La Thiérache : dossier spécial neige

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Région Aisne - 30 décembre 2010 www.la-thierache.fr

Le réseau routier dans le département littéralement bloqué

Les naufragés du réveillon de Noël Ils ont été des centaines à trouver refuge dans des salles des fêtes ou chez des particuliers. Bloqués par les congères et par des bouchons, les automobilistes ont pris leur mal en patience.

Matthieu et Nadège ■ « Un grand merci à ceux qui nous ont accueillis à la salle dojo de Bohain.C’était franchement “super bien’’, à part que mes enfants me manquaient énormément sinon impec… ».

Gaëlle Beaurain

À Marle, les naufragés de la route ont été accueillis en urgence par des bénévoles à la salle des fêtes Simone Signoret

■ « Un grand merci à la Croix Rouge de Saint-Quentin, ils nous ont super accueilli, bravo à eux .Là, nous voilà rentrés sur Hannapes ».

Thibaut Larzillière À Haution, voici un exemple de voiture prise dans les congères. Sur certaines routes, on ne voyait même plus les véhicules abandonnés notamment à Voulpaix ou sur la route de Marfontaine

n ne compte plus les témoignages de ceux qui ont passé le réveillon de Noël, dans le meilleur des cas, chez des voisins, ou dans une salle des fêtes, et dans le pire de cas, prisonniers dans une congère. Pris au piège, certains automobilistes ne doivent leur salut qu’à l’intervention d’agriculteurs consciencieux. Beaucoup d’automobilistes nous ont fait part de leur parcours.

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■ « Jeudi 23 décembre, je me suis retrouvé bloqué pendant 6h30 pour faire SaintQuentin/Thiernu ».

27 heures pour venir de Guise Partie de son travail à Saint-Quentin vers 17h30 jeudi 23 décembre, la jeune femme a été stoppée à Homblières où elle a dû passer la nuit. Redirigée vers Lesdins le lendemain matin elle est à nouveau bloquée, la route de Fresnoy-le-Grand est fermée. D’hébergements provisoires en abris de fortune, elle désespère. Redirigée vers Saint-Quentin, elle tente de regagner Guise en contournant les obstacles par les routes restées ouvertes ou partiellement dégagées. Arrivée à Cambrai, elle regagnera finalement et péniblement Guise par le nord-est, vendredi vers 20 heures, soit 27 heures après avoir quitté son travail.

Hébergés au cinéma avant de trouver un hôtel Venant de Lille où ils avaient passé le réveillon en famille, un couple de retraités, anciens guisards résidant à Saint-Quentin, se retrouve bloqué à Guise, samedi en début de soirée. La route de Saint-Quentin était fermée par des barrières surveillées par la gendarmerie. Les nombreuses congères rendaient la route impraticable. Redirigés vers Laon, les retraités abandonnent l’idée de regagner Saint-Quentin par cette voie, la route par Marle n’étant pas vraiment praticable, et par Crécy-sur-Serre non-plus. La peur de rester coincés en rase campagne les incite à regagner Guise où tout est fermé. Vers 21h30, faute de mieux ils décident de passer deux heures au chaud au cinéma, pour la séance du soir: « ce sera toujours ça de pris, après on verra! ». Prévenu par le gérant du cinéma, Hugues Cochet, maire de Guise, a prévenu le propriétaire du seul hôtel de la ville qui a accueilli les naufragés, leur évitant de passer la nuit dans leur véhicule par une température de moins 8°.

Des routiers et des voyageurs stoppés à Marle Carrément rendus impraticables par les congères, tant au niveau de la RN2 que sur les routes départementales et communales, les autorités ont préféré interdire la circulation vers nombre de petits villages étant devenus quasiment inaccessibles. C'est ainsi que la RN2 au niveau du rondpoint de la grenouille a été coupée, l'accès à Vervins et à Guise étant devenus impossibles. Des dizaines de poids lourds ont été invités à se stationner sur les divers parkings de la ville basse. Entre Marle et Laon, la portion à “ deux fois deux voies’’ a été en partie submergée par la neige, rendant le passage automobile très délicat, des congères se formant aussi sur les plateaux vers Verneuil-sur-Serre. A l'arrivée au rond-point de Marle, des dizaines d'automobilistes arrivant de la région parisienne ou de départements du sud de la France afin de passer le réveillon de Noël en famille, sont parfois parvenus à quelques dizaines de kilomètres de leur objectif mais ont été stoppés et invités à se rendre à la salle des fêtes du chef-lieu de canton où un centre d'accueil avait été organisé dans l'urgence. Ils ont été chaleureusement reçus par les autorités locales avec un réconfortant repas.

