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Littérature
Article p2-3
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TADASHI ONO
FAIRE VILLE, C’EST FAIRE SOCIÉTÉ Article p10-11
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Audace syncrétique d’un laboratoire d’architecture Photographie
Éditorial
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Habiter pour exister
SOMMAIRE Musique
Architecture
la gmvv
Un paysage marqué
Article p4-5
Article p11
Article p6-7
fruto vivas Article p4-5
THYLACINE
MODE DE VIE OU MODE DE VILLE ? Article p12-13
Ce récit exploite le format d’expression populaire et accessible qu’est le journal. Qu’il ait été entre les mains de votre grand père ou qu’il ait rythmé vos songes sur les banlieues américaines, il n’est inconnu de personne. On l’associe bonnement à la circulation, la transmission, et demeure un moyen d’information relatant les catastrophes d’origine naturelles, les faits culturels, le militantisme, etc. Ce journal explore par des voies inédites — en s’attaquant notamment à une série d’écarts afférents selon l’auteur à l’arborescence1, à la politique étatique, au langage, à l’architecture… — la question déjà avancée d’une ontologie des devenirs ne cessant d’être étudiée, documentée, retournée. La structure en article invite à une lecture ouverte. Elle se permet une part d’aléa, d’aller et retour, d’allées de traverse. Chaque article est censé constituer un bagage d’intensité, ainsi qu’un bout de réponse pouvant vous faire philosopher autour du thème de l’architecture contextualisée. Que vous lisiez un article ou l’entièreté, aucune règle ! Il vous est seulement demandé de déconstruire toutes conjectures et d’accueillir le pluralisme2. Vous pouvez saisir à ce moment même qu’il y aura là : manifeste politique, manifeste philosophique, manifeste architectural et que tout cela, au fond, désigne bien la même chose.
Paysagisme
roberto Burle Marx
Philosophie
QUAND LES RELATIONS SOIGNENT Article p3
Dans quelles conditions L’architecture contextualisée participe à habiter une zone à risques ? Article p9
L’objectif de ce journal est d’ouvrir des voies et de dialoguer sur la question de l’habitat contextualisée et du risque. Il assume soustraire, diluer, confisquer la place culminante du risque en le plaçant comme composante du contexte. Le cas d’étude central ainsi que les intensités émanent de la problématique principale. La démarche est de croiser, multiplier les regards pour alimenter une discussion sur l’architecture contextualisée. Est accessible, un cas d’étude central sur la production d’un habitat au Venezuela, où le risque sismique, les glissements de terrain, couplé à une addition de vulnérabilités, fragilisent le territoire, ses infrastructures et ses habitants. Conjointement, des parenthèses culturelles enrichissent son contenu : références qui ont accompagné cette mise en situation professionnelle, ou révélation de parcours. On parle du travail du paysagiste Brésilien Roberto Burle Marx, des logements collectifs « Khu Tâp Thê » au Vietnam, de la revue 303, du travail de Gilles Deleuze et Félix Guattari, etc. Des intensités qui nourrissent et allègent. L’article final lui, déborde de militantisme et propose le point de vue propre de l’auteur face à l’enseignement architectural, la profession d’architecte et ses ambitions futures.
UN TRAVAIL DE RÉFLEXION ET D’EXPLORATION Ce journal s’attache à retranscrire six mois de travail au Laboratoire International pour l’Habitat Populaire, sur des questions de politique sociale, d’eau, d’agriculture et d’habitat au Venezuela. Le LIHP est une association basée à Saint-Denis et à Caracas, créée en 2008 à l’initiative de personnes engagées dans le champ de l’habitat populaire (élus, architectes, urbanistes, représentants d’écoles d’architectures, chercheurs, ingénieurs...). Conscients que, malgré la diversité de leurs projets et de leurs situations géographiques, ils partagent les mêmes objectifs et rencontrent les mêmes difficultés pour remplir leurs missions. Le laboratoire s’est ainsi donné pour ambition de soutenir l’émergence d’une véritable « Dynamique urbaine socialisante », au moyen de la recherche scientifique, d’actions culturelles, de l’édition et de projets opérationnels. Le laboratoire ne parle pas de logement social — car le mot laisse entendre qu’il y aurait une hiérarchisation des logements — mais d’HABITAT POPULAIRE. Dans sa lutte contre la crise du logement social et la crise de la ville, il utilise un dialogue transatlantique, entre Saint-Denis et Caracas, et mobilise un savoir pluriel sur la question d’habiter.
p. 6
1
ARBORESCENCE, nf. Organisation hiérarchique des informations, dont la représentation rappelle un arbre et ses branches. 2 PLURALISME, nm. Philosophie suivant laquelle les êtres sont multiples, individuels et ne dépendent pas d’une réalité absolue. Admet l’existence de courants culturels et politiques différents. Illustrations de Paul Parent pour la revue 303, n° Habiter.
Philippine Barbato-Bony Promotion 2020-2022 DSA Risques-Majeurs à l’École Nationale Supérieur d’Architecture de Paris-Belleville
philosophie
D
ans le n.167, la revue 303 questionne le thème habiter et s’entoure de pensants et d’artistes comme le philosophe Thierry Paquot, l’architecte-urbaniste Sévak Sarkissian ou encore la critique d’art et conférencière Éva Prouteau.
HABITER
POUR
EXISTER
Ce numéro propose une réflexion sur la façon dont les normes de l’habiter se sont définies au fil du temps, en prenant en compte les formes du cadre bâti comme les processus d’appropriation qui font du logement un espace à soi. On dépasse ainsi la notion du refuge et on part à la découverte d’un espace capital et singulier, le « chez-soi ».
On retrouve, selon les mots Heidegger2, l’idée qu’habiter (bâtir) sont les conditions fondamentales de l’être humain. Étymologiquement bâtir renvoie à la notion de construire, fortifier. On parle donc là d’un acte. Mais est-ce suffisant ? L’habitat côtoie la notion de chez soi. Constituer son chez
Vous êtes-vous déj
Ailleurs ? soi, instaurer un espace que l’on pourvoit de limites : vivre sa demeure comme le prolongement de soi. Nadège Leroux explique que c’est par l’investissement d’un lieu, par la possession et par l’appropriation, que l’homme fait habiter son corps, ses objets. Proposons une architecture du choix, sans imposer de pratiques ou d’usages dans le logement même, afin que chacun puisse définir « son mode d’occupation » de l’espace. L’architecte doit donc pouvoir suggérer des pratiques et des usages sans les imposer et laisser place à l’investissement personnel des habitants dans le marquage des limites matérielles entre les espaces. En ces termes, l’habitat relève d’autant d’enjeux que d’épreuves à surmonter pour construire son intérieur. Certes, il est aisé de s’accorder sur l’idée qu’habiter puisse être un besoin presque instinctif de protection d’un territoire privé; mais insinuer qu’habiter relève plus d’un apprentissage est peu convainquant. Autant de définitions ressemblants davantage à un jugement de valeur réducteur ou à une occidentalisation d’une manière « juste » d’habiter, plutôt qu’un véritable questionnement sur l’habiter. On ne peut se résoudre à penser qu’être logé ce n’est pas habiter, ou que certaines personnes n’habitent pas. Habiter ce n’est pas cocher les cases de la grille ministérielle du logement. Alors oui, la notion de confort, d’hygiène et de protection sont plaidables. Nous, nous allons plus loin !
Comment définir habiter ? Le discours de Thierry Paquot n’est pas moins intéressant. Selon lui, c’est parce que l’homme habite que son habitat devient habitation.
HABITER C’EST ÊTRE.
© Couverture Revue 303, Trimestriel N°167
Dans l’article Habiter pour mieux exister, Thierry Paquot relate les propos de Ivan Illich sur ce qu’il appelle “l’art d’habiter”. Selon lui, seul les humains ont cette capacité à habiter1. On plutôt l’on eu. Car dorénavant ils n’habitent plus. Chaque homme se contente de ce qu’il nomme un “garage” : un appartement conçu, produit et équipé par d’autres. Ivan rompt avec la logique économico-juridique dominante et considère “le droit d’une communauté de se constituer et de s’installer selon ses capacités et ses talents”, car “il ne peut y avoir d’art d’habiter en l’absence de communaux”. Finalement, cela revient à ce que tout homme laisse une trace de son passage, que le logement ne soit plus un “assistanat” mais plus le moteur de son existence propre. Une bien douce philosophie.
HABITER EST UN ART 2
Avec la crise sanitaire, nous avons tous (re)découvert notre domicile, nous l’investissons différemment. Cette expérience à la fois personnelle et collective nous conduit, à des degrés divers, à nous interroger sur les contours de l’espace privé et sur ce qu’habiter veut dire.
Après tout, le logement ne répond t-il pas à une fonction, être logé, avoir un toit ? Habiter répond à un état, l’état d’habiter, de s’approprier son lieu de vie. Nos existences sont traversées de lieux, des successions de demeures et de rencontres avec nos semblables, dont certains continuent à nous habiter, même lorsqu’ils ne sont plus de ce monde. Habiter n’est pas un résultat, un défi ou une étape, mais un fondement, synonyme d’exister. C’est être présent au monde et à autrui. On néglige trop souvent la notion existentielle dans l’habiter avec laquelle pourtant l’architecte a l’énergie de prendre la mesure de l’existence de l’être. N’oubliez pas que vous n’êtes pas des aménageurs mais des ménageurs, du verbe ménager, prendre soin, porter attention à.
Au même titre que l’existentialisme, la temporalité est une des ressources non renouvelable de l’habiter. Son caractère irréversible et sa notion hétérogène, lui donnent une valeur particulière. L’humain possède une chronobiologie. Il habite à la fois un territoire mais aussi le temps. Chaque moment de vie répond à un rythme,
jà senti chez-vous à une temporalité unique ; car chacun d’entre nous présentifions le temps et attribuons à chaque heure sa durée. Le temps n’a jamais une même valeur. L’habiter non plus. Comprendre la manière dont le temps s’écoule. Inscrire une architecture dans le temps, le temps d’une vie, le temps d’un territoire ou le temps de l’architecture elle-même. Ici ne se joue plus un match où la « maison de l’Être » et le temps se font face. Aussi, le temps se joue de deux dimensions : le temps du réel et le temps du virtuel. L’être humain, créatif et imaginatif, vit à la fois dans la dimension du réel conventionnellement la journée, et dans le moment des rêves, la nuit. Comme l’expose Bachelard « un logis est le lieu où résident mes songes ». Le lieu à soi doit être l’espace des interdits comme l’espace des rêveries.
