Europe, bagnoles et CO2 Allemagne 1 - France 0
Jetable sans en avoir l’air Le sale coup du parapluie
Les rois du recyclage
N°58 - septembre 2008 - LE MAGAZINE DU DEVELOPPEMENT DURABLE - www.terra-economica.info
L’âge d’or des déchets
Emeutes de la faim, pétrole, climat…
Le 1 choc écologique er
Entretien avec Lester Brown
SALON DE
L’HABITAT novembre 2008 NANTES SAIN & 14, 15, 16 5e ÉDITION
DES ÉNERGIES RENOUVELABLES www.salon-habitat-sain.fr
` 150 exposants ` Tables rondes ` Démonstrations ` Rencontres professionnelles
Le salon pour tous les publics Parc Expo La Beaujoire - Nantes Renseignements : Tél. 02 40 52 08 11
sommaire
4-5 BREVES 6-7 L’objet
Le parapluie 8-9 LE MARKETING EXPLIQUÉ A MA MERE
Au pays des mégalopoles 10-11 ALORS L’EUROPE ?
Du CO2 dans les relations franco-allemandes 12-19 DOSSIER
Lester Brown, pape de l’écologie : « Nos dirigeants ne perçoivent pas l’immensité du danger » 20-21 BOITE NOIRE
Le Conservatoire du littoral, gardien des sables mouvants 22 LU D’AILLEURS 23 ZOOM
Feltron, une vie en chiffres 24-32 ENQUETE
La ruée vers les déchets 34-35 ILS CHANGENT LE MONDE
Bataille pour un nombre d’or 36-37 L’ECONOMIE EXPLIQUEE A MON PERE
Chine : la fin d’une vedette américaine ? 38-39 ENRICHISSEZ-VOUS
Un dessin pour une forêt 40-42 EN DIRECT DE WWW.PLANETE-TERRA.FR
Ont participé à ce numéro (en ordre alphabétique inversé) : Normand Blouin / Reuters (Une), Marie Sergent, Anne Sengès, Anne-Gaëlle Rico, Céline Mounié, Emmanuelle Michel, Karine Le Loët, Antoine Heulard, Arnaud Gonzague, Gaw, Anne Daubrée, Eve Charrin, Cécile Cazenave, Caroline Bonnin, Cyrielle Blaire, Simon Barthélémy, Matthieu Auzanneau, Louise Allavoine, Toad, Olivier Philipponneau, Cire, Adrien Albert, Chris Jordan, Reuters, Rea, Picture Tank – Direction artistique : Denis Esnault – Responsable de l’édition : Karen Bastien – Directeur de la rédaction : David Solon – Responsable des systèmes d’information : Gregory Fabre – Directrice commerciale : Kadija Nemri – Conseiller abonnement : Baptiste Brelet – Assistantes commerciales : Véronique Frappreau et Elodie Nicou – Directeur de la publication : Walter Bouvais. Terra Economica est édité par la maison Terra Economica, SAS au capital de 137 233 euros – RCS Nantes 451 683 718 – Siège social : 42 rue La Tour d’Auvergne, 44200 Nantes – Principaux associés : Walter Bouvais (président), Gregory Fabre, David Solon, Doxa SAS – Cofondateur : Mathieu Ollivier – Dépôt légal : à parution – Numéro ISSN : 17664667 – Commission paritaire : 1011 C 84334 – Numéro Cnil : 1012873 – Impression : Goubault imprimeur, 8 rue de Thessalie, BP 4429, 44244 La Chapelle-sur-Erdre cedex. Lisez-nous, abonnez-vous sur notre site Internet : www.terra-economica.info/abo, par courriel : abo@terra-economica.info ou en nous appelant au 02 40 47 42 66. Ce magazine est imprimé sur papier écologique (ARCTIC Matt paper en 90 g/m² pour l’intérieur et 150 g/m² pour la couverture) avec des encres végétales.
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septembre 2008
brèves
3,1 milliards
(1) www.carbontrust.co.uk
Poubelles finlandaises et bonnes manières Pour rendre la cité encore plus propre, les autorités d’Helsinki ont fabriqué des poubelles parlantes. Ainsi, quand un passant dépose une canette de soda ou l’emballage dégoulinant d’un sandwich, la poubelle lui répond « merci » avec la voix d’un des élus de la capitale ou d’une célébrité nationale. En test à Helsinki jusqu’à fin septembre, le procédé a déjà été expérimenté à Berlin. L’histoire ne dit pas si une phrase d’insultes est à l’étude en cas de non-respect des règles. D.S. La Chine détone Creuser des mines et des routes à flanc de montagne, cela ne se fait pas – ou plus – à la pioche. Alors, pour alimenter son expansion économique, la Chine « mange » de l’explosif pour 1,7 million d’euros par an. Afin d’éviter les explosions à répétition, le gouvernement sort la « dynamite » policière. Il a annoncé qu’il contrôlerait les 400 producteurs semiclandestins non certifiés qui prospèrent sur ce marché. Objectif : en conserver seulement 30. K.B.
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Le burger qui nettoie les estomacs
bovins élevés dans des prés d’Uruguay larges comme deux terrains de football, assure la chaîne. Autre promesse : les steaks sont pauvres en graisses saturées et riches en oméga 3 et « Chez nous, tout ce qui se en vitamines A et E. Pour mange est bio. » C’est le credo de O’Burger, la première s’assurer de remporter la chaîne de fast-food 100 % bio couronne du bon élève de l’environnement, O’Burger récemment débarquée sur emballe ses sandwichs l’asphalte de Los Angeles. Pas d’exception au menu : du de matière recyclable, pain à la sauce aux légumes, biodégradable et/ou compostable et décore ses en passant par le ketchup ou les frites, tout répond aux restaurants de peinture sans critères de l’appellation. Pour plomb. Karine Le Loët www.oburger.net la viande, elle est issue de
“ Locavore ” gros mot
Le bonheur se trouve toujours près de chez soi. Les « locavores » en sont convaincus. Qui ? Une nouvelle race de consommateurs, qui s’intéressent moins au nombre de calories ingurgitées qu’aux grammes de CO2 émis lors de la production et du transport des produits qu’ils achètent. Ces adeptes du local raisonnent sur une unité totalement inédite : la « nourriture kilomètre ». Et attention, cette histoire est très sérieuse puisque le vocable « locavore » a officiellement fait son entrée dans les pages d’une référence, le New Oxford American Dictionnary. La démarche – pour le moins militante – engendre toutefois quelques sacrifices. Si vous habitez Copenhague par exemple, vous pouvez faire une croix sur vos envies de bananes des Antilles ou d’Afrique. Même bios. Oubliées aussi les fraises espagnoles d’Almeria ou les galettes de blé noir de Roscoff. Et le poisson ? Ben, de toutes façons, les océans sont vides. David Solon
jlv image works / fotolia.com
Le coût annuel en euros de l’énergie gaspillée par les entreprises britanniques. En cause, selon le rapport de l’organisme anglo-saxon Carbon Trust (1) : la mauvaise isolation des bâtiments, ainsi que les lampes et ordinateurs laissés allumés en dehors des heures de travail.
Mon vélo est en carton
C
ontre 15 livres (20 euros), vous voilà l’heureux acheteur d’un nouveau vélo ultraléger, respectueux de l’environnement et peu susceptible d’être volé. C’est la concrétisation du rêve de Phil Bridge, 21 ans, étudiant à l’université britannique de Sheffield Hallam et inventeur du premier prototype de vélo en carton. Capable de transporter un cycliste pesant jusqu’à 76 kilos, cette bicyclette possède un ultime
avantage : elle ne fond pas sous la pluie. Et si son espérance de vie est estimée a environ six mois, elle est presque entièrement recyclable. Même sa chaîne et ses pneus, seuls éléments non cartonnés de l’ensemble, sont aisément réutilisables, assure le jeune inventeur. Autre argument de poids : en Grande-Bretagne, un vélo est volé toutes les 71 secondes. K.L.L. www.shu.ac.uk/art/design/news/ cardboardbike.html
L’année des antiméduses
L’Australie a le sang chaud
icholakov / fotolia.com
La chaleur de la terre serait-elle l’énergie propre de demain ? Les scientifiques australiens y croient fermement. Ils estiment même qu’un seul pour cent du potentiel géothermique de leur île-continent suffirait à fournir à leur pays de l’électricité pour 26 000 années. De quoi voir venir. Mais alors, qu’attend donc le gouvernement australien pour investir massivement dans des projets géothermiques ? Rien. Il vient d’ailleurs de sortir de sa poche une grosse enveloppe de 29 millions d’euros. Elle doit permettre de favoriser le développement de cette technologie sur tout le territoire. Mais il faudra faire vite, car l’Australie, dont l’électricité est produite à 77 % à partir du charbon, vise un niveau de 20 % d’énergies renouvelables dans sa production globale d’ici à 2020. Louise Allavoine
Nouveau : le pétrolier-robinet Quels sont les bateaux qui réalisent le plus de voyages autour de la planète ? Les pétroliers qui font des allers-retours permanents entre la région du Golfe et l’Occident. Et pourquoi ne pas utiliser leurs cales vides à l’aller, se sont demandé des ingénieurs de la Royal
Des chercheurs de Swansea (pays de Galles) et de Cork (Irlande) affûtent leurs armes afin d’enrayer la prolifération des méduses. Boosté par le réchauffement des eaux et la pêche intensive d’autres espèces, l’animal marin se multiplie en effet depuis quelques années sur les côtes européennes, piquant les baigneurs et décimant les poissons. Dans la mer Noire, les méduses constitueraient aujourd’hui 90 % de la faune. Financé à hauteur de 700 000 euros par le Fonds européen de développement régional (Feder), le programme Ecojel va consister à marquer une à une les bestioles. Objectif ? Surveiller leurs cycles de vie, mesurer l’impact de leur invasion sur le reste de la faune, la pisciculture et le tourisme et, à terme, mieux protéger élevages et baigneurs. Les scientifiques comptent même les voir débarquer dans les assiettes anglaises. K.L.L.
Haskoning de Nimègue (Pays-Bas). Selon leurs calculs, un pétrolier équipé d’une installation de purification pourrait ainsi rendre potable jusqu’à 200 000 m3 d’eau douce sur un voyage moyen de deux à trois semaines. De quoi abreuver quotidiennement 400 000 personnes. Une aubaine potentielle pour les pays du
golfe Persique qui sont dépendants de la désalinisation, une technique encore coûteuse, note la lette de veille Bulletins électroniques. Reste à trouver un petit million d’euros, le prix de l’installation d’un tel système sur un pétrolier. Karen Bastien www.royalhaskoning.com
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septembre 2008
l’objet
Le parapluie Matières toxiques, durée de vie ultralimitée, sans filière de recyclage… Il y a comme un pépin avec le parapluie. Qui semble imperméable à l’écologie. PAR LOUISE ALLAVOINE
D
es parapluies comme s’il en pleuvait. Chaque année en France, il s’écoule 10 à 12 millions de pépins. Le chiffre varie selon les sources qui, en l’absence d’étude précise, visent large. Difficile effectivement de compter les parapluies. D’autant plus qu’un quart d’entre eux environ shunte le passage en caisse. Ce sont les parapluies publicitaires, estampillés et offerts par les marques. Selon l’année, pluvieuse ou non, il faut encore ajouter ou soustraire un million de pépins mis en circulation. Car les ventes de parapluies collent naturellement aux humeurs du baromètre. L’été dernier, leurs fabricants arboraient un large sourire alors que vacanciers, cafetiers et autres marchands de glace pleuraient sous les gouttes. Et, à en croire les climatologues, l’industrie du parapluie a encore de beaux jours devant elle dans l’hémisphère Nord. Car le changement climatique contribuerait à accentuer les tendances actuelles. Grosso modo, les régions pluvieuses, au Nord, verraient leurs précipitations augmenter alors que les régions arides, au Sud, s’étendraient. Une bourrasque et ça trépasse Mais les ventes ne dépendent pas seulement de la météo. Au Japon, ombrelles et parapluies sont des accessoires de mode et d’habillement traditionnels. Sur l’archipel où cohabitent 127 millions de personnes, 100 millions de parapluies sont vendus chaque année, notamment dans des distributeurs automatiques. Car, en seulement deux décennies, le scénario a changé. Un badaud se promène. Soudain, un cumulonimbus menace. Le passant, démuni, achète un pépin à 2 ou 3 euros au premier vendeur de rue venu. Emporté par une bourrasque, le parapluie à bas prix trépasse. Dès lors, peut-on ranger le parapluie parmi les produits jetables ? Le mot est un peu fort, estime Marc Chevery du département déchets de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe). « On peut difficilement parler de produit jetable s’il ne s’agit pas d’un produit à usage unique. » Mais pour Rodolphe Thiam, gé septembre 2008
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Comment s’abriter écolo ?
Le parapluie écolo existe-t-il ? Oui et non. Oui, car il a été inventé. Non, parce qu’il n’est pas encore disponible en France. Crayella, c’est son nom, a été créé par la Nord-Américaine Erin MacDonald à l’occasion d’un concours organisé, en 2006, par le blog Treehugger et le magazine de mode ID. Il est constitué de polypropylène recyclé et recyclable. Toujours aux Etats-Unis, la marque Brelli propose, elle, un parapluie en bambou et en « bioplastique », biodégradable. Enfin, bonne nouvelle dans l’Hexagone, Isotoner propose depuis cet été des parapluies qui, à défaut d’être recyclables, sont fabriqués à 75 % avec des matériaux recyclés.
10 à 12 millions de pépins
sont vendus dans l’Hexagone chaque année, selon les professionnels.
95 % des parapluies
écoulés en France sont fabriqués en Chine.