La nuit dans les congères à La Neuville-Housset Le périple des automobilistes se poursuit cette fois sur la route de Marle - Guise. Pris en pleine tempête de vent et devant la rapide formation des congères, un couple de Hollandais s’est retrouvé coincé puis enseveli par la neige en quelques heures. Ils ont passé la nuit à attendre la venue d’un agriculteur, littéralement débordé. Après un long et pénible travail de déneigement, le couple néerlandais, hébergé en urgence dans le village, n’avait toujours pas pu reprendre la route, ce dimanche 26 décembre.

Bloqués dans les congères avec un bébé de deux semaines Un jeune couple, parti de Nanterre, pour réveillonner en Famille à Féronval, et ayant roulé toute la nuit en pleine tempête, s’est retrouvé bloqué dans les congères à Fontaine-les-Vervins. Paniqués à l’idée de rester dans leur voiture avec un bébé de deux semaines, les parents ont aussitôt appelé les secours. Les pompiers de Vervins ont fait le maximum pour déblayer la voiture. Les naufragés ont ensuite été accueillis par le personnel communal à l’Hôtel de ville. Les routes étant complètement bloquées à Féronval, le couple est donc reparti le 25 décembre à Nanterre.

Des bénévoles et le personnel communal étaient aux petits soins pour les naufragés de la route à Marle Les chauffeurs routiers forcés et contraints de stationner ont été déviés sur les parkings de l’ancienne sucrerie à Marle


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Colonfay/Puisieux ‰ Ils racontent leur périple

Une famille ensevelie sous la neige

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Boué ‰ Onze heures de route

« On se souviendra de Noël 2010 »

La famille Beghin a vécu des heures d’angoisse. Leur voiture s’est littéralement retrouvée bloquée sous d’énormes congères.

Trois tentatives pendant trois jours pour faire Bohain - Boué

n Ce couple de Bohain dont la fille, Amandine, était en vacances dans de la famille proche à Boué, ne s'imaginait pas vivre un véritable calvaire sur les routes. En temps ordinaire il faut 45 minutes de route pour effectuer le trajet Bohain-Boué, long de 42 km. Patrick et Sylvie Henoux ont mis 11 heures à venir ce vendredi 24 décembre.

Seboncourt, Homblières… toutes les routes étaient bloquées

La famille Beghin préfère en rire aujourd’hui mais cette nuit du 23 au 24 décembre, prisonnière dans les congères, elle a eu très peur eudi 23 décembre cinq personnes originaires de Colonfay ont vécu une soirée cauchemardesque. Noëlle Beghin accompagné de son époux Bernard, son fils Benjamin, sa fille Ophélie, qui est handicapée et sa belle-fille Virginie, enceinte sont restés bloqués pendant plus de trois heures sous une épaisse congère. Trois heures qui ont paru interminables et surtout angoissantes sur cette route, rue de la Gare sur la commune de Puisieux-Et-Clanlieu. Tous sont sortis indemnes, mais choqués, grâce à l’intervention d’un ouvrier agricole, Yannick Dutant.

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La route interdite après leur passage

Noëlle Beghin a le sourire aujourd’hui mais dans la nuit du 23 au 24 décembre, elle a cru au pire. Elle nous raconte son histoire: « Nous avons quitté notre domicile avec mon mari à 12h30 pour aller chercher mon fils et ma belle-fille à Montcornet, puis ma fille handicapée à Vervins. Lorsqu’on a vu cette averse neigeuse, on a préféré prendre une route plus sûre en direction de Marle pour rattraper Le Hérie-la-Vieville, on a ensuite voulu prendre la route de Puisieux-et-Clanlieu au carrefour de la Désolation qui porte vraiment bien son nom ». Noëlle Beghin poursuit: « Des congères de plus d’un mètre de hauteur commençaient à se former, on a vu des voitures en difficulté tractées par des engins agricoles. Un embouteillage a commencer à se former ». À cet instant, Noëlle