LE LOGÉ A ÉNORMÉMENT PERDU DE SON POUVOIR D’HABITER S’ajoute à ces linéatures, l’altérité. Elle est la subtile relation avec l’inconnaissable. Altérité trouve ses origines du bas-latin alteritas, qui signifie différence. Elle admet l’existence de chose qu’on ne connaîtra jamais, qui sont autres à soi-même et impossible à rendre intelligible. L’altérité intensifie et transforme l’habiter. Habiter implique une certaine altérité, non pas une altérité de l’ordre du lui, qui est exclusion, mais une altérité de l’ordre de toi, qui est réciprocité de présence notion de reconnaissance de l’autre dans sa différence, aussi bien culturelle que religieuse. Je m’enrichis de la diversité d’autrui qui par ailleurs, est la garantie de ma propre différence. Habiter doit avoir cette qualité. Dans
le
merveilleux livre La dimension cachée, Edward Twitchell Hall nous explique que la dimension que l’on attribue au logement est la capacité à ce que chacun d’entre nous se déploie3. Habiter c’est peut-être ça. Une dimension cachée qui provoque des émotions. Une dimension existentialiste, temporelle et emplie d’altérité. Habiter n’est pas quantifiable, mesurable et n’a pas de prix, car il a une valeur. L’altérité, l’existentialisme, et la temporalité sont les qualités de habiter. Une heureuse combinaison de trois thèmes, purement émancipateurs. Habiter est universel, l’homme est, quiconque habite4. Habiter revient donc à « exister », ce
qui en nous s’accorde au monde et réciproquement. La question n’est peut être donc pas, comment mieux habiter mais davantage : comment aller au-devant de soi ?
FÉLIX GUATTARI, JEAN OURY
Est-ce la fin de l’architecte ? L’architecture est-elle submersible ? Dans le troisième épisode d’une série proposé en 1980 par les Nuits Magnétiques, après Daniel Cohn-Bendit et André Glucksmann, c’est à Felix Guattari qu’est posé la question : est-ce la fin du politique ? La réponse donnée sonne aujourd’hui comme un oracle annonciateur intelligiblement architectural : « Quand j’entends quelqu’un parler de la fin du politique, je l’entends d’abord comme annonciation d’un symptôme ». Ce qui est évident c’est qu’un certain type de théâtre architectural est révolu. Le sentiment que tout est, pouvait, devait être architecture et cet autre sentiment que l’architecture institutionnelle est une affaire de professionnels : ces deux sentiments se sont mêlés. Il y a comme une grande fatigue. Je ne me résous pas à envisager la fin de l’architecte mais plutôt le début d’un nouveau théâtre, le théâtre de la vie quotidienne. C’est indéniable. Il y a et il y aura toujours des connexions, des implications, des interactions entre une personne et le champs architectural. Qu’elles soient théoriques ou pratiques. À ce titre, l’architecture est vivante. Aussi, on ne peut pas comprendre une série de mutations dans le domaine architectural si l’on considère qu’il s’agit de phénomènes annexes, marginaux, qui n’ont rien à voir avec les choix de société et les remises en question. Ces nouveaux types de sensibilité en architecture : le bio/géo sourcé, la participation citoyenne, etc, ne sont pas des phénomènes marginaux pouvant se résoudre d’un petit arrangement gouvernemental. Non. Cela implique un remaniement complet de la position des femmes et des hommes dans leur rapport à la liberté spatiale, à la possibilité de transformation par eux-même. N’importe quel acte est tributaire de ses grandes mutations économiques, sociales, technologiques. Et fort heureusement, c’est à travers cela que l’on doit retrouver l’architecte. L’architecture consiste à repenser ce que sont vraiment les questions qui mettent en jeu les ressorts même de la société. Tel un continuum entre les problèmes mondiaux et les secrets relatifs à l’inconscient de l’être. On ne prétends pas apporter une solution, simplement peut-être, la fidélité à un trouble. Méfions-nous de nos certitudes architecturales ! À ce titre, l’architecture a un pouvoir dangereux : le contrôle social. Il est facile d’imaginer que vivre un lieu, une passion, la création dans un monde où l’on est enveloppés d’images, de paroles, de bruits, d’interactions, de transports, puisse diriger notre regard. AVOIR UNE MULTITUDE DE CHOIX D’HABITATS POUR RÉPONDRE À LA SINGULARITÉ DES RÊVES DE CHACUN SEMBLE CONVAINQUANT.
Paquot Thierry, « La convivialité selon Ivan Illich » 2 France Culture, « Épisode 1/4 : Bachelard et La poétique de l’espace » 3 Twitchell Hall Edward, 1978, « La Dimension cachée », Seuil, 254 p. 4 Illich Ivan, « L’art d’habiter »
QUAND LES RELATIONS SOIGNENT
C
’est dans un château au sud-est de Blois que Jean Oury fonde en 1953 la clinique psychiatrique de La Borde. Il est issu d’une génération de médecins qui, au sortir de la Seconde Guerre mondiale et des persécutions des malades mentaux par dizaines de milliers, prennent position pour bousculer un modèle psychiatrique correctionnaire, voire concentrationnaire. Avec son ami Félix Guattari — figure des mouvements de contestation de la psychiatrie et de la psychanalyse des années 1960 et 1970 —5, ils réforment les relations et l’organisation sociale de l’institution psychiatrique. La dé-hiérarchisation commence par la terminologie, et se manifeste dans les rapports entre les soignants et les soignés6. La maladie est politique à La Borde. Ainsi naît la psychothérapie institutionnelle. Ils cohabitent dans une structure sans cesse renégociée, où les fonctions des soignants sont mobiles, partagées avec les pensionnaires, qui les mènent de la cuisine aux soins ou aux ateliers créatifs. La politique, la spatialité, les interactions sont riches car elles répondent à la temporalité des vies humaines. On peut se demander si nous, architectes, écoutons assez la parole du temps ? Pourquoi l’architecture n’est-elle pas renégociée sur le temps de vie du projet architectural ?
C’EST À TRAVERS L’INTERACTION QUE L’ON PEUT RETROUVER UN SENS À L’ARCHITECTURE La création d’un projet, de sa commande à sa livraison dure en moyenne 10 ans. En 10 ans la commande peut changer, les besoins évoluent. Nous n’avons pas le temps, les outils et les moyens d’inclure les populations dans les phases de conception — ce n’est d’ailleurs peut-être pas leur place —. Est-ce que tout l’enjeu de « construire pour le peuple » ne pourrait-il pas se faire aussi a posteriori ? Durant le temps de cohabitation entre une famille et l’architecture ? Nous pouvons envisager d’étaler ce temps pour renégocier les usages, transformer les programmes, répondre aux nouveaux enjeux sociétaux ? À ce sujet, l’architecte Olivier Gahinet propose des projets sans programme. L’idée est de dessiner des bâtiments capables de s’adapter à une demande de transformation sans perte de qualité spatiale. À sur-dessiner un espace pour répondre à une fonction préalablement établie fige l’espace. La transformation se voit contrainte, difficilement envisageable car trop coûteuse, trop énergivore, etc. Poétiquement, il est facile de lire dans ces projets une histoire, une nostalgie des vies passées. C’est ainsi que symboliquement et matériellement les lieux racontent leur histoire. Ils acceptent l’usure, ils accueillent le temps long, ils questionnent l’empreinte et surtout admettent le partage d’émotions communes. On parle souvent de génius du lieu. L’élément qui va accorder tout le monde. Une des réponses : l’appropriation. Faire en sorte que les gens se reconnaissent dans un lieu et que ce lieu les inspire. Les inspire à rêver, à militer, à aimer, à partager. Mais les architectes souhaitent-ils que leurs « œuvres » soient celles de tous. Ah. On y revient : l’ego de l’architecte. Cela me fait penser à l’histoire du bateau de Thésée. Le poète Grec Plutarque rappelle la légende de Thésée, rentré à Athènes vainqueur du Minotaure, sur un navire à trente rames7. Pour préserver le navire de l’usure du temps et célébrer la mémoire du héros, les Athéniens ont retiré et remplacé les planches usées du bateau, les unes après les autres ; au bout d’un certain temps, le bateau ne contient plus aucune de ses parties d’origine. À l’époque moderne, le philosophe Thomas Hobbes se penche sur cette expérience de pensée philosophique et questionne la notion d’identité. Le problème est de savoir si le changement de matière du même bateau de Thésée implique un changement d’identité, ou si l’identité serait conservée par la forme, ou encore d’une autre façon. S’il s’agit du même bateau ou d’un bateau différent ? Le bateau est-il renouvelé ou remplacée ?
L’ARCHITECTURE N’EST-ELLE PAS, COMME LE BATEAU DE THÉSÉE, À LA FOIS IDENTIQUE À NOUS-MÊMES ET TOUJOURS EN CHANTIER ? Il y a une autre question, corollaire : si, avec les planches du bateau d’origine, un autre bateau a été construit, est-il encore le bateau de Thésée. Lequel est le vrai bateau ? Le bateau de Thésée n’a pas pu rester identique à lui-même que s’il était resté à quai, constamment entretenu, et dans ce cas, même si aucune pièce ne subsistait du bateau d’origine, c’est bien ce bateau-là qui est le témoin de l’aventure de Thésée. Cette question renvoie à la difficulté de définir ce qui constitue l’identité d’une chose, ou d’un être alors qu’ils sont traversés par une série de changements.
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France Culture, Épisode 3/4 : Gilles Deleuze et Félix Guattari : «Faites rhizome et pas racine !» 6 DELEUZE GILLES ET GUATTARI FÉLIX, « Capitalisme et Schizophrénie, tome 2 : Mille Plateaux », p15 7 Nos pensées :« L’identité et le bateau de Thésée » 5
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monde
Gran Misión Vivienda Venezuela LE LOGEMENT SOCIAL DU XXIE SIÈCLE AU VENEZUELA : venezuélien réquisitionne les hôtels touristique, 25 familles sont hébergées au palais présidentiel2. Ce n’est pas une aide de circonstance. Le président leurs promet un hébergement d’au moins un an.
