Pierre Barbet _ Mémoire HMONP

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mEmoirE hmonp novEmbrE 2016

piErrE barbEt y.architEctEs



mémoire hmonp novembre 2016 pierre barbet y.architectes

Le temps dans Le processus de conception architecturaLe, queLLe pLace pour La Lenteur ?

écoLe nationaLe supérieure d’architecture de grenobLe


Ă grenoble, novembre 2016



remerciements

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Je tiens à remercier particulièrement, Yann, Yann, Camille et Emilie, pour les deux années de travail à leurs cotés, la confiance qu’ils m’ont accordé et la bonne humeur de chacun le matin, au déjeuner ou à l’heure de l’apéro. Nicolas, pour avoir accepté de me suivre au dernier moment et pour les nombreux conseils depuis maintenant presque trois ans. Suzie Passaquin et Esther Guillemard, pour m’avoir accueilli dans leurs locaux en septembre, et pour m’avoir permis d’approcher cette question de la permanence. Et tout particulièrement Suzie, pour avoir accepté de faire partie de mon jury. Olivier Bastain, pour sa disponibilité et sa vision rafraichissante de l’architecture d’aujourd’hui, lors de notre déjeuner. Camille et Agathe, pour tout ce que notre amitié et nos débats ont pu faire émerger comme processus et idées, intégralement présents dans cette réflexion et qui continuent de me faire avancer. Sylvie pour sa patience et ses relectures attentives. La team AACC et les membres du Collectif La Fuite, pour avoir participé au développement de tous ces questionnements, depuis trois ans. Enfin les membres du jury, pour le temps qu’ils accorderont à la lecture de ce moment de réflexion.

Bonne lecture !


06 AVAnt_PrOPOs

« plus les problèmes semblent complexes moins l’homme n’a de temps pour y réfléchir et les traiter comme il se doit. » serVAn scHreiBer Jean-Louis


Pourquoi ? Ce sujet ressort de presque deux ans de pratique, au sein de l’agence Y.architectes, à Lyon. Il découle d’une multitude de moments, qui m’ont accompagnés tout au long de mon travail, d’abord en stage, puis en parallèle de mon diplôme de fin d’étude et enfin à plein temps. L’architecte dans sa pratique quotidienne est constamment confronté à l’urgence. L’urgence des échéances de rendus de projets, de concours ou d’appels d’offres, l’urgence des calendriers contractuels des clients, en somme une urgence continue d’échéances. L’urgence devient même contractuelle quand, lors d’une réponse à un appel offre, il est nécessaire de mettre en place un planning pour l’ensemble du projet. Or une date peut avoir un enjeu politique et social, comme dans le cas d’une ouverture de crèche - cas rencontré dans ma pratique - ou d’une école en septembre par exemple. Cependant, lorsqu’en agence on fait le rétro-planning de travail, la place laissée à la conception, à la réflexion sur les choix, se retrouve alors considérablement réduite. Comment alors développer un projet ? Comment prendre en compte, comme il se doit les usagers, les usages et le confort ? A cela s’ajoute l’organisation avec les co-traitants, qui ont la même échéance que nous, mais qui doivent travailler sur la base de nos documents, donc dans un deuxième temps par rapport au travail de l’architecte. La rapidité des choix nécessaires, rend plus que possible le recourt à la standardisation et la reproduction du travail de l’agence, au fil des projets. Est ce qu’il n’existe pas une autre façon de travailler ? Une méthode alternative de production architecturale ? Dans la manière de faire le projet ? Dans l’accès à la commande ? Dans l’organisation de l’agence ? Moins enclin au stress constant ? Avec la possibilité de nourrir le projet d’autre chose ? Défaire et refaire pour mettre en place son projet ? Expérimenter ? Et aussi prendre du plaisir ? L’opportunité qui m’est alors proposée, d’écrire mon mémoire de HMONP, me permet donc de questionner la manière de pratiquer l’architecture aujourd’hui mais aussi au travers de cette réflexion d’interroger ma future pratique et me donner les moyens de croire en celle-ci. Le sujet n’est pas de faire un simple procès de la vitesse. Au contraire il s’agit d’essayer de comprendre les fonctionnements et les différents principes qui mènent à cette urgence. De plus, cela permet de se demander, si cette manière de travailler permet de conserver l’approche globale du projet d’architecture, nécessaires au vu des enjeux à venir. Il s’agit aussi de tenter de dépasser la simple réponse fataliste : « Il s’agit de la société dans laquelle on vit, nous n’avons pas le choix... »

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(ce petit texte, servant ici d’avant propos, a été écrit au cours de mon expérience en agence, donc au milieu des sessions de formation à l’école, à chaud, avant de me lancer réellement dans les recherches et la rédaction de ce mémoire.)


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1

PArtIE uNE L’OIGNON dE SISCO page 14

3

PArtIE trOIS uNE PIzzA POmOdOrO E BurrAtA

2

PArtIE dEux AtOut CArrEAu INtrOduCtION ON ArrêtE tOut, ON réFLéChIt, Et C’ESt PAS trIStE page 10

page 20

page 30

4 PArtIE QuAtrE C’ESt SuPEr, C’ESt GéNIAL! du COuP C’ESt BON POur dEmAIN ? page 44


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5 PArtIE CINQ uNE mAChINE à LAvEr dANS uNE BuANdErIE page 52

CONCLuSION

7 PArtIE SEPt OPEN PAStA OPEN kEBAB page 72

6

PArtIE SIx uNE PIAdINE LOrEttA dE ChEz LOzIO page 60

8

PArtIE SIx ExPérImEN tAtION EN COurS... page 80

page 94



iNtrODuctiON


10 intrODUctiOn

ill. 1 photographie de l’espace public aménagé à coté du mercado de san Fernando à madrid, vue au travers des barrières de cloture en septembre 2016 (crédit photo pierre barbet) ill. 2 extrait de la couverture de la bande dessinée L’an 01 avec l’inscription : « on arrête tout, on réfléchit, et c’est pas triste1 » gebe, 2004, L’an 01, L’association, paris

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octobre 2016

La question du temps, en particulier celle de l’accélération des éléments et en réaction à cela la question de la lenteur, sont des questionnements bien actuels. On les retrouve en philosophie ou encore en sociologie, mais aussi dans des domaines plus communs comme la gastronomie, l’éducation ou les conditions de travail en entreprise. Ces questionnements semblent tous s’établir en réaction au phénomène d’accélération de nos modes de vie. Déjà en 1935, Paul Valéry, dans une conférence intitulée Le bilan de l’intelligence, se questionnait sur ce point : « L’homme se trouve assailli par une quantité de questions auxquelles aucun homme jusqu’ici n’avait songé, philosophe ou non, savant ou non tout le monde est comme surpris, (…) nous sommes chaque jour à la merci d’une invention d’un accident matériel ou intellectuel. »2 Les innovations techniques ont considérablement modifiés notre quotidien, avec une augmentation du rythme de nos modes de vie. Néanmoins une heure restera une heure, quoi qu’il arrive. Nous attribuons au temps, ce que nous voulons lui attribuer. C’est donc le nombre de choses que l’on fait qui augmente et qui nous donne l’impression de vitesse et d’accélération. Il s’agit donc d’une question de perception et de vécu.3 A cela, s’ajoute aussi le rythme accéléré de nos moyens de communication et déplacement, qui a énormément modifié nos perception de l’espace. « On ne définit presque plus les espaces qu’en fonction du temps que l’on met pour le parcourir, on ne voyage plus on se déplace.4 » Nous sommes en présence d’une sorte d’aliénation dû à la vitesse, avec aucune prise possible sur celle-ci. Pourtant, chaque société, a essayé de saisir le temps, en le mesurant. Les mayas et les égyptiens ont utilisé les cycles du soleil et de la lune. Les cloches de l’église ont ensuite imposé un rythme journalier. La encore on assiste à une accélération. Du fronton des églises au XIV ème siècle, nous sommes passé aux montres à gousset dans les poches des vestons au XIX ème. Et en même temps, dans la sémantique des mots liés au temps, nous sommes passé de la minute et la seconde pendant la révolution industrielle à la nano-seconde dans l’ère technologique d’aujourd’hui.5 « Nos mouvements aujourd’hui se règlent sur des fractions exactes du temps, le vingtième de seconde lui même commence à n’être plus négligeable dans certain domaine de la pratique.6 »

vaLery paul, variété iii, 2002, Le bilan de l’intelligence, gallimard Folio essais, paris

2

KLein etienne, 2004, de la vitesse comme doublure du temps, etude, 2004/3 tome 400

3

tourmeLin Jean yves, cité dans paul viriLio (1995)

4

honore carl, 2007, eloge de la lenteur, editions marabout 6 vaLery paul, variété iii, 2002, Le bilan de l’intelligence, gallimard Folio essais, paris 5

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Le temps dans le processus de conception architecturale, quelle place pour la lenteur ?


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Communément dans l’esprit occidental, la vitesse entretient un lien très fort avec la gloire, la performance, la consommation, le progrès, la compétition. Alors que la lenteur correspond plus à quelque chose d’amateur, de négatif, qui manque de vivacité. Cependant les militants de la lenteur ne refusent pas la vitesse. Ils cherchent à redonner au temps une valeur, une lenteur qualifiée pour se réappropier le rythme de leur existence. « La lenteur ne signifie pas l’incapacité d’adopter une cadence plus rapide. Elle se reconnaît à la volonté de ne pas brusquer le temps, de ne pas se laisser bousculer par lui, mais aussi d’augmenter notre capacité d’accueillir le monde et de ne pas nous oublier en chemin.7 »

intrODUctiOn

Le but ici n’est pas de faire une apologie de la lenteur, mais plus de questionner l’apport possible de la lenteur dans le processus de conception architecturale. Est ce que passer plus de temps sur un projet est forcément bénéfique pour l’architecture ? La lenteur est elle une condition pour placer le projet au centre des préoccupations ? Selon Laurent Beaudoin, dans son ouvrage Pour une architecture lente, le monde actuel change pour une nouvelle ère écologique et financière. Pour lui, la slow architecture permettrait de se positionner et d’établir une réflexion plus profonde, plus réfléchie, plus intégrée à l’environnement donc plus durable.8 Seule une poignée d’architectes peuvent se permettre ce ralentissement dans le processus de conception, comme Pierre Thibault ou Wang Shu, chacun pour différentes raisons particulières. Cependant, il me semble tout de même que les changements de paradigme auquel nous assistons, nous obligent aussi à repenser notre façon de travailler. Mettre de coté la contrainte temporelle et se concentrer sur l’ensemble des enjeux semblent être de nouvelles nécessités. Et cela, même face à la réalité économique et politique qui impose des délais de plus en plus court. Il faut en quelque sorte sortir la tête du guidon, s’arrêter et voir ce qui se passe autour. « On gagne du temps par l’accélération mais on ne sait pas quoi en faire alors on l’investit immédiatement dans une autre activité saturante et donc rassurante.9 » Je ne cherche pas non plus à tenter de retrouver la situation « confortable » de l’étudiant en architecture, qui a du temps pour explorer de nombreuses pistes de travail, sans forcément de réalité économique. C’est aussi parce que cela n’a pas été mon cas, au vue de mes choix de sujets de master dont nous discuterons à la fin de ce mémoire. Cependant, introduire de la lenteur dans le processus de conception, ne relèverait t’il pas d’une philosophie et d’une certaine éthique de l’architecture ? De la même manière que le sujet de ce mémoire a émergé, j’ai souhaité organiser le déroulement de ma réflexion, au travers de plusieurs anecdotes, qui me permettent, à chaque fois, de soulever une idée, à la fois sur ma pratique dans l’agence, mais aussi sur la définition de ma future pratique. En effet, au travers de ces moments de vie, qui peuvent avoir pris la forme soit d’un moment ponctuel, comme une rencontre ou un repas, mais aussi plus long comme le dessin d’un projet ou le suivi d’un chantier, je vais tenter de déceler ce qui peut ou a « fait lenteur. »

sansot pierre, 2000, du bon usage de la lenteur, edition rivages

7

beaudouin Laurent, 2007, pour une architecture lente, paris, edition quintette

8

cLement gilles, 2010, ralentir la ville.. pour une ville solidaire - un espace temps recyclable, golias,villeurbanne

9


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C’est pourquoi, j’ai fait le choix d’avoir un plan relativement non conventionnel pour ce type d’exercice universitaire. Cependant, il me semblait important de montrer que ce sujet qui m’anime ici, est un sujet totalement transversal, dans l’ensemble de mon travail dans cette agence et même en amont au travers de mes choix de master et de sujet de diplôme. Le plan se déroulera en huit parties, chacune d’elle basée sur un élément central. Le début de la réflexion portera sur une confrontation de ma pratique contre des éléments volontairement différents - même de l’architecture -, pour revenir petit à petit vers mon expérience en agence et notamment la relation avec les différentes maitrises d’ouvrages. Par la suite je chercherai à déceler ce qui pourra faire partie de ma future pratique. Cette question du temps, peut aussi se lire comme un prétexte pour me poser et me positionner sur mon expérience durant deux ans cette structure, et dans la projection de cet après, qui sera en réalité très vite arrivé et qu’il me faut envisager. En effet, chaque anecdote permet de soulever un élément de mon expérience, sur lequel j’ai envie de réfléchir et tenter de me positionner.



partie uNe l’OigNON De siscO


14 PArtie Une_L’OignOn De siscO

ill. 3 photographie prise dans le jardin communautaire « esta es une plaza» à madrid en septembre 2016 (crédit photo pierre barbet)


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L’oignon de Sisco est un oignon de couleur légèrement rosé et très doux en bouche, aussi bien cru que cuit. Il est utilisé en cuisine comme les autres variétés d’oignon mais peut aussi très bien être confit ou être mis en bocaux. Il est cultivé dans l’ensemble du Cap Corse, mais le nom « Sisco », lui vient d’un petit village au nord de Bastia, d’où venait la seul famille à posséder les dernières graines. Tombé dans l’oubli, puis raconté comme une légende, depuis moins de 20 ans il tente de retrouver sa place dans les cuisines.10 Alors pourquoi vous parler de l’oignon de Sisco ? Il s’agit en réalité de l’une des 300 « sentinelles » repérées, dans le monde, par le mouvement Slow Food. Il s’agit d’une sorte d’Arche de Noé des aliments qu’il faut sauvegarder de l’industrie agro-alimentaire. En effet après avoir trouvé l’axe de cette réflexion, j’ai voulu m’intéresser à des formes de réaction à l’accélération constante du monde d’aujourd’hui. Je me suis donc tourné vers les mouvements Slow, qui ce trouve être un ensemble de pratique alternative en réaction à cette situation de crise. Ils prônent chacun, un ralentissement global et la suppression du stress par le biais de l’augmentation du plaisir. Un thème sous jacent à l’ensemble de ces initiatives est aussi de rendre plus humain leurs disciplines. Voulant réfléchir tout d’abord sur la - ma - pratique de l’architecture, j’ai d’abord tenté de voir s’il n’existait pas déjà un mouvement Slow dans le domaine de l’architecture. Cependant, il ne me semble pas qu’un mouvement est alors été « officialisé », sur la pratique du métier. Le mouvement Città Slow, créé en Italie en 1999, propose bien de voir la ville d’une autre manière. Il suggère de prendre le temps de la vivre, sur des principes de convivialité et d’autres actions plus politiques, sur la qualité de l’urbanisation ou les questions environnementales11. Toutefois il ne s’agit pas de la pratique du métier qui est au coeur de ce mouvement. Certains architectes semblent tout de même se poser la question. En particulier l’architecte chinois Wang Shu, qui semble être à contre courant de la production chinoise actuelle. Il a fondé son agence en 1998, qu’il a nommé Amateur Architecture Studio. Uniquement dans le nom de son bureau, on comprend son engagement dans une nouvelle manière d’exercer, mais aussi d’enseigner. Une pratique plus indépendante et humble semble ressortir de ce mot amateur, plus spontané, et surtout plus proche des préoccupations simple de la vie. Un architecte à mi temps, entre amateur et professionnel, entre loisir et travail. Cela favorise une réflexion profonde sur le territoire, les savoirs faire locaux, les atouts et les contraintes climatiques.12 Cette prise en compte global du territoire a nécessité du temps. Ce qui crée alors un ralentissement chez Wang Shu, se trouve plus dans la prise de distance qu’il met en place avec l’idée de bâtir des maitres d’ouvrages, qu’il a en face de lui.13 Cette question du rapport différent à la construction est aussi très présente chez un architecte comme Pierre Thibault à Québec, sur lequel nous reviendrons par la suite.

arrighi thomas, 26 août 2013, un label européen pourrait s’occuper des oignons de sisco, corse matin http://www. corsematin.com/ article/bastia/ un-label-europeenpourrait-soccuperdes-oignons-desisco

10

storme sabine, 2010, ralentir la ville… pour une ville solidaire - cittaslow, réseau international des villes du bien-vivre, golias, villeurbanne

11

12 bozar architecture, 2010 , architecture as a resistance guide du visiteur, bruxelles 13

ibid.


16 PArtie Une_L’OignOn De siscO

On remarque que la question d’une recherche d’une autre façon de pratiquer, n’est pas uniquement présente dans le domaine de l’architecture. En février 2011, à Turin, un mouvement de réaction à la pratique de la médecine contemporaine se met en place, il d’agit du Slow Medecine. Partant du constat que la médecine actuelle est de plus en plus couteuse, avec de plus en plus de médicament et de plus en plus d’examen, un ensemble de médecins pose la question de le mise en place d’un médecine plus sobre - seulement ce qui est nécessaire - à l’écoute du patient. L’essor des nouvelles technologies médicales, ajouté à la pression des lobbys pharmaceutiques, a poussé certains médecins à réaliser toujours plus d’examens et de prescriptions de médicaments. Une question de responsabilité et une démarche de « protection » de la profession, face à une peur de procédures, en cas de problème avec les patients, sont aussi très présentes. Alors soigner plus, estce soigner mieux ? Cette question de la sobriété me semble être un axe de réflexion important et très actuel. A peu près au même moment, en Allemagne, on assiste à la mise en garde de certains scientifiques, sur l’abondance d’articles dans la presse spécialisée. Ils posent notamment la question des conditions de leurs écritures. Ils poussent un cri d’alerte sur la transformation de leur métier en VRP de la recherche scientifique, à constamment devoir vendre leurs compétences, aux fins mercantiles des universités, qui sans forcément réfléchir à la qualité des recherches, s’en servent alors comme publicité. Ils créent la Slow Science Academy qui est pour eux, un lieu fournissent un espace, du temps et des moyens pour discuter et penser. Cependant, un certain flou règne autour de ce concept, notamment sur la nature des financements. Ils ne remettent pas en question l’état d’avancement de la recherche aujourd’hui, mais plutôt l’unique manière de la pratiquer.14 Selon Dave Bacon et Lisa Alleva, refuser la course ne revient pas a réduire sa quantité de travail mais plus à transformer son rapport à ce dernier. Les chercheurs doivent pourvoir avoir le temps de se tromper, d’échanger. Selon eux, il est important de réintroduire l’erreur dans le processus de recherche.15 Ce droit aux allers retours, réclamé par la communauté scientifique, fait écho à l’obligation de réussite du premier coup, lors d’une construction. Le droit à l’expérimentation, faire et défaire dans le processus de conception, ne serait il pas aussi une nécessité en architecture ? Les artistes aussi se sont emparés de cette question du ralentissement. Mark Riklin organise des siestes impromptues dans l’espace public. Il propose alors aux passants, de s’arrêter pendant une demi-heure. Pour lui, par l’intermédiaire de la sieste, l’être humain se libère de la contrainte horaire, une manière de vivre pleinement.16 Francis Alys s’est aussi positionné sur cette question, dans son oeuvre Sometimes making Something Leads to Nothing, à Mexico en 1997. Il pousse alors pendant presque une journée un bloc de glace dans la ville, par plus de 40°C pour rien, faire juste pour faire, sans but précis.17 Cette question de la « flânerie » sans but, de la redécouverte de soi et de la ville,

14 aLLeva Lisa, 21 septembre 2006, taking time to savour the rewards of slow science, nature 443

15 http://slowscience.org (site consulté le 7 octobre 2016).

