre les diarrhées. Le pain bien cuit est recommandable, pris en
quantité
modérée : deux à trois cents grammes par jour, et non une livre et demie à deux livres, suivant l’usage blâmable des Français avant la « drôle de guerre ». Mais si la cuisson laisse à désirer ou s’il est absorbé en excès, il présente de graves inconvénients. Ainsi que l’ont prouvé les travaux du Dr Ferrier, il provoque dans le tube digestif des fermentations très actives génératrices
d’acides
qui
dissolvent
les
minéraux
de
l’organisme, dont elles entraînent une ruineuse élimination. A raison d’un à trois par jour à la coque ou incorporés à d’autres aliments, les oeufs frais (et non congelés) sont excellents, et d’une digestion très facile. Le blanc est une substance albuminoïde riche en azote, et le jaune contient un tonique puissant, la lécithine. Si, aux approches de l’examen, vous éprouvez le besoin de galvaniser vos forces par un peu de suralimentation, vous pouvez y recourir sans danger à l’aide des oeufs. Augmentez alors la dose sus indiquée mais en évitant de consommer les blancs dont l’excès produirait dans l’intestin des toxines extrêmement actives.
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Les fruits frais notamment les pommes et les fraises contiennent de l’acide phosphorique. S’ils sont bien mûrs et non acides, les prendre crus en petite quantité. Sinon, chasser au préalable l’acidité par la cuisson qui, il est vrai, tue malheureusement les vitamines. Les confitures sont excellentes. Celles de rhubarbe, en particulier, sont intéressantes par leurs propriétés laxatives. Eviter le plus possible les conserves. Même en hiver, cherchez légumes et fruits FRAIS. Malgré les plus savantes manipulations, les conserves ne sont pas saines, à cause de leur manque de vitamines. Leur abus altère rapidement le sang, et cette altération se traduit à l’extérieur par des éruptions et de l’urticaire. Si l’abus du café — le soir en particulier — produit de l’insomnie, abstraction faite de troubles possibles dans la région du coeur, un usage modéré de cette délicieuse boisson Stimule le système nerveux par la caféine qu’elle contient, et facilite très sensiblement le labeur intellectuel. Honoré de Balzac, l’auteur de « la Comédie humaine », arrivait à travailler ses quinze heures par jour en se « dopant » à jet continu de café. Bien entendu, il exagérait. Quoi qu’il en soit, le café aide beaucoup à supporter les chaleurs de l’été. A cette époque critique de l’année qui sonne le branle-bas des examens, il est très hygiénique d’absorber, pendant et même entre les repas, de l’eau contenant quelques traces de café. Le chocolat est une boisson tonique, mais un peu échauffante. Ce produit, introduit en France au XVIIe siècle par MarieThérèse d’Espagne, renferme, outre le beurre de cacao qui a une réelle valeur nutritive, une substance tonique pour les nerfs que nous avons déjà nommée : 22
la théobromine. Une expérience formelle a prouvé que l’alcool
est tout
particulièrement nuisible à l’entraînement intellectuel (comme le tabac, du reste, et ceci pour n’importe quel entraînement sportif) Si, de peur de passer pour une... femmelette, encore que le sexe aimable ait beaucoup évolué sous ce rapport — vous ne voulez pas vous astreindre à boire de l’eau pure, faites usage, aux repas, de vin d’excellente qualité largement coupé. Il y a, dans le vin ROUGE notamment, du tartre et du tanin substances toniques de premier ordre, ainsi que des éthers et des aldéhydes qui facilitent la digestion
le sommeil. On
pourra, si l’on préfère, prendre de la bière copieusement additionnée d’eau :cette boisson amère stimule l’appétit et fouette l’organisme. Enfin, il peut être utile, surtout pendant le dernier trimestre, de faire usage de comprimés de sels calciques autorisés par le docteur,
si
on
les
supporte
bien.
Ces
aliments
supplémentaires, au contraire, accroissent-ils la sueur ? C’est qu’ils ne sont pas complètement assimilés; l’organisme se débarrasse par la peau de la portion non absorbable, et c’est une fatigue de plus en un bien mauvais moment... En ce cas, diminuer
la
dose
jusqu’à
disparition
complète
de
la
transpiration. * ** Si
nous
avons
insisté
sur
la
partie
alimentaire
de
l’entraînement de l’intellectuel, c’est qu’elle présente une importance combien
CAPITALE
insoupçonnée
et
cependant,
Importance
naguère
telle,
que
encore, nombre
d’illustres « hommes de l’art » comptent exclusivement sur les puissants effets d’une nourriture rationnelle pour la guérison des maladies chroniques (exemple frappant du traitement de 23
la tuberculose dans les sanatoria). Importance que l’on saisira, si l’on songe que tout résultat intellectuel n’est qu’une forme d’énergie transformée, et que c’est de la nutrition seule que dépend la somme d’ENERGIE se trouvant en nous (sous forme d’énergie calorifique TRANSFORMEE EN ENERGIE ELECTRIQUE comme on vient de le découvrir); si l’on réfléchit que les cellules du corps sont en incessant renouvellement (sauf les cellules nerveuses QUI NE SE RENOUVELLENT JAMAIS : aussi faut-il en prendre soin comme de la prunelle de ses yeux...), et qu’il dépend du... ravitaillement individuel de remplacer toute cellule déficiente par une plus forte puisque la substance même des cellules ne peut provenir d’une autre source. Importance enfin qui apparaîtra d’une éclatante évidence si l’on aperçoit, planant sereinement bien au-dessus des raisonnements précédents, l’éternelle et majestueuse loi de la CONSERVATION DE L’ENERGIE!
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CHAPITRE III
Hygiène de l’étudiant
Liberté... Egalité... Fraternité... Trois mots sublimes de la Déclaration des Droits de l’Homme... Au fait, le principe d’EGALITE est-il une loi de nature ? Qui oserait le soutenir ? Tel enfant naît vigoureux, doté d’organes sains et forts; cet autre vient au monde débile et le restera probablement jusqu’à son dernier soupir. C’est que l’hérédité joue un rôle prépondérant dans la robusticité initiale de l’être vivant. Les astrologues proclament que le fait de voir le jour à telle ou telle époque de l’année, à telle ou telle heure de la journée, a aussi sa petite influence. Longtemps, les pontifes ont fait des gorges chaudes de ces affirmations, taxées de superstitions dues à l’ignorance et à la bêtise. Mais on a beau dire : il y a rarement fumée sans feu. Se risquera-t-on, de nos jours, à nier « mordicus » toute action émanée des régions éthérées, alors que l’on commence à se douter des effets des rayons cosmiques sur l’évolution du nouveau-né? Quoi qu’il en ‘soit, les Spartiates sacrifiaient impitoyablement les déficients, les « mauvais sujets » . On les jetait à l’Eurotas, et tout était dit. C’était peut-être aller un peu vite. En effet, par l’observation stricte et persévérant des règles de l’hygiène, un individu peut agir sur sa constitution. Tel hercule, qu’une confiance illimitée en sa résistance, en son invulnérabilité rend follement imprudent, décédera prématurément, alors qu’une
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bacillose, astreignant sa victime à prendre de grandes précautions, sera peut-être pour elle un brevet de longue vie...
* ** Qui ne connaît sur le bout du doigt les règles de l’hygiène, ânonnées dès la plus tendre enfance sur les bancs de l’école ? En les mettant en pratique à la lettre, on s’assurerait les plus grandes chances de narguer la Camarde jusqu’aux approches de la centaine. Or, chose stupéfiante, personne, en réalité, n’a cure de se plier à l’observation de ses préceptes. Le paysan, répète-t-on comme un leitmotiv, est extrêmement robuste. La vie à la campagne ? Garantie de force, de santé, de longévité... Hum... Du moins jusqu’à ces dernières années, avant que la machine ne fût venue seconder le muscle, le travail était dur, surtout dans les terrains rocailleux. Exposé à toutes intempéries, on était sur la brèche jusqu’à dix-huit heures par jour durant la « belle » saison ! Comment songer à la semaine de quarante heures quand les récoltes sont là, réclamant des soins de tous les instants, et doivent être rentrées en un clin d’oeil si un orage pointe à l’horizon ! En fait, ce métier était des plus meurtriers. C’est par sélection naturelle que quelques-uns sont restés : debout LES FORTS ! Et les autres ? Ils peuplent les cimetières. Aujourd’hui, certes, les instruments agricoles viennent vous épauler. Cependant, que de fermiers se contentent encore d’une alimentation distribuée à la diable, sans aucun principe scientifique; emportent au marché leurs poulets et leurs lapins, gardant pour eux un mauvais lard sans maigre, bien qu’ils le décorent pompeusement du nom de « viande » ; vendant leurs oeufs frais et en achetant de vieux pour les consommer ; 26
expédiant au loin leurs barriques d’excellent vin et buvant une « piquette » mal faite, acide et nuisible à la santé !Combien négligent d’aérer leur chambre, de chauffer décemment leur maison, et contractent une grippe « carabinée » qui les cloue au lit pour un mois chaque hiver Dans les villes, n’est-ce pas encore pire ? Entassés dans des taudis, on fume, on se réfugie au café pour y commander des boissons alcooliques, si l’on ne va pas chercher des distractions dans les lieux pires. Quel est le but de l’hygiène ? Se préserver des maladies, et tout particulièrement des affections contagieuses. Soins de propreté, choix des vêtements, disposition de l’habitation, etc., sont de son ressort. Il faut tout d’abord avouer que, pour des rai sons de snobisme masquant
des
intérêts
commerciaux
plus
ou
moins
recommandables, bien des choses entrant dans la catégorie de « ce qui se fait » ne brillent pas particulièrement par leur valeur hygiénique — Voyez-vous souvent, dans le rayon de la cordonnerie, des chaussures s’élargissant par l’avant, pour épouser exactement la forme des pieds ? Allons donc ! ce serait anti-esthétique... Aussi, presque tous les souliers.., bottines.., sandales... etc., s’inspirant de la mode chinoise, se terminent-ils en pointe, au grand dam des orteils, qui, comprimés, torturés, écrasés, se déforment, se couvrent de cors et d’ampoules, et des dessous de pieds où s’épanouissent d’inextirpables durillons. Et que dire de cette mode des souliers bas, éclose vers la fin de la « der des der » pour s’imposer partout depuis la « drôle de guerre ? On se fatigue plus vite à pied et à bicyclette, la cheville n’étant plus soutenue, ni, du reste, plus protégée en hiver contre les morsures du froid.
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- Commerçant, rencontrez-vous le «bonhomme » avec qui vous avez à traiter ? Avisez-vous donc de ne pas le suivre au bar pour discuter devant deux « fines » ou deux « demis » bien tassés : vous êtes sûr de rater une occasion qui ne se renouvellera pas. - Etes-vous facteur rural? Essayez de faire fi du petit verre qui, au cours de vos tournées, vous est offert dans mainte maison. Vous offenserez de braves gens et passerez pour un goujat. Choisissez : vous confectionner un solide ulcère d’estomac, ou voir, au jour de l’an, vos étrennes vous passer sous le nez. —Vous n’êtes, il est vrai, ni commerçant ni facteur. VOUS ETES ETUDIANT. Cela ne change rien. Ah ! vous ne vous laissez pas en traîner à « vadrouiller » avec les copains? Ah ! vous préférez étudier au lieu de renchérir sur leurs fredaines ? Ah ! après dîner, vous décidez de dormir vos neuf heures et de récupérer normalement des forces dont vous avez besoin, au lieu d’errer de dancing en boîte de nuit ? Vous n’êtes, aux yeux de ces messieurs, qu’un ours doublé d’un crétin !
* ** L’étudiant se doit de ne pas négliger certaines précautions .Le labeur intellectuel astreint à une existence non exempte de dangers, à un âge où il faut circuler. En particulier, il tend à produire
une
stomacaux
et
particulièrement
atonie
génératrice
intestinaux à
Aussi
manger
de
graves faut-il
lentement,
désordres
veiller à
tout
mâcher
consciencieusement les aliments et à faire durer au moins trois quarts d’heures chacun des deux principaux repas. Rien de funeste comme cette déplorable habitude qui s’est introduite dans les pensionnats de bâcler déjeuner et dîner en une vingtaine de minutes. L’excuse provenant des exigences 28
d’un emploi du temps surchargé est illusoire :on étudie moins bien moins vite, et on assimile très mal les connaissances, pendant une digestion laborieuse. Une avalanche d’aliments ingurgités à la hâte et tombant dans l’estomac
après
une
mastication
et
une
insalivation
insuffisantes, impose à cet organe un labeur extrêmement pénible. A vrai dire, les élèves ont, à peu près partout, parfaitement le temps de jouer tranquillement des mandibules, mais ils sont impatients de retourner s’amuser, la durée de la récréation était sévèrement mesurée. Si, après un repas ainsi précipité, ils se livrent par surcroît à un sport violent, ils peuvent être certains que leur digestion va se trouver presque complètement entravée. Napoléon, ce génial intellectuel, ce géant du travail qui consacrait à l’élaboration de ses vastes plans quinze heures par jour, s’accordait à peine le temps de se sustenter. Il regrettait les dix minutes qu’il passait à table : du temps perdu à son sens... Il exigeait que tous les plats fussent apportés à la fois, avant qu’il ne se présentât. Puis, une fois assis, il allongeait fébrilement la main, et le mets le plus rapproché avait d’abord ses faveurs. Il n’était pas rare de le voir commencer par le dessert et terminer par le potage. Cette négligence — désespoir de son Esculape Corvisart lui valut un ulcère à l’estomac qui devait, en dépit de sa belle constitution, le terrasser à l’age de cinquante-deux ans. * ** Evitez tout travail intellectuel immédiatement après le repas; abstenez-vous même de tout exercice physique un peu actif. 29
Les animaux, dont le merveilleux instinct est le plus fin hygiéniste, se couchent dès qu’ils ont mangé. Attendez au moins une heure avant de vous livrer un labeur intense de la pensée. * ** Il est salutaire, au cours de la journée, de faire de fréquentes promenades sans fatigue, en pleine campagne de préférence. Au cours de l’étude, on se lèvera fréquemment de sa table de travail pour allonger ses membres engourdis. Quelques mouvements de gymnastique très correctement exécutés, et dont
chacun
sera
séparé
du
suivant
par
QUATRE
SECONDES pour faciliter la circulation dans les muscles intéressés:
CECI
EST
TRES
IMPORTANT
—
seront
excellents pour rectifier les positions vicieuses précautions fort simples, dont la pratique, croyons-nous, évitera bien des malaises. Il est vrai que les choses limpides, souvent si utiles, sont trop fréquemment celles qu’on dédaigne de faire. Il ne sera donc pas superflu, pour se décider à consacrer quelques minutes par jour à ces exercices, de prendre la peine de réfléchir, à leur importance et de se convaincre fermement que ce n’est pas là du temps niaisement gaspillé. Durant des heures d’un labeur assidu, on demeure écrasé sur un bouquin. Qui ne comprendrait que la poitrine, l’estomac, l’intestin, le foie, se trouvent comprimés et se congestionnent? La circulation se ralentit dans ces organes, et les fonctions perdent de leur activité. La désassimilation est gênée, les déchets sont expulsés avec moins d’énergie, les boyaux perdent de leur élasticité. Si, par suite, se produit une constipation tenace, - ce qui est trop fréquent — l’organisme s’intoxique peu à peu. On marche vers la dyspepsie, la gastrite, l’entérite, les affections hépatiques; les poumons eux-
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mêmes risquent d’être atteints, surtout si l’on n’a pas soin d’aérer amplement son studio.
* ** Vous sentez-vous fatigué? Reposez-vous AUSSITOT. Est-ce après une besogne d’une heure? Allongez-vous sur un lit, une chaise-longue, un fauteuil. Au besoin, restez immobile sur votre chaise, les yeux clos, en vous décontractant le plus possible et en vous efforçant de ne penser à RIEN. Cinq minutes suffiront pour vous regonfler à bloc. Après plusieurs heures d’un travail ininterrompu, un quart d’heure d’un tel repos vous revigore totalement. N’ayez pas honte de vous détendre. Le repos, conséquence d’un labeur, n’a rien de commun avec la paresse. Il doit être considéré comme SACRE. Etant habituellement assidu au travail, éprouvez-vous une répugnance très nette à l’action ? Ne vous attelez pas de vive force à la tâche. La volonté d’agir non accompagnée d’un certain PLAISIR, d’une sorte d’allant, d’euphorie, non
seulement ne conduit pas à de solides
résultats, mais risque de compromettre la santé. Demandezvous si cette sensation de recul devant le papier blanc.., à noircir n’est pas un avertissement salutaire qu’il serait périlleux de mépriser...
* ** Car la nature ne nous prend jamais en traître : ELLE AVERTIT. Aussi convient-il d’accorder la plus grande attention 31
aux divers désagréments qu’elle vous ménage non pour la maudire, mais pour essayer, en pythonisses — disons, pour être à la page, en apprentis-sorciers — de pénétrer ce que présagent ces augures : bobos destinés à vous protéger contre des maux plus grands qui pointent à l’horizon. Ainsi, les maux de dents sont la cloche d’alarme qui, en nous décidant à visiter le dentiste, nous permet de conserver ces petits os précieux par plombage, ou, au pire, de les faire remplacer. Nous sommes, d’autre part, informés par là qu’il se produit en nous une inquiétante déminéralisation et invités à renforcer notre alimentation en sels de chaux, à l’alcaliniser, et à modérer notre effort. En hiver, après quelques minutes de travail intellectuel dans la position assise, sentez- vous des bouffées de chaleur ? Vos pieds se refroidissent-ils ? Votre circulation laisse à désirer et il sera prudent de vous soumettre à l’examen d’un spécialiste du coeur. Avez-vous une pesanteur dans la région supérieure de l’abdomen, du côté droit? Attention à votre foie ou à votre appendice... Eprouvez-vous des fourmillements dans les membres ? dans les doigts ? Souffrez-vous de torticolis ? de diarrhées fréquentes ? Gare à vos reins... Et que de migraines terreur de 1’étudiant— installées depuis des mois, parfois des années céderaient comme par magie, si — au lieu supprimer stupidement, pour un temps, l’effet par un analgésique, sans se préoccuper de cause — on se décidait sans ambages à aller consulter un spécialiste de l’estomac ou de la vue! Certaines de ces céphalgies sont dues à un fonctionnement défectueux du tube digestif, d’autres à une 32
anomalie de l’oeil :myopie par exemple, ou différence de puissance entre les deux organes visuels. Se rend-on compte de la fatigue accumulée par un intellectuel, pour des yeux anormaux, et, par suite, pour un nerf très important de la tête, du fait de lectures presque ininterrompues du matin au soir? Nous avons eu le plaisir de voir disparaître des migraines anciennes de DIX ANS, chez une demi-douzaine de personnes qui, à la suite d’une simple remarque de notre part, s’étaient rendues chez l’oculiste. Profitons de l’occasion pour noter que des yeux MEME TRES NORMAUX se fatiguent considérablement chez l’étudiant. Cette fatigue locale contribue POUR UNE GRANDE PART à la fatigue générale causée par l’étude. CE POINT CAPITAL ETAIT PASSE JUSQU’ICI A PEU PRES INAPERÇU. Aussi n’hésitons-nous pas à recommander au candidat à UN EXAMEN de faire entrer définitivement les soins de l’oeil dans sa toilette QUOTIDIENNE. Matin et soir, et après chaque séance d’étude de plusieurs heures, massez-vous quelques minutes le tour des paupières, et prenez un bain local (eau tiède dans une oeillère) pendant une cinquantaine de secondes pour chaque oeil. • Si tout le monde doit absolument dormir cette règle est encore plus impérieuse chez l’homme d’étude. Se doute-t-on que l’insomnie est due à quelque maladie? Consulter son « toubib », faire analyser ses urines et son sang, et passer à la radio. Dormez la fenêtre ouverte, votre chambre ayant, au préalable, été aérée à fond au cours de la journée, et la poussière enlevée très minutieusement par un aspirateur électrique. Vous fermerez la croisée seulement pendant les gros froids, si vous prévoyez que la température doive s’abaisser audessous de + 7 degrés centigrades dans votre chambre.
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Orientez votre lit dans la direction nord-sud (tête au nord, pieds au midi). Sans qu’on ait pu encore déterminer très exactement le rôle du magnétisme terrestre sur l’organisme, on admet que se placer suivant les grands courants du globe (dans le SENS indiqué ci-dessus, et NON dans le sens INVERSE) favorise le repos. On l’a d’ailleurs constaté expérimentalement. • Pour une raison analogue, celui qui travaille debout ou assis a intérêt, pour l’économie de ses forces, à se fixer le dos au nord, face au sud. Lit-il ? Il s’arrangera, en outre, de façon que la lumière lui arrive obliquement du côté gauche. •Le soir, mangez légèrement restez, comme on dit sur votre appétit. Vous aurez pris un peu de charbon de Belloc pour désinfecter le tube digestif, puis un verre d’eau pure qui rincera vos viscères — nettoyage en petit des écuries d’Augias — tout en décongestionnant le foie et les reins. • Faites quelques exercices de gymnastique, notamment des mouvements de jambes. Vous pouvez, par exemple, pratiquer la flexion et l’extension des membres inférieurs neuf fois consécutives, ces mouvements étant exécutés lentement et avec la plus grande perfection. Vous faciliterez ainsi la circulation, ferez avorter tout signe congestif et expédierez le sang vers la périphérie. • Frictionnez-vous énergiquement la tête, la face et le cou avec une serviette un peu rude non mouillée,
surtout
si
vous
avez
beaucoup
peiné
intellectuellement, pour dégager la partie supérieure du corps. Ce résultat sera renforcé si fous faites ensuite NEUF fois, dans les deux sens et très lentement, chacun des trois mouvements suivants 1° Faire basculer la tête de droite à gauche et de gauche à droite autour d’un axe horizontal dirigé d’avant en arrière (prendre, en quelque sorte, des airs penchés perfectionnés).
34
2° Faire tourner la tête de gauche à droite et de droite à gauche autour de l’axe vertical du corps (comme si l’on cherchait à... dévisser sa tête). 3° Faire mouvoir le chef de haut en bas et de bas en haut, autour d’un axe horizontal parallèle à la ligne des épaules (salutations à l’orientale, ou, si l’on veut, signes énergiques d’approbation). • Effectuez ensuite des soins de bouche (gargarismes, lavages de dents) et prenez dans le nez une pommade légèrement antiseptique (vaseline goménolée, par exemple). Une fois au lit, faites plusieurs mouvements consécutif d’expiration FORCEE, en visant à chasser absolument toute trace d’air des recoins les plus exigus des alvéoles pulmonaires (figurez- vous, par exemple, que vous cherchez à tirer d’un cornet à pistons une série de sons suraigus, ou que vous voulez emplir, en soufflant, un ballon d’une capacité illimitée) ; puis exécutez quelques inspirations INTENSIVES. Mieux vaut séparer les premiers mouvements des seconds : vous réussirez ainsi les uns et les autres avec une plus grande perfection et une fatigue sensiblement moindre. Cette technique offre le précieux avantage de renforcer instantanément — et pour toute la durée de la nuit — le rythme de la respiration, qui tend à plonger dans le sommeil en ce qu’il constitue un véritable bercement. De plus, elle accroît la capacité respiratoire et la masse d’air pure utilisée pendant la nuit, ce qui est encore favorable au sommeil. On peut se faire ensuite une vingtaine de suggestions en répétant : « JE SUIS SUR que je vais m’endormir. »(Voir la deuxième partie, chapitre premier).
* **
35
Ces procédés peuvent ne pas donner tout leur effet les premières fois. A chaque nouvelle application, leur réussite s’affirmera avec plus d’autorité. Dans les cas rebelles, on peut, durant une dizaine de minutes, se masser les épaules (ce qui n’est pas aisé), la poitrine et la région abdominale, puis placer une main à plat sur l’estomac ou sur le foie — comme le faisait probablement Napoléon — et l’y laisser. Elle se comporte comme une source de douce chaleur et accélère la digestion, ce qui porte au sommeil. En même temps, vous compterez jusqu’à MILLE de la façon suivante : UN (et vous fermez les yeux) ; DEUX (vous les ouvrez) ; TROIS (vous les fermez); QUATRE (vous les ouvrez), et ainsi de suite, alternativement. La fatigue des paupières et le rythme de l’opération joueront le rôle d’un puissant agent hypnotique, du reste absolument inoffensif. Vous éveillez-vous, pendant la nuit, en hiver? Recommencez les exercices précédents. Est-ce en été ? N’hésitez pas à vous lever pour vous faire une ablution à la serviette mouillée. Recouchez- vous, puis revenez aux procédés sus-indiqués. Si cela devient nécessaire, prenez, avant de vous coucher, un bain de pieds chaud puis une infusion aromatique : tilleul, camomille, ou un véritable somnifère (coquelicot). Rien de plus simple, d’ailleurs, que de demander au pharmacien un petit flacon de potion narcotique. Mieux vaut prendre une fiole exigu : vous pourrez ainsi vous réserver de changer de soporifique, ce qui évite l’accoutumance.
* ** L’idéal est d’avoir une chambre exposée au sud-est. D’autre part, se coucher sur le dos serait parfait, si ce n’était 36
l’inconvénient du ronflement qui se produit souvent dans cette position. Cette posture est la seule qui ne comprime aucun organe. Dormir du côté gauche ? Mauvais: on gène le coeur. Tenter de reposer franchement du côté droit n’est guère meilleur : on s’appuie sur le foie. On s’étendra sur les deux épaules, très légèrement à droite. * ** • S’il faut absolument se reposer, il est, par contre, indispensable à l’étudiant de pallier les inconvénients d’une existence trop sédentaire par un exercice suffisant. Il sera utile de faire le matin, au saut du lit, un quart d’heure de gymnastique, et, si l’on peut, un ou deux mouvements après chaque heure de travail. De temps à autre, levez-vous de votre table, redressez bien la tête et faites quelques pas dans votre studio. Cette activité intermittente rétablit fort à propos une circulation qui tend à s’engourdir, dégage les organes comprimés et permet d’éviter les hémorroïdes. Une bonne promenade à pied — appelez-la séance de « footing » si vous tenez absolument à rester dans la ligne d’un certain snobisme sera très salutaire. Sauf contre-indication médicale, un peu de cyclisme, à allure modérée et en faisant les montées à pied, sera un excellent délassement. Ne négligez jamais d’aérer votre salle de travail pendant cinq minutes toutes les heures. La méthode de gymnastique naturelle, enseignée par le commandant Hébert (qui a souvent remplacé, et plus encore complété la gymnastique suédoise moins variée et plus fastidieuse), susceptible de s’adapter à toutes les constitutions et ne poussant pas à la perfide PERFORMANCE, à la compétition génératrice de surmenage, mérite d’être connue et employée par les intellectuels soucieux de maintenir et de renforcer leur santé. 37
Autant un exercice pondéré est utile, autant un sport violent nuit à l’entraînement de l’intellectuel. Tout effort physique exige
une
dépense
supplémentaire
d’énergie.
Celle-ci,
nécessairement distraite de celle consacrée à la tâche principale, aura à être amplement récupérée par une amélioration du sommeil et des fonctions de nutrition. Aussi cette consommation parasite de forces doit- elle être très strictement limitée. Si vous vous, lancez inconsidérément dans un exercice brutal et prolongé, vous dissiperez une énorme quantité de calories et d’influx nerveux, d’autant plus sensible que, par manque d’en traînement, vous serez très vite exténué. Le danger est flagrant s’il s’agit d’un sport collectif, où l’émulation dissimule traîtreusement la fatigue, à moins que, par amour-propre, par souci de paraître, aux yeux de la galerie, plus « costaud » que tel camarade, elle n’en fasse litière, purement et simplement. Le système nerveux, exaspéré, se tendra, donnant l’illusion que l’on est toujours frais et dispos. Mais après, quelle réaction !quelle courbature! quel anéantissement !
* **
Nous ne saurions trop mettre en garde l’étudiant contre l’ABUS du jeu de football. De même que la boxe, c’est un exercice plutôt brutal, excellent sans doute pour des soldats, pour des adultes rompus aux occupations physiques, ou pour des jeunes gens d’une robusticité très au-dessus de la moyenne. Par contre, il ne convient guère, en général, à des adolescents dont l‘organisme est encore délicat, peu résistant, à plus forte raison quand ceux-ci sont en plein effort 38
intellectuel. Non seulement l’usage démesuré de ce jeu contrarie sérieusement les études, mais il conduit à la bacillose les sujets non spécialement taillés pour les exploits athlétiques. Etant élève de l’Ecole Normale, j’eus la fâcheuse inspiration, durant ma préparation au Brevet Supérieur, d’entrer dans une équipe de football. J’y fus d’abord un « avant » médiocre. Il est vrai que par la suite, — et sans me vanter, — je fis merveille dans le rôle de demi ‘. Je m’arrangeais toujours pour faire venir à moi le ballon avec mes pieds. Mais l n’est pas la question. Le fait est que, chaque jour, après déjeuner, de midi et quart à une heure, — on se hâtait sottement d’expédier le déjeuner en un quart d’heure pour pouvoir jouer un peu plus longtemps avant la classe — nous nous lancions à corps perdu dans une partie extrêmement disputée
où
des
mêlées
endiablées
le
disputaient
à
d’acrobatiques dribblings. Pendant tout le reste de la journée, je me sentais déprimé, courbaturé, moulu, les jambes lourdes, et fort mal disposé pour l’étude.
* ** L’intellectuel se gardera de tout effort de la pensée après le repas du soir; tout au plus se bornera-t-il à un léger travail plutôt mécanique (copie, mise en ordre), ou, mieux, à une promenade. Il sera bien inspiré en se couchant de bonne heure, quitte, à se lever de grand matin. Le travail matinal est très efficace. Il dormira de huit heures et demie à neuf heures. Des bains fréquents et des douches écossaises réveilleront la vigueur de son esprit et lui pro cureront un sommeil salutaire.
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* ** . Il est un point CAPITAL que l’étudiant doit viser avant tout : acquérir une excellente RES PIRATION Il multipliera ainsi ses chances de santé. Il accroîtra ses forces par le supplément d’oxygène qui brûlera mieux ses toxines. Par cette combustion même, il augmentera sa chaleur animale, DONC SON ENERGIE. Il galvanisera toutes ses facultés. C’est ce que savent fort bien les fakirs hindous, — que nous vîmes à l’oeuvre lors de notre séjour de cinq années dans le ProcheOrient — et tous ceux qui se sont spécialisés dans la concentration de la pensée tels les moines du mont Athos, en Grèce. La respiration, qui s’accomplit par les poumons, et aussi par la peau, — ce qu’on oublie trop souvent — est une fonction d’une exceptionnelle importance. En oxydant les poisons organiques et en les expulsant par la sueur, elle dépure. Respirer normalement, et pratiquer l’hygiène de la peau par des soins de propreté, des bains, des ébats en piscine, est déjà bien. Galvaniser l’appareil respiratoire par l’HYPERRESPIRATION et les bains de LUMIERE et de SOLEIL, et fouetter par là les deux groupes de glandes endocrines essentielles la glande thyroïde et les glandes surrénales, décuple la vitalité et confère un véritable rajeunissement.
* **
40
L’hyper-respiration,
particulièrement
précieuse
chez
les
sédentaires et les constipés donc chez l’immense majorité des étudiants, consiste en une notable AMPLIFICATION des mouvements respiratoires. On sentira tout de suite l’effet d’une telle exagération, si l’on songe que la capacité moyenne des poumons d’un adulte est d’environ trois litres, alors qu’une inspiration normale n’amène qu’un demi-litre d’air dans la cage thoracique ! Maintes fois recommandés par des hygiénistes, les exercices respiratoires ont été souvent tentés, mais cela n’a jamais pris... Pourquoi ? Eh... mon Dieu! c’est bien simple. Quoi de plus ridicule que de respirer artificiellement ? L’allure n’y est pas : de quoi a-t-on l’air ? On se fait l’effet d’un pendu qui va trépasser, d’un soufflet de forge troué, d’un asthmatique qui suffoque, d’une carpe qui vient de sortir de son élément. Et l’on a l’impression de perdre son temps. De surcroît, ces mouvements sont indiqués comme tout à fait accessoires, se greffant à la diable sur des exercices de bras. On se résigne donc à les esquisser comme des actes de gymnastique. A ce titre, on ne tarde pas à les trouver puérils, et d’un fastidieux ! Enfin, quoi de plus éreintant que de faire suivre immédiatement une inspiration très poussée d’une expiration désespérément longue Nous conseillons de SEPARER les expirations forcées des inspirations amplifiées. Ainsi, chacun de ces mouvements sera fait avec plus de profondeur, plus de fini, plus de brio, et l’effet obtenu s’en ressentira. Il est d’ailleurs inutile d’y consacrer un temps spécial, à distraire de quelque occupation importante. On effectuera ces exercices à chaque sortie, dans la rue, sur la route ou en plein champ, en continuant à marcher au ralenti, à raison de trois expirations forcées suivies de trois 41
inspirations très amples. A la fin de la journée, on se trouvera avoir effectué, presque sans s’en être aperçu, une soixantaine de
mouvements
respiratoires
extrêmement
efficaces.
