Les mycorhizes: une alternative durable pour le contrôle des pathogènes racinaires et l’accroissement des rendements de la pomme de terre Stéphane Declerck, Nathalie De Jaeger, Adrien Gallou (1) Introduction La pomme de terre est la cible de nombreux microorganismes pathogènes. Parmi ceux-ci, les bactéries responsables de la gale commune (Streptomyces sp.) et de la pourriture molle (Pectobacterium sp.) et les champignons responsables du rhizoctone brun (Rhizoctonia solani) et du mildiou (Phytophthora infestans) sont particulièrement actifs dans nos conditions culturales. Si le développement des maladies occasionnées par ces champignons est plus ou moins contrôlé par des traitements fongicides, les moyens de lutte sont quasi inexistants lorsqu’il s’agit d’agents pathogènes bactériens. La place importante des pesticides dans la production de pomme de terre a mis en avant la nécessité d’élargir la filière vers des productions exemptes de pesticides: « agriculture biologique » ou intégrée. Ces initiatives impliquent la mise en place de stratégies de contrôle de ces pathogènes, dans le 1er cas sans recours aux pesticides et dans le 2nd cas basée sur une utilisation raisonnée des pesticides. Dans ce contexte, l’utilisation d’agents de bio-contrôle tels que les champignons mycorhiziens à arbuscules (CMA) et les Trichoderma est devenue une stratégie de contrôle des microorganismes pathogènes soutenue par l’USDA aux USA et par la Commission Européenne. De nombreux rapports ont, en effet, démontré les effets bénéfiques de l’utilisation de ces microorganismes dans l’amélioration de l’état phytosanitaire des plantes et dans le rendement des cultures. L’intégration des microorganismes bénéfiques décrits ci-dessus en culture de pomme de terre est une initiative soutenue par le Service Public de Wallonie (SPW) dans le cadre du projet « valorisation de la microflore bénéfique des sols pour le contrôle de la flore pathogène des productions de pomme de terre comme alternative à l’utilisation des pesticides ». Ce projet de recherche a pour objectif de mettre au point des méthodes de lutte contre les principaux agents pathogènes de la pomme de terre dans le contexte d’une
agriculture intégrée, par l’utilisation de consortia d’agents de bio-contrôle (voir Encart 3). Le contrôle des pathogènes racinaires et aériens Deux organismes sont ciblés: Rhizoctonia solani et Phytophthora infestans. Des études ont été menées en conditions strictement in vitro. En présence du CMA, l’étude a démontré une diminution de 30% des nécroses racinaires causées par R. solani. Des analyses moléculaire pointues ont, par ailleurs, mis en évidence l’activation de certaines voies naturelles de défense de la plante de pomme de terre lorsque celle-ci est colonisée par le CMA. Récemment certaines recherches ont suggéré un effet systémique du CMA vis-à-vis d’agents pathogènes aériens. Pour vérifier cette hypothèse, des études avec P. infestans ont été menées. Les résultats ont démontré une diminution importante de l’infection par P. infestans en présence du CMA, ainsi que l’activation des mécanismes de défense chez la plante mycorhizée. Ces résultats soutiennent l’intérêt des CMA dans le contrôle des agents pathogènes racinaires et aériens en conditions de culture strictement in vitro. Avant l’intégration potentielle de ces microorganismes dans les conduites culturales, il s’avère nécessaire de valider les résultats obtenus en microparcelles expérimentales. L’accroissement des rendements En région wallonne, l’effet bénéfique de certains agents de bio-contrôle (les CMA et les Plant Growth Promoting Rhizobia (PGPR)) sur le rendement des pommes de terre a été étudié en plein champ. Cette étude a été menée sur les variétés Bintje et Désirée, colonisées par un CMA et/ou inoculées par Bacillius subtilis (PGPR). Pour la variété Désirée, cette étude a démontré un effet bénéfique de la présence du CMA sur le rendement. En présence du CMA, le rendement (évalué en micro-parcelles et rapporté à une surface de 1 hectare) est passé de