© Ministerio del Poder Popular la Comunicación
LA « PÉTRODIPLOMATIE » DE CHÁVEZ
D
epuis le début du XXème siècle, le pétrole occupe une place centrale sur la scène politique vénézuélienne, tant sur le plan national qu’international. Dans cette époque glorieuse, la décennie des années 70 est l’âge d’or du Venezuela1. Le pays connait un développement économique et urbain impressionnant provoqué par le boom pétrolier. Avec les meilleures autoroutes de toute l’Amérique latine, les hôpitaux publics sont meilleurs que les cliniques privées, les écoles primaires et secondaires possèdent d’excellents programmes et les universités libres obtiennent d’excellents professionnels chaque année. Le Venezuela est à cette époque l’une des principales destinations touristiques et d’affaires et devient l’une des cinq destinations d’Air France exploitée avec Concorde. Le pays, en mutation depuis 1999 avec l’arrivée d’Hugo Chavez au pouvoir, dispose des plus importantes réserves de pétrole au monde et les exportations pétrolières de la compagnie d’État PDVSA assurent dans ces années, 95 % des exportations et 60 % du PIB2. Devenu le pilier de son économie et une composante fondamentale de sa politique extérieure, le pays abandonne peu à peu son économie agricole accès sur le cacao et le café. Cette ressource financière puissante construit une économie mono-orientée, ultra-dépendante du prix du baril et basée sur l’import de la quasi totalité des produits de première nécessité. En 2010, le phénomène “El Niño” provoque des sécheresse terribles dans le pays. Le 25 août 2011, les pluies torrentielles s’abattent sur l’ouest du Venezuela. Les sols asséchés ne sont plus en capacité de drainer l’eau. Le ruissellement urbain, les coulées de boue et les glissements de terrains impactent les plus vulnérables : les quartiers informels (à savoir qu’il y a à l’époque 55% de la population nationale dans des quartiers précaires et 60% pour Caracas, la capitale). Les autorités locales annoncent 32 morts et 70 000 personnes sans abris. Le pays connait une situation de crise généralisée. Face à l’urgence, le président
Parallèlement, le gouvernement passe un décret d’urgence et libère du foncier pour le logement. L’objectif est clair : produire massivement et rapidement 3 millions de logements en 10 ans pour les secteurs populaires, en donnant priorité aux familles touchées par la succession d’événements climatiques4. Ce décret permet de récupérer des terrains « oisifs » intra-urbains et périurbains pour construire du logement dans les zones déjà équipées en infrastructures, services, et densifier les villes. Hugo Chavez attaque sur tous les fronts pour construire vite, afin de loger à termes, les sinistrés entassés dans des foyers d’urgence précaires. Des immeubles de logements collectifs et individuels, dans la capitale et dans les villes moyennes, sont donnés à chaque famille recensée.
LE PROBLÈME PRIORITAIRE QU’EST L’ACCÈS AU LOGEMENT, SERA RÉSOLU Pas de loyer, un droit de rester immuable, mais pas d’acte de propriété privée. Les familles peuvent léguer leur logement à leur descendance, mais ne peuvent le vendre. Si elles font le choix de partir, c’est seulement pour laisser la place à une autre famille. Tels sont les prémices de la « Grande Mission Logement Venezuela » (Gran Misión Vivienda Venezuela): « garantir la formation d’une unité écosocialiste et inclusive”.
J
e décrirais l’architecte Fruto Vivas à partir de sa maison : légère, fraîche, construite à Barquisimeto avec des tôles pliées, de la bagasse de canne et un toit en zinc ! Il est né à La Grita le 21 janvier 1928, sous le nom de José Fructoso Vivas.
Sans appareils de production en capacité de construire rapidement et massivement des logements, le Venezuela appel à la Russie, la Biélorussie, la Turquie, l’Iran ou encore la Chine, dans le cadre d’accords économiques et de cargaisons de pétrole vénézuélien vers ces pays. Sa dépendance technique et opérationnelle à la construction en préfabrication exclut en grande partie le savoir-faire local, la participation citoyenne et assujetti le pays à l’obtention d’un produit fini dépendant de l’étranger. On fait très vite le lien avec les grands-ensembles de logements sociaux français dans les périphéries urbaines. Les projections et la comparaison avec ce même scénario ne semblent pas altérer la confiance de l’état dans ce modèle urbain. L’urgence, en réponse au chaos que le pays vit, entraine une rapidité d’exécution et laisse peu de place à l’architecture contextualisée. Une réflexion est tout de même faite sur le risque sismique structure métallique légère, triangulation, remplissage en maçonnerie -. Naît alors dans le pays, des millions de groupes d’immeubles, certains plus réussis que d’autres, dont l’architecture s’abstrait à faire société.
FACE À LA CRISE, PARCE QUE DES HISTOIRES SONT EN JEU, ON (RE)LOGE AVANT D’HABITER La réponse architecturale peut-elle être contextualisée dans le moment de la crise ?
LIEN E U NÉZ É V E ECT T I H C L’AR
S A V I OV
T U R F
« Chaque bâtiment doit avoir : un approvisionnement en oxygène, un approvisionnement en aliments recyclables et un confort climatique, de la fraîcheur et des arômes. »7 disait-il. Club Democrata, Tachira, 1954
Sur ses dessins et ses réalisations, il est facile de lire l’attention portée au risque sismique - triangulation, diaphragme, la rigidification des nœuds, le remplissage en brique, légèreté -, et curieusement ce n’est qu’une caractéristique parmi tant d’autres. Dans le projet “Club Democrata”, la structure porteuse en bois agit comme un élément de contreventement, est porteur, satisfait la fonctionnalité du programme et s’adapte au climat humide et chaud des Caraïbes par la ventilation transversale.
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Une propriété constitutive de son architecture et non symptomatique du risque sismique. Le risque est dilué, intégré dans les caractéristiques du contexte environnemental. Casa Eseverri, Eseverri, 1960
L’ÉTAT APRÈS LA CATASTROPHE à la question du logement, elle interroge profondément l’exode rural, la localité et la spéculation immobilière.
LA GMVV INTERROGE PROFONDÉMENT L’EXODE RURAL
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Là où certains pays nient la désertification et l’appauvrissement grandissant des zones rurales, la GMVV les considère et impulse une vitalité. Il est fréquent de trouver des projets d’amélioration de l’habitat informel ; aussi positifs et efficaces qu’ils soient, ces projets annihilent en sus de répondre au problème de la gestion de la pauvreté urbaine. Faute d’absence de politique rurale et agricole, bon nombre d’habitants sont contraints de rejoindre les quartiers fantômes des grandes villes, à la recherche d’un travail et emplissent les quartiers informels : produit du centralisme des capitales.
La Révolution bolivarienne, réalise le rêve de millions de familles vivant sans titre d’occupation, des fois sans papier, d’accéder à des appartements et des maisons décentes. Pouvoir compter sur un logement en dur élève non seulement leur niveau d’appréciation de l’habitat, mais favorise aussi la reconnaissance vis-à-vis de l’État et l’adhésion à la politique mise en œuvre. La mission logement s’analyse aussi comme un facteur de résilience pour ses bénéficiaires, face aux traumatismes révélateurs de la vulnérabilité du territoire et des habitants. Définitivement, le gouvernement vénézuélien, tel un état providence, par devoir, a su se positionner et donner une identité à ceux que personne ne voyait. La GMVV ne répond pas seulement
La transformation du territoire engendrée par la Gran Misión Vivienda Venezuela, dépasse totalement le cadre traditionnel d’une politique de la ville.
Wilson Yaneira, « Le logement social au XXIe siècle au Venezuela : l’État après la catastrophe », 21 2 Quentin Aurélie, « ONG et politiques publiques d’habitat urbain : réflexions à partir de l’Équateur et du Venezuela », p42 3 Wilson Yaneira, « Faire du logement social un bien commun ? Regards vénézuéliens »,
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C’EST UNE OFFENSIVE DIRECTE CONTRE LE PILIER DE LA FRAGILE ÉCONOMIE VÉNÉZUÉLIENNE.
CES PLUIES TORRENTIELLES METTENT EN LUMIÈRE L’ÉCHEC DE LA POLITIQUE DU LOGEMENT AUPARAVANT NÉGLIGÉE Devait-on attendre une série de catastrophe, pour reloger les gens ? L’habitat comme droit humain n’aurait-il pas pu être conscientisé avant ?
Gobierno Bolivariano de Venezuela, « Gran Misión Vivienda Venezuela, años 2011-2012 » p 14 5 Le Monde, « L’embargo américain sur le
pétrole vénézuélien entre en vigueur » 6 Tv5, « Embargo américain sur le pétrole du Venezuela : les marges de manœuvre de Maduro sont très minces »
Entre architecture bioclimatique passive, populiste, nationale, Fruto Vivas incarne ce que certains appellent un « nouveau langage architectural » : une architecture tropicale, attentive à ses lois de conception, respectueuse du contexte, intégrant le plus grand nombre de matériaux organiques, ultra légère, ultra économique, simple et accessible à tous. Sans aucun doute, Fruto est un rêveur ; ayant le mérite de pouvoir concrétiser une partie de ses rêves, transmettant avec son travail des leçons de durabilité, d’optimisation, d’intégration et de société. Une vision, correcte ou incorrecte, différente du monde auquel nous sommes habitués, laissant la question ouverte:
SOMMES-NOUS, EN TANT QU’ARCHITECTES,
EN TRAIN DE CONSTRUIRE LE MONDE DANS LEQUEL NOUS VOULONS VIVRE ?
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LA STRATÉGIE AMÉRICAINE DE DÉSTABILISATION ÉCONOMIQUE
Si le risque = aléas x la vulnérabilité, ce n’est donc pas la catastrophe qui provoque cette situation mais bien un élément endogène : la vulnérabilité des populations.
La Casa Eseverri est travaillée pour qu’une ventilation transversale soit continue, même lorsque les fenêtres sont fermées. Le soleil est également un facteur influant dans la conception, générant des reculs de façade et utilisant des brises soleil et du verre chromé pour éviter son incidence directe8 et la surchauffe de l’intérieur de la maison.
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imanche 28 avril 2019, l’embargo américain sur le pétrole vénézuélien entre en vigueur4. Les États-Unis rendent Nicolas Maduro réélu en juillet 2017, mais non reconnu par l’Union européenne et les États-Unis, responsable de la crise économique actuelle1. Une opération lancée par Washington dans le but affiché est de pousser le président vénézuélien vers la sortie, au profit de son opposant Juan Guaido, président par intérim autoproclamé et reconnu comme tel par une cinquantaine de pays. Les sanctions américaines parachèvent un embargo financier déjà largement engagé par Barack Obama en 2015 puis poursuivi par Donald Trump à partir de 2016.
archiTECTURE
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Vivas Fruto, « las casas sencillas », p17 Vivas Fruto, « Fruto Vivas, pensamiento y obra », p132
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A compter de 00 h 01, le Venezuela se trouve entièrement exclu du système financier mondial et doit faire face à trois difficultés économiques majeures5 : • Interdiction pour toute entreprise américaine d’acheter du pétrole à la compagnie pétrolière publique PDVSA ou l’une de ses filiales ; • Le risque de sanctions sur le marché américain pour toute entreprise faisant du commerce avec le Venezuela ; • L’impossibilité de se financer auprès des banques américaines, ce qui pose le problème du remboursement de la dette. Ces sanctions américaines ne sont pas sans conséquences, d’autant qu’elles s’appliquent à toutes les sociétés étrangères entretenant des liens avec les États-Unis, couvrant la quasitotalité de la planète.
« LES SANCTIONS AMÉRICAINES SONT DÉLIBÉRÉMENT CONÇUES POUR DÉTRUIRE L’ÉCONOMIE DU VENEZUELA »
Affirme les économistes américains progressistes Mark Weisbrot et Jeffrey Sachs4 L’embargo américain, dans un pays déjà affaibli économiquement, a de lourdes conséquences pour la population civile. 3 millions de personnes fuient le pays et les situations économiques et sociales sont catastrophiques5. Cependant, les États-Unis promettent gracieusement d’aider le pays seulement si Maduro sort. C’est trop gentil.
