vivre avec les usines vers un nouveau mélange des fonctions dans les franges industrielles du Ring Bahn à Berlin
Mémoire du travail de fin d’études Pierre Bousquet
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Mémoire du travail de fin d’études Pierre Bousquet Année 2018-2019 INSA CVL - Ecole de la Nature et du Paysage
Président de jury
Christophe Degruelle Président d’Agglopolys Enseignant à l’École de la Nature et du Paysage de Blois
Professeur encadrant
Jacqueline Osty Paysagiste, directrice de l’Atelier Jacqueline Osty & Associés Enseignante à l’École de la Nature et du Paysage de Blois
Professeur associé
Olivier Gaudin Maître de conférences à l’École de la Nature et du Paysage de Blois
REMERCIEMENTS Je tiens à tout d’abord remercier mes deux professeurs encadrants pour leur aide et leur soutien durant ce travail de diagnostic et de mûrissement du projet. Je remercie aussi Frau Ahmed du Quartiersmanagement Moabit, Frau Seel du Bezirksamt Mitte, Frau Spengler du Bezirksamt Charlottenburg Wilmersdorf, Miodrag du ZK/U pour leur aide et le temps qu’ils ont pu m’accorder, ainsi que les autres habitants avec qui j’ai pu échanger. Je remercie bien sûr ma famille et mes amis, en particulier Peter, Quentin, Romain, Corinne et Michel pour leur soutien, Patricia, Gélatine et Jennifer pour leur sympathie, et les dames de FIP pour leur compagnie. J’ai aussi une pensée particulière pour Jalil en terminant ce mémoire. PAGE 5
SOMMAIRE 1 Introduction 8-9
Rencontre avec le site 10-11
Cadrages géographiques 12-13
Deux quartiers berlinois 14-15
On se serre un peu 26-27
Une banlieue par intermitence 30-31
Interlude 32-33
Une ville au double statut 34-35
Séquence 2 60-61
Interlude 66-67
Séquence 3 68-69
Interlude 76-77
Des quartiers populaires 92-93
Interlude 94-95
Interlude 96-97
Une explosion démographique 100-101
Un manque d’espace publics 112-113
Des quartiers enclavés 114-115
L’heure de pointe 116-117
Pas de place pour les vides 118-119
Construite avec les habitants 130-131
Trois pistes d’actions 132-133
Des frontières perméables 134-135
Une trame urbaine qui donne le rythme 138-139
Une ville marquée par l’industrie - 16-17
Interlude 18-19
Une ville pleine de vide 20-21
Berlin et ses gares 22-23
Séquence 1 52-53
Interlude 58-59
2 Conclusion 36-37
De Westend à Wedding 38-39
3 Séquence 4 80-81
Interlude 86-87
Conclusion 88-89
Habiter les quartiers 90-91
4 Interlude 102-103
Le nerf de la guerre 104-105
Conclusion 106-107
Les problématiques 108-109
5 La paupérisation des habitants 122-123
Conclusion 124-125
Vers une ville toujours productive 126-127
Une mixité fonctionnelle 128-129
Un parc en chapelet 140-141
Spatialisation 146-147
Conclusion 148-149
Bibliographie 152-153
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.01. RENCONTRE AVEC LE SITE
VUES DE TRAIN L’histoire de Berlin, ville plusieurs fois détruite, reconstruite et réinventée, est taillée dans sa structure urbaine. Les destructions de la seconde guerre mondiale, la désindustrialisation puis la guerre froide ont libéré des espaces dans la trame bâtie, abandonnés à l’état de friches. Un paysage urbain particulier en a émergé, dont les vides, ces délaissés de ville, comblés progressive«Durant trois stations, on ment par une nature rudérale, assurent le ciment. Le végétal infiltre les interstices du tissu bâti et lie pense apercevoir une partie l’ensemble composite des architectures dans une de l’histoire de Berlin, celle de matrice organique.
l’industrialisation de la ville.»
Le voyage en train permet de découvrir la ville, d’en sentir l’épaisseur, les limites, les différentes composantes. En partant de Westend, le Ring Bahn – le ligne de ceinture de Berlin – quitte un espace urbain dense, avec un front bâti proche, pour entrer rapidement dans la zone d’activité de Martinickenfeld. Le voyageur, s’il regarde par la fenêtre, observe un paysage alors radicalement différent. L’espace de la voie, ouvert, laisse deviner la ville en arrière-plan, avec des horizons lointains. Durant trois stations, on pense apercevoir une partie de l’histoire de Berlin, celle de l’industrialisation de la ville : la verticalité monumentale des grandes architectures industrielles, l’horizontalité des toits immenses des entrepôts logistiques, l’entremêlement des bâtiments des ferrailleurs et des garages automobiles. Les activités «Berlin est depuis se mélangent, les plans se superposent, l’hisquelques années toire urbaine se lit en couche depuis le train.
un vaste chantier où se construit une ville néo-libérale.»
Pourtant, on devine déjà les traces d’une évolution du quartier. Les grands cubes blancs des supermarchés géants cachent déjà une partie du front bâti en arrière plan. Après des années de crise, un renouveau économique, lié à une inversion démographique et à un développement des activités de service, transforme en profondeur le paysage urbain et social de la ville. L’augmentation de la pression foncière sur les espaces conduit à leur fermeture progressive, ce même réseau d’espaces libres qui avait fait de Berlin une capitale PAGE 9
PARTIE 0. INTRODUCTION
Le chantier de construction d’Europa City, dans l’Est de l’île de Moabit à Berlin. Le quartier de 40 hectares émerge de l’emprise en friche de l’ancienne gare de Lehrte détruite pendant la guerre. Le programme mélange bureaux, logements et commerces.