Pour aller plus loin
Les parapluies écolos : www.crayella.com www.thebrelli.com Des réparateurs de parapluies : www.peps-paris. com/index.html www.reparapluie. com
cire / www.cirebox.com
Que faire d’un vieux parapluie ? www.neomansland. org/article17075980.html
rant d’Ayrens, l’un des cinq derniers fabricants français de beaux parapluies, c’est pourtant le cas de la majorité des pièces qui circulent sur le marché. « Aujourd’hui, plus de 95 % des parapluies vendus en France sont fabriqués en Chine », expliquet-il. Depuis 1990 et la levée des quotas imposés à l’Asie sur les produits textiles, l’empire du Milieu « déverse en Europe ses produits à bas coût, de piètre qualité, qui se cassent au vent » et chargés de tonnes de CO2 liées à leur transport.
Les 127 millions de Japonais achètent 100 millions de parapluies par an.
Direction la décharge ou l’incinérateur Numéro un mondial du secteur, Isotoner, qui couvre 20 % à 25 % du marché français, se défend de faire du parapluie à bas coût. « Ce n’est pas notre stratégie, affirme Alexandre Mathieu, le directeur marketing de la société. C’est celle des importateurs qui vendent des parapluies sans marque, en grandes surfaces ou dans la rue. Nous cherchons à défendre un bon rapport qualité-prix. Un parapluie Isotoner est vendu entre 10 et 30 euros. Nous les testons et ils sont aussi résistants que ceux de la concurrence, même haut de gamme. » Vient tout de même un jour où la baleine se brise. Le pépin file donc à la poubelle. Mais laquelle ? Les fabricants n’ont aucune obligation de retraiter leurs produits. Il n’existe donc pas de filière de recyclage, à l’exception de quelques rares réparateurs comme Pep’s à Paris qui offre une deuxième vie à 10 000 parapluies chaque année. Mais les millions de pépins bazardés par an en France rejoindront pour leur majorité, soit la décharge, soit l’incinérateur. Nylon, polyester et plastiques toxiques brûlent. L’aluminium et l’acier de l’armature, devenus des matériaux précieux avec la flambée des cours, sont, eux, récupérés. —
« Les apprentis z’écolos » et la climatisation Découvrez le nouvel épisode de la série de dessins animés de Terra Economica (en coproduction avec Télénantes et Six Monstres). A visionner sur : www.planete-terra.fr (rubrique Environnement) terra economica
septembre 2008
le marketing expliqué à ma mère
Au pays des megalopoles Peut-on aujourd’hui vendre un territoire comme un paquet de lessive ? Oui, répondent les marketeurs qui aident les collectivités à attirer investisseurs et touristes. PAR ANNE DAUBRÉE
Une histoire de conquêtes et de pommiers Les individus coiffés d’un bob ne sont pas la seule manne que les collectivités se disputent. Le « marketing territorial » vise plus large. « Cette pratique est née pour attirer les investissements et les entreprises. Avec la décentralisation, les collectivités se sont dotées d’agences chargées de développer l’activité économique », explique Jean-Paul Pronost, chargé de mission au Conseil national des économies régionales (Cner). A l’échelle régionale, par exemple, ces agences disposent d’un budget annuel d’environ 2,8 millions d’euros, d’après les calculs du Cner. Et chacun des échelons du millefeuille territorial français s’est doté de structures de ce type. Résultat : « Il y a parfois un gaspillage de moyens, car il n’existe pas toujours de coordination entre les différentes institutions », admet Jean-Paul Pronost. septembre 2008
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Christian Blanc, secrétaire d’Etat chargé du développement de la Région Capitale, n’hésite pas à évoquer ce qu’il appelle la « marque Paris ». La stratégie est claire : il s’agit de différencier son territoire sur la base de son « identité », de bâtir une offre puis de le faire savoir. « Par exemple, nous avons choisi de nous appeler “ Caen la Mer ” pour rappeler l’histoire des conquêtes et nous éloigner du cliché de la Normandie avec ses vaches et ses pommiers, pas très porteur d’avenir », détaille Marc Thébault, le responsable de la communication de cette métropole du nord-ouest. A charge ensuite pour l’agglomération de décliner cette stratégie auprès de tous les publics. L’agence de développement Synergia a repris le même langage pour s’adresser aux investisseurs potentiels lors les salons internationaux, comme celui des professionnels de l’immobilier, le Mipim. « Le temps où les collectivités construisaient des immeubles avec 500 m2 de bureaux et tentaient ensuite de les remplir, c’est fini », commente Marc Thébault. Des sites Internet en chinois Pour parvenir à leurs fins, les collectivités ne lésinent pas sur les moyens. « Les régions sont prêtes à investir jusqu’à 1,5 million d’euros pour un grand projet », calcule Eric Fouché, responsable du pôle public au sein d’Euro RSCG. C’est cette agence de communication que Mulhouse et Angers ont retenue pour élaborer leur communication. D’autres, comme Clermont communauté, ont opté pour Territoires publics, une agence spécialisée, afin d’attirer des têtes pensantes. Pour ces projets, toute la batterie des outils marketing est mise à contribution : depuis l’étude de la concurrence européenne, les relations
olivier philipponneau
U
n plein d’essence en guise de bienvenue. Pour saluer les vacanciers faisant halte sur son territoire, la commune des Sablesd’Olonne (Vendée) remboursait cet été les pleins de réservoir. Plutôt original. Le département de LoireAtlantique faisait, lui, gagner des séjours de thalassothérapie sur son site Internet. « Nous essayons de capter les flux de touristes qui arrivent à l’aéroport de Nantes avant qu’ils ne repartent pour l’Anjou ou la Bretagne », argumente Jean-Philippe Javello, directeur du comité départemental du tourisme. Pour chiper les estivants à ses voisins, le département s’est même doté d’infrastructures spécifiques comme Velocéan, une piste cyclable destinée à attirer les aficionados de vélo.
presse, les campagnes de publicité, jusqu’à l’indispensable vitrine Internet. Le Grand Lyon a, par exemple, investi 1,5 million d’euros dans un portail multilangue chargé d’attirer, d’accompagner puis de guider les investisseurs vers les pôles de compétitivité ou les incubateurs d’entreprises. La ville de Rouen s’est aussi positionnée dans le multilangue et a même lancé une version chinoise de son site. In fine, les retours sur investissement des opérations de marketing territorial sont donc inégaux. Si Rouen ne risque pas l’invasion de touristes chinois, la métropole lyonnaise est parvenue à se hisser au 10e rang du classement économique européen Ecer (European cities entrepreneurship ranking). Un pour tous, tous pour un ? Mais cette débauche de moyens sert-elle l’économie nationale dans sa globalité ? « Il n’existe aucune opposition entre le développement de la Région Capitale et celui des autres régions. C’est un levier de développement pour tous », soutenait Christian Blanc, lors d’une conférence à Sciences-Po, le 22 mai dernier. Mais « tous » ne partagent pas cet avis : « En termes d’aménagement du territoire, la concurrence est génératrice de déséquilibres », objecte René Balme, maire de Grigny, ville de 8 000 habitants dans le Rhône.
1,5 million d’euros,
le budget moyen d’une ville pour un grand projet.
Pour aller plus loin
La République et ses territoires, Laurent Davezies (Seuil, 2008). La communication politique en pratique (la Documentation française, 2008).
Par ailleurs, le marketing territorial vise des activités qui ne sont pas forcément les plus rentables pour les territoires. D’après le géographe Laurent Davezies, dans leur chasse aux investisseurs et aux touristes, certains oublient en effet que leur santé économique repose sur différents piliers dont les activités de commerce et de services liés à l’habitat. Le marketing territorial fait au moins le bonheur des agences de conseil. —
Le marketing territorial, Fabrice Hatem (EMS, 2007). Conseil national des économies régionales : www.cner-france. com
10e, le rang de Lyon au
Très chère image de la France 28,5 millions d’euros : voilà ce que l’Agence Française pour les Investissements Internationaux (AFII) a dépensé en campagne de communication entre 2004 et 2007. Une opération « à l’efficacité incertaine », a tranché un rapport de la commission des Finances du Sénat réalisé en 2006. En Allemagne, cette campagne, qui a coûté 650 000 euros, « n’a servi à rien ». Cela a au moins permis à Ogilvy, l’agence chargée du projet, de facturer plus de 2 millions d’euros cette année-là. Retrouvez « le marketing expliqué à ma mère » sur : www.terra-economica.info
classement européen des villes les plus entreprenariales.
« Cette concurrence est génératrice de déséquilibres. » René Balme, maire de Grigny (69) terra economica
septembre 2008
alors l’Europe ?
Du CO2 dans les relations
franco-allemandes La chancelière Angela Merkel a dû mettre les mains dans le cambouis. Les normes d’émissions de gaz à effet de serre pénalisaient les berlines allemandes. Elle a finalement arraché un accord à Nicolas Sarkozy. PAR EVE CHARRIN (A BRUXELLES) l a fallu une rencontre au sommet entre Nicolas Sarkozy et Angela Merkel, le 9 juin dernier à Straubing, en Bavière, pour trouver un accord sur les plafonds d’émissions de gaz carbonique des futures voitures mises en circulation en Europe. Pas moins. C’est que le sujet est lourd d’enjeux écologiques, industriels… et politiques. Retour en janvier 2007. A cette date, la Commission européenne se saisit du dossier avec un objectif : réduire les émissions de gaz à effet de serre de l’industrie automobile dans le cadre du « paquet » énergieclimat (voir Terra Economica n° 56, juin 2008). Mais l’exécutif communautaire annonce la couleur : attention, les nouvelles règles seront contraignantes. Tout dépassement des futures limites sera sanctionné d’une lourde amende. Car jusqu’ici « les résultats n’ont pas été au rendez-vous », souligne Dudley Curtis, expert auprès de l’ONG Transport & Environment. Le CO2 dégagé par la circulation routière dans l’Union européenne a en effet augmenté de 26 % entre 1990 et 2004, alors que les émissions globales de dioxyde de carbone – incluant celles de l’industrie – diminuaient, sur la même période, de près de 5% sur le Vieux Continent. Egrenés par Stavros Dimas, alors commissaire européen chargé de l’Environnement, les chiffres se transforment en autant d’arguments à charge. A elles seules, les voitures individuelles – par opposition aux bus, camions, tracteurs… – sont responsables de 12 % des émissions européennes de gaz à effet de serre. Les avancées technologiques en matière d’efficacité énergétique ne suffisent pas à compenser l’augmentation du trafic, ni surtout celle de la taille des véhicules. Depuis une quinzaine d’années, les Européens manifestent en effet un penchant mar10 septembre 2008
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qué pour les grosses cylindrées. Et les constructeurs suivent le mouvement, trop contents de proposer des modèles certes plus chers, mais plus puissants et donc plus polluants. Le couperet des 120 grammes Mais là, le dossier se complique. La Commission européenne annonce, en décembre 2007, la mise en place d’une norme maximale : 120 grammes de CO2 au kilomètre, en moyenne, à partir de 2012. Mais ce couperet de 120 g doit-il s’appliquer in-
Menace de licenciements massifs En apparence très technique, la bagarre oppose frontalement Français et Allemands sur le terrain législatif européen, mettant aux prises industriels, lobbyistes et politiques, à Bruxelles, Strasbourg, Paris et Berlin. Pour forcer le trait : c’est la Porsche Cayenne contre la vaillante petite Clio. Vingt euros d’amende par gramme / kilomètre excédentaire à partir de 2012, et 95 euros à partir de 2015, cela représente plusieurs
millions d’euros pour les constructeurs hors des clous. Dans une Allemagne où 1/5 des emplois est peu ou prou lié à l’industrie automobile, les trois grands constructeurs – Volkswagen, Mercedes et BMW – brandissent la menace des licenciements massifs. Pas question de lésiner sur les arguments, quitte à verser dans la mauvaise foi. « Nous devrons fermer les usines dans lesquelles nous produisons les Mercedes Classe C, E et S », lâchait Erich Klemm, président du comité d’entreprise de Daimler, dans le très populaire journal Bild am Sonntag, lors des débats de la Commission. « Il s’agissait d’une campagne de désinformation qui a suscité l’inquiétude », se souvient Aat Peterse, un des responsables de l’ONG Transport & Environment. A la pointe du progrès environnemental, les Allemands ? Peut-être, sauf lorsque leur industrie se trouve dans l’œil du cyclone. A Straubing, Angela Merkel a arraché à Nicolas Sarkozy un accord plus favorable que ce que prévoyait la Commission européenne. L’objectif des 120 grammes ne s’appliquera pas par modèle, mais par gamme, et même par groupe automobile. Porsche serait ainsi tiré d’affaire grâce à sa fusion avec Volkswagen, le fabricant de la petite Golf. Un happy end pour les grosses cylindrées, sur fond de sauvetage du dialogue franco-allemand. Et la planète ? Elle attendra. —
Pour aller plus loin
Déclaration conjointe de Nicolas Sarkozy et Angela Merkel du 9 juin 2008 : www.franceallemagne.fr/9emeCMFA-Declarationconjointe,3446. html L’analyse de l’ONG Transport & Environment (en anglais) : www.transport environment.org/ docs/Publications/ 2007/2007-11_ car_company_co2_ press_release.pdf Etude d’impact du plafonnement des émissions de CO2 par la Commission européenne (en anglais) : http://ec.europa. eu/environment/ air/transport/co2/ co2_home.htm
L’Hexagone klaxonne
adrien albert
différemment à tous les constructeurs, comme le souhaiterait le français PSA, partisan d’une norme linéaire, pour valoriser les plus vertueux ? Ou bien n’est-ce qu’une moyenne, à décliner en plafonds plus ou moins élevés selon la taille ou le poids des véhicules, afin de laisser plus de latitude aux constructeurs de berlines plus imposantes ? « Alors il suffirait de construire des voitures plus lourdes pour s’en sortir », proteste Françoise Grossetête, députée (UMP) au Parlement européen, en phase avec les constructeurs français. Mais « c’est ce segment haut de gamme qui rend l’industrie automobile européenne profitable », rétorque Andreas Schwab, député allemand (CDU) au Parlement, très impliqué dans la défense des intérêts des industriels de son pays.