16 toninato aurélie et menetrey sylvain, slow life vers de beaux lents demain (site consulté le 7 octobre 2016) http://www.cles. com/enquetes/ article/slow-life-versde-beaux-lentsdemains 17 aLys Francis, 1997, sometimes making something Leads to nothing paradox of praxis, mexico


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des temps de off, me semble aussi important dans la pratique de l’architecture. Cela permet aussi à certain moment, de prendre du recul sur la frénésie ambiante. Il faut cependant faire attention à cette effet de mode des Slow movements. Cependant, une visibilité sérieuse et internationale a été permise par l’intermédiaire du mouvement Slow Food. Initié en 1986 par l’italien Carlo Petrini, ce mouvement a tout d’abord été créé en réaction à l’installation d’un McDonald’s dans le centre de Rome. En 2006, il écrit un manifeste sur son travail pendant près de 20 ans, Bon, propre et juste - Ethique de la gastronomie et souveraineté alimentaire. Au travers de récit de rencontres, il pose clairement les bases de la philosophie transmise par le mouvement Slow Food. Dans l’ensemble de son ouvrage manifeste, il tente de démontrer qu’une nouvelle logique de production est possible. Il s’appuie notamment sur deux points fortement liés. Tout d’abord, sur l’hédonisme, qui en philosophie est une doctrine qui fait de la recherche du plaisir, le fondement moral et le but de la vie. Puis par la suite, il s’appuie sur la gastronomie, concept développé par Brillât-Savarin au début du XIXème siècle. Petrini décrit la gastronomie comme une science, qui a pour objet le bonheur et qui enseigne l’art de savoir vivre le mieux possible, selon les ressources disponibles, à condition de les utiliser pour améliorer sa propre existence18. Sa réflexion s’appuie ensuite sur un constat clair, qui est que la mondialisation à favoriser les principaux styles alimentaires et que « au nom de la technique nous avons opéré un génocide culturel du savoir paysan, le fruit précieux d’une évolution lente et enraciné dans le territoire, d’une croissance culturelle allant de pair avec la biodiversité (…) il ne s’agit pas de refuser à priori l’innovation, il s’agit seulement de se demander quel impact aura l’innovation sur l’existant et si l’effet innovateur ne doit pas améliorer l’existant plus que le remplacer »19. En effet, depuis le milieu du XX ème siècle et le développement massif du secteur agro-alimentaire, nous avons perdu près de 85% des espèces végétales et c’est presque 30 plantes qui fournissent plus de 90% de l’alimentation mondiale.20 La nourriture semble avoir perdu toute valeur, exceptée la valeur marchande. Un point de rupture a été dépassé. Il explique alors qu’un changement de paradigme est nécessaire et notamment sur la « naissance d’un sentiment commun (…) d’une recherche active de qualité2 1 » dans le but de rendre ces alternatives opérationnelles. Cela passe alors par deux éléments. Tout d’abord, la nécessité d’un catalogage urgent des variétés en disparition dans le but de les étudier mais aussi de réussir à les transmettre : les sentinelles. Ensuite, il s’agit de transformer le consommateur actuel en coproducteur, c’est à dire de réduire l’espace qui se situe entre le producteur et le consommateur.22 Ce qui m’a semblé intéressant dans la lecture de ce manifeste, outre un intérêt personnel particulier pour cette réflexion sur la gastronomie, se trouve dans la double lecture possible de cet ouvrage, avec le regard d’un diplômé en

18 petrini carlo, 2006, bon, propre et juste - ethique de la gastronomie et souveraineté alimentaire, yves michel

19

ibid.

20 aLsace melanie, 2010, slow food : l’éloge de la lenteur, injam production, film 52’ min

21 petrini carlo, 2006, bon, propre et juste - ethique de la gastronomie et souveraineté alimentaire, yves michel

22

ibid.


18 PArtie Une_L’OignOn De siscO

architecture. En effet je trouve que l’ensemble des réflexions sur la place de l’innovation face aux techniques vernaculaires, sur la souveraineté et la place du consommateur dans son action quotidienne sont terriblement proche de mes questionnements sur l’architecture aujourd’hui. Notamment sur cette question de changement de paradigme entre consommateur et coproducteur. Il me semble que ce passage ne peut se faire sans une sensibilisation particulière à ces questionnements. Petrini, dans sa réflexion s’interroge beaucoup sur ce point de l’apprentissage. Pour lui le futur gastronome - coproducteur - à partir du simple désir de vouloir prendre du plaisir, se doit de s’engager et se former en permanence. En effet pour effectuer des choix, qui est selon lui sa mission principale, le gastronome « doit avoir à sa disposition toutes les informations qui lui permettent de reconnaitre la qualité.23 » Pour l’aidé, les connaissances universitaires ne sont pas l’unique source, il en appel à la curiosité, au désir de savoir toujours plus. « Comme s’il y avait un gastronome en chacun de nous qui amènerait à ne plus être consommateur mais quelque chose de différent, de plus intéressant, de plus intelligents, de plus heureux»24 . Cette remarque sur la sensibilisation et l’expérience, au travers de la curiosité, nous permet d’introduire une question essentielle, commune à l’architecture et aux réflexions de Carlo Petrini qu’est l’éthique de la discipline. Nous reviendrons par la suite sur cette question au travers d’un autre exemple mais pour rester sur la gastronomie, je trouve que l’intérêt général, inhérent à l’architecture mais aussi au mouvement Slow Food, pourrait se retrouver dans cette phrase. «Il faut se demander si un aliment est sain et sûr, s’il a été produit pour satisfaire les exigences de ceux qui le consomment (le bon durable) et si sa production et sa transformation assurent des emplois et des moyens de subsistance juste (le juste durable). »25 Au travers d’une poésie autour de la gastronomie, Carlo Petrini arrive, il me semble, à faire émerger des concepts forts, qui dépassent totalement le simple espace de la cuisine. Dans un monde actuel où l’efficacité est confondue avec la frénésie, la question de la mesure du temps me semble essentielle. Il me semblait donc important de décrire toutes ces initiatives actuelles, avant de poursuivre ma réflexion, afin de ne pas isoler mon intuition de départ. Alors certes, il se peut que dans le domaine de l’architecture cette réflexion n’est pas encore été théorisée ou racontée, mais à l’instar de ces mouvements Slow, la lenteur dans le processus de conception entretient un lien très fort avec la manière de pratiquer l’architecture. On remarque que chacun de ces mouvements place au centre de l’attention sa discipline, mais aucun ne parle directement de lenteur, au sens de ralentissement. Il est plus question, entre autre, de savoir être, de respect de l’autre et de l’environnement et de condition de travail. On pourrait ainsi, au travers de cet état des lieux de la pensée slow, poser l’hypothèse que la lenteur en architecture va bien plus loin que le simple ralentissement de la pratique.

23 petrini carlo, 2006, bon, propre et juste - ethique de la gastronomie et souveraineté alimentaire, yves michel 24

ibid.

25

ibid.


Petrini carlo, 2006, bon, propre et juste ethique de la gastronomie et souveraineté alimentaire, yves michel 26

19

« je suis convaincu que celui qui sème l’utopie, récolte la réalité. »



partie Deux atOut carreau !


20 PArtie DeUx_AtOUt cArreAU !

ill. 4 photographie de la gauthière depuis le logement de suzie et esther (crÊdit photo pierre barbet)


21

La question d’une méthode alternative de pratiquer l’architecture, est une question qui me suit depuis un certain temps. Cependant le diplôme, avec en parallèle un travail en agence, puis un contrat dans une agence, ne vous permet pas le temps de la réflexion. L’écriture de ce mémoire est alors survenue comme une prise de recul, un temps d’arrêt, qui permet de réfléchir sur certaines choses misent dans des cartons. La démarche de permanence architecturale et les Universités Foraines en font partie. Le travail sur le PFE nous avait permis d’initier quelques réflexions au travers de ce filtre de la permanence, notamment avec la notion d’incrémantalisme de Simone et Lucien Kroll, de conférence, de rencontres et d’ expositions qui avaient permis de nourrir ces idées, mais sans les formaliser réellement. C’est pourquoi au milieu de mes recherches ,j’ai décidé de contacter Suzie Passaquin et Esther Guillemard, que j’avais rencontré à plusieurs reprises, par l’intermédiaire d’amis communs. Elles s’occupent depuis près de trois ans de l’Université Foraine de La Gauthière à Clermont Ferrand. J’ai donc eu l’opportunité d’aller les rencontrer sur leur terrain, en septembre dernier et passer un petit moment avec elles. C’est à ce moment la au détour d’une belote avec des habitants, que « atout carreau » prit sa place dans ce mémoire. L’Université Foraine est la formulation spatiale du concept de permanence architecturale. Cette notion un peu flou, est souvent associée à une forme de pratique, celle de l’agence Construire de Patrick Bouchain et Loïc Julienne. Construire n’est pas une agence au sens ordinal du terme, il s’agit plus d’une structure polycentrique, organique27, qui met en réseau un certain nombre d’acteurs, en partie architectes. La permanence prend la forme d’une occupation d’un site, « habiter pour construire, construire en habitant, habiter pour faire émerger un programme impensé.28 » Autour de ce qu’appelle Patrick Bouchain une assemblée désireuse, la démarche donne la possibilité à chaque individu de réfléchir sur l’architecture, en gardant comme cap l’intérêt général. Petit à petit, avec comme seul point de départ un imaginaire partagé, au fur et à mesure de rencontres impromptues et d’actions, , les habitudes habitantes, ce qu’on appelle la maitrise d’usage, devient maitrise d’ouvrage29. Pour les acteurs de cette démarche, « habiter un lieu dans le temps long est la meilleure manière d’en comprendre les spécificités, déceler les besoins, désirs et possibles lattant et de façon la plus commune qu’il soit30 ». Cette démarche n’est pas totalement novatrice. Déjà en 1887, Patrick Geddes, biologiste et sociologue britannique, s’implique dans la rénovation urbaine d’un « super taudis » de la banlieue d’Edimbourg, en s’y installant avec sa famille31. De plus Simone et Lucien Kroll au cours des années 70, avaient eux aussi réfléchi à ces questions de faire la ville, ni pour, ni avec les habitants mais en habitant. Au delà de cela, ils avaient aussi mis en place le concept d’incrémentalisme, du pas à pas. « Il s’agit de l’idée que quelque chose s’ajoute petit à petit à une autre chose mais c’est aussi quelque chose qui

27 hyperviLLe, 2015, La permanence architecturale - actes de la rencontre au point h^ut, edition hyperville 28

ibid.

29

ibid.

30

ibid.

31

ibid.


22 PArtie DeUx_AtOUt cArreAU !

ill. 5 intérieur du local de l’uFo (crédit photo pierre barbet) ill. 6 (page suivante) photographie de l’artiste nicolas baduraux qui réalise avec les enfants du quartier, les filets de cages de football (crédit photo uFo la gauthière)


La Gauthière est une ZUP33 des quartiers Nord de Clermont-Ferrand, dans une entrée de ville, située entre une usine en activité de l’entreprise Michelin et les anciennes pistes de test des pneumatiques. Installée en 2014 au coeur du quartier, Suzie et Esther occupent l’ancien centre d’animation, en place sur leur site même de projet : « C’est un atelier d’urbanisme et d’architecture ouvert au public, un lieu des possibles (…) atelier maquette, espace de projection, bibliothèque, salle d’exposition, café, salle de réunion, salon de coiffure. 34 » Ce centre d’animation, transformé alors pour ces trois ans en laboratoire d’urbanité, est le lieu d’élaboration du projet, toujours ouvert pour les rencontres informelles et spontanées.35 L’Université Foraine bénéficie d’une convention signée avec le PUCA36 et la ville de Clermont Ferrand. En effet, la ville, propriétaire des terrains, s’est engagée en 2005, dans le cadre d’une convention ANRU37 dans la réalisation d’un programme de réaménagement, donnant suite à la démolition de trois tours et d’un centre commercial. L’UFO a comme objectif la formulation d’un certain nombre d’orientations d’aménagement pour cet espace. En effet, il doit s’implanter sur cette parcelle, des équipements (pôle petite enfance, médical et d’info service) ainsi qu’un espace paysager.38 La permanence est une expérience immersive très intense, pour les deux architectes qui vivent dans un appartement d’une barre d’habitation toute proche, les fenêtres de leur salon donnant sur leur espace de travail. Trois ans pourrait aussi paraître long, mais cela semble nécessaire, surtout pour faire émerger quelque chose qui n’existait pas alors : un programme. Cela permet de laisser l’imprévu prendre sa place, laisser les désirs, les habitudes se créer. Par le biais d’action ponctuelle, de bricolage, de réunion de quartier, le projet va en réalité assez vite. L’UFO apparait à certain moment comme instigatrice d’action au coeur du quartier, comme la mise en place d’un verger ou de mobilier urbain, mais elle peut aussi se trouver en soutien logistique, comme pour l’organisation des réunions de quartier. Cette autre manière de faire l’architecture, leur permet au travers d’un imaginaire commun, qui est celui du territoire qu’ils habitent, de développer leurs propres outils, dans des allers retours permanents entre la rue, les pratiques habitantes et le projet urbain. Il me semble qu’inventer dans l’existant, qu’il soit humain ou bâti, constitue un réel défi pour l’architecture d’aujourd’hui : la CAO ou Conception Assistée par l’Ordinaire39.

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d’abord observe la réalité, rassemble les informations et sait que les informations, quant elles sont rassemblées, vivent, changent et qu’il faut toujours les surveiller parce qu’elles changent rapidement.32 » Cette notion est une notion très importante dans la démarche de permanence, elle en est même un des fondements. Cette philosophie, peut cependant s’appliquer à tout autre chose - voir le texte sur le Slow Food qui d’une manière s’en rapproche-. Elle est un des fondement, d’une pratique raisonnée de l’architecture et en toute humilité. Essayer, observer, conclure et donc modifier, est un schéma d’action propice à une garantie de l’éthique que l’on développera par la suite.

32 bouchain patrick, 2013, simone & Lucien Kroll - une architecture habitée, actes sud

33 Zone à urbaniser en priorité

34 université Foraine La gauthière L’atelier, http://www. universiteforaine.fr/ atelier/ (site consulté le 15 septembre 2016) 35

ibid.

plan construction urbanisme architecture du ministère de l’écologie, du développement durable, des transports et du logement créé en 1998 36

37 L’agence nationale pour la rénovation urbaine créée en 2003 38 université Foraine La gauthière - La commande, http://www. universiteforaine.fr/ atelier/ (site consulté le 15 septembre 2016)

39 coLLectiF etc, 2015, Le détour de France - une école buissonnière, editions hyperville


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Mais ici le mot ordinaire ne veut pas dire sans intérêt ou bas de gamme, « tout ordinaire, pour celui qui sait l’observer, recèle un extraordinaire avec »40. Cependant aujourd’hui, Esther et Suzie vont quitter leurs locaux à la fin du mois de décembre. La convention avec la mairie prend échéance et elles n’ont pas remporté l’appel d’offre public des futurs équipements, en tant qu’architectes associés à un architecte clermontois et ce, malgré l’expertise totale du lieu. Ainsi prend fin cette permanence, mais cette fin nous permet de soulever un certain nombre de questions sur la gouvernance et les conditions de la commande. Aujourd‘hui l’institution publique est la seule entité à maitriser la prise de décision et cela sans aucun rétrocontrôle. Alors que la maitrise d’usage développée ici a une valeur inestimable. Il semble alors que ce soit la maitrise d’ouvrage qu’il est nécessaire de repenser dans ce type de situation. Cela suppose un réel défi pour la société, qui pose la question de la légitimité de l’institution publique. En effet les élus devront, dans ce cas, accepter une déprise partielle de leur pouvoir et cela n’est pas forcément à l’ordre du jour.

PArtie DeUx_AtOUt cArreAU !

L’exemple du temps long - assez caricaturale ici - avec la permanence et les collectifs d’architectes, nous montre que le projet, qu’il soit urbain ou architectural et à toutes échelles, ne peut plus s’arrêter aux frontières d’une discipline, d’un métier, et doit prendre en compte d’autres champs et notamment politique. Mais politique au sens de la cité, « tout aménagement de l’espace suppose une prise de décision, (…) toute création d’espace est alors un acte politique41 ». Cela permet ainsi de poser la question du rôle de l’architecte, qui se transforme alors en ménageur plus qu’aménageur42, dans une volonté de faire place, pour laisser faire, intervenir puis s’effacer. Ce qui me semble aussi très intéressant au travers de ces pratiques, est les constantes ré-inventions et re-questionnements des outils de travail. De ces situations apparemment bloquées, émergent des questionnements43, des nouveaux outils et peut être des réponses. Depuis une petite dizaine années, on remarque un engouement pour la participation citoyenne dans les projets urbains. Nous avons notamment, lors de notre travail de PFE, assisté à des réunions de co-concertation, sur le projet de la mairie, situé sur l’Esplanade à Grenoble. Cependant, nous avons surtout assisté à un grand malaise entre les habitants actuels et les élus lors des premières réunions. Dans un moment de crise économique, où les institutions semblent chercher à faire plus rentable, on assise à une esthétisation du participatif et une reprise politique de ces outils. De plus, la participation comme elle est faite aujourd’hui, tend a progressivement structurer les habitants les plus mobilisés en des interlocuteurs privilégié, les coupant ainsi de leur réseau d’origine et coupant possiblement la volonté de revendications.44 Cela pourrait apparaître comme un danger, mais cela nous permet de poser une question de fond : comment autonomiser et fédérer sur le terrain, les dynamiques impulsés, après le départ de la permanence ?45 Comment laisser le territoire après une permanence, comment rendre la ville - les habitants - à la ville ?

40 coLLectiF etc, 2015, Le détour de France - une école buissonnière, editions hyperville

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ibid.

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ibid.

43 Friedman yona, 2003, L’architecture de survie : une philosophie de la pauvreté, L’eclat

44 donada Julien, 2016, L’étrange histoire d’une expérience urbaine, arte production, film 54 min 45 hyperviLLe, 2015, La permanence architecturale - actes de la rencontre au point h^ut, edition hyperville

ill. 7 photographie du jardin partagé de l’uFo (crédit photo pierre barbet)


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La permanence, comme elle a été initiée par Patrick Bouchain, semble être plus un outil de projet et non un projet en lui même. Cependant, cela pose la question de l’éventuelle intégration de la permanence dans un schéma plus classique de conception urbaine et architecturale, notamment sur la partie de la définition de la programmation. Est-ce intéressant de l’intégrer dans sa forme actuelle à un contexte de loi MOP, par exemple? Tout d’abord, nous avons vu lors de cette partie, que cela supposerait un important changement de paradigme sur la place des décisions politiques, notamment dans le basculement d’une partie du pouvoir politique vers une assemblée citoyenne. De plus je me pose la question de l’intégration de cette pratique dans un modèle normalisé. En effet est-ce le but de cette démarche, de se retrouver dans ce type de cadre ? La marginalisation et le caractère singulier de chaque situation ne peut pas faire système.46 La permanence, il me semble, peut alors prendre différentes interprétations et formes en fonction des situations. Le temps long de la permanence comme à L’UFO de La Gauthière pourrait, sur un autre projet, prendre la forme d’une multitude d’instants répétés. Habiter le projet ne veut pas forcément dire : dormir sur place. Il s’agirait alors plus d’une posture, d’un état d’esprit, plus qu’une méthode à appliquer.

46 discussion entre suzie passaquin, esther guillemard et gilles le 20 septembre 2016, à clermont-Ferrand

PArtie DeUx_AtOUt cArreAU !

ill. 8 photographie d’un schéma de l’uFo dans le local (crédit photo pierre barbet)


HyPerViLLe, extrait des discussions des actes de la rencontre au point h^ut sur la permanence architecturale

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« être sur place c’est quand même plus pratique pour tout. »



partie trOis uNe pizza pOmODOrO e burrata


30 PArtie trOis_Une PiZZA POmODOrO e BUrrAtA

ill. 9 photographie extérieure depuis la place bellecour (crédit photo brice robert) pizza du restaurant pizza pino place bellecour, composée de concassé de tomates, tomates cerises marinées, roquette, burrata mozzarella au cœur crémeux -, huile d’olive et basilic et rostello - un jambon italien aux herbes. -

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La société Y.Architectes est une agence d’architecture fondée par deux architectes DPLG, Yann Drossart et Yann Fontaine. Il s’agit en réalité d’une association de deux amis, ayant l’envie de créer leur propre structure et ce depuis le début de leurs études d’architecture. En effet, tout au long de leur cursus, ils ont à de nombreuses reprises travailler ensemble, mettant petit à petit en avant leurs personnalités complémentaires. Yann Drossart et Yann Fontaine ont fait leurs études ensemble à l’École Nationale d’Architecture de Grenoble (ENSAG). A la fin de leur diplôme, l’idée de créer un environnement de travail regroupant un ensemble de personnalités très différentes, afin d’avoir une stratégie de conception ouverte et multiple, a muri dans l’esprit de ces deux personnages et de leurs amis et c’est ce qu’ils feront quelques années plus tard. Yann Fontaine, après avoir validé son diplôme en 2005, part à Nice, travailler dans l’agence de JeanPaul Gomis pendant une année et travaille ensuite sur diverses petites missions dans la région Rhône-Alpes. Yann Drossart lui valide son diplôme en 2004 et commence à travailler en tant qu’architecte pour le Groupe AREP, puis l’agence Perraudin et ensuite l’Atelier d’Architectes Bruno Dumetier. Après un an de collaboration en agence il décide de se mettre à son compte mais continue à travailler en sous traitant pour ces derniers. Au travers de leur agence, le travail est nettement réparti. Créatif et intéressé par tout les innovations et actualités du monde de l’architecture, Yann Drossart est l’atout créatif du duo. Son instinct conceptuel donne à l’agence une vivacité et une réactivité sur tous les nouveaux projets. Yann Fontaine lui se décrit plus comme un gestionnaire. Il est en relation constante avec les différentes personnes qui gravitent autour de l’agence et des projets. C’est lui par exemple qui s’occupe le plus souvent de la partie « suivi de chantier ». L’agence Y.Architectes envisage le rapport avec la maîtrise d’ouvrage comme un contrat mutuel de bienveillance envers le projet, qui servira de base à la bonne tenue des études et au développement d’une collaboration intéressante. Les deux associés tentent, au travers de leurs réalisations, de proposer des solutions architecturales sensibles et en adéquation avec le site, qu’il soit humain ou géographique, tout en anticipant les impacts écologiques de leurs idées. Leur sensibilité à la matérialité, les pousse perpétuellement à innover dans ce domaine, accompagné par un large réseau de cotraitants expérimentés qui les suivent dans toutes les évolutions des projets.