.01. RENCONTRE AVEC LE SITE
à part pendant des décennies. Les nouveaux bâtiments semblent gommer les réalités socio-économiques des quartiers d’où ils émergent. Berlin est depuis quelques années un vaste chantier où se construit une ville néo-libérale. Cette parenthèse dans le trajet, qui marque le voyageur par l’ouverture des paysages qu’elle donne à voir, se termine lorsque le train arrive en gare de Wedding et entre à nouveau dans la ville. Il faut continuer longtemps sur le Ring, autrefois bordé par les espaces industriels, pour retrouver un tel paysage. En décidant de m’arrêter ici, de descendre «Le parti pris est de prendre du train pour voir ce qu’il se passe à ici la ville à revers, de partir l’intérieur du quartier, pour en comprendre de l’espace du train pour l’histoire et les dynamiques, je cherche à penser l’évolution future de cette zone traiter de l’urbain.» d’activité, au cœur de la ville, dans un contexte qui évolue à grande vitesse. Je garde de mes premières impressions l’envie de traiter le rapport entre la ville et le train, la manière dont on donne à voir l’espace urbain depuis l’espace ferroviaire. Il s’agit aussi de trouver la place du paysage dans les franges de la voie ferrée, dans les interstices. Le parti pris est de prendre ici la ville à revers, de partir de l’espace du train pour traiter de l’urbain. Au fil de ce mémoire, je m’intéresse aux différentes composantes du site pour nourrir le projet. La première partie replace les quartiers de Moabit et de Mierendorff (où la zone d’activité se prolonge) dans le contexte de Berlin. Dans une seconde partie, les différentes séquences urbaines rencontrées sont détaillées. Une troisième partie synthétise les dynamiques socio-économiques à l’œuvre actuellement, pour faire émerger dans une quatrième partie les problématiques propres au site. La cinquième et dernière partie présente le site de projet et les premières intentions. Au cours de cette progression argumentée, le mémoire procèdera à des changements d’échelles, imbriquant les observations réalisées dans le quartier avec le contexte de la ville. PAGE 11
PARTIE 0. INTRODUCTION
BERLIN
891 KM2 3 575 000 HABITANTS
MITTE
39,47 KM2 379 610 HABITANTS
CHARLOTTENBURG WILMERSDORF 64,72 KM2 338 923 HABITANTS
MOABIT EST + MOABIT OUEST 7,72 KM2 79 491 HABITANTS
MIERENDORFF PLATZ 1,89 KM2 15 151 HABITANTS
.02. QUELQUES REPĂˆRES
Canal maritime de Be rlin Spandau (BSK)
WEDDING thafen e Wes d l a n Ca
Canal de Charlottenburg Spree
WESTEND
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Le Ring Bahn, entre les stations Westend et Wedding, traverse le quartier de Mierendorff Platz et les quartiers de Moabit Ouest et Moabit Est, qui appartiennent respectivement aux arrondissements de Charlottenburg-Wilmersdorf et de Mitte. Le territoire de Berlin est divisĂŠ en 12 arrondissements (Bezirk) et 96 quartiers (Ortsteil).
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PARTIE 0. INTRODUCTION
En 1901, Heinrich Zille capture le passage du Ring Bahn depuis le fenêtre de son appartement du numéro 88 de la Sophie-Charlotten-Straße, à Westend. La ville n’est pas encore construite et le train traverse une campagne marécageuse.
.01. DES LANDES AUTREFOIS DÉSERTES
Moabit et Mierendorff : deux quartiers berlinois Des landes autrefois désertes L’eau dessine les contours de Moabit et Mierendorff, qui sont aujourd’hui deux îles formées par la Spree et par trois canaux de navigation : l’eau est un élément récurrent des paysages de Berlin. En plus de la Spree et de la Havel, les deux affluents de l’Elbe qui traversent la ville, 7% de sa superficie est occupée par des lacs et des étangs. On compte aussi 165 kilomètres de voies d’eau franchis par 979 ponts. Berlin est construite sur le sable d’une vallée glaciaire. La région présentait autrefois un paysage de marais (le nom de la ville viendrait du slave br’lo, « marais »), dont le réseau de canaux et de lacs sont les affleurements. Dans ces landes désertes qui ne sont pas encore des îles, 24 huguenots en exil viennent s’installer en 1716 pour y élever des vers à soie. Ils lui donnent le nom de Moabit, en référence au pays de Moab, terre d’asile des Hébreux fuyant les persécutions. L’espace reste très peu habité jusqu’au milieu du XIXe siècle : en 1801, on compte seulement 120 habitants. Les canaux de Charlottenburg et de Berlin-Spandau sont construits d’après le plan d’embellissement de la ville du paysagiste Peter Joseph Lenné (1840). Ils viennent résoudre les problèmes de navigations de la PAGE 15
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
Spree et accompagnent le développement économique de la ville. Le canal de Westhafen, construit après 1945, améliore le dispositif. L’île de Moabit est intégrée à Berlin en 1861. Le quartier de Mierendorff est absorbé plus tardivement, en 1920, avec la fondation du Grand Berlin. 27 communes et 57 villages ont alors été annexés, dans une volonté politique d’atteindre la taille d’une capitale d’envergure mondiale. La surface de la ville, multipliée par 13, est désormais de 891 km2 : elle devient une des plus grandes villes d’Europe, et, à l’époque, l’une des plus peuplées du monde occidental.
Le quartier mélange dès sa construction les fonctions, avec le long des voies du Ring Bahn une concentration des espaces d’activités. En 1912, le tissu urbain et industriel de Moabit couvre déjà l’intégralité de l’île.
.02. LA DERNIÈRE ZONE D’ACTIVITÉ DU CENTRE-VILLE
Une zone d’activité héritée du XIXe siècle Une zone d’activité, la plus grande du centre-ville, traverse les deux îles d’est en ouest en suivant le tracé ferroviaire du Ring Bahn. Des espaces industriels, logistiques et de services sont mélangés. De grandes entités en émergent, autour desquelles s’est dessiné l’espace urbain. Ces espaces productifs insérés au cœur de la trame urbaine racontent une partie de l’histoire de Berlin, qui a été, de la fin du XIXe au milieu du XXe siècle, une très grande ville industrielle. En 1840, l’association des différents royaumes allemands dans une union douanière permet le développement du commerce, de l’industrie et des infrastructures de transport. L’industrie se développe alors dans les périphéries de la ville ; à Moabit, les premières usines de porcelaine Schuman ouvrent en 1835, suivit des usines de machine à vapeur Borsig en 1849. La ville s’étend, au rythme des usines. La victoire prussienne contre la France en 1871, et la fondation de l’Empire allemand, accélèrent le processus d’industrialisation. De nouvelles lignes PAGE 17
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
de chemin de fer approvisionnent la capitale en matières premières issues des mines de fer de la Ruhr, ainsi que de celles de charbon de l’Alsace et de la Lorraine, devenues allemandes. À Berlin, 900 kilomètres de voies ferrées traversent la ville, transportant voyageurs et marchandises. Les différents tronçons de la ligne circulaire du Ring Bahn sont construits entre 1871 et 1877, afin d’assurer le transport des marchandises dans la périphérie industrielle et de relier l’ensemble des gares terminus. D’abord réservée uniquement au transport de biens, elle est ouverte au transport de voyageurs dès 1872. Berlin devient une ville industrielle, et va le rester jusqu’au milieu du XXe siècle. De grands complexes industriels se développent : AEG, Loewe ou encore Siemens construisent des usines sur l’île de Moabit. Le quartier est l’un des plus densément peuplés de Berlin, avec une population en majorité ouvrière.