Attention, tous les champions européens de l’industrie automobile ne sont pas logés à la même enseigne. Osons ici un cocorico : les Français s’en sortent très bien. « Nous sommes les meilleurs sur le marché européen », fanfaronne-t-on chez PSA. Avec 142 g de CO2 par km en moyenne, les voitures de la gamme Peugeot sont les moins polluantes d’Europe, suivies des Fiat (144 g) et des Renault (146 g). « C’est le fruit d’efforts de recherche et développement de longue haleine », explique-t-on chez PSA. C’est aussi l’effet de la (petite) taille du véhicule. Il n’y a qu’à voir les grosses berlines allemandes : pas brillant pour BMW (182 g/km) et Daimler Chrysler (184 g). Quant à frimer au volant d’une Porsche, n’en parlons pas : à 282 g par km en moyenne, les luxueux bolides décrochent le bonnet d’âne. Mention spéciale pour la Porsche Cayenne, le 4x4 le plus bling bling du moment et l’un des plus polluants (358 g).
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septembre 2008 11
dossier
12 septembre 2008
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LESTER BROWN, un des écologistes les plus influents de la planète, analyse pour « Terra Economica » le premier choc e écologique du XXI siècle.
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« Nos dirigeants ne perçoivent pas l’immensité du danger » terra economica
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La récente crise alimentaire globale n’est pas une crise de plus. Elle est au cœur de toutes les autres : surexploitation des ressources naturelles, envolée des matières premières, surpopulation, réchauffement climatique. C’est la conviction du pape américain de l’écologie. Entretien. RECUEILLI PAR MATTHIEU AUZANNEAU
gypte, Mauritanie, Mexique, Maroc, Bolivie, Pakistan, Indonésie, Malaisie… La liste des pays secoués par des « émeutes de la faim » est longue. Selon le Fonds international de développement agricole (Fida), une agence de l’ONU, à chaque augmentation de 1 % du prix des denrées de base, 16 millions de personnes supplémentaires sont plongées dans l’« insécurité alimentaire ». Cette situation – non pas cyclique, mais structurelle – rend caducs les modèles d’intervention des organisations internationales, Nations unies en tête. Aujourd’hui, ces dernières doivent agir dans des zones où la nourriture existe, mais où les gens n’ont pas de quoi se la payer. Pour Lester Brown, agronome américain, ce n’est pas seulement l’affaire d’une mauvaise récolte. A ses yeux, la planète connaît une crise à la fois alimentaire, économique, démographique et écologique. A-t-on une quelconque raison d’espérer que la crise alimentaire s’atténue et que les prix de la nourriture redescendent dans le futur ? Je pense que l’ère de la nourriture bon marché appartient au passé. Nous avons déjà connu des hausses importantes des prix des céréales au XXe siècle, mais elles étaient liées à des événements climatiques isolés. Aujourd’hui, c’est beaucoup plus compliqué. Nous faisons face à une chaîne d’événements. Du côté de l’offre, nous assistons à un resserrement des ressources alimentaires mondiales, tandis que du côté de la demande, la population mondiale continue de croître de 70 millions de personnes chaque année. En outre, près de 4 milliards de personnes dans le monde voient leurs revenus augmenter et 14 septembre 2008
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aspirent à « remonter la chaîne alimentaire ». Pour arriver à produire la viande, le lait et les œufs supplémentaires qu’elles réclament, il faut beaucoup plus de céréales. Quel est l’impact du développement de la demande d’agrocarburants ? Cette année, j’estime que plus d’un quart de la production américaine de céréales ira dans les distilleries d’éthanol. Cette explosion des biocarburants a fait doubler le rythme de croissance de la consommation mondiale de céréales. On est passé d’une augmentation annuelle de 21 millions de tonnes entre 1990 et 2005, à plus de 40 millions de tonnes aujourd’hui. Les agriculteurs peinent à maintenir les rendements. Pour quelles raisons ? Le premier facteur, c’est la progression des pénuries en eau, conséquence d’une production trop intensive. Dans certains pays, le manque d’eau fait même chuter les récoltes de céréales, notamment en Chine pour le blé – c’est pourtant le premier producteur mondial de cette céréale – ou dans certains pays du golfe Persique. Des pompes d’irrigation qui s’assèchent, il y en a aussi beaucoup en Inde, ce qui affecte la production. Et puis, il y a l’érosion des sols qui progresse dans bien des régions : environ un tiers des terres arables dans le monde s’érodent plus vite qu’elles ne sont capables de se régénérer. Quel est l’impact de l’urbanisation sur l’agriculture ? La conversion de terres arables en terres perdues pour la culture atteint des records. Regardez le boom de la construction résidentielle et industrielle, et les routes, autoroutes et parkings nécessaires pour répondre aux besoins des 21 millions de véhicules supplémentaires mis en circulation chaque année. Agrocarburants, pénurie d’eau, éro-
Un « révolutionnaire vert »
Lester Brown, agronome de renom, fut l’un des promoteurs de la « révolution verte » dans les années 1960. Ce mouvement de mécanisation de l’agriculture des pays pauvres a permis de faire disparaître la plupart des famines endémiques. En 1974, avec le soutien de la fondation Rockefeller, il a fondé l’institut Worldwatch, le premier institut voué à l’analyse des questions d’environnement mondial. Il est désormais président du Earth Policy Institute.
mike hutchings / reuters
sion, destruction de terres arables : des contraintes telles sur les récoltes qu’il n’a jamais été aussi difficile d’augmenter l’offre agricole. Depuis sept ans, la consommation de céréales surpasse sa production. Les stocks sont aujourd’hui à leur plus bas historique. Et j’oubliais l’augmentation des températures ! Avec 1° C de hausse des températures globales, on peut s’attendre à une baisse de 10 % des rendements des cultures de blé, de riz et de maïs. Comment s’en sortir ? Dans le passé, la solution, c’était d’augmenter les subventions agricoles pour inciter à produire plus, ou d’investir plus d’argent dans la recherche. Nous devons continuer à faire ces choses-là. Mais il faut avant tout réussir à stabiliser le climat et la popu-
Manifestations le 6 août au Cap (Afrique du Sud) contre la hausse des prix de la nourriture, de l’essence et de l’électricité.
lation mondiale. Il faut aussi une initiative globale afin d’améliorer la productivité de l’eau, de la même manière qu’au siècle dernier, il y a eu un mouvement mondial pour faire progresser la productivité des sols. Aujourd’hui, les rendements à l’hectare sont trois fois plus élevés que dans les années 1950. L’augmentation des prix agricoles n’est-elle pas, finalement, une bonne nouvelle ? N’est-ce pas la condition pour que les agriculteurs puissent investir, augmenter leurs rendements et donc la production ? Les prix élevés vont inciter les fermiers à produire plus en effet, mais hélas, dans beaucoup de cas, cela veut aussi dire plus de surexploitation des nappes phréatiques, plus de déforestation tropicale, en Amazonie et en Afrique. C’est dangereux. terra economica
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dossier Toutefois, les hauts prix de la nourriture, du pétrole et des matières premières constituent aussi une opportunité historique pour modifier notre façon d’investir et parvenir à des modes de production durables ? Je le souhaite mais, pour l’instant, les débats dans les institutions internationales se concentrent sur des solutions agricoles traditionnelles pourtant insuffisantes. Je le répète : la solution pour éviter les pénuries de nourriture, c’est désormais d’abord la stabilisation du climat et de la population. Et là, nous sommes très loin du compte. A quel point sommes-nous loin du compte ? Vous dites souvent que la mobilisation nécessaire est comparable à un effort de guerre. Il y a de la bonne volonté partout dans le monde, mais je ne vois encore aucune réaction qui soit à la hauteur du danger. La prise de conscience mondiale progresse, mais beaucoup trop lentement. Je crois que c’est en partie parce que les gens se disent : « Si nous sommes patients, toutes ces difficultés finiront par disparaître. Prions pour que la prochaine récolte soit meilleure… » Peu de gens réalisent à quel point la récente crise alimentaire a des racines profondes qui sont liées à la structure même de l’économie planétaire. Pour y échapper, il va falloir des changements radicaux dans le mode de vie humain : moins d’enfants par couple, une alimentation beaucoup moins gourmande en viande notamment. Il faut regarder ces enjeux en face avant qu’il ne soit trop tard !
Plus loin sur le Net
Earth Policy Institute : www.earth-policy.org « L’agriculture pour le développement », rapport 2008 de la Banque mondiale : www.worldbank. org/wdr2008 « L’état de l’insécurité alimentaire dans le monde », rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’agriculture et l’alimentation (FAO) : www.fao.org/SOF/
Mobiliser l’économie mondiale prend du temps. La lenteur des négociations internationales pour limiter les émissions de gaz à effet de serre vous rend-elle pessimiste ? Bien sûr que oui. Même chez vous, en Europe, les effets du protocole de Kyoto sont encore bien maigres. Ce n’est pas grâce aux accords internationaux que nous réussirons à survivre. Nous ne pouvons y arriver que si des initiatives locales spontanées se multiplient pays par pays. La Nouvelle-Zélande envisage, par exemple, de devenir le premier pays neutre en termes d’émissions de gaz à effet de serre. Ce qui est remarquable dans ce choix, c’est que le Premier ministre néo-zélandais n’a pas dit : « Nous allons le faire si l’Australie, la Chine ou les Etats-Unis font pareil. » Aux Etats-Unis, malgré l’intransigeance de Washington dans les négociations internationales, on voit poindre beaucoup d’initiatives de ce type. Cela 16 septembre 2008
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vous semble-t-il suffisant ? En moins d’un an, un puissant mouvement politique partant de la base a presque réussi à imposer un moratoire de fait sur la construction de nouvelles centrales électriques au charbon (qui sont une source majeure d’émissions de gaz à effet de serre, ndlr). Je trouve cela très encourageant. Sur 151 projets de nouvelles centrales au charbon, plus de 60 ont déjà été abandonnés grâce à l’opposition des élus locaux et de la société civile. Soixante autres projets sont attaqués en justice par des associations écologistes. Si l’humanité survit au réchauffement, ce sera grâce à des initiatives démocratiques spontanées comme celles-ci. Négocier des accords internationaux, puis les ratifier, prend beaucoup trop de temps. Si on ne compte que là-dessus, le sable aura fini de s’écouler dans le sablier avant que nous ayons pu faire ce qu’il faut. Mais la contestation démocratique peut-elle l’emporter sur les réalités économiques ? Car le charbon reste le moyen le moins cher pour produire actuellement de l’électricité. Justement ! Les plus grandes banques américaines, comme, JP Morgan ou Citigroup, disent qu’elles ne prêteront plus d’argent pour construire des centrales au charbon à moins que leurs constructeurs ne leur démontrent qu’elles seront encore rentables lorsque Washington finira par imposer des restrictions sur les émissions de gaz à effet de serre. Faire cette démonstration est évidemment impossible. La seule certitude, c’est que la démocratie finira par imposer ces restrictions. En conséquence, Wall Street est donc en train de tourner le dos à l’industrie américaine du charbon. Il y a un an, personne aux Etats-Unis ne voyait venir cette levée de boucliers. Je crois qu’elle va devenir un phénomène planétaire, et ça me rend enthousiaste ! Raison démocratique et rationalité économique semblent pouvoir se rejoindre. Depuis quelques mois, les Américains n’achètent pratiquement plus de 4x4. Oui, c’est aussi une tendance intéressante, et très spectaculaire, un effet de la hausse du pétrole. Comme si, de fait, une taxe sur le carbone avait été instituée.
A Lisbonne (Portugal), le 11 juin, panique dans les stations-essence.
Les prix élevés des matières premières, du pétrole dans le cas présent, peuvent finalement être une bonne nouvelle. Dans ce sens, oui. C’est une heureuse coïncidence pour le climat.
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Plongée dans le « Plan B » Le « Plan B » défendu par Lester Brown consiste en une révolution industrielle basée sur le boom du « green business », notamment le recyclage et les énergies vertes. Aucune trace de décroissance dans la thèse de l’agroéconomiste, mais une série des mesures concrètes à prendre pour éradiquer la pauvreté et stabiliser la population mondiale (à 7 milliards d’individus, au lieu des 9 milliards prévus par l’ONU en 2050), remettre la planète en état (programme mondial de reforestation, de contrôle de l’érosion et d’économies d’eau), stabiliser le climat et concevoir des cités pérennes. Il a chiffré cette transition vers une économie sobre en carbone à280 milliards de dollars par an.
Plus loin en lecture
Plan B 3.0: Mobilizing to Save Civilization (EPI 2008) : son dernier livre – en anglais – est téléchargeable sur le site du Earth Policy Institute : www.earth-policy.org Plan B : pour un pacte écologique mondial, Lester Brown et Nicolas Hulot (Calmann Levy, 2007). Articles de Brown, traduits en français par Ecologik Business, partenaire du Earth Policy Institute : www.ecologik-business.com/newsletters/index.html terra economica
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dossier
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la boîte noire
Le GARDIEN des sables mouvants Le Conservatoire du littoral bataille pour son bout de plage. Il rachète des terrains pour pouvoir, à terme, valoriser 30 % des rivages français. Stratégie couronnée de succès. PAR SIMON BARTHELEMY
de Bonifacio.