Beghin, ignore que les autorités ont décidé de fermer à la circulation tous les véhicules dans l’axe Marle - Guise (D946). « Nous avons malgré tout réussi à sortir d’Audigny avec bien du mal. Mais sur la route pour rejoindre Puisieux-Et-Clanlieu, c’était la catastrophe. On s’est retrouvé bloqué. Une jeune femme de Wiége-Faty juste devant nous avec un petit garçon de 5 ans, était bloquée aussi. Un homme s’est retrouvé également bloqué. Celui-ci a appelé un de ses amis agriculteurs à Colonfay ». C’est finalement Yannick Dutant qui arrive à leur secours. À bord du tracteur, le jeune homme a réalisé plusieurs voyages dans les congères pour ramener ces personnes

à leur domicile.

J’avais peur d’accoucher sur place

Après cet épisode, la famille est arrivée à bon port vers 22 heures. « On était heureux de rentrer grâce à ce brave jeune homme qui nous a sauvés, sans lui on aurait pu dormir dans le froid ». À sa belle-fille d’ajouter : « J’avais peur de déclencher mon accouchement, je ne sais pas comment on aurait fait ». Tous rentrés à bon port sauf pour Noëlle Beghin, restée sur place avec Yannick Dutant pour continuer de secourir les autres automobilistes et cela jusqu’à 3 heures du matin. Forcément le soir du réveillon,

Noëlle Beghin, qui attendait une douzaine de convives, a passé le réveillon avec son époux, son fils, sa belle-fille et sa fille. « Nous avons passé de bons moments à rire de cette mésaventure. Le maire, Jean Thiébaut est même venu nous voir pour savoir si on allait bien » conclut la naufragée. Un seul hic à cette belle histoire le coup-de-gueulle d’un agriculteur mécontent d’avoir vu l’ouvrier agricole traverser son champ. Il est vrai qu’avec plus d’un mètre de congère, les récoltes n’ont pratiquement pas été endommagées. De notre correspondant local de presse.

Leur périple a commencé vendredi après-midi. Jour de réveillon et comme des millions français, Patrick et Sylvie Henoux, invités à partager un repas en famille, prennent la route vers 16 h 15 et se réjouissent déjà de se reposer en famille et auprès de leur fille. Les ennuis commencent vers Wassigny. Toutes les voies sont bloquées, le couple fait alors demi-tour pour prendre la direction de Seboncourt, Fieulaine, Fontaine-NotreDame afin de rejoindre Homblières. " On est resté bloqué 1 heure dans la neige, des tracteurs nous ont sortis deux fois des congères, alors on a préféré rentrer chez nous ". Une décision raisonnable compte tenu des conditions de circulation et de la pagaille qui en résultera. Patrick et Sylvie Henoux, tentent le lendemain la même expédition. Ils partent à 10 heures de Bohain et essaient de rejoindre VauxAndigny par Busigny. Impossible. La route est bloquée à la Vallée-Mûlatre. Demi tour droit et direction Saint-Quentin pour essayer d’arriver à Guise puis à Etreux. Arrivé à Homblières, le couple est stoppé par les gendarmes. Les militaires conseillent alors de passer par Moy-de-l’Aisne, Sery-les-Mézières. Encore un blocage, cette fois-ci à Origny-Sainte-Benoîte. Le Père Noël ne passera pas encore ce samedi 25 décembre. Le lendemain, les époux Henoux tentent encore leur chance. « Impossible de passer par Wassigny, c'était le désert… Nous reprenons la route de Lesdins, Homblières, Etreux et là c'est débloqué. On se souviendra de ce Noël 2010, ce fut un drôle de Noël… C'est inadmissible, parfois on était en convoi de 50 voitures, on roulait cent mètres et ensuite pendant plus de trente minutes on stationnait dans le froid et le vent ».

Livraison retardée ‰ Les facteurs font leur maximum

Plus de 8 jours sans courrier Tributaire de l’état des routes, les services de La Poste ont bien du mal à faire face à cette situation exceptionnelle et on le comprend. Les villages dont certains étaient encore coupés du monde il y a, à peine, douze heures, sont toujours difficilement accessibles par le facteur et cela même en voiture.