Le Ring Bahn entre Westend et Jungfernheide
l’histoire en creux de berlin Berlin est marquée par les vides. Des vides qui s’expliquent par la taille de la ville, par des choix politiques en terme de conservation d’espaces naturels ou de forêts, par les contraintes imposées par le terrain sur l’espace urbain. Les vides de Berlin aussi témoignent de son passé : ceux des bombardements, de la désindustrialisation, de la séparation et de la guerre froide. Ces espaces ouverts ont créé un paysage urbain spécifique, avec une nature rudérale. Les ouvertures définissent peut-être autant l’espace urbain que le tissu bâti : une nouvelle forme urbaine s’est dégagée, ouverte et lâche, qui distingue Berlin des autres capitales européennes. L’histoire singulière de la ville a produit un ensemble architectural composite, des mélanges fortuits, dont ces vides, ces espaces laissés à la nature assurent le ciment. En effet, ce qui fait à Berlin l’unité de la ville n’est pas l’architecture (comme c’est par exemple le cas à Paris), mais bien les espaces non-bâtis, les friches qui relient l’architecture dans un grand ensemble végétal. Ces ouvertures dans la trame urbaine ont créé de nouveaux paysages, donnant la ville à voir d’une nouvelle manière. Ils participent de la qualité de vie des habitants ; ils sont aussi, pour eux, des lieux d’usage et d’appropriation. Pour Béate Profé, directrice de la planification urbaine de Berlin, « elles forment une composante centrale de la personnalité de la ville ». Les espaces vides contribuent à maintenir dans la ville un paysage ouvert, aux horizons souvent lointains. Mais ils constituent aujourd’hui une réserve foncière disputée.
.03 BIS. L’HISTOIRE EN CREUX DE BERLIN
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PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
Les espaces ouverts maillent le territoire de la ville. Echelle 1: 100 000
.03. SYSTÈME D’ESPACES OUVERTS
UNE VILLE PLEINE DE TROUS Moabit et Mierendorff sont entourés de quatre grands parcs. Le Tiergarten est le plus ancien de la ville : cette ancienne réserve de chasse des princes électeurs de Brandebourg est transformée en parc sous Frédéric Ier. L’allée centrale qui le traverse (aujourd’hui la Straße des 17. Juni), relie le château de Berlin à la résidence d’été de Charlottenburg, dont le parc est dessiné à la même époque par Siméon Godeau, un disciple d’André Le Nôtre. Ces deux parcs sont ensuite adaptés par Lenné au XIXe siècle, dans le style pittoresque. On y trouve encore aujourd’hui une alternance de pelouses, d’étangs, de bassins et grands espaces boisés. Les parcs de Jungfernheide et de Rehberge ont été construits entre 1920 et 1929. La République de Weimar va alors inscrire les questions sociales dans la politique de la ville. Il s’agit entre autre d’améliorer les conditions de vie des ouvriers, en conservant et en aménageant des espaces non-bâtis et des espaces de loisirs à destination des classes populaires. Dès 1910, le plan Jansen pose les bases de la structure paysagère de la ville moderne, et sera repris en 1929 par le « Plan général des espaces libres » de Martin Wagner. Ce plan a permis le maintien d’un réseau de parcs, de jardins familiaux et de cimetières au cœur de la ville, ainsi que d’une périphérie boisée ou agricole. PAGE 21
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
C’est dans cette perspective qu’ont été aménagés, dès le début du XXe siècle, des ensembles de jardins familiaux (les Gartenkolonien) dans les périphéries de la ville. Le modèle, développé par le Dr. Schreber à Leipzig, permet aux populations précaires de produire elles-mêmes une part de leur alimentation, en quittant un peu la fumée des usines. On en compte encore 71 000 à Berlin, dont 6 300 dans le district de Charlottenburg-Wilmersdorf, d’une surface moyenne de 350 m2. La toponymie évocatrice des Gartenkolonien (« La joie de la forêt », « La maison du soleil », « Le confort », « La liberté ») permet bien de saisir la symbolique associée alors à ces jardins particuliers. Ce mitage de la ville par des espaces laissés à la nature s’explique aussi par le contexte géographique et géologique de Berlin. La nature marécageuse de certains espaces empêche alors les constructions, préservant ainsi des espaces naturels entre les zones résidentielles ou industrielles. L’eau et la forêt dessinent la structure de la ville, percent le tissu bâti d’innombrables trous. Aujourd’hui, ces grands espaces de parcs et de jardins sont reliés entre eux à l’échelle métropolitaine par un réseau de 20 voies vertes, dont 3 passent à proximité du site.
Le développement des réseaux ferrés accompagne et soutient les processus d’industrialisation et d’urbanisation du XIXe siècle.
.04. UN QUARTIER MARQUÉ PAR LES RÉSEAUX
Détruite durant la Seconde Guerre Mondiale, la Lehrter Bahnhof ne sera jamais reconstruite. Aujourd’hui la gare centrale a été construite à la place et ouverte en 2006.
BERLIN ET SES GARES Le quartier est traversé par plusieurs lignes de métro, de bus, ainsi que par la ligne du Ring Bahn. Différentes gares se trouvaient autrefois soit sur l’île de Moabit : la gare terminus de Lehrte (Lehter Bahnhof) et de Hambourg (Hamburger Bahnhof), ainsi que la gare de marchandise de Moabit (Moabiter Güterbahnhof). Au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, de nombreuses gares majeures ont été détruites. Les quartiers de Moabit et de Charlottenburg se situent dans la partie occidentale de la ville : la construction du Mur en 1961 et la réduction significative du transport ferroviaire signent l’abandon définitif de la Lehrter et de la Hamburger Bahnhof. De même, les anciennes gares de marchandises de la ceinture industrielle vont péricliter et finalement PAGE 23
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
être abandonnées, concurrencées par le transport routier. Ces espaces ferroviaires vont alors rester en marge de la ville, laissés à l’état de friche. Hanns Zischler parle de « renaturation du technique ». La nouvelle gare centrale de Berlin se trouve aujourd’hui sur l’emplacement de la Lehrter Bahnhof. Ouverte en 2006, elle est le point central du nouveau réseau de chemin de fer de Berlin réunifié. Le modèle, appelé « concept en champignon » (Pilzkonzept) et développé dans les années 1990, définit une gare centrale et quatre gares secondaires dans la ville, autour desquelles l’ensemble du trafic ferroviaire va s’organiser. Le quartier se trouve aussi à proximité des deux grandes autoroutes urbaines que sont l’A100 et l’A101.
Les grands ensembles industriels du début du XXe siècle sont aujourd’hui encore présents au cœur de la ville. Ici le port de Westhafen
Westhafen et le Ring Bahn en 1925 : un paysage de réseau et productif, avec en fond la frange nord du quartier de Moabit.
.04. UN QUARTIER MARQUÉ PAR LES RÉSEAUX
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PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
1801 : 173 000 Berlinois
1865 : 493 000 Berlinois
1870 : 826 000 Berlinois
1920 : 3 879 000 Berlinois
1801 : 120 habitants de Moabit 1910 : 190 000 habitants de Moabit En l’espace de 120 ans, la population de Berlin est mulitpliÊe par 21. En 1910, le quartier de Moabit compte plus d’habitants que le Berlin de 1801.