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nespéré : 2,5 millions d’euros, plus une 2 CV. Grâce à ce legs d’une vieille dame, dont le dernier vœu était de préserver la nature bretonne, le Conservatoire du littoral a pu récemment acheter l’île Ilur – 40 hectares et un hameau déserté dans le golfe du Morbihan. Une aubaine financière pour l’établissement public, qui ne dispose que de 25 millions d’euros par an (sur un budget de 45 millions) à consacrer à de tels investissements. Et une sacrée veine, car les îlots privés du Morbihan changent peu de mains et sont scrutés à la longue vue par les plaisanciers fortunés. Or, depuis sa création en 1975, l’une des missions du conservatoire est justement de laisser terra economica
Oiseaux migrateurs, phoques et dunes Pas question toutefois de placer ce « tiers sauvage » sous verre ou à l’ombre de barbelés. Trente millions de personnes visitent chaque année les sites du conservatoire, qui transfère leur gestion aux collectivités. « Ces dernières comprennent de mieux en mieux l’intérêt touristique de posséder des espaces ouverts et pas totalement urbanisés », signale Anne Konitz, chargée de communication au conserva-
william dupuy / picturetank
Sur les falaises
« ouverts au public » les bords de mer ou de lac et d’en protéger les richesses naturelles menacées par le béton et la privatisation. Comment ? Ses dix délégations réparties sur tout le territoire surveillent les mises en vente et acquièrent le maximum de terrains aux petits comme aux gros propriétaires. Par exemple, 270 personnes se partageaient les 100 hectares de la pointe du Raz en Bretagne ; en revanche, il n’a fallu faire qu’un seul chèque aux Salins du Midi pour racheter 2 300 hectares en Camargue. Plus de 117 000 hectares sont aujourd’hui inaliénables, « comme un musée achète des tableaux pour les soustraire au marché », explique Emmanuel Lopez, le directeur de l’établissement public. Dans son escarcelle, 1 000 kilomètres de rivages – dont quelques joyaux, comme l’île de Porquerolle ou les falaises de Bonifacio en Méditerranée –, soit environ 12 % du littoral français. Objectif : en protéger le tiers d’ici à 2050. Cette mission est capitale alors que les bords de mer attirent plus que jamais les foules : les départements du littoral devraient compter 3,4 millions d’habitants supplémentaires en 2030.
toire. En plus de lancer les touristes sur des sentiers botaniques, l’institution compte sur les communes pour réinstaller des agriculteurs et cultiver des variétés traditionnelles comme le blé noir. « Il est bien plus pertinent de maintenir l’agriculture, qui est une source de revenus et qui entretient les espaces, que de laisser ceux-ci libres. Chez nous, nous encourageons par exemple l’élevage de vaches écossaises à longs poils, bien adaptées aux prairies humides », explique Matthieu Delabie, responsable du parc ornithologique du Marquenterre, dans la baie de Somme. Cet écrin de biodiversité – oiseaux migrateurs en escale, phoques en balade dans la Manche, paysages dunaires – intéresse beaucoup le conservatoire. Mais il a dû récemment renoncer à l’acquisition de 300 hectares jouxtant le Marquenterre, car ce terrain était vendu sous forme de parts de société civile immobilière (SCI). Or la loi interdit aux communes et aux établissements publics d’acheter des actions de SCI ou de faire jouer leur droit de préemption (1). Une gageure alors qu’environ la moitié des terres qu’il
Qui « artificialise » le littoral ? « Le Conservatoire du littoral assure la défense active des côtes. La loi Littoral de 1986 prévoit leur défense passi e », rappelle Anne Konitz, chargée de la communication du Conservatoire. Leur action conjuguée a sans doute limité la bétonnisation, mais elle ne l’a pas empêchée. Selon l’Institut français de l’environnement (Ifen), entre 1990 et 2000, trois fois plus de terres ont été « artificialisées » dans les communes littorales que dans le reste du pays. Cette évolution a surtout concerné la zone entre 500 m et 2 000 m de la côte. La loi Littoral interdit toute construction à moins de 100 m du rivage ainsi que la création de routes à moins de 2 km du rivage, mais c’est encore trop pour certains. En juin 2008, un « collectif pour la loi littoral » manifestait près de Bonifacio (Corse) contre les constructions de villas et complexes immobiliers en dépit de permis de construire déclarés illégaux. Parmi leurs cibles, la maison du publicitaire Jacques Séguéla. Mais la multiplication des mobil-homes ou des campingcars est une « sous-urbanisation incontrôlable » qui alarme autant le conservatoire. Son directeur Emmanuel Lopez rappelle par ailleurs que l’élévation du niveau de la mer et l’érosion du littoral contraignent l’établissement à préempter de plus en plus au-delà de la limite légale des 100m.
Pour aller plus loin
Conservatoire du littoral : www.conservatoiredu-littoral.fr Union mondiale pour la nature : www.uicn.fr Observatoire du littoral : www.littoral.ifen.fr
lorgne en France restent sous le régime des « ventes libres ». Beaucoup de propriétaires ont en effet compris que les SCI constituaient une belle voie d’eau dans le dispositif du conservatoire. Selon son directeur adjoint, Bernard Gérard, « les SCI, créées pour éviter la division de grands domaines, notamment en Méditerranée, appartiennent à des grands groupes ou des banques qui souhaitent construire. Mais un rapport récent du Conseil d’Etat propose d’expérimenter le droit de préemption sur les SCI pendant trois ans. Cette décision, favorable aux communes pour le logement, pourrait aussi s’appliquer à la protection de l’environnement. » Des aides qui font tousser Cependant, la hausse des prix du foncier inquiète les responsables du conservatoire. Si celui des terrains inconstructibles varie peu (70 centimes le m2), les prix des espaces bâtis ou constructibles continue de flamber : au moins 100 fois plus cher. L’intendance suivra-t-elle ? Jusqu’ici variable d’ajustement pour l’Etat lors des années de vaches maigres, son budget a enfin été pérennisé en 2007 par l’affectation de la taxe de francisation des bateaux de plaisance : 35,5 millions d’euros, auxquels s’ajoutent les aides des collectivités, des agences de l’eau et du mécénat. Le conservatoire table en effet de plus en plus sur l’aide des entreprises – « même si le soutien de Procter & Gamble ou Total fait parfois tousser en interne », souffle Anne Konitz. Et ses moyens humains restent limités (133 salariés). Emmanuel Lopez se dit néanmoins optimiste : « Si nous maintenons notre rythme actuel – 3 500 hectares achetés l’an dernier –, nous atteindrons notre objectif de 270 000 hectares en 2050. » L’important, c’est d’arriver. Même en 2 CV. — (1) Ce droit permet d’être informé par les notaires en cas de mise en vente puis d’être prioritaire à l’achat.
fiche d’identité Creation : 1975. Budget : 45 millions d’euros, dont 25 millions consacrés à l’acquisition et à l’aménagement des sites. SALARIES : une centaine de personnes, à la Corderie Royale à Rochefort, à Paris et aux sièges des délégations régionales. En outre, 150 gardes du littoral, recrutés par les collectivités locales, surveillent les sites. ACTIVITE : au 1er juin 2008, protège 117 200 hectares sur 600 ensembles naturels, représentant environ 1 000 km de rivages maritimes.
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lu d’ailleurs
« Nous avons compris que, cette fois-ci, l’ennemi n’était pas le terrorisme mais notre incapacité à rénover nos infrastructures. » Michael Bloomberg, le maire de New York, qui a dévoilé, le 20 août, un programme d’énergies renouvelables, consistant notamment à installer des éoliennes sur les gratteciel et ponts de New York.
Le Japon sort sa calculette carbone Devinette : combien coûte un paquet de chips à la planète ? Pas moins de 75 g de CO2. Les consommateurs japonais devraient bientôt être incollables à ce petit jeu. Car, après le Royaume-Uni et la France, l’étiquetage carbone devrait bientôt voir le jour au pays du Soleil-Levant, relate le quotidien britannique The Guardian. Au printemps prochain, une douzaine de produits – nourriture, boisson, détergents, appareils électriques – devraient afficher leur empreinte écologique. Une vingtaine de sociétés travaillent avec les services du ministère de l’Economie, du Commerce et de l’Industrie pour calculer cette fameuse quantité de CO2 émise, depuis la production jusqu’à la livraison en rayons. Louise Allavoine
e protocole de Kyoto, ce ne sont pas que des impératifs de baisse d’émissions de gaz à effet de serre. C’est aussi un moyen intéressant de financer des projets de développement nonpolluants, grâce au Mécanisme pour un développement propre (MDP). En 2007, ce système a brassé 43 milliards d’euros. Mais l’Afrique ne compte que pour 3 % des 1000 projets du MDP approuvés dans le monde. Et encore, la moitié d’entre eux se situent en Afrique du Sud, souligne le site Afrik.com. Manque d’infrastructure et de main-d’œuvre qualifiée, faibles ressources financières, institutions précaires, corruption et instabilité politique, la liste des récriminations des investisseurs est longue. L’Afrique sera pourtant l’une des régions les plus durement frappées par le changement climatique. Karen Bastien
www.guardian.co.uk
www.afrik.com
22 septembre 2008
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Or le Canada est l’un des principaux producteurs mondiaux d’amiante chrysotile. D’après le Journal de l’environnement, « le groupe d’experts qui a réalisé ce rapport affirme que les résultats de l’étude justifient l’interdiction de la production et de la consommation d’amiante au Canada ». Une nouvelle qui tombe mal alors
que la production de la seule mine d’amiante chrysotile encore en activité au Canada explose : 13 000 tonnes y ont été produites en juillet, un record depuis quatre ans. Et la consommation mondiale d’amiante a augmenté de 25 % au cours des cinq dernières années. David Solon www.journaldelenvironnement.net
steve duchesne / fotolia.com
Le Canada ferme les yeux sur l’amiante Le gouvernement canadien joue les petits malins. Il est accusé par de nombreuses associations protectrices de l’environnement de bloquer un rapport – pourtant commandé par ses soins en mars dernier – sur les liens entre amiante et cancer du poumon.
L’Afrique fait peur aux billets verts
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Au dĂŠpart, en 2004, c’Êtait une lubie. Nicholas Felton, graphiste new-yorkais, compilait tout ce qui faisait son quotidien : le nombre d’e-mails envoyĂŠs, de taxis empruntĂŠs, de morceaux de musique ĂŠcoutĂŠs, de musĂŠes visitĂŠs, de jours travaillĂŠs, de hot-dogs ingurgitĂŠs‌ PassionnĂŠ de statistiques, il met alors en forme cette tonne de chiffres. Mis en ligne sur son site (et imprimĂŠ Ă 2 000 exemplaires), ce ÂŤÂ rapport annuel  fait un tabac. ÂŤÂ Ce succès inattendu m’encourage Ă professionnaliser ma collecte d’informations, sa prĂŠcision. C’est assez fascinant de pouvoir ainsi “ encapsuler â€? chaque annĂŠe ma vie , reconnaĂŽt le trentenaire. www.feltron.com / www.mgfn.net terra economica
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La ruée vers
les déchets
(SERIE PHOTOS DE CHRIS JORDAN)
es docks. Côte Est de l’Angleterre. Sur le quai du port de Felixstowe, plusieurs centaines de containers sont déchargés. A l’intérieur, des ordinateurs ou des jouets « made in China ». Chaque objet est emballé dans du plastique, du papier ou du carton. Mais désormais, sur le Vieux Continent, plus rien – ou presque – ne se perd, tout se transforme. Les emballages issus de l’importation de marchandises sont en effet transbahutés au cœur de centres de traitement pour y être transformés en fibres de cellulose. Puis, retour à l’envoyeur. Au lieu de repartir à vide vers la Chine, les conteneurs du navire accosté au port de Felixstowe seront lestés de pâte à papier prête à être réutilisée. En 2004, près de 500 000 tonnes de papier ont ainsi été exportés du Royaume-Unis vers la Chine. Et les autres pays européens font de même. Ce trafic fait le bonheur des pays émergents qui s’approvisionnent ainsi en matières premières à bas coûts. 500 euros la tonne de ferraille Aujourd’hui, les montagnes de déchets, longtemps mal considérés et sous-exploités, constituent d’immenses gisements qui attisent toutes les convoitises. Car les matières premières dites « primaires » ne suffisent plus à répondre à l’appétit des pays émergents, tels que l’Inde et surtout la Chine. « Sans ce recyclage et cette création de “ nouvelles matières premières ”, appelées d’ailleurs “ secondaires ”, nous subirions une pénurie depuis déjà longtemps », souligne Philippe Chalmin, président de l’institut Cyclope (Cycles et orientations des produits et des échanges) et coauteur de l’étude « Du rare à l’infini : panorama mondial des déchets ». Le recyclage fournit déjà 50 % terra economica
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www.chrisjordan.com
Sans eux, la planète économique tournerait au ralenti. Recyclés, la ferraille, le papier, le verre ou le plastique répondent déjà à 50 % des besoins mondiaux en matières premières. Plongée dans le business très lucratif des déchets. PAR CYRIELLE BLAIRE
enquête
des besoins mondiaux en matières premières. Et un quart seulement des « ressources » en déchets est actuellement exploité. Désormais, nos rebuts valent de l’or. « La ferraille atteint 500 euros la tonne ! Avec la flambée du cours des matières premières, les prix des matières secondaires atteignent des montants que nous n’aurions jamais imaginés, s’enthousiasme le président de Cyclope. Quand le prix de la tonne de minerai de fer est multiplié par quatre, celui de la ferraille double. Idem pour la pâte à papier qui entraîne le vieux papier dans son sillage. » Explosion de la demande, raréfaction des sources et contrôle plus sévère des émissions de gaz à effet de serre : tout coïncide actuellement pour que les prix s’envolent. Vingt ans après les premières réglementations environnementales, nos poubelles prennent encore du galon. « L’industrie du recyclage est beaucoup moins énergétivore que la production classique », précise Virginie Rocheteau, chargée des politiques de recyclage à l’Ademe (Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie). Fabriquer du papier à partir de vieille paperasse plutôt qu’avec du bois représente une économie d’énergie de 64 %. L’aluminium fait encore mieux : 95 % de gagné ! Et avec 2,5 milliards de tonnes de détritus produits par an – soit presque autant que la production mondiale de céréales –, les matières à recycler semblent une source inépuisable. Boulimie chinoise « Nous sommes entrés dans une nouvelle ère. Les marchés de la récupération se sont mondialisés et nous exportons désormais vers des pays de plus en plus éloignés », constate Gérard Bertolini, chercheur au CNRS. Chaque année, dans le monde, 600 millions de tonnes de matériaux sont recyclées. Sur ce total, 135 millions de tonnes circulent autour du globe, dont 59 millions à l’intérieur de l’Europe. « Pour schématiser, l’Amérique et l’Europe sont exportatrices nettes et l’Asie importe », résume Dominique Maguin, président du Bureau international du recyclage (BIR). Mais dans le détail, quelles sont les matières qui s’échangent ? Papier, plastique, métaux ferreux et non ferreux font l’objet de mouvements incessants à l’échelle planétaire. Nation pauvre en minerais, la Turquie est le premier importateur mondial de ferraille, devant les géants chinois et indien. L’Afrique – et plus modestement l’Asie – récupère nos vieilles fripes, faisant vivre plusieurs centaines de milliers de personnes. Enfin, la Chine et l’Inde, dont la réglementation sur les déchets d’équipements électriques et électroni26 septembre 2008
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Série photos de Chris Jordan, intitulée « Intolérable beauté :portrait de la consommation de masse américaine » (2003-2005).