Les plate-formes plus alimentées

L’ouvrier agricole, Yannick Dutant, qui a réussi comme de nombreux agriculteurs à sortir ces naufragés de la neige

Ce n’est pas principalement la neige qui a empêché le facteur de venir mais l’interdiction de circulation des poids lourds. La direction régionale nous a ainsi expliqué que le problème était en amont. « Nous avons subi une forte semaine de perturbations notamment avec des problèmes d’alimentation des plateformes en amont à cause de l’interdiction de circulation des

Dans les Ardennes cette factrice a réalisé sa tournée avec une brouette poids lourds. Nous continuons de poursuivre notre mission de service public. Les facteurs de la plate-forme de Guise ont même pris des véhicules ce matin pour se rendre à Saint-Quentin et dis-

tribuer le courrier. On estime deux à trois jours, le temps nécessaire pour revenir à une situation normale si la météo le permet ». D.H.


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Sur la brèche comme jamais

« Merci aux agriculteurs » Sans l’action spontanée et continue des agriculteurs, même pendant le réveillon, la circulation ne serait toujours pas rétablie. Les automobilistes, habitants, autorités sont extrêmement reconnaissants. ans eux, la Thiérache et notamment les villages seraient encore coupés du monde et d’ailleurs le préfet de l’Aisne, Pierre Bayle l’a remarqué. Depuis le 23 décembre, les agriculteurs de l’Aisne n’ont pas compté les heures passées à déneiger les routes, à créer des voies d’accès, à sauver des automobilistes et ils ont probablement sauvé des vies. Ils sont nombreux à avoir mis le réveillon de Noël de côté pour permettre aux villageois de sortir ou en tout cas de recevoir des secours. Ils n’ont pas compté leur temps, ni leur argent, car pour nourrir les énormes engins, les agriculteurs ont dû faire plusieurs passages à la pompe.

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Les trois irréductibles agriculteurs À Sorbais, l’un des derniers villages isolés, les quatre habitants du hameau de Sartel d’eau ont été soulagés et émus de voir trois agriculteurs, Jean-Luc Morlain, Éric Parent et Bruno Charpentier venir dégager une route. Le chemin, long de trois kilomètres, fut particulièrement pénible pour braver les congères de plus 1 m 50.

Trois exploitants de Grandrieux libèrent la D977 Dans l’après-midi du vendredi 24, la neige poussée par le vent du nord recouvre progressivement la grand’route reliant Rozoy-Brunehamel. À 15h30, un poids lourd et sa remorque bloquent la chaussée à mi-côte à la sortie de Rozoy. Avec leur téléphone portable, Hervé et Vincent Nice, agriculteurs à Grandrieux qui avaient déjà pris en charge le déneigement de la route font appel à leur collègue Max Godet pour venir en aide au chauffeur routier. Son tracteur a lentement tiré le long véhicule qui a pu reprendre sa route vers la Belgique. « Tous les trois participent au déneigement des rues de Grandrieux et des accès à Résigny et à Mainbresson. Ils totalisent déjà chacun trois journées pour ce travail. Aujourd’hui, ils ont commencé à 9 heures après la traite du matin. Ils ont aidé l’infirmière à se rendre chez un particulier pour une dialyse. Heureusement qu’ils sont là car nous serions bloqués », déclarait Daniel Favette, 1er adjoint au maire de Grandrieux.

À Clermont-les-Fermes, les Pères Noël c’étaient les agriculteurs

Périple sur la D1029: la circulation rétablie grâce aux tracteurs L’axe principal de circulation Nord Sud autour de Guise était quasiment impraticable vendredi 24 décembre dans l’après-midi. Ceux qui devaient impérativement l’emprunter, pour quelque raison que ce soit, ont pu arriver à bon port grâce aux agriculteurs. La sortie de Guise sur cette route n’invitait guère au voyage. Dès la première commune, Villers-lès-Guise, à 5 km, la circulation ne se faisait que sur une voie et les nombreuses congères lui donnaient un aspect de grand Nord canadien. Sans relâche, durant tout l’après-midi, des engins agricoles ont œuvré pour déblayer les amas de neige encombrant la route. Le vent les reconstituant au bout de quelque temps, cette tâche devenait particulièrement ingrate. La solidarité des automobilistes a également permis de remettre « sur la bonne voie » quelques véhicules en perdition.