32 PArtie trOis_Une PiZZA POmODOrO e BUrrAtA

Pendant la durée de mon passage dans cette structure, j’étais accompagné de Camille Roche, architecte HMONP, salariée depuis janvier 2014 et par Emilie Douet, assistante de direction depuis janvier 2013. L’agence depuis deux ans gagne en compétitivité et tend à ne travailler que pour les commandes publiques. Malgré de nombreuses réalisations pour des logements sociaux dans l’agglomération lyonnaise et un net penchant pour la construction dédiée à la petite enfance, l’agence Y.Architectes a tout de même quelques difficultés à être retenue pour des projets dépassant le million d’euros. La concurrence lyonnaise est très présente et chaque jour reste un défi pour récupérer des commandes intéressantes. A force d’efforts et de persévérance, elle commence à se faire remarquer et la tendance semble s’inverser. En effet, le printemps 2015 a été assez intéressant, avec trois habilitations à concourir pour des projet de crèches et de logements pour Grand Lyon Habitat, ainsi que deux suivis de chantiers de crèches. A cela s’ajoute aussi le projet de l’extension d’un petit musée à Valence dans la Drôme.

ill. 10 carte de visite de l’agence y.architectes (crédit y.architectes) ill. 11 (à droite) vue d’ambiance du projet d’extension du cpa de valence (crédit y.architectes - pierre barbet)


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En 2014, le Sytral - Syndicat Mixte des Transports pour le Rhône et l’Agglomération Lyonnaise - s’est engagé dans une démarche de restructuration de son réseau de vente de titres de transport TCL - Transport en Commun Lyonnais-. Une des composantes de cette stratégie, consiste à redéployer géographiquement les agences et repenser les services offerts à la clientèle. C’est pour cela, qu’à la fin de l’année 2014, cette maitrise d’ouvrage a lancé un appel d’offre public pour l’aménagement d’une agence TCL, dans les locaux d’une ancienne librairie Decitre, au 6 place Bellecour dans le II ème arrondissement de Lyon. Cette nouvelle agence devait alors regrouper, en plus de l’activité d’agence commerciale classée ERP - Etablissement recevant du Public - 5 ème catégorie de type W, ses activités de bureaux d’administration, liées au bon fonctionnement de l’ensemble du réseau TCL. Y.Architectes venait de terminer le chantier de l’extension d’un hangar de maintenance des rames de métro pour le Sytral, à Vaulx en Velin (69) et avait déjà travaillé sur des agences commerciales pour les compagnies de transport à Nîmes (30) et à Annecy (74). Au vu de ces multiples références dans les domaines, l’agence a remporté l’appel d’offre. Le projet de prêt de 600 m2 était un projet assez complexe, se développant sur deux niveaux. Un niveau RDC et un niveau R-1, ce dernier ayant une largeur bien plus importante que le premier, s’étendant en dessous de la cour d’immeuble. Les points délicats, pour ce type de structure qui devait accueillir au R-1 des lieux de travail, étaient l’apport de lumière et le confort de l’usager. Pour cela une trémie d’escalier a été creusé au devant, vers la façade sur rue et une cour anglaise a elle été placé dans la cours a l’arrière. Un autre point important était le traitement de la façade sur la place Bellecour, inscrit dans le périmètre du centre historique de Lyon et inscrit au titre du patrimoine mondial de l’UNESCO. Elles sont donc à ce titre, « classées ». De plus au vu de la complexité de s’implanter dans un espace aussi contraint et irrégulier que ces caves voutées, dès le début, Yann Drossart proposa pour le chantier une association avec une entreprise générale, Eiffage. Il s’agissait de la première expérience de l’agence avec un contractant général, mais cela semblait être une nécessité pour, à la fois allier un suivi constant sur l’ensemble des travaux par l’entreprise générale et le respect des volontés architecturales de l’agence. Pour ce projet, j’ai pu travaillé sur les relevés et l’esquisse mais j’ai surtout contribué au suivi du chantier. En effet, en Novembre 2015 au démarrage des travaux, j’ai demandé à Yann Drossart, le responsable sur ce projet, de l’assister dans le suivi de chantier. Mon implication a pris la forme du suivi de toute les réunions de chantier et de la rédaction des comptes rendus, mais aussi d’une multitude de visites moins formelles sur le chantier, pour suivre l’avancée jusqu’à la réception des travaux en avril 2016. ill. 12 (à droite) plan de rdc et plan de r-1 du projet d’agence tcL place bellecour (crédit y.archtiectes)


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36 PArtie trOis_Une PiZZA POmODOrO e BUrrAtA

ill. 13 photographies de l’intérieur du local après les premieres démollitions et avant travaux (crédit photo eiffage)


Sans aller jusqu’à cette symbolique de la baraque de chantier, il me semble que l’engagement que l’on a fourni avec Yann Drossart, sur le chantier de l’agence TCL place Bellecour, faisait plus écho à cette deuxième définition. En effet, par hasard et grande chance, l’agence se situait exactement 850m du chantier, soit 10min à pied ou 5min à vélo. De ce fait, il était très aisé de passer sur le chantier le matin avant d’arriver au travail ou dans la journée, pour vérifier tel ou tel élément, ce que l’on faisait régulièrement. Yann passait tous les jours sur le chantier, moi un peu moins mais au moins deux voir trois fois par semaine. De plus, c’est une entreprise générale, Eiffage Construction Rhône Service, qui réalisait le chantier. Florian M. était le responsable du chantier, supervisé par Benjamin P. Tout deux ont été très impliqué sur les 6 mois du chantier. Florian était présent quotidiennement en tant que coordinateur de toutes les entreprises travaillant sur place. Il régnait une certaine confiance dans cette équipe de maitrise d’oeuvre, peut être dû à l’appartenance à une même génération, mais aussi certainement à une intime conviction, que l’ensemble de la qualité de ces rapports humains, pouvait être une des clés de la réussite de ce chantier, pas si facile. Je reconnais que la sur-présence régulière de l’architecte, alors qu’il n’est pas responsable de la bonne tenue du chantier lorsqu’une entreprise générale est contractée, aurait pu « énervé » Florian. Cependant, je pense qu’il a trouvé en Yann, et par extension en moi, une réactivité bénéfique à l’avancement continu du chantier. Les réunions de chantier hebdomadaires, étaient complétées par la présence du maitre d’ouvrage, représenté ici par M Gervésie. Ancien conducteur de travaux d’une entreprise de construction, il connaissait toutes les difficultés et complexités d’un tel chantier, et dès le début, a lui aussi compris la nécessité d’entretenir de bon rapport humain dans cette équipe. Tout cet engagement pour l’équipe, a aussi

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La conception et l’implication de l’architecte dans le chantier est quelque chose de propre à chaque personne. Pour certain, il s’agit d’un passage obligé, pour lequel il est avant tout important d’éviter les problèmes. Dans ce cas, l’architecte accompagnateur devient un architecte prescripteur, il émet un cahier des charges très précis, visant à tout contrôler.49 Le temps du chantier devient alors un temps d’attente et ce qui devient important est la date de la livraison. Patrick Bouchain, lui, lance une autre vision de ce moment du chantier, « Il s’agit du moment matériel où l’architecture passe à l’échelle un, c’est le moment où elle prend forme50 » et il va même plus loin en expliquant que « ne pas être la, c’est prendre le risque qu’elle ne soit que l’exécution du dessin et non le moment où elle se charge de sens pour ceux qui la construise.51 » En effet le chantier est avant tout un moment de rencontre et de partage entre la main qui dessine et la main qui construit.52 Pour son discours Bouchain s’appuie surtout sur l’espace de la « baraque de chantier53 », qui devient alors le lieu d’échange sur les travaux, des réunions mais aussi le lieu d’accueil du public intéressé. Ce lieu a donc le rôle de liant entre la maitrise d’ouvrage, les entreprises, la maitrise d’oeuvre et le public, comme un symbole de la cohabitation sur le chantier.

49 duFond olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La cambre, bruxelles 50 hyperviLLe, 2015, La permanence architecturale - actes de la rencontre au point h^ut, edition hyperville 51

ibid.

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ibid.

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ibid.


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permis une valorisation du travail accompli, avec un plaisir de l’exécution. Souvent les réunions hebdomadaires se terminaient autour d’une pizza, dans un restaurant tout proche, avec une pomodoro e burrata54 comme socle à la suite des discussions.

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Toutes ces multiplications de notre présence physique ou par l’intermédiaire de Florian, permet de favoriser l’échange dans cet instant de rapport humain. L’architecte, avec l’entreprise générale, accompagne à chaque instant pour trouver la meilleure mise en oeuvre avec les artisans. Cela se ressentait aussi très fortement, dans la relation que l’on entretenait avec les entreprises réalisant les travaux, souvent sous traitants de l’entreprise générale. Nous étions globalement très bien accueillis à chaque fois, malgré la complexité du projet, notamment sur les passages de la multitude de câbles ou sur la mise en place des doublages des murs, par exemple, qui sur des espaces, où aucun mur n’est droit ni parallèle, n’est pas une chose facile. De plus, du fait de notre présence régulière, il était alors facilement possible de discuter directement avec les ouvriers sur la mise en oeuvre ou la modification de certain élément. Par de simple croquis, dessinés sur place, sur une feuille ou sur un mur, l’information transitait directement vers celui qui construit. Il s’agit la d’un gain de temps, de compréhension et de relationnel non négligeable. Le projet a donc acquit une malléabilité, qui lui permet de ne pas se restreindre à son état d’étude mais au contraire d’évoluer en fonction des clés du chantier.55

pizza du restaurant pizza pino place bellecour, composée de concassé de tomates, tomates cerises marinées, roquette, burrata mozzarella au cœur crémeux -, huile d’olive et basilic et rostello - un jambon italien aux herbes. -

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55 hyperviLLe, 2015, La permanence architecturale - actes de la rencontre au point h^ut, edition hyperville

ill. 14 (à droite) photographie de l’intérieur du local au r-1 dans les espaces de travail vers le patio (crédit photo brice robert) ill. 15 (page suivante) photographie de l’intérieur du local à l’entrée en direction de la place bellecour (crédit photo brice robert)


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42 PArtie trOis_Une PiZZA POmODOrO e BUrrAtA

Je suis conscient que pour cette première réelle expérience de chantier, j’ai eu beaucoup de chance sur la qualité des acteurs que nous avions en face de nous et aussi surtout, sur la proximité du chantier. Cependant, tout cela ne fait pas tout, il s’agit surtout de l’état d’esprit et l’implication que nous avons essayé de mettre en place, avec toute l’équipe de ce projet, qui a fait, il me semble, la réussite de ce chantier. En allant toujours plus loin que ce qui était dessiné, nous avons adapté le projet, surtout dans les particularités des espaces, qu’Autocad ne pouvait pas prévoir. Tout n’a pas été aussi simple tout au long du chantier, de nombreuses fois les adaptations ont engendré des surcoûts, ou des bascules de poste à poste, ce qui dans une comptabilité d’un projet n’est pas forcément aisé. Le chantier est une relation humaine et la bonne entente mise en place par l’équipe, a permis de régler ces problèmes coup par coup. Je terminais la partie précédente par une réflexion sur la permanence architecturale et sur l’interprétation que chacun pouvait faire de cette posture. Nous pourrions ainsi poser l’hypothèse que cette expérience était comme une permanence architecturale, non pas avec la définition de Patrick Bouchain mais plus comme une lecture différente par Y.Architectes. La multitude des instants répétés, avec la récurrence des visites et la présence quotidienne de Florian, peut d’une certaine manière s’apparenter à, habiter le projet pour le comprendre. Cette gestion du temps, moins radicale que l’habitation quotidienne, et nocturne, du projet de la Gauthière, ne s’apparente pas forcément à un ralentissement ou à de la lenteur mais plus dans ce que l’on pourrait introduire ici, une gestion raisonnée du temps, une sobriété de l’implication, être présent juste ce qu’il faut.


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partie quatre c’est super, c’est géNial! Du cOup c’est bON pOur DemaiN ?


44 PArtie QUAtre_c’est sUPer, c’est geniAL ! DU cOUP c’est BOn POUr DemAin ?

ill. 16 extrait de la coupe perspective d’ambiance du projet (crédit y.architectes pierre barbet) 56 « c’est super, c’est génial! du coup c’est bon pour demain ? (et si possible une petite image pour les clients..) » - phrase souvent dit par Jean d. lorsque nous lui prétentions nos travaux


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Le métier d’architecte est avant tout un métier de la commande. Il s’agit d’un métier de relation contractuelle écrite qui lie le maitre d’ouvrage à la maitrise d’oeuvre. En effet, selon l’article 1341 du Code Civil, tout objet d’action excédant 1500€ doit se faire sous un écrit privé ou public : un contrat. « tout action et engagement professionnel doit se faire sous une convention écrite préalable, définissant la nature, l’étendue des missions et les modalités de rémunération.57 » Le contrat est le premier acte de professionnalisme. Il permet d’une part de définir les missions mais surtout de se défendre en cas de litige.58 La signature de ce contrat doit donc intervenir avant tout le commencement des études. Le contenu d’un contrat est normé. Des exemples sont notamment proposés par l’Ordre des Architectes, sur leur site internet, en fonction de la destination de ce dernier, qu’il soit pour une maitrise d’ouvrage privée ou publique.59 Le contrat doit, entre autre, contenir les clauses obligatoires des parties signataires avec leurs noms et leurs adresses, l’objet du contrat, le lieu de l’opération ainsi que les missions. L’architecte, en signant le contrat, s’engage aussi sur un délai devenu alors contractuel.60 Lorsqu’un maitre d’ouvrage sollicite un architecte, il attend une réponse, et cela, dans une efficacité la plus totale. Néanmoins, cette notion d’efficacité semble être une donnée totalement subjective et propre à chaque maitre d’ouvrage. Au travers de cette notion transparait une question de durée, entre le début et la fin d’un événement, entre le désir et la réelle obtention de cet objet. Alors comment définir et quantifier ce temps dans un délai raisonnable ? Au début de l’année 2016, un maitre d’ouvrage privé, Jean D, marchant de biens, est venu nous solliciter à l’agence. En réalité, la rencontre a été possible, par l’intermédiaire d’une entreprise de maçonnerie qui travaillait avec nous, mais aussi avec ce maitre d’ouvrage sur de petites rénovations. En effet Jean avait un projet un peu plus important cette fois-ci, la restructuration d’une bâtisse dans Lyon en différents petits appartements, dans le but de les revendre. Il s’agissait de logement de type studio, majoritairement pour des étudiants. Le programme était alors simple, 15 logements étudiants de 18 à 19 m2 comprenant une chambre, une kitchenette et une salle de bain séparée. Le bâtiment actuel était alors composé d’un grand loft avec un RDC comprenant une très grande hauteur - il s’agissait d’un ancien atelier de confection -, d’un niveau R+1 composé de chambres d’hôtes et d’un niveau sous comble avec un appartement. Au vu du nombre important de logements à créer, dans un espace aussi contraint, il est vite apparu nécessaire de mettre en place des logements en mezzanine au RDC, avec une importante hauteur sous plafond et une grande fenêtre. Puis des logements plus conventionnel pour ce type de programme pouvaient alors être mis en place au R+1. Le projet initial ne visait pas la modification du dernier niveau sous comble. Ce projet est assez important pour moi, car il s’agit du premier projet, dont j’ai

57 cours hmnop à grenoble le 8 janvier 2016, déontologie et contrat tiphaine de buttet, virginie raspado, philippe maurin 58

Ibid.

59 ordres des architectes, « contrats pour marchés publics » et « contrats et documents (avec un particulier) », http://www. architectes.org/ (site consulté le 12 septembre 2016) 60 cours hmnop à grenoble le 8 janvier 2016, déontologie et contrat tiphaine de buttet, virginie raspado, philippe maurin


PArtie QUAtre_c’est sUPer, c’est geniAL ! DU cOUP c’est BOn POUr DemAin ?

ill. 17 plan du niveau r+1 du projet (crédit y.architectes pierre barbet)

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Ce client privé est habitué du monde de la construction, particulièrement de la promotion privée et des opérations immobilières de ce type. Il a choisi de travailler avec nous grâce à notre manière singulière d’aborder le client, dans une relation d’égale à égale, presque amicale par moment. Cependant cette manière de faire comporte aussi quelques risques et il me semble que nous ne les avons pas assez maitrisés. Ce client avait de grosses attentes de notre part sur les délais de réalisation des documents, il engageait de grosse somme d’argent et de temps, cela pouvait se comprendre. Cependant certainement plus habitué à la rigueur des contrats publics et de la loi MOP, il me semble que nous avons manqué une étape dans la définition du contrat qui nous unissait et notamment dans la détermination des missions et de leurs limites. Je m’explique. Dès le début, Jean nous a mis une certaine pression sur nos délais d’exécution, mais de manière toujours très « humaine ». Cependant, malgré notre bonne entente, au fur et à mesure, les choses se sont accélérées et les délais devenaient difficilement respectable, pour la bonne mise en place du projet. Lui avait en tête ses questions de rapidité et de rentabilité de son opération. D’où le titre de cette partie, « C’est super, c’est génial! du coup c’est bon pour demain ? (et si c’est possible une petite image pour les futurs clients...) » Ce dernier point entre parenthèse est plus clin d’oeil à un autre élément qui est la définition exact des missions. En effet au fur et à mesure du travail sur le projet, des missions se sont ajoutées comme un avis sur les devis des entreprises - alors que nous avions pas de suivi de chantier - ou encore des visuels 3D pour la communication du projet, très chronophage pour l’agence, alors que nous travaillons aussi sur d’autres projets.

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eu l’entière responsabilité. J’ai débuté les études avec un relevé de tous les espaces, suivi de la phase d’esquisse. Au travers des différentes réunions avec la maitrise d’ouvrage, le projet s’est affiné pour enfin établir les plans définitifs, pour le chiffrage aux entreprises. J’ai par la suite aussi réalisé des plans de types « commercialisations », pour les futurs acheteurs et la banque mais aussi des plans de principe de structure et d’implantation électrique, pour guider les entreprises dans la réalisation de leurs plans d’exécution. Nous avions pas de mission de suivi de chantier sur ce projet. Cependant, au vu des attentes particulières du maitre d’ouvrage sur des espaces de type « loft de standing » sur des studettes étudiantes, il était important de « maitriser les détails ». Pour cette mission qui, il me semble, a été à l’échelle de mon expérience, j’ai donc pu ainsi maitriser toutes les étapes du projet, excepté le chantier, à la fois dans le dessin et dans la relation avec client.


48 PArtie QUAtre_c’est sUPer, c’est geniAL ! DU cOUP c’est BOn POUr DemAin ?

ill. 18 axonométrie de principes constructifs d’une cellule de logement du rdc (crédit y.architectes pierre barbet) ill. 19 (à droite en haut) plan de principe d’implantation électrique sur un logement en mezzanine du rdc (crédit y.architectes pierre barbet) ill. 20 (à droite en bas) coupe perspective d’ambiance du projet (crédit y.architectes pierre barbet)


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50 PArtie QUAtre_c’est sUPer, c’est geniAL ! DU cOUP c’est BOn POUr DemAin ?