ques (D3E) est encore balbutiante, voient affluer les ordinateurs devenus obsolètes. Restent les métaux ferreux et non ferreux, le plastique ou les fibres de récupération de papiers/cartons, dont la Chine est indiscutablement le premier importateur mondial. Car, sans les matières secondaires, le monde ne suffirait pas à satisfaire l’appétit du géant asiatique. Les Français en tête « Le monde du recyclage n’est pas celui de la subvention. Le marché est sous-tendu par une logique économique », précise – au cas où l’on douterait – Dominique Maguin, président du BIR. Avec un chiffre d’affaires annuel de 130 milliards d’euros, le recyclage est devenu une poule aux œufs d’or, attirant nombre de grosses sociétés. « De grandes entreprises de traitement de déchets, des sidérurgistes et des papetiers se tournent vers cette industrie en rachetant des entreprises de récupération », analyse le responsable du BIR. Les Français ne sont pas en reste : Veolia, Suez et Joël Séché sont les trois entreprises leader
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La récup version réinsertion
du traitement des déchets dangereux. « La convention de Bâle interdit d’échanger ces déchets, rappelle Dominique Maguin. Les sociétés françaises créent donc des usines sur place, partout dans le monde, pour y traiter ces produits dangereux. » Selon le BIR, entre 1,5 et 1,8 million de personnes travaillent dans le recyclage (1). Des travailleurs des bidonvilles aux PME en passant par les multinationales, Terra Economica est allé à la rencontre de ceux qui transforment nos déchets en or en Inde, aux Etats-Unis, en Thaïlande et en Allemagne. — (1) Ces statistiques ne prennent pas en compte l’économie informelle de la récup : dans certains pays, comme le Mali, la Côte-d’Ivoire ou le Bénin, 10 % de la population peut en vivre directement ou indirectement. Suite page 28
Pour aller plus loin
L’institut Cyclope : www.cercle-cyclope.com Bureau international du recyclage : www.bir.org Fédération des entreprises du recyclage : www.federec.org
Dix-huit palettes de matériel informatique obsolète, en provenance d’une grande banque, viennent de débarquer dans les entrepôts d’Atelier sans frontières, à Bonneuil-sur-Marne (Val-deMarne). Un tiers sera remis à neuf et vendu à bas prix dans des pays en voie de développement. Les deux tiers restants seront recyclés : les appareils démantelés et les métaux triés. Au total, 25 personnes travaillent dans l’atelier informatique de ce chantier d’insertion. Toutes ont connu de grandes difficultés – drogue, alcoolisme, prison – et réapprennent ici une logique de travail avec un encadrement particulier. « Le recyclage reste un travail à la chaîne. Mais avec le ramdam du Grenelle, la question de l’environnement donne du sens à l’activité de nos gars », explique Thibaut Guilluy, le directeur. Les gestes sont simples mais indispensables. Car, pour atteindre le tube cathodique, en extraire les éléments polluants, le verre et les matières premières, impossible de se passer des mains humaines. 5 000 personnes formées Historiquement, en France, récupération et réinsertion ont toujours fait bon ménage. Des structures, comme Emmaüs par exemple, se sont constituées sur la retape des objets usagés. Depuis plusieurs années, contexte économique et urgence écologique aidant, les filières de recyclage grossissent à vue d’œil. « Les entreprises de recyclage ont du mal à recruter. Pourtant, nous avons des personnes prêtes. Mais il
faut faire savoir qu’elles existent », explique Matthieu Grosset du Comité national des entreprises d’insertion (CNEI). Aujourd’hui, 9 % de ses adhérents développent une activité liée à la collecte, au tri et à la dépollution. D’après le CNEI, 5 000 personnes sont formées chaque année dans les entreprises de réinsertion dédiées au recyclage. Dans la seule filière D3E (Déchets des équipements électriques et électroniques), ces dernières règnent sur 12 % des parts du marché. La concurrence des machines Chez Ecologic, l’un des quatre éco-organismes gérant la filière D3E, 20 % des opérations, soit 9 millions de tonnes de déchets, passent entre les mains de l’insertion. « Ils ne réussiront jamais à faire ce que fait Veolia qui investit massivement, explique René-Louis Perrier, président d’Ecologic. Mais je leur demande d’être compétitif et de faire un travail de qualité. » A la Fédération des entreprises du recyclage (Federec), on admet que la présence des entreprises d’insertion, subventionnées par l’Etat, suscite des tensions. Perçue comme une concurrence déloyale, cette main-d’œuvre va être bientôt confrontée à de nouveaux enjeux. « Que se passera-t-il quand la technologie de pointe fera son apparition ? A l’avenir, il y aura des machines à trier les métaux », souligne Claude Platier, de la Federec. La mécanisation pourrait alors mettre en danger le travail des petites mains du recyclage. — CECILE CAZENAVE
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septembre 2008 27
enquête
ALLEMAGNE
Les deux fous de la poubelle Ils portent une cravate, travaillent dans un building de verre et d’acier mais se définissent comme des « éboueurs ». Rencontre avec les frères Schweitzer, pédégés d’Alba, un poids lourd du secteur. PAR ANTOINE HEULARD (A BERLIN)
Déclic dans une cour d’hôtel Alba, le groupe qu’il dirige avec son frère, a réalisé en 2007 un chiffre d’affaires de plus d’un milliard d’euros. La PME, fondée il y a quarante ans, est devenue le numéro 3 du secteur en Allemagne, grandissant à coup de rachats de ses concurrents. Alba ramasse et recycle aujourd’hui 5 millions de tonnes de déchets par an. « Tant qu’il y aura des hommes, notre activité aura de l’avenir », assure, confiant, Axel Schweitzer. Leur histoire personnelle et leur réussite 28 septembre 2008
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sont donc intimement liées aux ordures. Tout commence dans une cour intérieure en 1968. Franz-Josef Schweitzer est en voyage d’affaires à Berlin. Depuis la fenêtre de sa chambre d’hôtel, il observe les déchets d’un atelier qui s’accumulent. « L’entreprise publique de ramassage ne passe qu’une seule fois par semaine », lui rapporte alors le patron de l’établissement. Le père d’Eric et Axel a alors un déclic. Il fonde Alba sur une idée simple : sa société déblaiera les ordures deux fois par semaine. « Il a commencé avec notre mère et deux camionnettes », se souvient Axel. Très jeunes, les deux fils sont mis à contribution. Pour se faire de l’argent de poche, ils trient les déchets et revendent le fer, le papier et le verre. Avec la libéralisation du ramassage des ordures et la généralisation du tri sélectif, l’entreprise connaît un nouvel essor.
Alba se concentre alors sur les poubelles « jaunes » dans lesquelles sont déversés emballages et matières plastiques. Parvenus entretemps à la tête du groupe, les deux frères cherchent alors à intégrer toute la filière en investissant dans des
Fiche d’identité
Allemagne
Capitale : Berlin. Habitants : 82,3 millions. dEchets/AN/habitant : 564 kg. part DES DECHETS recyclEs : 70 % (soit 397 kg de déchets recyclés/an/habitant). ACTEURS DU SECTEUR : Remondis (5,5 milliards d’euros de chiffre d’affaires) Veolia Uwelt Service (1,2 milliard d’euros de CA) Alba (1,1 milliard d’euros de CA). Source : Office allemand des statistiques - Statistisches Bundesamt Deutschland DR
A
u restaurant, Axel et Eric Schweitzer font souvent un détour de quelques minutes par la cour intérieure. Direction, la benne à ordures. Les deux frères s’inquiètent de savoir si l’établissement a confié le ramassage des ordures à leur entreprise. Ou si un concurrent leur a soufflé le marché. Simple déformation professionnelle ? Cela ressemble plutôt à un rituel. Eric, l’aîné, avoue même être volontairement arrivé en avance le soir de son premier rendez-vous avec sa future femme afin de faire, en toute discrétion, sa petite inspection des poubelles. « Si elle m’avait vu faire, elle m’aurait pris pour un fou », reconnaît-il aujourd’hui. L’anecdote, rapportée par le quotidien allemand Tagesspiegel, en dit long sur la relation quasi-fusionnelle qu’entretiennent les frères Schweitzer avec les poubelles.
INDE
Une deuxième vie dans le bidonville de Dharavi Nagendra recycle du plastique, du matin au soir, depuis huit ans. Son but : gagner assez d’argent pour retourner au village. PAR ANNE-GAELLE RICO (A BOMBAY)
L
anne-gaelle rico
usines de recyclage. Pari gagnant : leur groupe produit notamment des copeaux de plastique que les industriels utilisent comme matière première. Avec la hausse du prix du pétrole, leur produit s’arrache. Lutte pour une poubelle « jaune plus » « Nous contribuons à l’indépendance énergétique de notre pays », lance Axel Schweitzer. Une perche tendue aux politiques à qui il cherche depuis plusieurs années à vendre son concept de poubelle « jaune plus » dans laquelle les appareils électroménagers pourraient aussi être jetés. Au passage, Alba mettrait la main sur un nouveau marché qui pour l’instant lui échappe. Testée à Leipzig depuis 2006, l’idée n’est pas encore parvenue à s’imposer ailleurs en Allemagne. — www.alba.info
a lumière est vacillante, le bruit assourdissant et la chaleur insoutenable. Nagendra Kumar, le visage trempé de sueur, stoppe la machine. Seuls les coups de marteau donnés en cadence dans l’atelier voisin résonnent encore. Nagendra travaille depuis huit ans au sein d’une petite unité de recyclage de plastique. Il en existe des milliers à Dharavi, le plus grand bidonville d’Asie, au cœur de Bombay (Inde). L’homme a 24 ans, mais en paraît beaucoup plus. De 8 heures à 21 heures, 7 jours sur 7, il dépose des flocons de vieux plastique au creux d’un appareil cylindrique qui les fond, les transforme en fils, puis en billes. Pieds nus et sans gants, le jeune homme récupère le plastique « réincarné » et le place dans des sacs qui seront ensuite vendus à des industriels. L’ultime
transformation en jouets ou en brosses à dents se déroulera dans des usines à l’extérieur de la ville. « Je gagne 1 000 roupies (15 euros) par semaine et j’arrive à envoyer la moitié de mon salaire à ma famille restée dans l’Uttar Pradesh », déclare-t-il fièrement. Nagendra est originaire de cet Etat du nord de l’Inde, agricole et particulièrement pauvre, qui déverse tous les ans son lot de migrants dans la capitale économique du pays. « Je ne suis pas un intouchable. Je suis un cultivateur, du village de Fatehpur, mais ici je gagne trois à quatre fois plus que mon frère resté là-bas. C’est la seule et unique raison pour laquelle je continue à vivre ici », confie Nagendra. Quand il a débarqué, seul, à Bombay, il n’avait que 16 ans. Une connaissance de son village lui a présenté le patron d’un atelier de recyclage.
Fiche d’identité
Inde
Capitale : New Delhi. Habitants : 1 129 866 154 (en 2007). dEchets/AN/habitant : 0,6 kg. part DES DECHETS recyclEs : 40 %, dont 95 % par le secteur informel. ACTEURS DU SECTEUR : l’écrasante majorité de l’activité est gérée par de toutes petites unités du secteur informel.