Ressentez- vous, au bout de quelques jours, un peu de fatigue dans les poumons ? Cessez pendant une semaine, quitte à recommencer ensuite prudemment, et, au début, avec moins d’intensité. Vous ne tarderez pas à vous sentir plus alerte, plus léger, plus jeune, plus vigoureux. Vous aurez envie de chanter, et serez stupéfait d’en tendre sortir de votre gorge des sons puissants, prolongés, que vous ne vous seriez jamais cru capable d’émettre avec cette intensité et cette virtuosité. Vous allez vous sentir des ailes, éprouver LA JOIE DE VIVRE. Votre appétit augmentera. Sans manger davantage, votre poids va s’accroître, faisant mentir le proverbe : « On ne vit pas de l’air du temps... » C’est qu’en effet vous avez ainsi trouvé le moyen de doubler... de tripler la masse d’oxygène qui vient imprégner vos poumons, d’où digestion plus active, assimilation plus parfaite, combustion plus complète des résidus. En outre, cette hyperrespiration stimule les fonctions du foie (la sécrétion biliaire en particulier), celles de l’intestin et des reins. De plus, elle anime la glande thyroïde, et ceci présente une importance exceptionnelle comme nous le verrons au chapitre VI de la deuxième partie.
* ** • Les bains de soleil et de lumière activent les glandes surrénales, et, par suite, exercent une 42
action tonique, en particulier, sur le COEUR. Aussi ne saurions-nous trop vous recommander, dès la sortie de l’hiver et dès que la température de la chambre à coucher ou du cabinet de toilette (à chauffer, s’il le faut, avec un poêle à pétrole, qui donne à peu près instantanément la température voulue), approche de 15°, de faire vos ablutions et votre gymnastique dans le plus simple appareil. Habitez-vous la campagne .Travaillez ou promenez-vous en manches de chemise, de façon à profiter le plus possible des bienfaits du soleil. Encore ne soufflons-nous mot des plages où ces cures de lumière et de soleil sont si pratiques. Toutefois, nous ne saurions prendre la responsabilité de conseiller l’exposition de la peau nue aux ardeurs de Phébus, surtout au voisinage de la canicule. A cet égard, nous laisserons la parole à votre médecin. Il a été reconnu que de nombreuses
soi-disant
« cures
»
de
soleil,
faites
imprudemment, — et moins par souci de santé que pour sacrifier au dieu Snob en vue d’un brunissement de peau à la mode — ont réveillé ou même fait éclore des lésions pulmonaires. Les rayons solaires traversent les vêtements, mais plus ou moins suivant la couleur de ceux-ci. Portez des habits clairs, presque blancs, surtout si vous avez le coeur un peu fragile. S’habiller en noir équivaut, toutes proportions gardées, à habiter une cave...
* ** II est certaines incommodités ou affections particulièrement fâcheuses chez l’étudiant.
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Nous ne citerons que pour mémoire la « grande faucheuse » : la tuberculose (puisqu’il faut l’appeler par son nom) qui fait tant de ravages dans l ‘université. N’insistons pas: la société commence à s’organiser pour dépister la terrible maladie, et se colleter avec elle. Les étudiants ont leurs sanatoria. Notons seulement que beaucoup d’entre eux prennent le mal en négligeant de s’aérer, ou en respirant les poussières de leur machine à écrire, poussières aussi meurtrières, quoique invisibles, que les avions porteurs de bombe H. Ici, les explosifs atomiques sont les bacilles de Koch !
* ** Incommodité trop fréquente et souvent préjudiciable à l’oral des examens : une mauvaise odeur. Elle peut avoir plusieurs causes. Vient-elle de la sueur des pieds ou des aisselles ? User de bains saltratés. Le plus souvent, la bouche ou le nez en sont les responsables. Voir, en ce cas, si l’on n’a pas de dent cariée. La cause peut encore être une sinusite ou une digestion défectueuse .S’attaquer à la cause. De toute façon ,pallier, en attendant mieux, toute odeur buccale suspecte par de
fréquents
gargarismes
d’eau
tiède
contenant
du
bicarbonate de soude (qui neutralisera les acides putrides) et du charbon médical en poudre l’un des plus efficaces désodorisants connus.
*
.
** Plus que quiconque peut-être, l’étudiant est sujet à des indispositions sérieuses dues au froid
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dont certaines peuvent devenir chroniques. Il devra donc s’entraîner à faire front au général Hiver, en aérant bien sa chambre et en dormant la fenêtre ouverte ou entr’ouverte, — sans être au passage d’un courant d’air — tant que la température le permet. Chaque matin, il prendra son tub ou son ablution à la serviette mouillée à l’eau FROIDE, et se frictionnera avec un gant de crin un peu rude, ou une brosse londonienne à manche .De temps à autre, il saupoudrera de saltrate Rodell le linge humide avec lequel il se frotte: l’oxygène ainsi dégagé débouchera ses pores dix fois mieux que le savon. Prend-il
aisément
des
coryzas ?
Tousse-t-il
facilement
pendant la mauvaise saison ?Croit-il avoir contracté une sinusite ? Est-il sujet à la dyspnée à des attaques d’asthme? Qu’il essaie donc une cure d’un médicament anglais très renommé, le MENDACO. N’en prendre que la moitié de la dose indiquée, et boire, chaque jour, entre les repas, six grands verres d’eau pour éliminer la plupart des toxines par voie rénale. Ce médicament présente un inconvénient : il tend à constiper. Pendant son usage, manger de la confiture de rhubarbe, des pruneaux et de la salade de pissenlit. Si cela ne suffit pas, consulter, bien entendu, un spécialiste.
* ** L’abus des jeux violents en plein air (boxe, football) amenant fréquemment de la transpiration , nombre d’étudiants se plaignent de rhumatismes. Il faut alors s’occuper de son foie et boire matin et soir un grand verre d’eau. Y joindre un traitement, non au CORTISONE, produit récemment porté aux nues par la grande presse en réalité, remède de cheval, très 45
mal connu, qui a souvent produit des accidents par fois MORTELS, mais au DOLCIN. Ce produit, qui a déjà fait ses preuves et n’irrite aucun organe, est très efficace dans des cas invétérés et même désespérés, ce qui ne veut pas dire dans TOUS les cas. En tout état de cause, le DOLCIN est toujours inoffensif. Boire encore, pendant la cure, six grands verres d’eau chaque jour.
* ** Boxe,
football,
lutte
gréco-romaine
redoutables, judo, catch
avec
ses
prises
et ses coups trop souvent..,
hétérodoxes, donnent le jour à de nombreuses HERNIES chez les étudiants. Evidemment, ils peuvent se faire opérer; et même, s’ils sont sous les drapeaux, on les allonge sur le billard sans leur demander leur avis ! A coup sûr, mieux vaut jouer à la statue sous le scalpel à la fleur de l’âge qu’à quatrevingts ans. Mais enfin, si vous êtes en train de « potasser » un examen, cela peut s’appeler une tuile... Allez vous sacrifier peut-être un an en vous laissant immobiliser pendant un mois ou deux, à la suite d’une... .intervention ? Mieux vaut prendre la tangente, du moins momentanément, sauf, bien entendu, en cas de hernie étranglée. On recherchera une bonne ceinture. S’adresser à la maison britannique : BEASLEY’S LIMITED, Beasley House, à Boscombe, BOURNEMOUTH (Hampshire), qui, du reste, a des agences partout en Grande-Bretagne et des succursales dans diverses capitales. Ses ceintures,que nous avons portées nous-même, sont peut-être, à l’heure actuelle, les meilleures qui existent. Très douces, ne se déplaçant jamais, et, par suite, ne donnant pas lieu à des 46
écorchures ou à des infections, formées d’une double lanière en caoutchouc, elles se signalent par leur pelote, qui se gonfle avec une petite pompe comme un pneu de bicyclette. De multiples hernies, au début, surtout chez les jeunes, se sont complètement, radicalement, presque miraculeusement guéries sans opération, par le port de ce bandage. Du reste, avec cette ceinture, on peut se remettre à des occupations musculaires (jardinage, cyclisme, etc.), que la hernie soit curable ou non. L’élasticité du caoutchouc s’usant rapidement, il est sage d’en changer chaque année. Toutefois, si on soigne bien sa ceinture, elle peut durer dix-huit mois, et jusqu’à deux ans.
* **
Maints étudiants, en hiver, et parfois dès le début de l’automne, ont des... engelures Combien gênantes pour l’étude, ces démangeaisons extrêmement désagréables qui vous portent particulièrement sur les nerfs ! Sans compter la difficulté d’écrire, si elles s’égarent sur la main droite, ce qui arrive presque toujours... Il faut à tout prix éloigner ce petit fléau. Une engelure est un véritable GEL de la peau. La cause immédiate semble être un trouble circulatoire. On en a fait longtemps une manifestation d’anémie. On les attribue plutôt aujourd’hui à une carence de vitamines D. Leur remède est encore inconnu et ferait un splendide sujet de Thèse...
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Pour les prévenir, on usera de l’huile de foie de morue, en corrigeant son trop considérable apport de vitamines A par du jus de citron ou d’orange, auquel on ajoutera un peu de bicarbonate de soude. Plus efficace peut-être est, soit le STEROGYL 15 français, soit l’OSTOCALCIUM britannique, en comprimés, qui vaut encore mieux. On se lavera fréquemment pieds et mains è l’eau saltratée, et l’on aura soin de les essuyer bien complètement : problème ardu en hiver, à ne pas sous-estimer. Matin et soir, on massera vigoureusement les ARTICULATIONS des membres supérieurs et inférieurs. On veillera à ce que les bas soient très secs et BIEN AERES. Pour faciliter la réalisation de cette double condition, on changera de chaussettes chaque fois qu’on sort, et en rentrant. On se frottera les mains avec de l’huile d’olive, — ou, à défaut, avec de la vaseline pure — et on ne sortira jamais sans gants.
* ** L’étudiant digne de ce nom, vrai « rond-de-cuir », est une proie toute désignée pour les insupportables hémorroïdes avec leurs démangeaisons dans une zone qui n’a pas l’habitude de nommer. Le moyen le plus simple de les prévenir est d’éviter la constipation, et de veiller à une propreté locale ABSOLUE. Dès qu’on n terminé une selle, se laver l’anus avec un petit bout de coton hydrophile trempé dans l’eau, s’essuyer avec du papier hygiénique, puis frotter l’extrémité du rectum avec le doigt enduit d’un peu d’huile d’olive. Sécher alors suffisamment pour que ce corps gras ne tache pas le linge ultérieurement. Une à deux fois par semaine, prendre un bain de siège. On pourra aussi faire un usage interne et externe d’extraits de marrons. 48
* ** Nous ne saurions clore cet important chapitre sans signaler à l’étudiant une pratique très simple, mais à laquelle — tel l’oeuf de Colomb — PERSONNE NE SONGEAIT. Cependant, cette pratique, qui ne fait pas perdre une minute, ne coûte pas un centime, a pour résultat de doubler la robusticité, de tripler les forces, de quadrupler la capacité de travail intellectuel, et, en définitive, de DECUPLER les CHANCES DE SUCCES A TOUS LES EXAMENS. C’est le massage, TRES LENT et TRES VIGOUREUX de TOUTES LES ARTICULATIONS du corps auquel nous avons déjà fait allusion. D’une circulation parfaite dépend l’harmonie des fonctions. Or, il est des parties déterminées où la circulation est TRES GENEE : ce sont LES ARTICULATIONS. Rétablissez cette circulation dans ces zones : le sang est lancé plus aisément dans les régions les plus reculées, le coeur, par surcroît se trouve soulagé. On aura soin de masser plus soigneusement encore le COU (pour que le sang irrigue la tête et le cerveau sans difficulté), ainsi que le secteur du NŒUD VITAL. Ces exercices se feront au lit : avant de s’en dormir, et, le matin, au réveil. Chacun d’eux prend une quinzaine de minutes. –
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DEUXIEME PARTIE
L’ENTRAINEMENT MENTAL
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CHAPITRE PREMIER
Développement de la volonté
Penchez-vous sur les biographies de tous ceux qui ont réussi dans la vie, qui ont « percé » : vous verrez que tous, sans exception, étaient doués d’une forte personnalité, d’une ferme volonté. Donc, vous ferez à peu près CE QUE VOUS VOUDREZ, et, en particulier, VOUS REUSSIREZ A VOS EXAMENS, si vous développez votre « moi » , si vous devenez capable de prendre d’énergiques décisions, d’accroître votre intelligence, de régler votre imagination. Les facultés — de même que les aptitudes physiques— sont, il est vrai, distribuées au gré d’une nature fantasque. Des esprits chagrins ont pu voir là le symbole de l’inégalité, de l’iniquité. Mais, il est prouvé, heureusement, que nos dispositions naturelles, si embryonnaires soient-elles,sont susceptibles de se développer, de s’améliorer considérablement par une gymnastique méthodique et persévérante. Vous ne devez rien négliger pour atteindre à ce résultat CAPITAL. Enseignant les mathématiques au collège de ChâtellerauIt, nous remarquâmes, au début d’une année scolaire, un nouvel élève déjà âgé qui, à la suite d’on ne sait quelles vicissitudes,
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était venu échouer dans notre classe d’Elémentaires. Il avait plusieurs fois affronté en vain les épreuves de la deuxième partie du Baccalauréat. Nous eûmes une peine inouïe à obtenir de lui des réponses autres que des monosyllabes. Tout de même, à force de le cuisiner, nous finîmes par voir clair, et fûmes surpris de la somme de connaissances qu’il possédait réellement: elles étaient en lui, mais n’en sortaient jamais. Lui
posait-on
une
question?
Il
avait
immédiatement
l’impression qu’il savait. L’ensemble de la réponse se présentait à son esprit, et il se bornait, en une sténographie orale, à la résumer en un quart de phrase, comme à regret. Les devoirs étaient compris; mais la rédaction en était très abrégée, et la tenue matérielle absolument négligée. « D’après votre culture, lui fîmes-nous observer, vous devez réussir. Vous ne manquez que de confiance en vous. Devant l’examinateur, pensez avec netteté à l’explication à fournir, puis donnez-la résolument, complètement, d’une voix forte, assurée, en articulant bien les syllabes, en exprimant clairement votre pensée, en parlant le plus que vous pourrez, en prenant physiquement le plus de peine possible. Dans vos copies,
exprimez
vos
idées
A
FOND,
faites
des
démonstrations parachevées. Que votre écriture soit lisible, bien formée; exécutez soigneusement, à la règle et au compas, des figures géométriques de grandes dimensions, avec des lettres absolument calligraphiées, et bien en vue. Si vous suivez scrupuleusement ces directives, nous vous garantissons le succès. » Nous fûmes assez heureux pour lui inspirer confiance. II observa docilement nos conseils, et, à la fin du troisième trimestre, se vit conférer le grade de bachelier. * **
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Etes-vous décidé à entreprendre le développement de votre personnalité, en vue de REUSSIR A TOUS VOS EXAMENS ? Alors astreignez-vous à accomplir avec un soin méticuleux les actes même les plus ordinaires de l’existence. Soyez toujours propre, bien mis. Votre dignité va s’en accroître. Disposez tout avec le plus grand soin dans votre studio. Venez-vous de décider une chose? Si insignifiante soit-elle, passez immédiatement à l’acte correspondant, sans arrièrepensée, sans regret. Accomplissez -1e vite et bien. Gardezvous
des
mouvements
physiques
que
réclame
cette
exécution. Effectuez-en, au contraire, sans restriction, la partie purement concrète. Ai-je besoin d’un livre se trouvant à un mètre cinquante de ma main? Au lieu d’allonger désespérément le bras d’un geste languissant et en bâillant à me décrocher la mâchoire, je me lèverai carrément, et irai prendre l’objet là où il est. Une idée se forme-t-elle dans votre cerveau? Si elle est futile, chassez cette importune illico. Présente-t-elle de l’intérêt? Accordez-lui toute votre attention. Ne la laissez pas se mêler à des bribes d’autres concepts plus ou moins brumeux pouvant traîner dans votre encéphale. Donnez-lui la plus grande netteté possible; évertuez-vous à la présenter sous une forme matérielle. A première vue, ces moyens semblent puérils. En réalité, ils constituent une gymnastique quotidienne féconde. L’expérience prouve que cet entraînement à la précision, à la netteté, dans les actes les plus usuels et dans la conception des idées, développe la personnalité d’une façon surprenante. On arrive très penser plus aisément et avec plus d’intensité; 53
1a volonté augmente, et, chose curieuse, il en est de même de l’intelligence On pige plus vite, les idées éclosent en plus grand nombre, l’imagination s’enrichit et la mémoire s’accroît à un degré insoupçonné. Un essai d’une huitaine de jours suffit à donner des résultats parfaitement tangibles. Indépendamment de la conscience psychologique de l’individu , existe ce que, dans « La Poupée sanglante » , Gaston Leroux appelait le « gouffre intérieur ». On désigne ceci, en général, par « subconscience » ou « inconscience ». C’est une sorte de conscience très vague, qu’à l’état normal nous
ignorons
profondément,
mais
dont
l’importance
primordiale est mise en relief, d’une manière éclatante, dans des cas pathologiques troublants relevant de l’étude de l’hypnotisme et du somnambulisme, où elle apparaît sous la forme des phénomènes du dédoublement de la personnalité. Le cadre de cet ouvrage essentiellement pratique ne saurait nous permettre de nous appesantir sur ces faits. Mais il est une catégorie d’actes, très fréquents, parfaitement équilibrés, qui dépendent exclusivement cette seconde conscience les actes HABITUELS.
** La subconscience joue un rôle considérable dans la vie physique. Elle exerce une influence non seulement sur l’état du système mais sur le fonctionnement des organes .Etroitement liée à votre santé et au développement de vos facultés mentales, elle va être d’une importance VITALE relativement A VOS EXAMENS.
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Or, cette subconscience est très impressionnable. Si nous voulons fortement une chose, elle agit énergiquement sur 1’organisme pour l’adapter à l’accomplissement de notre volonté Croyons-nous que nous sommes, ou allons être malade? Elle enlève aux cellules leur faculté de résistance. Ceci explique le redoutable danger des épidémies que de cas, consécutifs à la peur d’être atteint, ne se déclareraient pas si le sujet était persuadé qu’il est invulnérable ! Pourquoi les médecins soignant des maladies contagieuses résistent-ils si bien? Est-ce seulement à cause des soins dont ils s’entourent? Ce n’est pas sûr : les précautions les plus minutieuses sont trop souvent impuissantes à empêcher l’invasion, déclarée ou larvée, de notre corps par l’ennemi subtil, microbe ou virus filtrant. Ne serait-ce pas aussi, peutêtre, parce qu’ils sont convaincus qu’ils ne contracteront, pas le mal ? Quelles conséquences allez-vous tirer de là, candidats? Que, pour REUSSIR, il faut d’abord CROIRE que vous réussirez.
* ** La volonté, l’imagination, la foi, l’émotion exercent sur le subconscient une indéniable influence qu’il va être précieux d’utiliser pour votre éducation, à l’aide des méthodes d’AUTO SUGGESTION, extrêmement efficaces en ce qui concerne le développement de votre personnalité. La SUGGESTION est une IDEE imposée avec force à un ou plusieurs sujets par une personne douée d’une ferme volonté. Cette idée, par l’emprise qu’elle exerce sur le subconscient des gens influencés, provoque des actes et même des phénomènes physiologiques ordonnés par l’opérateur.
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Un sujet suggestionné boit, avec toutes les marques d’une exquise délectation, un verre à liqueur d’huile de ricin qu’il prend pour du madère. On vient de vous placer un vésicatoire sur le bras , suggère-ton à un autre. Immédiatement, l’endroit désigné rougit violemment. Le subconscient a été impressionné et a commandé à l’organisme de se comporter comme si le révulsif avait été réellement appliqué. Il serait tout à fait erroné de croire qu’une suggestion ne puisse être efficace que pendant le sommeil hypnotique, dans l’état d’ « hypnose », comme on dit en langage médical. Chaque fois que nous cherchons à persuader quelqu’un, nous visons à lui imposer des suggestions, d’une manière plus ou moins consciente. C’est par suggestion que le maître agit sur ses élèves, l’orateur ou le prédicateur sur les foules. Or, voici une chose tout à fait merveilleuse dans ce champ : nous pouvons nous faire A NOUS-MEME des suggestions ! Celles-ci, dans ce cas, prennent le nom d’AUTOSUGGESTIONS.
Celui qui, après réflexion, s’est fixé un but, et, chaque jour, se dit avec force : « Je VEUX réussir et je réussirai », se fait des autosuggestions. II développe en lui une force croissante, une résistance
de
plus
en
plus
marquée
aux
obstacles
susceptibles de se dresser sous ses pas. Toutefois, il existe au point de vue des résultats, une différence considérable entre une autosuggestion « grosso modo » telle que la précédente et une autosuggestion effectuée
suivant
une
technique
consommée.
Celle-ci,
s’imprimant dans le cerveau d’une façon presque ineffaçable,
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va vous permettre d’accroître en un temps éclair toutes vos facultés et de corriger de graves défauts. Aussi n’hésitons-nous pas à recommander l’autosuggestion sous cette forme, que nous appellerons la forme A. S’abstenir de
l’emploi
de
cette
méthode
(du
reste
absolument
inoffensive), ainsi que les formes B et C, que nous verrons un peu plus loin) serait, croyons-nous, se priver sciemment d’un précieux moyen de perfectionnement et d’un merveilleux auxiliaire DANS LA PREPARATION D’UN CONCOURS. Voulez-vous vous faire une autosuggestion efficace sous la forme A? Isolez-vous, dans une pièce à moitié obscure de préférence. Placez- vous d’abord dans un état passif , réalisant par là, comme on dit, la « détente des nerfs » qui, déjà, présente l’avantage de reposer très vite le sujet. Une brève promenade au grand air, sans fatigue, l’aura facilitée. Asseyez-vous sur une chaise, bien adossé, puis laissez-vous aller de tout votre poids, comme si vous faisiez le mort, en ne pensant à rien. Dès que vous sentez de la lourdeur dans les muscles, soulevez le bras gauche avec la main droite, à titre de vérification. Puis lâchezle brusquement. Retombe-t-il inerte ? Le résultat est atteint. Sinon, recommencez. Ce point obtenu, réalisez le vide dans votre esprit en fermant les yeux et en obturant, au besoin, les oreilles avec de l’ouate humectée, pour ne pas être distrait par les perceptions extérieures. Demeurez quelques minutes immobile, le cerveau vide vous écartez ainsi toute idée parasite, qui gênerait celle que vous voulez implanter d’une façon toute-puissante dans le champ de votre conscience. De plus, vous accordez par là à votre esprit un repos complet indispensable avant la fatigue nerveuse qui va accompagner la suggestion. Cette opération pré liminaire est extrêmement importante; en dépit des apparences, elle est DIFFICILE. Ce n’est qu’après un certain 57
entraînement qu’on peut réussir à se libérer de toute idée préalable. Alors, vous introduisez avec force 1’IDEE faisant l’objet de l’autosuggestion Cette idée doit être UNIQUE, CLAIRE, NETTE. Exemple : « Je ne veux plus être timide! , Il faut vouloir fermement ce que l’on se suggère, et s’efforcer de croire qu’on réussira. Ce dernier point triple l’efficacité de l’opération. Vous prononcerez haute voix, à plusieurs reprises la phrase correspondante, en vous écoutant parler, de façon à profiter, pour l’effet à obtenir, des éléments MOTEUR et AUDITIF. Après une volition énergique, demeurez quelques secondes dans un repos mental absolu. Puis recommencez une dizaine de fois. Vous terminerez en maintenant pendant cinq minutes le champ de votre conscience absolument vide.
* ** Une telle séance d’autosuggestion exécutée matin et soir durant une dizaine de jours produit des résultats déjà palpables. En quelques mois, vous atténuerez, puis guérirez un défaut, même purement physique (tic de la face par exemple) ou développerez une faculté (mémoire, etc.) à un degré absolument remarquable.
Indépendamment des effets surprenants de cette méthode sur les diverses facultés, toute autosuggestion de forme A, quel qu’en soit l’objet, contribue d’une façon prodigieuse au développement de la VOLONTE, si nécessaire, en particulier, A LA PREPARATION D’UN EXAMEN.
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* ** Il est une loi psychologique très importante, déduite de l’expérience : TOUT SUCCES RENFORCE LA VOLONTE; TOUT ECHEC L’AMOINDRIT. Tel étudiant, qui vient d’obtenir son Diplôme de Licencié, se lance immédiatement, plein d’ardeur, à la poursuite de ce but pourtant ardu qu’est l’Agrégation, n’ayant cure de la fatigue très réelle que vient de lui causer la conquête de ses certificats enlevés de haute lutte. Cet autre, découragé par des échecs répétés, n’aura jamais assez de cran pour tenter de décrocher plus modestement le Bac.
* ** « A vaincre sans péril, pontifiait Don Gormas dans le Cid de Corneille, on triomphe sans gloire. » Vraiment? Vaut-il pas mieux gagner sa bataille sans « panache » que, pot de terre, se heurter à un pot de fer et se briser? «Ce n’est pas le succès qui importe mais l’effort , nasillera quelque pédagogue impénitent. Il vous la baille belle, candidates et candidats ! Est-il seulement logique avec lui-même ? N’a-t-il pas, le bon apôtre, fait effort lui-même et REUSSI à de nombreux et difficiles examens? Laissant aux fervents du paradoxe le loisir de remâcher cette formule comme du chewing-gum, suivons plutôt la tactique de la vieille Albion : « NE PAS PRENDRE DE RISQUES. » Oui, Mesdemoiselles et Messieurs, vous devez vous arranger pour REUSSIR PARTOUT A TOUT PRIX. Déduisons immédiatement de là un moyen très simple de se forger, peu à peu, une volonté d’airain se créer de petits buts artificiels, de
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menus Marengo à remporter. Faites d’une pierre deux coups en dirigeant votre choix de manière que ces victoires soient directement utiles. Avez-vous horreur des douches, qui cependant raffermissent votre santé en facilitant votre travail intellectuel ? Obligez-vous à en prendre de temps à autre. L’étude de l’anglais vous.., rase? Consacrez-y un quart d’heure de plus chaque jour!
* ** Nous ne saurions trop le répéter : concentrez- vous, entraînez-vous à tout subordonner à une idée fixe, autour de laquelle s’orientera votre activité, comme une étoile dirige le système d’astres, planètes et satellites, qui gravitent autour d’elle. Qui sait concentrer sa pensée a en lui l’étoffe d’un surhomme : tels furent Leibnitz, Newton, Napoléon. L’élève qui a acquis ce pouvoir magique apprend très vite, comprend tout, et conduit tambour battant des études ardues, pierre d’achoppement des « brouillons ».
* ** Les maîtres, ceux notamment qui s’occupent d’enseignement par correspondance, ne doivent pas proposer à leurs disciples des sujets trop...méchants. Sinon, qu’arrive-t-il ? Ces jeunes gens, travaillant fréquemment dans des conditions très difficiles, risquent de ne pas savoir accomplir la tâche qui leur incombe, et se découragent. Si, au contraire, ils se sentent capables de se tirer honorablement des devoirs qui leur sont envoyés, ils prennent peu à peu de la confiance en eux-mêmes, et du goût pour l’étude.
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Une excellente manière, pour l’élève, d’utiliser avec fruit les réflexions qui précèdent, consiste à faire spontanément, sur ses ouvrages, des exercices, en s’imposant de traiter d’abord les plus faciles, au lieu de les laisser dédaigneusement de côté. Nous insisterons là-dessus dans la troisième partie de ce livre. Le professeur qui a soin de doser très minutieusement les questions fait faire à ses disciples de très grands progrès. Quant à l’élève, le fait pour lui de commencer par des applications simples, concrètes, qu’il sait bien exécuter, de ne pas passer à une question plus complexe tant que la précédente n’a pas été exécutée à la PERFECTION, de graduer soigneusement son travail, est tout le secret de 1’ENTRAINEMENT. Grâce à l’entraînement, les « as » ont « enlevé » les concours les plus ardus; Gene Tunney, « l’homme aux mains fragiles » , a réalisé ce prodige de mettre knock-out le champion du monde des poids lourds; Joë Louis est devenu, pour un temps record, la plus formidable machine à frapper qui ait jamais existé.
* ** Nous allons maintenant exposer une seconde méthode d’autosuggestion : la forme B. Cette méthode, formée pendant vingt ans par Emile COUE, a conduit son auteur à des succès retentissants. Son avantage sur la précédente saute aux yeux n’exigeant aucun effort volontaire, elle économise une force nerveuse considérable. Elle est aussi basée sur le fait qu’il y a DEUX êtres en nous : l’être conscient, et le subconscient.
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Le premier a souvent des trous dans sa mécanique à souvenirs. Au contraire, le subconscient est doué d’une mémoire PRODIGIEUSE, qui enregistre automatiquement, sans que nous nous en rendions compte, les moindres actes de notre vie. Que de fois ne vous est-il arrivé, le soir, de chercher en vain un nom dans votre tête, puis de le trouver spontanément — croyez- vous... — le lendemain, au saut du lit! Votre subconscient a TRAVAILLE pendant que vous DORMIEZ. D’autre
part,
le
subconscient
présente
cette
curieuse
particularité d’être extrêmement crédule, d’accepter comme parole d’évangile tout ce qu’on lui dit. Or, cet étrange gobeur a la haute main sur le fonctionnement de notre corps, par l’intermédiaire du système nerveux. Et, comme nous l’avons déjà insinué plus haut, il se produit ce fait incroyable : si le subconscient se figure que tel organe fonctionne bien, il fonctionne bien; s’il s’imagine que nous ressentons une impression déterminée, cette impression est ressentie. Le subconscient est donc, en quelque sorte, le dictateur des fonctions du corps, et aussi de nos actes. C’est lui que nous appelons parfois « l’imagination ». D’après Coué, nous sommes menés par notre imagination : toute sa doctrine repose sur cet axiome. (Nous verrons plus loin que nous sommes menés par autre chose encore, et, en faisant jouer ce dernier moteur, en poussant ce dernier bouton, nous serons conduits à une troisième forme d’autosuggestion : la forme C., plus puissante même que celle de Coué.) En attendant, constatons qu’à l’aide d’une forte volonté, nous pouvons obtenir d’incroyables résultats. Par exemple, étant aux trois-quarts malade, nous réussissons parfois, en serrant les dents, è nous imposer de continuer notre labeur habituel; à
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veiller sur une personne chère, même ayant nous-même 40 degrés de fièvre... Eh bien! notre imagination surclasse notre volonté. Dans tous les cas où ces deux puissances se trouvent en conflit, C’EST L’IMAGINATION QUI L’EMPORTE ! Placez dans une vaste cour une planche de trente mètres de long sur vingt centimètres de large. Etes-vous capable de réussir à parcourir ces trois cents décimètres sur cette planche ? — Cette question ! allez-vous laisser tomber en haussant les épaules. — Bon. Placez maintenant la planche sur les toits de deux maisons se faisant face, de chaque côté d’une rue, donc à vingt- cinq mètres au-dessus du sol. Nous vous défions d’avancer seulement d’UN METRE. Et si, par malheur, vous vous hasardiez à le faire, vous seriez INFAILLIBLEMENT PRECIPITE DANS L’ESPACE, MALGRE TOUTE VOTRE VOLONTE ! Pourquoi cela ? Les positions relatives de l’ais et de vousmême ont-elles changé. En aucune façon. Dans les deux cas, elles sont rigoureusement identiques. Sur les gouttières, la largeur de votre route en bois n’a pas diminué d’un micron, et votre pied ne s’est nullement élargi. Mais, dans ce dernier cas, l’IMAGINATION est intervenue. Vous voyez flamboyer devant vos yeux un effroyable danger. Au moindre faux pas, pensezvous, je me brise le crâne sur le pavé ! Dans votre esprit se forme, avec une instantanéité et une intensité inouïes, l’IMAGE de votre pauvre carcasse perdant l’équilibre et s’abîmant dans le vide... C’est le phénomène du VERTIGE. L’IMAGE de votre chute S’IMPOSE A VOUS. Et, automatiquement, cette image DEVIENT ACTE.