Le projet est actuellement en fin de chantier et tout s’est finalement très bien passé. J’ai énormément appris sur ce travail d’un point de vue architectural, au travers d’un projet dans un environnement contraint par la structure et par l’importance du programme demandé. De plus tout au long du projet, j’ai constamment essayé d’insérer de nombreuses reflexions sur le confort de l’habitant, qui me semblaient orportun. Cependant, j’ai surtout appris l’importance de la bonne mise en place d’un contrat et surtout du respect de ce dernier malgré une bonne relation avec le client, que je trouve aussi tout à fait nécessaire. De plus, il me semble que le contrat permet de garantir une barrière professionnelle, qui permet d’éviter le danger de l’amitié dans le travail et garantir l’intégrité du projet et des conditions de son exécution. Et cela, même entre deux parties qui n’ont pas forcément les mêmes attentes aux mêmes moments. Michel Foucault, dans une conférence donnée en 1967 et parue en 1984 dans Des espaces autres, nous explique que le « temps a été désacralisé au xIx ème siècle.61 » Cependant il me semble que certaine personne tente de dire le contraire, notamment Pierre Thibault, architecte à Quebec. J’ai découvert ce personnage par l’intermédiaire d’un ami qui revenait du Canada en échange universitaire et qui avait réalisé un stage de quatre mois dans son atelier. Je me suis alors intéressé un peu plus à ce personnage et à sa manière de travailler notamment grâce aux conférences filmées que l’on peut trouver sur internet. Pierre Thibault refuse de prendre le temps comme une donnée du projet. Mais il se passe alors jusqu’à quatre à cinq ans pour qu’un projet se mette en place et sorte de terre. Là où certains architectes propose une esquisse en un jour, lui propose et met de six à douze mois pour le « même travail ». Cependant cela ne peut pas avoir

61 FoucauLt michel,1984, des espaces autres (conférence au cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in architecture, mouvement, continuité, n°5,


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la même richesse. Il nous explique que « pour apprivoiser un site, la lumière, l’environnement, il faut y retourner à plusieurs moments de l’année, de la journée. La réponse se trouve lentement. (…) une maison vie en harmonie avec la nature, avec les saisons et sa conception aussi.62 » Les futurs clients viennent alors le chercher pour une autre compétence qui dépasse celle de l’architecte. « Ils sollicitent l’homme avant l’architecte, comme ils acceptent le contrat moral de l’étalement dans le temps, de la phase de conception.63 » Cette observation sur la manière de travailler de Pierre Thibault soulève une question : est-ce que prendre plus de temps sur un projet est forcément bénéfique ? Ce que lui appelle « une période de gestation64 » et cette absence de pression n’est pas sans risque. Une échéance permet de concrétiser une idée. Elle fixe alors les choses dans un état d’avancement, comme une pause avant de reprendre la suite.65 Pierre Thibaut voit l’absence de « dead line » comme une manière de pas bâcler ou être tenter de copier quelque chose, et garantit ainsi un projet unique.66 Cette réflexion tend aussi à une recherche d’absolue vérité qui n’est pas sans danger, une feuille blanche. Il me semble qu’il est nécessaire de conserver cette échéance pour ne pas oublier que notre métier n’a pas vocation à satisfaire notre égo personnel d’un bel objet unique. Il répond bien à une demande, à une commande et donc il est necessaire de ne pas oublier l’efficacité, en prenant le temps nécessaire à la chose. Nous pourrions même aller plus loin, en supposant que l’échéance amène aussi une méthode de travail et qu’elle fait partie du projet. Elle peut même aller jusqu’à enlever toute pression lorsqu’elle est réduite à l’extrême. Il me semble donc que la lenteur ou la rapidité ne sont pas des conditions de la qualité d’un projet.

62 conférence de l’architecte pierre thibault à l’ecole nationale supérieure d’architecture de strasbourg le mardi 5 juin 2012, disponible sur youtube. 63 duFond olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La cambre, bruxelles 64

ibid.

65

ibid.

66

ibid.



partie ciNq uNe machiNe à laver DaNs uNe buaNDerie


52 PArtie cinQ_Une mAcHine à LAVer DAns Une BUAnDerie

ill. 21 extrait de la vue d’ambiance du projet de Fontaines sur saône depuis la rue (crédit y.architectes pierre barbet)


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Mises à part quelques expériences de projets de petite échelle avec des maitres d’ouvrages privés, Yann Fontaine et Yann Drossart, ont fait le choix de s’ouvrir et de développer leur agence vers des projets d’intérêts publics. Ils ont toujours laissé une place importante aux commandes publiques, porteuses d’après eux, d’enjeux plus poussés, que ce soit au niveau social, politique ou architectural. Cibler son champ d’action (public, privé, équipement...) c’est aussi viser des programmes, et choisir des partenaires. Par conséquent, c’est une façon d’affirmer une posture architecturale. Dans une lettre à Alejandro Aravena, Umberto Napolitano, architecte associé de l’agence LAN à Paris, écrit que « ces projets sont devenus nos propre actes de résistance, ce sont des occasions pour créer l’exemple, le précédent qui comme dans le domaine juridique nous permettrait par la suite de le citer comme un droit acquis (…) l’idée est de pouvoir dire c’est possible.67 » Cependant ce n’est pas forcément l’expérience que j’ai eu avec des maitrises d’ouvrages publiques, notamment bailleurs sociaux. A plusieurs reprises, au cours de mon expérience dans cette agence, j’ai ainsi travaillé sur des projets de logements sociaux. Deux projets étaient en phase avancées à mon arrivée. Je n’ai alors contribué que ponctuellement sur des documents précis, sur quelques réunions de chantier, sur les phases d’opérations préalable à la réception du chantier (OPR) et sur les réceptions finales. Il s’agissait de la construction de 13 logements à Miribel (01) pour Dynacité, bailleur social originaire de Bourg en Bresse (01) et de la construction de 18 logements à Lissieu (69) pour Lyon Métropole Habitat anciennement OPAC du Rhône. Un autre projet de construction de 12 logements à Beynost (01) pour Dynacité était en étude, mais stoppé pour des raisons administratives. Je me suis tout de même occupé des phases d’Avant Projet Définitif (APD) et du dépôt de permis de construire (PC). Enfin un projet en particulier m’a été confié au début de l’année 2016, il s’agissait de la construction de 13 logements à Fontaine sur Saône (69). Ce projet a une histoire assez particulière. Il date de 2014, et Lyon Métropole Habitat l’avait remis sur appel d’offre public, à un bureau d’architecte lyonnais. Ce dernier l’avait mené jusqu’au dépôt de permis de construire et une pré phase projet (PRO). Malheureusement, le permis fût refusé deux fois par la mairie et le budget de construction n’était pas respecté. C’est pourquoi Lyon Métropole Habitat a rompu le contrat avec cet architecte et a réalisé un appel d’offre restreint que Y.Architectes a remporté. Sur le temps qu’il me restait à l’agence j’ai donc réalisé les phases de l’esquisse à la phase projet, avec au préalable le dépôt de permis de construire. Le projet prend place sur une parcelle de près de 5500 m2 à Fontaines sur Saône dans un quartier où l’on trouve déjà, aujourd’hui, un important nombre de logements sociaux datant des années 70 - 80. La parcelle est relativement complexe. Elle est encaissée, entourée d’un talus végétalisé de huit mètres de haut

67 napoLitano umberto, Lettre à alejandro aravena - imaginer l’espace du possible, Lan paris, 2016


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par endroit. Le projet se décompose en deux corps de bâtiment : un ensemble de 8 logements collectifs et 5 maisons en bandes. Le reste de la parcelle, assez vaste, sera végétalisé. La situation de départ de ce projet était assez atypique. Nous avions le projet du confrère précédent, un programme, un budget légèrement différent et une mairie qui avait déjà vu plusieurs projets non valide, sur cette parcelle. L’enjeux de l’esquisse et des phases suivantes était donc d’amener à bien, ce projet, cette fois ci. De nombreuses attentes de la part du maitre d’ouvrage étaient mises sur ce projet. Cependant je me suis trouvé confronté à quelque chose de nouveau pour moi : le livre blanc. Il s’agit d’un livret d’une cinquantaine de page regroupant l’ensemble des attentes du bailleur pour ses futurs logements. Ce cahier des charges, ultra précis et complet, va du système constructif, à des plans de principe de logement jusqu’à un bac de douche bien spécifique à mettre en place. Au fur et à mesure de l’avancée du dessin, je me suis confronté à ce livre blanc, me demandant alors où se trouvait la marge de manoeuvre. Ce livre, semble être l’expression d’une peur, de la perte de contrôle du maitre d’ouvrage sur le projet. Comme s’il soupçonnait l’architecte de détourner, au profit de l’architecture, une partie des moyens qui pourrait être autrement consacrés. Ils ne craignent pas que l’architecte ne lui en donne pas pour son argent, au contraire, ils craignent qu’un projet leur donne trop d’architecture, en débordant et dépassant le cadre de l’architecte.68 C’est pourquoi ils tracent une route, au préalable, canalisant le travail de l’architecte et en le réduisant par la même occasion. Cependant, avec Yann Drossart, nous avons tout de même essayé de mettre en place, quelques éléments, en essayant de prendre un détour, sur cette autoroute que l’on nous avait fabriqué. C’est ainsi que pour le dessin des toilettes PMR au RDC, nous nous sommes posé la question d’un autre usage à donner, à ce gigantesque espace, réglementé par la manœuvre du fauteuil roulant. C’est ainsi que nous avons dessiné un rangement, pouvant accueillir une machine à laver. Cela peut sembler anodin, mais il nous aurait fallu quelques réunions pour pouvoir faire sortir la machine à laver de la cuisine, et pour pouvoir créer un WC PMR / Buanderie. Une petite victoire, non pas en forme de provocation, mais simplement parce que cela nous semblait intéressant à mettre en place. Bernard Deprez, enseignant à La Cambre à Bruxelles expliqua dans un ouvrage que « Chaque projet est singulier et il me semble inutile d’espérer pourvoir y appliquer quelques recettes universelles. Seule l’approche sur mesure rendra justice aux particularités de chaque situation.69 » et il me semble que c’est cela, que nous avons essayé de mettre en place ici. Lorsqu’un maitre d’ouvrage sollicite un architecte il attend une réponse. Il s’agit de la suite logique Sollicitation Questionnement - réponse - Action. Cependant, il semblerait qu’il existe deux manières de répondre. Le mouvement moderne, notamment Le Corbusier et le CIAM, au cours du XX ème siècle, a instauré une normalisation et une codification de la réponse, qui a conditionnée, à l’heure d’aujourd’hui, une tendance vers une sollicitation de l’architecte, simplement pour sa réponse

68 depreZ bernard, 2005, Les cahiers de la cambre n°4, eco-logiques Les bénéfices de l’approche environnementale - démarches intégratives, La cambre

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ibid.

ill. 22 (à droite) plan masse du projet de Fontaines sur sôane (crédit y.architectes pierre barbet)


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technique.70 En effet la première manière de répondre à un projet, est une réponse contractuelle, tel un algorithme informatique, sans sortir de la question initiale.71 Cette manière de fonctionner est très rassurante pour le maitre d’ouvrage, il sait qu’il n’aura pas de surprise. L’architecte s’engage sur une réponse, respectant à la fois les demandes du programme, mais aussi les délais et les coûts de construction. Une réponse alors plus de type « ingénieur » : une question amène une réponse, l’offre correspond à la demande et le prix correspond au service rendu.72 Mais ce type de réponse n’est pas sans risque. Il tend à marginaliser le travail de l’architecte dans une pratique cosmétique et formaliste. Vitruve décrivait dans De Architectura, les trois qualités principales d’une structure: Firmitas - utilitas venustas. Aujourd’hui si on décompose la division du travail dans ce type de réponse, Firmitas, la force, au sens d’une architecture pérenne serait alors le rôle des ingénieurs. utilitas, l’utile au sens de l’usage pourrait être une donnée laissée au maitre d’ouvrage, dans le programme. venustas, la beauté dans le sens de forme architecturale et esthétisme est donc laissé aux architectes.73 Cette manière de répondre laisse donc qu’une infime partie du travail de l’architecture aux architectes. Même si cela peut paraitre caricaturale, et si l’architecture est une discipline reconnue d’intérêt public, la société n’est pourtant pas toujours prompt à lui accorder les moyens de la réaliser, notamment au travers d’une restriction du champs d’action, une pression économique… Cependant, les débats de ces derniers mois sur la lois CAP, notamment sur la réduction du seuil minimal de construction nécessitant le recours à l’architecte, précédemment définie par la loi de 1977 sur l’architecture, montre qu’une génération semble se battre, revendiquant une approche qui resterait globale. Il semblerait qu’il soit peut être le moment de sortir de l’héritage moderne de l’architecture fonctionnaliste et de repenser le rôle de l’architecte, garant de l’unité du projet, par sa capacité à réunir les compétences nécessaires. Le public aujourd’hui n’est pas forcément préparé à recevoir ce qui ne correspond pas à sa demande, et cela semble assez naturel. Néanmoins l’architecture peut aussi, il me semble, montrer comment la vie peut être autrement, comment notre rapport à l’espace et au temps peut être modifié.74 Et non comme une expression individualiste d’un désir artistique, comme pourrait le faire croire l’image de l’architecture, au travers de certaines publications. Cependant, ce sentiment peut aussi transparaitre de l’expérience de grand projet, comme le musée des Confluence à Lyon par exemple, par la surenchère technique et financière. La symbolique de ce livre blanc et la caricature de cette possible réponse robotisée, nous permettent de soulever l’inquiétude des maitres d’ouvrage et par extension de la société, face au travail des architectes. Gilles Deleuze, philosophe français, lors d’une conférence en 1987 sur la question de l’acte de création expliquait, « Dès qu’il y a rêves des autres il y a danger, méfiez vous du rêve des autres.75 » Cette provocation sous la forme, d’un conseil, suffit - elle pour justifier cela ? Toute architecture aujourd’hui doit répondre au code civil, au code de l’urbanisme,

70 depreZ bernard, 2005, Les cahiers de la cambre n°4, eco-logiques Les bénéfices de l’approche environnementale - démarches intégratives, La cambre 71

ibid.

72

ibid.

73

ibid.

74 conférence de l’architecte pierre thibault à l’ecole nationale supérieure d’architecture de strasbourg le mardi 5 juin 2012, disponible sur youtube.

deLeuZe gilles, 17 mars 1985, qu’est ce que l’acte de création, conférence dans le cadre des « mardi de la formation » à la Fémis à paris, 46’ min

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ill. 23 (à droite en haut) vue d’ambiance du projet de Fontaines sur saône depuis la rue (crédit y.architectes pierre barbet) ill. 24 (à droite en bas) Zoom sur le plan au niveau du Wc pmr buanderie (crédit y.architectes pierre barbet)


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58 PArtie cinQ_Une mAcHine à LAVer DAns Une BUAnDerie

règlement de sécurité, plus un ensemble de responsabilité lié au budget, au programme, à la responsabilité civile. En réaction à cela, s’est créé aussi un ensemble de garanties décennales, biennales…76 Philippe Madec dans son essai Etre et faire pour autrui - de l’éthique et de l’architecture, pose la question et l’hypothèse suivante, « Peut on confondre la responsabilité liée à l’acte de bâtir avec la responsabilité propre à l’architecture ? (…) Est ce que l’importance des règles et de la réglementation ne sont pas l’expression d’une peur de la société vis à vis des architectes ?77 » Qu’elle est alors cette « responsabilité propre à l’architecture » dont il parle ? En lisant la suite de son travail, on comprend qu’il parle en réalité d’éthique. « L’éthique est engagée dans l’architecture, elle y est mise à l’oeuvre et mise à l’épreuve du temps et de l’espace , (…) Ce n’est pas une dimension morale extérieure appliquée78 » . D’un point de vue philosophique, l’éthique est la conscience des effets et des conséquences des choix. C’est ce qu’Emmanuel Levinas appelle « L’être pour l’autre79 ». Le texte de Philipe Madec exprime nettement cela : « L’éthique est inscrite dans la tache de l’architecte, pas dans un bâtiment (… ) notre pensée de l’architecture est fondamentalement une pensée pour autrui voila pourquoi l’architecture est une éthique oeuvrante ». On comprend alors que l’éthique n’est pas simplement une question de faire « un bon bâtiment » mais trouve sa place dans la démarche de l’architecte, dans sa manière de pratiquer. En effet, les problématiques actuelles liées à l’environnement et à la question du confort de l’habitant sont des questions qui dépassent totalement la simple réflexion sur la forme ou la typologie, si l’on parle de logement par exemple. Il me semble que des considérations liées au paysage, au territoire et à la société, sont des enjeux plus vastes mais nécessaires. La question est alors comment, au vu de la complexité des relations avec les maitrises d’ouvrage, la mise en place de ces considérations sont elle possibles ? Introduire ce que l’on a appelé « une gestion raisonnée » du temps, est-ce permettre à l’éthique de s’exprimer ?

madec philippe, 1995, etre et faire pour autrui - de l’éthique et de l’architecture, grenoble, ensag

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ibid.

78

ibid.

Levinas emanuel, 1983, Le temps et l’autre, paris, puF, quadrige

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mADec Philippe, 1995, etre et faire pour autrui - de l’éthique et de l’architecture, grenoble, ensag

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« Je vous souhaite d’être moins arrogant. vous en serez plus utile, plus présent, plus essentiel. »



partie six uNe piaDiNe lOretta De chez lOziO


60 PArtie six_Une PiADine LOrettA De cHeZ LOZiO

ill. 25 photographie de l’intérieur des locaux de Lan (crédit photo pierre barbet) 81 La piadine est une spécialité culinaire italienne typique de la région de romagne (italie). Lozio est la première piadineria de paris située au 40 rue du faubourg poissonnière dans le Xème arrondissement, très près de l’agence Lan. La loretta est une des piadines proposées mais aussi ma préférée. elle est composée de prosciutto crudo (un jambon cru), squacquerone (un fromage italien), de tomates et de roquette.


nAPOLitAnO Umberto, 2016, habiter la ville, Lan

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« L’histoire nous apprend que le développement urbain a surgit des logiques qui s’enracinent dans la géographie, la sociologie, le climat et que la typologie bâtie a toujours réagit à ces conditions. La lecture d’un type, une analyse d’une forme permet d’extrapoler un ensemble d’informations qui constitue pour l’archive, un abacus du champ des possibles. L’innovation est plus que jamais devenue le résultat d’une combinaison de phénomènes existants qui donne lieu à un phénomène nouveau.(…) il faut analyser plus en amont comment le projet architectural peut faire la ville, tout en changeant les manières d’habiter pour introduire une nouvelle narration durable.»