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enquête
« Je gagne trois à quatre fois plus que mon frère resté au village. »
Les deux premières années, le jeune homme a travaillé sans relâche. « Je dormais par terre au pied de la machine. La chaleur étouffante et la fumée étaient difficilement supportables. J’ai fini par tomber malade », raconte-t-il. « Assez d’argent pour me marier » Aujourd’hui, Nagendra a changé d’employeur et dispose d’un modeste matelas installé dans une petite pièce voisine. Il partage ces quelques mètres carrés avec d’autres hommes originaires de la même région. Et il peut enfin se permettre de rentrer chez lui deux à trois mois par an, notamment pour aider ses parents au moment des récoltes. « Ici, le but n’est pas d’être heureux, mais de gagner de l’argent. Dans quelques temps, j’en aurai mis assez de côté pour me marier et acheter mon propre terrain », assure-t-il en souriant. Nagendra s’estime plutôt privilégié car il est mieux payé que la plupart des 200 000 personnes qui travaillent dans le recyclage à Dharavi. Les femmes de ménage qui recueillent les déchets dans les quartiers résidentiels et les enfants qui trient le plastique gagnent au mieux 500 roupies (7,5 euros) par semaine. Ces petites mains traitent, chaque jour, des milliers de tonnes de plastique, mais aussi de papier et de métaux. Et cela, sans aucun contrat de travail, de limite horaire ou de négociations salariales. Les unités industrielles de Dharavi qui les emploient comptent en moyenne moins de 10 salariés. Et n’ont donc pas l’obligation légale d’être déclarées. —
30 septembre 2008
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ETATS-UNIS
L’électron libre de la Silicon Valley James Kao avait une belle carrière dans l’informatique devant lui. Il l’a abandonnée pour créer GreenCitizen et s’attaquer aux « e-déchets » en Californie. PAR ANNE SENGES (A SAN FRANCISCO)
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our James Kao, la révélation est venue via le tube cathodique. Un soir de 2002, l’homme regarde sur PBS, la chaîne publique, un documentaire intitulé Toxic e-Trash consacré à l’enjeu des déchets électroniques et à leur toxicité. « Cela faisait trente ans que je bossais dans l’industrie informatique sans même imaginer que mon outil de travail était aussi dangereux », raconte-t-il. Fan de gadgets électroniques, il admet avoir « mauvaise conscience ». Originaire de
Taiwan, débarqué en 1976 à Los Angeles, il apprend au passage que 50 % à 80 % des déchets électroniques made in USA sont exportés en Asie. Il prend alors le taureau par les cornes, vend son entreprise de logiciels et se paye un tour du monde. Pas pour grimper au sommet de la tour Eiffel ou admirer l’inclinaison de la tour de Pise, mais pour partir en quête des bonnes idées du recyclage. Il choisit la date symbolique du 22 avril 2005, journée
« Les Américains aiment être récompensés quand ils font une bonne action. »
ryanishungry
mondiale de la Terre, pour donner vie à son projet, qu’il baptise GreenCitizen. Il s’agit d’un centre de recyclage de déchets électroniques niché au cœur de la Silicon Valley, le royaume de l’informatique. L’entreprise ne traite qu’avec des usines de démantèlement de Californie où la réglementation environnementale est très stricte. Une part de gâteau en récompense Son ambition ? Eduquer les consom- mateurs et faire en sorte que le recyclage ne se résume pas à une directive gouvernementale. Car, à la politique du bâton, James Kao préfère celle de la carotte. « Contrairement aux Allemands qui sont verts dans l’âme, les Américains aiment être récompensés quand ils font une bonne action. Certains ont du mal à comprendre pourquoi ils devraient payer – une somme aussi modique soit elle – pour recycler leur vieil équipement », assure-t-il. Chez GreenCitizen, recycler n’est pas gratuit, hormis dans le cas des ordinateurs et des télévisions, dont le recyclage est subventionné par
l’Etat de Californie. Marketing oblige, l’entreprise y va donc de son petit cadeau. « Pour fidéliser nos clients, nous leur offrons un coupon qui leur donne droit à une part de gâteau dans un café voisin, raconte-t-il. Un petit geste destiné à forger la conscience des écocitoyens. » L’essentiel de ses revenus provient des services de recyclage qu’il a mis en place auprès des entreprises telles que Google, Levi Strauss et les studios Pixar. Ce à
quoi il faut ajouter les sommes reversées par les usines de démantèlement et les ventes sur le site d’enchères eBay pour le matériel le plus neuf. James Kao ne craint pas d’affirmer que son entreprise, ouverte 7 jours sur 7, a été fondée dans un but lucratif. Diplômé d’un MBA de la prestigieuse université d’UCLA, le Néo-Californien aime à se décrire comme un « serial entrepreneur » (GreenCitizen est sa quatrième start-up successive) converti à l’approche de la cinquantaine en « social entrepreneur ». GreenCitizen compte aujourd’hui 11 employés et ambitionne d’ouvrir cinq centres dans la région. Si James Kao préfère ne pas dévoiler son chiffre d’affaires, il déclare recycler chaque année un peu plus d’un million de kilos de déchets électroniques. Une goutte d’eau dans l’océan des edéchets : 20 à 50 millions de tonnes de déchets électriques et électroniques sont en effet générés chaque année dans le monde. — www.greencitizen.com
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Etats-Unis
Capitale : Washington D.C. Habitants : 304,6 millions. dEchets / AN / habitant : 730 kg, soit 251 millions de tonnes de déchets solides municipaux par an. part DES DECHETS recyclEs : 32,5 %. ACTEURS DU SECTEUR : Waste Management - Houston, Texas (13,31 milliards de dollars de chiffre d’affaires en 2007) Allied Waste Industries - Phoenix, Arizona (6,07 milliards de dollars de CA) Republic Services - Sunrise, Floride (3,18 milliards de dollars de CA). Sources : United States Environmental Protection Agency (EPA) et The Waste Age 100.
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septembre 2008 31
son pick-up, le jeune homme sillonne sa région pour convaincre les habitants de lui vendre leurs déchets qu’il facture ensuite aux marchands chinois spécialisés.
THAILANDE
Le banquier des « choses sales » Dès les années 1970, Somthai Wongchaoren a eu l’intuition que les déchets valent de l’or. Depuis, il a construit un empire du recyclage qui compte 600 franchises dans le pays. PAR EMMANUELLE MICHEL (A BANGKOK)
32 septembre 2008
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Wongchaoren à se convertir en magnat du recyclage. Au milieu des années 1970, il enchaîne à 20 ans les petits boulots de maraîcher ou de marchand de journaux, sans grand succès. Puis une intuition. « Je me suis dit : pourquoi ne pas faire des affaires avec des choses “ sales ” ? » raconte-t-il en souriant. Au volant de
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Thaïlande
Capitale : Bangkok. Habitants : 63 millions. dEchets/AN/habitant : 240 kg. ACTEURS DU SECTEUR : l’écrasante majorité de l’activité est gérée par de toutes petites unités du secteur informel. Source : Banque mondiale.
emmanuelle michel
S
omthai Wongchaoren ignore ce que peut signifier l’expression « épuisement des ressources ». Ce chef d’entreprise ne cesse de le répéter : il est assis sur une « mine urbaine » de déchets. Cette mine sans fond lui permet de faire tourner à plein régime son usine de tri sélectif et de recyclage, la plus grande du pays. Le filon est situé à Phitsanulok, dans le nord de la Thaïlande. Son slogan : « Les déchets, c’est de l’or. » Les 250 employés de l’entreprise y trient et recyclent les emballages, le papier, l’aluminium, le matériel électronique, les eaux usées et même les écorces de noix de coco. L’usine compte 600 franchises en Thaïlande, deux au Laos et bientôt une en Malaisie. Rien ne prédestinait pourtant Somthai
Ordures contre œufs et bonbons « Au départ, les gens étaient intimidés, ils se sentaient honteux de s’intéresser aux déchets », se remémore le quinquagénaire. Il bouscule alors sa stratégie : « Je leur ai proposé d’échanger leurs ordures contre des œufs, des ustensiles de cuisine, des bonbons. Du coup, ils se sont mis à considérer les déchets comme des biens utiles. Et ils ont tous voulu me les vendre. » La microentreprise grossit alors très rapidement. Somthai Wongcharoen apprend sur le tas, met au point lui-même les machines de son usine. Le chef d’entreprise continue son travail de sensibilisation, intervient dans les écoles, organise des ateliers. « J’ai réalisé que les ordures étaient partout. Il fallait donc faire prendre conscience à tous de leur valeur. » Il lance la première « banque de déchets » de Thaïlande. Les écoliers peuvent y échanger bouteilles et emballages contre un peu d’argent. « Une grande partie des 900 000 habitants de Phitsanulok savent désormais trier les déchets, se réjouit Somthai Wongcharoen. Nous leur distribuons des tracts avec le prix de rachat. » L’homme a remplacé le pick-up des débuts par une grosse voiture allemande. Mais il s’arrête encore souvent au milieu de la rue pour ramasser ce qui peut être recyclé. —
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ils changent le monde
350 parties par million de particules d’atmosphère, c’est le seuil maximum de CO2 autorisé pour maintenir l’équilibre écologique.
Bataille pour un nombre d’or L’INITIATIVE. Prenez un chiffre-clé, un site Internet et de furieux étudiants américains. Mélangez le tout et vous obtiendrez une campagne efficace de lutte contre le réchauffement climatique. PAR KARINE LE LOëT (A LONDRES)
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ucune excuse. Si la campagne fonctionne comme prévu, du fond de la savane jusqu’aux bords des rizières, on saura que « 350 » est le nombre miracle, celui capable de sauver la Terre. Pourquoi ? Car 350 parties par million (ppm) est la quantité plafond de CO2 autorisée par million de particules d’atmosphère pour maintenir l’équilibre écologique (1). Jadis, à la surface de la planète, on naviguait dans un air composé de 275 ppm de carbone. Une révolution industrielle plus tard, la Terre étouffe sous une concentration 34 septembre 2008
terra economica
Manifs sous l’eau ou sur les glaciers Le groupe de jeunes activistes n’en est pas à sa première campagne. L’histoire de leur combat a débuté dans les couloirs studieux de Middlebury College, une université américaine où enseigne Bill McKibben, un spécialiste du changement climatique. Inspirés par leur enseignant, 8 élèves imaginent un campus neutre en carbone et professent l’écologie auprès de leurs pairs. « Opter pour les ampoules économes en énergie, c’est bien mais ce n’est pas assez. Il fallait mobiliser les foules et pousser les leaders américains à changer les lois sur le climat », se souvient Phil Aroneanu. Sur le conseil de Bill McKibben, le groupe barre ses banderoles d’un premier chiffre : 80 %, pour 80 % de réduction d’émission de CO2 en 2050 par rapport au niveau de 1990. Sous le slogan de « Step it up 2007 », cette campagne a permis l’organisation de 1 500 manifestations à travers tous les Etats-Unis, le 14 avril 2007, lors du Climate Action Day. « Certains ont fait de la plongée à Key West, d’autres ont skié sur des glaciers dans le Wyoming… Tout cela en arborant des bannières rappelant l’urgence climatique », se souvient Phil. Le message résonne aux oreilles des politiques. En mai dernier, Barack Obama et Hillary Clinton s’engagent à remplir cet objectif s’ils sont élus. Très bien, sauf que le groupe de jeunes étudiants veut s’offrir le monde entier pour dessert. Or « 80 % de réduction des émissions, ça ne peut s’adapter aux plus pauvres des pays
www.350.org
de 387 ppm de carbone et celle-ci gagne 2 unités chaque année. En décembre 2007, quand James Hansen, climatologue américain, tire la sonnette d’alarme, les spécialistes prêtent l’oreille, mais l’opinion publique reste sourde. Des étudiants choisissent alors d’agiter leurs neurones pour diffuser le message tous azimuts. Un mois plus tard, ils ouvrent le site Internet www.350.org, une mine d’informations sur ce « seuil de sécurité climatique pour l’humanité », proposant des vidéos didactiques sur le réchauffement climatique et invitant à se mobiliser autour d’une manifestation, d’une réunion politique, d’un événement sportif. « Je ne pourrai jamais savoir ce qui fait écho chez des Indiens, des Français ou des Britanniques. Il faut que les gens organisent eux-mêmes leurs actions, souligne Phil Aroneanu, l’un des fondateurs du mouvement. A nous ensuite de lier toutes ces petites initiatives pour raconter l’histoire d’une mobilisation. » Bref, un exemple réussi de marketing viral.
en développement qui polluent peu ». Ils se saisissent alors d’un autre chiffre soufflé par le climatologue James Hansen : 350. Dans la pratique, c’est peu ou prou la même chose : « On arriverait à 350 ppm si tous les pays développés réduisaient leurs émissions de 80 % en 2050. » Reste à diffuser le message à vitesse grand V à l’heure où s’accumulent sécheresse, montée des océans ou encore inondations. Le groupe tisse des liens avec l’Union européenne, les ONG écologistes, enrôle des bénévoles sur toute la planète, fait de la publicité dans les journaux, envahit le site de vidéos en ligne YouTube et les blogs, prépare une campagne sur téléphones portables. Objectif ? Que les leaders aient, dans un coin de leur tête, l’image figée d’un 350, lorsqu’en 2009, ils entreront en salle de réunion pour inventer, lors de la conférence sur le climat de Copenhague, un avenir au protocole de Kyoto. — (1) Un ppm, c’est l’équivalent d’un cm3 dans un m3 d’air.