Autremencourt: un réveillon passé à dégager les routes Deux agriculteurs locaux n’ont eu de cesse que de dégager les rues du village, ils ont passé une partie de leur réveillon à essayer de minimiser les congères qui se formaient à cause du vent, et à dégager les véhicules qui restaient bloqués. « Sans le dévouement des agriculteurs, le village était totalement coupé du monde », lançait un habitant.

Pères Noël mécaniques à Clermont-les-Fermes

À Guise, sur la D1029, les exploitants ont secouru de nombreux automobilistes

La scène se déroule le 25 décembre, en matinée, dans le triangle Montcornet-Chaourse-Clermont-lesFermes. On ne passait pas par la faute des congères sur le plateau. Heureusement, des engins de rouge vêtus, coiffés de blanc, à la hotte télescopique, ont ouvert le chenal à des automobilistes isolés et perdus dans ce désert de flocons.

L’infirmière fait sa tournée en tracteur C’est une première depuis 31 ans, ce jeudi 23 décembre, Claire Lesage, infirmière à domicile, a réalisé sa tournée en tracteur. Bloquée au niveau de Puisieux-et-Clanlieu et à Audigny, cette dernière a réquisitionné son mari pour visiter ses patients en tracteur. « J’avais 1h30 de retard, tous mes patients ont été visités. Depuis 31 ans que je travaille c’est la première fois que je fais ma tournée sur un tracteur, un véhicule pas très confortable, on est peu bousculé dans tous les sens, mais cela dépanne bien et surtout on passe partout ».

À Audigny, l’infirmière a terminé sa tournée en tracteur

À Grandrieux, les tracteurs ont permis de débourber un camion et d’éviter ainsi un blocage


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Jean-Marie Splingard, agriculteur de Saint-Michel

« J’ai été obligé de jeter 7600 litres de lait ! »

Etreux ‰ Coopérative Céréna

Le hangar s’écroule sous le poids de la neige

A cause de l’interdiction de circulation qui concerne les poidslourds de plus de 7,5 tonnes, les laitiers sont immobilisés. eter à l’égout 7600 litres de lait représente pour JeanMarie Splingard, agriculteur de Saint-Michel, une perte sèche de 2633 € ! Quel joyeux Noël ! Ce geste est le résultat des fortes chutes de neige et de l’interdiction de circulation aux poids-lourds de plus de 7,5 t. Les laitiers ont été, en effet, parmi les usagers de la route pénalisés par ces arrêtés préfectoraux répétés. Et en conséquence, bon nombre de producteurs de lait ont été contraints de stocker leur lait plus longtemps, puis d’en jeter. Jean-Marie Splingard, agriculteur installé dans le hameau des Vallées à Saint-Michel figure parmi ces victimes. Tous les trois jours (au lieu de deux autrefois), son laitier, M. Israël de Montcornet, vient lui chercher son lait. La dernière collecte a eu lieu le 16 décembre. Théoriquement, la collecte suivante devait donc avoir lieu le dimanche 19. Mais les abondantes chutes de neige ont bloqué le transporteur. Un premier arrêté préfectoral lui interdisait depuis la veille de circuler.

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Le laitier immobilisé à Boué Le lundi 20 décembre, JeanMarie Splingard a été contraint de jeter les 2600 litres de son tank ainsi que le contenu d’une cuve. Mercredi 22, le laitier était à nouveau immobilisé, à Boué. « Certains producteurs peuvent s’en sortir un peu mieux avec des tanks à lait plus grands commente M. Splingard. Mais d’autres, comme moi, n’avons pas de chance. En plus, c’est une période où les vaches produisent davantage...». Mais là n’est pas tout ! Jeudi 24, la neige s’est à nouveau abattue sur la Thiérache et un nouvel arrêté de circulation a été pris par le préfet. M. Splingard a donc stocké 2600 litres dans le tank et 2000 litres