* **
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Coué recommande de se faire matin et soir des suggestions à haute voix, au nombre d’une vingtaine en s’écoutant parler, mais sans effort de volition. On essaiera de croire que la suggestion va être efficace. Ce tout petit effort qui consiste en un acte de foi améliore la suggestion, mais n’est pas indispensable. A quelqu’un qui n’a pas de but nettement circonscrit, tout en souhaitant se perfectionner en tout, Coué demande de répéter la phrase suivante, demeurée fameuse : « De jour en jour, à tous, points de vue, je vais de mieux en mieux. » Le candidat à un examen y ajoutera : « DE JOUR EN JOUR, LA PREPARATIONDE DE MON EXAMEN S’AMELIORE. » Je pioche une redoutable compétition. Il fait chaud. J’ai peu dormi. Je suis fatigué. Je travaille mal. Je tends toute ma volonté. Je serre les poings... Aucun résultat. Devant moi passe le film que j’ai admiré la veille... Puis, au bout d’une demi-heure, on sonne. Ah ! ah ! c’est le courrier ! Allons, bon.., voici une lettre d’affaires il faut y répondre sur-lechamp. En attendant, jetons un petit coup d’oeil sur le journal... Me voilà empoigné par les événements annoncés ce matin à la radio : une soucoupe volante descendue par trois aviateurs américains ! La découverte d’un mont plus élevé que 1’Everest ! Hitler, vivant, rencontré à Aubervilliers ! Et cet excellent feuilleton que je suis religieusement... Tiens ! les Moscovites capables d’envoyer, avant dix mois, tout un laboratoire dans l’espace sous forme d’un satellite Mais mes yeux sont tombés en arrêt.., mes narines frémissent.., mes lèvres se crispent... Blécourt un camarade de promotion — ne vient-il pas d’être reçu, avec le numéro UN, à l’examen que je suis précisément en train de préparer pour l’an prochain! C’est à n’y pas croire... Je me représente
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cette.., gourde autre fois bien moins « forte » que moi, nommée à un poste d’élite.., gagnant un argent fou... Je suis jaloux... je me sens furieux... Je bondis sur ma chaise, et, les sourcils froncés, la tête dans les mains, enfonce le nez dans mon bouquin. Me voilà, potassant d’arrache-pied, et les résultats sont excellents... Ici, la volonté s’est avérée impuissante. L’imagination est intervenue efficacement, certes, mais pas seule. Elle a été accompagnée
d’ETATS
AFFECTIFS,
D’EMOTIONS
SOUDAINES ET VIOLENTES.
* ** Ainsi, la VOLONTE ne suffit pas à conduire les hommes, et ceux qu’elle mène, si elle agit seule, elle les mène sans joie. Ah ! c’est qu’il faut compter sur la folle du logis , et, plus encore, sur les états affectifs, sur l’extraordinaire puissance de la fée sensibilité, sur l’émotion, la joie, les passions : envie, colère, et parfois rancune, esprit de vengeance... On pourrait même noter que l’élément « surprise » joue un rôle merveilleux pour déclencher certaines résolutions, certains actes. Il se produit là l’un de ces mystérieux phénomènes de « choc » qui, jusque dans le domaine de la physiologie, ont produit des miracles. Nous allons tirer de cette observation des conclusions pratiques non sans intérêt. D’abord, pour accomplir plus sûrement une résolution, il va être utile de la rendre attrayante en se représentant d’une façon détaillée et concrète les avantages de la victoire, en se persuadant qu’elle est tout à fait à notre portée, qu’elle ne saurait nous échapper. Il est même « astucieux » de faire « donner » l’amour-propre.
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S’agit-il, pour moi, de préparer un concours? Je vois nettement, par la pensée, la situation magnifique qui suivra le succès : émoluments supérieurs, possibilité d’améliorer le bien-être de ma famille, de pouvoir disposer d’un logement mieux aéré, plus spacieux et plus élégant, d’aller de temps en temps applaudir quelque vedette, agrément de me sentir beaucoup plus considéré. A l’instar de Perrette avant l’accident, j’imagine la joie de mon père, de tous mes parents et amis, la pointe de jalousie, dont la perspective n’est pas sans saveur, de mon entourage, et, en particulier des bons copains, des charmants collègues, sans compter la satisfaction d’avoir triomphé d’une grosse difficulté. J’évoque le souvenir de camarades qui ont remporté des succès analogues, pour me convaincre que le but n’a rien d’inaccessible, et que je suis capable de l’atteindre. De peur de faiblir, je vais même jusqu’à annoncer à de nombreuses relations que je pioche CET EXAMEN, de façon à engager en quelque sorte mon honneur. Me voilà maintenant obligé de réussir, pour m’éviter la profonde humiliation, la HONTE d’avouer un échec. Me voilà, à plus forte raison, forcé de ne pas lâcher prise avant de m’être au moins présenté, sous peine de passer partout pour un « dégonflé » ... …Et tout cela m’aide puissamment.
* ** En se basant sur l’exemple cité plus haut, on peut prévoir, comme nous l’avons déjà noté, une troisième forme d’autosuggestion (la forme C), dans laquelle, tout comme dans la forme Coué, la volonté n’a absolument rien à voir, ce qui supprime l’effort. Mais, ici, à la forme B s’ajoute un 66
élément AFFECTIF. La force de la suggestion sera due à l’imagination jointe à une manifestation de SENSIBILITE. Ainsi, au lieu de marmotter : JE VEUX réussir à apprendre l’anglais » (forme A), ou JE SUIS SUR de réussir à apprendre l’anglais (forme B), je m’écrierai (du moins in petto...), avec fougue, avec élan, avec enthousiasme, en évoquant devant mes yeux l’image de Shakespeare, de Milton ou de Kipling s’identifiant avec moi : « Je suis sûr de réussir à apprendre l’anglais, CAR C’EST UNE ETUDE PASSIONNANTE! ! » (forme C).
* ** Cette dernière méthode (forme C de l’AUTO SUGGESTION) est
toute
récente,
mais
elle
a
donné
lieu
à
une
experimentation extrêmement DEJA CONCLUANTE. Elle dame le pion précisé à la méthode Coué pure et simple. (Les deux, comme on vient de le voir, s’amalgament tout naturellement, en se renforçant). Très correctement employée, elle est douée d’une puissance presque irrésistible.
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CHAPITRE II L’ordre et la méthode
L’ordre est une qualité précieuse entre toutes, qu’on doit tendre à acquérir et à accroître continuellement. Son importance saute tellement aux yeux, qu’elle est chaudement recommandée dès l’école primaire, où, dans tous les exercices, tous les mouvements, l’exemple est donné d’une parfaite coordination. Hélas !Au fur et à mesure que le jeune homme avance en âge et en savoir, il croit qu’il y va de son honneur, de son prestige, de sa dignité et de, son indépendance de secouer ses lisières. Bien entendu, en particulier, il a une fâcheuse tendance, en général, — l’exception confirme la règle — à laisser « tomber » ces mesquines questions d’ordre, comme si le fait d’être plus instruit le dispensait de ce qu’il traite, du haut de sa grandeur, d’habitude subalterne, de pli de petit enfant. Aussi l’entendez-vous murmurer, en tordant la lèvre : « L’ordre est la qualité de ceux qui n’en ont pas... » La jeune fille — hâtons-nous de le reconnaître, — reste volontiers plus disciplinée sous ce rapport.
* **
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Il n’est pas malaisé de démontrer que, sans un réglage minutieux, rien n’irait plus dans la nature. Sans une mise au point parfaite dans les évolutions célestes, planètes, étoiles, galaxies ne finiraient-elles pas par se jeter les unes sur les autres ? Ce serait le chaos. Quand le chahut règne dans une classe, le professeur est « coulé » , et l’on sait ce que cela veut dire. Supposons un instant qu’il n’y ait pas une organisation stricte, une discipline sévère dans une équipe de football. Admettons que le joueur, — même bon ayant son plan propre, — ou pas de plan du tout, mais en revanche de la fatuité à revendre s’avise d’agir sur le mode individuel au lieu de jouer un jeu d’équipe la partie est perdue d’avance pour le team. Le commerçant qui négligerait de surveiller quotidiennement ses comptes ferait des affaires désastreuses. Il en arriverait vite à ne plus connaître à tout instant du mois, de la semaine, de la journée, le montant des sommes dont il peut disposer, s’engagerait à l’aveuglette, et cour rait à la ruine. Nous savons tous qu’un champion doit s’entraîner. Sa propagande fait assez de bruit pour cela. Il traîne avec lui tout un état-major manager, soigneur, masseur, orthopédiste, médecin, etc. Cela implique une vie minutée avec un art consommé. Dans sa maison, la femme brouillonne se lèvera avant le jour (à supposer qu’elle ne soit pas paresseuse), se couchera à minuit, et clamera à tous les échos qu’elle n’arrive pas à venir è bout de sa tâche quotidienne. Vingt fois entre le lever et le coucher du soleil, elle perdra cinq minutes à la recherche de tel ou tel objet aiguille, beurre... Il en est tout autrement de celle qui a une place pour chaque chose et met chaque chose à sa place. Les yeux clos, elle n’a qu’à avancer la main, et la voilà servie...
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* ** Les écoles sur place sont, en général, merveilleusement organisées emploi du temps très détaillé pour la semaine et pour chaque heure du jour. On doit arriver en classe à l’heure militaire, afin que rien ne dérange le cours. On imagine le bouleversement que causerait un va- et-vient d’élèves s’ « amenant » toutes les dix minutes, individuellement ou par groupes, comme au « permanent », ou chacun entre quand il lui plaît. Tant pis s’il exaspère ceux qui sont assis derrière, en cherchant, dans l’obscurité, une place avec toute sa famille... On se fait difficilement une idée de l’ordre qui s’impose pour tenir une Ecole par correspondance de plusieurs centaines d’élèves. Il faut d’abord établir un dossier pour chacun d’eux, puis ranger tous ces dossiers par ordre alpha bétique. Tout ce qui concerne un « inscrit » se trouve dans une chemise en carton à fermeture parfaite: ressort, bouton ou rondelle en caoutchouc. Sur la chemise, une étiquette portant nom,
prénoms,
adresse
du
correspondant;
mode
d’enseignement (nombre mensuel de devoirs), matières à enseigner, durée de la souscription et somme envoyée. A l’intérieur, trois sous-chemises en papier vert fort; l’une avec l’étiquette : Correspondance, où sont conservées les lettres du disciple ou de ses répondants, et les dup1icata des réponses; une seconde, sous la rubrique : Matériel, renferme les doubles des énoncés de devoirs d mois avec leurs directives; le « curriculum vitae » du sujet et son bulletin de souscription; puis, suivant le cas, une feuille d’observations générales pour la disposition et la présentation des copies; et, enfin, le double du plan de travail suggéré pour chaque mois. La trois chemisette: Agenda et finance, porteuse des reçus, se signale surtout par son AGENDA : carnet-sac à malices où s’insèrent 70
tous les rapports de l’Elève et de l’Administration, journal étalant chaque fait dans un ordre chronologique parfait, notant les indications relatives aux tâches données, avec références à tels ou tels documents. Il contient encore des appréciations sur le niveau de l’étudiant, ses aptitudes, ses points forts ou faibles, ses projets d’avenir, etc. Bref, un véritable fichier confidentiel de Deuxième Bureau... Il va de soi qu’une Ecole par Correspondance digne de ce nom est munie d’une bibliothèque spéciale abondamment garnie de livres scolaires infiniment variés, rangés suivant la matière, et suivant le niveau de l’enseignement.
* ** Nous avons déjà noté que si le jeune homme suit les directives d’un Etablissement « surplace », il doit se soumettre à un dispositif d’ordre extrêmement rigoureux.Prépare-t-il UN EXAMEN, par ses propres moyens ? Il procédera dès le début de l’année scolaire à une répartition très judicieuse de son travail, mois par mois, semaine par semaine, jour par jour, heure par heure. Il aura aussi à prévoir des séances de détente, pour être sûr de pouvoir se présenter à l’examen frais et dispos. Travaille-t-il en marge l’une occupation régulière lui, assurant le bifteck quotidien ? I Il devra ménager ses forces durant son service, afin qu’il lui reste une provision suffisante d’énergie pour son « boulot » personnel. Dès le saut du lit, l’étudiant doit avoir ce slogan à la bouche : « De l’ordre... encore de l’ordre... toujours de l’ordre! » Dans sa chambre, tout sera soigneusement rangé, à commencer, bien entendu, par ses livres. Ainsi, s’il en veut un à brûlepourpoint, il ne lui arrivera pas de gaspiller une demi-heure à
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s’énerver pour le dénicher, ni de le croire égaré. Il le trouvera d’emblée. Prendre l’habitude d’avoir de l’ordre dans le moindre de ses actes est une discipline qui influera sensiblement, à la longue, sur la vigueur des facultés, et en particulier — ce qui nous intéresse
ici
au
premier
chef
—
sur
les
aptitudes
intellectuelles. Avant tout, on aura de l’ordre sur soi, même si l’on n’est pas naturellement coquet : vêtements boutonnés, cheveux bien peignés, chaussures et couvre-chef — si, comme Maurice Chevalier, on en a un — d’une propreté impeccable, cravate tombant tout à fait d’aplomb, ce qui n’est pas toujours aisé les, dames sont heureuses de pouvoir éluder ce problème ! Garder tout le jour dans une position irréprochable son noeud, sa régate ou sa La Vallière est déjà un signe révélateur de l’homme ordonné... Apercevez-vous une tache à votre veste? Vite, la brosse, avec trois gouttes de benzine... Faites- vous un accroc
à votre
pantalon? Sachez le réparer, et, tambour battant, allez-y de votre
petit
ourlet.
Détectez-vous
un
bouton
branlant?
Recousez-le, sans attendre qu’il se détache inopinément, peut-être en société, ce qui, suivant la place qu’il occupe, peut être catastrophique. Et surtout, en hiver, quand vous êtes enrhumé, n’oubliez pas votre mouchoir!
* ** Nous ne répéterons jamais assez ce leitmotiv: AYEZ UNE PLACE POUR CHAQUE CHOSE ET METTEZ CHAQUE CHOSE A SA PLACE. Tenez-vous à la main un petit objet? Ne le posez pas accidentellement n’importe où, et, sur tout, ne soyez pas dans la lune au moment PRECIS où vous le LACHEZ. Sinon, lorsque, un instant plus ,tard, vous aurez besoin de le
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récupérer, tout se passera comme s’il avait pris la poudre d’escampette. Vous serez incapable de le retrouver, victime d’une curieuse mais implacable loi de la mémoire sur laquelle nous nous appesantirons davantage au prochain chapitre souvenir d’un fait est proportionnelle à son ancienneté: on oublie d’autant PLUS VITE un événement qu’il est PLUS RECENT. Vous manquez d’ordre : vous voilà puni par où vous avez péché. Maintenant; il est trop tard. Diviseriez-vous le plancher de votre studio en mille rectangles comme le fit le rival du détective Dupin dans l’un des contes les plus charmants d’Edgar Poë : La Lettre volée; inspecteriez-vous ensuite chacun d’eux avec l’acuité d’un Sherlock Holmes — le héros de Conan Doyle — il demeurera IN VISIBLE. Vous serez contraint d’en acheter un autre. Bien entendu, dès que vous l’aurez remplacé, l’ancien vous crèvera les yeux, expert à vous narguer... Ou vous l’aviez posé sur le bord de votre table que, les yeux clos, vous avez ébranlée en éternuant très fort ce qui l’a fait tomber —; ou il gisait traîtreusement dans un coin, masqué par une pénombre complice, ou sur une étoffe qui, se trouvant être de la même couleur que votre bibelot, le dérobait à vos regards fouilleurs, par un mimétisme diabolique... Donc, pendant que vous le posez, tenez-le bien à l’oeil.., et prononcez un nom connu : cela vous aidera à le retrouver. Ces petites choses-là ont plus d’importance qu’on ne croit. Si vous n’y prenez garde, vous allez vous trouver « coincé» même à l’examen. Au cours d’une composition, vous assisterez à la volatilisation de votre gomme ou de votre stylo, que vous aviez entre les doigts un instant auparavant!
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* ** Avoir de l’ordre, cela signifie, pour le candidat, non seulement paraître à l’examen avec tout le matériel nécessaire, vêtu décemment, mais encore bien préparé, en bonne santé, donc ayant travaillé toute l’année suivant un emploi du temps rigoureux en songeant, chaque jour, à accumuler un peu plus d’énergie. Etre ordonné, c’est avoir, durant trois trimestres, donné à vos devoirs la forme impeccable qu’ils devront avoir au jour J. C’est, dans la salle des épreuves, quand, fatal comme le Destin, passe le surveillant pour recueillir, et, au besoin, arracher les copies, ne pas vous trouver dans le cas de n’avoir pas encore recopié votre brouillon. C’est ne jamais ajouter fébrilement, affolé, à la dernière minute, une idée, un résultat qui vient de traverser météoriquement votre cerveau, sans avoir eu le temps de le ruminer. C’est ne pas avoir omis de remplir au début l’en-tête de
votre
feuille,
ce
qui
vous
obligerait
à
le
faire
précipitamment, au lieu de relire très soigneusement votre rédaction.
* ** A l’examen, produisez toujours vos réponses écrites — et à plus forte raison celles qui sont essentielles, — de façon très visible, en les isolant, et au besoin en les soulignant. Chaque minute que vous épargnerez ainsi à votre correcteur vous sera, à votre insu, payée en bienveillance. C’est peut-être dans les sciences qu’est le plus visible le besoin d’ordre. Que seraient les mathématiques, si tout ne s’enchaînait, dès le début, comme les pièces d’une montre? Celui qui a montré le plus brillamment l’utilité d’une ordonnance parfaite dans toute recherche, et, en particulier,
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dans la manipulation éclairée des chiffres et des lettres, est René Descartes, l’auteur du Discours de la Méthode, que nous vous demandons instamment de lire, de relire et de méditer constamment, comme un livre de chevet. Abordez-vous un problème? Parcourez-le très attentivement, copiez-en l’énoncé, soulignez les mots importants. Rendezvous compte de l’unité de la question. Voyez comment tout s’engrène, et, avant tout, quelle est la PREMIERE difficulté à surmonter. Puis, lorsque vous tenez une clé de résolution de l’exercice, ne vous croyez pas obligé, A l’EXAMEN, d’en rechercher d’autres. VOUS N’AVEZ PAS LE TEMPS. Si, toutefois, plusieurs méthodes vous apparaissent à la fois, — soit que vous ayez « la bosse », soit que vous vous trouviez avoir déjà traité quelque chose d’analogue, N’EN DONNEZ QU’UNE, mais à fond celle qui vous paraît la plus rapide, la plus simple et la plus élégante, tout en étant absolument rigoureuse. En exposer plusieurs votre puissance de persuasion, en vertu de l’adage : « Qui veut trop prouver ne prouve rien. » Bien entendu, vous renforcerez votre position en signalant, sous forme de remarques, les autres procédés en réserve dans votre manche (nous n’entendons pas par là qu’il faille cacher dans la manche de votre veston une documentation interdite), en notant très succinctement pourquoi vous leur avez préféré le premier. Cela produira une excellente impression, et fera bien augurer de votre érudition et de votre jugement.
* ** En géométrie, vous ferez des figures de dimensions suffisantes, sur papier quadrillé spécial, de préférence, avec
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des lettres calligraphiées, en mettant bien en relief les POINTS, et surtout les points de CONTACT d’une droite tangente à une courbe, ou de deux courbes. Veillez à ce chaque dessin ne comporte pas trop de lignes. Faites très attention à ce qu’on demande de prouver. Vous avez le droit de démontrer une propriété plus générale que celle faisant l’objet du problème; vous n’avez pas celui de vous en tenir à établir une proposition plus particulière.
S’agit-il, par exemple, de trouver une propriété du triangle QUELCONQUE? Gardez-vous de représenter un triangle présentant
quelque
particularité
isocèle
(encore
moins
équilatéral), ou rectangle. Autrement, le résultat que vous découvririez sur ce schéma ne serait probablement pas exact dans le cas général. Du moins, pour l’établir rigoureusement, — à supposer qu’il soit vrai — la méthode employée pour un triangle particulier ne serait-elle pas suffisante. D’autre part, ne jamais oublier les RECIPROQUES. En algèbre, écrire les équations sur des lignes ISOLEES, ressortant parfaitement, avec des caractères très lisibles, en les numérotant par lettres ou chiffres entre parenthèses. Exemples: (E) ou (3). 76
* ** Vous aurez produit un brouillon soigné, bien lisible, sans ratures : ainsi pourrez-vous le recopier très vite, et, s’il y a lieu, retrouver une erreur en un temps record. Sinon, vous errerez dans le noir. Vous ne comprendrez plus rien. Vous affolerez. Il vous faudra recommencer tous vos calculs : gaspillage de temps, de peine, perte de la confiance en soi. Ce point, sur lequel nous insistons, est d’une IMPORTANCE CAPITALE. Puis vous rédigerez impeccablement, sans une tache, avec des lettres bien lisibles. Eviter d’écrire en lignes sinueuses. Si le papier qui vous est assigné n’est pas réglé, ayez soin de vous être muni d’un transparent. N’oubliez jamais, à la fin, la VERIFICATION. Quant aux autres branches du savoir, on s’aperçoit vite qu’il y faut tout autant d’ordre que dans les sciences exactes.
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CHAPITRE III
Le développement de l’attention et de la mémoire Pour faire des études sérieuses et REUSSIR A SES EXAMENS, il est indispensable, comme nous l’avons déjà insinué au chapitre premier de cette seconde partie, de pouvoir concentrer toute son attention pendant un temps suffisant SUR UNE IDEE. Il est également nécessaire d’avoir une BONNE MEMOIRE. Du reste, améliorer sa mémoire, il faut commencer par savoir être attentif. Nous allons donc vous indiquer comment développer votre faculté d’attention, ainsi que votre mémoire.
* ** Si l’esprit de l’homme est incapable d’embrasser deux objets absolument en même temps, .il peut déplacer son attention avec une extrême rapidité. Ne cite-t-on pas dans l’Histoire tels hommes d’Etat, Jules César, Napoléon, dictant plusieurs lettres à la fois ? Que d’illustres joueurs d’échecs disputent avec bonheur maintes parties simultanées, certains sans voir les pièces! Sans aller si loin, on peut remarquer que le chauffeur au volant, le pilote au manche à balai , ont à déplacer très vite l’objet de leur attention.
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Nous
connaissons
deux
formes
d’attention :
l’attention
SPONTANEE et l’attention VOLON TAIRE. Celle-ci est pénible, parfois douloureuse, exigeant une grande consommation d’énergie. Aussi est-il en général préférable de viser à exciter, à développer l’attention spontanée. De même que la mémoire, l’attention spontanée peut être fixée principalement de deux façons : par I’INTENSITE de l’image, et par la REPETITION des images. Je retiendrai le parfum d’une fleur, si ce parfum est violent, après l’avoir respiré une seule fois; dans le cas contraire, j’y réussirai en le humant à plusieurs reprises. L’intensité peut-elle vraiment suppléer à la durée .On pourrait être tenté de le croire. Une femme, a dit Ribot, voit en un clin d’oeil la toilette d’une « rivale. » On a trouvé, d’autre part, des gens tués - d’un coup .de revolver, les yeux grands ouverts d’épouvante, portant sur leur rétine LA PHOTOGRAPHIE DE L’ASSASSIN. Il semblerait donc qu’une lumière intense donne un cliché net au même titre qu’une longue pose. Cependant, il est incontestable qu’une photo est d’autant plus détaillée qu’on a posé plus longtemps. Les meilleurs clichés de la voûte céleste, ceux dont la lecture attentive conduit à des découvertes d’astres nouveaux, ne sont-ils pas des clichés à pose fort longue? N’est-ce pas l’un de ces clichés qui, sur les données de l’astronome Lowell, permit à Clyde Tombaugh, le 21 janvier 1930, à son observatoire de l’Arizona, de détecter pour la première fois la planète Pluton?
* **
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Nous pouvons donc affirmer que la répétition est, en définitive, nettement plus efficace que l’intensité de l’impression, et offre l’avantage inexprimable d’exiger un effort beaucoup plus faible. Cependant, il est utile de s’exercer à accroître l’intensité d’impression. Cette intensité sera portée à son maximum s’il s’y mêle des états affectifs, tant il est vrai que l’homme ici-bas, est manœuvré comme un robot , ainsi que nous l’avons fait ressortir lors de l’étude de l’autosuggestion sous la forme C, par des mobiles relevant de la sensibilité : plaisir,
ambition,
peur... Il faut donc s’ingénier à faire surgir ou à amplifier des états affectifs pour augmenter la force de l’impression. Il convient également de voir CONCRET dans le grand détail, le plus possible. L’étude d’une partie de mon programme me parait-elle ardue? J’essaierai d’en faire ressortir l’intérêt à mes propres yeux. Si je la reconnais indispensable, je vais me la représenter comme la pierre angulaire de l’examen qui doit me doter d’UNE SUPERBE SITUATION. Je puis aussi prendre l’initiative d’en extraire un sujet de conférence, de la faire entrer dans la composition d’un ouvrage. Telle est l’idée directrice des compositions, des concours, et, en général, de la plupart des compétitions : par une impressionnante publicité, on est averti, ici, qu’après l’accomplissement d’une tâche ardue, se trouvent, pour les meilleurs, de substantielles récompenses.
* ** Chaque individu a un sens privilégié. Le VISUEL se souviendra surtout de ce qu’il a vu ; l’AUDITIF, de ce qu’il a 80
entendu; le MOTEUR se gravera dans l’esprit les syllabes qu’il a prononcées; le TACTILE n’oubliera pas les caractères extérieurs des objets qu’il a touchés. Nous avons raison d’utiliser surtout le sens qui prédomine en nous. Ce n’est, du reste, pas sans intention que nous disons « surtout » , et non exclusivement . A vrai dire, le moteur, par exemple, qui se flatte de retenir une page, ne fera pas mal, tout en la lisant à haute voix, de s’écouter, afin, de profiter aussi, quoique plus accessoirement, du sens auditif. Un texte s’imprimera mieux dans le cerveau si on le lit à haute voix en s’écoutant parler, puis si l’on a pris soin de l’écrire, dans le but de superposer le souvenir graphique au moteur et au souvenir auditif. Il se fixera aisément encore s’il est accompagné de gravures suggestives. Voici
quelques
exercices,
s’inspirant
de
la
méthode
d’Atkinston propres à développer l’attention visuelle. 1° Se placer devant un objet simple, bien le regarder, fermer ensuite les yeux et tenter de s’en représenter tous les détails. Rouvrir les yeux. et faire l’inventaire de ce qui a été omis. Recommencer jusqu’à résultat parfait. Prendre ensuite d’autres objets de plus en plus compliqués :dé, chaise, appareil téléphonique. 2° Après, remplacer l’image mentale par le dessin, en commençant par des objets simples. Le dessin a l’avantage d’ajouter un résultat plus CONCRET et du MOUVEMENT, éléments précieux de réussite. S’exercer à voir les différentes parties d’un objet les unes après les autres, chacune bien à fond.
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3° Un peu plus tard, chercher à pénétrer d’un seul coup le plus de détails possible d’un ensemble. Entrer dans une cuisine, plonger un regard à l’intérieur, sortir, et établir le décompte de tout ce qui a été omis. Faire ainsi plusieurs expériences consécutives. Procéder de même dans la rue. Fixer son attention sur la vitrine des magasins en commençant par les objets les plus simples et, parmi ceux-ci, choisir ceux qui nous intéressent naturellement. Le soir, se remémorer tout ce qu’on a vu dans la journée. Les premiers jours, on ne se souvient à peu près de rien. Un entraînement de quelques semaines suscite des progrès considérables. Inutile d’appuyer sur l’intérêt de ces exercices notamment pour les personnes qui se destinent, soit à la carrière de détective, soit à toute autre profession exigeant des enquêtes (inspecteurs etc.).
* ** On peut aussi éduquer rapidement la perception auditive. Cinquante pour cent des cas de surdité ne sont-ils pas dus à l’inattention? Les auditifs sont naturellement plus attentifs que les visuels dans cet ordre d’idées. Hors les cas où un enseignement se prête à des expériences visuelles d’un puissant intérêt (manipulations de physique, de chimie) ou à des projections cinématographiques — en attendant la télévision à l’école —, le professeur touche son auditoire beaucoup plus par la voix que par les gestes. Certains orateurs ne fanatisent-ils pas les foules par l’autorité de leur verbe? Si vous améliorez votre perception auditive, vous profiterez dix fois mieux du cours de votre maître. Etudiez-vous l’anglais avec des disques? Cela vous rendra
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bien plus de services si vous avez acquis une grande puissance d’attention auditive, tant pour le vocabulaire que pour la prononciation, toujours si difficile à saisir. Nous ne saurions trop appuyer sur ce point: chaque fois qu’on façonne la faculté auditive, on est sûr de cu1tiver efficacement l’attention. Qui ne connaît l’ouïe surprenante des Indiens, dont l’oreille, collée au sol, détecte des bruits extrêmement légers et lointains ? Celle des aveugles, susceptibles, d’après le son de leur voix, de reconnaître, comme par radar, qu’ils passent devant un objet, et de discerner si cet objet est immobile ou non ? Pour perfectionner le sens de l’ouïe, vous allez vous exercer à capter les sons les plus minimes. La nuit, vous analyserez les bruits se produisant dans les appartements contigus au vôtre. Dans la rue, vous vous évertuerez à pénétrer le sens des propos échangés par les passants. Ne vous découragez pas si, au début, la « folle du logis » engendre des quiproquos. Vous entendrez des mots bizarres, certains semblant vous concerner, presque toujours de façon malveillante... Vous croirez être traité de « mouchard » parce que vous venez derrière quelqu’un qui, tournant la tête à droite et à gauche, s’exclame en constatant qu’il a perdu son « mouchoir » vous vous croirez renseigné sur le « père de Roux » quand on dira : « le perdreau », ou sur le « personnel enseignant » par un chasseur contant son tir sur un becfigue, lequel « perd son aile en saignant »; distinguerez le mot « confiture » alors qu’il s’agit de « café turc », ou la phrase : La vie est un tissu de douleur parsemé de quelques fils de joie », au lieu de : l’habit est d’un tissu de couleur parsemé de quelques fils de soie », sans que le brave tailleur sur qui vous venez de braquer vos pavillons auditifs se doute que vous saluez en lui un profond philosophe...
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Ingéniez-vous à déceler les différences de timbre dans les voix, à analyser les mouvements de tel individu. Le rythme d’un pas, mieux que le bruit, suffit parfois à caractériser une personne. Exercez-vous, le soir, à vous rappeler tout ce qu’on vous a dit dans la journée. Vous arriverez vite, par une pratique régulière et progressive des exercices décrits ci-dessus, à accroître votre faculté d’ATTENTION d’une façon insoupçonnée.
* ** A-t-on assez déblatéré contre la MEMOIRE, depuis que, par un soi-disant esprit d’humanité et de... civilisation, on s’efforce de donner de plus en plus de confort aux enfants, et d’essayer de les instruire avec de moins en moins de peine pour ceux-ci ! Qui sait si bientôt on ne leur mettra pas des cailles toutes rôties dans la bouche? Nous ne sommes pas sûr du tout qu’il soit de bonne politique, en matière de culture intellectuelle, de viser à supprimer l’EFFORT, qui a sa fécondité : mais ceci, comme dirait Kipling, est une autre histoire... De toute façon, la mémoire est trop calomniée. Elle mérite d’être réhabilitée. En fait, elle s’avère d’une extraordinaire utilité dans toutes les branches de la connaissance, et SI VOUS VOULEZ REUSSIR A TOUS VOS EXAMENS, vous ferez bien de NE PAS LA SOUS- ESTIMER.