62 PArtie six_Une PiADine LOrettA De cHeZ LOZiO

En mai 2015, alors en visite à St Marcellin (38) pour le projet d’extension de la crèche du village, Yann Drossart reçoit un coup de téléphone. Il s’agit de Maxime Enrico de l’agence LAN - Local Architecture Network - à Paris. Il nous propose une association sur un concours de la phase 2 du projet urbain de Confluence à Lyon (69) : L’îlot B2. Sur ce projet, comme sur beaucoup d’autres maintenant, le règlement oblige ce type d’association avec une agence locale. Yann accepte tout de suite la proposition qui lui est faite. Ne sachant pourtant pas trop comment allait se mettre en place cette association et le projet ne débutant qu’au mois de juillet, les deux associés m’ont proposé un contrat CDD de six mois, à la suite de mon stage qui finissait fin mai. Au départ, le but de ce contrat était de me laisser la possibilité de continuer à travailler sur les projets dont j’avais la charge. Cependant le projet B2 prit du retard et ne débuta qu’en septembre et Yann Drossart voyait que cette opportunité de « gros concours » l’échappait. En effet, LAN voulait tout faire à Paris dans leurs locaux pour la phase de concours. Il décida donc de proposer à Umberto Napolitano et Benoit Jallon, associés de LAN, de m’accueillir dans leurs locaux pour que l’association LAN - Y.architectes est réellement lieu. C’est ainsi que je suis arrivé le 31 août 2015 dans les locaux de LAN, au fond de la cour centrale du 25 rue d’Hauteville, dans le X ème arrondissement de Paris, et pour une expérience qui va alors durer deux mois. Dans le petit texte introductif à cette partie, écrit par Umberto Napolitano et que l’on peut lire sur le site internet de l’agence, on comprend la place importante laissée à la recherche, dans leurs processus de travail. En effet, Umberto, napolitain d’origine est un personnage brillant. Il capable de passer une nuit avec nous sur Autocad pour réfléchir sur le projet, de prendre un avion pour New York pour donner une conférence et tout en écrivant un texte pour la notice du concours dans le terminal de l’aéroport. Amoureux de l’écriture et de l’écriture architecturale d’Aldo Rossi, la méthode de travail qui en découle reste, dès le début, assez théorique et radicale, avec un seul maitre mot : la trame. N’étant pas forcément familier avec ce type d’architecture, j’ai été beaucoup bousculé les premiers jours. J’ai alors essayé de m’imprégner, en premier lieu, de toute cette culture. J’ai donc lu et fouillé les archives des projets de LAN et essayé de desceller les formes et fonctionnements des plans et des façades.

ill. 26 (à droite en haut) photographie de la maquette d’étude du projet de l’îlot b2 (crédit Lan y.architectes pierre barbet) ill. 27 (à droite en bas) coupe longitudinale du projet de l’îlot b2 (crédit Lan y.architectes pierre barbet)


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64 PArtie six_Une PiADine LOrettA De cHeZ LOZiO

ill. 28 plan d’étage courant du projet de l’îlot b2 (crédit Lan y.architectes ) ill. 29 (à droite) vue d’ambiance du projet de l’îlot b2 depuis l’esplanade François mitterand (crédit Lan y.architectes)


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66 PArtie six_Une PiADine LOrettA De cHeZ LOZiO

Au fur et à mesure de l’avancement du travail sur le projet, j’ai rapidement compris la méthode de ce bureau. Nous pourrions alors l’appeler : la déconstruction de la pensée comme un processus de conception.83 En effet, à chaque moment, à chaque proposition, chacun tente de comprendre d’où vient tel ou tel élément et cherche à en vérifier la véracité. Ils re-questionnent et re-qualifient alors les problématiques et principes établis, quitte au final à reconstruire à l’identique. Cette démarche ne se situe pas dans une provocation ou une remise en question systématique de la question pour le plaisir de la remise en question, mais plus pour l’objectif d’aller toujours plus loin. Une sorte de laboratoire, où l’investigation et la recherche seraient continues, avec toujours comme but la vérification de la justesse de la question. Ainsi, une part importante du travail sur ce projet, a été fait sur la lecture du cahier des charges, rédigé par l’agence Herzog et de Meuron, et en particulier sur le dessin du plan masse. En effet, le projet assez important de près de 12 000 m2, comprenait des logements en accession et sociaux, des bureaux, une résidence étudiante et certains RDC commerciaux. Cependant l’articulation du programme avec la géométrie et les volumes laissés à l’appréciation des équipes, était assez difficile. A cela c’est aussi ajouté les considérations importantes d’Umberto sur la forme des bâtiments, notamment sur les façades et sur ce qu’elles transmettent. Il était alors question de la portée de la façade sur l’esplanade Francois Mitterand et par extension sur la darse, le coeur du quartier de Confluence, mais aussi celle du bâtiment à l’angle nord-ouest, où se situe la futur arrivée du pont des Girondins. Un long travail, quelque peu formaliste, a été fait en maquette. Nous avons fait plusieurs essais sur la maquette d’étude, avec des aller-retours entre les données du programme en terme de surfaces, mais aussi en terme d’exigences environnementales. En effet ces dernières étaient assez sévères, notamment sur la question de l’ensoleillement naturel des espaces intérieurs. Ce travail sur les principes environnementaux, a été fait avec le bureau d’étude Franck Boutté, relativement présent sur le projet. Tout cette recherche nous a mené à une remise en question de l’implantation de certains programmes et des hauteurs de plusieurs bâtis. Au travers de cette démarche, l’architecte devient alors ce que Mario Bota appelle : un technicien de la question. « Je suis convaincu que la complexité de la modernité, son actuelle rapidité de transformation, impose à l’architecte une réflexion approfondie sur les problèmes plutôt que sur les solutions.84 » Cela nous amène à la seconde forme de réponse d’un architecte, après la réponse binaire expliquée dans la partie précédente. Ce second aspect est beaucoup plus complexe, dans sa manière d’aborder le projet d’architecture mais il est surtout beaucoup plus difficile à justifier auprès de ceux qui commandent. Cette vision est basée sur le principe que la compréhension de la question nécessite une prise de distance. Ce détachement conscient et cette action de recul, que Platon nomme dans Les lois, la theoria, permet à l’architecte de requalifier la question. Au travers de cela il requalifie alors, aussi son rôle. Cependant

duFond olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La cambre, bruxelles

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Lucan Jacques, marchand bruno, seinmann martin, 2000, Louis l Kahn silence and light, actualité d’une pensée, ppur epFL-cm, Lausanne

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ce ralentissement et cette remise en cause du bien fondé de la question, dans sa forme initiale, n’est pas souvent bien acceptée par les maitres d’ouvrages. Ce frein psychologique est symbolique d’une inquiétude, d’une peur de la perte du contrôle de celui qui commande. Il s’agit aussi, en quelque sorte, d’une prise de pouvoir de l’architecte sur cette question, qui peut alors être vécu comme un désaveu.85 Un deuxième élément, qui fait que cette réponse est plus difficile à transmettre, est économique. En effet, le déplacement de la question peut supposer un cheminement plus long de l’architecte vers la formalisation de sa réponse et donc plus gourmand financièrement. Cependant, le rôle de l‘architecte est donc d’accompagner le maitre d’ouvrage vers cet inconnu, au travers d’explications et d’implications de ce dernier ,dans cette démarche.86

coLLectiF etc, 2015, Le détour de France - une école buissonnière, editions hyperville

85

86

ibid.

« L’architecture c’est souvent aujourd’hui vouloir donner quelque chose que l’on n’a pas, à quelqu’un qui n’en veut pas. » DePreZ Bernard, 2005, Les cahiers de la cambre n°4, eco-logiques Les bénéfices de l’approche environnementale démarches intégratives, La cambre 87


68 PArtie six_Une PiADine LOrettA De cHeZ LOZiO

Ce travail, apparemment inutile, permet de nourrir le projet et grâce à ce traitement en amont, la démarche de projet peut aller beaucoup plus loin. Ce concours avait un temps relativement court, moins de deux mois, mais de nombreuses questions avaient déjà été abordées dans d’autres projets, ou explorations écrites. Sans ces recherches en parallèles, qui forment aussi une part de l’expérience de l’agence, cette démarche aurait été impossible à mettre en place, dans un processus de commande aussi réduit. Dans un paysage architecturale assez prompt aujourd’hui à reproduire constamment les mêmes schémas, LAN, au travers de sa démarche de projet, associée aux écrits de recherche plus théorique d’Umberto88, permet de se démarquer. Le temps nécessaire, pour toutes ces recherches essentielles pour comprendre les problématiques d’un projet, est alors intégré dans une méthodologie adaptée aux contraintes temporelles et financières. Le temps et le budget font alors partie intégrante du projet lui même. Umberto et Benoit arrivent donc à conserver cet élément fondamental, qui prend alors la forme d’un « ralentissement » au début des projets. Même si cela implique un travail en flux tendu sur le reste du temps. Si l’on reprend la division sémantique initiée par Ferdinand de Saussure entre le signifié et le signifiant,89 d’un point de vue du signifiant cette déconstruction de la question, prend plus de temps qu’un traitement classique. On ajoute de nouvelles données aux questionnements. On pourrait alors dire qu’il s’agit d’un ralentissement et de lenteur. D’un autre point de vue, celui du signifié, cela apporte une réalité alors insoupçonnée au projet, une valeur ajoutée nécessaire.90 Prendre le temps, d’avoir en sa possession l’ensemble des éléments et comprendre leurs origines, permet aussi de tenter de saisir leurs conséquences, par anticipation. Cette philosophie de travail, entière et holistique, tend vers une analyse globale, pour par la suite, décider.

ecrits regroupés sur le site internet de Lan et dans deux ouvrages, you can be young and an architect, 2008 et traces 2013.

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de saussure Ferniand, 1975, eléments de linguistique générale, payot

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duFond olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La cambre, bruxelles

90

« une bonne question est toujours plus importante que la brillante des réponses. » KAHn Louis, 2003, essential texts, editions robert twombly, new-york

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Ce détachement de la question, proposé précédemment, induit donc une position extérieure de l’architecte, par rapport à ce qui lui est posé. Cette prise de distance dans l’acte de création, permet aussi à un nouvel élément de s’exprimer. Il s’agit de ce que Georges Simmel appelle la notion de tiers.92 « La notion de tiers est un troisième individu ou par extension un troisième groupe qui influerait la relation de deux autres individus ou deux autres groupes,(…) il sert de médiateur entre deux éléments différents (…) et transforme les énergies subjectives dans une forme objective.»93 On comprend alors que c’est cette notion de tiers qui vient faire irruption dans la relation contractuelle qui lie le maitre d’ouvrage et la maitrise d’oeuvre dans le processus de conception et de créativité. Cependant qu’est ce qui fait « tiers » pour moi ? Au XVI ème siècle par exemple, c’était l’église qui alors faisait « tiers » mais aujourd’hui chaque individu, chaque architecte peut choisir et définir ce qui lui est propre. Cette troisième entité permet à l’architecte de prendre ses décisions et de valider un projet mais il lui permet aussi de choisir quels chemins il va emprunter.94 Pour Umberto il s’agit clairement de la façade. Pour l’avoir vu travailler un temps assez considérable sur différents rythmes, tailles et formes d’ouvertures, toujours à la recherche d’une sorte d’harmonie, on comprend rapidement que c’est cette façade qui va alors tout justifier par la suite. Chaque mur de structure, chaque cloison devra être structuré selon la trame de la façade. Cette rigueur, quelque peu militaire, permet une autre structuration du dessin qui peut amener à une grande rationalité du plan, notamment structurelle. Cependant cette restriction des possibles peut aussi créer certains espaces complexes, ou moins adaptés aux usages. On remaque notamment cela sur les chambres ou les pièces à vivre qui pouvaient avoir des formes complexes, du fait du carcan imposé par la trame. Alors quelles sont les limites de la justification par ce tiers ? Umberto est un bon architecte et par cela je pense : pas tétu. Après plusieurs temps de recherches, si nous montrions qu’aucun plan ne fonctionnait avec sa trame de façade, il arrivait à la modifier, pour qu’un nouveau plan fonctionne. En effet, en lisant ses textes et en observant sa production architecturale on comprend aussi que derrière cette justification, qui pourrait être qualifiée de formelle et esthétique, on retrouve bon nombre de concept ordinaire de l’habiter et de l’usage. On peut donc dire alors, que chaque architecte peut choisir ce qui fait « tiers » pour lui mais cela doit être aussi validé par ce qui fait « tiers » pour le bien commun,95 c’est alors l’éthique de la pratique.96

92 Lits grégoire, 2009, tiers et objectivité sociale chez georges simmel, emulations

93

ibid.

94

ibid.

95

ibid.

madec philippe, 1995, etre et faire pour autrui - de l’éthique et de l’architecture, grenoble, ensag 96


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« il nous tenait à coeur de montrer qu’un parti radical peut aussi s’exprimer au travers d’un langage quotidien, presque banalisé » nAPOLitAnO Umberto, 2016, habiter la ville, Lan

PArtie six_Une PiADine LOrettA De cHeZ LOZiO

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Cette expérience dans une autre structure, mise à part la découverte d’une nouvelle conception de l’architecture, m’a donc aussi permis la rencontre d’une autre manière de fonctionner. En effet, l’agence LAN est tout d’abord séparée en deux pôles. Le RDC est réservé à l’ensemble du travail sur les études, avec environ une dizaine de personnes. La mezzanine est, elle, réservée aux projets de concours et c’est là qu’Umberto et Benoit ont leurs postes de travail dans l’open space. Une autre salle est réservée aux réunions. Cette séparation de l’espace montre bien la place importante laissée aux concours. En effet, quand je suis arrivé, il y avait 4 concours en même temps sur ce plateau de travail, composé au maximum de 7 personnes. Cependant l’intégration des postes de travail des deux associés montrent aussi l’implication des deux personnages dans la conception de leurs projets. Cette remarque, est d’autant plus renforcée, lorsque très rapidement on se rend compte de la marge de manoeuvre que l’on peut avoir sur l’architecture produite : minime. Chaque façade est dessinée par Umberto et chaque plan est esquissé par la suite par Benoit. La plupart des architectes sont alors la présents comme des dessinateurs et vérificateurs de la bonne mise en oeuvre des idées des deux gérants. J’en profite ici pour expliquer pourquoi je me concentre exclusivement sur mon expérience de chez LAN et non pas dans la manière dont nos deux agences ont collaborées. Il s’avère en réalité qu’une infime collaboration a eu lieu, plus logistique qu’architecturale. Tout la conception s’est fait dans les locaux de LAN c’est pourquoi,


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je trouvais plus intéressant d’exprimer mon ressenti sur ce moment de ma pratique, plus comme une deuxième expérience d’agence, que d’une collaboration entre architectes. Je n’ai pas été forcément acteur des prises de position sur l’architecture produite, mais cette expérience a plus été pour moi un révélateur, sur une pratique de l’architecture. Cet apprentissage dans ce type de structure très hiérarchisée, m’a permit alors de m’interroger sur le processus de créativité. D’où tout cela vient ? Gilles Deleuze posait la question, « Qu’est ce que ça veux dire avoir une idée ? C’est un élément rare, ce n’est pas courant.98 » Le processus de créativité c’est un phénomène qui permet à une idée de prendre forme et de la rendre intelligible. Un travail rempli de doute et d’incompréhension, d’allers-retours, de tests et d’autres tests mais aussi de plaisir de faire. Chaque personne qui travaille dans ce domaine, connait aussi le plaisir du moment où l’on remarque une sorte de déclic, où tout se met alors en place. Certain appelle cela : le phénomène de sérendipité. Il s’agit d’une forme de découverte inattendue, grâce au hasard et à l’intelligence de se donner une chance de trouver ce que l’on ne cherche pas.99 En aparté, il semblerait que ce soit ce même phénomène, qui anime certains voyageurs, une forme de recherche volontaire de l’inconnu.100 En philosophie, certains nomment ce moment : le kairos. Il s’agit du point de basculement décisif entre deux extrêmes : le trop et le pas assez.101 Cependant à l’inverse du chronos, cette notion du temps n’est pas un moment mesurable, une sorte de création de profondeur dans l’instant.102 Le processus de créativité ne serait alors régit que par la faculté de se trouver au bon moment au bon endroit et qu’aucune place ne serait faite à la connaissance ? La réponse ne peut être que non, surtout si l’on fait référence à toute la première partie de ma réflexion sur mon expérience chez LAN. De plus, la encore en philosophie, Platon explique que l’occasion est la jonction entre le moment favorable offert par le hasard et l’art, la technique qui permet de l’exploiter.103 On comprend alors toute l’importance de l’expérience. C’est elle qui permet de reconnaitre ces moments de basculement. « Il fallait être Newton pour s’apercevoir que la lune tombe, quand tout le monde voit bien qu’elle ne tombe pas.104 » L’expérience est un phénomène commun à tous. Tout le monde apprend à chaque instant en fonction de ce qu’il vit et de ce qu’il éprouve. Chaque expérience nous transforme. Cependant au même titre que tous ces questionnements ont été soulevés par cette expérience de travail chez LAN, c’est l’occasion de ce mémoire qui m’a permis de me poser et de m’en apercevoir. Il s’agit aussi de l’année qui a suivi, avec mon travail, mes lectures et les rencontres que j’ai pu faire qui m’ont permis de réfléchir et de me positionner sur cette expérience. Ces moments de ralentissement observés au début du processus de conception chez LAN, peuvent alors être des moments nécessaires, à mettre en place dans le projet, pour que tous ces événements, qui ont une prise sur nous mais qu’on ne distingue pas, que l’on ne formule pas clairement105 , s’additionnent et forment une réelle valeur ajoutée au projet.

98 deLeuZe gille, 17 mars 1985, qu’est ce que l’acte de création, conférence dans le cadre des « mardi de la formation » à la Fémis, 46’ min

99 cateLin sylvie, 2014, sérendipité, du conte au concept, editions du seuil 100 thomassey nans, 2015, nus et culottés, se dépouiller soi-même pour découvrir le monde ! conférence tedxLyon 101 bouyer anne rose, 2014, Kairos et architecture, regard(s) vers la slow architecture, ensaL 102 ibid. 103

ibid.

104 vaLery paul, variété iii, 2002, Le bilan de l’intelligence, gallimard Folio essais, paris

105

ibid.



partie sept OpeN pasta OpeN Kebab


72 PArtie sePt_OPen PAstA OPen KeBAB

ill. 30 photographie de la devanture du prestige Kebab de guillotière (crÊdit photo pierre barbet)


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Pierre Hebbelinck est un architecte belge, associé dans l’agence Atelier Hebbelinck - de Witt à Liège. Il s’agit d’un personnage très pris par sa pratique, comme beaucoup d’autre architecte. Cependant, lorsque qu’il souhaite travailler sur un projet, il s’enferme à son atelier, dans son bureau et il dessine, il écrit. Par cet acte, il se coupe des éléments perturbateurs, pour se concentrer sur le projet et lui seul. Une manière de densifier le temps.106 La bulle dans laquelle il « s’enferme » est une bulle dans laquelle le temps qui passe n’a plus de temporalité. Daniel Dutrieux, un ami de Pierre Hebbelinck dit de lui, qu’il est « capable de rester en apnée durant des heures pour apporter de l’air à l’architecture. » Cette forme de métaphore sur la suspension du temps nous amène à une nouvelle forme de lenteur ou par extension de gestion du temps. Gilles Clément a écrit, sur cette réflexion, que « ralentir c’est donner à l’étirement du temps et de l’espace une valeur supérieure acquise par la contraction de l’espace et du temps.107 » Ralentir, adopter une gestion raisonnée du temps n’est donc pas forcément synonyme de ne rien faire, ou faire moins. C’est avant tout prendre conscience du temps que l’on consacre à une action, en faire le choix et être pleinement dedans. Etre dans ce que l’on fait, c’est aussi échapper à tout ce qui gravite autour et qui n’est pas utile pour cette action. Pour cela, Pierre Hebbelinck a son atelier. Une forme de microcosme, qu’il s’est créé pour échapper au reste. Il s’agit d’une formalisation spatiale de son espace de réflexion. Ce caractère singulier de la méthode de travail de cet architecte me fait écho à la notion d’hétérotopie initié par Michel Foucault. Dans une conférence donnée en 1967, intitulé des espaces autres, il définit les hétérotopies comme la localisation physique d’une utopie.108 Selon lui « chaque hétérotopie a un fonctionnement précis et déterminée à l’intérieur de la société et la même hétérotopie se met à fonctionner à plein, lorsque les hommes se trouvent dans une sorte de rupture absolue avec leur temps traditionnel.109 » On comprend alors, que ces espaces réels, ne sont définis comme tels qu’au travers de certaines conditions de réalisation. Il continue en expliquant, que « l’hétérotopie a le pouvoir de juxtaposer en un seul lieu réel, plusieurs espaces, plusieurs emplacements qui sont eux même incompatibles110». Cette dernière notion, permet notamment de faire de ces lieux des espaces qui hébergent l’imaginaire, des lieux de création d’autres espaces, comme une cabane d’enfant ou un théâtre.111 Il me semble que ce concept d’hétérotopie mis en place par Michel Foucault, ou tout du moins la définition que je m’en suis faite au travers de mes lectures, pourrait définir ce que Pierre Hebbelinck réalise au travers de sa méthode et notamment avec la mise en place de son lieu de travail.

106 duFond olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La cambre, bruxelles

107 cLement gilles, 2010, ralentir la ville.. pour une ville solidaire - un espace temps recyclable, golias,villeurbanne

108 FoucauLt michel,1984, des espaces autres (conférence au cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in architecture, mouvement, continuité, n°5, 109

ibid.

110

ibid.

111 coLLectiF etc, 2014, Les nouvelles villes nouvelles, France inter, emission de radio, 59min


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« choisir son temps, c’est l’épargner.»

PArtie sePt_OPen PAstA OPen KeBAB

BAcOn Francis

Intéressé depuis longtemps par l’agence L’Escaut, je pris le prétexte de cette recherche, sur l’importance du temps dans le processus de conception architecturale, pour tenter de rencontrer son fondateur, Olivier Bastain. Un mail plus tard, il m’apprend qu’il est de passage dans deux jours à Riom, en Auvergne, pour un oral de concours. Me voila donc le 20 septembre 2016, à la gare de Riom, dans l’attente du train de 12h27 en provenance de Paris Bercy, pour accueillir mon invité du jour Olivier Bastain. Nous nous sommes installés, au restaurant l’Antre 2, autour d’un plat du jour copieux. L’agence L’Escaut est une agence installé à Bruxelles, au 60 rue de l’Escaut, en plein coeur du quartier populaire de Molenbeek. L’Escaut se définit comme une coopérative d’architectes, un lieu de création et de production. « Pas de style ni de méthode type, nous développons des moyens particuliers pour apporter une réponse située et poétique à chaque projet.112 » L’Escaut c’est d’abord fait remarquer au début des années 90 par une travail fouillé et dans son implication dans les communautés du quartier où ils se sont installés. En effet un point important, que m’a rapporté Olivier Bastain, est qu’il trouve que le dialogue entre les architectes et les non architectes est quelque peu biaiser. « Ils nous voient comme des architectes, du coup ils nous demandent un banc ici, une école là, mais ils ne nous parlent pas de leur vie.113 » En réaction à cela, ils se sont donc lancés dans un processus de lecture du quartier au travers de réunions, de collages, de maquettes avec les enfants mais aussi avec les adultes du quartier. En est sorti alors, une étude urbanistique très riche, et la construction d’un terrain de jeux, espace manquant à ce moment là, dans Molenbeek. Cette capacité à dire au départ « attend, on va se poser et on va boire un bon verre ensemble114 », commun aussi à Patrick Bouchain et Lucien Kroll se retrouve dans le lieu de travail de cette agence.

112 agence L’escaut - philosphy http:// www.escaut.org/ philosophy/lescaut (site consulté le 17 septembre 2016)

113 bastain olivier, entretien le 20 septembre 2016 au restaurant l’antre 2 à riom

114

ibid.