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RECHERCHE
L
e Venezuela est un pays riche en eau, il dispose sur son territoire d’une quantité d’eau douce par habitant de 29 783m3/an (richesse considérable si on la compare à la France : 3 016 m3/ an, source : Banque mondiale). Cette mesure indique le potentiel existant sur le territoire et non pas une utilisation directe de la ressource.
LA RICHESSE EN EAU DU VENEZUELA EXISTE AVEC UN DÉSÉQUILIBRE TERRITORIAL compte tenu de la rareté de l’eau potable dans les principales villes du pays.
Photo du LIHP, Juan Pédro Posani à droite, Jean-François Parent au milieu.
L
e laboratoire est une association composée d’un conseil d’administration et d’un comité scientifique. À son fondement, Maurice Chanier, anciennement maire de Vaulx-en-Velin, en était président ; aujourd’hui remplacé par Jean François Parent, architecte DPLG. Sa structure satellitaire, délocalisée, entre Caracas et Saint-Denis, lui donne une vision riche de sens.
L’EAU, UN ACTEUR RÉGIONAL Au Venezuela et particulièrement dans les Valles del Tuy, l’eau est une ressource abondante, mais rare pour son utilisation en raison du modèle de gestion hérité de l’économie et de la culture rentière pétrolière. La situation actuelle de crise économique et de blocus financier international amènent les communes à penser des projets d’envergure locale et régionale, qui ne nécessitent pas d’importants investissements financiers, pouvant être gérés de manière interconnectée et pouvant être construits avec la participation active des communautés organisées.
UN TRAVAIL EN INJECTION DE RÉFÉRENCE, DES RELECTURES GÉOGRAPHIQUES, UNE ANTHROPOLOGIE CRITIQUE ET NON ETHNO-CENTRÉE Ses perspectives de production architecturale dans deux pays en font un cadre stimulant, plus particulièrement lorsque l’on se questionne sur l’habitat populaire. Le laboratoire de Caracas est une entité juridiquement indépendante suivant les statuts de droit Vénézuelien. Le LIHP travaille dans des projets gouvernementaux, à l’échelle locale, communale et régionale au Vénézuela, et pour des collectivités locales en France. Dernièrement, il a privilégié ses rapports avec l’outre atlantique pour des raisons économiques et juridiques, difficile à transgresser en France.
LABORATOIRE INTERNATIONAL POUR L’HABITAT POPULAIRE
DISTORSION DES REGARDS ENTRE LE VÉNÉZUELA ET LA FRANCE
La rivière Tuy s’envisage comme protagoniste du territoire, l’élément structurant où se rejoignent toutes les dimensions de la vie sociale et économique de la région.
En six dates, le laboratoire c’est : • 2008 - Création du laboratoire à Medellín. Des préoccupations : quels sont les phénomènes urbains qui s’imposent à nous ? Pourquoi n’arrive-ton pas à y faire face ? Rédaction de la charte. • 2010 - Établissement du siège social à Saint-Denis et développement de l’équipe. • 2013 - L’institut français demande au LIHP d’organiser le pavillon français pour la biennale d’architecture de Sao Paulo. La condition du labo : collaborer avec le Brésil, la Colombie, le Vénézuela, Haïti, et le Mexique. Si des peuples essayent de transformer leur manière d’habiter radicalement, qu’est ce que cela change sur le mode urbain ? • 2015 - Après avoir visité les autres pays, le LIHP se rend au Vénézuela. Des relations fortes se tissent avec les autorités culturelles, politiques, éducatives. Los Toques : première commande rémunérée d’une collectivité locale. • 2018 - Proposition à l’échelle de l’état de Miranda d’une étude sur le territoire. Le laboratoire établit une stratégie de développement et choisit plusieurs territoires intelligibles pour valider les hypothèses posées. S’en suit une hiérarchisation des projets les plus emblématiques.
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L’EXISTANT NON VIVANT Du logement collectif dans le cadre d’une (ré) appropriation des bâtiments squelettes abandonnés.
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La gestion intégrée du bassin, l’émergence d’une nouvelle culture de l’eau valorisant la rivière Tuy comme ressource stratégique et une nouvelle gestion sociale et participative du secteur, sont les facteurs qui permettront de construire une gouvernance garantissant l’accès à l’eau pour tous. Le Laboratoire International de l’Habitat Populaire impulse cette nouvelle gouvernance et aspire à ouvrir des espaces de coopération/ recherche qui contribuent à renforcer de nouvelles formes de gestions et de nouveaux projets sur le territoire. Impulsé par de forts engagements politiques, un changement de modèle de gestion de l’eau commence graduellement à voir le jour.
À l’échelle architecturale, la stratégie est vérifiée sur trois situations :
L’EXISTANT QUI RESTE À FINIR Il s’agit d’extensions des logements existants et occupés pour les rendre «habitable» sous les tropiques.
Cúa
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• 2021 - Éliana Racho et Philippine Barbato s’ajoute à l’équipe. Par son organisation populaire très forte et structurée, Ciudad Zamora se démarque comme projet pilote. C’est donc à Ciudad Zamora qu’Éliana et Philippine concrétisent la stratégie de développement par un projet urbain et un projet architectural. LE NEUF Du logement individuel dans la zone agricole au sud de la parcelle. Ce logement répond à la demande des agriculteurs.
UNE NOUVELLE CULTURE DE L’EAU, EN TANT QUE RESSOURCE STRATÉGIQUE AU CENTRE DE TOUTES LES POLITIQUES SOCIALES, TERRITORIALES, URBAINES, ENVIRONNEMENTALES, ÉCONOMIQUES ET CULTURELLES
Plan fait par l’auteur
Mer des Caraïbes
État de Miranda
Carte faite par l’auteur
contexte
un Paysage marqué CIUDAD ZAMORA : LA CONSTRUCTION D’UNE VILLE DORTOIR À L’ARRÊT
N
euf ans après le début de la Gran Misión Vivienda Venezuela, six ans après le début du boycott, le Venezuela a vu son dynamisme se cristalliser. La Chine, la Turquie et tous les pays collaborants au développement du pays se sont retirés. Subitement, tous les chantiers du pays se sont arrêtés. Le Venezuela accueille un nouveau paysage : des chantiers cimetières. Grues, squelettes d’acier, structures délaissées, immeubles inachevés ou abandonnés sans démolition, sont les résultantes de la faillite de l’activité immobilière bien aidé par le blocus international. Ciudad Zamora n’est qu’un exemple parmi tant d’autres. Les squelettes d’acier abandonnés, les terrassements, les immeubles livrés et habités, les structures en béton inachevés, les alignements des poteaux bruts, le découpage des dalles nues et les éventuelles parois verticales, sont à la fois page blanche à fort potentiel et éléments structurants autocratiques.
Photo du Laboratoire International pour l’Habitat Populaire
Ciudad Zamora fait partie d’un ensemble de projets pilotes expérimentaux situés dans la zone urbaine de la « Gran Mision Vivienda Venezuela » dans la ville de Cúa. Connue comme « la perle Del Tuy », Cúa est le chef-lieu de la municipalité d’Urdaneta dans l’État de Miranda. En 2009, sa population est estimée à 127 900 habitants. Connectée à Caracas, seulement une trentaine de kilomètres les séparent. Elle se trouve dans la zone de la Gran Caracas, connu sous le nom de Valles Del Tuy — « la vallée Del Tuy », dans laquelle coule la rivière du même nom, au nord du Venezuela —.
LE CONTEXTE EST LITTÉRALEMENT AMPUTÉ
CIUDAD ZAMORA
La situation d’urgence prolongée a entraîné une prolifération de groupes d’immeubles dont l’architecture manque de contextualisation. Végétation déracinée, topographie rasée pour terrasser. Ciudad Zamora s’étend sur 117.5 hectares, initialement projetée pour 4120 appartements, seulement 2720 (66%) sont terminés et abritent 10 877 personnes au total. Le plan d’urbanisme vise à mettre en place des bâtiments d’habitations pluriels de 5 étages maximum, où sont aujourd’hui intégrés des équipements — école, terrain de foot, centre de santé, centre communautaire —, un espace de tri sélectif, deux réservoirs d’eau, un réseau routier, une grande halle antérieurement utilisée pour la préfabrication de Ciudad Zamora. La zone d’intervention présente deux typologies topographiques différentes :
Carte faite par l’auteur
• Au nord, une zone résidentielle (72.0Ha) dont la topographie a été travaillée dans le cadre d’un plan d’urbanisme antérieur, présentant un modèle de terrain qui forme un ensemble de plates-formes (7). Les terrassements transitent de l’un à l’autre par des pentes permettant de dépasser le différentiel entre les hauteurs altimétriques. • Au sud, la zone de l’unité industrielle et des espaces verts (45.6Ha). Elle présente une topographie très vallonnée (8), composée de trois lignes d’eau dirigées vers le niveau le plus bas de toute la zone d’intervention à côté du ravin de la Magdalena. Dans cette zone, l’étude altimétrique note l’existence généralisée de terrains à fortes pentes (>30%) qui rendent difficile l’implantation de bâtiments, soit à vocation d’habitation, soit à vocation d’équipements.
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Aujourd’hui un grand nombre de bâtiment de la partie nord sont construits et accueillent des habitants. On retrouve environ 22 barres en attentes.
CONSTRUIRE AVEC L’INTELLIGENCE CONSTRUCTIVE TROPICALE Aujourd’hui, Ciudad Zamora est en partie habitée. Ce qui résulte des témoignages — bétonisation lourde provoque une surchauffe dans l’espace public et les logements, manque de zones ombragées, manque d’eau,
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Photo prise depuis le ciel avant l’intervention de la Gran Misión Vivienda Venezuela. (1) Urbanisation existante, (2) Quartier résidentiel, (3) Halle de préfabrication existante, (4) Colline Madalena, (5) Point de connexion à l’autoroute Charallave/Cúa, (6) Point de connexion au quartier résidentiel non fonctionnel, (7) Terrassement, (8) Zone aux terrains à fortes pentes.
difficulté économique —, laissent penser que la ville n’est pas contextualisée. L’enjeu de la Gran Misión Vivienda Venezuela est de poursuivre son action en approfondissant sa mission initiale :
FAIRE DE CIUDAD ZAMORA UNE VILLE TROPICALE
Les chantiers se réactivent doucement, dans ce même climat d’urgence, c’est-à-dire sans appareillage technologique, sans les moyens constructifs des puissances auparavant collaboratrices et sans possibilités d’importer des matériaux extérieurs. Alors ils font avec l’intelligence constructive locale, nationale et vernaculaire.
Photo du Laboratoire International pour l’Habitat Populaire
Le projet Ciudad Zamora est l’un des projets pilotes dans la nouvelle stratégie de développement d’une politique ambitieuse de l’eau et du paysage du bassin versant du Tuy.