* ** Quels faits retient-on le mieux? Contrairement à la croyance générale, ce sont LES PLUS ANCIENS. Un quelconque événement s’oublie d’autant plus vite QU’IL EST PLUS RECENT.
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Nous avons connu un vieux soldat du Second Empire qui avait fait la campagne d’Italie. Il nous contait avec force détails la bataille de Solferino. Il revoyait tout : la date, 24 juin 1859; la marche ascendante et interminable sous un soleil de plomb; la soif dévorante des soldats, les encouragements des officiers ; les puits enfin aperçus vers lesquels on se ruait; la déception en constatant que l’ennemi les avait empoisonnés en y jetant ses cadavres; l’arrivée de l’Empereur Napoléon III, avec sa barbiche fichée dans une face pâle et souffreteuse; le canonnier démolissant, à son deuxième coup, le clocher de Solferino où perchait la batterie autrichienne la plus meurtrière; l’assaut irrésistible suivant immédiatement cet exploit; la VICTOIRE! le monarque arrachant la croix de la Légion d’Honneur de sa poitrine pour l’épingler sur la tunique de l’artilleur... Oui, le vieux grognard se souvenait de tout cela; mais il oubliait qu’il nous l’avait déjà conté la veille ! * ** Un puissant facteur qui contribue à vous rafraîchir la mémoire est l’INTERET, ou, d’une façon plus précise, l’ATTENTION que l’on a apportée à l’observation d’un fait, l’intérêt étant luimême, comme on l’a noté plus haut, générateur d’une attention soutenue et efficace. * ** Etant professeur au Lycée Decour, nous stationnâmes un jour dans la loge du concierge pour attendre un collègue. En parcourant des yeux la pièce, nous dénichâmes, dans le fond, un escalier tournant qui conduisait au premier étage. Nous ne l’avions jamais aperçu auparavant. Cependant, depuis DIX
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ANS, nous entrions quatre fois par jour dans la loge pour y prendre notre courrier.
* ** Un maître fait circuler une pièce de monnaie entre les mains de ses trente-deux élèves. L’ayant retirée, il leur distribue 32 carrés de papier. « Chacun de vous, dit-il, va inscrire sur sa feuille le renseignement suivant : « La petite tache que porte la pièce est-elle d côté pile, ou du côté face? » Résultats : Pile, 21; face, 10. Un seul « zèbre », le dernier de la classe, osait proférer cette incongruité il n’avait vu de tache nulle part. C’était lui pourtant qui avait raison. La quasi-unanimité des gars, dès l’affirmation du professeur dont le verbe était pour eux parole d’Evangile, Master dixit— avaient, sous l’empire d’une véritable suggestion, réellement CRU QU’ILS VENAIENT DE VOIR LA TACHE. Maints d’entre eux, frappés plus particulièrement par le côté face, — occupé par une silhouette ayant accaparé leur attention — se rappelaient nettement n’avoir rien distingué d’anormal par là : donc la tache était du côté pile. Quant au mauvais élève, il avait pris l’habitude, durant la leçon dont il se souciait comme un poisson d’une pomme, d’OBSERVER PAR LUI-MEME certaines choses n’ayant, bien entendu, absolument rien à voir avec le programme, MAIS QUI L’INTERESSAIENT. Il était mal noté parce qu’il n’étudiait pas ce qu’on lui imposait. Il n’en avait pas moins appris à VOIR et à RETENIR ce qu’il avait vu.
* **
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Voici un dernier exemple, frappant et vécu, du secours apporté par l’ « intérêt» la mémoire. Un jour, en plein cours de Psychologie, notre Directeur d’Ecole Normale s’interrompt brusquement. Ahurissement sur tous les bancs... Après avoir fait lentement quelques pas, dans un silence impressionnant, il s’arrête. « Ecoutez bien ceci », chuchote-t-il lentement. Et il lit « Nous apprenons que Monsieur Doyle, Directeur de l’Ecole Normale de Moulins, est décédé le 24 octobre 1907. Il possédait sur ses élèves une autorité remarquable et fondait sa discipline sur des sanctions purement morales. » Nous distribuant alors de menus rectangles de papier : « Vous allez, ajoute-t-il de sa voix naturelle, reproduire TRES EXACTEMENT ce que vous venez d’entendre. » Parmi les écrits effectués par les Elèves Maîtres, nous avons retenu le suivant : « Monsieur Doyle, Directeur de l’Ecole Normale de Moulins, meurt le 24 octobre 1907. Il avait l’autorité de la discipline et ses punitions étaient purement orales. » Nous n’avons point oublié, du reste, la reproduction que nous avions remise nous-même : Nous apprenons à l’instant, non sans un vif regret, que Monsieur Foyle, Directeur de l’Ecole Normale d’Oullins, vient de décéder prématurément, à l’âge de trente-neuf ans, le 26 octobre 1908. Il possédait sur ses élèves une autorité remarquable et fondait sa discipline sur des sanctions purement morales.
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La première copie émane d’un élève qui a la mémoire des nombres et des localités. Naturellement... Emile Ston, le fort en dates.., le premier en histoire et en géographie ! A la fin, il comprend en dépit du bon sens, embrouille tout : les questions de tenue le laissent froid. Il est, en effet, passablement espiègle, et donne du fil è retordre au surveillant. Quant à nous, nous sommes tout à fait indifférent au début, ce Monsieur nous étant parfaitement inconnu, et classons par réflexe cette nouvelle parmi la multitude de faits-divers dont regorgent les quotidiens. Aussi n’est-il rien resté de tout cela dans notre boîte à images. Mais, comme il faut écrire quelque chose, nous suppléons inconsciemment au souvenir précis défaillant par une rédaction analogue aux clichés qu’on lit en pareil cas. Nous n’avons retenu ni le nom ni la date : mémoire naturellement ingrate. En revanche, nous nous intéressons prodigieusement aux questions d’ordre et de poigne : aussi la dernière phrase est-elle reproduite intégralement.
* ** Qu’on ait de la mémoire ou non, il est un certain nombre de procédés qui fixent dans l’esprit, de façon durable, les connaissances utiles. Ils s’appuient sur le principe très simple suivant : La répétition des coups enfonce les clous.TOUT FAIT, CHAQUE CHOSE APPRISE ET OUBLIEE UN GRAND NOMBRE DE FOIS FINIT PAR S’IMPRIMER DANS LE CERVEAU D’UNE FAÇON INEFFAÇABLE (Marmontel).
* **
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Pour toutes formules, énoncés de théorèmes à retenir, définitions, lois, on aura de petits carnets, que l’on reverra en un clin d’oeil chaque matin. Certaines firmes spécialisées : celle d’Aubanel, à Avignon, la Technique de la Mémoire à Neuilly-sur-Seine, l’Institut Pelman, etc., préconisent des moyens variés pour développer la mémoire et fixer les connaissances. D’une façon générale, si, voulant retrouver un mot qui vous échappe, vous ne réussissez pas tout de suite à le rattraper, ne tentez plus le moindre effort pour essayer. N’insistez pas : ce serait en vain. Vous ne feriez que déranger le mécanisme de votre inconscient, qui est votre meilleur détecteur. N’y pensez plus; au moment le plus inattendu, le vocable vous reviendra.
* ** La méthode la plus générale pour retenir est la même que pour cultiver l’attention: s’appliquer, par des exercices rationnels, à développer toutes les formes du souvenir : VISUEL, AUDITIF, MOTEUR, GRAPHIQUE.
* ** Développement du souvenir VISUEL. Se fortifier la vue par massages et bains quotidiens. On voit alors plus clair. Puis, bien regarder le mot ECRIT, et tâcher de s’en souvenir d’après l’image visuelle. On pourra s’y aider en ayant retenu le nombre de syllabes ou de lettres du vocable, ainsi que la lettre du commencement et celle de la fin.
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Le
terme
est-il
concret
correspondante. Par
?
Représentez-vous
exemple,
pour
un
l’image
parallélépipède
oblique, en même temps que vous photographiez, en quelque sorte, le mot écrit sur votre rétine, notez qu’il a SEPT syllabes. Puis représentez-vous une boite en carton légèrement écrasée par une compression. Après, si vous faites revivre devant vous la silhouette de cette boite, l’appellation suivra instantanément, grâce à ce qu’on nomme en psychologie « l’ association par contiguïté ». Le vocable, au contraire, est—il abstrait ? Accolez-lui quelque chose de frappant, de baroque au besoin. Ainsi, voulez-vous retenir le mot barbare : sophisme ? En même temps que vous épelez attentivement ce terme, évoquez un sophisme bref et suggestif, tel que : TOUT CE QUI BRILLE N’EST PAS OR; OR L’OR BRILLE; DONC L’OR N’EST PAS OR.
* ** Souvenir auditif. Songez-vous à retenir une fable ? Le souvenir auditif, toutes choses égales, vous secourra plus que le souvenir visuel des mots qui la composent, car ce souvenir auditif sera épaulé par le rythme et par la rime. Donc, en apprenant votre fable, prononcez les phrases à haute voix, sans oublier de vous écouter parler. Ce faisant, vous aurez, par surcroît, renforcé le souvenir auditif par le souvenir MOTEUR, déclenché par les mouvements des muscles de votre
visage
et
de
votre
langue.
Enfin,
le
souvenir
GRAPHIQUE achèvera votre victoire. Si, en même temps, vous copiez le morceau, vous le retiendrez beaucoup mieux, surtout si vous ajoutez à cette opération le souvenir visuel, non des mots, mais des images, du film qui se déroule dans cette fable.
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* ** Cela ne suffit pas toujours. Au lieu d’exécuter en perroquet ou en ouistiti les exercices sus- indiqués, rendez-vous compte du SENS de chaque proposition, voyez comment est charpentée la phrase, isolez les images, les métaphores, les inversions, les mots terminant les lignes, à cause des rimes. Après, résumez l’histoire par vous- même, faites-en jaillir l’idée maîtresse, puis les idées secondaires, comme le général d’une armée et ses lieutenants. Ainsi, la mémoire sera secondée par le bon sens, le jugement, la raison, et par l’intérêt que, du coup, vous vous mettez à ressentir pour ce drame, c’est-à-dire par un état AFFECTIF, une EMOTION, et vous savez déjà que cette aide de notre être sensible est PRESQUE TOUJOURS IRRESISTIBLE.
* ** La plupart des examens et concours comportent l’étude personnelle des oeuvres de nombreux auteurs, et cet apparent travail de cyclope terrorise le candidat. Il n’y a vraiment pas de quoi. Voulez-vous assimiler l’essentiel d’une oeuvre classique, un roman par exemple? Lisez-le, sans le moindre souci de retenir quoi que ce soit, mais simplement pour le plaisir de vous distraire, en notant toutefois par écrit ce qui vous frappe SPONTANEMENT : mots nouveaux, images, inversions, ressemblance ou contraste de tel ou passage avec un épisode analogue de quelque ouvrage d’un autre auteur de votre programme Arrivé au bout de votre bouquin, écrivez l’essentiel, en vous aidant, bien entendu, des titre des chapitres. 91
Mettez-vous alors à la place, non du héros, de l’héroïne ou du traître de mélodrame, mais de l’auteur lui-même, en vous demandant si, auteur de cette oeuvre, vous en auriez conduit le développement comme lui; si vous n’auriez pas préféré donner un dénouement moins mélancolique, moins pessimiste (comme, par exemple, dans Jack d’Alphonse Daudet), ou, au contraire,
moins
triomphant.
Ceci,
pour
effacer
toute
apparence de « fabrication littéraire », avec les « ficelles » usées laissant transparaître la carcasse du feu d’artifice, conclusion arrangée pour la joie de la lectrice : inclination de deux jouvenceaux contrariée par un indésirable qui, comme par hasard, en fait, par l’intervention de la Providence spéciale que l’on devine — fait place nette vers la fin, etc. Et tout cela aide à retenir l’essentiel.
* ** On connaît des moyens mnémotechniques célèbres. Nous nous en voudrions de ne pas en citer quelques-uns. Par exemple, pour retenir les sept couleurs de l’arc-en-ciel dans l’ordre : VIOLET, INDIGO, BLEU, VERT, JAUNE,ORANGE, ROUGE, on repérera les initiales. Remplacez le V par un U, et lisez ces initiales en sens inverse, à la chinoise. Vous obtenez un mot sans aucune espèce de signification, mais pittoresque et qui sonne bien ROJUBIU * ** Pour implanter dans les neurones des choses ardues, on est allé jusqu’à recourir aux Muses, énonçant, par exemple, le théorème de Pythagore de la façon suivante : 92
Le carré de l’hypoténuse Est égal, si je ne m’abuse, A la somme des deux carrés Construits sur les autres côtés. Voile-toi la face, ô Pégase... Il n’en est pas moins vrai que le sujet le moins doué dans la science d’Euclide ne pourra plus ignorer cette propriété. A plus forte raison si, s’inspirant d’Euterpe, il y joint un talent de baryton pour entonner le quatrain ci-dessus sur l’air de : « Il était un petit navire... »
* ** Peu d’élèves connaissent tous les « trucs » employés pour retenir avec de nombreuses décimales le nombre π, rapport de la longueur de la circonférence à celle du diamètre dans le cercle. Voici comment on procède. On écrit quelques phrases, et on compte le nombre de lettres de chaque mot, dans l’ordre où ils sont écrits. Les plus piquants de ces adjuvants tutélaires sont des phrases rimées (ne constituant pas nécessairement de la VRAIE poésie, tant s’en faut...). Ainsi, on écrira : Que j’ai à faire apprendre un nombre utile aux sages ! Immortel Archimède, artiste, ingénieur, Qui de ton jugement peut priser la valeur ? Pour moi ton problème eut de pareils avantages. Ici, le premier mot a TROIS lettres, ce qui donne la partie entière, 3, du nombre π. Le second mot, j’, a UNE lettre. Donc le chiffre 1 sera la première décimale. Ensuite, « aime » a QUATRE lettres : chiffre 4, et ainsi de suite.
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On obtient de la sorte les TRENTE premières décimales de ce nombre qui, comme on sait, est irrationnel, ce qui signifie qu’il a un nombre INFINI de décimales.
* ** Voici un autre développement analogue: En anglais: l°. —— How I wish I could recollect of circle round The exact relation Archimede unwound. (donne TREIZE décimales).
* ** En mathématiques, une connaissance du calcul mental soulagera la mémoire, et, souvent, permettra de voir instantanément d’avance un résultat approximatif. En géométrie, maints élèves ne « pigent » pas les figures de l’espace. Ils devront s’astreindre à faire des dessins en relief, et même à voir les anaglyphes de Vuibert, qui montrent avec un relief saisissant nombre d’objets à formes régulières.
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Dans l’ancienne logique, les règles du SYLLOGISME étaient formulées dans HUIT vers d’une élégante clarté. Quatre vers formés de mots artificiels résumaient les DIX-NEUF modes concluants du syllogisme. La versification française a fourni aussi des moyens mnémotechniques. La rime et le rythme aident à retenir les connaissances enfermées dans des vers parfois acceptables, — du moins en égard à la notoriété de leur auteur, — mais trop souvent peut-être pires par eux-mêmes que le sonnet d’Oronte dans le Misanthrope de Molière... C’est ainsi que l’auteur de l’Art poétique énonce la règle DES TROIS UNITES pour le théâtre Q u’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli Tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.
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Nous nous permettrons d’ailleurs de douter que l’auteur des deux vers suivants, concernant l’anatomie humaine : Des os longs, courts et plats, de tout le corps de l’homme, Deux cents, ni plus ni moins, déterminent la somme, ait été couronné aux Jeux Floraux, du moins pour ce petit chef-d’oeuvre...
* ** Citons, pour terminer, à titre d’exemple retentissant, le Jardin des racines grecques, de Lancelot. Ce livre fut longtemps en usage dans tous les « bahuts » de France et de Navarre. Lancelot recueillit les racines, et Le Maistre de Sacy les mit en vers. L’ouvrage comprend deux cent seize décades, classées par ordre alphabétique, dont chaque vers contient une ou deux racines. Chaque décade est accompagnée de notes renfermant, soit les dérivés, soit les particularités se rattachant à chaque racine.
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CHAPITRE IV
Le développement de l’imagination créatrice : méthode pour faire éclore des idées
Faut-il avoir des idées personnelles? Bien entendu, à l’examen, vous n’allez pas soutenir une thèse paradoxale dans une dissertation philosophique, ni, à l’oral, entamer avec votre examinateur une polémique agressive : ce serait une mauvaise politique... Mais, en général, poser la question, c’est y répondre. Que ce soit pour attaquer un exercice de calcul ou une composition française, on a à remuer nombre de concepts entre lesquels on pratiquera une sélection. Mais pour ce faire, il faut, dirait La Palice, commencer par en avoir dans son cerveau, de même que pour faire un civet, la présence s’impose d’un lièvre en chair et en os. Il est même indispensable de s’entraîner à en faire venir en un laps de temps très bref. Naturellement, les sujets dotés d’une brillante imagination n’ont aucune peine à cela.
Mais
en
chacun
de
nous
ne
sommeille
pas
nécessairement un Wells ou un Lermina qui s’ignore. Il se peut que vous n’ayez pas d’idées. Allez- vous, alors, vous contenter de traiter une multitude de problèmes, puis d’en apprendre par coeur les solutions, de façon à accroître vos chances de « tomber » sur un genre déjà étudié ? Comptez-
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vous ramener toute dissertation à une question de cours, et bâtir un devoir qui sera une leçon plus ou moins déguisée ? Allez-vous la larder de citations de divers maîtres, sans qu’on y trouve la trace d’une production personnelle ? Evidemment non. Si vous n’avez pas de vues originales, allez- vous renoncer à en acquérir ? Pas le moins du monde.
* ** Le premier travail d’approche pour éveiller votre imagination sera de saisir au bond un phénomène très curieux qui se produit en chacun de nous. N’avez-vous jamais eu des mouvements, des velléités venant ON NE SAIT D’OU ? Mais si, voyons ... Ces impulsions sontelles bonnes ? Obéissez-y immédiatement. Votre volonté se trouvera ainsi soulagée. Il serait impardonnable de ne pas profiter de cette aide troublante, mystérieuse, magique, qui tient, croirait-on, du surnaturel, de l’occulte, semblant destinée à nous diriger vers l’action, vers notre bien, vers notre intérêt. Rejetez
délibérément,
par
contre,
les
mouvements
défavorables, émanant, qui sait? De quelque génie malfaisant, comme le pensaient nos pères, sans compter l’âne de La Fontaine dans « Les Animaux malades de la Peste » : (quelque diable aussi me poussant...) De même, à n’importe quel moment, il peut arriver qu’à brûlepourpoint une IDEE jaillisse de votre encéphale, sans qu’il vous soit d’ailleurs possible de vous rendre compte de son origine. Jusque-là, vous ne pensiez à rien, ou votre esprit était occupé à tout autre chose. Psychologiquement parlant et les élèves de Philosophie nous comprendront — il n’est pas sûr que
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cette idée soit le résultat d’une association par contiguïté ou par ressemblance. Elle se trouve souvent être excellente. Vous jureriez qu’il y a là un fait providentiel, l’intervention d’une influence extraordinaire, d’un être invisible, — ange gardien si l’on veut — intervenu dans le but de vous épauler, de vous INSPIRER. Ne laissez jamais se perdre une telle idée, si elle a tant soit peu de valeur. Ne se rapporterait-elle pas directement au but que vous poursuivez,— EN L’ESPECE, VOTRE EXAMEN! — accordez-y CONCRETE
toute dans
votre
attention.
votre
esprit.
Rendez-la
Transcrivez
nette,
SEANCE
TENANTE sur un carnet de poche spécialement réservé à cet effet, même la nuit !
** Citons pour mémoire quelques exemples historiques d’idées suggérées par un fait, à première vue insignifiant, puéril, voire saugrenu, mais qui, dans chaque cas, a déclenché un mécanisme
mystérieux
conduisant
à
d’extraordinaires
résultats. Nous avons tous encore sur les lèvres le nom du fameux savant italien Galilée qui, pour avoir osé affirmer le phénomène de rotation de la Terre autour d’un axe, fut, par l’ânerie toute- puissante et intolérante des « officiels » de l’époque, condamné à une rétractation publique et mortifiante, pendant laquelle il frappait le sol de son pied, en grinçant : E pur si muove! » (Et pourtant, elle tourne !). C’est tout à fait par hasard qu’un jour, - il avait alors dix-neuf ans, celui qui devait devenir le plus illustre disciple de Copernic laissa errer ses regards, dans la cathédrale de Pise (la ville de la Tour penchée), sur une grosse suspension en 99
mouvement sous une voûte. Immédiatement une idée éblouissante se fait jour en lui : qui sait si les oscillations de ce système ne seraient pas ISOCHRONES, c’est-à-dire ne s’effectueraient pas en des temps EGAUX, qu’elles soient très amples ou très petites ? Une observation patiente confirme déjà cette intuition de génie qui, les jours suivants, se révélera rigoureusement exacte. Et le voilà parti... imaginant un nouveau système de mesure du temps, qui va ensevelir à jamais le clepsydre traditionnel dans les voiles de l’oubli, révolutionner la chronométrie et entraîner, au double point de vue pratique et scientifique, des con séquences incalculables.
* ** Un rayon de soleil brûlant la main d’Archimède après avoir traversé une bouteille pleine d’eau lui suggéra l’idée de construire les grosses lentilles qui, concentrant sur les nefs ennemies les feux de notre étoile jaune, lui permirent d’incendier la flotte romaine. Un gland tombant sur le nez du bonhomme Garo fut pour lui le meilleur des maîtres de philosophie, en lui enseignant, un peu rudement sans doute, pourquoi un chêne porte un tel fruit, et non une citrouille... Evénement fortuit s’il en fut, que la chute d’une pomme tout près de Newton, et, pourtant, point de départ de l’étonnante loi de la gravitation universelle, qui, par les efforts d’Einstein et de ses élèves, vient seulement de céder le pas au principe plus général de l’électromagnétisme, dont elle constitue l’un des cas particuliers les plus sublimes...
*
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** Osera-t-on soutenir que Charles Cros ne fut pas, lui aussi, visité par l’inspiration ? D’une timidité légendaire, il se trouvait, un soir de réception, bien sagement assis dans le coin d’un salon, n’osant souffler mot, les yeux baissés sur son chapeau claque aplati sur ses genoux, quand il « réalisa » soudain que le bruit des éclats de rire des invités faisait vibrer le cylindre de soie de son « tube ». Ce fut, pour lui, l’oeuf de Colomb, la pomme de Newton. Il construisit alors son « paléophone », et commença par essayer d’enregistrer la voix de ses amis sur un rouleau de cire vierge. L’instant était solennel. Aussi leur demanda-t-il de prononcer un vocable définitif. Spontanément, comme s’ils s’étaient donné le mot, ceux-ci lâchèrent d’une voix de stentor un bref morceau d’éloquence illustré par certain général du Premier Empire sur le champ de bataille de Waterloo. Contrairement à la croyance populaire, ce terme de moins de six lettres ne porta pas bonheur à l’inventeur : c’est à Edison qu’était réservée la gloire de diffuser le phonographe.
* ** Un jour, un disciple d’Esculape, renommé comme gourmet, se vit, au cours d’un banquet, présenter un plat succulent dont il raffolait. Au lieu de se servir avec un empressement dont les autres convives, au courant de son péché mignon, souriaient d’avance, il repoussa violemment sa chaise et bondit vers la porte. « J’ai une idée... » criait-il en se frappant le front, « j’ai une idée! » Et il planta là tout son monde bouche bée, le laissant, s’il voulait, évoquer la vision d’Archimède sortant de son bain (encore un autre inspiré, celui-là...) et s’élançant dans la rue
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dans la tenue académique que l’on devine, son « Eurêka » aux lèvres... Quelques jours plus tard, notre praticien présentait à l’Institut un tout petit appareil, appelé à bouleverser le diagnostic de toutes les maladies du coeur et des voies respiratoires. Cet appareil était le STETHOSCOPE, et cet original était le grand LAENNEC !
* ** Un rêve peut suggérer une très gracieuse idée de conte ou de roman à un littérateur. Tel titre prestigieux de trois mots jaillissant de ses neurones sera, peut-être, le point de départ d’un chef-d’oeuvre. D’un seul vers de génie apparu dans le champ de sa conscience on ne sait comment, et comme soufflé d’en haut, éclora un sonnet immortel.
* ** Nous ne saurions trop insister sur ce point : transcrivez SANS DELAI tout concept intéressant qui est venu vous rendre une visite inattendue. Ne perdez pas de vue qu’un clou chasse l’autre. Dans votre kaléidoscope crânien, toute image efface la précédente. Ne dites pas Bon... je noterai « ça » quand j’aurai fini mon problème. Si vous tardiez à fixer « ça » par écrit, « ça » serait presque infailliblement suivi de quelque autre pensée, généralement futile, et balayé par elle comme un fétu... En recueillant soigneusement ces idées qui « tombent d’en haut », vous ne tarderez pas à vous apercevoir, avec un joyeux étonnement, qu’il en éclot un nombre de plus en plus grand, comme si les premières avaient eu la vertu de 102
proliférer. Et, ce qui vaut encore mieux, les nouvelles s’avèrent de plus en plus piquantes, de plus en plus originales et pleines d’intérêt. Si, en particulier, vous visez un but bien arrêté, et n’en visez-vous pas un de taille: VOTRE EXAMEN? — elles se presseront en foule dans votre esprit à n’importe quel instant, fréquemment au milieu de la nuit, à l’état de veille ou en plein rêve, parfois au réveil. En prenant la précaution sus-indiquée, vous assisterez, à votre vive satisfaction, à des progrès sérieux de votre intelligence,
sous
les
formes
suivantes
:
MEMOIRE,
IMAGINATION, ORIGI NALITE, ESPRIT D’INITIATIVE, et, par-dessus tout. FACULTE DE DECOUVERTE. La question de l’ORIGINE de ces impulsions météoriques, de ces
idées
inopinées,
qui,
moyennant
l’éducation
recommandée plus haut, feront de vous, peu à peu, non un « possédé », peut- être un « inspiré », à coup sûr UN CANDIDAT DE PREMIER PLAN A VOTRE EXAMEN, est encore une énigme. Certains, tel Swedenborg, n’y ont-ils pas vu l’oeuvre d’êtres invisibles évoluant autour de nous ? D’autres, tout récemment, n’ont-ils pas professé que certaines radiations, émanant d’atomes terrestres ou sidéraux, étaient capables, par « effet de choc », de provoquer des modifications plus ou moins utiles de notre système nerveux?
* ** En attendant que tout cela soit tiré au clair,— ce qui n’est sans doute pas pour demain, il semble hors de doute qu’il y ait là un travail invisible de l’INCONSCIENT, ce sphinx qui siège en nous, et dont nous avons déjà souligné l’importance au chapitre premier de cette deuxième partie. N’est-il pas, cet Inconscient, une autre personnalité dans notre ombre, et, en
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quel que manière, une seconde édition de nous-même, à moins qu’il ne soit lui-même la véritable édition princeps ? N’est-ce point, comme nous allons le voir ci-dessous, TOUT UN MONDE, infiniment plus vaste que celui qui nous entoure ? Monde — si l’on sait le réveiller, car normalement il est assoupi — susceptible d’exercer sur nous une action autrement puissante que celle émanant des vivants de notre boule verte ? Oui, si nous savons nous y prendre, nous serons surtout conduits par les morts... ...D’abord, s’entend, par les pléiades d’écrivains disparus, dont les ouvrages vivaces sont le fondement de notre éducation. Ensuite, et surtout, si nous avons appris à sentir leur présence, à écouter leurs voix, par ceux dont chacun a laissé dans nos artères la quintessence de ses qualités physiologiques, — contribuant par là à élaborer notre vie végétative — ainsi que la trace de son savoir, de son expérience, de son génie. Et l’empreinte globale résultante est impressionnante,
voire
effrayante,
par
le
nombre
astronomique de ces traces partielles. Un simple calcul va vous en donner une idée. La durée de la vie humaine est actuellement d’environ 70 ans; il y a un demi-siècle, elle était inférieure à 40 ans; au moyen âge et antérieurement, elle ne dépassait probablement pas cinq lustres. Nous allons admettre que la durée d’une génération est de 50 ans, c’est-à-dire que la population du globe se renouvelle deux fois en un siècle. Or, l’apparition de l’homme sur notre machine ronde date d’environ un million d’années. En divisant 1.000.000 par 50, on obtient 20.000. Il y a donc eu, avant nous, quelque 20.000 générations. Très bien... allez-vous interrompre. Inutile d’aller plus loin. Nous avons compris. Et vous ajouterez : J’ai deux parents qui 104
appartiennent à la génération précédente; chacun d’eux en deux; ceux-ci vivaient au temps de la pénultième, ayant chacun, eux-mêmes, un père et une mère faisant partie de l’antépénultième génération. Or, lancerez-vous en vous rengorgeant, nous ne sommes pas tombé de la dernière pluie, Nous avons fait nos études, PUISQUE NOUS PREPARONS UN EXAMEN, et n’ignorons rien des secrets des progressions géométriques et des logarithmes. Trouver le nombre total N de nos ancêtres? vous écrierez - vous avec emphase. Rien de plus simple : il est égal à 2 élevé à la puissance 20.000. Le logarithme de Briggs de 2 étant 0,30103, celui de N sera égal à 0,30103 x 20.000, c’est-à-dire à environ 6.020,6. La partie entière de ce nombre étant 6020, le nombre N aura 6020 + 1 chiffres, c’est-à-dire environ SIX MILLE CHIFFRES. Et voilà.., cher Lecteur, comment on se laisse mystifier par la fée des mathématiques, fée la plus merveilleuse peut-être, mais aussi trop sou vent la plus perfide... Vous ne vous en méfierez jamais assez, surtout le jour de l’examen. Elle se fera fort, moyennant quelques sophismes extrêmement subtils, de vous montrer que 2 = 0, que la demi-circonférence est égale au diamètre, et, en toute occasion, de vous faire prendre des vessies pour des lanternes, si vous ne lamentez à la raison en la confrontant, en toute occasion, avec la vraisemblance, avec le juge ment, avec le bon sens. Voici, en gros, comment il fallait raisonner : Il y a actuellement 2 milliards 500 millions d’âmes sur la Terre. Ce nombre était plus faible autrefois. Partons d’une moyenne de cent millions pour chacune des 20.000 générations. Admettons, d’autre part, que chaque couple, depuis le début, ait donné naissance à deux couples, et ainsi de suite, toujours en doublant. Au bout des vingt sept premières générations, on atteint un nombre d’individus d’environ 100 millions. A partir 105
de là, le volume des générations n’augmente plus, tant joue à plein ce régulateur la loi implacable de la sélection naturelle, populations entières décimées par le virus filtrant, le microbe, le froid, la faim, la guerre. Revenons maintenant au présent, et faisons le compte de nos ancêtres. En remontant à 27 générations, je trouve que tous les membres de la génération correspondante, la 27e avant moi, SONT MES PARENTS. Remontons encore on ne peut plus doubler. Donc, en faisant abstraction des 27 générations initiales et des 27 dernières, ce qui fait un total absolument négligeable devant un nombre tel que 20.000 —, je vois que le nombre total de mes pères est, grosso modo, le produit de 100.000.000 par 20.000, ce qui ne fait plus qu’un pauvre petit nombre de rien du tout... TREIZE chiffres une goutte d’eau dans la mer en face du nombre de SIX MILLE chiffres obtenu plus haut frauduleusement, mais tout de même représentant HUIT CENTS FOIS la population de la Terre au début de l’ère atomique. Evidemment, ce résultat est probablement un peu supérieur à la réalité. En effet, dans ce calcul mathématique, nous avons, soit ignoré, soit sous-estimé bien des facteurs. D’abord, la sélection naturelle, à laquelle nous avons fait allusion plus haut, a bien pu ne pas se borner à maintenir constant le niveau d’une génération. Au cours des âges, de mystérieuses épidémies grippe espagnole, peste, choléra, ont pu minimiser des séries de centaines de générations. Il en est de même des cataclysmes postérieurs à l’apparition de l’être humain, que l’on commence à soupçonner sur des données scientifiques subtiles mais assez concordantes. Nombre de volcans
éteints
actuellement
gardent
leur
éloquence muette. Et que savons-nous des tremblements de 106
terre du passé? Le Déluge fut évidemment la manifestation d’un accident terriblement destructeur. Il en est de même pendant les dernières époques GLACIERES. N’a-t-on pas, par ailleurs, trouvé récemment des fossiles d’animaux pétrifiés dans des positions anormales, ayant encore dans la bouche de l’herbe qu’ils étaient en train de brouter ? N’ont-ils pas été foudroyés par une catastrophe instantanée, peut- être le choc d’un astre contre notre planète ? Et que penser de l’engloutissement peut-être rapide de l’Atlantide, sans mentionner le continent qui, aux premiers âges, occupait la plus grande partie du Pacifique : deux effondrements remontant tout au plus à quelques dizaines de milliers d’années ? Même en tenant compte de ces inconnues, vous pouvez être sûrs que le nombre de nos ancêtres demeure infiniment plus grand que celui des habitants du monde, à plus forte raison que celui du petit nombre de cerveaux qui, croisant dans notre entourage, seraient à peu près seuls susceptibles de nous influencer. Ainsi, si nous savons nous y prendre, nous pourrons tirer de notre « gouffre intérieur » un secours autrement efficace que de la « société », et aboutir à la conclusion suivante : Celui qui détient le secret de secouer la torpeur de son inconscient, et d’utiliser par là les immenses ressources de sa VIE INTERIEURE, celui-là IRA LOIN.