.03. UN HABITAT DENSE DATANT DE LA FONDATION DE VILLE
On commence à se serrer A côté des espaces occupés par la zone d’activité, la trame bâtie est dense et typique du développement urbain de la période industrielle. Il s’agit principalement de « casernes locatives » (Mietskasernen). Les dimensions des parcelles sont standardisées (75 mètres de large, 150 mètres de long, 22 mètres de faitage) ; pour réduire les taxes sur les façades, les bâtiments forment un ensemble de cours en enfilade, qui accueillent dans leurs tréfonds les classes les plus précaires, à peine arrivées des campagnes. Une stratification horizontale de l’espace se forme, les Mietskasernen deviennent rapidement surpeuplées et insalubres. Le plan Hobrecht propose dès 1862 une grille extensive visant à absorber le développement de la ville et à unifier ces différents centres. Les Mietskasernen, ainsi que le réseau d’infrastructures urbaines PAGE 27
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
(routes, ponts, tramway) sont construites massivement à partir de 1870, afin d’absorber la croissance de la population ouvrière. Jusqu’en 1914, Berlin va connaître la croissance démographique la plus rapide d’Europe (comparable à celle de Chicago durant la même période). La planéité et la quasi-absence de relief facilitent l’extension de la grille, qui englobe les anciennes périphéries industrielles telles que le quartier de Moabit. Entre 1850 et 1901, la quasi-totalité de la surface de l’île est construite, mélangeant espaces productifs et îlots d’habitation. Séparé de Moabit physiquement et administrativement, le quartier de Mierendorff se développe plus tardivement.
1880
1880
1910
1910
Bâti industriel Bâti résidentiel Emprise ferroviaire
L’île de Moabit est un des quartiers les plus denses de Berlin. Ici en 1929, avec ses ilôts de Mietskasernen. Entre 1850 et 1910, le nombre d’habitants de Moabit passe de 120 à 150 000. La quasi-totalité du territoire de Moabit est bâtie en 30 ans. Le quartier de Mierendorff se développe plus lentement, à partir des des polarités de Charlottenburg et de Moabit.
.03. UN HABITAT DENSE DATANT DE LA FONDATION DE VILLE
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PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
1871
1710
Berlin devient capitale du Royaume de Prusse
1939
Début de la Première Guerre Mondiale
1918
1933
Début de la Seconde Guerre Mondiale
1914
Création de l’Empire Allemand, Berlin en est la capitale
Arrivée d’Hitler au pouvoir, Berlin devient la capitale du IIIème Reich nazi
Fin de la guerre et de de l’Empire, la République est proclamée, Weimar est capitale dès 1919
1948
Fondation de la RDA, avec Berlin Ouest comme capitale. Bonn devient la capitale de la RFA, Berlin Ouest est isolée au cœur de la RDA
1961
Construction du Mur autour de Berlin Ouest
1989
Chute du Mur de Berlin
1945
Fin de la Seconde Guerre Mondiale, la ville est divisée en 4 zones d’occupations.
1991
1999
Les instiutions fédérales déménagent à Berlin, le Reichstag devient le centre du pouvoir
Réunification des deux Allemagnes, Berlin devient la capitale de la nouvelle République Fédérale
L’histoire de Berlin est marqué par les vicissitudes des régimes qui se sont succédés, et dont elle a été la capitale par intermittence
.05. UNE GEOGRAPHIE PHYSIQUE ET POLITIQUE CHANGEANTE
Pendant presque 30 ans, la partie orientale de Moabit fait face au Mur. C’est à proximité de cette zone de l’île, délaissée pendant la guerre froide, qu’est venu en 1999 s’installer le nouveau quartier gouvernemental. Echelle 1: 50 000 Tracé du mur
Reichstag
Une BANLIEUE PAR INTERMITTENCE Ancienne banlieue industrielle, rattrapée par l’urbanisation fulgurante de Berlin, l’île de Moabit va à nouveau se trouver aux frontières de la ville. La construction du Mur va alors transformer pour 28 ans la géographie de la ville et son développement. La chute du Mur en 1989 et l’accession de Berlin au statut de capitale de l’Etat fédéral en 1991 replace le quartier au centre de la ville. Le Reichstag, à nouveau PAGE 31
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
Ministères
Ambassades
Gare centrale
centre du pouvoir fédéral allemand, se situe à proximité, sur la rive opposée de la Spree. C’est le long des méandres du fleuve, puis dans l’axe de la Wilhemstraße, sur l’ancien no man’s land du mur, que va se construire le nouveau quartier gouvernemental à partir de 1999, reliant symboliquement les deux parties de la ville. L’île de Moabit accueille ainsi dans sa partie sud, sur les friches de l’usine Bolle, le nouveau Ministère de l’Intérieur, ainsi que d’autres bâtiments gouvernementaux.
Après la grêve de 1980, la station de Westhafen, comme celles de la partie nord du Ring Bahn, sera fermée et abandonnée pendant plus de 20 ans. Ce qui est aujourd’hui l’emprise du rail est pendant longtemps une grande friche.
.05. UN QUARTIER AU CENTRE DES RÉSEAUX
S-Bahn = « Stadtschnellbahn », « trains express urbains », équivalent des RER, 331 km de réseau à Berlin Ring Bahn = ligne de train périphérique circulaire de 36,9 kilomètres de long
Keinen Pfennig mehr für Ulbricht !