www.350.org/fr
L’HOMME. Martin Kunz fabrique des ballons de foot écoconçus et
Une réinsertion toute naturelle
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L’ASSOCIATION
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lario tus / fotolia.com
Ballon d’oxygène
44 ans, Yann Fradin, le directeur général de l’association de réinsertion Espaces, n’a que le baccalauréat en poche. Mais dix ans passés dans la communication sociale lui ont permis d’enrichir ses connaissances en politique publique. Lassé de délivrer des conseils, il a créé Espaces en 1994 avec une dizaine de personnes, histoire d’entrer dans le vif de l’action. « L’association Val de Seine Vert, à laquelle j’appartenais, effectuait le nettoyage des berges de la Seine, raconte Yann Fradin. Au contact des sansabri qui vivaient le long des berges, l’idée nous est venue d’allier l’écologie au social. » Espaces s’est donc donné un double objectif : créer de l’emploi et entretenir les espaces verts en ville. Actuellement, la centaine de travailleurs en insertion – chômeurs de longue durée, SDF, handicapés – est encadrée par 47 salariés permanents. Ils travaillent sur treize chantiers différents : des jardins solidaires au parc de Saint-Cloud (Hauts-de-Seine) en passant par les berges de la Seine et les talus ferroviaires. Bilan : après quatorze années d’investissement au sein d’Espaces, 600 personnes en situation d’exclusion ont été formées aux métiers d’élagueur, de jardinier ou encore de palefrenier. Et « après un ou deux ans passés chez nous, 80 % d’entre eux ont trouvé un travail ou une formation », se réjouit Yann Fradin. — Caroline Bonnin www.association-espaces.org
équitables. Une démarche atypique dans un secteur pointé du doigt. n ballon de football pèse 410 g de latex pour 32 pièces de tissu noires et blanches. Mais il compte aussi 18 mètres de fil et 700 points cousus à la main. Que ce travail pénible soit confié à des enfants était intolérable aux yeux de Martin Kunz, consultant à l’Unesco. Il y a six ans, l’homme a donc créé sa propre entreprise et fait d’Ethletic l’unique marque de ballons écoconçus et équitables au monde. Malgré les soupçons qui entourent le secteur de la confection, le sexagénaire allemand refuse de bouder le savoir-faire des industriels. Pour Maxime Guillon qui gère la filiale française de la société, « ces industriels sont capables de donner un sens commercial à un projet équitable ». Martin Kunz a ainsi convaincu un grand patron pakistanais, spécialiste de la fabrication des ballons, de s’associer au projet. Pour afficher les vertus de
son initiative, Ethletic a verrouillé sa filière en la faisant certifier par Fairtrade, organisme de commerce équitable. Les champs de latex en Inde sont, eux, labellisés FSC, ce qui garantit une exploitation durable des forêts. Ceux-ci servent aussi pour les chaussures de sport de la marque. Nain sur le marché mondial Chez Ethletic, 150 000 ballons sortent chaque année des ateliers pakistanais, mais la vente reste cantonnée à des boutiques spécialisées. Pas d’inquiétude donc pour les mastodontes qui inondent le marché mondial de plus de 100 millions de ballons par an. Rugby, handball, basket, volley, tous les ballons de Martin Kunz sont conçus en caoutchouc naturel. Mais ceux de football conservent un revêtement en polyuréthane, seule matière plastique à répondre aux exigences de toucher et de rebond. — Céline Mounié www.ethletic.fr
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septembre 2008 35
l’économie expliquée à mon père
CHINE : la fin d’une vedette AMERICAINE ? Usine du monde, Pékin est aussi devenu banquier de la planète, et particulièrement des Etats-Unis. Mais la Chine mise désormais sur sa consommation intérieure débridée. Les ménages américains vont devoir apprendre à dépenser moins et épargner plus. PAR MARIE SERGENT
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out commence dans les années 1990. La Chine devient « l’usine » des Etats-Unis. Aujourd’hui, du T-shirt au balladeur numérique, tout ou presque est fabriqué dans l’empire du Milieu. 40 % des jus de pommes vendus sur le sol américain sont même made in China ! En face, les centrales électriques ou le soja que les Américains refilent aux Chinois ne font pas le poids. La Chine, exportant davantage qu’elle n’importe, dégage aussi un énorme excédent commercial vis-à-vis de l’Oncle Sam : 256,2 milliards de dollars en 2007. Cette somme se retrouve ensuite stockée dans ce qu’on appelle des réserves de change, une sorte de cagnotte à l’échelle d’un pays. En mars 2008, les réserves de change chinoises – les plus importantes au monde – ont atteint 1 682 milliards de dollars, l’équivalent de 80 % de la richesse produite en une année en France. Pourquoi ce déséquilibre commercial ? L’écart de salaire entre ouvriers chinois et nordaméricains explique l’essentiel du déséquilibre commercial entre les deux pays. Mais ce n’est pas le seul facteur. « Pékin a accentué les choses en maintenant pendant des années sa devise, le yuan, à un bas niveau », souligne Philippe Waechter, directeur des études économiques chez Natixis AM. Les produits chinois étaient alors encore moins chers en dollars et donc irrésistibles pour le consommateur américain. Pékin n’a eu aucune difficulté pour conserver sa monnaie faible car, à la différence de l’euro ou du dollar, le yuan n’est pas une devise librement convertible sur les marchés financiers. Concrètement, pour maintenir sa devise à un niveau plancher, la banque centrale de Chine a vendu des yuans pour acheter des placements en 36 septembre 2008
terra economica
256,2 milliards de dollars,
l’excédent commercial de la Chine vis-à-vis des Etats-Unis.
63,7 %, la part du dollar
dans les réserves de changes mondiales (71,4 % en 2001).
toad / www.politicommedia.fr
dollars. Elle a en fait surtout acheté des obligations d’Etat américaines, c’est-à-dire des titres financiers représentant une part de la dette publique américaine, car ces placements sont réputés sûrs : en principe, un Etat ne doit pas faire faillite. En se ruant sur ces titres – nul n’en connaît l’ampleur, mais on l’imagine énorme vu la taille des réserves de change chinoises –, Pékin a modifié l’équilibre économique aux Etats-Unis. En effet, plus une obligation est demandée par des acheteurs, plus le taux d’intérêt offert baisse. Ainsi, la Banque de Chine a fait chuter les taux d’intérêt aux Etats-Unis. La boucle est alors bouclée. Car qui dit taux bas dit – pour les consommateurs – facilité à s’endetter et à dépenser. Les Chinois ont tout simplement « prêté » de l’argent aux Américains pour que ceux-ci continuent à acheter leurs produits… Qu’est ce qui va changer ? Pour plusieurs raisons. Tout d’abord, les Chinois ne veulent plus mettre tous leurs œufs dans le même panier. « L’empire du Milieu accuserait des pertes gigantesques si jamais le cours des obligations d’Etat américaines s’effondrait », rappelle Alexandre Vincent, économiste à la BNP Paribas. En bon père de famille, les autorités chinoises ont donc commencé à diversifier leurs placements, notamment vers l’Europe. Pour preuve, la part de l’euro dans les réserves de change mondiales est passée de 17,7 %, début 2001, à 26,5 %, fin 2007. Sur la même période, celle du dollar a chuté de 71,4 % à 63,7 %. « Pékin cherche aussi à investir dans des produits plus rentables que les obligations d’Etat. Pour cela, il a créé un fonds souverain doté de 200 milliards de dollars (lire cicontre) », ajoute Alexandre Vincent. Et puis est apparu un problème nouveau sur les écrans radars chinois : l’inflation. Les prix à la consommation ont grimpé de 7,9 % en tendance annuelle entre janvier et juin (contre 3,6 % en France, par exemple). Faire grimper le yuan constitue l’un des outils pour lutter contre l’inflation, comme le souligne une étude de la banque suisse UBS. Pourquoi ? Parce qu’une devise plus forte permet de payer moins cher les produits importés, et notamment le pétrole. Résultat des courses : le yuan s’est apprécié de 20 % par rapport au dollar depuis trois ans.
Pour aller plus loin
Chine-USA, la guerre programmée, Jean-François Susbielle (Editions First, 2006). La Chine m’inquiète, Jean-Luc Domenach (Edition Perrin, coll. Asies, 2008).
+ 20 %, la
hausse du yuan face au dollar en trois ans.
Que va faire la Chine désormais ? « Les Chinois veulent avoir une croissance qui dépende moins des exportations et davantage de la consommation intérieure. Ainsi qu’une monnaie forte, symbole de puissance », explique Philippe Waechter, de Natixis AM. Le hic, c’est que les réserves de change chinoises – cette fameuse cagnotte qui se nourrit des excédents commerciaux – progresseront moins vite. Les Chinois auront donc moins d’argent à placer à l’étranger, et notamment aux Etats-Unis. Bref, les Chinois ne financeront plus les yeux fermés les crédits des ménages américains ! A terme, il faudra donc bien que les Américains se remettent à épargner, avertissent les économistes de la banque Goldman Sachs. On peut espérer aussi que ces rééquilibrages – hausse du yuan, diminution de l’excédent commercial chinois, baisse des placements vers les EtatsUnis – se fassent progressivement. Car les Chinois n’ont pas intérêt à tuer leur poule aux œufs d’or. Le consommateur américain fait tout de même vivre l’industriel de l’empire du Milieu. Du moins tant que les citoyens chinois ne sont pas assez riches pour acheter ce que produit leur pays. Ce jour viendra, mais pas avant une ou deux décennies. D’ici là, Chine et Etats-Unis se tiendront par la barbichette. —
Un fonds pour rester souverain
Quand on dispose, comme la Chine, de 1 682 milliards de dollars de réserves, on peut en placer quelques-uns sur des produits financiers plus risqués mais plus rentables. L’empire du Milieu a donc décidé, en 2007, de créer un fonds souverain, le China Investment Corporation (CIC), qui investit dans de grandes sociétés internationales cotées. Mais pour l’instant, il n’a pas eu le nez creux. Le CIC a acheté en juin dernier pour 3 millions de dollars d’actions de Blackstone, société américaine de capital-investissement : celles-ci ont depuis perdu 35 % de leur valeur. Sa prise de participation dans la banque Morgan Stanley à hauteur de 9 % est aussi risquée. Et surtout sujette à polémiques. Car nul ne connaît les intentions du CIC : simple fonds d’investissement ou bras armé de la Chine ? Retrouvez « l’économie expliquée à mon père » sur : www.terra-economica.info terra economica
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enrichissez-vous
Pour aller plus loin
Le site officiel de la vente aux enchères : http://totoroforest project.org La Totoro Forest Foundation (en anglais) : http://totoro.or.jp/ new/E_zaidann.html Le site de Wall-E : www.disney.fr/ FilmsDisney/Wall-E
Miyazaki, le maître japonais du dessin animé, a une autre grande passion : la forêt de Samaya, près de Tokyo. Deux cents illustrateurs viennent l’aider à la sauver des promoteurs immobiliers. vez-vous déjà rencontré un Totoro ? Créature rare et fascinante, cet esprit des forêts est devenu un phénomène de société au Japon quand Hayao Miyazaki en a fait, en 1988, le héros central de son dessin animé Mon voisin Totoro. Le spectateur y découvrait le Japon des années 1950 avec ses paysages verdoyants omniprésents. Le célèbre dessinateur s’est pour cela beaucoup inspiré de la forêt de Samaya, un ensemble de collines, de forêts, de rizières et de lacs situé à une quarantaine de kilomètres de Tokyo. Ici, vivent 1 400 types de plantes et de fougères, 19 espèces de mammifères, 200 d’oiseaux et 2 500 d’insectes. Or depuis trente ans, les projets immobiliers grignotent petit à petit ces 3 500 hectares d’espace naturel. Affligé par la destruction du havre de paix de Totoro, Hayao Miyazaki a créé, en 1990, la Totoro Forest Founda38 septembre 2008
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Coup de pouce américain Récoltant des fonds dans tout le pays, la fondation rachète des parcelles de terrain et y installe des équipements d’observation de la nature. Forte de 1 500 membres, elle a ainsi levé plus de 3 millions de dollars (2 millions d’euros) depuis sa création, mais doit désormais enclencher la vitesse supérieure. Et c’est des Etats-Unis qu’arrive un gros coup de pouce financier. En effet, le 6 septembre, 200 œuvres originales, toutes inspirées de l’univers de Totoro (voir, ci-contre, celle de Bobby Chiu), seront vendues au profit de la Totoro Forest Foundation. A l’origine de cette initiative : les studios Pixar, qui ont convaincu de grands noms de l’illustration comme Dice Tsutsumi, Louis Clichy, Sho Murase, Enrico Casarosa, Robin Nishi ou encore Yukino Pang. Pour le studio californien, il s’agit de rendre hommage à Miyazaki. « Sa façon de raconter des histoires, son approche visuelle et sa profondeur philosophique ont bouleversé la manière de réaliser des films d’animation aujourd’hui », peut-on lire sur le site officiel. Ce geste vient en tout cas conforter le virage écologique des Américains, incarné par Wall-E, la dernière production Pixar-Disney. Reste une question : ce petit robot, missionné pour nettoyer la Terre désertée par les hommes, s’entendra avec Ponyo, la petite fille poisson échappée du fond de la mer, héroïne du dernier long métrage de Miyazaki (2). — KAREN BASTIEN (1) Une exposition de ces œuvres est prévue au San Francisco Cartoon Art Museum du 20 septembre au 7 décembre. (2) Sortie en France en avril 2009.
Zapping Des people et des pas mûrs Vous lisez Voici et pas seulement chez le coiffeur ? Le site Ecorazi est fait pour vous. George Clooney sortant le chéquier pour la fondation Nola qui se charge de reconstruire des maisons écologiques à La NouvelleOrléans, Gwyneth Paltrow se faisant fustiger pour une publicité pour un manteau de fourrure, Pamela Anderson investissant dans un hôtel écoconçu à Abou Dhabi, Paris Hilton paradant avec un vélo dans la rue... Vous y trouverez tous les potins du green american way of life des stars. www.ecorazzi.com
bobby chiu / www.imaginismstudios.com
Un dessin pour une forêt
La bande-annonce de Ponyo : www.dailymotion. com/video/x66cej_ ponyo-on-the-cliffby-the-sea_news
tion. Une façon pour le réalisateur de rendre plus concret le message de défense de l’environnement présent dans nombre de ses films, tels que Nausicaa ou Princesse Mononoke.
Drôles de leçons de vie animale Un hippopotame prenant une douche éléphantesque mais raisonnable en eau, un ours polaire éclairant son igloo avec des lampes basse consommation, des chiens venant recycler les os laissés par des lions... Avec ses personnages en pâte à modeler, la série de dessins animés The animals save the planete a des airs de Wallace et Gromit. Un beau coup de la chaîne Discovery Channel qui poursuit, sur Internet, son travail de sensibilisation des jeunes à l’environnement.
Malheurs de bureau
http://animalssavetheplanet.com
Le niveau 0 de l’écolo Eh oui, il fallait bien que ça arrive. Après Le jazz pour les nuls, L’immobilier pour les nuls ou Le judaïsme pour les nuls, voici Vivre écolo pour les nuls. Trois cent trente-deux pages de conseils pour « manger, jardiner, acheter, voyager et même investir en étant écoresponsable » élaborées par deux Américains et deux Français membres de l’ONG Ecologie sans frontières. « Vivre écolo pour les nuls », éditions First (2008).
La Mafia joue aux éboueurs Dans son documentaire Biùtiful cauntri, Esmeralda Calabria traverse la Campanie, région agricole de Naples, et nous fait découvrir ses 1 200 décharges illégales. La faute à « l’écomafia », des entrepreneurs qui se sont spécialisés dans les déchets et qui remportent les appels d’offres grâce à des prix exceptionnellement bas. Mais comment fontils ? Ils abandonnent purement et simplement les déchets en pleine nature, les enfouissent ou les brûlent à même le sol sur des terres agricoles... Ce business leur rapporte environ 2,5 milliards d’euros par an. Le coût environnemental est, lui, inestimable.
chryslalis films / discovery channel
www.chrysalis-films.com/fr (liste des cinémas diffusant le documentaire)
Course au label vert Après le concours de « capitale européenne de la culture », voici une récompense qui risque d’être fort courue, celle de la « capitale verte de l’Europe ». Remis chaque année à partir de 2010, ce titre couronnera une ville – 4 Européens sur 5 sont désormais urbains – pouvant servir d’exemple environnemental pour le reste du continent. http://ec.europa.eu/environment/europeangreencapital/index_en.htm
James – DANS MON OPEN SPACE (tome 1) : Business circus. Dargaud (2008), 46 pp., 10,40 euros.