* ** Voici, maintenant, une explication plus simpliste des faits : Après qu’on a cessé d’appliquer son esprit à un sujet déterminé, il se produit encore dans les centres nerveux, et d’une manière continue, une élaboration inconsciente de la 107
pensée, d’une importance considérable au point de vue des résultats. Ce processus est plus lent que le labeur intensif conscient, mais par là même plus fructueux. L’idée, lentement distillée, se digère sans effort et peu à peu, on aboutit une assimilation parfaite. Le résultat d’une réflexion consciente, trop souvent intense et fiévreuse, — surtout au cours de la préparation D’UN EXAMEN — fait songer à ces fruits précoces, hâtivement mûris en serre, sans le moindre arôme. (Ne dit-on pas que faire du « bachotage », c’est « chauffer le candidat ? » Par contre, une idée se faisant jour à I’improviste après un long travail inconscient, est comparable à une mignonne fraise des bois, arrivée tard à maturité, mais d’une saveur et d’un parfum délicieux. Le procédé recommandé ici relativement à la culture de ces idées venues « d’en haut » , qui vous inspirent, constitue un moyen éducatif de premier ordre, d’autant plus intéressant qu’il n’exige AUCUN EFFORT. On n’à qu’à prendre la peine de ramasser une pensée providentielle, comme on cueillerait une pervenche... Il y a là un effet d’imprévu, de capricieux hasard, quelque chose de capiteux qui grise, émerveille et rend cette pratique passionnante. Toutefois, ayons soin de ne conserver que les concepts vraiment utiles. Expulsons impitoyablement les autres. Ceux-ci seraient un fléau pour l’éducation, de même que les branches divagantes d’un arbre constituent un défi à l’esthétique du verger, comme les mauvaises herbes d’un champ ont pour effet d’empoisonner la moisson. * ** En particulier, le médecin entraîné à la méthode ci-dessus exposée y trouvera son avantage. Sort-il, soucieux, de chez
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un malade, sans avoir pu accoler un nom à l’affection qui cloue son client au lit ? Qu’il se rassure : il sera bientôt, et de plus en plus, assailli d’idées fécondes qui lui permettront de maîtriser son diagnostic, au point de le rendre à peu près INFAILLIBLE.
* ** Supposons maintenant un élève aux prises avec une dissertation proposée pour une date un peu éloignée : une quinzaine par exemple. Comment va-t-il disposer ses batteries ? Il lira attentivement sou sujet, en écrivant à part les mots importants. Il en cherchera très soigneusement la signification sur le dictionnaire. Plusieurs auront différentes acceptions il s’agira de savoir discerner celle qui est valable pour ce travail. Puis il notera toutes les sources de documentation se rapportant
à
son
étude.
II
consultera
les
ouvrages
correspondants, tachant de retenir de chacun un très petit nombre de faits, mais dont chacun se rapporte à sa composition. Ensuite, il s’occupera d’autre chose. Des idées ne tarderont pas à affluer de son inconscient, confuses d’abord, tortueuses peut- être. D’autres leur succéderont, plus simples, plus claires et concourant plus directement à la démonstration de la thèse qu’il se trouve avoir, en quelque sorte, à soutenir relativement au texte proposé. Le candidat, ayant pris l’habitude de rassembler précisément les idées de choix qui lui viennent ainsi spontanément, acquerra peu à peu une maturité GENERATRICE DE SUCCES. Et, le jour J venu, il sera à même de « déballer » ces idées très rapidement et de les exprimer, en un temps
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record, avec élégance, netteté et précision, ce qui lui permettra d’avoir produit un travail solide, cohérent, équilibré, au moment de remettre sa copie.
110
111
CHAPITRE V
Le bon sens Pour réussir, non seulement à un examen, mais dans n’importe quelle entreprise, la science ne peut rien si elle n’est accompagnée du bon sens, du jugement et de la raison. Tel savant passe d’interminables heures de jour et de nuit écrasé sur sa table de travail. Pour lui n’existent que ses bouquins poudreux aux pages tremblotantes, ses notes, ses recherches. Il croirait déchoir en se livrant de salutaires promenades. Il abrège ses repas, écourte le temps dû au sommeil et, pour tout dire, rapproche le terme de sa vie. Il ne voit pas — ce qui saute aux yeux de sa famille — qu’en faisant bon marché des règles les plus élémentaires de l’hygiène, il se courbe, vieillit, contracte sourdement des maladies chroniques incurables et court vers le « gagaïsme », la sénilité, la décrépitude et la mort, c’est-à-dire vers l’impossibilité de donner une suite durable aux études ébauchées. En réalité, le but invisible vers lequel le conduisent, inexorablement, ses efforts mal coordonnés, est précisément l’opposé de celui qu’il veut, qu’il croit approcher. Ses amis risquent- ils quelques affectueuses observations tendant à lui faire mesurer le danger auquel il s’expose si imprudemment? Il se borne à esquisser un sourie teinté de dédaigneuse 112
indulgence envers ces ignares et aimables esprits terre à terre, ces automates, ces robots, incapables de s’élever jus qu’à comprendre son labeur, et se garde bien de suivre leurs avis. Qui, au fond, est l’automate ? Qui est le robot? Lui-même... Machine
à
penser,
il
s’avère
incapable
de
la
plus
indispensable des mises au point. Est-il vraiment, en dépit de sa haute culture, un être supérieur ? Le berger candide et béat, qui soigne doucettement sa petite santé,
chante,
joue
du
flageolet,
s’amuse,
exerçant
naturellement les dons modestes que la nature lui a dispensés, est, ma foi... un philosophe singulière plus avisé que ce malheureux « abruti » esclave de son idée fixe, prisonnier de son triste génie.
* ** Cependant, quelle ne serait pas la supériorité de l’homme intelligent et cultivé sur un esprit borné, s’il songeait à répartir judicieusement son temps et ses forces de manière à bien équilibrer
sa besogne! Quelle déchéance y a-t-il à se
préoccuper des détails matériels de l’existence? Alexandre Dumas, qui fit nos délices avec « Le Comte de Monte-Cristo » et « Les Trois Mousquetaires », croyait-il perdre la face en exhibant ses talents de cuisinier et en servant lui-même ses confrères? Victor Hugo, qui, jusqu’à sa quatre- vingt-troisième année nimba la littérature française d’une éblouissante auréole,
omettait-il,
à
son
petit
déjeuner,
d’absorber
consciencieusement deux oeufs et une côtelette ? Ne faisait-il pas allègrement sa promenade quotidienne de cinq lieues? Et Clemenceau, ce Tigre, ce Père La Victoire, n’accomplissait-il pas chaque matin, jusqu’à l’âge de quatre ans, un nombre
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déterminé de mouvements de gymnastique durant une vingtaine de minutes?
* ** Un professeur de nos amis a passé la presque totalité de sa carrière dans, l’atmosphère fiévreuse des examens, qu’il préparait
avec
acharnement,
en
dehors
des
heures
consacrées à son service. Il eût pu donner des leçons particulières, et se créer ainsi des ressources supplémentaires destinées à .assurer aux siens une aisance relative. Loin de là, il dépensait en achats ruineux de livres les quelques écus qui lui restaient sur son traitement. Il mangeait mal; sa femme était dans la gêne; ses enfants, maigres et pâles. Finalement, sous l’action d’un surmenage continu, il fut terrassé par une maladie chronique qui l’obligea à renoncer définitivement à ses travaux. Pendant ce temps, la plupart de ses collègues, moins diplômés, faisaient, indépendamment de leurs classes, des cours amplement rétribués, vivaient bien, et savaient se faire nommer aux postes importants dont il rêvait et qu’il eût obtenus
sans
difficulté,
s’il
avait
songé
à
s’occuper
sérieusement de sa situation matérielle.
* ** Oui, le bon sens est supérieur à la culture. Une ligne de conduite
simple
conduira
généralement
au
succès.
Cependant, si paradoxal que cela puisse paraître, ce n’est qu’à la suite d’une longue expérience que l’on se décide à écouter la voix de la sagesse. Napoléon, qui gagnait toutes les batailles avant de se laisser paralyser par l’influence de son état-major jouisseur, poltron, 114
veule et stupide, avait une méthode stratégique très simple .et d’autant plus ingénieuse : il construisait son plan d’attaque après s’être mis, par la pensée, à la place de l’ennemi, ce qui lui permit, tant que son système ne fut pas éventé, de le dérouter à coup sûr. Bismarck, l’un des plus redoutables diplomates de son temps, attrapait les négociateurs les plus retors en disant purement et simplement la vérité. Jouant cartes sur table, il démontait les plus subtiles machinations de ses adversaires, qui se seraient bien gardés de croire un mot de ce qu’il avançait... A la Bourse, l’idée de vendre une valeur qui a monté de 10 à 15 pour cent viendra à un capitaliste expérimenté. Au contraire, un novice va suivre le mirage de son imagination. Aussi, pour des raisons multiples et fort belles qu’il croit avoir d’attendre le « boom », voit-il s’évanouir en fumée son bénéfice, trop heureux encore s’il n’essuie pas une perte.
* ** Travailler énergiquement, voilà le mot d’ordre. Toutefois, avant de se jeter à corps perdu dans la fournaise, il importe de savoir OU L’ON VA. Trop de gens, et surtout de jeunes, éprouvent une sorte de niaise fierté à passer sous les fourches caudines de tel ou tel snobisme. Par exemple, c’est un dogme intangible, au collège, de pousser jusqu’au baccalauréat. Chacun voit là, non un grade tout court, mais un titre de noblesse intellectuelle : LE PONT AUX ÂNES... Eh bien... cette conception est tout simplement absurde. Si, en troisième, vous ne vous sentez pas vraiment des dispositions pour la science, pourquoi ne pas vous tâter, et, si vous avez quelque ingéniosité, de l’agilité et de l’habileté 115
dans les doigts, ne pas songer à une profession manuelle, à un métier pratique? Quelle honte peut-il y avoir à cela? Vous gagnerez peut-être votre vie plus tôt et mieux que tel lauréat du « Bac » , qui, soucieux de vouloir à tout prix « finir » ses études, va traîner une douzaine d’années dans quelque Université, — où, du reste, il n’est pas mathématiquement sûr de réussir — avant de « palper » !
* ** Oui, sur le point d’entreprendre une tâche importante, il est indispensable de réfléchir mûrement, de peser longuement les avantages et les inconvénients que l’on trouve dans la voie où il s’agit de s’engager. CE N’EST PAS LA DU TEMPS PERDU. Une fois la décision prise, il faut, il est vrai, aller résolument de l’avant, sans plus regarder derrière soi.
* ** Ménageons-nous quelques minutes, chaque soir pour passer au crible du bon sens et de la réflexion le travail exécuté dans la journée et celui que nous allons faire le lendemain. De plus, méditons, une fois par semaines pendant une heure ou deux, sur la manière dont nous conduisons notre plan d’action. LE SUCCES EST A CE PRIX. Négligeons-nous ce minime effort supplémentaire? Nous serons irrésistiblement emporté par le torrent des forces naturelles qui nous entourent, nous enserrent, nous enlisent, nous pénètrent de toutes parts. Alors, qu’arrivera t-il? Ou nous nous découragerons ou nous deviendrons une mécanique stupide à accomplir le travail auquel nous nous sommes adonné. 116
* ** Intellectuels,
ne
visons
pas
trop
haut.
Quand
nous
approcherons de l’âge mûr, les ressorts commenceront à fléchir; les cellules grises , suivant l’expression chère à Hercule Poirot, le héros-détective d’Agatha Christie, auront perdu de leur plasticité; l’enthousiasme juvénile se sera calmé. L’étude deviendra pour nous une fatigue. A ce moment critique, demandons-nous sérieusement, sans ambages, sans fausse honte, s’il ne vaut pas mieux borner notre science à un niveau raisonnable, et viser plutôt à l’appliquer à la vie réelle, pour en tirer, le maximum de résultats matériels. En sommes-nous convaincu? Prenons carrément notre décision; nous n’aurons pas à le regretter. Les problèmes qui nous attendent dans l’existence reposeront agréablement notre esprit des pénibles spéculations contemplatives, tout en l’exerçant largement. Pour qui sait la prendre, la vie pratique est un jeu d’échecs magique
auquel
on
joue
avec
goût,
curieusement,
sérieusement et gaiement. On rencontre là de profondes satisfactions. Et, après tout, le vrai bonheur — celui qui ne déçoit jamais PARCE QU’ON NE L’A PAS CHERCHÉ, et aussi parce qu’il ne livre rien au hasard ni à l’influence d’autrui — ne consiste-t-il pas à développer harmonieusement son corps et son âme, et à savoir extraire de son cerveau, le cas échéant, la meilleure combinaison pour se tirer honnêtement d’ affaire?
* **
117
Il est presque toujours maladroit et dangereux - de vouloir trop s’élever au-dessus de la condition tracée pour nous par la destinée, l’éducation et l’ambiance. Trop souvent, on se trouve transplanté dans un monde fermé, fier, où l’on toisera de bien haut le « parvenu » que vous êtes. C’est ce que nous fit remarquer notre sergent de la « der des der » (guerre de 1914-18) un jour où, nous le croisâmes. Ses qualités et son courage exceptionnels l’avaient hissé, grade après grade, à la dignité de Commandant. Et comme nous le félicitions chaudement : « Je regrette, soupira t-il, le bon vieux temps de la « sardine » . Ici je ne me sens pas dans mon milieu. D’ailleurs, une ambition effrénée parvient rarement à se satisfaire d’une façon complète, définitive. C’est une plaie, un ulcère qui ronge, détruit toute quiétude, en semant dans la conscience un désir éternellement inassouvi, en jetant devant les yeux exorbités, mirage splendide et décevant, la perspective d’un but grandiose qui recule sans cesse au fur et à mesure qu’on l’approche : tout comme le ciel que croit atteindre l’enfant en gravissant la montagne, et qui, du sommet, se révèle plus haut, plus lointain, plus inaccessible que jamais. En particulier, une ambition intellectuelle démesurée, se traduisant par une course perpétuelle aux peaux d’âne, une chasse sans fin aux concours, n’est pas en général couronnée d’un plein succès. Qu’il y ait d’honorables exceptions, cela ne fait pas l’ombre d’un doute. Mais que de fois, avant la conquête du diplôme convoité, la fatigue ne survient-elle pas, inexorable, suivie de l’échec, du découragement, et, trop souvent, d’un délabrement de la santé !Conséquence de l’implacable loi de la « mauvaise volonté de la nature » qu’il est raisonnable de prévoir et d’éluder.
118
* ** Quoi qu’il en soit, si nous avons décidé d’accomplir une tâche intellectuelle difficile : préparation, par exemple, du Certificat d’Aptitude au Professorat des Ecoles Normales, ou du Certificat d’Aptitude à l’Enseignement Secondaire, effectuée en marge d’un gagne-pain, n’oublions jamais que nous devons nous allier au Temps. En effet, le résultat à atteindre va nous demander beaucoup de forces, et exigera des dépenses très appréciables. Voulons-nous à tout prix brûler les étapes? Nous courons le risque d’avoir, à bref délai, la visite du médecin. D’autre part, notre situation matérielle va souffrir de notre activité additionnelle, car le temps passé à étudier -vérité de La Palice — ne l’est pas à gagner de l’argent. Nous allons nous trouver gêné, et, pour remédier à cette situation précaire, nous serons amené à réduire nos frais de nourriture et de chauffage. Très dangereux
pour la santé... Nous tournons dans un cercle
vicieux. Il va donc falloir ruser... Un labeur intense exigeant des forces surabondantes, il est absolument indispensable de se réserver les moyens pécuniaires d’avoir une riche alimentation. Par suite, il va être essentiel de consacrer une partie de notre activité et de notre temps à nous créer des ressources supplémentaires. Ainsi, chose paradoxale, nous voilà acculé, pour réaliser un projet INTELLECTUEL avec le minimum d’aléas, à la nécessité
de
nous
préoccuper
de
la
partie
la
plus
MATERIELLE de notre existence. Ici, comme on le voit, plus que partout ailleurs, les extrêmes se touchent…
119
Il est évident, d’ailleurs, qu’en ajoutant des tâches lucratives à notre travail principal, nous devons soigneusement éviter de surcharger notre emploi du temps au point d’amener un surmenage qui serait désastreux. Il ‘y a donc lieu, pour concilier tout cela, de ralentir prudemment le moteur; en un mot, de s’allier au TEMPS. Comme on le voit, tout se tient dans la vie...
* ** Enfin, n’oublions pas qu’il faut accomplir toute chose simplement. Travaillons, bien entendu, de façon à nous rapprocher le plus possible de la perfection, surtout EN PREPARANT UN EXAMEN, car la quantité de travail n’est rien sans la QUALITE. Mais ne cherchons pas, comme dit l’autre, midi à quatorze heures. Evitons de couper les cheveux en quatre : le mieux pourrait se trouver l’ennemi du bien. Ne dédaignons pas le mot célèbre du profond philosophe Pascal, qui connaissait bien la vie et les hommes « L’homme n’est ni ange ni bête, et qui veut faire l’ange fait la bête. » Les professeurs savent, par une cruelle expérience, qu’un jour d’inspection, les élèves, dans leur application à vouloir répondre
beaucoup
mieux
que
d’habitude, accumulent
sottises sur sottises. Dans une classe de cinquième de trente-deux élèves, un Inspecteur Général fait disposer les enfants suivant 8 rangées de chacune 4 potaches. Il se place devant eux : il y a HUIT fois QUATRE élèves, donc 4 x 8. Il se met ensuite sur le côté : on compte QUATRE fois HUIT élèves, soit 8 x 4. L’Inspecteur se fait indiquer le meilleur élève de la classe, et, s’adressant à lui: « Le nombre des élèves est-il le même dans les
deux
cas? »
lui
demande-t-il.
120
—
Oui,
Monsieur
l’Inspecteur. — Et pourquoi? — Parce que le produit de deux facteurs ne change pas si l’on intervertit l’ordre des facteurs. C’était une ânerie, montrant que le Newton en herbe, paralysé par une présence anormale, n’avait pas « réalisé », l’élément NOUVEAU, à trouver, qu’apportait le dispositif du chef. Devant la question posée, il s’était trouvé, en quelque sorte, hypnotisé par l’égalité qui, au tableau, flamboyait devant lui : 4 x 8 = 8 x 4. Il avait alors tout juste associé dans son esprit cette relation avec la leçon précédemment apprise à ce sujet : association PAR CONTIGUITÉ, parfaitement normale, qui n’a certes rien de « transcendant » ... Forme initiale d’association, que les animaux utilisent avec autant de virtuosité que nous. Le « pauvre type », désemparé, s’y était accroché comme le noyé à une bouée de sauvetage. La réponse à faire eût exigé une
observation
sans
malice,
mais
PERSONNELLE,
assaisonnée d’un peu de bon sens. Il eût fallu que l’enfant fît une petite découverte : qu’il remarquât que, dans l’intervalle de temps ayant séparé les deux manières de compter, aucun lycéen n’était entré ni sorti.
* ** A L’EXAMEN, dans notre désir d’ épater les examinateurs par notre érudition, nous résistons rarement à la tentation d’ajouter à nos copies, au tout dernier moment, des énormités,— des perles — dont la moindre suffit à couler notre composition et à entraîner irrémédiablement notre échec.
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* ** Une expérience formelle montre que nous aurons le maximum de chances de succès dans nos entreprises si nous visons un but tout à fait à notre portée. Ne pas songer à l’impossible, tirer le meilleur parti des forces et des facultés dont la providence nous a gratifiés, dans le milieu même où nous sommes placés, et, par là, ne pas permettre à l’universelle et redoutable loi de la Thermodynamique qui a nom : LOI D’EQUILIBRE, de jouer contre nous : telle est la meilleure tactique à employer pour apprivoiser le SUCCES, — cet oiseau bleu qui plane au- dessus de nous et réaliser le véritable but de notre existence.
* ** Voyons maintenant d’un peu plus près en quoi le bon sens peut secourir LES CANDIDATS A DES EXAMENS. Ces jeunes personnes sont trop timorées; ces messieurs, parfois bien hâbleurs... Avant la composition, ces demoiselles tremblent; après, elles n’ont rien fait de bon. Ce sont alors des soupirs, des pleurs et des grincements de dents. Par contre, tels adolescents, pérorant avec assurance avant la première épreuve, ont, paraît-il, tout vu; ils savent tout sur le bout du doigt; pour un peu, ils vous diraient par avance les sujets des compositions. Après, ils ont tout fait. Ils sont sûrs de réussir avec mention... Le bon sens conseille de n’avoir ni trop de confiance ni trop peu. Sous-estime-t-on le niveau l’épreuve? On croit volontiers qu’un travail sérieux ne s’impose pas. Ce penchant est favorisé par la paresse qui sommeille en chacun de nous, — étudiants et professeurs — et dont la nature, en vertu de la loi d’INERTIE, nous étale sans vergogne de si fâcheux
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exemples. (Songer au rayon lumineux qui, parti d’un point A, doit atteindre un point B après réflexion sur un plan: son trajet est tel, qu’il accomplit le chemin minimum : IL PREND PAR LE PLUS COURT). Combattons cette tendance en nous disant : Tous ceux qui osent se présenter sont du niveau de l’examen, ou à peu près; cependant, grosso modo, 40 % seulement seront admissibles, à peine 30% reçus définitivement. Donc, si nous nous bornons à être d’une honnête moyenne, « tangents », la compétition ne présentera pour nous PAS PLUS DE CHANCES QU’UNE LOTERIE. Nous courrons même des risques sérieux de ne pas 3passer », car, au jour J, ON PERD UNE PARTIE DE SES MOYENS. Il faut donc arriver assez bon (moyenne de 13 sur 20) au jour fatidique, pour compter sur des chances tout au plus normales d’atteindre la moyenne, ou même seulement d’ « entrer en discussion » c’est-à-dire avec une moyenne à l’écrit de 9 à 9 et demi sur 20, ce qui, dans certaines conditions et moyennant un livret scolaire très élogieux permet au Jury de « relever » le candidat.
* ** D’autre part, ne nous sous-estimons pas, et n’arrivons pas à la salle des épreuves en nous estimant « collé » par avance ! S’agit-il,
non
pas
d’un
examen
ordinaire,
mais
d’un
CONCOURS? On est encore plus intimidé : sur deux ou trois cents appelés, combien va-t-on compter d’élus ? Peut-être une dizaine ! Il se peut que les compositions aient été choisies difficiles, pour faciliter le classement. Mais qu’arrive-t-il souvent ? Personne ne sait les faire; dans ce cas, il n’est plus absolument nécessaire d’atteindre la moyenne à l’écrit pour
123
être déclaré admissible. Prenons un exemple. A l’Agrégation de Mathématiques, le total des points à l’écrit est de 80. La moitié du maximum est donc 40. Cependant, au Concours normal de 1919, on fixa l’admis à 36 points, et celui qui, finalement, fut reçu définitivement LE PREMIER eut 4 sur 20 à la composition de Mathématiques Elémentaires (qui n’a d’ « élémentaire » que le nom : en réalité, c’est la plus difficile et la plus redoutée). Il est vrai que le N° 2 avait décroché à cette même épreuve un 18 sur 20. Au Concours de 1922, on prit des admissibles à 33 points. Bref, le mieux est de penser si le sujet est dur, il le sera pour tout le monde; avec du sang-froid, de la méthode et de la maturité, on doit pouvoir trouver quelque chose. Du reste, pendant votre longue préparation, le BON SENS vous a porté à piocher vigoureusement vos points faibles; il vous a invité, d’autre part, à vous perfectionner dans votre partie forte, de façon vous assurer un appui solide. C’EST LÀ LE MEILLEUR, LE VRAI PISTON Vous gagnerez des points sur votre spécialité, et cela compensera les défaillances que vous aurez pu accuser par ailleurs.
* ** Un sujet vous paraît-il d’une facilité dérisoire? Tient-il en quelques mots bénins? MEFIEZ VOUS. Il y a une ou plusieurs difficultés soigneusement camouflées. Le « matou » qui l’a proposé a fait patte de velours... « Mauvais signe, disait le médecin de Molière à Monsieur de Pourceaugnac, quand un malade ne sent pas son mal ! » Ici, le malade, c’est vous; le mal, c’est le texte. Tout le monde connaît l’énoncé du dernier théorème de Fermat, QUI TIENT EN UNE LIGNE, et fait le profane s’écrier : « Combien cela
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doit être aisé à établir ! » Eh bien... depuis plus de trois siècles, la démonstration reste encore à trouver. Ceci entre nous — à la confusion furieuse des géomètres : avec leurs méthodes modernes si nombreuses, si fécondes, si savantes, se voir damer le pion par un arithméticien aux « astuces » datant du père Noé !
* ** Toutefois, ne voyez pas des traquenards par tout. En sciences comme ailleurs, des méthodes- champignons naissent, ont la vogue pendant un temps, puis font place à d’autres. Tout beau, tout nouveau, dans le siècle où, plus que jamais, règne le snobisme... II y a une quarantaine d’années, en mathématiques, le procédé de recherche des LIEUX et des ENVELOPPES PAR L’HOMOGRAPHIE fit fureur durant quelques lustres, et s’implanta si bien qu’on fut obligé d’en interdire l’emploi : les candidats à l’Agrégation voyaient de l’homographie partout...
* ** Au
Baccalauréat,
en
Mathématiques
et
en
Sciences
Physiques, trois questions de cours sont proposées : on en CHOISIT une. Mais le problème est UNIQUE. A la première partie, le coefficient est le même pour la question et pour l’application. Etes-vous faible en problèmes? Ne jetez pas pour cela le manche après la cognée. D’abord, vous vous êtes entraîné, vous avez résolu maints exercices, en commençant par les plus faciles et les plus brefs. Du reste, vous avez bien étudié sur vos manuels, et, pendant la période de ré vision, épluché
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tout à fait au fond le tiers des questions de cours figurant au programme, en préférant celles que vous saisissiez le moins, ou, si vraiment vous ne « pigez » pas, celles que vous savez le mieux. Vous pouvez encore, si cela vous amuse, les tirer au sort, ce qui donne à l’épreuve è venir une petite saveur émotive de Loterie Nationale...
** Le BON SENS commande de calculer LENTEMENT. Mieux vaut aller en tortue et sûrement, que jongler avec des formules fausses depuis le début... Le BON SENS suggère aussi de n’accepter une formule que sous bénéfice d’inventaire : s’assurer avant tout qu’elle ne contient pas de défaut d’homogénéité. Bien se relire pour donner la chasse aux fautes de signes, — qui se glissent avec l’agilité d’une anguille entre chiffres et lettres — et aux « coquilles » dans les calculs FACILES,
qu’on
a,
pour
cette
raison,
probablement
« sabotés » ... Enfin, le BON SENS insinue d’exécuter dès le début, dans les questions numériques, aussi bien de Physique que de Mathématiques, — un calcul grosso modo, de façon à voir d’emblée l’ordre de grandeur du résultat. On décèlera ainsi des « bourdes » , monumentales qui feraient tomber à la renverse votre correcteur...
* ** Beaucoup de candidats s’imaginent avoir produit une solution satisfaisante d’un problème NUMERIQUE quand ils ont exposé la marche à suivre pour traiter la question, ou même résolu le problème plus général où les données ont été remplacées par des lettres. Ils se dispensent de terminer leurs calculs, un peu par inertie, puis parce qu’ils craignent de commettre des erreurs qui entacheraient l’ensemble du travail; 126
enfin parce qu’ils méprisent, au fond, ce qui, à leurs yeux, est plutôt une besogne mécanique, une tâche subalterne. N’est-ce pas là une importante lacune ? En réalité, l’obtention EFFECTIVE du résultat NUMERIQUE demandé, surtout s’il doit être calculé avec une approximation déterminée, est loin d’être négligeable. Le BON SENS indique au futur ingénieur, par exemple, que s’il ne s’est pas suffisamment entraîné à sortir des résultats numériques sûrs, les calculs qu’il sera appelé à faire plus tard s’avéreront peut-être FAUX. Le pont construit d’après ses directives s’écroulera sous le passage d’un train; l’avion bâti sur ses données explosera dans les airs, à moins qu’il ne percute une montagne, comme celui où périt le général Leclerc, ou celui où, plus récemment encore, devaient trouver la mort, entre autres, notre sympathique champion du monde de boxe des poids moyens Marcel Cerdan, ainsi que notre gracieuse, merveilleuse et infortunée violoniste, Mademoiselle Neveu.
* ** Les efforts de l’élève doivent tendre à ce que toutes précautions soient prises pour que le NOMBRE à obtenir soit réellement trouvé, et surtout à éviter de présenter un résultat hurlant par son invraisemblance. Tout bien considéré, un problème numérique, contrairement à ce qu’on pourrait croire, est souvent plus délicat qu’une question où figurent seulement des lettres. C’est qu’ici, il ne s’agit plus de se contenter de discussions, seraient-elles précises voire académiques. Des qualités de BON SENS et de jugement seront indispensables pour dépister l’ERREUR, cette « paille » qui s’infiltre si volontiers dans les calculs. Prenons un exemple:
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Soit le problème de physico-mécanique suivant: On lâche, sans vitesse initiale, une balle qui tombe au fond d’un puits. Le bruit fait en choquant le fond s’entend un temps t après le début de la chute. Calculer la profondeur du puits. Il conduit à la discussion d’une équation du second degré, qui a deux racines réelles et positives. Or, le BON SENS indique que, de ces deux racines, une seule est acceptable, car ce puits ne peut avoir qu’une seule profondeur. Soit en effet, p une profondeur trouvée. Un autre nombre p’ ne peut convenir également. Car, si p’ est plus grand que p, le son aura à parcourir une distance plus grande, aller et retour, et sera revenu
à l’oreille de l’observateur seulement au bout d’un
temps t’ plus grand que t. Raisonnement analogue, mais en sens inverse, pour un nombre p’ inférieur à p. Le BON SENS sera encore nécessaire pour décider laquelle des deux racines sera la bonne. Si, dans une question numérique, les calculs portent sur des nombres décimaux, on devra au début, en quelques minutes, trouver un résultat grosso modo, en opérant sur les nombres ENTIERS les plus voisins des nombres donnés. Ainsi seront impossibles les fautes monumentales de virgules.