Ces moments au départ sans but, décrit par Olivier Bastain, sont en réalité, des moments d’énorme richesse où chacun vient nourrir le projet de l’un et de l’autre. Ces OpenPasta ont réellement fait écho à ce que je vivais chez Y.architectes. Tous les midis, ou presque, étaient des moments où l’on mangeait ensemble. Ces discussions avaient lieu à l’agence ou même parfois, au restaurant turc tout proche. Ces moments étaient souvent des temps de débriefing sur les projets, sur les éventuels problèmes liés à l’agence ou non, mais aussi le moment d’accueillir d’autres personnes, non membres de l’agence, mais qui gravitent autour d’elle - des amis, des cotraitants, des voisins - . Ces moments de réunion de l’équipe me semblaient importants à exprimer ici. C’est aussi pour cela que je venais avec plaisir le matin et que lorsque l’on me demandait ce que je faisais à l’agence je répondais : « On mange ensemble tous les midis! » Dans le Bilan de l’intelligence, Paul Valery explique que « l’accélération semble s’infiltrer dans le processus de création, sous revers de bénéfice et d’économie (…) il faut savoir casser le temps, pour laisser la

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Dès le début, ils habitent un grand bâtiment industriel vacant au coeur du quartier et très rapidement, ils se demandent comment l’utiliser. Ils décident alors de n’occuper qu’un niveau du bâtiment et de laisser les autres niveaux à des résidences artistiques ou non. C’est ainsi que gratuitement, ils accueillent des associations du quartier, des troupes de théâtre en répétition ou encore des expositions d’artistes, dans leurs locaux. Cette ancienne usine devient donc un microcosme, une sorte de laboratoire multiculturel et pluri-disciplinaire. A l’instar de l’atelier de Pierre Hebbelinck, ce bâtiment regroupe alors tout le potentiel pour permettre à l’équipe de l’Escaut de densifier leur temps de réflexion. C’est un laboratoire de création partagée, leur hétérotopie. Parfois les résidences ne se passent pas très bien, les occupants n’arrivent pas à cohabiter, en effet le monde artistique est aussi un monde qui peut avoir du mal à discuter.115 « Ce n’est pas si simple et ce n’est pas tout le temps réussi!116 » Cependant, souvent, ces moments de rencontres sont des moments totalement privilégiés, de partages, entre les milieux de chacun.117 Ces moments ont souvent lieu sur les temps de midi, lors de ce qu’ils appellent les « manger ensemble ». Chaque midi un des résidents, dont les architectes, fait à manger pour l’ensemble de la communauté. A cela s’ajoute aussi un concept initié par Olivier Bastain : les Open-Pasta. Le temps d’un midi l’agence invite qui veut venir partager un repas et discuter de tout ce qu’il souhaite. Il s’agit de moments d’ouverture libre.118 Ainsi, se retrouve, les habitants du 60 rue de l’Escaut mais aussi d’autres architectes, d’autres professions ou bien encore des habitants du quartier. Tout part de l’idée qu’ils ont l’infrastructure possible pour accueillir ce genre de moment, même sans but, simplement pour partager quelque chose ensemble. Cependant il me confie, tout de même, que ce sont des événements qui prennent beaucoup de temps et d’énergie à l’agence, et qu’aujourd’hui, ce qu’il souhaite est plus de « bien soigner la cohabitation avec les résidents, dans cet espace de cristallisation, un peu magique, de la création.119 »

115 bastain olivier, entretien le 20 septembre 2016 au restaurant l’antre 2 à riom 116

ibid.

117

ibid.

118

ibid.

119

ibid.


76 PArtie sePt_OPen PAstA OPen KeBAB

ill. 31 affiche pour l’open pasta du 12 mars 2014 - http:// www.escaut.org/ informations/news/ open-pasta-dagoctober - site consulté le 17 septembre 2016 (crédit L’escaut architectures)

« Le printemps arrive, ne restez pas plantés là ! Join ons op 12 maart om 13u met een drankje om de winter samen te begraven. Let us know if you come ! venez rencontrer nos deux nouvelles recrues! prévenez nous et apportez leur à boire ! » L’escAUt ArcHitectUres, 2014, open pasta dag october (traduction :rejoignez-nous le 12 mars à 13h avec un verre, ensemble pour enterrer l’hiver. Faites-nous savoir si vous venez)

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Cette volonté de casser le temps et par la même occasion les habitudes d’une structure, c’est aussi ce que m’a rapporté Maïlys Gangloff et Johan Soubise, les deux instigateurs du projet Learning From Europa, rencontrés autour d’un café à Lyon fin septembre. Tout deux diplômés de design d’espace et très intéressés par l’architecture, ils décidèrent de se lancer dans le projet de partir à la rencontre d’une génération d’architecte, en Europe. Cela prend alors la forme d’un voyage au travers de 12 villes, et 45 interviews d’architectes. Cependant ils ne sont pas allés très loin pour se confronter à cette envie de changement, les agences Looking For Architecture à Lyon et Freaks à Paris travaillent notamment sur cette recherche. Dans un rythme de commandes assez soutenu de projets et de concours, ils cassent leur rythme de croisière par des projets de scénographie, plus compacts.124 Ils expliquent que cela leur permet de respirer sur leurs moments de conception. La scénographie leur apparait alors comme un moment plus frais et moins engagent dans des responsabilités lourdes sur un temps long.125 Ce moyen de rythmer la vie de l’agence permet de lâcher prise à certain moment. Cette envie de créer leur propre manière de travailler, c’est aussi ce que Petrokraka à Belgrade en Serbie leur rapporte. Quand un projet débute, ils posent les idées et les mettent de coté quelques jours dans un carton, pour enfin y revenir à la fin de la semaine. Cela leur permet d’avoir un regard plus neuf en redécouvrant leurs idées.126 Ce travail assez singulier et personnel permet de laisser au temps, le rôle de sélecteur d’idée. Si on ne pense plus à telle idée, alors qu’elle nous paraissait intéressante sur le moment, c’est peut être qu’elle n’en vaut pas le coup.127

120 vaLery paul, variété iii, 2002, Le bilan de l’intelligence, gallimard Folio essais, paris 122 gebe, 2004, L’an 01, L’association, paris

123 duFond olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La cambre, bruxelles

124 gangLoFF maïlys, soubise Johan, entretien le vendredi 23 septembre à la La bicycletterie au sujet de leur projet Learning From europa 125 ibid.

126

ibid.

127

ibid.

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sensibilité s’exprimer.120 » D’un point de vue plus radical, c’est ce que propose Gébé dans l’An 01, « On arrête tout, on réfléchit et c’est pas triste !122 » Il s’agit d’un scénario décalé, d’abandon utopique de l’économie de marché et productiviste. Le projet prévoit de tout arrêter et de ne réactiver, seulement, ce dont le manque est inévitable. Utopique oui, mais c’est ce qu’à tout de même faitau débt des années 2000, la province d’Iwate au Japon. Alors en plein dans une crise due à la fermeture des usines et à l’exode rural, le gouverneur de l’époque s’est fait élire en vantant une politique totalement opposée à la frénésie de Tokyo et fondée sur un abandon des concepts de vie alors mis en place. Aujourd’hui, cette province met l’accent sur le tourisme vert et les énergies renouvelables et semble être sortie de la période de crise, dont elle était victime. Si l’on revient à l’architecture, une fois la machine d’une agence lancée, un arrêt total serait trop radical mais à l’inverse, ne rien faire aussi. La question d’une remise en question de l’activité et d’un questionnement progressif n’est pas à exclure. Ces moments ou périodes de latence favorisent une réflexion sur la pratique de l’architecture.123 Par exemple, le moment de latence de l’écriture de mon mémoire, qui d’ailleurs n’est pas une période d’inactivité, au contraire, me permet cette prise de distance et cette remise en question de ma pratique. Néanmoins, ces questionnements trouvaient aussi leur place au travers des discussions que l’on pouvait avoir les midis. Ces Open kebab étaient alors le moment pour moi de casser le temps.


78 PArtie sePt_OPen PAstA OPen KeBAB

C’est aussi ce que fait l’agence Collectif Encore heureux à Paris. D’un coté il s’agit d’une agence assez classique, ayant une pratique de réponse à des commandes, avec tout de même une attention particulière portée sur l’habiter et le développement durable. Cependant Nicola Delon et Julien Choppin, en parallèle, posent sur le papier plusieurs idées et les font germer au fil des années. Leur concept de réemplois, qui les a fait connaitre récemment au travers d’une exposition au Pavillon de l’arsenal, matière Grises, et d’un pavillon sur le parvis de la mairie de Paris, le Pavillon Circulaire, s’est lui aussi contruit dans le temps. Petit à petit, au travers d’écrits, de petits projets, ils ont nourrit cette idée jusqu’au jour où elle était assez importante pour être présentée et par la suite réintroduit dans le circuit classique de projet.128 On remarque que cette agence a donc deux vitesses. Ils vont même plus loin en ayant séparé ces deux parties, dans deux structures distinctes. C’est ce que Nicola Delon explique à la fin de sa conférence au Sucre à Lyon en février 2015, « derrière le mot de collectif, il est intéressant parce qu’il n’a pas de définition, (…) pour faire un bâtiment d’architecture, il y’a une SArL et pour les projets de recherche il y a une association qui apporte un peu plus de légèreté.129 » On comprend alors que cette structure travaille dans un équilibre, certes fragile, entre des projets de prospective et des projets de maitrise d’oeuvre classique, où chacun vient nourrir l’autre, conceptuellement mais aussi financièrement, comme des vases communicants. Ce qui me semble intéressant dans ces trois exemples singuliers, d’exercice de la profession, est la question de l‘invention de leur propre manière d’exercer et avec cela leur propre manière de gérer le temps. Il me semble que cette génération d’architecte, notre génération d’architecte, se trouve dans un moment charnière entre un fonctionnement classique de la pratique du métier, et l’invention de notre propre manière de faire. Cette recherche passe aussi par une volonté de prise de plaisir, pendant la pratique de son activité. Cet abandon de la recherche de l’achèvement immédiat, et la volonté d’innovation continue de la manière de faire, ne nous pousse pas, il me semble, à accélérer le processus mis en place, mais au contraire à se trouver dans une gestion raisonnée du temps.

128 gangLoFF maïlys, soubise Johan, entretien le vendredi 23 septembre à la La bicycletterie au sujet de leur projet Learning From europa

129 deLon nicola, 2016, conférence urbs #08 encore heureux. L’exploration de la condition urbaine, Le sucre Lyon


DeLOn nicola, 2016, conférence urbs #08 - encore heureux. L’exploration de la condition urbaine, Le sucre Lyon 130

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« quand vous sortez de l’école vous avez trois options : - soit vous avez une famille qui vous entretient et puis vous allez pouvoir passer plusieurs années en attendant un projet. - soit vous allez dessiner dans une agence mais vous allez vous retrouver à rien choisir. - soit vous inventez votre propre accès à la commande, parce que tout d’un coup vous avez un regard, une vision, et vous allez voir des élus, des entreprises et vous leur proposez un projet. bien sur on a choisi la troisième option. »



partie huit experimeNtatiONs eN cOurs …


80 PArtie HUit_exPerimentAtiOn en cOUrs...

ill. 32 photographie de l’outil de travail mis en place pour le pFe pour le développement de la comunication (crédit photo pierre barbet)


J’ai ensuite terminé mes études d’architecture par un Projet de Fin d’Étude. J’ai fait le choix de travailler avec deux amies, Agathe Revil-Signorat et Camille De Gaulmyn, ayant la même envie et le même engagement que moi dans les débats, qui nous ont annimé pendant près d’un an. Ensemble, nous avons fait le choix de travailler sur le site de l’Esplanade, à l’entrée de la ville de Grenoble. Cela impliquait aussi de se rapprocher de l’équipe enseignante de Grenoble, mais des relations avaient déjà été tissées au travers du master partagé en master 1. Ensemble, nous avons essayé de pousser la dynamique de travail, vers une problématique plaçant au coeur du projet, l’innovation, mettant l’expérimentation au service des habitants et du projet d’architecture. Dans ce fragment de ville, en plein débat aujourd’hui sur son renouvellement urbain, nous avons tenté de proposer un projet urbain et architectural global, s’appuyant sur une analyse poussée du site, autant climatique que sociale, jusqu’à

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Architecte diplômé d’état depuis juin 2015, mon cursus en école d’architecture a été marqué par des enseignements différentes et écoles multiples. J’ai débuté mes études à Paris, à l’école de Paris la Villette. La pédagogie particulière de l‘école et les opportunités qui m’ont été offertes, m’ont permis de m’ouvrir rapidement à de nouvelles préoccupations, notamment l’importance d’un travail en groupe mais aussi un goût prononcé pour l’expérimentation. J’ai eu la chance de travailler pendant deux ans, avec un vidéaste québécois, Emmanuel Licha, qui place l’expérimentation et la ville au cœur de ses travaux. J’ai aussi travaillé avec lui sur mon mémoire de licence, sur une problématique qui visait à s’interroger sur l’omniprésence de l’enseignement du projet dans les écoles d’architecture. Guidé par ces préoccupations, et ne trouvant pas les questionnements environnementaux qui commençaient à émerger dans ma réflexion, j’ai changé d’école pour celle de Lyon, dans le but de pouvoir intégrer le master Architecture et Culture Constructive. De part ce choix, j’ai pu expérimenter des constructions à échelle « un » aux Grands Ateliers de l’Isle d’Abeau. Par la suite, j’ai effectué un semestre, en partenariat avec l’école d’ingénieur de l’INSA de Lyon. La particularité de ce projet, résidait dans la collaboration au sein d’une équipe, entre quatre architectes et trois ingénieurs. Déjà sensibilisé à ces domaines techniques de part ma curiosité et mes choix d’enseignement, j’ai d’autant plus saisi, au travers de ce semestre, l’importance d’un travail décloisonné. Nous avons trouvé en face de nous trois ingénieurs ouverts, curieux et motivés par l’architecture, autant que nous quatre, architectes, nous l’étions sur l’ingénierie. Cela a permis une grande synergie, qui nous a poussé à faire émerger une projet complet, autant sur les questions sociales, de territoire, que techniques et architecturales. Tout au long de notre travail, nous avons toujours cherché, à débattre de chaque décision, tous ensemble. Cette volonté assez chronophage, a cependant permis de créer une équipe d’architecte-ingénieur et non pas deux équipes travaillant ensemble. Les architectes trouvaient des solutions techniques sur le projet, alors que les ingénieurs apportaient aussi des solutions architecturales.


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une faisabilité technique avancée. Le principe de base était de rendre possible et plausible ce projet, tant pour les habitants que pour les techniciens. Nous nous sommes alors appuyés sur un renouvellement organique du quartier, supporté par les habitants, mais aussi par le site en lui même. Préoccupés par la question du confort de l’habitant dans son logement mais aussi par les problématiques environnementales, nous nous sommes intéressés aux méthodes alternatives de régulation du confort intérieur des logements. Nous avons notamment développé un système de ventilation naturelle des logements, basé sur un des atouts du site, le vent. Le système prend alors la forme d’un double mur, qui créé un effet venturi, qui guide l’air neuf à l’intérieur des logements, pour un renouvellement de l’air, et un rafraichissement en été. En hiver, un mur trombe s’ajoute dans la boucle de fonctionnement, permettant à l’air entrant dans le logement d’être préchauffé. Nous nous sommes alors efforcés, là encore, de rendre possible le système, notamment face aux questions de pollution de l’autoroute proche, ainsi qu’au véritable apport, que pouvait permettre le gain de chaleur du mur trombe. Pour cela, nous avons été aidés par Karine Lapray, du bureau d’études environnemental Tribu, mais aussi par la formation d’ingénieur d’Agathe et Camille. En effet, en plus de cette année de diplôme, nous partagions chacun notre temps avec une autre activité. Agathe et Camille étaient en double cursus architecte ingénieur à l’INSA de Lyon, ce qui impliquait de nombreux cours, réduisant notre temps de travail. Quant à moi je travaillais deux jours par semaine à l’agence Y.architectes. On remarque, que l’ensemble de mes choix, dans le cadre de mes études mais aussi dans mes activités extérieures, est guidé par la curiosité et une recherche d’un décloisonnement des pôles de connaissances. Bernard Deprez a écrit un court texte sur cette idée, que lui appelle « démarche intégrative.131» Pour lui, cette forme de travail pose la question de la notion d’autorité. L’architecte entretient un rapport avec le dessin et la paternité du projet. Le maitre d’ouvrage lui est la personne de l’initiative et de l’apport financier. Les ingénieurs forment la raison technique. L’administration générale impose elle le respect des lois et des règlements. Alors dans toutes ces logiques en concurrence, qui semble alors légitime pour assurer la gouvernance ? Pour Bernard Deprez, « cette question fait partie des fameux "problèmes sans solution" et l’approche collaborative permet de la déplacer vers celle de la cohérence d’un projet en cours d’objectivation, dont le processus est lui-même une des garanties de réussite. »132 On comprend alors qu’il ne s’agit pas réellement d’une méthode de travail mais plus d’un état d’esprit à adopter, pour ainsi replacer le projet au centre de la question. Cette recherche de manière de faire, que nous avons essayé de mettre en place durant nos études, je n’ai pas su la retrouver en agence. En effet, nous travaillons sur chaque projet avec une équipe de cotraitant, ingénieurs fluide, ingénieurs structure, économistes. Cependant, même si l’on appartenait à une même équipe, nos considérations n’étaient pas forcément les mêmes. Tout au long du projet, les ingénieurs se plaçaient alors dans une position d’attente de notre travail, pour

131 depreZ bernard, 2005, Les cahiers de la cambre n°4, eco-logiques Les bénéfices de l’approche environnementale - démarches intégratives, La cambre

132

ibid.

ill. 33 maquette du projet de pFe - Zoom sur le principe de ventilation naturelle des logements ailettes d’entrée d’air (crédit agathe revilsignorat, camille degaulmyn et pierre barbet)


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ensuite pouvoir faire le leur, une fois et ne pas recommencer à chaque modification. Je peux concevoir que leur charge de travail est différentes de la notre, qu’ils travaillent sur plus de projets à la fois, comme leur travail peut être ponctuel sur chaque affaire. Néanmoins ayant vu la richesse que pouvait apporter une collaboration effective, entre les corps d’état, je trouve cela réellement dommageable pour le projet. La valeur ajoutée qu’aurait pu permettre un travail continu et réel de ces bureaux d’études, n’est pas à prouver. Je fait référence ici à l’histoire de l’architecture, qui prouve la richesse que peut apporter cette association, et que l’on retrouve dans des bâtiments exemplaires comme le Centre Pompidou à Paris, pour n’en citer qu’un.


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Dans son ouvrage, Bernard Deprez décompose l’organisation d’un projet en trois possibilités. Tout d’abord, il propose le modèle intégral, qui pousse selon lui au totalitarisme. L’architecte redessine le monde, sur une grille où chaque chose a sa place, « un peu de tout et tout le monde est content.133 » Le deuxième modèle est le modèle corporatiste, qui conduit alors à la tyrannie. L’architecte est en haut de la pyramide et assure une vision totale, entrainant une architecture singulière reconnaissable d’un personnage.134 Le troisième et dernier modèle possible, est alors le modèle pragmatique. Fondé sur la négociation, il s’agit alors d’un système horizontal et en réseau. Le projet se formalise alors en chemin à partir des relations qu’il rencontre, et émerge alors sous une forme plus ou moins inattendue. « En confrontant le projet à ce qui n’est pas architecture, c’est bien sa propre cohérence que l’on met à l’épreuve, mais cette cohérence n’est pas une hypothèse que l’on pose au départ, mais plus une résultante du processus de projection.135 » C’est ce troisième modèle qui faisait fois dans la démarche mise en place pendant mes travaux universitaires, en association avec des ingénieurs. Notamment, quand eux faisaient émerger des solutions architecturales et inversement. Les deux premiers modèles ne peuvent pas interroger, après coup, ce qui fondent leur autorité. Il s’agit alors soit d’un consensus plat et démagogique pour le premier ou une lubie d’un seul homme pour le deuxième. Le troisième modèle suppose un processus, qui ne propose pas une autorité initiale définie, mais quelque chose qui se construit. Accepter les impasses, les imperfections et laisser une place à l’inattendu, sont des concepts extrêmement riches mais aussi extrêmement insécurisants. A cela je fait référence à la partie sur la relation au maitre d’ouvrage et la déconstruction de la question, expliquée plus haut. Il me semble cependant qu’aujourd’hui, cette approche est inévitable. De plus, il me parait important de pas voir la construction de ce processus comme une fin en soit. Aujourd’hui, très peu sont les architectes qui retournent sur leurs projets, après quelques années de vie. Y.architectes ne fait pas mentir cet état de fait. Cependant, le cycle de vie du bâtiment fait totalement partie du projet et d’autant plus dans la mise en place d’un approche environnementale.136 Cependant, comme le dit Bernard Deprez, « cela implique aussi de prolonger les phases de conception et de réalisations par une phase de suivi du bâtiment137 », un retour d’expérience. Cela permet notamment d’apprendre des erreurs et ne pas être, par la suite, dans la tentation de refaire ce qui à déjà été fait. Cela fait partie de la notion d’expérience introduite précédemment. Pour illustrer cela, nous pourrions montrer que la démarche collaborative - environnementale - pourrait alors prendre la forme d’une double boucle. La première est la boucle de l’équipe de conception, dont le processus de travail fait émerger un projet et la seconde est l’ensemble des retours d’expériences qui conduisent à nourrir les nouveaux processus de conception.138 Les deux boucles sont alors imbriquées. Seulement, il s’agit d’une démarche volontaire et fragile, que peu de structures mettent en place.