U-Bahn = « Untergrundbahn », le métro, 146 kilomètres de réseau à Berlin appartenant au réseau du S-Bahn DB = « Deutsche Bahn » autrefois appelée Deutsche Reichsbahn, exploitant et gestionnaire de l’ensemble du réseau ferré allemand, dont celui du S-Bahn BVG = « Berliner Verkehrsbetriebe », « compagnie des transports berlinois, exploitant des réseau de métro, de bus et de tramway à Berlin
LE RING BAHN DANS LA TOURMENTE Après la Seconde Guerre Mondiale et la partition de la ville en quatre secteurs, la décision est prise par les Alliés de confier l’exploitation du S-Bahn (dont le Ring Bahn fait partie) à la Deutsche Reichsbahn est-allemande. En 1961, lors de la construction du Mur, les réseaux des parties est et ouest de la ville sont séparés. Le Ring Bahn est interrompu au nord entre les stations Gesundbrunnen et Schönhauser Allee et au sud entre les stations Treptower Park et Sonnenallee. Toutefois, la Deutsche Reichsbahn continue d’assurer le service sur l’ensemble des lignes (et des deux côtés du Mur). En réaction la séparation physique de la ville, Willy Brandt, alors maire de Berlin Ouest, appelle ses administrés à boycotter le réseau de S-Bahn, car « il est intolérable que les recettes monétaires occidentales du S-Bahn soient utilisées pour l’achat de fils barbelés ». Les gares de S-Bahn sont recouvertes d’affiches où se lisent « Der S-Bahn-Fahrer zahlt den Stacheldraht » (Le passager du S-Bahn paie les fils barbelés) ou encore « Keinen Pfennig mehr für Ulbricht » (Pas un sou de plus pour Ulbricht). PAGE 33
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
Le réseau va alors être massivement abandonné par les habitants de Berlin Ouest, les S-Bahn y circulent presque à vide : en 1980, seuls 8000 personnes par jour utilisent le S-Bahn dans la partie occidentale de la ville. En contrepartie, le réseau de bus et de U-Bahn est étoffé, suivant souvent les lignes du S-Bahn. Afin de réduire le déficit annuel de 120 millions de Marks, la Deutsche Reichsbahn va en 1980 diminuer le trafic dans la partie ouest, ainsi que les salaires des employés, qui se mettent en grève le 20 septembre. Plus aucun train ne circule alors sur les lignes du S-Bahn de l’Ouest. Cinq jours plus tard, le gouvernement de la RDA reprend le contrôle du réseau, 200 cheminots sont licenciés, la moitié du réseau à l’Ouest restera fermé faute de moyen (dont la portion nord du Ring Bahn). En 1989, après la chute du Mur, les travaux de rénovation du Ring Bahn sont lancés à la station Westend. Le 15 juin 2002, le Wedding Day marque la fin des travaux et la jonction entre le Ring Bahn occidental et oriental à la station Wedding, après 41 ans de séparation et 22 ans d’arrêt du côté occidental. Autrefois circulant dans les franges industrielles de la ville, il dessine aujourd’hui la limite du centre-ville.
x2 députés x1 bourgmestregouverneur BUNDESTAG
x10 sénateurs
x1 maire
x4 adjoints
x55 parlementaires
PARLEMENT DE QUARTIER Éléctions tous les 5 ans Suffrage universel direct pour les citoyens européens de plus de 16 ans, habitant à Berlin depuis au moins 3 mois.
SÉNAT DE BERLIN
x130 parlementaires
PARLEMENT DE BERLIN Éléctions tous les 5 ans Suffrage universel direct pour les citoyens allemands de plus de 18 ans, habitant à Berlin depuis au moins 3 mois.
A Berlin cohabitent le siège du pouvoir central (le Bundestag, qui siège au Reichstag), le pouvoir fédéral du Sénat et le pouvoir local des mairies de quartiers. Même si le Sénat fixe les grands objectifs, les mairies de quartier ont un fort pouvoir décisionnel, notamment en terme de planification.
.06. POLITIQUE ET ADMINISTRATION
UNE VILLE AU DOUBLE STATUT Berlin est depuis la réunification une ville-état (Stadtstaat). Ainsi les compétences de l’administration municipale et celles propres aux Etats-membres (les Länder) coïncident dans les mêmes organes et sur le même territoire. En tant que Land, la ville a compétence sur tous les domaines, excepté les domaines régaliens de l’Etat Fédéral. Il dispose d’un budget important, (26,8 milliards d’euros en 2018 ), même si celui-ci est plombé par le poids de la dette (57,6 milliards d’euros en 2018 ). Le Sénat de Berlin est détenteur du pouvoir exécutif et se compose du bourgmestre-gouverneur (Regierender Bürgermeister) assisté de 10 sénateurs. Chaque sénateur est à la tête d’une des administrations sénatoriales (Senatsverwaltung). Les sénateurs sont nommés par le bourgmestregouverneur, désigné tous les 5 ans après les élections par les députés du Parlement de Berlin (Abgeordnetenhaus). La ville compte 12 arrondissements et 96 quartiers. Les Parlements d’arrondissement sont élus de manière concomitante au Parlement de Berlin. Le parlement choisi le maire et ses 4 adjoints, à la tête de l’administration de l’arrondissement (Bezirksamt). Les arrondissements ont un véritable pouvoir politique assuré par la Constitution de Berlin de 1990. Par exemple, les mairies d’arrondissement ont la compétence de planification et de développement de leur territoire, en suivant les orientations stratégiques du Schéma Directeur (Flächennutzungplan) définies à l’échelle de la ville par le département du développement urbain et de l’habitat (Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Wohnen). Seul le Sénat a cependant la compétence pour faire évoluer le zonage sectoriel du Schéma Directeur.
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PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
Le système d’élection des maires d’arrondissement au suffrage universel n’est pas sans conséquence sur la fabrique de la ville. Les grands projets urbains fixés par le Sénat peuvent être appréhendés avec réticence par les habitants, craignant un encouragement des processus de gentrification et une altération de leur cadre de vie du fait de la fermeture de l’espace. Ainsi, il n’est pas rare de voir les habitants des quartiers concernés par les grands projets urbains être soutenus par le Bezirksamt et s’opposer aux projets développés par le Sénat.
DES HABITANTS IMPLIQUÉS Les habitants de Berlin ont ainsi depuis longtemps développé un rapport de force avec les pouvoirs publics leur permettant d’agir aussi sur la construction de l’espace public. L’opposition citoyenne dans les années 1980 à la transformation en échangeur autoroutier des voies de chemin de fer abandonnées de la gare d’Anhalt a permis la création de l’Association fédérale des initiatives environnementales (Bundesverband Bürgerinitiativen Umweltschutz – BBU), la pérennisation de cet espace ouvert et la réalisation, près de 40 ans plus tard, du parc de Gleisdreieck. La mise en place des processus participatifs peut être à l’initiative directe des citoyens, mais ils sont généralement intégrés dans les différents projets portés par le Sénat. Cependant, le pouvoir politique peut voir d’un mauvais œil cet investissement particulier des habitants dans le jeu de la fabrique urbaine. Lors de la fermeture en 2008 de l’aéroport de Tempelhof, celui-ci a été ouvert au public pour préfigurer les usages et développer un projet urbain mélangeant construction de logements sociaux et espaces ouverts. Les habitants se sont approprié l’espace et ont refusé le programme proposé, lors d’un référendum organisé en 2014. Le site reste désormais entièrement accessible.