* ** Le BON SENS empêchera de produire en Physique des réponses ahurissantes. Nous nous souvenons avoir corrigé le devoir d’un jeune homme et celui d’une étudiante. Notre Inaudi précoce trouvait, pour la longueur du fil d’un rhéostat, 7 dixièmes de millimètre, pour celle d’un autre, 400 kilomètres; et surtout, il annonçait sans broncher 320.000 ohms pour la
128
résistance d’un fil de cuivre. Quant à notre gracieuse calculatrice, elle obtenait, pour le grossissement g d’une lunette astronomique g = 800 millions. Brave disciple ! Le condamné à mort de l’Oncle Sam eût payé une fortune pour acquérir votre fil enchanté et l’attacher subrepticement à la chaise fatale. Il n’aurait pu être électrocuté, car il aurait dit au courant « Tu ne passeras pas! » Et vous, Mademoiselle et chère Elève, nous vous envions d’être si bien renseignée. Votre lunette-record vous a montré la blonde Phébé à 0 m. 50, deux planètes à 50 mètres, et le Soleil à 200 mètres. N’avez-vous pas tenté de mettre la Lune dans votre poche? Dites-nous vite quelle est la taille des habitants
de
Vénus,
et
faites-
nous
donc
connaître
l’emplacement des chantiers où les Martiens fabriquent leurs soucoupes volantes...
* ** Il arrive souvent qu’au début d’un problème, le BON SENS suggère une méthode instantanée qui sauve parfois d’une situation délicate. Par exemple, pour trouver le tiers et demi de 100, on peut diviser 100 par 3, puis le quotient obtenu par 2, et l’ajouter au précédent. Ces calculs sont ardus, et le résultat est seulement approché. Mais si vous songez tout à coup que : 1:2 = 1 3
6
et que
1+1=2+1=3=1 3
6
6
6
6
2
129
vous aurez seulement à diviser 100 par 2, et vous aurez instantanément le résultat EXACT, 50, sans la moindre décimale, et sans erreur.
* ** Lorsque,
en
1922,
nous
passâmes
l’Agrégation
de
Mathématiques, le problème de Spéciales était fort difficile et fort long. Nous réussîmes à arriver à peu près jusqu’au bout, où nous guettait la recherche de deux LIEUX géométriques de difficulté, semblait-il, à peu près équivalente. Nous mîmes une heure à trouver l’un d’eux et à coucher la rédaction correspondante. Les sept heures étaient écoulées, et l’appariteur s’était mis en mouvement pour recueillir les copies. Le temps nous manquait absolument pour réserver à l’autre lieu toute une série de calculs de la même envergure que ceux du premier. Nous finissions de relire notre travail, quand une idée jaillit de notre cerveau. D’après la nature de la question il suffisait, pour déduire le second lieu du premier, de changer tout simplement y en i.y dans l’équation définissant le premier (i étant, comme on sait, une lettre symbolique, dont le carré, par convention, est égal à — 1). En un clin d’oeil, tout fut bouclé... C’est à cette simple remarque que nous dûmes la note 15 sur 20
(la
meilleure)
à
cette
composition,
et
NOTRE
ADMISSIBILITE, et, en dernière analyse, notre admission définitive (car nos autres épreuves — ne le répétez pas... — étaient loin d’être des chefs-d’oeuvre...).
* **
130
Terminons ce chapitre par quelques anecdotes d’oral, prouvant que, dans chaque cas, le candidat n’avait pas assez de BON SENS. Au Certificat d’Etudes.
I
—
L’examinateur
proposition? »
Le
de
français
candidat
:
:
« Une
« Qu’est-ce pro
qu’une
position
est
l’énonciation d’un théorème. » II. — Interrogation en Géographie. — Une grande carte de France est suspendue au mur. L’examinateur : « Que Prendriez-vous pour aller de Perpignan à Dunkerque? —. « Une échelle, Monsieur. » Au Brevet Elémentaire. I. — Interrogation d’Histoire. — L’examinateur : « Savez-vous ce que les Romains entendaient par « thermes » , ? — Des bains, Monsieur. — Mais c’est très bien. Je suis même surpris de votre érudition. Quand avez-vous appris cela? — La semaine dernière. En partant un matin, mon père a crié à ma mère « Si le propriétaire vient pour le terme, tu l’enverras au bain. » II. — Interrogation de Mathématiques. L’examinateur : « Avez-vous fait de l’algèbre? » — Un peu, Monsieur. — Voyons cela. A quoi est égal 2 x — x ? A 2, Monsieur »
131
CHAPITRE VI
Le «trac» et la timidité
Un obstacle très sérieux à la réussite est la TIMIDITE. Cet état, non sans grâce chez une jeune fille, constitue un énorme handicap pour les garçons, dont il paralyse toute initiative. Le timide, en dépit des apparences, est rarement un modeste. On pourrait au contraire discerner en lui, le plus souvent, un profond sentiment d’orgueil. Abstraction faite des cas pathologiques, plus nombreux qu’on ne croit, la timidité est presque toujours la rançon des âmes d’élite, délicates et fières, des esprits de haute valeur. On peut rapprocher le timide de ces jolies fleurs qui rentrent leurs corolles au moindre effleurement, au premier rayon de soleil... Cette médaille a son revers. La timidité peut transformer en enfer une existence consumée de regrets.
* ** Le timide entre-t-il dans un salon? Qu’un regard se fixe sur lui : il a aussitôt l’impression d’être dévisagé par la galerie avec la plus minutieuse attention, teintée d’un ironique dédain. Cette obsession le trouble, un froid le saisit, il se prend à trembler, devient gauche par auto suggestion. II fait tant et si bien qu’il finit véritablement par provoquer quelques sourires, plus
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indulgents néanmoins qu’il ne les entrevoit à travers le prisme de son imagination affolée. Est-il en conversation ? Il se fait scrupule d’ouvrir la bouche, parle d’une voix faible, hésitante, n’ose fixer son interlocuteur. Celui-ci, sentant à qui il a affaire, prend d’emblée de l’ascendant sur lui. Dans la rue, le timide baisse craintivement les yeux. Il lui arrive fréquemment, par suite, de ne pas voir ou de ne pas reconnaître les gens QU’IL FREQUENTE. Est-il fonctionnaire? Il s’expose à croiser un collègue, voire un chef, sans le saluer. Mais il fait mieux encore. Il lui semble parfois, dans un passant qu’il vient de regarder à la dérobée, remettre une connaissance, et il s’empresse de faire les frais d’un salamalec. Le quidam, qui ne l’a jamais vu de sa vie, peut très bien ne pas lui rendre son salut, soit que cela dépasse les bornes de son savoir-vivre, soit simplement sous l’effet de la surprise. Dès lors, la fierté du timide est frappée d’une profonde blessure. Croise-t-il une silhouette qui lui semble familière ? Il ne s’inclinera pas, ou, avant de le faire, il aura soin de toiser longuement la personne en question... Il arrive à un timide de considérer dans le blanc des yeux un ami, et de ne pas déplacer son couvre-chef ni desserrer les lèvres Il ne l’a pas reconnu, n’ayant pas eu l’aplomb de rendre son regard assez pénétrant.
* ** A son arrivée dans un nouveau poste, un fonctionnaire timide n’osera pas rendre visite aux personnages influents de la
133
localité, qui se formaliseront de ce manque d’égards. A-t-il une faveur à demander ? Si, par un sursaut d’énergie, il se décide à aller trouver son supérieur pour solliciter son appui, un froid mortel le saisit en face de son majestueux interlocuteur. Il présente sa requête d’une voix si mal assurée qu’elle est, d’avance, rejetée sans appel.
* ** Par un étrange paradoxe, le timide se nuit aussi d’une façon tout opposée. Qu’un plus audacieux enlève haut la main, sous son nez, un avantage important auquel il avait droit, et qu’il eût obtenu sans son inconcevable pusillanimité : il ressent profondément ce qu’il taxe d’injustice. Dans son coeur froissé, tel un vase clos, bouillonne une colère folle, qui va finir par éclater... Il se montre soudain brusque, arrogant, péchant, de façon peut-être irrémédiable, par défaut complet de tact. LE MOUTON EST DEVENU ENRAGE. Que de timides, par manque de..: cran, ou par l’un de ces accès de sauvagerie qui font d’eux une déconcertante énigme, n’ont pas su saisir au bond une occasion magnifique, la laissant échapper de bien près ! C’est peut-être pour eux qu’a été forgé le proverbe : « Il y a loin de la coupe aux lèvres... »
* ** Le timide est-il un artiste ? Son défaut prend alors le nom de « trac ». Le trac se manifeste, bien entendu, au moment d’entrer en scène, surtout — on le devine — chez les débutants, et — il faut bien le dire chez ceux qui ne savent pas assez bien leur rôle.
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Il faut avouer qu’il y a un peu de quoi. La peur de mal jouer et la perspective, dans ces cas, des réactions féroces du « cochon de payant », qui, après tout, est sévère parce qu’il veut en avoir pour son argent, suffisent à affoler l’imagination, et à gêner sérieusement le jeu de l’exécutant. Celui-ci fera son apparition d’un pas mal assuré, trébuchera. En un mot, il ratera son entrée. Quoi d’étonnant à ce que, dès lors, il se mette à balbutier, à bégayer, et à être frappé d’amnésie ? Aussi entendra-t-il mal le souffleur... A-t-on oublié la « coquille » lancée à pleins poumons par « Hernani » lors de la première représentation de ce drame ? Le héros, troublé par le tumulte (qu’on se souvienne de la « Bataille d’Hernani » !), se trouvant à court pour la réplique, se pencha vers le souffleur qui murmurait: « Vieillard stupide, il l’aime. » Et voilà notre brigand d’un soir hurlant, de son ton le plus tragique : « VIEIL AS DE PIQUE, IL L’AIME I!! Dans un autre drame, un acteur timide incarnait le personnage du grand Charlemagne, Empereur d’Occident, face à ses troupes qu’il venait haranguer. Le trac lui avait fait perdre le fil. Et l’homme du trou de chuchoter : « Je suis content à voir tant de vaillance. Salut, ô mes preux ! » Et le monarque occasionnel d’ânonner piteusement: « JE SUIS GONTRAN, AVORTON DE MAYENCE! SALUT AUX LEPREUX !! » * ** Quand, à l’Ecole Normale, nous fîmes notre première conférence, devant un public composé des élèves-maîtres, des professeurs, du DIREC TEUR et de familles de la ville, nous n’en menions pas large. Aussi avions-nous appris par coeur tout le texte, qui se rapportait à la question du déboisement. Nous nous proposions de plastronner en nous
135
promenant de long en large sur l’estrade avec force gestes éloquents longuement étudiés, sans lire une seule note. Mais une fois derrière notre table et devant notre verre d’eau, quand l’Econome nous eut présenté à l’auditoire, terminant en ces termes lapidaires « LA PAROLE EST AU CONFE RENCIER », il fallut déchanter. Un certain bruissement, fait de froissements
de
programmes,
de
chuchotements,
de
glissements de pieds, ces regards étincelants soudain braqués sur notre personne comme les gueules de trois mille bouches à feu, tout cela ne fut pas long à nous faire rentrer dans notre coquille... Après deux ou trois phrases dites d’une voix de rogomme, et quelques pas sur la scène avec des jambes flageolantes, nous fûmes contraint de venir échouer sur notre chaise, et bien heureux de consulter quelques notes que, par précaution, nous avions tout de même songé à garder. Au bout de dix minutes, il est vrai, le trac avait diminué. Notre voix s’était éclaircie, raffermie. Bientôt nous n’eûmes plus peur du tout de la foule en miniature qui nous faisait face. Toutefois, il ne fut plus question de reprendre les allées et venues avec des effets de torse. Nous restâmes bien sagement assis devant nos feuilles noircies...
* ** Réalisez-vous combien désastreuse est la timidité à l’oral d’un examen ? Les séances sont publiques, et, au Baccalauréat par exemple, les auditeurs sont parfois nombreux à la Sorbonne. Tout cela impressionne terriblement. Si vous ne triomphez pas du trac, vous perdrez presque infailliblement la mémoire, oubliant en un clin d’oeil tout ce que vous aviez mis si longtemps à emmagasiner. L’imagination aidant, vous vous
136
verrez par avance bafouiller, et devenir un objet de risée pour l’assistance
entière.
Donc
il
faut
absolument
VOUS
AFFRANCHIR DE CE COMPLEXE D’INFÉRIORITE. Nous allons vous y aider.
* ** Vue à travers un prisme éminemment simpliste, la timidité semble due à un état morbide des nerfs lié à l’état général. Sous un angle un peu plus technique, nous indiquerons que, d’après des résultats récents, elle est en rapport étroit avec le bon fonctionnement du système endocrinien, et, en particulier, de la glande THYROIDE et des glandes SURRENALES. Notons rapidement que la thyroïde est logée dans le cou, en avant. Elle aide à la vivacité de l’esprit. Les sujets chez lesquels elle fonctionne très normalement sont en bonne santé, actifs, bien musclés et mentalement tout à fait équilibrés. Travaille-t-elle au ralenti ? L’individu s’avère nonchalant, ainsi que la plupart de ses organes. Il tend à la paresse, à la somnolence, à l’obésité. Est-elle trop active? L’être devient tout nerfs. Les glandes surrénales, de petite taille, sont au-dessus des reins, comme l’indique leur nom. Le liquide qu’elles sécrètent donne du ton au coeur, raffermit ses battements et facilite la contraction des artères. Sont-elles en bon état ? Vous êtes robuste, résistant au travail physique et intellectuel, capable de soutenir un effort de fond.
* ** Les conseils que nous formulons ci-dessous, en ce qui concerne l’hygiène et le régime, mettront peu à peu ces deux
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groupes de glandes dans les meilleures conditions possibles, et, par suite, vont vous permettre de lutter très efficacement contre la TIMIDITE.
* ** On fera choix d’une nourriture substantielle, riche en aliments phosphorés. (lentilles, pommes, poisson). Un exercice modéré au grand air sera salutaire. Quelques mouvements de gymnastique matin et soir sont tout indiqués. On choisira, dans la journée, ceux qui galvanisent le réflexe respiratoire (mouvements de la brasse, de l’aviron, exercices avec extenseur), car une exaltation de la circulation en oxygène ACCROIT LA SANTE DE LA THYROIDE. Aussi, l’usage régulier d’exercices respiratoires (dont nous avons déjà parlé, en première partie, à propos de l’hygiène), avec expirations et inspirations FORCEES conduit-il, en quelques semaines, à de substantiels résultats. Nous avons déjà signalé le massage biquotidien, TRES LENT ET TRES PUISSANT, de TOUTES les ARTICULATIONS et, en particulier, du cou et
surtout du NOEUD VITAL Ce
procédé, répétons-le, galvanise vite l’individu, en facilitant considérablement la circulation. Le coeur nourrit mieux la tête et les centres nerveux qui s’y trouvent, rend le sommeil plus réparateur et rénove les nerfs.
* ** Un complétera la cure. Vous vous ferez matin et soir des suggestions d’où soit exclu tout effort volontaire. Aussi ne direz-vous pas : « Je VEUX me débarrasser de ma timidité » (méthode A, exposée au chapitre premier de la seconde
138
partie), mais, avec Emile Coué : « Je SUIS SUR de vaincre ma timidité » (forme imaginative, ou forme B), ou, avec plus d’efficacité encore : « Ce sera LE BONHEUR POUR MOI de m’affranchir de ma timidité » (forme AFFECTIVE de l’autosuggestion, ou forme C, encore PLUS PUISSANTE que celle de Coué).
* ** Plusieurs fois dans la journée, vous tâcherez de vous persuader que votre timidité s’évanouit. Vous vous verrez par l’imagination, d’une manière aussi concrète que possible, causant avec une aisance parfaite. Vous vous répéterez avec conviction que vous avez de la valeur, en vous remémorant le nombre et la qualité des diplômes que vous avez déjà, la profondeur
et
l’étendue
des
connaissances que vous
possédez, le prestige de la profession que vous exercez. Vous vous direz que vous êtes tout autant, plus peut-être, que les sujets marquants de votre entourage; que ceux-ci ne se gaussent pas de vous; qu’au con traire ils vous estiment et vous considèrent. Enfin, loin de fuir la société, vous rechercherez avec persistance toutes les occasions de converser, non seulement avec les camarades, mais aussi et surtout avec les personnes qui vous en imposent naturellement. Pour faire disparaître cet étrange sentiment de gêne, cette sorte de torpeur qui s’empare progressivement du timide au fur et à mesure qu’il approche le redoutable interlocuteur, vous vous avancerez tout naturellement, avec de petits mouvements du corps, sans la moindre affectation, de manière à dissocier, par une succession rapide de menus actes concrets, les idées
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déprimantes qui tendent à hanter l’esprit. Puis vous engagerez la conversation avec la plus grande simplicité. De jour en jour, vous allez vous voir envahi torrentiellement par cette joie vive et profonde, cette inégalable griserie à vous sentir libéré de ce réseau ténu de fils invisibles qui ligotaient votre personnalité. Alors vous redresserez la tête, car vous vous sentirez vraiment une créature VIVANTE, pleine d’audace, débordant d’énergie et d’aplomb, et prête à affronter l’EXAMEN, surtout s’il a été bien préparé
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TROISIEME PARTIE
PREPARATION DIRECTE D’UN EXAMEN
141
CHAPITRE PREMIER
Comment organiser son plan de travail La préparation d’un examen est une tâche ardue, souvent coûteuse et réclame une somme considérable d’ENERGIE Avant d’entreprendre un projet de cette envergure,
il est
indispensable d’avoir mûrement réfléchi. II faut se sentir sûr que l’on tiendra bon, que l’enthousiasme initial ne durera pas ce que durent les roses, l’espace d’un matin... Oeuvre à longue échéance, susceptible d’aboutir seulement si l’on a la sagesse, la prudence de compter avec un facteur capital .Ce facteur, il est vrai, est capable de conduire infailliblement au succès. Aussi importe-t-il à tout prix que l’étudiant s’assure l’aide, l’alliance de cette puissance mystérieuse et irrésistible, clef de toutes les réussites et peutêtre, pourrait-on ajouter, de tous les miracles de cette force impondérable dont ,chacun ,a quotidiennement le nom sur les lèvres, mais — le croirait-on? — sans aucune espèce d’importance: c’est le TEMPS.
* ** Seuls de profonds esprits ont songé à souligner le rôle extraordinaire du temps dans la conduite de la vie. Les proverbes : « Goutte à goutte, l’eau use la pierre », « Le Temps est un grand Maître », « Le Temps est un grand Médecin », ne sont ni des paradoxes ni des divagations de
142
songe-creux, mais des vérités — sans jeu de mots — de tout... temps. « Le génie n’est qu’une longue patience » , répétait Napoléon. « Le Temps et moi », telle était la devise de l’habile Mazarin, dont la fermeté doublée de finesse, en s’inspirant de cette sage maxime, sut finalement s’imposer, dans une contrée qui n’était pas la sienne et dont la prévention avait fait de lui, au début, le symbole de l’impopularité. Enfin, les Britanniques ne disent-ils pas : Wait and see » (attendez, pour voir...)?
* ** Dans le courant de l’année 1921, l’un de nos amis avait consacré à la préparation d’un Concours des efforts extrêmement énergiques et fourni un labeur surhumain: résultat insuffisant aux épreuves écrites. L’année suivante, il persista dans sa résolution, mais en travaillant beaucoup moins, quoique avec méthode et régularité : le succès arriva comme un fruit mûr à la fin de l’année scolaire. Nous vous engageons à faire l’expérience suivante : essayez d’exécuter une page de calculs très rapidement. Quelle que soit votre habileté, vous courrez les plus grands risques de ne pas arriver au bout sans avoir commis quelque erreur. Il faudra
recommencer et peut-être deux fois pour une
.Finalement, vous vous rendrez compte que vous aurez mis plus de temps, et pris plus de peine, avec cette méthode, — si tant est qu’on puisse décorer du nom de « méthode », une telle façon de procéder — qu’en faisant progressivement votre travail avec une sage lenteur. Lièvre, vous aurez été battu par la tortue qu’il eût fallu être. Vous avez prétendu bousculer, brimer le TEMPS : il s’est vengé.
143
Ayez toujours soin de mettre le TEMPS AVEC VOUS et vous REUSSIREZ. Le négligez-vous? Le dédaignez-vous ? Le méprisez-vous ? IL TRAVAILLERA CONTRE VOUS ! * ** Il semble, à priori, que l’homme ait en lui tous les atouts nécessaires pour diriger brillamment sa vie, et qu’il devrait réussir infiniment mieux qu’il ne le fait. En effet, n’a-t-il pas une écrasante supériorité sur les bêtes, qui, incapables seulement de faire du feu, se tirent cependant joliment bien d’affaire? N’importe. Il a beau se démener : il est freiné par une force antagoniste que le magister pontifiant flétrira du nom de paresse , le turfiste, le fervent de la roulette ou de la dame de pique, de « déveine »; que le philosophe appellera « loi de la mauvaise volonté de la nature »; qui, en Mécanique rationnelle,
sera
1’
« inertie »
;
en
Dynamique,
« le
frottement » .; et en Thermo dynamique, la loi de la « dégradation de l’énergie » Au moment où vous vous y attendez le moins surgit inopinément un obstacle. Vous voilà bêtement astreint à marquer le pas, à danser sur place, à enfoncer les portes ouvertes...
* ** Un instituteur intelligent et laborieux, M. J..., entame la préparation du Certificat d’Aptitude aux Ecoles Normales. Il établit judicieusement ses efforts, entre en correspondance régulière avec un excellent Comité de Correction et se met vigoureusement au travail. « Oh ! oh ! se dit-on, en voilà un qui a envie de « percer ». D’ici deux ans, il sera certainement reçu. Au bout de ce laps de temps, on apprend avec ahurissement que non seulement il n’a pas figuré parmi les 144
lauréats, mais qu’il a abandonné son projet depuis belle lurette. C’est qu’il ne faut pas perdre de vue la sournoise force de résistance de la nature — le diable si l’on veut — qui tend à émousser toutes les résolutions, à les battre en brèche, et, en dernière analyse, à les « saboter ». Des difficultés, soudain, surgissent de toutes parts, comme déclenchées par une offensive préméditée, savamment orchestrée, terriblement coordonnée, et à laquelle ne manque même pas l’initial et foudroyant effet de surprise. Le
maître
contracte
une
maladie.
Le
voilà
contraint
d’interrompre son entraînement durent plusieurs mois. Puis, au moment où il commence, cahin-caha, à récupérer, à reprendre le fil de ses études, sa famille s’accroît d’un enfant. Ce qui, en d’autres circonstances, eût été pour lui une source suprême de joie, lui porte le coup de grâce. La gêne menace de pénétrer dans le foyer... Le voilà obligé de chercher d’urgence une occupation supplémentaire immédiatement lucrative qui, tout en l’exténuant, absorbe la totalité de son temps. Il est définitivement vaincu... Et c’est un drame poignant, ignoré de tous, qui déchire l’âme de cet homme de mérite et de volonté, assistant seul, avec désespoir, au spectacle navrant de sa propre impuissance, empêché par un impérieux devoir de se débattre même entre les griffes de la Destinée! * ** Dans tout budget prudemment équilibré, une somme non négligeable est spécialement consacrée aux dépenses imprévues. De même, une
précaution indispensable, au
moment où l’on suppute les chances de succès d’une entreprise que l’on est bien décidé à mener à son
145
terme,consiste à prévoir des difficultés possibles, et à répartir ses forces en conséquence. S’agit-il, par exemple, de tenter la préparation d’un examen réclamant en moyenne un effort de deux années? Il sera de la plus élémentaire sagesse de prendre ses dispositions pour être en mesure de travailler pendant trois ou quatre ans. On sait fort bien qu’un candidat doit, au moment des épreuves, être, comme on dit, AU-DESSUS du niveau du programme. D’autre part, il devra s’être entraîné à rédiger les devoirs en un temps un peu plus réduit que le temps maximum concédé à l’examen.
* ** Considérons un jeune homme désireux de préparer seul un examen ou un concours, à l’aide de livres.Il se documentera et tâchera d’obtenir les ouvrages qui, avec le minimum de pages et le maximum de clarté (du reste écrits en caractères assez gros pour ne pas fatiguer la vue :TRES IMPORTANT, comme nous l’avons noté au cours de la première partie, chapitre III), ne sont pas trop chers. Généralement, les examens ont lieu dans le courant de juin (certains ont une deuxième session vers le début de l’automne). Donc l’étudiant se dira qu’il a jusqu’à fin mai pour approfondir ses cours. II distribuera son travail de façon que le programme du dernier mois (mai’) se trouve allégé, afin d’avoir la possibilité matérielle, aux approches des épreuves, de faire normalement ses révisions.
146
Ceci posé, il procédera de la manière ci-après, qui est d’une simplicité enfantine (la simplicité est presque toujours ce qu’il y a de mieux) : Il .se dira : le dernier mois, je veux apprendre seulement LA MOITIE de ce que j’étudierai chacun des autres mois. Considérons telle matière de mon programme. Voyons l’ouvrage correspondant, et notons son nombre de pages, 360 par exemple. Depuis la rentrée, 1er octobre, jusqu’à la fin, il y a sept mois PLEINS, plus mai, qui compte pour un DEMImois. Soit donc x pages pour chacun des sept premiers mois, et x / 2 pour le mois de mai. J’écris l’équation suivante: 7x + x / 2 =360, d’où: 14x + x = 720; 15x=720 et, par suite : x =720. = x/2 = 24 15 Cet intellectuel commencera par lire attentivement la TABLE DES MATIERES. Il l’apprendra par coeur, ce qui représentera un plan général cohérent, et fixera dans son cerveau le cadre des parties essentielles du Cours. Puis il étudiera quarantehuit pages chaque mois, ce qui ne fait guère plus qu’une page et demie par jour En mai, il ne lui restera plus à s’assimiler’ que vingt-quatre pages, soit environ six pages par semaine. Bien entendu, il aura à procéder de la sorte pour toutes les matières
du
programme,
et,
de
plus,
il
devra
faire
constamment DES EXERCICES. Pendant le mois de mai (ainsi que durant tout le début de juin), il aura en outre ses révisions. Nous en reparlerons plus en détail dans le dernier chapitre de ce livre.
* **
147
S’agit-il, pour un maître frais émoulu de l’Ecole Normale, de viser au Professorat? Il aura à voir très nettement si, après sa classe quotidienne, il va lui rester assez de temps et de forces pour accomplir un labeur véritablement fructueux, et s’il aura vraiment le courage de poursuivre son travail jusqu’au bout. II n’est pas absolument impossible d’être à un tel Concours au bout d’un an d’efforts soutenus si l’on s’est toujours maintenu dans les premiers à l’Ecole. Mais, pour être tout à fait franc, hâtons-nous d’ajouter que c’est alors un heureux hasard. En réalité, ce laps de temps est foncièrement insuffisant pour que l’esprit ait pu acquérir toute la maturité nécessaire. Il faut deux ans. Comme, entre temps, des obstacles de toutes sortes peuvent, comme on en a vu plus haut un exemple frappant, venir freiner cette activité, le futur candidat, avant de démarrer , doit se dire sans ambages qu’il pourrait bien ne pas aboutir avant trois ans. Cette idée l’effraie-t-elle ? Qu’il renonce tout de suite à son projet, sans la moindre hésitation..: Si, au contraire, elle ne le fait pas reculer, qu’il se lance résolument « dans la bagarre » . Il aura plus de bonnes chances que de mauvaises de l’emporter, tôt ou tard.
* ** Supposons-le décidé. Le programme devant être vu en un an, il répartira son travail de manière à l’avoir parcouru en temps utile pour pouvoir se présenter à la fin de l’année scolaire, sans se repaître, du reste, d’un espoir prématuré. MAIS QU’IL SE PRESENTE. Cette épreuve lui sera extrêmement utile: elle constituera une sanction palpable de ses études et un excellent entraînement
148
pour l’examen de l’année suivante. Cet entraînement sera une force latente qui lui évitera des difficultés matérielles, des pertes de temps, des tâtonnements, à une époque ultérieure où le succès pourra être escompté avec des chances sérieuses. Enfin, il prendra connaissance des notes qu’il a obtenues, se rendra compte de son niveau, de ses points faibles. Il aura rencontré des collègues, candidats comme lui; on aura échangé des idées, causé des astuces du Concours. Du reste, vis à-vis du monde extérieur, il sera désormais « CELUI QUI S’EST PRESENTE AU PROFESSORAT ». Cela lui vaudra un surcroît de considération, d’abord de la part de son propre Inspecteur, ce qui, en tout état de cause, sera loin de nuire à son avancement. Il pourra profiter du fait pour demander à être délégué dans un Cours Complémentaire, ce qui lui sera probablement accordé, surtout s’il a frisé la moyenne. Son amour-propre sera agréablement chatouillé. Tout cela contribuera à aiguillonner son ardeur, et ce stimulant lui sera très salutaire. * ** Existe-t-il deux examens ayant à peu près le même programme ? Le candidat ne devra jamais négliger de se présenter aux deux chaque année. (Par exemple, s’il prépare le Professorat de Sciences, qui l’empêche de subir aussi les épreuves du Professorat Industriel ?) Le premier sera un tremplin
pour
le
second
(à
condition
de
tenir
bon
physiquement, ce qui aura lieu s’il a lu la première partie de ce livre), et cela accroîtra déjà les chances pour ce dernier. Enfin, en se basant sur les lois du Calcul des Probabilités, on voit
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que le candidat à deux compétitions est mieux placé pour être admis — ou tout au moins admissible — à l’un d’eux, que s’il se bornait. à en affronter un seul. Par ailleurs, il n’est nullement impossible de tomber sur un sujet que l’on possède d’une façon particulièrement satisfaisante, et bien souvent une seule épreuve excellente suffit à entraîner le succès.
Pendant l’année scolaire 1910-1911, l’un de nos cousins, instituteur à ‘Chàteauneuf-du-Rhône, entreprit la préparation du Professorat scientifique des Ecoles Normales. Les soins réclamés par une classe très nombreuse et par la préparation du Certificat d’Aptitude Pédagogique, qu’il obtint en février 1911, ne lui permettaient pas de consacrer chaque jour plus d’une heure et demie à ses études. Pour le principe, il décida de se présenter à la fois au Professorat et au Concours d’entrée à l’Ecole Normale Supérieure de Saint Cloud, ces deux examens étant distincts à cette époque. Au premier en date (Saint-Cloud), il ne brilla en aucune façon, et faillit même se faire expulser par le surveillant, parce que sa table de logarithmes à cinq décimales (Dupuis) contenait à la fin quelques formules. Ses épreuves du Professorat, subies une semaine plus tard, furent moins décevantes, puisque, en dépit de conditions de travail ridiculement défavorables, il obtint è l’écrit 73,5 points, alors que le minimum pour l’admissibilité était de 76. Trois mois plus tard, sa demande d’avancement était agréée, et il se voyait délégué comme Professeur à l’Ecole Primaire Supérieure d’Aix- les-Bains, avec une situation magnifique !
* **
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Plusieurs de nos disciples de la classe de Mathématiques Supérieures se présentent à la fois à l’Ecole Centrale, à 1’Ecole Navale et à 1’Ecole de l’Air. Nous avons souvenir de l’un de nos anciens élèves, M. Claverie, qui concourut, le même été, à 1’EcoIe Centrale, à l’Ecole des Mines, à 1’Ecole Polytechnique et à l’Ecole Normale Supérieure. Il fut reçu partout dans des rangs fort honorables, sauf à la rue d’Ulm, et opta pour 1’X, où il arrivait dans les six premiers.
* ** Une fois décidé à préparer un examen, on entrera en relations avec un Comité de Correction réputé. Outre les précieux conseils qu’on en recevra, le fait de se sentir suivi et encouragé par des maîtres éminents et expérimentés est un puissant stimulant qui chassera bien vite toute velléité de découragement. Ce point acquis, on répartira soigneusement l’étude des différentes matières, de façon à avoir « avalé » l’ensemble du programme — ou à peu près — vers les vacances de Pâques. On se réservera ainsi deux mois pour l’entraînement intensif : celui-ci consistant à traiter des sujets d’écrit, non plus par efforts partiels, saccadés, d’une durée de trente à soixante minutes, mais d’un seul jet, en s’habituant à développer chaque question dans le temps maximum fixé à l’examen, et même, vers la fin, en ce laps de temps diminué d’une vingtaine de minutes. Cet entraînement comportera également la révision des divers cours. Renoncez presque complètement, durant cette dernière période, à acquérir toute nouvelle connaissance: cela réclamerait, en effet, un effort d’assimilation considérable, et une énorme somme d’énergie. De même que le pouvoir
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dissolvant de l’eau saturée de sels est pratiquement nul, il devient à peu près impossible, à cette époque-là, de faire pénétrer quoi que ce soit d’original dans un cerveau où tant choses ont déjà été accumulées. Aussi consacrera t-on toutes ses forces à des besognes plus matérielles d’organisation, afin d’utiliser de la façon la plus efficace le savoir que l’on s’est déjà infusé.