dans deux cuves à eau. Suite à un entretien téléphonique avec le président de la coopérative LAITNAA, le producteur saint-michellois a vidé à contrecœur son lait dans les égouts... L’un de ses voisins, lui aussi producteur de lait, a été obligé lui aussi de jeter du lait car son transporteur était bloqué à Auge. Excédé, Jean-Marie Splingard a contacté les services de la préfecture le lundi 20 décembre afin de tenter de trouver une solution. « Une femme nous a répondu qu’il ne fallait tout de même pas croire que l’Etat allait nous rembourser ces pertes ! » s’insurge Mme Splingard. Finalement, l’interlocutrice leur a suggéré d’adresser une lettre au préfet. Ce qui a été fait illico presto. Mais ce lundi 27 décembre, aucune réponse n’était encore arrivée dans la boîte aux lettres de M. et Mme Splingard. « Il est plus facile d’interdire aux poidslourds de circuler que d’empêcher des gens du voyage de s’installer illégalement dans une prairie ! » ajoute Mme Splingard, faisant allusion à l’arrivée d’une centaine de caravanes cette année dans une prairie leur appartenant à Hirson. « C’est un comble de devoir jeter du lait alors qu’avec les quotas, on nous l’interdit ! » lâche Jean-Marie Splingard, écœuré. Il faut dire que c’est la première fois en cinquante ans qu’il voit cela... Son exploitation comprend 35 laitières, lesquelles représentent environ les 3/4 de ses revenus (avec en supplément un peu de blé et de viande). Alors que les producteurs de lait sortent tout juste d’une sévère période de crise, la neige et ces interdictions de circulation pénalisent à nouveau la profession. Finalement, le laitier est venu chez M. Splingard ce mardi après-midi. «Ça commence à rentrer dans l’ordre.» conclut le producteur de lait. B. Taquet

Il ne reste plus rien de cet immense hangar

n La bâtiment situé rue de la gare était impressionnant par sa taille, son écroulement le fut aussi. Dans la nuit du cimanche 19 au lundi 20 décembre, cet hangar de la coopérative Céréna s’est complètement écroulé sous le poids de la neige. Les dégâts sont colossaux, tout est en ruine. Fort heureusement, cet incident n’a fait aucun blessé. D’après Benoît Moreau, responsable de la coopérative, il n’y avait rien de spécifique sous ce hangar : « On a fait intervenir une entreprise pour protéger le site et achever la démolition afin de ne pas endommager les habitations voisines ». Jean-Marie Splingard est installé dans le hameau des Vallées à Saint-Michel

Syndicat des agriculteurs

Une possible mutualisation des pertes n Interrogé ce mardi matin, le président de l’Union syndicale des agriculteurs de l’Aisne (U.S.A.A.) Olivier Dauger explique avoir négocié pour la levée de l’interdiction de circuler afin de ne pas pénaliser les agriculteurs du département. « Globalement, nous avons réussi à lever les interdictions, mais avec des décalages explique-t-il. Il faut aussi tenir compte des conditions de circulation très difficiles ». La semaine dernière, « l’interdiction a duré 24 heures de trop » ajoute M. Dauger. Mais depuis, les laitiers et les transporteurs d’aliments pour animaux ont l’autorisation de rouler. « La préfecture a assez vite compris que les laitiers ne sont pas gênants » précise le président de l’U.S.A.A. Il n’en demeure pas moins que le bilan risque d’être lourd. « Nous sommes en train d’établir un premier bilan, mais nous pensons que nous aurons entre 1,5 et 2 millions de litres de lait perdus, estime Olivier Dauger. Un deuxième bilan sera réalisé début janvier ». Quant à une éventuelle indemnisation, celle-ci ne sera pas offerte par les assureurs. « Nous étudions une forme de mutualisation entre les agriculteurs » annonce-t-on à l’U.S.A.A. Enfin, le fait de jeter de telles quantités de lait dans les égouts « représente aussi un problème écologique, renchérit M. Dauger. Car il s’agit d’un produit très gras et donc pas tout à fait anodin...». B.T.