.07. CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
Les quartiers de Moabit et de Mierendorff sont «Ces quartiers sont très typiques de la Gründerzeit (l’époque de la trans- marqués par la technique formation industrielle de la ville). Ils associent et l’industrie.» des îlots d’habitation très denses, des espaces d’activité industrielle ou logistique, avec des grands ensembles de jardins ouvriers. A l’extérieur du Berlin préindustriel, les quartiers vont se développer rapidement durant le XIXe siècle, et se retrouvent intégrés dans le centre. Ces quartiers sont très marqués par la technique «La réunification et l’industrie, jusque dans leur forme, puisqu’il ramène les deux îles s’agit tout deux d’îles artificielles créées par le au cœur de la ville.» creusement des canaux. Au centre de la ville, elles sont à proximité des grandes infrastructures de réseau, dont la ceinture ferroviaire du Ring Bahn, qui traverse les deux quartiers d’est en ouest. Cette liaison a été interrompue pendant plus de 40 ans, lorsque Berlin était devenue, entre les années 1950 et 1989, le lieu physique de l’affrontement entre les blocs. Moabit et Mierendorff se retrouvent alors dans les périphéries de Berlin-Ouest. La réunification ramène les îles au cœur de la ville : la proximité du Reichstag et du quartier des ministères insuffle une nouvelle dynamique aux espaces longtemps délaissés. Le Ring Bahn, qui a accompagné le développement du quartier depuis sa création, a été laissé à l’état de friche pendant 22 ans. Ses abords n’ont que peu muté depuis l’après-guerre, et permettent donc de bien lire les différentes séquences de la ville, de comprendre sa structure. PAGE 37
PARTIE 1. MOABIT ET MIERENDORFF : DEUX QUARTIERS BERLINOIS
Depuis le Putlitzbrßcke, le regard court au loin sur les voies du Ring Bahn. Les silhouettes massives des bâtiments du port de Westhafen marquent ici le paysage.
.01. PRÉAMBULE
DE WESTEND À WEDDING Le train comme lieu d’observation de la ville Le voyage en S-Bahn est un moment privilégié pour observer la ville. A l’inverse du métro (U-Bahn), le S-Bahn traverse la ville en extérieur. Il emprunte des viaducs ou des levées de terre, circule au fond de tranchées creusées en dessous du niveau de la voirie, ou bien au niveau même du bâti, la trame viaire s’élevant alors pour enjamber l’espace ferroviaire. Les circulations du S-Bahn ont été pensées pour ne jamais croiser de route, évitant les conflits d’usages. Traverser la ville par le train crée de nouveaux paysages. Le train perce le tissu urbain, révèle au voyageur des points de vues ou des perspectives invisibles depuis la rue. Les ponts qui enjambent les voies sont aussi des espaces privilégiés pour observer la ville, la prise de hauteur ouvre de nouveaux horizons. La place occupée par l’infrastructure conserve des espaces non-bâtis dans la trame urbaine qui amplifient cette ouverture. La vitesse du déplacement réduit les distances entre certains lieux, marquant ainsi l’enchaînement des vides et des pleins. Le voyage rend lisibles les différentes séquences et composantes du paysage : le train est le lieu où se condense le paysage de Berlin. Le temps du voyage peut donc aussi être celui du paysage urbain, avec ses séquences, seuils et ouvertures. PAGE 39
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Le rapport au site depuis le train Les îles de Moabit et de Mierendorff sont traversées par le Ring Bahn. La ville industrielle s’est développée de part et d’autre de la ligne : les espaces d’activités (industrie, service et commerces) se sont installés le long des voies, les îlots d’habitations se situant en retrait, à l’écart des nuisances du chemin de fer. Entre les stations Wedding et Westend, le trajet permet de saisir la dimension productive des quartiers. Des bâtiments industriels et logistiques, avec des cours et arrière-cours dédiées au stockage, apparaissent au premier plan. Les architectures se mélangent, l’horizontalité des hangars logistiques se confronte à la verticalité monumentale des bâtiments industriels, et le front bâti résidentiel apparaît à l’arrière-plan. L’épaisseur de l’espace ferroviaire fluctue, les friches et les délaissés forment des dilatations dans lesquelles se lisent parfois les formes d’une appropriation des riverains (sentiers, jardins). L’alternance des plans et des profondeurs définit un paysage en mouvement.
WEDDING
BEUSSELSTRASSE
WESTHAFEN
JUNGFERNHEIDE
WESTEND
Distances
Westend-Jungfernheide : 2 163 mètres Jungfernheide-Beusselstrasse : 2 014 mètres Beusselstrasse-Westhafen : 1 069 mètres Westhafen-Wedding : 1 802 mètres
LA traversée du site Une description du trajet d’ouest en est, vu depuis le Ring Bahn, au départ de la station Westend et jusqu’à la traversée du canal Berlin-Spandau peu avant l’arrivée à station Wedding.
.02. VOYAGE EN TRAIN
En quittant Westend, le Ring Bahn prend un peu hauteur pour passer au dessus de la ligne de train à destination de Hambourg. Des masses boisées occupent les espaces délaissés entre les différentes infrastructures, les toits de l’hôpital de Charlottenburg en émergent par intermittence. Sur la droite apparait une levée plantée marquant la limite du parc du château de Charlottenburg. Sur ce tronçon, la forte présence du végétal souligne les temporalités, les points de vue apparaissent et disparaissent en fonction des saisons.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
La traversée de la Spree crée une rupture avec l’espace précédent. Le passage du canal ouvre soudain l’espace et dessine une perspective sur la lisière du parc de Charlottenburg et le front bâti qui lui fait face. Sur l’autre rive, l’horizon se referme rapidement. Le train circule sur une levée entre un ancien espace industriel qui abrite aujourd’hui un institut de recherche et des îlots d’habitations. Le train arrive à la station de Jungfernheide. Des alignements de platanes dans les rues créent des limites visuelles depuis le train.
.02. VOYAGE EN TRAIN
En quittant Jungfernheide, le train longe à sa gauche une zone de jardins familiaux. Les platanes disparaissent remplacés par une végétation rudérale qui pousse dans les franges du linéaire ferroviaire. L’alternance des hauteurs de la végétation permet d’apercevoir les toits des cabanes qui se découpent sur les haies séparant les jardins.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Sur sa droite, la ligne du Ring surplombe les toits plats des hangars de la zone d’activité de la Gaustraße puis de la Sickingenstraße. L’espace est ouvert, les volumes se répètent, l’horizon laisse apparaître un front bâti lointain. Des éléments architecturaux faisant preuve d’un passé industriel plus ancien émergent au milieu des parkings et des zones de stockage.
.02. VOYAGE EN TRAIN
Une fois passé le canal de liaison de Charlottenburg, un alignement de peupliers marque sur la gauche la limite du Berliner Großmarkt (le marché central de Berlin). Le train se situe au même niveau que les bâtiments, les hangars bouchent les vues, seuls les parkings et les espaces de stockage dégagent des vues fugaces sur l’intérieur du site.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
De l’autre côté de la voie ferrée, peu avant la station Beusselstraße, la zone d’activité laisse place à un front bâti qui fait face à la voie. Des jardins ouvriers ont été aménagés dans la frange maigre entre les voies et l’îlot. De part et d’autre des voies, l’espace ferroviaire est contraint et peu perméable.