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CHAPITRE II
Préparation des différentes matières
Comment se comporter en face d’un problème ? On copiera soigneusement l’ENONCÉ, en ayant soin de souligner les mots importants. (Cette pratique, du reste, est utile pour tout texte de n’importe quelle branche du savoir). On pourra ainsi mieux saisir le SENS de ce qui est réellement demandé. Que de fois UN SEUL MOT, bien compris, n’a-t-il pas dévoilé le mot de l’énigme Puis on se mettra à « battre les buissons »... N’avez-vous rien découvert au bout d’une heure ? Ne vous obstinez pas. Ne vous énervez pas. Ne vous affolez pas. Ne jetez pas le manche après la cognée. Passez à une occupation différente. Vous reviendrez au problème un peu plus tard.
* ** Trouver une solution est une DECOUVERTE. Ni plus ni moins. Que de fois le résultat ne se fait-il pas attendre ! Les yeux rivés sur l’énoncé fatidique, l’esprit tendu, on marque le pas. Et cette feuille trop blanche, là, fascinante, hallucinante... Rien...
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Soudain jaillit l’étincelle d’une idée. Ah !enfin sur la bonne voie... Fausse joie, hélas ! Un bref examen a suffi à faire éclater ce concept prometteur comme une bulle de savon. C’est cet
instant que guette le
découragement, prêt à fondre sur vous. TENEZ BON : la trouvaille n’est pas loin... Il est utile, en effet, de connaître les signes précurseurs de la DECOUVERTE
:
épreuve
troublante...
angoissante...
bouleversante par laquelle — depuis Hippocrate jusqu’à Einstein, en passant par Pasteur et Graham Bell — sont passés tous les fureteurs, tous les savants. Vous SENTEZ quand vous êtes sur le point de capter un résultat. Ce sont, après l’essaim bourdonnant des tâtonnements infructueux, des trouvailles partielles tissues de gaucherie, bourrées de coquilles , criblées de fautes, — minerai précieux se dérobant au sein d’un enduit terreux — des grincements de dents face aux erreurs, produit de tant d’efforts, qui viennent vous narguer: taquineries, brimades féroces de la destinée dont la malice veut vous faire payer cher ce que vous venez lui arracher. Puis, au bout d’un temps suffisant (il faut que le TEMPS vous apporte son inestimable concours), dans le chaos des idées obscures, surgit, rayon fulgurant, la découverte dans toute sa splendeur !
* ** En général, la première solution trouvée est compliquée. Exercice à recommander: en obtenir d’autres, — chose maintenant infiniment plus aisée et plus rapide, puisqu’on connaît le résultat — parmi lesquelles on fera choix de la plus simple et de la plus élégante. CE SERA TOUJOURS LA PLUS COURTE. On
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la rédigera séance tenante. Dès le début, il faudra s’accoutumer à produire une rédaction aussi nette, aussi détaillée et aussi rapide que le jour J. Cet entraînement évitera, au moment décisif, une perte de temps irréparable. Est-on en présence d’un calcul ? Il conviendra de s’astreindre à effectuer toutes les opérations sur la feuille de brouillon, posément, avec beaucoup d’attention, à bien former les chiffres, à rédiger clairement, dans le grand détail, toutes les transformations effectuées. Non seulement on se garantit ainsi contre les risques d’erreurs, mais on sera certain de pouvoir se relire sans effort. A-t-on laissé des fautes ? Les recherches destinées à les dépister se trouveront amplement facilitées. C’est ici qu’apparaît, dans tout son éclat, le triomphe de l’ORDRE et de la METHODE. Laissez donc les fantaisistes, trop souvent inaptes à toute tâche sérieuse, les émasculés de l’intelligence, se gargariser de formules sentant le paradoxe d’une lieue, et dont ils ne saisissent même pas toujours le sens réel : « Souvent un beau désordre est un effet de l’art », ou « L’ordre est la qualité de ceux qui n’en ont pas... »
* ** Indépendamment
des
problèmes
que
l’on
rédige
complètement, il faut en attaquer un très grand nombre d’autres, à abandonner sitôt obtenue une méthode de résolution. Il serait puéril de se repaître d’illusions. Au fond, le jour de l’examen, on ne traitera correctement une question que, si, de façon plus ou moins déguisée, elle présente quelque analogie avec une autre déjà creusée. Sans s’en rendre compte, on est alors épaulé par des souvenirs inconscients,
des
réminiscences.
Un
sujet
entièrement
différent de tous ceux que l’on a passés au crible de l’analyse, ne peut être maîtrisé, en un temps limité, dans l’atmosphère
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fiévreuse d’un examen, quels que soient le sang froid et l’esprit de méthode du candidat, serait-il un Newton, un Pascal ou un Poincaré.
* ** Comment aborder une étude exigeant une forte dose de mémoire, celle d’une leçon de sciences par exemple ? Nous proposons la marche sui vante : Parcourez d’abord d’un coup d’oeil le chapitre à assimiler. Dégagez-en l’idée directrice. Ensuite
attachez-vous à en
saisir les idées secondaires. Vous allez pouvoir ainsi rédiger un plan sommaire.Revenez maintenant à la lecture — mais cette fois très détaillée — des divers points. Vous viserez à pénétrer le SENS de chaque phrase, de la manière la plus concrète, sans accorder la moindre attention aux mots n’ajoutant rien è l’idée exprimée. L’exposé comporte-t-il des dessins ? Exécutez- les clairement, et avec la plus grande simplicité. Avez-vous à représenter une expérience où figure un vase contenant de l’eau? Marquez seulement le niveau du liquide d’un trait horizontal, sans gaspiller votre temps à hachurer toute la partie liquide, comme si cette eau grouillait de poissons... Ayant sérieusement médité sur l’ensemble, livrez-vous à une troisième lecture, à laquelle, cette fois, vous appliquerez toutes les ressources de votre esprit. Cela vous permettra de compléter le plan primitif par divers détails. Utilisez les lois psychologiques de la mémoire en visant à faire intervenir les souvenirs visuel, auditif, moteur et graphique. Non seulement vous lirez avec attention, en regardant bien les mots, mais vous vous évertuerez à voir par l’imagination ce
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dont il est question. Vous prononcerez les phrases à haute voix, en vous écoutant parler, en articulant avec énergie, de manière à vous obliger à faire des efforts, à des mouvements bien accusés des lèvres et de la gorge. Vous écrirez les mots difficiles à retenir, et, si la lecture se révèle ardue, vous vous astreindrez à écrire un résumé sur une feuille. On peut faire avec intérêt l’expérience suivante, soulignant de façon saisissante l’importance du souvenir graphique. Un jour de fatigue, où l’étude me paraît impossible, je prends mon stylo et me mets à copier flegmatiquement la leçon en essayant, mais sans le moindre effort, d’en comprendre à peu près le sens. Je ne tarderai pas à me rendre compte que je réussis à m’assimiler l’essentiel.
* ** Une étude conduite d’après les indications ci- dessus offre déjà les plus sérieuses chances d’être fructueuse. Elle demeurerait toutefois un peu servile si l’on s’en tenait là. Au lieu de vous contenter de « bachoter » platement votre examen, visez à le dominer, à voir les choses de plus haut, en prenant hardiment l’initiative de rechercher l’utilité de ce que vous venez d’apprendre, d’un point de vue froidement objectif, avec une curiosité désintéressée, et même un esprit critique quelque peu incisif. S’agit-il d’un corps étudié en chimie ? Demandez-vous donc si ses usages ne peuvent s’expliquer d’après ses propriétés physiques et chimiques. Evertuez-vous à justifier de la même façon les procédés industriels employés pour sa préparation; ne manquez pas d’en souligner l’intérêt pratique, et les inconvénients.
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Etant donné le fait le plus simple, le phénomène en apparence le plus insignifiant, vous vous appliquerez systématiquement à en rechercher les causes, qui se trouvent être des LOIS très précises. Ces lois se logeront ainsi très élégamment dans votre esprit, et sans peine. Pourquoi les couleurs chatoyantes de l’arc-en-ciel se jouent- elles à travers l’infime épaisseur de la gracieuse bulle de savon ? L’explication en est dans la théorie
déjà
hypochlorites
savante
des
interférences.
jouissent-ils
Pourquoi
d’énergiques
les
propriétés
désinfectantes ? Parce que ces composés instables vont abandonner des masses d’un oxygène qui, se trouvant à I’ETAT NAISSANT, brûlera les corps suspects avec une énergie décuplée; parce que le chlore libéré va capter irrésistiblement l’hydrogène de ces substances putrides, qui seront ainsi décomposées, faisant place à des corps complètement inoffensifs.
** En dehors de l’avantage qu’elles présentent de fixer irrévocablement dans la mémoire — et de façon si vivante — la substance de la leçon, ces questions d’intelligence, de jugement,
de bon sens contribueront puissamment au
développement de notre personnalité, nous doteront, en un temps
record,
d’une
remarquable
maturité,
et
nous
permettront de posséder le sujet absolu ment A FOND.
* ** Après avoir étudié une leçon, on fixera sur un carnet spécial, en quelques lignes, le point saillant. Ainsi, pour les mathématiques, on écrira sur un carnet les énoncés de tous les théorèmes appris le jour même; sur un autre, on fera 158
figurer les formules du chapitre que l’on vient d’apprendre. De même, l’étude de toute leçon de sciences sera sanctionnée par l’établissement d’un plan détaillé sur un bloc-notes distinct. Bien entendu, les différentes branches du programme : physique, chimie, botanique, géologie, physiologie, anatomie, etc., seront nettement séparées. Chaque jour, on consacrera quelques minutes à parcourir en un temps-éclair, sans le moindre effort de mémoire, ces formules, ces énoncés de théorèmes, ces plans. Dans la dernière phase de la préparation on intensifiera cette lecture, et l’on arrivera sans peine, le jour de la redoutable échéance, à posséder complètement le contenu de ces cahiers lilliputiens.
* ** Nous réussîmes, par l’emploi strict de cette fructueuse pratique effectuée pendant les vacances, — avec le secours des notes d’un camarade à obtenir, avec mention assez bien le Certificat d’Etudes Supérieures d’Astronomie à la Faculté des Sciences de Montpellier, en novembre 1914, sans avoir suivi aucun cours durant l’année scolaire . Or nous sommes affligé d’une mémoire très ingrate .Nul doute, cependant, que l’étude du domaine de la déesse Uranie ne soit hérissée de formules multiples, fort longues, très compliquées, bien difficiles à retenir...
* ** Chaque fois que vous lisez un ouvrage, en français ou dans une langue étrangère, arrêtez vous pour noter les mots difficiles, au double point de vue du sens et de l’orthographe — les images, les jolies pensées, les tournures inattendues ce
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sera là un travail fécond, qui accroîtra votre érudition dans des proportions insoupçonnées.
* ** Procurez-vous, pour chaque matière, une liste de sujets proposés antérieurement aux examens ou aux Concours que vous préparez ; gardez- vous d’acquérir les CORRIGES. Lire un corrigé est la pire chose que l’on puisse faire. D’abord, quand vous vous colletez avec une question, si vous SAVEZ que le corrigé est LA, chez vous, devant vous, à portée de votre main, vous serez paralysé par cette idée. Cette obsession sera un poison constant pour votre intellect. Vous ne pourrez pas travailler sérieusement. A la première difficulté, vous serez poussé par une curiosité irrésistible.... Cette pratique est la plus néfaste qui soit. Jour après jour, elle vous enlisera dans une incurable paresse d’esprit, et détruira toute initiative, toute personnalité. Savezvous ce qu’elle fera de vous? Un ROBOT. Ayant lu le corrigé, vous allez, bien entendu, l’apprendre par coeur, en perroquet, sans même être capable de le disséquer, et d’en discerner la valeur réelle. Vous deviendrez un esprit servile, un copiste, apte tout au plus à vous gargariser, avec une fatuité égale au vide de votre pensée, de l’expression consacrée: « Master dixit ». En un sens, vous deviendrez le cousin de l’autruche, qui met sa tête dans le sable pour ne pas voir le lion terrifiant. Ce qui vous terrorise, vous, c’est la DIFFICULTE, et la solution toute faite dans laquelle vous vous réfugiez vous la masque perfidement.
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Enfin, — et cela est encore plus grave — la comparaison entre le développement modèle et ce que vous vous sentez capable de produire PAR VOUS-MEME va infailliblement vous plonger dans le découragement par la perfection de la solution-type. Vous vous jugerez à jamais inapte à en faire autant. Vous déchirerez peut-être vos cahiers et les piétinerez, comme le débutant en violon, après l’audition d’un virtuose, brise
son
archet
de
rage.
Vous
aurez
perdu,
avec
l’enthousiasme, tout ressort, toute imagination créatrice, toute faculté de découverte PAR VOS PROPRES MOYENS.
* ** Bien entendu ne rédigez pas toutes les questions abordées ; vous cherchez les idées, les ordonnez, et bâtissez un plan. Exercice rapide et fort salutaire. En Mathématiques et en Physique, votre manuel contient généralement, à la fin de chaque chapitre, un certain nombre de problèmes, le plus souvent intelligemment gradués. Cela, du reste, n’est pas un critérium très sûr. Vous allez trouver très méchantes telles questions parmi les premières, alors que vous réussirez du premier coup une autre application placée tout à la fin. Voici comment vous allez manoeuvrer. Essayez de faire tous ces exercices. Dès que vous tenez la clef de l’un d’eux, marquez-le au crayon d’une croix de SaintAndré, et réjouissez- vous comme d’une victoire. Puis passez au suivant. Tombez-vous « sur un bec » ? Ne vous découragez pas. « Encaissez » avec le sourire. Et surtout, résistez à la tentation de demander des « tuyaux » à l’extérieur. Au contraire, attendez patiemment d’être devenu assez ferré pour trouver VOUS-MEME, en vous souvenant de la règle fondamentale suivante : Tout résultat qui nous est
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apporté PAR VOIE ETRANGERE ne nous fait faire à peu près AUCUN PROGRÈS; et, trop souvent, il paralyse nos moyens de recherche; tout résultat que nous trouvons NOUS- MÊME lentement et avec effort, nous fait réaliser UN TRES GRAND PROGRES Donc, plantez là le problème récalcitrant, et attaquez celui qui vient sur votre bouquin immédiatement après. Et ainsi de suite, en continuant à jalonner tout ce qui a succombé à vos coups de croix, qui signaleront vos triomphes comme autant d’étendards. Arrivé à la fin du volume, vous compterez vos victimes, et reprendrez l’offensive vis-à-vis des questions rebelles. Vous constaterez alors, avec une joyeuse surprise, de nouvelles — et dès lors combien appréciées —victoires sur ces problèmes naguère insolubles ! * ** Prenez une partie quelconque du programme de votre examen. Le nombre de difficultés rencontrées est bien moins grand que vous ne l ‘imaginez. A quoi se résume, en somme, l’algèbre de la première partie du Baccalauréat, série Moderne, par exemple ? A savoir résoudre une équation du second degré, numérique ou littérale ; à reconnaître si elle a des racines ; à savoir ranger ces racines par rapport à un ou deux nombres donnés; à discuter des problèmes qui se ramènent à une équation du second degré, donc à savoir résoudre des inéquations ou des systèmes d’inéquations; à pouvoir mettre un trinôme ou une fonction homographique sous une forme permettant de discerner immédiatement le sens de variation. Y a-t-il là de quoi se noyer dans un verre d’eau ?
* **
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En Géométrie, vous avez des calculs d’application de théorèmes classiques; puis, il est vrai, à trouver la réponse à des énigmes à bon droit redoutées : recherche de LIEUX GEOMETRIQUES, et d’ENVELOPPES. Il y a encore des questions qui vous semblent enfantines, et dignes tout au plus de l’attention d’élèves de Sixième, mais qui, en fait, se révèlent
plus
ardues
que
les
précédentes
:
les
CONSTRUCTIONS. Pour dompter ces monstres que sont les LIEUX, prenez bien garde, Messieurs les débutants, qu’un LIEU n’est pas un lieu, de même que, dans la savoureuse comédie : un Client sérieux , de Courteline, le PARQUET n’est pas le parquet; de même qu’en anglais, le mot « presently » ne
signifie pas « à
présent »… Non ! En géométrie, un lieu n’est pas un endroit, un point. Dans le plan, un LIEU est une ligne, droite ou courbe. Pour le trouver, vous vous direz d’abord que tout serait bien plus commode si ce qui se produit pour la démonstration d’un théorème ; vous aperceviez au loin, tel un phare, le BUT à atteindre; si vous saviez quelle est la NATURE du lieu : droite, par exemple. Ayant trouvé cela, vous vous sentiriez encore plus avancé si vous saviez quelle est CETTE DROITE. Pour le premier objet, vous allez chercher le nombre de points du lieu qui sont sur une droite D. Ce nombre est-il égal à DEUX? Le lieu est du second degré : donc une CONIQUE. Celle-ci a-t-elle deux points distincts à l’infini ? Hyperbole. En a-t-elle un seul ? Parabole. N’en a-t-elle pas? Ce sera une conique FERMEE: ellipse, ou, comme cas particulier, cercle. La droite D ne contient-elle qu’un point du lieu? Ce lieu est du premier degré : c’est une droite. Soit, par exemple, à détecter le lieu géométrique des points du plan également distants de deux points donnés A, B. Vous
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voyez tout de suite que la droite AB ne porte qu’un point de ce lieu : le milieu de AB. Donc le lieu est du PREMIER degré. Par suite, c’est UNE DROITE. Comme par symétrie, il n’y a aucune raison pour que cette droite soit plus rapprochée de A que de B, ou vice versa, vous pourriez presque parier que le lieu va être la médiatrice de AH. Il ne vous reste plus qu’à essayer de le démontrer rigoureusement. Autre point important: quand vous avez trouvé la LIGNE sur laquelle est le point mobile dont vous voulez obtenir le lieu, il faut voir si TOUTE la ligne convient; sinon, limiter le lieu, comme on dit. Autrement, vous n’auriez traité que a moitié de la question. Enfin, grosse gaffe à éviter soigneusement ne jamais donner comme LIEU une ligne qui ne serait PAS FIXE.
* ** Un lieu de la géométrie dans l’espace est plus difficile à trouver : ce peut être, en effet, une LIGNE, mais aussi une SURFACE. Un point M de l’espace qui est libre a TROIS degrés de liberté. Lui impose-t-on UNE condition ? Il en perd un : il ne lui en reste plus que DEUX. II décrit alors une SURFACE. On dit qu’il se meut sur son lieu avec deux degrés de liberté. L’astreint-on à DEUX conditions ? Il perd DEUX degrés de liberté; il ne lui en reste qu’UN. Le lieu n’est plus qu’une ligne, qu’on peut, d’ailleurs, définir comme intersection de deux sur faces. Considérons, par exemple, le lieu du point M assujetti à demeurer à une distance donnée, h, d’un point donné O. D’après l’énoncé, il n’est soumis qu UNE condition. Donc, à priori, le lieu est une surface. C’est la surface sphérique de
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centre O, et de rayon h. Cette sphère est bien FIXE, car son centre O est FIXE, et son rayon h demeure CONSTANT. Au contraire, le LIEU du point M situé à égale distance de trois points non en ligne droite est une LIGNE, car il y a ici DEUX conditions. Cette ligne est une DROITE : la perpendiculaire menée au plan que forment ces trois points par le centre du cercle circonscrit au triangle qu’ils déterminent (qui est, comme on sait, le point de concours des médiatrices de ce triangle). Pour faire la chasse au lieu d’un point M, la méthode générale consiste à joindre ce point M aux points FIXES de la figure, et à étudier la configuration ainsi obtenue. Quant à la question des ENVELOPPES, encore plus... effrayante que celle des LIEUX, nous avons démontré qu’on peut la ramener à la recherche d’un lieu . Les CONSTRUCTIONS sont plus ardues que les questions de LIEUX. En effet, pour CONS TRUIRE un point, il faut d’abord déterminer DEUX LIEUX sur lesquels il se trouve. Ensuite, on doit discuter le nombre de points de rencontre de ces deux lieux, et c’est fréquemment FORT DELICAT .
* ** Une forte proportion d’étudiants redoutent d’aborder l’étude de la géométrie à TROIS dimensions, parce qu’ils ne voient pas dans l’espace. En ce cas, ils doivent faire appel à leurs talents de dessinateurs, comme nous l’avons déjà noté dans la deuxième partie, à la fin du chapitre III, et représenter les figures des objets matériels à formes régulières avec un peu de perspective et de relief..Ils seront également bien inspirés en se procurant le très curieux petit livre d’ANAGLYPHES de la Librairie VUIBERT, où, à l’aide de lunettes bicolores
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annexées au volume, vous voyez soudainement se dresser devant vous, avec un relief aussi impressionnant qu’inattendu, de multiples figures géométriques cubes, dièdres, pyramides, cristaux polyédriques, etc.
* ** En Mathématiques Supérieures et en Spéciales on vous apprend, grâce à des méthodes ad hoc dignes du reste, d’admiration, le secret d’obtenir, d’un tour de main de prestidigitateur, sans grand effort ni mérite, enveloppes et lieux les plus compliqués, en triturant convenablement quelques équations. Venez-vous ainsi de capter, par cette voie analytique, l’une de ces lignes ou surfaces ? Essayez de la retrouver ensuite PAR LA GEOMETRIE PURE. Vous y parviendrez quelquefois, pas toujours, par exemple : ne vous faites aucune illusion à cet égard et même très vite. Le succès sera facilité par le fait qu’après la solution de « taupe » vous avez déjà la connaissance précise de la figure. Outre qu’elle sert de vérification, cette méthode.., élémentaire mettra brillamment en vedette vos facultés, et, si vous l’annexe à la première, à titre de remarque incidente, elle sera TRES APPRECIEE DANS UN CONCOURS.
* ** Dans les compétitions de niveau moyen, il y a en mathématiques une question de cours et un problème, Il est bon de s’exercer à traiter sommairement un grand nombre de questions de cours, et d’en conserver le plan détaillé. Quant au problème, il faut le recopier, à moins qu’on ne l’ait compris tout d’abord. Encore faut-il se défier des « clés trop
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vite obtenues ». Souligner les mots importants, et lire l’énoncé avec attention jusqu’au bout. Nous répétons avec intention : JUSQU’AU BOUT! En effet, il arrive souvent que la méthodes pour telle ou telle partie du problème ou même pour le problème tout entier, soit indiquée d’un mot, ou en une ligne, tout à la fin, sous forme de N.B. C’est justement ce qui se présenta à l’épreuve de Mathématiques Spéciales de l’Agrégation en 1921 (Concours normal, car il existait une Compétition séparée, avec sujets différents, pour les candidats ayant pris part à la guerre de 1914-18). La première page de l’énoncé était pleine. La presque totalité des candidats, paralysés dès le début par l’extraordinaire difficulté du « démarrage » , eurent d’emblée d’autres chiens à fouetter que de s’amuser à tourner la feuille. Ils se seraient crus « cinglés » en songeant à s’occuper de la fin avant d’avoir déblayé le reste, au préalable... Ensuite de quoi, ils remirent une feuille blanche. Or, au verso se trouvait, en un bénin N.B., la suggestion d’un certain choix pour l’inconnue. Avec ce départ, la solution était de difficulté moyenne; autrement, elle s’avérait absolument inabordable ! Se dire que tout problème, en général, procède d’une idée directrice. S’efforcer de la saisir, en essayant de se mettre à la place de celui qui l’a composé, et de voir ce qu’il avait dans les méninges, un peu comme la journaliste Madame Geneviève Tabouis qui, au dire d’Hitler lui- même, savait mieux que celui-ci ce qui se passait dans le cerveau du Führer... Ne pas oublier que, le plus souvent, chaque sous-question aide à la résolution de la suivante. Il arrive, bien entendu, que certaines parties soient indépendantes des autres; mais, dans ce cas, l’énoncé LE DIT. Donc, en pratique, retenir ceci : toutes les fois que le texte ne fera aucune remarque de cette 167
nature, c’est-à-dire dans l’immense majorité des cas — s’appliquer à résoudre d’abord la première question, puis voir le lien qu’elle peut avoir avec la seconde, et ainsi de suite.
* ** Les observations précédentes
sont aussi valables en
Physique. Pour cette branche de la science, étudier avec bon sens, en faisant preuve d’une grande finesse d’observation, et d’un raisonnement impeccable. Reprendre soi-même TOUS les calculs de la leçon. Il y a plusieurs choses avec lesquelles il importe ici de se familiariser dès le début, et qui, du reste, s’apparentent aux Mathématiques, cousines germaines des Sciences Physiques. D’abord, les exposants NEGATIFS, et jusqu’aux exposants FRACTIONNAIRES. Il est essentiel de savoir jongler avec les puissances positives et négatives de DIX. C’est qu’en Physique se produisent des phénomènes d’une durée infinitésimale; d’autre part, on y rencontre à chaque pas des unités si minuscules que leur mesure s’exprime par des nombres astronomiques. Or il est commode d’écrire un nombre très grand comme le produit d’une puissance positive de 10 par un nombre compris entre UN et DIX, c’est-à-dire par un nombre décimal dont la partie entière n’à qu’UN CHIFFRE. Observation analogue s’il s’agit d’exprimer un nombre extrêmement rapproché de ZERO : ce sera le produit d’un nombre décimal compris entre 1 et 10 par une puissance NEGATIVE de 10.
* **
168
Dès le début, vous dresserez, une fois pour toutes, le tableau complet des unités dans chacun des systèmes, vous astreignant à le revoir tous les jours. Ainsi finirez-vous par le savoir, sans embrouiller toutes choses. Vous ne confondrez jamais unité de TRAVAIL et unité de PUISSANCE, ni unité de VITESSE et unité d’ACCELERATION. Faites très fréquemment des exercices de correspondance d’unités,
afin
d’arriver
à
jongler
avec
ce
genre
de
transformations, évitant ainsi des erreurs qui conduiraient à des résultats non seulement erronés, mais, le plus souvent, absolument invraisemblables, comme on l’a vu au chapitre V de la deuxième partie. En Optique, ayez une liste de toutes les formules, dont plusieurs, au désespoir et au grand dam du candidat, se ressemblent plus que des jumeaux. D’autre part, familiarisezvous
avec
les
nombres
ALGEBRIQUES
dans
leurs
applications. C’est presque toujours à ces questions perfides de SIGNES que l’examinateur « attend » le candidat... Et que de fois, en Electricité, les données d’un problème se présentent traîtreusement en unités qui ne se correspondent pas ! Ainsi, une longueur sera exprimée en mètres, une largeur en décimètres, une aire en centimètres carrés, et une épaisseur en MICRONS. A ce sujet, tout sera facilité si l’on observe que l’unité précédée du préfixe « micro » est une unité secondaire qui vaut le millionième de l’unité principale, Ou, ce qui est plus concis, qui est le produit de l’unité par 10 . De même, le préfixe méga multiplie l’unité par un million, c’est-à-dire par 10.
* ** Les problèmes numériques de Physique conduisent souvent à la discussion d’une équation du second degré avec un 169
paramètre h. D’après la nature de la question, il arrive que l’une des deux racines ne convienne pas. Ainsi, une racine NEGATIVE peut être tout à fait impropre, ou, au contraire, avoir une signification spéciale et acceptable pour un problème très peu différent. Il faut se rendre compte de tout cela, et le noter, à titre de remarque. Une différence entre la Physique et les Mathématiques est qu’en Physique, on peut parfois supprimer un terme très petit sans changer sensiblement le résultat. L’éviction de ce terme, dans bien des cas, simplifiera considérablement la question. Enfin, il faut savoir trouver un résultat avec une approximation supérieure à une limite donnée, de façon que l’erreur commise dans les calculs ne dépasse pas l’ordre de grandeur des erreurs
expérimentales.
Et,
souvent
même,
dans
les
manipulations, on va vous demander de cal culer une erreur qui soit la résultante des erreurs expérimentales commises dans chaque phase d l’expérience.
** L’étude de la Chimie a un abord un peu rébarbatif, surtout si l’on n’a pas très bonne mémoire. On aura fait un tableau des poids atomiques et des valences des corps les plus usuels. On reverra très fréquemment ce tableau. On s’appliquera à écrire des équations chimiques exactes, avec le même nombre d’atomes de chaque côté du signe =. On écrira des formules brutes, puis développées, puis on les récrira, et, chaque jour, on les repassera. On soulagera la mémoire, lors de l’étude d’un corps, en le confrontant avec tel autre qui offre avec lui soit des analogies, soit, au contraire, des contrastes frappants. Enfin, on galvanisera l’intérêt porté à cette science en admirant les résultats foudroyants qu’elle vient d’obtenir dans le domaine atomique, résultats qui, plus encore peut-être que la 170
découverte du feu, ont fait entrer l’humanité dans une ère révolutionnaire : l’ERE ATOMIQUE !
* ** En Botanique et en Zoologie, on s’aidera puissamment avec des tableaux de classification et des dessins simples, voire schématiques, mais précis, exécutés d’un trait hardi et sûr. On comparera les tissus végétaux et les tissus animaux, la cellule végétale à la cellule animale. On départagera les microbes qui sont des végétaux, et ceux qui sont des animaux. En Anatomie,
on se révélera bon
dessinateur et au P.C.B., où il faut faire des dissections, on aura la main habile. En on fera appel à sa mémoire.
* ** En Français (aussi bien qu’en langues, vivantes ou non), visez à étendre votre vocabulaire, faites des phrases courtes, correctes et élégantes. Comment vous y prendre pour travailler fructueusement une dissertation ? D’abord, lisez le sujet. Puis écrivez-le, en soulignant de DEUX traits les mots essentiels, d’un trait d’autres encore importants. Cherchez la définition PRECISE de ces vocables, qui vous dévoilera presque toujours, dès le début, le sens dans lequel il convient de « creuser ». Une foule de termes nous sont familiers; nous croyons les connaître ; nous nous figurons les posséder... Voire... Ouvrons seulement notre Littré, ou même notre petit Larousse nous nous apercevrons avec stupéfaction que ces mots sont des Hydres de Lerne, des fantômes à plu sieurs masques, qui
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jusqu’ici nous étaient tous inconnus, sauf un... ou nous n’avions pas su discerner telle nuance, ou le vocable a plusieurs significations; et, dans le travail qui nous occupe, c’est trop souvent la moins usitée qui est la bonne !
* ** Maintenant, attention à ne pas sortir du sujet... Gare à la fugue! Ne tentez pas de prendre la tangente, de vouloir à tout prix ramener la composition à une question classique de cours, ou à quelque chose de particulièrement connu de vous. N’alignez pas des remarques disparates, incohérentes, jetées à la diable. Efforcez-vous de définir le PROBLEME que pose toute tâche de cette nature. Songez au PLAN qui fournira le moyen d’examiner les principaux aspects de ce devoir. Ce premier stade de REFLEXION doit se soucier avant tout de la PRECISION. Ingéniez- vous à détecter ce que vous cherchez aussi nettement que si vous étiez en présence d’un.., rébus de mathématiques ou de physique. Dites-vous ensuite que la question cache certainement une difficulté (plus un sujet semble facile, plus il y a de chances qu’il comporte quelque traquenard soigneusement camouflé). Venez-vous enfin de vous heurter à des vérités qui paraissent se contredire mutuellement ? Gardez- vous de vous effrayer, et surtout de vous décourager. Au contraire : arrêtez-vous et battez les buissons : LE PROBLEME EST LA. Dès que vous aurez déniché des points de tension, amorcé un conflit de points de vue, reflet de la tempête en miniature qui sévit sous votre crâne, comme sous celui de Jean Valjean dans les Misérables, — votre travail sortira de l’ornière, des
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sentiers battus, de la banalité.Il arrêtera l’attention, puis deviendra captivant. C’est ici qu’il va maintenant falloir entamer un « boulot » d’un autre genre: vous documenter, accumuler des matériaux, tout comme le maçon qui se prépare à bâtir. Faites flèche de tout bois : lectures, leçons retenues, expérience aventures personnelles.