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monde
Khu Tâp . Thê
LES LOGEMENTS COLLECTIFS DE HANOÏ, UN BIEN
A
près l’indépendance du Viêt Nam, l’État communiste s’engage, à partir de 1954, à résoudre la crise du logement avec la planification urbaine de quartiers d’habitations collectives, les KTT — Khu tâp thê —1. À l’origine construits pour accueillir les personnes travaillant pour les administrations et dans les entreprises de l’État, ces immeubles accueillent des appartements de très petites tailles partageant cuisines et toilettes. On pouvait compter en moyenne une cuisine et une salle de bain pour 3 ou 4 appartements. La vie s’organise autour des équipements collectifs implantés au sein des KTT comme le marché, le parc, la crèche etc. Tous ces équipements sont administrés par l’État. La chute progressive de l’URSS précipite l’arrêt des constructions des KTT, engage une libéralisation contrôlée de l’économie et une sécession des appartements aux habitants sous condition de la prise en charge de leur entretien. Au fil du temps, des travaux d’extension provenant d’initiatives individuelles ou familiales sont réalisées au cas par cas pour répondre aux évolutions des besoins quotidiens2. Ce qui est fascinant c’est que certaines modifications fonctionnelles des pièces ont lieu en permanence.
AINSI SE DÉROULE UN AFFRANCHISSEMENT SPATIALE DES USAGES AU SERVICE DE L’ÉVOLUTION DU NOYAU FAMILIAL En plus de répondre aux transformations familiales — arrivé d’un membre de la famille anciennement logé à la campagne, départ d’un enfant etc —, les habitants marquent le bâtiment de leur moment de vie. Les extensions n’étaient qu’à leurs débuts des ajouts de pièces essentielles à l’appartement : cuisines, salles d’eau, nouvelles chambres, correspondant à une situation où
Hutin Christophe « Les communautés à l’œuvre »
l’espace était rare et recherché. Aujourd’hui, la fonction de ces pièces ajoutées est plus liée à des notions de confort : on y trouve des salons, des vérandas, des ateliers d’artistes. L’extension ne semble donc pas, ou plus, être uniquement une conséquence du manque d’espace et de la recherche d’intimité perdue dans la collectivisation des espaces, mais plus l’augmentation spatiale pour une meilleure qualité de vie. Il est amusant de voir que dans ce modèle collectiviste, on a laissé se développer une appropriation de l’espace ultra-individualisée. Mais ces appropriations ne sont pourtant pas des phénomènes purement individualistes, où chacun fait ce qu’il veut sans tenir compte de son voisin. Non, un esprit commun se manifeste dans les négociations interindividuelles qui génèrent ce mode d’extensions. À noter que chaque extension est autonome sur le plan constructif et ne transfert donc aucunes charges ni verticalement, ni horizontalement aux extensions voisines. Finalement, ils symbolisent le passé d’une société communiste aujourd’hui en voie d’individualisation.
entre la structure collective des immeubles et la multitude d’interventions individuelles, N’APPARAIT-IL PAS un STADE intermédiaire : la communauté ? d’habiter, donc façonner son lieu du commun. Une situation qui s’oppose complètement à notre notion technocratique de l’espace public. Ce qui est beau, c’est que les différentes personnes qui performent dans cet espace créent un bien commun par l’appropriation individuelle et construisent par les actions individuelles quelque chose qu’elles partagent.
C’EST BIEN LE MOUVEMENT PERMANENT DES USAGES MULTIPLES QUI FAIT LA QUALITÉ ET LA PÉRENNITÉ DE CETTE COLLECTIVITÉ. La population des KTT, plutôt urbaine, socialement soudée, sait mobiliser avec finesse, réseaux professionnels et politiques. On comprend que les liens interpersonnels dépassent les liens conventionnels de voisinage, et dessinent une communauté à l’œuvre. Ce que l’on peut voir comme un problème ou nuisance, c’est à dire les vis-à-vis, la proximité sont considérés à Hanoï comme un avantage et se structurent comme une force politique, philosophique et militante2. Cet article ne fait pas éloge catégorique de ces immeubles. Certains sont devenus vétustes. Le dimensionnement des sections structurelles
UN OBJET COLLECTIVISTE QUI A EU LA CAPACITÉ STRUCTURELLE DE REDONNER DE LA PLACE À L’INDIVIDU DANS LA FABRICATION DE SON PROJET DE VIE
Hutin Christophe « Les communautés à l’œuvre »
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L’analyse des extensions des bâtiments KTT par les habitants permet, sous l’angle transversal — techniques, thermique, architectural, urbain —3, de comprendre que la prise en compte du pouvoir d’agir des habitants peut-être opérationnel dans un projet de transformation, y compris à grande échelle. À Hanoï, construire, réparer, entretenir, ou habiter son logement relève d’un même processus. Il s’agit
Hutin Christophe Blog Parfum d’Automne : « Khu Tap Thê, les anciens logements collectifs de Hanoi ». 2 Hutin Christophe, « Les communautés à l’oeuvre », p136-169. 3 Blog Hà Nôi Oi, :« Les Khu Tap The, ou unités d’habitations collectives de Hanoï ». 1
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« Les communautés à l’œuvre
Sana Paul, « Roberto Burle Marx- 10 Iconic
Projects » 5 Luckel Madeleine, « Brazilian Artist Roberto Burle Marx’s Most Mesmerizing Gardens »
PAYSAGISME
COMMUN PRÉCIEUX
des matériaux laisse perplexe. Ce n’est pas la réponse architecturale parfaite envisageable. L’architecture n’y est surement pas assez mise à contribution comme domaine d’expertise. Il faut parvenir à lier les deux. L’expertise populaire et la compétence architecturale savante avec tout son apport de connaissances. Alors, bien sûr, ces situations ne sont pas des modèles mais ils débordent de ressources et sont infiniment riches d’apprentissage pour nous architectes. Ils nous apprennent comment la vie et les savoirs du quotidien peuvent déborder le cadre que l’architecture impose de façon standardisée. Les tsunamis et les inondations sont les risques principaux au Vietnam.
DANS UN CONTEXTE URBAIN ET DENSE, LÀ OÙ L’ENVIRONNEMENT EST SOUVENT BALAYÉ, OÙ LE RAPPORT À L’EAU, AU VENT, À LA VÉGÉTATION, AUX ALÉAS EST FORTEMENT CONTRÔLÉ,
COMMENT CONSCIENTISER LE RISQUE SI PERSONNE NE NOUS INFORME, SI NOUS N’AVONS PAS VÉCU DE CATASTROPHE ? COMMENT INTÉGRER LE RISQUE À L’ÉCHELLE D’UNE MAISON OU D’UN ÎLOT SI LA VILLE ELLE MÊME LE REJETTE ?
Dans nos sociétés contemporaines, nous faisons souvent face à une économie libérale productrice d’immeubles de grandes hauteur, de logements uniformes, offrant peu de capacité pour la vie collective, produits par la promotion immobilière dans le cadre idéologique ultra-libéral. Ce mécanisme nous cantonne à des propositions standardisées, peu flexible dans le temps. Au lieu de transformer notre logement, nous déménageons. Dans cette résistance au standard, dans son surpassement par les habitants pour aller vers un projet personnel de vie, vers le singulier et le commun, on trouve quelque chose de fort. Cela nous fait progresser et mieux comprendre ce qu’est l’architecture dans ses dimensions anthropologiques, psychologiques, philosophiques, performatives. À la recherche du réel pour dépasser, réinventer des modèles. La question n’est donc pas de savoir si un modèle est mieux que l’autre, mais bien de les rendre possibles, d’observer, et faire mieux encore. C’est une allégation qui laisse à réfléchir.
ROBERTO
BURLE M
L’HOMME
QUI JARD
ARX,
INE DES
TABLEAU X
TROPICA UX
C’est par ces mots que Vaccarino résume l’œuvre de Roberto Burle Marx en quatre concepts :
« L’utilisation de la végétation tropicale endémique comme un élément structurel de la conception générale, la rupture des motifs symétriques dans la conception des espaces ouverts, le traitement coloré des chaussées, et l’utilisation de formes libres en s’inspirant des caractéristiques de l’eau » © Landscapelibrarian
R
oberto Burle Marx est un véritable érudit. Un passionné. Un déglingué de la nature. Paysagiste, peintre, plasticien, poète, musicien, architecte, créateur de bijoux et de décors de théâtre, rien ne l’arrête. C’est à Sao Paulo, le 4 aout 1909, que débute la vie de celui qui bouscule l’architecture du paysage Brésilien du XXe siècle. Son travail de paysagiste est l’incarnation de la « ville-nature » et ses œuvres ont le génie de créer de véritables lieux, quelle que soit la situation : sur les toit de Sao Paulo, dans l’architecture de Niemeyer, dans le paysage tropical. Si vous le cherchez, rendez-vous dans la forêt tropicale brésilienne, il est surement accompagné de botanistes et chercheurs pour récolter des spécimens de plantes, sinon dans la pépinières du botaniste Henrique Lahmeyer de Barreto Mello à Guaratiba. De son travail, on connait deux ensembles majeurs à Rio : le parc d’Atero et une intervention tout en mosaïque et jeu de courbes, sur l’avenue de l’Atlantique à Copacabana4. La promenade de Copacabana est un paysage de 4 km de long composé de trottoirs en mosaïque le long de la plage de Copacabana. La promenade est essentiellement une toile abstraite géante, de mosaïques en pierre portugaises. Le motif de vagues en noir et blanc se déploie le long du littoral et contraste avec les bosquets d’arbres et de palmiers résistants à la brise marine. Une peinture vue depuis les balcons des hôtels, Un paysage mouvant en perpétuel évolution pour ceux qui roulent le long de la plage. Roberto sait se faire militant, pour Brasilia, capitale bâtie ex nihilo, en plein cœur de la capitale administrative, il dessine un projet-manifeste sur le thème de la nature menacée. Reprenant son idée d’échantillon du paysage national, Burle Marx imagine ainsi un parcours constitué de tableaux écologiques où le parc paysager prend le pas sur le jardin public5.
© Landscapelibrarian
Sa vie inspire. Elle inspire la joie, l’amour. De sa connaissance accrue des végétaux, du climat, des risques d’origine naturels, de la société Brésilienne, à réalisation de projets contextualisés.
TOUT EST LÀ
LA CONSCIENCE DU SITE ET FINALEMENT LA CONSCIENCE DU RISQUE Peut-on dire que Roberto est un paysagiste des risques majeurs ? Oui. Le plus beau dans tout ça c’est ses tableaux ne sont pas seulement des tableaux. Détrompez-vous. À quoi vous fait-il penser ? Aux formes organiques de la nature ? Aux courbes de niveau qui caractérisent tant un site ? C’est là que se situe Burle. Entre la nature et l’humain. Il en a eu une bien belle vie ce zinzin de Roberto.