.02. VOYAGE EN TRAIN
Passé le pont de la Beusselstraße, l’espace des voies s’élargit et les horizons s’ouvrent. Les silhouettes massives des tours et des entrepôts du Westhafen (le port de l’Ouest) apparaissent sur la gauche. Les agglomérats colorés de containers croissent et décroissent d’un jour sur l’autre, les silhouettes métalliques des grues de déchargement constituent les éléments mouvants de ce tableau. La surface des grands bassins, difficilement visibles depuis le train, participe toutefois de l’ouverture de cet espace et à la mise scène de l’activité. PAGE 47
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Face au port, les bâtiments bas de la zone d’activités de la Siemensstraße et de la Quitzowstraße se détachent sur la silhouette colorée des immeubles wilhelmiens en arrière-plan. Des bâtiments logistiques construits sur l’ancienne friche ferroviaire de la gare de marchandises de Moabit se mélangent aux petits garages automobiles parfois vétustes. Les enseignes des centres commerciaux qui ont remplacé une partie de la zone d’activité dominent l’ensemble. La voie du Ring prend de la hauteur, le train surplombe alors le quartier, dont le voyageur peut apprécier les différents plans.
.02. VOYAGE EN TRAIN
Peu après le port, les murs de briques et les tours de la centrale de chauffage urbain de Moabit (Moabit Heizkraftwerk) apparaissent. Le Ring continue à s’élever et on aperçoit les immenses masses noires des tas de charbon, dans lesquels creuse une pelle mécanique sur rail pour alimenter la centrale. En arrière-plan, le canal de navigation de Berlin Spandau apparait, bordés de saules et de tilleuls, ainsi que les façades colorées des maisons de Wedding.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Au niveau du canal, l’espace se transforme rapidement, la ville donne ici à voir un paysage de réseaux. Les ponts, les voies de chemins de fer, le canal, les routes s’entrelacent l’espace d’un instant, avant que le train n’entre à nouveau dans la ville. Les berges du canal sont enherbées et peu plantées, elles laissent apparaitre les façades du front bâti. Le pont ferroviaire des voies de la Hauptbahnhof, située un peu plus bas, domine l’ensemble sur ses piles bicolores. Le Ring traverse finalement le canal de Berlin-Spandau, pour entrer dans un espace urbain plus dense et resserré autour du viaduc ferroviaire.
.03. UNE TRAVERSÉE MARQUÉE PAR DIFFÉRENTES SÉQUENCES
Séquence 1 : Le quartier de Mierendorff : un espace de transition Séquence 2 : La zone de Martinickenfeld : un morceau de ville taillé pour l’industrie Séquence 3 : Westhafen et la Siemenstraße : lire l’histoire du développement urbain Séquence 4 : Les abords du canal : l’envers du décor
Séquence 4
Séquence 2
Séquence 3
Séquence 1
Différentes séquences se dessinent ainsi dans la traversée. Elles sont rendues lisibles par le voyage en train qui en souligne l’alternance. La forme du bâti, le degré d’ouverture ou de perméabilité des espaces, leur fonction, la place qu’y trouve le végétal ainsi que leur rapport à la voie de chemin de fer assurent l’unité des ensembles. Descendre du train devient alors nécessaire pour en affiner la lecture.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Le château d’eau de l’ancienne usine de gaz de Moabit se dresse aujourd’hui au centre de la zone logistique de la Gaustraße
.03. SÉQUENCE 1 - QUARTIER DE MIERENDORFF
Le quartier de Mierendorff : un espace de transition Le passage de la station Jungfernheide marque un changement dans le paysage perçu depuis le Ring Bahn. En direction de Westend, l’espace ferroviaire prend de l’épaisseur et traverse des terrains où la végétation domine. En direction de la station Beusselstraße, les limites physiques se resserrent et le train pénètre dans un espace urbain marqué par une forte emprise industrielle et commerciale. La partie visible depuis le Ring du quartier de Mierendorff est plutôt marquée par une mixité du bâti, des fonctions et du degré d’ouverture des espaces. Ces différents éléments construisent un paysage d’entre-deux. Cette situation trouve son explication dans l’histoire du développement urbain du quartier et des quartiers qui lui sont limitrophes. À l’est, l’île de Moabit s’est industrialisée très tôt, la totalité de son tissu urbain et industriel est bâtie entre 1880 et 1910. Au sud et à l’ouest, le quartier de Charlottenburg, près du château, s’oriente vers une occupation uniquement résidentielle. Chacune de ces dynamiques se répand lentement dans le quartier de Mierendorff : une occupation résidentielle au sud, une dynamique industrielle au nord. Ce n’est qu’en 1940 que l’urbanisation atteint la limite du Ring. Cependant, des espaces d’activité profitent assez tôt de sa présence , notamment l’usine de gaz de Charlottenburg (Gaswerk Charlottenburg), construite en 1891. Cette mise en contexte historique permet de comprendre la structure mixte de cet espace : il s’agit d’un espace de périphérie, influencé par deux quartiers aux logiques de développement autonomes. PAGE 53
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
La partie sud de l’île présente un tissu bâti relativement dense et cohérent, typique de la Gründerzeit ; on y trouve encore quelques sites témoignant du passé industriel de l’île, mais nombre de ces espaces sont aujourd’hui en transition. Dans sa partie nord, le quartier présente un aspect différent, moins cohérent : un paysage très ouvert, lâche, presque de sortie de ville. La grande ouverture des jardins ouvriers révèle au loin le front bâti des immeubles du sud de l’île. Le bâti, postérieur à l’époque de construction en îlot, s’organise perpendiculairement à la rue. Le regard du promeneur porte ici au loin, la largeur des rues rajoute aussi à l’ouverture de l’espace, les bâtiments présents flottent dans une trame trop lâche, mais où le végétal tient une place importante. La zone d’activité qui se développe sur l’emprise de l’ancienne usine de gaz (dont ne reste aujourd’hui que château d’eau), participe à cette ambiance anti-urbaine. Des alignements de peupliers marquent l’espace des rues, sans pour autant lui donner une consistance. Les berges des canaux, larges dans la partie en bordure de Ring, ne sont que peu aménagées. Pourtant, elles sont un lieu approprié par les habitants, qui viennent y faire griller côtelettes et brochettes durant les beaux jours. La levée du Ring crée une limite physique et visuelle qui se traverse en 4 points. De l’autre côté, on retrouve ce sentiment d’espace peu urbain, d’autant plus qu’il n’y a pas d’occupation résidentielle. Seuls les cheminées des usines permettent alors de situer la ville. La zone d’activité ici aussi se développe, au détriment des parcelles de jardins familiaux.