Ces
dernières
sont
tout
particulièrement
précieuses. Comme vous les avez senties, vécues, ce sont celles que vous aurez le plus de chances d’avoir assimilées. Accueillez généreusement au début toutes les idées, bonnes ou mauvaises, sans freiner le jeu spontané de vos neurones par le souci d’un tri,
discipline prématurée qui tarirait leur
fécondité. Puis revenez à la précision en les passant au crible. Ecartez dès lors sans pitié celles qui divaguent, débordent le sujet. Ensuite, classez les autres et emprisonnez-les dans un plan définitif. Votre rédaction devra débuter par une INTRODUCTION, qui pose simplement et brièvement le problème. Surtout, pas de verbiage, pas de généralités inutiles et creuses, qui sentent leur préciosité d’une lieue, comme celle que nous trouvâmes un jour dans la solution d’un.., problème de mathématiques : « Ayant parachevé ma solution, je procède à la vérification. Ce sera profitable, et pour l’élève, et pour le professeur... » Ne « phrasez » pas. Renoncez, une fois pour toutes, à l’éloquence facile et banale de M. Nègre, dans Messieurs les Ronds-de-Cuir, de Courteline. Faites vos paragraphes assez longs (de 15 à 25 lignes). Dans chacun d’eux, exposez une idée maîtresse (que vous puissiez résumer en une phrase lapidaire); faites-y entrer vos raisonnements, vos exemples, vos preuves.
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Terminez par une conclusion résumant le contenu solide du devoir : des résultats tangibles établissant que votre discussion a été fructueuse. N’attendez pas le jour de l’examen pour prendre de bonnes habitudes : marges régulières, lignes non sinueuses. Pour accroître vos chances d’être vraiment lisible, exercez-vous à écrire d’une écriture plutôt droite que penchée, et sautez une ligne entre deux paragraphes consécutifs.
* ** En ce qui concerne les langues, on donne généralement, dans les examens, une version suivie de quelques questions, et quelquefois un sujet très bref à traiter dans la langue étrangère. Aux yeux d’un profane, une version semble une chose tout à fait abordable, avec un dictionnaire, et même sans aucun secours, si l’on a réussi à caser à l’intérieur de sa boîte à souvenirs un vocabulaire copieux. Il n’en est rien. En effet, le « mot à mot » fournit une traduction qui est au français de Malherbe et de Vaugelas ce qu’est le coassement de la grenouille aux trilles du rossignol. D’autre part, si l’on « adoube » les choses de façon à obtenir un style correct, élégant, on s’aperçoit aussitôt qu’on s’est plus ou moins écarté de l’idée nuancée exprimée par l’auteur dans son idiome natal. Enfin, on s’expose à tout instant à commettre des fautes graves, connues sous le nom de non sens, ou de contresens. Cela peut tenir à ce que tel mot a plusieurs significations, dont on n’a pas choisi la bonne, ou à ce que, dans les deux langues, tel vocable se présentant avec une
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orthographe identique ou analogue a des sens complètement différents. Le problème est là, aussi ardu que l’énigme posée à Oedipe par le Sphinx/ obtenir une traduction en EXCELLENT FRANÇAIS, avec des images qui soient l’équivalent de celles émanées de l’auteur dans sa langue, rendues avec tout leur éclat, toute leur couleur, tout leur parfum; en. un mot, reproduire fidèlement la pensée du Maître dans la moindre de ses finesses. Evadez-vous donc sans hésiter du mot à mot systématique, servile et grotesquement déformateur, ne perdant jamais de vue que chaque langue a une multitude d’idiotismes intraduisibles ( « idiotisme » n’est pas « idiotie » : ne pas confondre...).
* ** Comment s’y prendre pour étudier intelligemment une langue, l’anglais par exemple? D’abord, posséder à fond toutes les règles grammaticales, les conditions d’accord, l’accord du possessif, le cas possessif, ainsi que les différentes formes plus ou moins courantes : progressive, fréquentative, emphatique, forme d’insistance, etc. Se forger un vocabulaire solide, en concentrant toute son attention sur l’ORTHOGRAPHE. Se méfier comme de la peste des vocables britanniques ayant presque la même orthographe qu’en français, mais pas tout à fait. Là gît un grand danger. L’étude de l’anglais fait
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généralement faire au candidat des fautes de français qu’il ne commettait pas auparavant. C’est ainsi qu’il se mettra à écrire « liTérature » au lieu de « liTTérature », ou tel adjectif sans s devant un substantif pluriel, ce qui, bien entendu, sera désastreux dans une dissertation, ou même dans une traduction de version, qui, ne l’oubliez jamais, EST PLUS UN EXERCICE DE FRANÇAIS QUE DE LANGUES. Noter, d’autre part, que trop de termes, dans les deux langues, ont plus ou moins — et parfois absolument la même orthographe avec des sens tout à fait différents. On les appelle « les faux amis ». Ainsi, le mot anglais « actually » ne signifie pas « actuellement »; « presently » ne veut pas dire « à présent », et « to attend » n ’a rien à voir avec « attendre ». Bien étudier la formation du pluriel des mots exceptionnels et les verbes irréguliers. En faire une liste, et en revoir une vingtaine chaque matin. * ** Voici comment, pour une langue quelconque, nous nous comporterions vis-à-vis d’une version. Nous lirions d’abord très lentement le texte d’un bout à l’autre, pour bien saisir le sens général et la liaison des idées. Ensuite, nous reviendrions à la charge, plus lentement, puis encore et encore, soit QUATRE LECTURES. Nous traduirions alors le mot à mot. Après, nous essaierions de nous mettre à la place de l’auteur, en nous demandant comment il exprimerait en français, S’IL ETAIT FRANÇAIS, ce qu’il dit, TOUT ce qu’il dit et RIEN QUE ce qu’il dit. Puis nous rechercherions dans chaque phrase le sujet, le verbe, les compléments, et les mots invariables. Nous mettrions en relief les idiotismes de la langue étrangère. Nous nous dirions qu’on a dû semer cinq à six difficultés dans le but précis de tester le candidat, et nous ferions la chasse à
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ces passages délicats, qui excellent toujours à jouer à cachecache. Quand nous les aurions saisis, nous apporterions tout notre soin à leur étude. Après, nous relirions notre traduction SIX fois, et chaque nouvelle fois avec plus de circonspection. Nous ferions enfin une septième lecture, dans le but de voir si notre français est DU FRANÇAIS, si nous n’avons pas laissé de fautes d’orthographe, de ponctuation ou de syntaxe. Dans les réponses aux questions et dans les développements demandés, nous aurions la prudence de n’écrire que des phrases courtes, plus faciles à maîtriser.
* ** Si l’allemand ne donne pas lieu au cauchemar anglais de la prononciation, il comporte une autre difficulté : comme en français, les genres sont répartis sans rime ni raison aux choses inanimées, avec cette circonstance aggravante qu’au lieu de deux genres, il y en a TROIS ! Pour un Français, l’italien et l’espagnol seraient un peu plus faciles, les trois idiomes ayant une mère commune, le latin. Il va sans dire que le Méridional, qui, outre la langue nationale, possède, ou tout au moins baragouine le provençal (langue de « Mireille », illustrée par Frédéric Mistral) ou la langue d’Oc (qui est celle des Jeux Floraux, fondés par Clémence Isaure), sera plus particulièrement favorisé.
* ** De même, l’étude du latin, dont les cas et les déclinaisons rendent l’étude ardue, est facilitée, pour nous, par son étroite parenté avec le français.
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Il ne faut pas négliger son vocabulaire. Que de mots totalement différents en latin et en français ! La maman et l’enfant ne se reconnaissent plus. Bien qu’autorisé, en général, le dictionnaire ne suffit pas toujours. Avez-vous vous été enfant de choeur? Ne vous prenez pas pour un Tacite parce que vous savez sur le bout du doigt vos répons et même l’ordinaire tout entier de la messe en latin... Ne pas s’imaginer non plus qu’avec des mots en us ou en um on puisse reconstituer spontanément le parler de Cicéron, à l’instar de cette étudiante parisienne qui forgeait de soi-disant vocables britanniques en les coiffant d’un tion final : punition, par exemple... Si le latin de Molière, prêté à Mascarille dans l‘Etourdi « Vivat Mascarillus fourbum Imperator! » est encore acceptable en égard à la notoriété de l’auteur, foin du latin de cuisine du prestidigitateur — Robert Houdin de pacotille qui ordonnait en ces termes à un anneau de passer à l’intérieur d’une bougie allumée : « Annellus, passibus danslabougius ! »
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CHAPITRE III
Face à l’examen
1. — Les dernières semaines précédant l’examen. A partir de quelle époque convient-il de commencer les révisions ? Environ six semaines avant le jour J. Dès le 1er mai, si l’examen « ouvre » vers le 15 juin. On utilisera au maximum les plans préparés à la fin de chaque leçon. A ce moment-là, nous conseillons de nécessairement respecter l’ordre du livre pour revoir. Attaquez simultanément plusieurs chapitres en débutant par ceux où vous sentez que le bât vous blesse, et par ceux que vous aimez le mieux, c’est-à-dire où vous vous estimez le plus ferré. Excellente tactique de se présenter avec une matière où l’on est un vrai spécialiste : ceci compense cela… D’autre part, ne vous croyez pas obligé de faire plus de devoirs qu’auparavant. Amorcez plus de questions, mais sans les parachever .Dès que vous tenez la marche à suivre, lâchez-les. Cela vous permettra d’en voir beaucoup plus. Exercez-vous également à lire trois sujets sur une matière et à en choisir un aussi rapide que possible. Enfin, si vous travaillez seul, ne manquez pas de vous astreindre à rédiger en temps LIMITE les devoirs exécutés en entier. Certains Etablissements sur place obligent même leurs élèves à faire, pendant deux ou trois jours, un examen d’essai,
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en leur « servant » des questions d’écrit exactement dans les conditions de l’examen : excellente pratique, qui accroît probablement de 30 % le nombre des admissibles. 2. — La semaine précédant l’examen. Il faut arriver à l’examen DANS UNE FORME PHYSIQUE PARFAITE, et sans fatigue intellectuelle. Donc, sans, bien entendu, stopper tout effort, on travaillera moins, et on réduira plutôt un peu le VOLUME de la nourriture, qui devra être aussi SUBSTANTIELLE que LEGERE. Surtout, ne pas se « doper », c’est-à-dire prendre des excitants : café à outrance, alcool, vins, épices, etc., SONT ALORS POISONS. Toute excitation est fatalement suivie d’une profonde réaction (de même que le flux appelle le reflux), d’une prostration pouvant fort bien se produire au moment des épreuves. C’est alors l’effondrement, le désastre. Du reste, les excitants ruinent la santé, usant les nerfs et le coeur. Des statistiques toutes récentes ont montré qu’ils conduisent, hélas! au cabanon une proportion insoupçonnée d’intellectuels. Donc, à cette époque décisive, cesser absolument, avant tout, si on ne l’a déjà fait, la plus minime consommation d’alcool. On ne fumera pas. On se couchera tôt et l’on tâchera de dormir le plus possible. Boisson : eau contenant des traces de café, et, en dissolution, un peu de glycérophosphate de chaux qui est, non un excitant mais un ALIMENT du système nerveux. 3..— La veille de l’examen. Repos intellectuel COMPLET. Quelques brèves promenades au grand air. Ne pas prendre part aux réunions d’étudiants 180
qui, en groupes compacts et bruyants, se croient obligés de fêter, avec la complicité de la dive bouteille, un événement destiné à faire plus de victimes que de triomphateurs. Ne pas se laisser entraîner à de gigantesques monômes de jeunes se figurant peut-être que des manifestations à forme primitive vont intimider les membres du Jury et les acculer, tout tremblants, à l’indulgence! 4 . A l’examen écrit. S’y présenter modestement, mais avec confiance, si l’on a travaillé suivant nos indications. le hasard n’est pas le grand manitou Les compositions durent en général plusieurs heures. On se sera muni d’une tablette de chocolat et de glycérophosphate de chaux granulé, renfermé dans une petite boite. A la fin de chaque heure, on pourra ainsi jouer discrètement des mandibules, ce qui soutiendra les forces sans embarrasser les viscères (Estomac plein, tête vide.) !
* ** Comme de juste, vous n’aurez pas oublié votre braceletmontre, dûment remonté .En arrivant, vous confrontez son heure avec celle de la pendule de la salle, qui peut n’être pas bien visible de tous les sièges. Mais voilà le surveillant qui circule. Il vous donne votre feuille, dont vous vous empressez de remplir l’en-tête, pour être débarrassé de ce travail mécanique qui, à la fin, pourrait vous faire gaspiller plusieurs minutes peut-être aussi précieuses que des perles.
* ** 181
Une chance de plus que naguère. On se bornait alors à dicter le sujet, d’où, trop maints quiproquo faisant des victimes, voire des hécatombes C’est ainsi que l’un de nos amis, passant l’examen du Brevet Supérieur, écrivit sous la dictée: « Volume du ponton », au lieu de « Volume du tronc de cône », vrai énoncé de la question de cours en mathématiques. Dans cet examen, du reste, il n’y avait pas de choix entre trois questions... De même, dans une salle de la Sorbonne où des candidats à la première partie du Baccalauréat classique allaient faire leur version latine, le professeur de service se mit à dicter « dè cou - ï - ouss » au lieu de « De cujus ». Il prononçait le u avec le son ou et le son j avec le son i. Minute de stupeur... Mais pas plus. Aussitôt que l’auditoire eut réalisé de quoi il retournait, une clameur jaillie de cent poitrines ébranla les vitres. Bien prit à l’Administration de changer le dicteur séance tenante. Les jeunes gens, déchaînés, eussent peut-être mis le feu à l’amphi théâtre, en tout cas sûrement refusé de composer...
* ** Enfoncez-vous dans la tête qu’une écriture bien lisible, une rédaction d’apparence élégante, des résultats isolés et soulignés (ou numérotés), afin que le correcteur PUISSE LES VOIR D’UN SEUL COUP, ont plus d’importance qu’on ne croit. Présentez une copie-brouillon avec force mots raturés séparés
par
des
taches
:
votre
examinateur
sera
fâcheusement impressionné. Malgré son souci d’équité, et sans qu’il s’en rende compte lui-même, la note sera d’autant
182
plus défavorablement influencée qu’il aura mis plus de temps à vous lire et à vous comprendre. Jusque dans les compositions de sciences, respectez la langue française, le style. Faites des phrases COMPLETES. Pas de fautes d’orthographe, surtout dans les mots techniques ou les noms propres. Que voulez-vous que pense un membre du Jury d’un candidat qui, ayant à donner son opinion sur la poésie de Victor Hugo intitulée : « La Conscience », déverse des flots d’éloquence sur les terreurs de « Caïen » ? qui, dans n’importe quel devoir de littérature, écrit le mot « littérature » avec un seul t à la deuxième syllabe; vous sert un « Bodelère » au lieu de Baudelaire, un « Standale » au lieu de Stendhal ? dans une dissertation
philosophique,
met
«
psicologie
»
pour
psychologie, « Caen » pour Kant, « Chopin o Herr » pour Schopenhauer; dans une copie de chimie, parle d’acide « cloridric » ; en physique, disserte sur une chute « hommique », sur un pont de « Vastonne » (au lieu de Wheastone) ; en mathématiques, s’étend sur 1’ « hippothénuse » (au lieu d’hypoténuse),
sur
le
«
parralélipide
»
(au
lieu
de
parallélipipède), sur le théorème de « Ponslais » (au lieu de Poncelet) et sur celui de « Staivare» (au lieu de Stewart) ?
* ** Supposons, pour fixer les idées, qu’il s’agisse de l’examen du Baccalauréat (première partie). On vient de vous délivrer la feuille des sujets de mathématiques. Vous avez à traiter un problème, et une question de cours à choisir entre trois. Prenez toujours celle que vous savez le mieux. Votre choix effectué (après avoir pesé soigneusement les textes et bien réfléchi),
tenez-
vous-y,
même
si
vous
apercevez
ultérieurement une difficulté qui vous avait échappée Votre
183
temps est trop limité pour que vous puissiez vous offrir le luxe d’en changer, de « tourner autour du pot » . D’ailleurs, c’est une règle à adopter inflexiblement : une fois prise là décision, allez de l’avant, même si vous n’êtes pas très sûr d’avoir raison...
* ** Vous disposez de trois heures. Promettez-vous de consacrer trois quarts d’heure PAS PLUS à la question de cours. Commencez par lire LE PROBLEME une fois, et réfléchissez-y deux à trois minutes, dans le but unique de VOUS IMPREGNER du texte. Ensuite, attaquez votre question de cours comme un bouledogue attaque une jambe antipathique. Vous ne la lâcherez plus jusqu’à ce qu’elle soit terminée et complètement rédigée. Pendant ce temps, il se produit dans votre INCONSCIENT un travail fructueux considérable, ainsi que nous l’avons vu dans le chapitre premier de la deuxième partie. Si bien qu’au moment où vous vous tournez vers le problème pour tout de bon, — après avoir réglé son compte à la question de cours, — vous avez toutes les chances possibles de faire de bonne besogne.
* ** Vous avez résolu sans trop de mal la majorité des sousquestions du problème. Rédigez-les, et, entre chacune d’elles, laissez un intervalle de quelques lignes — peut-être un tiers ou la moitié d’une page : c’est à vous d’en juger, d’après ce que vous prévoyez — pour le cas où vous découvririez ultérieurement quelque chose de plus.
184
Ayant rédigé tout ce qui était à votre portée, occupez-vous séparément
de
chacune
des
parties
réfractaires,
conformément à la célèbre méthode de Descartes. Vous aurez le plus de chances possible de fournir ainsi votre maximum.
* ** Il existe une certaine technique pour obtenir la meilleure note possible. D’abord, une parfaite présentation. Ne vous récriez pas, en traitant cela de « poudre aux yeux » . Un solliciteur réussira mieux tiré à quatre épingles que vêtu d’une façon négligée, comme Aristide Briand à sa première plaidoirie... Eh oui.., une copie doit soigner sa toilette. Puis, si vous êtes tombé sur un sujet plutôt particulier, voyez si, après l’avoir traité à la lettre, vous ne pourriez pas ensuite le généraliser quelque peu. Mieux encore. Vous sentez-vous sûr de votre affaire ? Tâchez d’en imposer... un rien... Prenezle de haut : traitez d’abord la question PLUS GENERALE, et terminez en arrivant à la demande plus limitée du problème, simplement comme cas particulier. Enfin, toutes les fois que vous le pourrez, INTERPRETEZ vos résultats,
sous
forme
de
remarques,
qui
seront
BRILLAMMENT appréciées. Par exemple, au sujet d’une équation, donnez de votre solution algébrique une « doublure » géométrique. Ces observations sont en tous points valables pour la composition de Sciences Physiques.
* **
185
Réservez-vous de 15 à 20 minutes pour vous relire très lentement, et TRES SOIGNEUSE MENT. Vous découvrirez souvent des coquilles qu eût été catastrophique de laisser. Mais il est une chose contre laquelle NOUS VOUS METTONS EXPRESSEMENT EN GARDE.En relisant, il peut vous arriver d’avoir une idée nouvelle. Si vous l’ajoutez étourdiment, précipitamment, ce sera infailliblement une bêtise. Vous vous en apercevrez avec terreur, une fois sorti. Mais il sera trop tard : vous aurez donné votre feuille ... Une seule tache ainsi ajoutée inconsidérément vous coule le meilleur travail ET FAIT ECHOUER. Donc, avant de soulever votre stylo pour fixer, noir sur blanc, votre ultime concept, réfléchissez et méfiezvous. Redoutez de faire mentir le proverbe : « La fin couronne l’oeuvre! »
* ** En dissertation, produisez des références précises, mais ne les mentionnez que si vous êtes absolument sûr de votre mémoire. Il serait désastreux, par exemple, de citer Tartarin de Tarascon
comme un chef-d’oeuvre de Victor Hugo, ou
Anna Karénine comme sortie du cerveau de M. Henry Bordeaux. Et ne vous égarez pas dans un verbiage oiseux. Faites des phrases brèves, et jetez par-dessus bord le langage précieux, ainsi que la vulgarité. Ne laissez échapper des mots communs, des termes d’argot, que pour réaliser un effet, créer une atmosphère déterminée, et ayez soin de ne jamais écrire l’un de ces vocables sans l’entourer de guillemets.
5. — Entre l’écrit et l’oral.
186
Ne pas s’émotionner par l’incertitude, et sur tout chasser de ses méninges la ronde infernale des idées touchant l’examen: a-t-on bien rédigé ? n’a-t-on pas fait de gaffes? quelles chances a-t-on d’être admissible ? etc. Ce qui est fait est fait. Vous n’y pouvez plus rien, et tout souci ne peut que nuire à vos projets en altérant votre santé et en troublant votre sommeil. Ne vous mêlez pas aux conversations des camarades, eux-mêmes surexcités, et s’énervant encore plus par des... initiatives puériles et dangereuses. Soignez plus que jamais votre alimentation et votre hygiène; promenez-vous un peu, et préparez votre oral modérément, mais avec une régularité parfaite.
6. — A l’oral. Arrivez tranquillement, sans peur. Vous avez soigneusement préparé vos matières; donc, aucune raison spéciale d’avoir le trac. Ne vous faites pas de l’examinateur une image effrayante. Il sera plutôt, par principe, bienveillant, sachant déjà que les candidats ayant émergé du crible strict de l’écrit ne sont pas des cancres, loin de là ! — et que, sauf exception, ils sont sans doute capables de « passer ». Puis dites- vous que les « épluchages » sont aussi bien pour les autres que pour vous; aucune raison de supposer qu’ils en savent plus que vous... Gardez tout votre sang-froid, et, s’il vous est accordé quelques minutes pour préparer votre épreuve, profitez-en pour faire de votre mieux, sans précipitation. Votre attitude en face de l’ « ogre » ? D’abord, arriver là vêtu sans négligence, décemment, mais PAS AVEC UNE ELEGANCE AFFECTEE. Vous courriez le risque de déplaire en étant mieux mis que l’examinateur lui-même. Vous seriez tout de suite jaugé. Un zazou? Peut-être pas, mais un dandy, un de
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ces « fils à papa » qui ont de l’or plein les poches et qui ont suivi leurs classes « à la papa », voire en fumistes... Répondez de votre mieux, d’une voix bien timbrée, en articulant nettement les syllabes. Ayez soin de vous être défait de toute prononciation du terroir. Gardez-vous de dire, comme trop de... Parisiens : « Je suis né ôô Pôô-ris » ou «la colllère ». Ne nasillez pas, à l’instar de certains natifs de la Côte d’Azur : « Quatre égale sissss moinssss deux », ni, comme tel pays de Cyrano de Bergerac: « Apportez-moi d’euze», au lieu de « deux oeufs ». Si votre redoutable vis-à-vis n’entend pas ou ne comprend pas ce que vous expliquez, CELA NE POURRA QU’ALLER MAL. Pis encore si, n’ayant pas saisi la question, vous vous permettez de la faire répéter. Le professeur, lui-même surmené et énervé par le surcroît de besogne que constitue pour lui le service des examens, se laissera peut-être aller à vous apostropher sans aménité. En ce cas, résistez à la tentation d’entrer en lutte avec lui en ripostant du tac au tac. La langue lui fourchant, lui arriverait-il d’articuler une coquille , vous préserve le ciel de la relever! Si, en philosophie, votre opinion s’écarte sensiblement de la sienne, ne polémiquez pas avec lui, mais employez, pour lui répondre sans tout de même fouler aux pieds votre personnalité, toutes les ressources de votre diplomatie.
* ** A propos d’oraux, on conte bien des anecdotes. A un examen oral de Philosophie. — « Quel est le syllogisme fondamental de Descartes, qui résume toute une doctrine? Eh bien ! Vous
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êtes muet ? Vous ne m’avez même pas écouté. Pendant que je parlais, VOUS NE ME SUIVIEZ PAS. Avouez-le donc Vous PENSEZ à autre chose! » Le candidat : « JE PENSE, DONC JE SUIS. » En Chimie. Quelle est la préparation industrielle du benzoate de soude ? — Monsieur... je l’ai sur le bout de la langue... » Apitoyé, le professeur la lui expose lui-même en quelques mots. Le candidat : « C’est justement ce que j’allais dire ! » A l’examen oral d’Anatomie. L’examinateur « Non, non et non ! Et puis, tenez... vous êtes trop bête, Appariteur ! apportez une botte de foin. Prenez—en deux », riposte, hors de ses gonds, le candidat qui ne se fait plus aucune illusion sur son sort. « Nous déjeunerons ensemble! » Et il sort en grommelant. « Qu’a-t-il dit? » demande l’interrogateur souriant. — Vous devriez vous méfier, Maître. Il a murmuré qu’il vous attend à la sortie pour vous décharger son revolver en plein coeur. — Il me manquera : il ne sait pas assez d’anatomie pour connaître où se trouve le coeur... »
* ** Certains candidats ne peuvent pas articuler une phrase sans planter leur regard dans les yeux du professeur. Est-ce pour quêter un encouragement ? pour voir si ce qu’on a hasardé peut « coller » ? En tout cas, rien ne fatigue ni indispose comme cela, surtout si l’élève appartient au sexe féminin. Est-il besoin de recommander aux jeunes filles de se produire dans une tenue extrêmement correcte, sans décolleté, et de ne pas jouer la carte du sourire ou du regard appuyé ? Etant examinateur nous-même, nous avons vu à 189
l’oeuvre certaines de ces demoiselles. Affectant une grande timidité, exagérant la politesse, elles se précipitaient pour ramasser le crayon du « prof » tombé de la table, rougissaient, pâlissaient sur commande, prenaient le masque du bègue quand la réponse ne venait pas, allant jusqu’à simuler un évanouissement spectaculaire devant le tableau. Cette stratégie est très faible; elle ne « paie » pas. A bon entendeur, salut. Que des statistiques établissent chez l’élément féminin un pourcentage de succès un peu supérieur à celui des garçons, n’a rien à voir avec la question « galanterie ». C’est que ces jeunes
personnes
sont
en
général
très
laborieuses,
méthodiques, régulières et tenaces à la besogne, et font attention aux moindres détails, ce qui, à juste titre, est fort apprécié dans les examens.
* ** En mathématiques, prendre ses précautions pour pouvoir faire tenir dans les limites du tableau, si possible, toutes les transformations relatives à la question traitée. N’effacer qu’à la dernière extrémité. S’agit-il, en algèbre, d’une équation à coefficients NUMERIQUES ? N’essayez pas d’allonger la sauce en commençant à raisonner sur des lettres : le temps est strictement limité. Faites succinctement, et sans lambiner, les calculs tels qu’ils se présentent. Telle épreuve de géométrie comporte-t-elle des figures dans l’espace ? Ne craignez pas d’imiter le relief en appuyant sur certaines lignes, afin de mieux faire ressortir l’ensemble. L’examinateur verra plus clair lui-même et vous en saura gré.
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* ** Vous fait-on lire un morceau, en explication littéraire? Faites appel à tout votre talent de diction. Gardez-vous, en particulier, d’estropier les noms d’auteurs ou de personnages. N’allez pas déclamer, par exemple : «Ca –y- in» (au lieu de Caïn) se fut enfui de devant les tempêtes. N’oubliez pas non plus que vous devez parfois, au cours de la diction, observer des repos non marqués par des virgules, et les faire sentir aux bons endroits. Ne dites pas : Le chêne un jour- dit au roseau, Mais : Le chêne - un jour dit au roseau,
car la première façon de vous exprimer supposerait un arbre qui s’appelle « un jour » !
* ** Enfin, au cours de toute interrogation donnez en toute modestie telle opinion que l’on vous demande d’exprimer. Evitez de trancher de l’homme d’importance. Ne vous laissez jamais aller à dire : « A mon avis... » ce qui, en attendant mieux, vous attirerait immanquablement la riposte foudroyante : « Il est donc si important que cela, votre avis ??? »
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7. — En cas d’échec. Si la chance ne vous a pas souri, vous avez déjà de quoi vous consoler par l’imposante proportion de copains logés à la même enseigne. Dites-vous, d’autre part, que l’immense majorité des reçus NE L’ONT PAS ETE DU PREMIER COUP. Donc un insuccès ne doit pas vous infliger une blessure d’amour-propre, une humiliation, vous faire perdre la face. Remarquez, d’ailleurs, qu’après la proclamation des résultats, vous n’êtes pas inférieur à ce que vous étiez la veille de la première épreuve. La seule différence est toute subjective : vous êtes passé de l’ESPOIR à la DECEPTION. Au risque d’être taxé de fervent du paradoxe, nous avancerons qu’en réalité, vous êtes supérieur à ce que vous étiez auparavant. Ces épreuves ont été pour vous un exercice salutaire, parce qu’exécuté dans les’ conditions de l’examen, c’est bien le cas de le dire... Aucune leçon, fût-elle faite par un génie en matière pédagogique, ne saurait remplacer cette forme d’entraînement. En outre, votre éducation y a gagné. Pour la première fois peut-être, vous venez de vous heurter à l’un des récifs de la vie. II dépend de vous que ce choc vous soit salutaire. Il ne le sera pas si vous suivez aveuglément vos premières impulsions. Il ne le sera pas, Si vous vous groupez, vous et vos compagnons d’infortune, en un monome vengeur qui, hélas ! ne raccommodera rien, et au cours duquel vous commettrez peut-être des actes répréhensibles. Il ne le sera pas si, vous redressant en un mouvement de fierté outragée, vous clamez 192
« Ah ! ils n’ont pas voulu de moi? Eh bien... ils ne s’offriront pas le plaisir de m’ avoir , une seconde fois. C’est fini : je ne me représenterai jamais plus ! » Il ne le sera pas, si, au contraire, vous sombrez dans un morne découragement, vous enfon çan dans la boîte crânienne cette idée que l’examen vous est aussi inaccessible qu’à son asymptote la. Branche d’hyperbole qu’il représente, comme le répétaient en gouaillant les élèves de tel lycée parisien, LA GRANDE ILLUSION ! Et si, par représailles, vous flétrissez la salle de délibération du Jury du nom de « plancher des vaches », cela ne vous aura pas avancé à grand’chose...
* ** L’échec vous sera salutaire SI VOUS VOUS OBSTINEZ DANS VOTRE EFFORT. Vous vous serez durci contre une difficulté; vous aurez su vous montrer beau joueur vis-à-vis du sort au front sévère. Tel Jo Louis après avoir été mis knockout par Max Schmelling, vous encaisserez avec le sourire. A la session suivante, ce sera votre tour de terrasser la mauvaise chance, tout comme le fit ensuite le champion noir en pulvérisant en vingt secondes son ex-vainqueur!
* ** De nombreux examens comportent, la même année, une seconde
session.
Avez-vous
été
refusé
à
l’oral
?
Généralement, l’écrit vous reste, et, pendant les vacances, vous n’avez que l’oral à préparer. Vous êtes-vous fait ajourner à l’écrit, avec une moyenne égale ou supérieure à SEPT sur
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VINGT? Vous avez encore le droit de vous représenter à l’automne.
* ** Arrêtons-nous un instant sur ce dernier cas. Naturellement, vos efforts de l’année vous ont fatigué, et il ferait si bon se reposer complètement pendant les chaleurs! Mais nous pensons que, si près du but et déjà tout entraîné, il serait dommage de ne pas tenter cette seconde chance. Vous vous détendrez tout à fait la première quinzaine. Au cours des deux semaines suivantes, vous vous remettrez progressivement au travail, sans toutefois dépasser une moyenne, car il faut, en tout état de cause, que les vacances vous remontent. Etant donné le peu de temps dont vous disposez, ne revoyez tout à fait à fond que le tiers des questions. Faites, de préférence, des exercices par vous-même, et un tout petit nombre avec un plan
si
détaillé
qu’il
équivaut
pratiquement
à
un
développement complet.
* ** Enfin, si vous avez obtenu à l’écrit une moyenne inférieure à SEPT sur VINGT, il se peut, suivant l’examen, que vous n’ayez pas accès à la seconde session. Prenez alors votre courage à deux mains contentez-vous de jouir pleinement du repos des vacances — on s’y résigne, en général, assez volontiers... — en travaillant tout juste une heure par jour pour ne pas vous rouiller. Semaine par semaine, vous rechargerez ainsi votre bouteille de Leyde, et, à la rentrée d’octobre, serez prêt pour un formidable coup de boutoir prometteur de lauriers futurs 194
Fin
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