9 © Iphan/SRBM
PROJET URBAIN
Faire ville à Ciudad Zamora,
C’EST AVANT TOUT,
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FAIRE SOCIÉTÉ
oncevoir une ville en symbiose avec l’environnement naturel; de l’espace intime à l’espace de socialisation : telles sont les ambitions actuelles de la Gran Misión Vivienda Venezuela. Le gouvernement se trouve à un moment clé de son développement, l’enjeu est de poursuivre son action en approfondissant et en élargissant sa mission initiale. Dans l’idée de transformation de l’existant et dans le but de créer une dynamique éco-socialisante de l’habitat le LIHP et la GMVV travaillent conjointement sur une réflexion régionale, communale, familiale qui dépasse le simple fait de se loger. L’échelle régionale parle d’une gestion territoriale dans l’état de Miranda. L’échelle communale exprime une gestion collective dans l’espace public de Ciudad Zamora. L’échelle familiale ouvre à une gestion individuelle sur l’espace du chez-soi, que ce soit sur un immeuble ou une maison. Ainsi naissent trois hypothèses résolutoires de développement :
L’AGRICULTURE DU XXIème SIÈCLE C’est le rapport à la nature. (Re)considérer l’agriculture comme l’activité humaine permettant de renouer avec le territoire.
L’HABITER Faire société. Habiter où l’on veut, et quelque soit notre regroupement humain
L’ESPACE COMMUNAL C’est l’outil spatial à construire pour avoir une connaissance et un contrôle social du territoire : s’informer, se former, se qualifier
S’ajoute à cela, deux axes transversaux de la stratégie de développement du projet Tuy Communal : • L’EAU DÉCHUE Compte tenu de sa difficulté d’accès, l’absence de traitement et la mauvaise gestion territoriale, les problématiques sont plurielles et engagent à une réflexion contextualisée. À Ciudad Zamora, en conséquence des coupures d’électricité récurrentes, les habitants accèdent à l’eau courante par intermittence. Il est fréquent de voir des camions citernes réapprovisionner le quartier en eau. La topographie marquée rend possible l’écoulement de l’eau sur l’ensemble du site. Ainsi, s’amorce un projet urbain construit par la ressource de l’eau pour la vie de l’espace public, l’agriculture et la connaissance de son territoire. À l’échelle régionale, les eaux sales des industries voisines sont traitées par les cultures productives de bambou présentent sur le terrain avant d’être donner au Rio Tuy. À l’échelle communale, la récupération et le stockage des eaux pluviales se réalise par des amphithéâtres urbains, également porteurs d’activités pour la communauté — jeux pour les enfants, espaces frais agréables en période chaude —. L’eau stockée permet d’en assurer la ressource en temps de fortes chaleurs. À l’échelle familiale, les eaux grises sont récupérées et traitées au moyen de bassins de phytoépuration présents dans l’espace public. Un fois propre, l’eau irrigue les espaces d’agricultures collectifs ou les espaces d’agricultures familiaux attenants. Ainsi le cycle de l’eau trouve sa place : vital pour l’agriculture, essentiel pour le rafraîchissement de l’espace public, et dans la culture du risque lié à l’eau.
DÉVELOPPEMENT À L’ÉCHELLE FAMILIALE
• L’ÉCONOMIE À L’ARRÊT En raison du blocus international, de la crise financière et alimentaire, la création d’une économie productive est autant un moyen de survie, qu’un moteur d’un développement durable pour le pays. La politique sociale du pays évolue vers une décentralisation, amorce une gouvernance locale et tend vers un développement global inclusif. Les terres du Venezuela ont peu été exploitées en raison des importations alimentaires massives faites par le pays durant son âge d’or. Les enjeux ne sont plus les mêmes aujourd’hui : le Venezuela doit faire vivre son pays. Le développement d’une économie productive, à l’échelle régionale, passe par une politique agricole forte, visant la reforestation, l’arborisation du pays. À l’échelle communale, cela se concrétise par la réappropriation de l’usine de préfabrication de Ciudad Zamora pour une industrie du bois et du bambou Guadua. Une culture du Guada se dessine aux abords du ruisseau car les sols sont alluviaux et le bambou permet de maintenir les berges. Il s’agit d’organiser une production d’auto-construction, d’assurer la gestion communautaire des outils locaux de production (matériaux, unités de production, etc), de garantir la réalisation optimale des projets en cours et de participer à la planification de futurs programmes pour habiter et travailler. L’économie productive à l’échelle familiale se traduit par l’ajout d’un espace supplémentaire, une pièce à soi, où l’habitant peut développer une activité personnelle productive.
Production d’une agriculture communale
DÉVELOPPEMENT À L’ÉCHELLE COMMUNALE
Gestion sociale de l’eau
Espaces publics
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THYLACINE
W
illiam Rezé, dit Thylacine, est né le 13 août 1992 à Angers. Musicien et compositeur français de musique électronique, inspiré par le voyage, il crée des albums itinérants : dans le Transsibérien en Russie, ou encore en Argentine, à bord d’une caravane Airstream1.
UN CONCEPT-ALBUM DÉPAYSANT
LA STRATÉGIE GLOBALE DE DÉVELOPPEMENT FAIT SOCIÉTÉ
Transsiberian, composé en 13 jours à bord du transsibérien. 9288 kilomètres, 105 gares, 13 jours de voyage.
Ce projet urbain révèle un modèle de gestion et de production, qui n’est ni centralisé, ni décentralisé, mais réparti sur l’ensemble du quartier. Les organisations populaires très bien structurées ont naturellement partitionné le maillage urbain. Prenons exemple avec la communauté « La fortaleza de Zamora ». Les eaux grises des immeubles sont traitées dans des bassins de phytoépuration présents sur la place de la communauté. Cet espace public comprendra un amphithéâtre urbain, support d’activités et de récupération des eaux pluviales, ainsi que des jardins de pluies, des espaces plantés, des ateliers de productions etc. Les eaux grises une fois traitées sont acheminées jusqu’à « Todos somos Chavez en Zamora » afin d’irriguer leurs cultures et ainsi de suite. Se structure alors un grand réseau composé de petits centres de vie, témoins de l’existence de chaque communauté. La flexibilité et la pluralité d’aménagement des trames s’adaptent à la diversité culturelle et aux différents besoins des modes d’habiter. Cette idée allie à la fois les besoins vitaux de l’habitat aux besoins d’appropriation du logement, en mettant en œuvre tous les moyens possibles pour faire sien un espace donné. De plus, cette nouvelle manière d’habiter ici proposée s’inscrit dans la durée :
Le Transsibérien n’est pas qu’un train, c’est une épopée sur rails. C’est un album qui raconte les paysages observés, les rencontres, les imprévus et l’enfermement face à la nécessité de créer. Thylacine fait partie de ceux-là. Faites une pause et écoutez « memories » ou « poly », vous comprendrez.
La fortaleza de Zamora
FAIRE VILLE À CIUDAD ZAMORA C’EST HABITER, CULTIVER LA TERRE ET PRENDRE POSSESSION DE SON TERRITOIRE Bâtiments abandonnés
Todos somos Chavez en Zamora
Comme des espaces intermédiaires, ils rassemblent et distinguent, accompagnent et accueillent les transformations. C’est peut-être en développant le sens de la collectivité que l’on peut susciter l’implication des habitants dans la régulation des espaces de vie, afin de s’y identifier plus spontanément.
MUSIQUE
Cette stratégie globale propose donc des pistes de projet urbain articulant plusieurs trames. Des trames d’agriculture à destination de la région, de la communauté, ou des familles, des trames d’eau, et des trames d’espaces publics, mêlant la récréation, la détente, le divertissement, la productivité et l’économie. Ces trames sont indissociables les unes des autres. Elles sont autonomes, durables et socialement émancipatrices.
Par ce maillage urbain fort, on implique chaque communauté dans un système nouveau. Une vie se crée à de multiples échelles, celle du logement, celle de la communauté et celle du quartier. On transcende l’esprit de communauté pour tendre vers une société. Une société faisant preuve de sagacité par sa capacité de pénétration d’esprit et la volonté de chacun ou de groupes d’individus à envisager l’autre, à lui reconnaître une existence, à le comprendre, et à partager avec lui : le fameux Vivre Ensemble. Tel un outil politique dans la fabrication de la cité, l’habitat populaire englobe; il est celui du plus grand nombre.
ABREU MAXIME, « Thylacine a traversé la Russie en train pour bricoler Transsiberian » 1
Schémas et plan masse faits par le LIHP et Philippine Barbato
DÉVELOPPEMENT À L’ÉCHELLE RÉGIONALE
Gestion sociale de l’eau
Production d’une agriculture communale
11 Rivière qui se jette dans le rio Tuy
PROJET ARCHITECTURAL
Mode de vie ou HABITER SOUS LES TROPIQUES: SE LOGER, TRAVAILLER, CULTIVER
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e projet est une production nouvelle d’un type d’habitat social individuel, dans le cadre de la GMVV. Contrairement aux immeubles de Ciudad Zamora, ces maisons ne font pas suite à une catastrophe, mais s’inscrivent tout de même dans l’urgence d’habiter — notamment pour certaines familles sans logements ou risquant d’être expulsées —. L’habitat répond à des ambitions qualitatives plutôt que quantitatives et aspire à l’aboutissement de typologies contextualisées et non standardisées, qui racontent l’histoire de chaque famille. Habiter à Ciudad Zamora, se construit sur trois grands thèmes :
• L’ENVIRONNEMENT :
S’intégrer dans le contexte tropical et géographique. • LA TOPOGRAPHIE COMME SUPPORT DU PAYSAGE. Le bâtiment suit une trame constructive de 3,5m x 3,5m et s’inscrit dans des topographies variées. Les deux corps de bâtiments sont orientés de façon à être tangents aux courbes de niveau. Ainsi se créer un patio tropical unique, résultat de l’attention au contexte. La géométrie est libératrice. Les deux premières trames sont toujours appuyées sur la partie haute du terrain, pour des questions structurelles et d’accessibilité au logement, tandis que les deux autres trames sont sur pilotis. • CONSTRUIRE EN CLIMAT TROPICAL. Chaque maison est tenue par un patio tropical. Il est travaillé de façon à permettre une ventilation transversale naturelle et constante. Espace de circulation, de fraicheur et d’accroissement des espaces de vie attenants : cuisine, salon, salle de bain. Des débords de toiture, des ouvertures hautes, des brises soleil et un toit ajouré sur rail viennent affiner le lien au climat. Des espaces de végétation sur le pourtour de la maison apportent intimité et rafraîchissement. • TRAVAILLER LA GESTION DE L’EAU — EAUX GRISES ET DE PLUIE —. Pour les eaux grises, l’idée est de développer un traitement de phytoépuration en deux bassins. L’eau une fois purifiée, pourra être dirigée naturellement, par la topographie du site, afin d’irriguer l’agriculture. Les eaux de pluies elles, sont conduites par les pentes de toit, soit dans les différents jardins d’agriculture familiales, soit récoltées dans des cuves de stockage, ou pour irriguer. • LES RISQUES — SISMIQUE ET GLISSEMENT DE TERRAIN —. La maison Pilotis et fondations profondes pour les glissements de terrains; structure légère, le patio est posé sur des appuis roulants.