39,4 t à 45,2 t soit une augmentation de près de 15 % par rapport a un témoin non inoculé par le CMA. Par contre, l’inoculation des PGPR et l’utilisation combinée des deux microorganismes ne montrent aucun effet sur le rendement par rapport au témoin. Pour la variété Bintje, aucune différence de rendement entre les traitements n’a été observée. Sur base des résultats de ces premières expériences, il apparaît nécessaire de poursuivre les recherches pour comprendre les synergies existant entre les microorganismes afin de maitriser la formulation et l’inoculation des bio-fertilisants au champ. Mode d’application au champ L’utilisation des agents de bio-contrôle dans le cadre d’une agriculture intégrée nécessite la mise au point d’un produit et d’une méthodologie d’application adaptée à la conduite culturale de la pomme de terre mais également aux exigences des différents microorganismes. Lors de l’utilisation du CMA, la localisation de l’inoculum est importante. En effet, ce champignon est un symbiote obligatoire dont la croissance en l’absence d’une colonisation racinaire est limitée. Il est donc nécessaire de
développer un inoculum qui soit au contact immédiat du système racinaire. Sur base de l’expertise acquise au laboratoire de mycologie de l’UCL, un inoculum a été formulé par encapsulation de deux agents de bio-contrôle (Trichoderma harzianum et un CMA) au sein d’une même bille d’alginate. Cet inoculum est en phase de validation au champ suivant deux modes d’application. Le premier consiste à incorporer l’inoculum encapsulé dans la ligne de plantation des tubercules. Le second associe l’inoculum à un engrais vert durant l’intersaison afin d’augmenter substantiellement la densité d’inoculum de CMA dans les sols avant la plantation des tubercules. Ce second itinéraire technique permettra de coupler les effets bénéfiques de plusieurs pratiques culturales tout en restant adapté à la culture de la pomme de terre. Pour toute information complémentaire: Prof Stéphane Declerck – 010 47 46 44 ou stephan.declerck@uclouvain.be (1)
Université catholique de Louvain (UCL), Earth and Life Institute, Mycology, Place croix du Sud 3, 1348 Louvain-la-Neuve, Belgique
Encart 3: Le laboratoire de mycologie de l’Université catholique de Louvain au cœur de la recherche sur la mycorhization de la pomme de terre. Valentine Potten: botaniste à affinité pour la taxonomie des champignons, elle étudie la diversité des CMA par des techniques d’identification morphologique et moléculaire. Elle met en évidence les différents morphotypes présents dans les cultures de pomme de terre et rend compte des diverses stratégies de vie des CMA dans les systèmes de culture intensifs extensifs. Ismahen Lalaymia: Microbiologiste, elle développe des modes de conservation des CMA à ultrabasse température, permettant d’assurer la stabilité génétique et physiologique de ces microorganismes et donc la conservation de la diversité des espèces et leur potentiel agro-environnemental. Adrien Gallou: Microbiologiste à affinité biologie moléculaire, il étudie le rôle des CMA sur le contrôle des pathogènes racinaires et plus spécifiquement l’impact des CMA sur l’activation des gènes de défense chez la plante de pomme de terre en présence de Rhizoctonia solani. Hernan Lucero Mosquera: Microbiologiste à affinité biologie moléculaire, il étudie le rôle des CMA sur le contrôle des pathogènes aériens et plus spécifiquement l’impact des CMA sur l’activation des gènes de défense chez la plante de pomme de terre en présence de Phytophthora infestans. Nathalie De Jaeger: Bio-ingénieur, elle développe la technologie de l’encapsulation des consortia de microorganismes bénéfiques (synergie, antagonisme) et leur intégration aux conduites culturales soit par application dans les lignes de plantation soit par association préalable aux engrais verts en intersaison.