Laurent Bazin, agriculteur à Flavigny-le-Grand

1 200 euros de perte Malgré leur bonne volonté pour déneiger les routes les agriculteurs ne sont pas épargnés par les intempéries. Et oui depuis maintenant une semaine, certains ont du jeter leur production de lait. Sur la commune de Flavigny-leGrand nous avons rencontré Laurent Bazin. Après avoir effectué six traites pendant trois jours, Laurent Bazin a du jeter les 4000 litres de lait dans une fosse, car le camion citerne de la laiterie du Nouvion-enThiérache n’a pas pu venir.

Pour ce producteur, la perte s’élève à 1200€. Le producteur laitier s’est donc informé auprès du Nouvion pour savoir s’il pouvait obetnir une indemnisation. Il semblerait que le sort des agriculteurs soit entre les mains de la préfecture et des assureurs.

L’éleveur a déjà jeté 4 000 litres de lait

D.H.

Wiege-Faty ‰ Hangar écroulé

Le bétail miraculé Le hangar venait tout juste d’être réparé

n Jeudi matin, le couple d'agriculteurs Guy et Yvonne Debergh ont eu une désagréable surprise. C'est en allant traire que Yvonne Debergh a découvert une partie d'un de ses hangars écroulés. En effet avec le poids de la neige la toiture du bâtiment, tout juste rénové de la précédente, s’est effondré alors que les bêtes étaient à l’intérieur. L'exploitant a retiré le bétail du hangar en attendant les réparations.


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On se souviendra de Noël 2010

Bienvenue en enfer! Les routes lors du réveillon de Noël et ce week-end se sont transformées en un véritable parcours du combattant. Certaines ont même disparu sous des congères impressionnantes. Il n’y a guère que les enfants qui se sont réjouis de ce désastreux épisode

À Remies, le maire, Bernard Collet, a carrément pris les choses en main

Les chevreuils aussi ont galéré dans la neige

Haution, coupé du monde

A Grandrieux Jérémy Pécheux a réalisé un igloo

Les congères d’une hauteur vertigineuse

Sur la route de Montcornet, les automobilistes étaient solidaires

En direction de Marfontaine depuis Chevennes, il n’y a plus de route

Recensement des voies accessibles à Chevennes

Les pompiers ont parfois eu bien du mal à intervenir


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Cellule de crise en Thiérache Aisne ‰ Interdiction de circulation

La sécurité civile appelée en renfort

Plus de 200 camions bloqués dans la nature

L’intervention des agriculteurs et des secours au niveau local n’ont pas suffi. A l’appel du préfet, c’est l’armée qui intervient ux dires des anciens « on A Tavaux-et-Pontséricourt, le préfet, Pierre Bayle (à gauche) voulait avait jamais cela! »,

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constater sur place l’ampleur du blocage

pouvait-on lire dans notre dernière édition. Une remarque que l’on pourrait encore faire pour cet incroyable week-end de Noël. Circulation paralysée, personnel de la voirie sur la brèche 24 h/24, naufragés de la route, des congères de plus de 2 mètres, village coupé du monde… La liste est longue et le moral des Axonais est dans les chaussettes. Cet hiver, qui ne fait que commencer, n’a pas fini de nous surprendre. En l’espace de 24 heures, les superbes flocons virevoltant dans le ciel se sont transformés en un véritable cauchemar.

Safari dans le Grand Nord

Une situation si cauchemardesque au point de faire venir les médias nationaux et même le préfet du département Pierre Bayle. Pour décrire l’ampleur des dégâts, la sécurité civile a aussi fait le déplacement à Vervins. Depuis dimanche soir, 50 militaires réquisitionnent la salle des fêtes. Ce lundi, nous étions sur les traces du préfet et des militaires aux confins de la campagne thiérachienne. Après un rapide topo de gestion de la crise par le préfet, les militaires acceptent que les pompiers de Vervins embarquent la presse. Dès les premiers kilomètres, premier constat, si la RN2 est dégagée, la chaussée est encore glissante. Et c’est donc par un spectaculaire accident, sans gravité, que notre périple commence. Direction Tavaux-etPontséricourt, l’unique route est praticable, à condition

Au carrefour de La Capelle, ce chauffeur d’une citerne de lait a du faire demi-tour