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• L’ÉCONOMIE :
Répondre à des contraintes structurelles et économiques. • SYSTÈME CONSTRUCTIF — INDUSTRIEL ET MANŒUVRABLE —. Développer une filière industrielle dédiée au bâtiment afin de sophistiquer et d’optimiser les éléments de construction. La maison est construite deux systèmes structurels distincts et indépendants. L’un en bois accueille le programme du logement. L’autre plus léger, en bambou et tissu, assure la fonction du travail. Les poutres et poteaux sont dimensionnés afin d’être transportables et montés par les habitants. La conception industrielle de systèmes structuraux (acier, bois, et bambou Guadua) répond aux différents contextes physico spatiaux des projets (topographie, morphologie, qualité des sols, etc).
• ÉVOLUTION DANS LE TEMPS ET DANS L’ESPACE. Les habitations s’adaptent à leur environnement géomorphologique, se modulent dans le temps et dans l’espace et participent à l’évolution de la famille. L’ajout possible de fonctions nouvelles augmente sa valeur patrimoniale au fil du temps. Concevoir chaque maison avec une capacité d’expansion de 50% réalisable en auto-construction supervisée c’est : répondre aux besoins des habitants, donner une valeur à l’histoire familiale et faire perdurer la transmission des savoir-faire locaux. • APPAREIL DE PRODUCTION. Développement d’un secteur des nouveaux matériaux — comme le bambou Guadua — se base sur les besoins d’une industrie de la construction artisanale en faveur de l’économie locale. De l’irrigation naturelle des plantations de bambou, à l’occupation inédite de l’usine de préfabrication pour en faire l’espace de transformation du bambou Guadua et de la fabrication des futurs équipements, maisons, meubles ; la chaîne de production est globale à Ciudad Zamora.
Pour construire un premier prototype — en teck, bois rouge, très résistant à l’eau —, comme celui qui verra bientôt le jour à Caracas, il faut estimer 60 000$. En cas d’industrialisation, le coût de production d’une maison s’abaissera à 25 000$, contre les 15 000$ actuellement adonnés pour un logement de la GMVV. Un prix qui semble plus coûteux, mais in fine équivalent car la GMVV omet de comptabiliser le coût de l’urbanisation lourde du terrain — (re)configuration du sol, canalisation, remblais —. Non nécessaire pour cette maison hors sol, au faible impact environnemental et à la gestion globale individuelle.
HABITAT individuel
Mode de ville ? ON PLONGE DANS LE PARTICULIER POUR TROUVER L’UNIVERSEL Récemment, le prototype a été présenté au ministre du logement et à plusieurs représentants citoyens. Les syndicats représentants des pécheurs souhaitent que cette maison soit construite au bord de l’Orénoque, adaptée à leur mode de vie : en maison palafittique. Les projections faites par ces hommes montrent que le caractère non-uniforme de la maison permet une projection sur des terrains variées et que son caractère contextualisé fait sens. Le rôle de l’architecte est rempli : il propose un espace émancipateur, autonomisant et dans lequel l’habitant peut adapter l’architecture à sa vie et non pas l’inverse. Ensuite, aux habitants de déterminer eux-mêmes la relation entre l’espace clos familial et l’espace collectif, entre eux et l’architecture...
F1
AGRICULTURA FAMILIAR
GESTIÓN AGUA DE LLUVIA
0.4 0.8
E
2.8 PRODUCCIÓN 3.2
0.8
• L’HABITER :
D
Accepter plusieurs fonctions.
3.2
10.4
AGRICULTURA FAMILIAR
6.8
• LE LOGEMENT. De l’espace intime à l’espace de socialisation. Prendre un module de 12,5m2 pour une chambre, deux modules pour une cuisine, ou remplacer le salon par une chambre : les pièces identiques engagent les espaces à réinventer continuellement l’usage.
UNE MANIÈRE DE VOIR L’HABITAT COMME UNE FORME DE NARRATION DE LA SOCIÉTÉ ?
Perspective faite par l’auteur
TRATAMIENTO FITODÉPURACIÓN
PATIO CLIMATICO 3.2
A,A' B 0.4 GESTIÓN AGUA DE LLUVIA 3.2 2.8
• AGRICULTURE FAMILIALE ET COMMUNALE. On parle de jardins productifs pour un besoin familial ou de parcelles allant jusqu’à 100m2 pour les besoins de la communauté. L’agriculture est un prisme important dans la poursuite de la GMVV, car produire, distribuer et consommer localement est une qualité non négligeable. Ce projet pousse au contrôle social du territoire et à une auto-suffisance individuelle. • PRODUCTION, TRAVAIL. Ce projet inclut des espaces d’émancipations philosophiques puissants. Ces espaces se développent horizontalement ou verticalement, dans la continuité de la trame, ou non. Légers et flexibles, ils seront construits à posteriori, selon chaque famille. Cette maison dévoile ainsi une architecture aux capacités d’accueillir les désirs des autres. Au même titre que la philosophie, l’architecture est élévatrice de consciente et challenge les habitants :
GESTIÓN AGUA DE LLUVIA
C
3.2
A
F2
AGRICULTURA FAMILIAR 0.8
0.8
0.8
0.8
4.0
3.2
F3
3.2
4.0
3.6
1
2
3
F5
3.6
3.2 3.6
F6
4
F4
5 PLANTA BAJA 1.100
F1
HABITER C’EST UNE FORME DE CRÉATION D’UN NOUVEAU DROIT : LE DROIT UNIVERSEL À L’HABITER.
AGRICULTURA FAMILIAR
GESTIÓN AGUA DE LLUVIA
E
0.2
3.6 3.6 3.2
D
3.6
AGRICULTURA FAMILIAR
3.2
Finalement, ce prototype pilote englobe plusieurs thèmes essentiels et structurants de la société Vénézuélienne : les dynamiques sociales, économiques et le contexte tropical du pays. Construire de l’HABITAT SOCIAL CONTEXTUALISÉ dans un zone complexe, isolée, ou rurale, comme l’habitat palifitique ou l’habitat agricole de Ciudad Zamora, c’est valoriser l’activité humaine. Maintenir les populations sur place, c’est reconnaître l’existence de dynamiques sociales fortes, d’une attache au territoire précieuse et D’AFFIRMER LE DROIT UNIVERSEL À L’HABITAT.
GESTIÓN AGUA DE LLUVIA
6.8
C
3.2
TRATAMIENTO FITODÉPURACIÓN
TECHO DE ACERO
4.0
PATIO CLIMATICO
A,A' B
GESTIÓN AGUA DE LLUVIA
TECHO MOBIL
3.2 3.6
A
F2
AGRICULTURA FAMILIAR 8.0
3.6 4.0
0.4
F3
3.2
3.6
1
2
3
F5
3.6
F6
4.0
4
13
0.4
4.0
5
PLANO DE TECHO 1.100
Perspective, plan et schémas faits par le LIHP et Philippine Barbato
F4
entretien
Habiter parmi le risque
Entretien
QUELLE POSTURE ARCHITECTURALE POUR PHILIPPINE BARBATO BONY ARCHITECTE Philippine Barbato Bony est née le 7 septembre 1996. Le jour de l’assassinat de 2Pac. Elle aime qu’on l’appelle Pipa. Bientôt, elle a décidé qu’elle ne ferait plus rien du tout pour se reposer un peu. Mais trop vite, elle aura encore une nouvelle idée épuisante. Pipa aime les aventures, les gens heureux, les longs trémas et les mots détournés. Son mot préféré est sagacité. Elle aime vivre, parce que la vie c’est beau.
• JOURNAL DE L’HYPOTHÈSE : NOUS AVONS CONSACRÉ CETTE PREMIÈRE ÉDITION À LA QUESTION DE L’HABITER, QUE PEUX TU NOUS EN DIRE ?
• JdH : LA SOCIÉTÉ A T’ELLE BESOIN D’ARCHITECTE DES RISQUES MAJEURS?
Philippine Barbato Bony : Je pense qu’habiter reflète la complexité de l’existence humaine. Je définirai l’habiter avec la complexité du moi, des interlocuteurs, des différences sociologiques,
PBB : Aborder l’architecture sous le champ des risques majeurs est une prise de conscience du risque, qu’il soit anthropique ou d’origine naturel. Les risques majeurs donnent de la matière, de l’épaisseur au contexte et soulignent l’importance de remettre l’humain dans l’environnement. En ce sens, il est primordial d’avoir des architectes sensibles à ces questions. Mais doit-on passer par une formation post diplôme pour conscientiser l’environnement ? Les études d’architecture devraient d’ores et déjà prioriser l’environnement dans l’analyse du territoire et la fabrique de la ville. Je ne me reconnais pas tellement dans l’idée d’être une architecte des risques-majeurs. Peutêtre davantage une architecte contextualisée. En mon sens, l’idée des risques-majeurs doit être renégociée.
anthropologiques. Habiter est une conquête permanente. Nous nourrissons une habitude hédonique à l’habiter, mais l’habiter n’est pas un état, c’est une dynamique en mouvement. On vit, on transforme, on fait société. Ce sont les hommes qui sont responsables de cette dynamique, car ils vivent ensemble, ils ont des relations sociales, des interactions. L’habiter se cultive dans le temps.
« HABITER REFLÈTE LA COMPLEXITÉ DE L’EXISTENCE HUMAINE » À ce titre, l’architecte et l’architecture doivent faire preuve de sagacité : d’intuition, de finesse et de vivacité d’esprit. La conception doit être réactive et donner les moyens à l’architecture de s’adapter aux besoins contextuels du présent. Comme si finalement le choix de l’architecte était de laisser le choix. On le matérialise par la volonté de décloisonnement de l’espace du chez-soi à l’espace public et aussi par la multiplicité. Nous avons développé le prototype d’habitat de Ciudad Zamora dans l’idée de grande liberté spatiale. D’une part, parce que le prototype tend à l’industrialisation, donc il est imaginé pour loger des centaines de familles différentes. Travailler avec des pièces carrées identiques est une manière de faire preuve de sagacité : cela engage les espaces à réinventer continuellement l’usage. Parce que la spatialité le permet, une chambre peut devenir un salon, ou une autre terrasse : l’architecture est en mouvement, c’est ça habiter. D’autre part, parce que je suis convaincue que la liberté spatiale pousse à l’émancipation des consciences.
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Un jour, lors d’une réunion avec les habitants de la ZAC Basilique de Saint-Denis, une femme m’a dit “j’aimerais écrire une lettre à Renée Gailhoustet pour lui dire comment je vis dans ses logements. Tu sais, quand je suis arrivée je ne pensais pas pouvoir vivre dans des pièces triangulaires. Aujourd’hui je suis heureuse car mon appartement est unique et son architecture m’a fait réaliser que je pouvais y vivre”. Aaahh je m’égare déjà !