U
ne fille pénètre dans le hall de l’entreprise. Blonde. Robe moulante, rouge à lèvres, vernis à ongles. Sublime. Le héros, Hubert le stagiaire, tressaille en l’apercevant : « Les gars… Les gars ! Je viens de voir passer un ange… » Tranquille, l’un d’entre eux lâche : « Assistante de direction. » Le héros, levant les mains d’un air fataliste : « OK, OK… Mauvaise pioche… » « C’est bien, tu apprends vite », confirme un collègue. Cette scène purement houellebecquienne se passe dans un bureau tapissé de couleurs, peuplé de personnages animalisés (ours, chien, lapin, pingouin…), égrenant un gag toutes les dix cases en moyenne. Mais arrêtons-nous une minute sur le sens de ce gag. Et réfléchissons à la violence sociale qu’il soustend. Pourquoi cela nous semble-t-il si pertinent, et même, si cruellement drôle ?
Parce que l’entreprise est l’un de ces lieux qui nous rappellent que, même en démocratie, les hiérarchies sociales continuent de structurer les mentalités et d’induire des comportements d’une implacable férocité. Une violence voilée, banale, digérée le plus souvent. L’entreprise est un lieu de guerre où s’égorgeraient des soldats persuadés de vivre en paix. Bien sûr, tous les gags de Dans mon open space ne sont pas sur ce thème. Mais sans conteste, le dessinateur James a su tirer de cette matière archirebattue depuis la série télévisée Caméra Café un suc sociologiquement original. Le personnage le plus drôle de la bande est ainsi Victor, 57 ans, une sorte de canard ridé et verdâtre, qui vit dans une des armoires à fournitures. Victor est littéralement « au placard ». A force, il est devenu phosphorescent et erre la nuit dans les bureaux en répétant : « Donnez-moi du travail… Hou hou… Donnez-moi du travail… » Toute la brutalité d’une éviction professionnelle est décrite en un seul dessin. Bon, on a aussi besoin de se consoler des avanies subies par Hubert le stagiaire. Un exemple ? Un problème d’ordinateur. Survient l’informaticien, un pingouin terrorisé à l’idée de se faire licencier. Il demande à Hubert : « Tu es nouveau… Comment est-ce que tu peux être aussi désinvolte ? » Réponse : « Je suis stagiaire. » – « Veinard ! » — ARNAUD GONZAGUE
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Sur Planète Terra, on refait le monde... version développement durable. Pour devenir Planète reporter, une simple inscription en ligne suffit. Et chaque mois, retrouvez les meilleures contributions dans ces pages.
Les Aventures du capitaine Pugh Départ : îles Svalbard (Norvège). Arrivée : pôle Nord. Distance : 1 200 km. Moyen de locomotion : canoë-kayak. Lewis Gordon Pugh a embarqué le 29 août pour l’expédition « Projet de défense du pôle ». dont l’objectif est d’atteindre le pôle Nord en deux semaines. Même en plein été, un tel défi est en théorie impossible à relever. Mais les scientifiques craignent que,
pour la première fois, le centre de l’océan Arctique soit libéré des glaces. La faute au réchauffement climatique. « J’espère ne pas pouvoir aller jusqu’au bout. Un échec de l’expédition serait synonyme de succès pour la planète », précise ce nageur de l’extrême de 38 ans déterminé à « montrer au monde ce qui se passe ». CELINE MOUNIE
Plutôt voler à vide
Seulement 7 passagers se présentent à l’embarquement. L’avion décolle tout de même de l’aéroport d’Heathrow en Angleterre. Ce scénario n’est pas surréaliste, il est envisagé par certaines compagnies aériennes britanniques – comme British Midland par exemple – qui refusent d’annuler des vols. Pourquoi ? Car elles craignent de perdre leurs droits de décollage et d’atterrissage sur les aéroports. En effet, si un transporteur aérien n’utilise pas sa plage horaire à un taux minimum de 80 %, il peut être exclu. British Airways a ainsi annoncé qu’elle n’annulerait pas ses vols transatlantiques afin de garder son droit sur ses plages horaires. Alerté sur ce nonsens environnemental, le gouvernement britannique planche sur une réforme du système de fonctionnement d’Heathrow afin que seuls les vols les plus rentables soient susceptibles de décoller. C.B. 40 septembre 2008
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Le prince roule au vin blanc Pas plus de deux verres de vin avant de prendre le volant, a-t-on l’habitude de dire. Alors que votre voiture, elle, pourrait engloutir l’équivalent de trois bouteilles de vin au kilomètre sans dévier de sa trajectoire. C’est ce que consomme l’Aston Martin du prince Charles, qui a été modifiée pour rouler au bioéthanol E100, issu des surplus de vins des vignerons britanniques. Les émissions de dioxyde de carbone sont ainsi réduites de 85 %. Mais bon, rouler au vin blanc n’est qu’un léger coup de pouce pour la baisse des émissions de gaz à effet de serre, puisque le Prince ne parcourt que 500 km par an avec son Aston. C.B. Des pédégés cloués au sol Inquiètes pour leur avenir, les entreprises commencent à refermer le portefeuille, notamment en ce qui concerne les voyages professionnels. Une aubaine pour Telepresence ou Visioconference, les leaders mondiaux de la téléconférence. Malgré leur coût d’installation (plusieurs milliers d’euros), les réunions virtuelles font de plus en plus d’adeptes. Une chance également pour la planète puisqu’en 2007, les voyages d’affaires aériens en Europe auraient rejeté plus de 98 000 tonnes de CO2 dans l’atmosphère. C.M. Le panneau ou l’amende ? Vous construisez une maison à Marburg, mais vous ne voulez pas installer de panneaux solaires ? Bingo pour la mairie, qui empochera 1 000 euros d’amende. Le maire écolo de cette commune allemande a fait adopter une « charte solaire » qui impose d’installer, à partir du 1er octobre, 1 m2 de cellules solaires pour 20 m2 de surface. Il ne faut attendre aucune subvention de la commune. Mais Franz Kahle, le maire, se veut rassurant : 5000 euros suffisent et la rentabilité est assurée en quinze ans maximum. Marburg, 10e ville allemande la mieux équipée en solaire, va certainement illuminer le classement à l’avenir. C.B.
« Dans dix ans,
100 % de la production d’électricité des Etats-Unis pourrait provenir des énergies renouvelables. »
Super héros, super écolo
AL GORE, l’ancien vice-président des Etats-Unis, lors d’une réunion organisée par l’Alliance pour la protection du climat, à la mi-juillet.
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Des vaches à air surveillé Elles broutent goulûment à longueur de journée. L’air de rien. Mais des scientifiques argentins du National Institute of Agricultural Technology ont collé sur le dos de 10 vaches de grands réservoirs en plastique rouge pour recueillir le méthane que ces dames rejettent. Ce gaz à effet de serre est bien plus nocif pour la planète que le CO2: il agirait 23 fois plus sur le réchauffement climatique que le dioxyde de carbone. Selon les premiers résultats de l’étude des chercheurs, une vache d’environ 550 kg pourrait rejeter 800 à 1 000 litres de méthane par jour. Ces bêtes à pattes seraient ainsi responsables de 30 % des émissions de gaz à effet de serre de l’Argentine. Ce pays d’Amérique latine est en effet l’un des plus gros producteurs de bœufs au monde avec 55 millions de vaches par an. Une seule solution : changer le régime alimentaire des bestioles. C.B.
Planète Terra : A quand remonte votre prise de conscience écologique et citoyenne ? Inspecteur Gadget : Mon manteau et mon chapeau sont une incroyable machine à gaz. Recharger les batteries de tous ces accessoires gourmands en énergie était trop coûteux. Et bien évidemment je me dois d’être un exemple pour mes concitoyens. (Sophie, sa nièce, vient de lui souffler la réponse). Planète Terra : Qu’avez-vous changé, concrètement, dans votre quotidien ? Inspecteur Gadget : Vous voyez cette lampe ? (l’objet sort de son majeur). Eh bien maintenant, c’est une LED basse consommation, comme pour mon gyrophare (il met en marche l’engin au-dessus de son crâne). Planète Terra : C’est tout ? Inspecteur Gadget : Mais pour qui me prenez-vous ? « Go-Go Gadget-o-copter » (des pales d’hélicoptère et des manches à balai sortent de son chapeau). En fait, j’utilise la thermoélectricité. Pour faire simple, mes vêtements utilisent la chaleur de mon corps pour alimenter mes gadgets en électricité. Et oui, je suis autonome en énergie ! Planète Terra : Quels sont les conseils que vous avez donnés à votre chien Finot ? Inspecteur Gadget : Je lui ai interdit de manger trop de viande rouge. Le bilan carbone du steak n’est pas très reluisant.
L’INSPECTEUR GADGET version thermique
Les parkings font place verte A San Francisco, en un instant, les places de parking peuvent se transformer en espaces verts. Organisateur de ces Park(ing)Day : Rebar, une association américaine. « Plus de 70 % de l’espace libre de la plupart des villes est investi par les voitures », dénonce-t-elle. Alors pour se réapproprier l’asphalte, l’équipe d’artistes-écolos débarque sur une place de parking avec des brouettes pleines de fleurs, des carrés de pelouse, un arbre et même un banc. Ne reste ensuite qu’à nourrir le parcmètre et attendre que les passants profitent de ce carré de verdure éphémère. C.B.
L’inspecteur Gadget connaît autant d’astuces écologiques qu’il a de bras télescopiques. Rencontre imaginaire.
Fiche d’identité Nom : Gadget. Prénom : Gogo. Age : 35 ans. Nationalité : franco-canado-américain. Profession : inspecteur de police. Recueilli par Caroline Bonnin
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Une oasis de béton Imaginé par le cabinet X-Architects, Xeritown est un projet futuriste de ville du désert. Située aux alentours de Dubaï, cette cité sera orientée de manière à absorber les brises fraîches en provenance de la mer afin d’économiser un maximum d’énergie. Pour remplacer l’ombre des arbres, de grands cercles reliés les uns aux autres joueront le rôle de parasol. L’eau usagée sera recyclée et réutilisée pour un usage non domestique. Exit le trafic routier polluant et abondant. Dans les rues de Xeritown, le nombre de véhicules sera limité. Les usagers des transports, les piétons et les cyclistes seront rois. CAROLINE BONNIN
La ruée (télé) vers l’or (noir) La télé-réalité est à la pointe de l’actualité. La planète manque de pétrole ? La chaîne américaine TruTV lance « Black Gold, The oil experience », une émission dans laquelle trois équipes d’hommes forts, lâchés en plein Texas, ne disposent que cinquante jours pour découvrir et creuser un puits de pétrole. Virilité, crasse, tension et danger, le cocktail est parfait. Sur un rythme haletant, le téléspectateur peut suivre l’assemblage des 350 tuyaux
d’une dizaine de mètres chacun, indispensables au forage, mais aussi les blessures et les échecs. Deux des tours de forage appartiennent à la compagnie ExL Petroleum, et la dernière à l’homme d’affaires Autry Stephens. L’investissement de ces mécènes s’élève à 45 000 dollars par jour : ils seront rentabilisés lorsque les nappes, situées plus de 3 km sous la surface, seront atteintes. CELINE MOUNIE
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Parterres de carottes Des rangs de carottes, de choux-fleurs et autres « vegetables » pourraient bientôt concurrencer les célèbres parterres de fleurs dans les parcs londoniens. La Royal Parks Agency réfléchit en effet à la création d’enclos spécifiques dans la capitale. Cette idée est née à la suite de visites dans quelques villes américaines. « Nous sommes allés à Grant Park à Chicago. Il y avait des parterres convertis en production végétale, mais qui conservaient un aspect esthétique et floral attractif, raconte Colin Buttery, le directeur de la Royal Parks Agency, au quotidien britannique The Guardian. On y produisait de la nourriture, mais certains légumes avaient été sélectionnés pour donner de la structure aux parterres. » Le prix du pétrole, du gaz et celui de la nourriture vont certainement contribuer à faire de l’agriculture urbaine une solution d’avenir. Louise allavoine 42 septembre 2008
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Le Chili avance dans le brouillard La chasse au brouillard est lancée dans la petite communauté chilienne d’Alhuemilla. Grâce à l’installation de 10 « attrapebrouillard », ses habitants espèrent lutter contre les problèmes de désertification de la région. Ce système de récupération des « microgouttes » à base de grands filets de maille a pour l’instant permis d’irriguer 10 parcelles d’un hectare. Objectif : relancer l’économie de subsistance du village. Car, sur les 43 ménages qu’il comptait, une vingtaine ont émigré à cause de la pauvreté. soleNne legeay
Accident de baleines Les sonars de l’armée américaine sont sur la sellette. En effet, plusieurs baleines mortes se sont échouées aux Bahamas, sur les îles Canaries et de Madère, près de zones d’entraînement militaire. Elles présentaient des hémorragies au niveau des oreilles, du cerveau et des poumons. L’ONG Conseil de défense des ressources naturelles a demandé à la justice de limiter l’utilisation des ondes soniques au nom du principe de précaution. Mais la Navy demande une dérogation aux lois de protection de l’environnement. Quelque 170 000 mammifères marins vivent le long des côtes californiennes. C.M.
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zen et bio
8-16 novembre 2008
10-19h
10h30 - 19h Nocturne 22h vendredi 14
Parc Expo La Beaujoire Hall 2
Parc Floral de Paris
10-12 octobre
2008
M
Nantes
Château de Vincennes (navette gratuite)
520 exposants 120 ateliers Nouveau : ciné-conférences
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