équipé. La hauteur des congères nous ferait presque regretter le voyage. Les véhicules s’enlisent encore plus dans ce qui était autrefois des routes et qui ressemblent aujourd’hui à des chemins au Canada. Nous arrivons finalement dans une ferme isolée. Aucun tracas, les habitants ont pris toutes les précautions pour hiberner. Nouvelle étape vers la ferme blanche mais second couac, le véhicule de la sécurité civile ne peut pas passer, demi-tour. C’est par un autre chemin que nous arrivons au hameau. Le propriétaire nous raconte alors qu’il n’a absolument pas pu bouger de chez lui depuis le réveillon. Le périple continue à Burelles, les congères sont de plus en plus impressionnantes. Il y a une seule et unique route taillée dans la neige, il vaut donc mieux éviter de tomber nez à nez avec un véhicule. Troisième surprise, nous tom-

bons justement sur le maire, Philippe Yverneau. Visiblement étonné de voir ce petit monde perdu en pleine campagne, l’élu nous racontera n’avoir eu aucune difficulté sauf celle de créer un accès. Aux dernières nouvelles, les dernières communes libérées sont Molain et Sorbais.

10000 km de voiries à déneiger

Le voilà le problème de l’Aisne : 10000 km de route, parfois limite chemin souvent des communes ou hameaux isolés. Forcément avec un épisode neigeux pas si intense que cela, mais accompagné de vent, l’Aisne s’est rapidement transformée en Groënland. Résultat, ce sont les axes prioritaires comme les routes nationales et départementales qui ont été déneigées en premier par près de 80 engins.

Sur ces routes, le personnel a dû faire face aux camions et voitures bloqués au beau milieu de la chaussée. Le temps, si précieux lors de la formation de congères, s’est rapidement réduit comme une peau de chagrin pour déneiger les 165 km de routes nationales et les 5000 km de voiries départementales. Quant aux voiries communales, le manque de moyen technique et humain s’est vite fait ressentir. Quant au sel, la quasi-totalité du stock a été utilisé. De nouvelles livraisons ont eu lieu ce lundi, soit 321 tonnes pour les routes nationales, 2900 tonnes sont commandées. Au niveau départemental, 130 tonnes ont normalement été livrées. « Cela reste des quantités faibles pour la voirie départementale mais cela permettra de faire face à un nouvel épisode neigeux », confirmait le préfet Pierre Bayle. Delphine Houdan

n Avec une telle douche froide, les arrêtés d’interdiction de circulation des véhicules de plus de 7,5 tonnes ne cessent de pleuvoir. En attendant, c’est aux gendarmes des différentes compagnies axonaises de contraindre les chauffeurs de s’arrêter sur des parkings par forcément déneigés. Postés aux quatre coins des principaux axes, des chauffeurs ont toutefois réussi à passer à travers les mailles du filet, créant une véritable pagaille comme à Etréaupont où bien évidemment, une dizaine de camions s’est retrouvée bloquée dans la côte. À Montcornet, vingt véhicules ont été contraints de faire une halte d’au moins trois jours. À l’heure où nous écrivons ces dernières lignes, certains poids lourds n’avaient pas encore l’autorisation de partir.

Guise ‰ Les supermarchés dévalisés

Les rayons quasiment vides

Selon les responsables, la situation reviendrait seulement à la normale en début d’année n Dans les commerces, la baisse de fréquentation des clients commence à se faire ressentir. Et oui depuis jeudi dernier les rayons frais n’ont pas été ravitaillés faute de livraison. La raison: l’interdiction de circulation des poids lourds. Un seul camion a réussi à livrer le supermarché de la zone commerciale de Guise ce mardi midi. Dans la journée du 24 décembre plus de 60 % des produits sont en pénurie dans les rayons frais et surgelés. Les clients sont pour le moment compréhensifs. D’après la chef du rayon frais d’Intermarché: « La date des livraisons n’est toujours pas connue ». Selon elle, la situation n’est pas prête de s’améliorer d’ici le début de l’année. « En 20 ans de travail je n’ai jamais vu cela », commentait cette dernière.

50 hommes de la sécurité civile sous le commandement du capitaine Éric Dauce parcourent les villages isolés pour constater les difficultés rencontrées

Reportage : Delphine Houdan avec la participation des correspondants locaux


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