133 depreZ bernard, 2005, Les cahiers de la cambre n°4, eco-logiques Les bénéfices de l’approche environnementale - démarches intégratives, La cambre 134

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ill. 34 schéma de la double boucle de projet (crédit pierre barbet)


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Le système coopératif, intégratif ou collaboratif, peut importe la dénomination que l’on en fait, reste toujours synonyme d’une certaine précarité et positionnement politique. En France, dès que l’on parle de coopératif, on se retrouve plongé dans le Larzac à élever des moutons. Or, certaines structures, tentent tout de même de mettre en place des systèmes viables économiquement, tout en ayant la conviction profonde que l’architecture ne peut pas se faire sans ce caractère humaniste. Un bâtiment est d’abord un lieu à vivre, par conséquent, le processus de conception qui mène à ce dernier, se doit être la traduction de cette richesse, de dialogue permanent.139 Aujourd’hui, lorsque L’Escaut répond à un concours, Olivier Bastain et son équipe, tente d’introduire d’autres corps de métier au sein de l’équipe de maitrise d’oeuvre, non attendus par le maitre d’ouvrage. Par exemple, pour la construction du musée de la photographie à Charleroi (BE), ils ont associé un anthropologue dans l’ équipe. Il m’explique alors que le rôle de l’anthropologue ici, a été de faire parler les habitants sur leur manière de vivre. Les habitants se confiant plus facilement à quelqu’un qui n’a pas la casquette d’un architecte.140 Sur un autre exemple, pour le travail sur une église à Bruxelles, ils se sont engagés avec une artiste travaillant sur la lumière - qui au final n’a pas réussi à sortir quelque chose pour ce projet - mais aussi et surtout avec un ancien aumônier. Il a débuté le travail de l’équipe, par l’écriture d’un texte pamphlétaire sur ce que représentait pour lui, aujourd’hui, le lieu de culte de l’église. De cela, en a découlé le dessin d’un lieu ressemblant plus à, ce que l’on appelle aujourd’hui, une maison de quartier, qu’à un lieu religieux.141 Du moment que les exigences du concours sont remplies, dans la constitution d’une équipe, rien empêche le mandataire de s’adjoindre de compétences complémentaires, dans le but d’élargir la pensée, comme pour ces deux exemples. Même si tout le bureau ne semble pas en accord avec cette envie, à force « de s’être pris des coups dans la gueule », Olivier Bastain me rapporte tout de même, qu’il reste convaincu que cela permet de casser les habitudes de l’agence et de créer une dynamique inhabituelle bénéfique au projet d’architecture.142 L’Escaut n’a pas toujours été une coopérative d’architecte. Ce n’est qu’en 2008, après presque 20 ans d’exercice qu’Olivier Bastain et ses associés ont décidé de formaliser leur manière de travailler en une structure juridique adaptée, transformer alors la société unipersonnelle en société collaborative.143 Ce moment a coïncidé, avec la nomination d’Olivier Bastain en tant que Bourgmestre de la région de Bruxelles capitale. Cette mission, qui pourrait s’apparenter à celle d’un architecte conseil en France, suppose une forte implication de l’architecte dans les organes politiques et une forte proximité avec les maitres d’ouvrages dans la mise en place de projets d’architecture. Un déplacement du métier premier d’Olivier Bastain, pendant un mandat de cinq années. Cette refonte du sytème de la société, ajoutée au pas de coté momentané du gérant, ont permis à tous les membres de l’Escaut de se positionner.144 Même si globalement la philosophie de l’agence n’a pas changé, c’est la manière de faire qui elle, a été modifiée. Au moment du changement de forme, l’ensemble des

139 bastain olivier, entretien le 20 septembre 2016 au restaurant l’antre 2 à riom

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membres a défini les statuts et le règlement de la coopérative. Les principes de base sont assez simples. Ils sont tous dans une recherche d’horizontalité de la structure et de transparence totale. La où, dans certaines structures, l’opacité permet au dirigeant d’entretenir un certain pouvoir lors des moments de crises, ici, en transparence, tout le monde assume. Pour cela, un travail énorme a été fourni dans la création d’outils de gestion. Chaque année, des administrateurs sont élus et constituent alors la gérance de la structure. Ainsi ont été mis en place les Pow Pow. Il s’agit de réunions hebdomadaires dont l’objectif est de toujours mobiliser toute l’équipe, sur tous les projets.145 Au départ, avant la coopérative, ces réunions servaient surtout à la discussion des projets, mais au fur et à mesure de la mise en place de la nouvelle structure, ces réunions ont de plus en plus servi aux questions de gestion globale de la société, comme les ressources humaines. Des outils plus techniques ont aussi été créés, comme des tableurs informatiques centralisant tous les règlements financiers, regroupant les entrées et les sorties et avec cela le descriptif de tous les salaires.146 Cette forme de coopérative n’est pas forcément simple à mettre en place et surtout à conserver. Des moments de tension sont souvent observables et des jeux de pouvoirs humains se mettent en place.147 Mais la philosophie présente ici est forte. Elle s’apparente plus à une vision d’une coopérative démocratique, proche de celle que l’on trouve dans les campagnes d’Amérique latine. Il ne s’agit alors pas d’une recherche d’enrichissement personnel et de capitalisation, mais du principe de base qui est de continuer ensemble. « Ceux qui amènent une petite brindille, sont tout aussi importants que ceux qui construisent une maison pour la communauté.148 » J’ai conscience que cet équilibre est fragile, mais à Bruxelles, cette forme de structure semble ici fonctionner, où chacun a finalement trouvé sa place et laisse place aux nouveaux arrivants, avec plus ou moins de difficulté. Est ce que cette forme est un cas isolé, rendue possible grâce au personnage d’Olivier Bastain, ou est-ce possible ailleurs ?

145 bastain olivier, entretien le 20 septembre 2016 au restaurant l’antre 2 à riom

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La question de la forme d’entreprise est aussi fortement liée à celle de la manière de travailler et donc du management. Le management est une discipline qui a pour vocation la planification, la direction et le contrôle d’une organisation afin qu’elle atteigne ses objectifs. De nombreuses théories et forme de management ont été énoncées dans la littérature et expérimentées dans l’industrie, comme par exemple le taylorisme dans l’automobile. Mais ici une forme particulière de management, assez récente, pourrait se rattacher à ce qui à été mis en place chez L’Escaut. Il s’agit de l’adhocratie. Il s’agit en réalité d’un néologisme, provenant du terme ad hoc_ - Se dit d’une personne compétente, parfaitement qualifiée pour la tâche qu’on lui confie - et de _cratie - suffixe qui sert à former un nom, en rapport avec un pouvoir.149 - Ce terme alors formé est utilisé pour « désigner une configuration organisationnelle qui mobilise, dans un contexte d’environnements instables et complexes, des compétences pluridisciplinaires, spécialisées et transversales, pour mener à bien des missions précises.150» Derrière cette définition, certes un peu complexe, se trouve en réalité, un système qui respecte le moins les principes classiques du management. Ces principales caractéristiques, sont une spécialisation des taches, selon un cadre horizontal et une tendance à regrouper les professionnels dans une multitude de petites équipes, qui forment des unités fonctionnelles.151 Il s’agit ici d’un fonctionnement matriciel, où la question d’un ajustement mutuel de chacun est très présente. On comprend alors, que dans ce type de structure une part importante de la gouvernance est offerte aux salariés, une forme de décentralisation de l’autorité. Ce basculement permet notamment de rendre les acteurs réellement impliqués et autonomes, et de réduire les longues de boucles de contrôles. Chaque acteur a l’expertise de ce qu’il fait. Longtemps la place de l’humain a été oubliée dans les différentes formes de management mais l’adhocratie, au même titre que les entreprises libérées semble vouloir renverser cela. Tout cela, nous pousse à nous faire comprendre, qu’un lien fort existe entre la productivité et le bien être au travail.152 En effet, la capacité d’initiative, l’intéressement dans le développement de la société ou encore les cadres de travail ont une influence positive sur la manière de travailler et donc sur la production. Un basculement entre « on va au travail » vers un « on va travailler ensemble.153 » Il s’agit alors d’une théorie qui tente de replacer le salarié comme un individu à part entière. « Il faut leur faire confiance, s’il adhère à la philosophie de l’entreprise cela suffit.154 » Dans le droit français des entreprises, une forme particulière de société semble permettre la mise en place cette vision managériale : la Scop. La Scop, ou Société Coopérative Ouvrière de Production est une société coopérative, qui peut être constituée sous la forme d’une société anonyme (SA) ou d’une société à responsabilité limité (SARL).155 La principale particularité de cette société est de n’avoir que des salariés. En effet, l’ensemble des acteurs de cette société sont des salariés, ou des salariés associés, c’est à dire qu’ils ont une participation au capital social de l’entreprise.156 La Scop est une forme de société

149 mintZber henry, 1982, structure et dynamique des organisations, editions d’organisation 150 ibid.

152 bismuth denis, 2005, Les 7 points qui différencient une entreprise libérée d’une organisation classique, harvard business review 153 heutte Jean, 2005, tic, éthique et management : adhocratie, empowerment et énovation 154 bastain olivier, entretien le 20 septembre 2016 au restaurant l’antre 2 à riom 155 Les scop qu’est ce qu’une scop, site web http://www.les-scop. coop/sites/fr/lesscop/qu-est-cequ-une-scop.html (site consulté le 15 octobre 2016) 156

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Au même titre que le partage des décisions, est mis en place un partage du profit équitable. On retrouve alors trois parts, une part pour tous les salariés sous forme d’intéressement, qui généralement constitue 45% des bénéfices, une part pour tous les associés sous forme de dividendes calculée sur la base de leurs pourcentages de part dans le capital social, qui est au maximum de 33% et une part pour les réserves de l’entreprise pour contribuer à son développement.160 Cette pratique à deux engagements. En premier lieu, le principe même de la Scop est de reverser aux salariés le fruit de leur travail, d’où la part importante laissée aux salariés. Le second est fiscal. En effet la Scop est comme toute autre société, assujettie à l’impôt sur les sociétés, mais elle est exonérée d’impôt pour les bénéfices distribués aux salariés, et sur les réserves - si un accord de participation dérogatoire a été signé et que le montant équivalent est alors investi dans les 4 ans -. Cette dernière exonération permet donc à l’entreprise d’assurer sont développement.Cela vient aussi du fait, que ces Scop sont à l’origine ouvrières, et cette part est alors investie assez rapidement - moins de 4 ans- dans le développement tel que des machines ou des locaux de travail. A aucun moment, le basculement de cette réserve vers les capitaux propres de l’entreprise, qui viserait à valoriser l’entreprise d’un point de vue capitaliste, ne peut être intéressant. En effet la Scop se situe dans un autre état d’esprit, il n’y a pas de plusvalue sur les parts du capital social. Les valeurs de ces parts, dans une coopérative, sont figées à leurs valeurs d’acquisition. La philosophie ne se trouve pas alors dans une volonté de

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au capital social variable, c’est à dire que lorsqu’un associé rentre dans l’entreprise, il prend part à la société et augmente ainsi le capital social. A l’inverse lorsqu’il se retire, il récupère sa part nominale réduisant ainsi le capital social. Tous les salariés ne sont pas forcément des associés, mais ils ont vocation à le devenir.157 Cependant, dans une Scop, c’est obligatoirement plus de 51% du capital social et 65% des droits de votes qui sont détenus par des salariés associés. Ainsi, un salarié associé ne peut pas détenir plus de 50% du capital social, il sera au minimum partagé par deux salariés associés. Dans une Scop en architecture, le nombre minimum d’associés salariés, dans la société, est de deux architectes, et un architecte ne peut pas détenir plus de 50% des parts. Ce type de société peut aussi avoir des associés investisseurs extérieurs à l’entreprise.158 L’assemblée constituante des associés élit alors, un ou plusieurs, gérant qui assure la gérance pour une durée maximale de quatre ans. Cette gérance est alors aussi aidée par, un conseil de surveillance, qui a pour mission, de contrôler la gestion de la société. Dans l’ensemble des assemblés, chaque associé dispose d’une voix, quelque soit sa part dans le capital social. De plus, même si la décision finale appartient à la gérance élue, il est rare qu’elle arbitre en sens inverse de l’assemblée. Il s’agit alors de décision en consensus.159 Comme tous les salariés ont vocation à avoir des parts dans la structure, la gestion se doit d’être la plus transparente possible. Ce partage équitable permet aussi un partage des responsabilités, le risque devient alors collectif.

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158 scop sarL d’architecture, ordres des architectes, http:// www.architectes. org/scop-sarldarchitecture (site consulté le 15 octobre 2016)

159 entretiens d’agathe revilsignorat avec Karine Lapray dans le cadre de son stage et pour la rédaction de son retour d’expérience de stage pour l’insa Lyon, octobre 2016

160 scop : société coopérative ouvrière de production, article web https://creationentreprise.ooreka. fr/comprendre/scop (site consulté le 15 octobre 2016)


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rentabiliser le capital investi mais bien pour exercer en commun un métier.161 Ce principe permet donc un réinvestissement direct des réserves dans le développement. Cependant, dans le cas d’une société d’architecture, les besoins en terme de biens matériels sont relativement limités. Cette réserve, pourrait alors permettre de mettre en place une trésorerie solide en cas de difficulté de l’entreprise, comme cela peut être assez couramment observé dans les petites structures d’architectures. En cas de stabilité de l’entreprise, cette part pour les réserves, pourrait alors être placée à son seuil minimum de 25%, laissant une augmentation de la part reversée aux salariés. Enfin d’un point de vue des assurances professionnelles, la société d’architecture en Scop au même titre que la Sarl d’architecture est la seule civilement responsable des actes professionnels engagés.162 Cette forme de société singulière plait. Depuis 2007, c’est presque 200 nouvelles Scop, tout corps de métier confondu, qui voient le jour tous les ans par création, reprise ou transmission d’entreprise.163 Le bureau d’étude Tribu164, spécialisé en qualité environnementale dans les secteurs du bâtiment et de l’urbanisme, a fait notamment le choix de former une Scop pour ses deux structures, de Lyon et Paris. A l’origine, Tribu est une Sarl, assez commun dans le paysage juridique français, mais récemment cette structure est passée sous le titre de Scop - Arl. Tribu avait toujours fonctionné de manière horizontale. Cependant, la Scop a permis de formaliser cela.165 Il n’existe pas d’organigramme hiérarchique. Seule est nommé la gérance, ainsi que les employés destinés à assurer des fonctions administratives et règlementaires. Là encore, au même titre que L’Escaut, la difficulté mais aussi la richesse, a été de mettre en place des outils de management propres, adaptés à cette forme de société. Il y a alors deux formes d’outils. Premièrement, la création des Conseils de Gestion Participative. Il s’agit de réunion ayant lieu trois fois par an, en plus de l’assemblée générale, et sont alors présents tous les salariés, associés ou non. Un référent par thématique présente et soumet au débat, un sujet et de la est mis en place des fiches techniques à destination de l’ensemble de l’entreprise.166 Pour Karine Lapray, gérante de la structure de Lyon, il s’agit d’un mode de fonctionnement très intéressant mais relativement énergivore et chronophage en temps de discussion.167 Ensuite, un second outil, et un partage de données par tous, sous la forme de tableurs, liste d’opérations, plan de charge. Cela permet à la gérance mais aussi à chacun d’avoir une vision sur ce qu’il se passe dans la société, et d’être conscient du travail à effectuer, du temps que cela va prendre, mais aussi de la rémunération par rapport au temps investi.168 Chaque salarié, apparait alors sur un même plan et sait pour quoi il travaille. Chacun est alors multitâches. Ces deux types d’outils étaient aussi repérables chez L’Escaut au travers des Pow Pow et des tableurs partagés. La Scop est une forme de management par la confiance, valorisant pour chaque salarié. Alors peu répandu aujourd’hui, cette philosophie tend à se mettre en place de plus en plus, malgré l’aspect

161 alternative économiques, 2007, Les sociétés coopératives ouvrières de production (scop) - article Web (site consulté le 14 octobre 2016)

162 scop sarL d’architecture, ordres des architectes, http:// www.architectes. org/scop-sarldarchitecture (site consulté le 15 octobre 2016) 163 Les scop - idées reçues sur les scop, site web http://www. les-scop.coop/ sites/fr/les-scop/ idees-recues.html (site consulté le 15 octobre 2016) 164 tribu est un bureau d’études spécialisé dans l’approche du développement durable appliqué aux bâtiments et aux projets urbains. il regroupe des ingénieurs, architectes et urbanistes, généralistes du bâtiments ou spécialistes des différentes thématiques concernées : climatique, énergétique, thermique, éclairage, ventilation (naturelle), matériaux, déchets…, http:// www.tribuconcevoirdurable.fr/ qui-sommes-nous/ qui-sommes-nous. html (site consulté le 15 octobre 2016) 165 entretiens d’agathe revilsignorat avec Karine Lapray dans le cadre de son stage et pour la rédaction de son retour d’expérience de stage pour l’insa Lyon, octobre 2016 166 ibid. 167

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chronophage des modes de décisions. Créer une société est pour moi le moment de choisir de travailler ensemble, en mutualisant des compétences, des outils, des moyens. La Scop apparait alors, comme la bonne forme pour réaliser ce genre de projet, dans sa manière de placer l’humain, au centre de la question du management. En inventant notre propre manière de faire, au travers de la création de ces outils, nous pourrons alors les faire évoluer en fonction de nos désirs. « Si tu te perds, il faut avoir un bon ami qui te critique.169» Avant tout, il s’agit d’une démarche globale. Dans un moment et un métier, où l’on nous sollicite pour questionner la société dans son ensemble, ce questionnement passe alors d’abord par la manière de travailler. La première expérience de management adhocratique à été pour moi l’année de diplôme. En effet, nous étions tous les trois amis, donc aucune hiérarchie au départ n’était possible pour nous. Tout était alors débattu et décider collectivement. Petit à petit, la confiance s’est installée et l’on a appris à concéder mais aussi à s’affirmer. Chacun ayant son histoire, la discussion était possible et le consensus aussi, même si cela prend plus de temps. Le consensus ne visait pas quelque chose de plat mais au contraire la richesse des débats d’idées, amenait le projet à une forme insoupçonnée, bien plus complète. La manière de faire s’est peu à peu transformé en, ce que Olivier Bastain appelle, «un lieu de rendez vous, où l’on dépose son savoir et où quelqu’un prend le relais.170 » C’est le principe de gouvernance collective que nous avons cherché à mettre en place, dans l’idée que l’on avait la capacité à se stimuler mutuellement, pour toujours aller plus loin. Nous avons aussi, pendant cette année, passé énormément de temps à mettre en place nos propres outils de conception et surtout au niveau de la communication. Inventer nos propres moyens de communication, notre propre manière de fabriquer, de travailler à été pour moi une des clés de cette année là. En Mai 2016, j’ai intégré le collectif La Fuite à Grenoble, créé depuis 2015 par des amis de l’ENSAG. Chacun ayant des pratiques professionelles chargées, les actions et les réunions du collectif apparaissent comme des parenthèses dans notre activité quotidienne. Cependant, on remarque que le fil déployé par le collectif dans le temps, vient à la fois nourrir notre pratique en agence mais aussi toutes nos autres réflexions, comme pour ce mémoire par exemple. Là où cette expérience tient sa place dans cette partie, c’est aussi qu’elle offre un oppotunité de mettre en commun des idées et de créer nos propres outils de travail. Une forme de première expérience de gestion de structure. Cette mise en place en commun, dès le début, de principe de communication et de vie d’entreprise, me semble être aussi une des clés de réussite de la création d’une société, et d’autant plus dans une Scop. En effet, les jeux de pouvoir qui peuvent se mettre en place dans le développement d’une entreprise ne sont pas inévitables. C’est pour quoi la mise en place de règles du jeu, dès le début, est très importante. Le démarrage nécessite une réflexion sur toutes les éventualités de la vie d’une entreprise, en corrélation avec la vie des personnes - mariages, naissances, achat de maison - dans le but de discuter ensemble de la démarche à suivre, si les cas se présente. Le temps de ce genre de discussion

169 coLLectiF etc, 2015, Le détour de France - une école buissonnière, editions hyperville

170 bastain olivier, entretien le 20 septembre 2016 au restaurant l’antre 2 à riom


Ayant autour de moi plusieurs personnes en création d’entreprise et discutant à de nombreuses reprises de leur possibilité de monter une Scop, la réponse récurante et la difficulté de viabiliser financièrement dès le début une Scop. En effet, comme les associés auraient le statut de salariés dans une Scop, un bon nombre de charges sociales s’abattent alors sur leurs rémunérations, à l’inverse de la SARL, où les associés auraient alors le statut de cadre. Cependant, même si les débuts peuvent être plus compliqués, il me semble que la Scop permet d’adopter une démarche de travail en accord avec l’éthique mise en place dans les projets. C’est pourquoi, même si la SARL pourrait permettre la mise en place d’une démarche horizontale et n’empêcherait pas l’introduction de nos propres outils de travail et de management, il est important de garantir cela au travers d’une Scop.