Dès lors que le risque est utilisé comme le levier du projet, dès lors que la technique scientifique devient moteur de la réponse architecturale, ils omettent des caractéristiques qui me semblent majeures. Je parle ici de la géomorphologie, des dynamiques sociales, du climat, de la culture, etc. Finalement on ne peut pas assujettir l’environnement à la seule notion du risque. La conscience du risque c’est la conscience de l’environnement, mais le risque n’est pas l’unique composante de l’environnement. Cela peut paraître pour du bon sens, mais ce n’est pas toujours si évident. L’architecte contextualisé c’est celui qui place le geste architectural dans son contexte. C’est celui qui met un fait, une
donnée, un événement en relation avec l’ensemble des circonstances qui y sont liées. C’est celui qui est attentif. L’architecte se doit d’avoir cette conscience car il travaille le cadre bâti dans une société façonnée, vécue par l’humain.
« LE RISQUE EST UNE COMPOSANTE DE L’ENVIRONNEMENT » Dans le cas du projet pilote à Ciudad Zamora, je ne me suis pas senti architecte des risques majeurs dans le sens où je n’ai pas construit mon projet sous le biais du risque sismique, très présent au Venezuela. Le projet a découlé d’une analyse profonde de la société, des ambitions futures du gouvernement, des enjeux du site, des besoins des habitants, du contexte naturel, etc.. Le risque sismique était une souscatégorie du contexte.
• JdH : À CE SUJET, LA DISTANCE GÉOGRAPHIQUE AVEC LE VENEZUELA NE T’A PAS LIMITÉ DANS LA COMPRÉHENSION DU CONTEXTE ? PBB : C’est une bonne question. Bien sûr il y a beaucoup de frustration à l’idée d’être loin, surtout lorsque l’on travaille sur le thème de l’habitat. L’avantage du LIHP c’est que l’équipe est délocalisée. L’équipe de Caracas, José, Carola et Jefferson, nous ont beaucoup aidés dans la compréhension du territoire et des enjeux. Aussi, nous étions épaulés par les représentants du corps populaire de Ciudad Zamora. Ils ont su communiquer les problèmes actuels, nous transmettre leurs attentes et nous faire des retours constructifs sur notre
Photographie
DES RISQUES MAJEURS?
production. Étonnamment, je pense qu’il y a aussi un côté positif à la distance. Nous étions contraints de prendre quotidiennement du recul et il était possible, lorsque nous en avions besoin, d’être plongés dans la réalité de Ciudad Zamora par les échanges transatlantiques. Des allerretours nécessaires pour combiner une production architecturale contextualisée et les besoins qui compensent partiellement l’obstacle de la distance. Finalement, un équilibre est trouvé. Cet équilibre se concrétise par la réception du prototype, plus que positif, par les représentants populaires des pécheurs. Les projections faites par ces hommes sur cette maison contextualisée montrent qu’une appropriation est possible. J’aime l’idée que l’architecture reflète l’histoire du vivant des lieux — de ces habitants, de son territoire, de sa nostalgie —.
« C’EST LÀ QUE SE SITUE L’ARCHITECTURE CONTEXTUALISÉE, ENTRE L’HUMAIN ET SON ENVIRONNEMENT » C’est là que se situe cette maison. Entre le contexte et l’humain. Par ailleurs, les échanges nous ont permis de profiter des différences de nos regards sur le métier d’architecte. Que ce soit par une immersion, au moyen d’une permanence permettant se cerner localement les besoins, ou par une connaissance accrue du territoire et des risques auquel il fait face, je pense qu’il y a autant de manière d’aborder un projet que de réponses. Si nous avions passé six mois à Ciudad Zamora c’est évident que le projet aurait été différent. Delà à dire qu’il aurait été mieux, je
Ces photos capturent le paysage de (re)construction du littoral à Tōhoku au japon, par le biais de « progrès » dans la protection contre les tsunamis à travers le temps. Se croisent diverses questions sur la civilisation moderne par l’observation attentive à l’environnement urbain, naturel, l’histoire et l’architecture. Tadashi Ono nous pose une question : À quoi sert ce mur, alors que le tsunami de 2011 a atteint une hauteur maximale de 39 mètres ? Qui protège ce mur alors que la plupart des habitants ont décidé de s’installer en hauteur dans cette région où la montagne tombe dans la mer ? Curieusement, ses photos confrontent les puissants de bloc de béton au paysage, et dans tout ça, l’homme semble absent.
TADASHI ONO Photographe
ne sais pas. C’est une question de point de vue.
• JdH : COMMENT S’ÉCRIT DEMAIN POUR TOI ? QUE PEUT-ON TE SOUHAITER POUR LA SUITE ? PBB : Mon objectif premier est de poursuivre mes réflexions sur la profession d’architecte. Un constat commun dans ma génération : l’architecture est en crise, le métier est remis en cause par la puissance des promoteurs, nous ne sommes plus représentés populairement… Je suis convaincue que ce n’est pas au moyen des tables rondes entre grands penseurs de l’architecture que nous allons trouver une solution. La crise n’est pas entre l’architecte et la classe intellectuelle mais bien avec le corps social.
« LA CRISE SE SITUE ENTRE LE CORPS SOCIAL ET L’ARCHITECTE» On doit sortir du cadre et de la réponse professionnelle pour trouver des pistes de réponses. Ainsi, à travers une série d’entretiens vidéo, un architecte face à un habitant, le LIHP, Anaïs Parcheta et moi-même, allons amener un processus d’interrogation existentiel sur le métier dans la société contemporaine. Par ce format audio-visuel espérons renouer le dialogue entre les architectes et les habitants et comprendre comment nous sommes perçu dans la société. Plusieurs questions seront posées afin d’engager des discussions autour de la politique, l’espace
public, la représentation de l’architecte, etc. Par exemple : Est-ce qu’on peut passer une vie sans architecte ? Aussi, courant octobre, je compte m’installer au Maroc pour engager des expérimentations constructives. L’idée est de construire un abri pour des ânes dans une ferme à Ouled Hassoune, dans la campagne de Marrakech. Je me projette sur une année. Je vois ce projet comme un premier manifeste témoin de ma philosophie constructive, spatiale et l’engagement que je porte. Entre auto-construction, valorisation des savoir-faire locaux et affranchissement de la condition féminine marocaine, ce projet a pour objectifs, à titre collectif, la valorisation du corps social et à titre individuel, d’explorer cette notion ô combien existentielle d’architecture contextualisée. Je souhaite notamment travailler la terre et le bois de palmier ressource abondante sur le site du projet, et m’associer aux maalams (artisans), travailleurs du fer forgé très actifs dans le village voisin. J’attends de cette future année des ébauches de réponses à certaines questions : • Suis-je capable et heureuse de faire de mon métier d’architecte une profession libérale ? • L’architecte, acteur ou auteur ? • L’architecture contextualisée est-elle pertinente ? Il s’agit donc, à postériori, créer ma propre structure sur un
modèle satellitaire — inspiré du LIHP — entre les deux pays qui m’ont vu grandir : la France et le Maroc. Se pose donc la question de la HMNOP. J’ai encore du mal à savoir comment inscrire cette dernière année primordiale dans la compréhension, la polyvalence et l’accès aux enjeux d’entreprenariat qu’implique l’exercice de la maîtrise d’œuvre. Je suis consciente que la cohérence d’un projet dépend de la gestion qualifiée de l’entreprise d’architecture, la maîtrise des plans économiques, juridiques et réglementaires. Une formation inhérente si la profession libérale me plaît. Parallèlement, de suivre la
je projette formation « Le logement en transition(s) » de l’Institut des hautes études actions logement — IDHEAL — en septembre prochain. Je partage la conviction que l’habitat est un droit humain fondamental et m’engage à œuvrer en ce sens, dans la commande publique, de la conception jusqu’à la réception des ouvrages. Une formation qui aiguisera mon regard et je l’espère, satisfera mon besoin de compréhension approfondi sur la question de l’habiter. Le mois prochain,
LE JOURNAL DE L’HYPOTHÈSE N°1
Le logement social
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PODCASTS Épisode 3/5 : Félix Guattari : « C’est à travers l’interaction que l’on peut retrouver un sens du politique », Les Nuits de France Culture, France Culture. Épisode du jeudi 21 avril 2022. Épisode 1/4 : Bachelard et La poétique de l’espace, série « L’espace, mode d’emploi », Les Chemins de la philosophie, France Culture. Épisode du lundi 5 mars 2018 par Adèle Van Reeth. Épisode 3/4 : Gilles Deleuze et Félix Guattari : «Faites rhizome et pas racine !», Série « Végétal », Les Chemins de la philosophie. Épisode du mercredi 30 décembre 2020 par Adèle Van Reeth.
MUSIQUE Nana Mouskouri, Le Ciel est noir, 1973. Alain Bashung, Noir de monde, 2002.
LUCKEL MADELEINE, « Brazilian Artist Roberto Burle Marx’s Most Mesmerizing Gardens », publié le 17 aout 2016, Vogue. URL : https:// www.vogue.com/slideshow/robertoburle-marx-brazil-gardens PAQUOT THIERRY, « La convivialité selon Ivan Illich », publié le 17 mars 2022, revue Topophile. URL : https://topophile.net/savoir/ la-convivialite-selon-ivanillich/#section-introduction NAU JEAN-YVES, « Comment, avec Félix Guattari, j’ai rencontré Jean Oury à La Borde », publié le 16 mai 2014. URL : http:// www.slate.fr/story/87209/felixguattari-jean-oury-la-borde OLIVAR FRANCK, « Le philosophe
Publié par Le Monde, « L’embargo américain sur le pétrole vénézuélien entre en vigueur », Publié le 28 avril 2019 à 13h59, URL : https:// www.lemonde.fr/international/ article/2019/04/28/l-embargoamericain-sur-le-petrolevenezuelien-entre-envigueur_5455924_3210.html Publié par Parfum d’Automne : « Khu Tap Thê, les anciens logements collectifs de Hanoi » (publié le mercredi 11 mars 2021). URL : https://parfumdautomne.fr/ khu-tap-the-anciens-logementscollectifs-hanoi-vietnam/ Publié par TV5, « Embargo américain sur le pétrole du Venezuela : «les marges de manœuvre de Maduro sont très minces» », publié le 29 avril 2019, URL : https://
Claude François, Quand la pluie finira de tomber, 1974.
remerciements Un mémoire ne s’écrit jamais seul.
À
ce titre, je souhaite remercier mon enseignante encadrante Sarra Kasri pour ses commentaires, remarques et critiques avisés. J’adresse des remerciements particuliers à Jean-François Parent, pour le partage de ses connaissances et intérêts sur l’habiter et la ville ; ma compréhension du sujet n’aurait pas été la même. Je veux également remercier Anaïs qui, durant deux mois, a supporté mes interminables discussions sur l’habiter. Pour terminer, Rose, Célestine, Chloé, Jade, Sibylle qui ont rendu ce travail lisible et m’ont apporté un éclairage indéfectiblement fondamental qui excède bien largement le cadre de mon sujet.