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est long, et ne peut pas être totalement défini tant que l’entreprise ne rencontre pas ce genre d’événement, mais elle pourra alors servir de base à la discussion, aux moments venus, et limiter ainsi les prises de pouvoir potentielles. En effet, la Scop est une forme de société très intéressante et je pense très enrichissante dans la manière de faire mais elle nécessite une attention particulière sur les personnes avec qui elle se met en place.



cONclusiON


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ill. 35 cadeau dessiné par mes amis et collègues pour mon pot de départ en Juin 2016 (crédit pierre barbet)


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La question de la mise en place de la lenteur dans le processus de conception architecturale, posée en préambule, ne semble pas être la bonne question. En tout cas je ne pense pas que ce mémoire est poussé à cette démonstration. Rapidement, ce qui a été montré, est plus une nécessité de gestion raisonnée du temps. Au sens étymologique, le mot crise signifie faire un choix, décider. La « crise du temps », dont j’ai essayé de tirer les traits dans ce mémoire, nous pousse aujourd’hui à changer de paradigme. Chacun peut se donner la possibilité de ralentir et cela permet de considérer l’acte de conception architecturale comme une expression de l’éthique, dans un refus de l’automatisation du travail. L’habituelle justification de toutes les dérives du métier d’architecte, par le caractère passionnel que l ‘architecte doit entretenir avec sa discipline, me semble révolue. La génération d’architecte actuelle, et je m’inclus dedans, cherche alors à se protéger de ce métier et ne pas le subir. Cette recherche passe par la mise en place alors d’outils singuliers. J’ai notamment au cours de ce mémoire esquissé certaines de ces tentatives. Cette recherche passe alors aussi par une recherche de prise de plaisir dans la pratique, en rendant la manière de pratiquer la plus agréable possible et en replaçant l’humain au centre de l’acte. Cependant, la lenteur ce n’est pas rien faire, c’est aussi arriver à gérer le temps, pour faire en sorte qu’on ne soit pas coincé par ce dernier.

« clairement, tu ne peux pas concevoir un cinéma correctement, si tu n’as pas eu le temps d’aller au cinéma depuis 5 ans ! » 171

mAïLys gAngOFF et JOHAn sOUBise de Learning From europa rapportant leurs entretiens avec des architectes en europe.


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De plus, je suis convaincu que l’architecture aujourd’hui ne peut pas se faire seul. Physiquement seul, avec un architecte seul à son bureau mais aussi dans les domaines qui l’entourent. Je ne cherche pas à remettre en cause l’expertise de l’architecte, mais il me semble, qu’il est possible, de prendre en compte d’autres expertises. Gilles Deleuze expliquait dans son abécédaire, qu’il souhaitait « Sortir de la philosophie, par la philosophie172 », alors, pourquoi se retenir de vouloir sortir de l’architecture, par l’architecture. En effet, il me semble important maintenant, de mettre en place des solutions pluridisciplinaires dans les réponses aux projets, mais pourquoi ne pas aussi les penser, dans les structures elles-même de travail. Des sociétés ont déjà mis en place ce type de démarche, comme l’agence d’architecture Tectoniques à Lyon, qui comporte Tectonique Architecture et Tectonique Ingénierie. Alain Vargas, architecte et fondateur de ces sociétés, explique cependant que le domaine de l’architecture et le domaine de l’ingénierie sont en réalité deux domaines qui se complètent sur le plan professionnel mais qui n’ont pas du tous les mêmes besoins en terme de charge de travail pour vivre173. C’est pourquoi, les deux parties sont indépendantes juridiquement, et travaillent ensemble mais travaillent aussi séparément sur certain projet. Il me semble donc aussi difficile de penser une structure en elle même accueillant des architectes et d’autres corps de métier. En revanche au même titre que le Collectif Encore Heureux, un même nom peut aussi regrouper différentes structures, qui chacune ont une indépendance financière et juridique mais qui partagent une philosophie, des outils, des moyens et des références communes. Alors en se laissant à rêver d’entreprendre, une mise en relation de différentes Scop, d’architecture, d’ingénierie, d’artisanat du bois et de l’acier, de graphisme ou encore d’édition, peut être le moyen de proposer une alternative riche aux problématiques d’aujourd’hui. En partant de simples réflexions sur ma pratique, au sein de l’agence Y.architectes, mais aussi au travers d’éléments qui remontaient plus en amont dans mon expérience, j’ai tenté au travers de ce mémoire de définir ce qui structurait ma pratique mais aussi ma future pratique. Ce prisme du temps dans le processus de conception architecturale et de la question de la lenteur, est donc apparue comme un révélateur de certains éléments et en aucun cas dans un acte militant du ralentissement du temps. Il me semble que la pratique architecturale d’aujourd’hui est entrain de changer. La vocation de cette réflexion se trouve alors, dans une envie de me positionner, pour pouvoir accompagner ma propre manière de faire. En aucun cas cette réflexion est exhaustive. De la même manière que j’ai entretenu un discours appuyé sur la nécessité de prendre le temps de la conception architecturale comme un processus, un temps long nourri d’expériences et de recherches parallèles, cette réflexion s’installe aussi dans cette démarche. A la manière d’une échéance, la demande d’écriture de ce mémoire, m’a permis de formaliser mes idées à un instant T, de me poser et de définir mes idées. Cependant, cette réflexion aussi est un processus

172 pamart michel boutang pierreandré, 1995, L’abécédaire de gilles deleuze, arte, 480’min

173 conférence d’alain vargas, dans le cadre de la biennale de l’architecture et de l’ingénierie organisée par l’association gaia groupement associatif des ingénieurs architectes de l’insa, le 6 avril 2016 regroupant tectoniques + aia associé / Jeu d’acteurs et échelles d’agences : nouvelle donne ?


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long. Chacune de mes futures expériences ou rencontres, vont permettre de continuer la recherche. Ces « huit anecdotes » qui forment ici huit prétextes à réfléchir, sur huit éléments de ma pratique, ne sont que le début. Cependant la création d’une entreprise qui m’attire énormément n’est pas pour demain. Je pense qu’il me manque, à ce moment là de mon expérience, bon nombres d’éléments pour mettre en place la démarche que j’esquisse ici. Etant libéré de tout engagement contractuel, j’ai alors envie de voir comment ces démarches de travail, de création d’outils et prise en compte de nouvelles données, en particulier la question environnementale, se mettent en place dans des agences, avant de monter ma propre structure. N’ayant que très peu d’expérience professionnelle et humaine à l’étranger, et dans l’idée de confronter ma démarche, j’ai aujourd’hui envie de partir à l’étranger, notamment dans les pays scandinaves, avant de revenir en France pour exercer. Cette parenthèse ne rendra que plus riche mon expérience architecturale. Ce moment me semble nécessaire entre l’occasion laissée par ce mémoire de réfléchir, sur ma manière de pratiquer l’architecture aujourd’hui, et l’occasion laissée alors, par l’obtention de la HMONP, de la concrétiser.


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_BARTON Gem, 2016, don’t get a job, make a job, Laurence king publishing _BEAUDOUIN Laurent, 2007, Pour une architecture lente, Paris, Edition Quintette _BOUCHAIN Patrick, 2013, Simone & Lucien kroll - une architecture habitée, Actes Sud _BOUYER Anne rose, 2014, kairos et architecture, regard(s) vers la slow architecture, ENSAL _BOzAR ARCHITECTURE, 2010 , Architecture as a resistance - Guide du visiteur, Bruxelles _CATELIN Sylvie, 2014, Sérendipité, du conte au concept, Editions du Seuil _CLEMENT Gilles, 2010, ralentir la ville.. pour une ville solidaire - un espace temps recyclable, Golias,Villeurbanne _COLLECTIF ETC, 2015, Le détour de France - une école buissonnière, Editions Hyperville _DEPREz Bernard, 2005, Les cahiers de la Cambre n°4, Eco-logiques Les bénéfices de l’approche environnementale démarches intégratives, La Cambre _DUFOND Olivier, 2012, La lenteur en architecture à travers le processus de conception et de réalisation, La Cambre, Bruxelles _FOUCAULT Michel,1984, des espaces autres (conférence au Cercle d’études architecturales, 14 mars 1967), in Architecture, Mouvement, Continuité, n°5 _FRIEDMAN Yona, 2003, L’Architecture de survie : une philosophie de la pauvreté, L’Eclat _GEBE, 2004, L’AN 01, L’association, Paris _HONORE Carl, 2007, Eloge de la lenteur, Editions Marabout _HYPERVILLE, 2015 , La permanence architecturale - Actes de la rencontre au point h^ut, Edition Hyperville _HYPERVILLE, 2016, marseille invite madrid 24 et 27 juin 2016 - Atelier intensif itinérant, Edition Hyperville _KAHN Louis, 2003, Essential texts, Editions Robert Twombly, New-York

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ouvrages écrits


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_KLEIN Etienne, 2004, de la vitesse comme doublure du temps, Etude, 2004/3 Tome 400 _LEVINAS Emanuel, 1983, Le temps et l’autre, Paris, PUF, Quadrige _LITS Grégoire, 2009, tiers et objectivité sociale chez Georges Simmel, Emulations _LUCAN Jacques, MARCHAND Bruno, SEINMANN Martin, 2000, Louis l kahn Silence and light, actualité d’une pensée, PPUR EPFL-CM, Lausanne _MADEC Philippe, 1995, Etre et faire pour autrui - de l’éthique et de l’architecture, Grenoble, ENSAG _NAPOLITANO Umberto, 2016, habiter la ville, LAN Paris _NAPOLITANO Umberto, 2016, Lettre à Alejandro Aravena Imaginer l’espace du possible, LAN Paris _PAQUOT Thierry ,MASSON zNUSSI Yvette, STATHOPOULOS Marco, 2012, Alter architectures manifesto, Eterotopia infolio _PETRINI Carlo, 2006, Bon, propre et juste - Ethique de la gastronomie et souveraineté alimentaire, Yves Michel _SANSOT Pierre, 2000, du bon usage de la lenteur, Edition Rivages _STORME Sabine, 2010, ralentir la ville... Pour une ville solidaire - Cittaslow, réseau international des villes du bienvivre, Golias, Villeurbanne _VALERY Paul, Variété III, 2002, Le bilan de l’intelligence, Gallimard Folio essais, Paris

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ouvrages web _ALLEVA Lisa, 21 septembre 2006, taking time to savour the rewards of slow science, Nature 443 _http://slow-science.org (site consulté le 7 octobre 2016). _Alternative économiques, 2007, Les sociétés coopératives ouvrières de production (Scop)_http://www.alternativeseconomiques.fr/les-societes-cooperatives-ouvrieres-deproduction--scop-_fr_art_350_27913.html (site consulté le 14 octobre 2016)


_ARRIGHI Thomas, 2013, un label européen pourrait s’occuper des oignons de Sisco, Corse matin http://www. corsematin.com/article/bastia/un-label-europeen-pourraitsoccuper-des-oignons-de-sisco (site consulté le 5 octobre 2016) _BISMUTH Denis, 2005, Les 7 points qui différencient une entreprise libérée d’une organisation classique, Harvard Business Review_http://www.hbrfrance.fr/chroniquesexperts/2015/05/7130-les-7-points-qui-differencient-uneentreprise-liberee-dune-organisation-classique/ (site consulté le 15 octobre 2016) _HEUTTE Jean, 2005, tIC, éthique et management: adhocratie, empowerment et inovation_http://jean.heutte.free. fr/spip.php?article46 (site consulté le 15 octobre 2016) _Les SCOP site web_http://www.les-scop.coop/sites/fr/lesscop/idees-recues.html (site consulté le 15 octobre 2016) _L’Escaut - site web de l’agence_http://www.escaut.org (site consulté le 17 septembre 2016) _MINTzBER Henry, 1982, Structure et dynamique des organisations, Editions d’Organisation http://www.cnam. fr/servlet/com.univ.collaboratif.utils.LectureFichiergw?ID_ FICHIER=1295877018134#method _Ordres des Architectes, Contrats pour marchés publics et Contrats et documents (avec un particulier)_https://www. architectes.org/ (Site consulté le 12 septembre 2016) _Ordres des Architectes, SCOP SArL d’architecture_http:// www.architectes.org/scop-sarl-darchitecture (Site consulté le 15 octobre 2016) _TONINATO Aurélie, MENETREY Sylvain, Slow life vers de beaux lents demain_http://www.cles.com/enquetes/article/ slow-life-vers-de-beaux-lents-demains (consulté le 7 octobre 2016) _TRIBU Site web du bureau environemental tribu_http:// www.tribu-concevoirdurable.fr/qui-sommes-nous/qui-sommesnous.html (site consulté le 15 octobre 2016) _Université Foraine La Gauthière Site web de la permanence architecturale à la Gauthière_http://www.universiteforaine.fr/ atelier/ (site consulté le 15 septembre 2016)

101

_ALYS Francis, 1997, Sometimes making Something Leads to Nothing - Paradox of Praxis, Mexico_http://francisalys.com/ sometimes-making-something-leads-to-nothing/ (site consulté le 5 septembre 2016)


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autres ouvrages _ALSACE Mélanie, 2010, Slow food : l’éloge de la lenteur, Injam production, film 52’ min _BASTAIN Olivier, 2016, Entretien réalisé par Pierre Barbet, le 20 septembre 2016 au restaurant l’Antre 2 à Riom (63) _COLLECTIF ETC, 2014, Les nouvelles villes nouvelles, France Inter, Emission de radio 59’ min _DELEUzE Gilles, 1985, Qu’est ce que l’acte de création, Conférence dans le cadre des « mardi de la formation » à la Fémis à Paris, 46’ min _DELON Nicola, 2016, Conférence urBS #08 - Encore heureux. L’exploration de la condition urbaine, Le Sucre Lyon, 80’min _GANGLOFF Maïlys, SOUBISE Johan, 2016, Entretien réalisé par Pierre Barbet, le vendredi 23 septembre à la La Bicycletterie à Lyon, au sujet de leur projet Learning From Europa _PAMART Michel BOUTANG Pierre-André, 1995, L’Abécédaire de Gilles deleuze, Arte, 480’min _RADIO GRENOUILLE, 2016, Emission de radio concluant l’atelier intensif itinérant organisé par hyperville à marseille du 24 au 27 juin 2016, 170’min _REVIL-SIGNORAT Agathe, 2016, Entretien avec Karine Lapray dans le cadre de son stage pour l’INSA Lyon _THIBAULT Pierre, 2012, Conférence à l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Strasbourg, 100’ min _THOMASSEY Nans, 2015, Nus et culottés, se dépouiller soimême pour découvrir le monde !, conférence TEDxLyon, 18’ min

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_VARGAS Alain, 2016, Conférence dans le cadre de la Biennale de l’architecture et de l’ingénierie, organisée par l’association GAIA (Groupement Associatif des Ingénieurs Architectes de l’Insa) regroupant tectoniques + AIA Associé / Jeu d’acteurs et échelles d’agences : nouvelle donne ?


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curriculum vitae

BARBET PiERRE 56 RuE CRillon 69006 lyon barbet-pierre@wanadoo.fr +33 6 22 15 45 74 25/04/1992, 24 ans


compétences Logiciels : AutoCAD ArchiCAD Sketchup Final Cut Pro

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Photoshop InDesign llustrator Vray/Artlantis

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Langues : Anglais bon niveau (88/120 score TOEFL IBT mai 2013) notions Allemand. Permis B avec une voiture et un vélo.

intérêts Musique_Pratique de la guitare et découverte de groupes en concerts Mécanique _Restauration d’une moto ancienne Bricolage_Travail du bois et acier Voyages_Madrid, Venise, Londres, Berlin, Barcelone, Copenhague, New York, Sicile, tour des capitales d’Europe de l’Est Sports_Escalade, Ski, Randonnée, vélo urbain Cinéma_Réalisation de courts-métrages et autres expérimentations audiovisuelles


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expériences professionelles 1

1 y.architectes (69) juin 2014 à juin 2016 2 ans stage master contrat cdd formation hmnop

2

2 Lan Local architecture network (75) en association avec y.architectes (69) septembre et octobre 2015 2 mois

3

3 3bm3 à genève (suisse) février 2013 1 mois stage licence

4

4 atelier Jms à genève (suisse) septembre 2011 et 2012 2 mois

5

4 ecodimo à publier (74) jullet 2009 et 2011 2 mois

_construction d’une agence commerciale et de bureaux tCL place Bellecour à Lyon (69), réalisation d’un modèle 3d et des images perspectives du PC et suivi hebdomadaire du chantier _extension du Centre du Patrimoine Arménien de valence (26) travail sur les phases d’eSQ à pRO avec l’architecte responsable du projet _construction de 13 logements à Fontaine sur Saône (69) réalisation du projet et documents des phases apD, pC et pRO _aménagement de 15 logements étudiant dans une bâtisse lyonnaise (69), réalisation du projet et des documents des phases ESQ, PC et PrO _construction de 13 logements sociaux à Beynost (01), réalisation des plans et des visueks des phases APd et du dépôt de PC _réfection de la façade d’un atelier quai pêcherie à Lyon (69), réalisation du dossier complet de Dp comprenant les plans et les visuels d’insertion paysagère _réhabilitation et extension d’une ferme dauphinoise dans la drôme (26), réalisation du dossier complet de PC _visites hebdomadaires de chantiers de logements à Caluire (69) et d’une crèche intercommunale à St-Just-Chaleyssin (38)

architecte membre de l’équipe du concours pour le projet de l’îlot B2 de la ZAC II de Confluence. Travail en association avec LaN Local architecture Network

assistant sur l’élaboration de projets, réalisation de maquettes et visites de chantier sur différents projets de l’agence _travail sur la matérialité de la façade d’un projet de logements de standing à Genève

cUricULUm VitAe

réalisation de maquettes d’architectures pour des concours ou encore des maquettes de présentation de projet de logements à Genève

visite de chantier, travail sur l’économie de la construction des projets en cours, et employé ouvrier polyvalent sur un chantier de particulier, au sein d’un cabinet de maitrise d’oeuvre.


1

2 collectif La Fuite à grenoble (38) avril 2016 à aujourd’hui 6 mois

2

2 association saint rock à La clayette (71) juillet 2015 à aujourd’hui 2 ans

3

3 Le double v, paris (75) septembre 2012 à jullet 2013 1 ans

membre actif du collectif la Fuite à Grenoble qui est un collectif d’architectes, qui cherche à mettre en place des projets et des installations et/ou de médiation dans l’espace public, avec pour objectif d’oeuvrer dans le soucis de l’intérêt commun

membre de l’association Saint rock organisant un festival de musique à La Clayette (71) sur deux jours. Bénévole en 2015 et 2016 et responsable du pôle catering, de l’acceuil des artistes pour l’édition 2017 co-président de l’association étudiante Le double v. mise en place de projection de film hebdomadaire à l’école d’architecture de Paris la villette, d’un concours étudiant autour de la réalisation de courts-métrages. Organisation d’un festival de films du 27 au 2 juin 2013 dans le cinéma étoile à Paris (75018), choix de la sélection des films et présentation au spectateur avant chaque projection. 4

4 bellastock, paris (75) mai 2011 4 jours

participation au workshop étudiant « La ville en un souffle ». Construction d’un module d’habitation en structure gonflable reliée à un ensemble, formant une ville éphémère autonome dépendant d’une source unique d’air soufflé

formations 1

formation d’habilitation à exercer la maîtrise d’œuvre en son nom propre (HMONp) soutenance en novembre 2016 2

master d’architecture Architecture Ambiance et Culture Constructive à Lyon en association avec l’école d’architecture de Grenoble, obtention du diplome d’état en architecture avec un projet de fin d’étude sur le site de l’Esplanade à Grenoble (38), intitulé Expérimentation en cours... 3

obtention du diplôme d’études en architecture conférant le grade de licence à Paris

1 école nationale supérieure d’architecture de grenoble (38)

2 école nationale supérieure d’architecture de Lyon (69) et de grenoble (38)

3 école nationale supérieure d’architecture de paris La villette (75)

105

expériences associatives



novembre 2016



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