2
7
4
Max-D
hor n-
Straße
Gaus
traße
6 1 8 Kaiserin-Augusta-Allee
5
3 Parc boisé
Pelouses
Jardins ouvriers
Friches
Échelle 1:10000
Ring Bahn
Bâti résidentiel
Zone d’activité
Franchissement du Ring
.03. SÉQUENCE 1 - QUARTIER DE MIERENDORFF
Gartenkolonie Rund um’s Gaswerk
21,8 hectares Les premières parcelles de jardins ouvriers ont été ici créées en 1906, et elles mesurent en moyenne 350 m2. De nombreuses parcelles ont été fermées dans la partie au nord des voies du Ring Bahn pour le développement de la zone d’activité. Au total, il y a 672 parcelles de jardins ouvriers dans le quartier de Mierendorff, les dernières ont ouvertes en 2001. De l’autre côté du canal de Westhafen, la colonie des jardins ouvriers de Charlottenburg Nord s’étend sur plus de 122 hectares, comprenant 2534 parcelles.
Zone d’activité de Gaustraße
8,2 hectares La zone d’activité de la Gaustraße est située sur l’emprise de l’ancienne usine de gaz de Charlottenburg, dont l’activité a été arrêtée après la réunification. Les travaux ont commencé en 2009, de nouveaux bâtiments se construisent encore. Les entreprises qui s’y trouvent travaillent dans le domaine de la logistique (en lien avec le marché central proche), des services (garages automobiles, locations) et industriel. L’ancien château d’eau de l’usine de gaz marque encore l’espace de la zone d’activité.
Zone d’activité de Max Dhorn Straße
20,7 hectares La zone d’activité de Max Dhorn Straße est isolée du reste de l’île par les voies du Ring Bahn. Il n’y a dans cet espace aucun immeuble d’habitation. L’activité est ancienne sur le site, et se développe encore au détriment des jardins ouvriers.
1
Parc du Chateau de Charlottenburg
2
Autoroute A100
3
Usine d’électricité de Charlottenburg
4
Autoroute A 101
5
Spree
6
Canal de liaison de Charlottenburg
7
Canal de liaison de Charlottenburg
8
Centre de tri des déchets
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
.03. SÉQUENCE 1 - QUARTIER DE MIERENDORFF
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Fragments trouvĂŠs dans les ruines de Teufelsberg (2012)- Photographies de Hanns Zischler
.03 BIS. INTERLUDE
La reconstruction d’après-guerre Le quartier, comme une majeure partie de la ville, été très endommagé par la guerre. La Gaswerk Charlottenburg est totalement détruite, puis reconstruite. La levée de terre séparant le parc du Château de Charlottenburg et l’emprise ferroviaire est constituée des décombres de la ville en ruines, stockés après la guerre sur une friche dans le prolongement du parc. Ces « montagnes de pierre et de décombres » forment des mille-feuilles géologiques de l’histoire architecturale de la ville. Le plus connu, avec ses 120 mètres de haut, est le Teufelsberg, situé dans Grünewald, bien au-delà des limites du Ring. Après les destructions, le modèle de la tabula rasa domine les politiques de reconstruction jusqu’au milieu des années 1980. La structuration traditionnelle, s’appuyant sur une continuité historique du tissu bâti, renvoie en effet à la période nazie et les architectes d’après-guerre la rejettent. Des quartiers entiers sont détruits pour édifier de nouvelles formes urbaines. « Après la guerre, il n’était plus possible de se référer à la tradition. Les nazis avaient dévoyés le classicisme. La symétrie était bannie, la ville historique réprouvée » (Joseph Paul Kleihues, co-directeur de l’IBA 1987). L’Internationale Bauaustellung (IBA) ou Exposition Internationale d’Architecture est un dispositif allemand original visant à régénérer rapidement les territoires. Revêtant une dimension évènementielle assumée, elles cherchent à développer une stratégie par la réalisation, sur un site choisi, de projets cherchant l’exemplarité, tant sur la forme architecturale, qu’urbaine, sociétale ou économique. Il s’agit donc PAGE 59
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
d’un encadrement temporaire de la construction de la ville, où la démarche de projet est facilitée. Deux IBAs ont marqué l’histoire de Berlin Ouest : l’Interbau 1957 (aboutissant à la reconstruction du quartier d’Hansa Viertel) et l’IBA Berlin 1979-1985 (1987). Alors que l’Interbau 1957 prend en référence le modèle de la tabula rasa et développe une vision moderniste de l’architecture qui s’oppose radicalement à l’historicisme hors sol est-allemand, l’IBA 1979 marque un tournant dans la façon de reconstruire la ville. L’IBA a été séparée en deux branches. L’IBA NeuBau (pour les nouvelles constructions) interroge la construction neuve dans les dents-creuses de la ville. L’IBA Alt-Bau (pour les anciennes constructions) interroge la réhabilitation du tissu dégradé, dans l’idée de « sauver la ville détruite » (die Rettung der kaputten Stadt). Deux concepts ont ainsi émergé : la « reconstruction critique » et la « rénovation urbaine douce ». Il s’agit dans le premier cas de retrouver la trame historique d’avant guerre et le principe de l’îlot (auquel on retrouve des vertus structurantes et une flexibilité créatrice) dans le second cas d’intégrer les habitants dans les processus de rénovation urbaine. Les solutions et les outils développés lors de cet IBA, publiés par le Sénat de Berlin en 1983, se sont ensuite imposés dans la manière de transformer la ville, et sont considérés aujourd’hui comme des standards des politiques de renouvellement urbain. Il s’agit de l’affirmation d’une politique progressiste de la ville, avec une prise en compte des logiques de concertation.
Les espaces logistiques de la zone d’activité permettent des visibilités sur les espaces du Ring Bahn.
.03. SÉQUENCE 2 - ZONE D’ACTIVITÉ DE MARTINICKENFELD
UN MORCEAU DE VILLE TAILLÉ POUR L’INDUSTRIE La partie ouest de l’île de Moabit, entre le canal de liaison de Charlottenburg et la Beusselstraße forme une nouvelle séquence dans la traversée, marquée par une unité bâtie et fonctionnelle. Il s’agit d’un espace productif, dont l’ensemble d’entrepôts et d’espaces logistiques visible depuis le Ring date de l’après-guerre. Au sud des voies du Ring s’étend sur 46 hectares la zone d’activité de Martinickenfeld, autour de laquelle s’est développée des quartiers d’habitation typiques de la Gründerzeit. Seules les destructions de la guerre vont modifier quelque peu la trame urbaine. La majorité des immeubles d’habitation se concentre dans le long de la Beusselstraße (on parle du Beusselkiez, le « quartier de Beussel »), ainsi que le long de la Huttenstraße (le Huttenkiez). Si l’on ne voit depuis le Ring Bahn uniquement une architecture industrielle d’après-guerre, le quartier possède un patrimoine architectural important. C’est par exemple le cas de l’AEG Turbinenhalle (« la halle des turbines AEG »), au coin de la Huttenstraße et de la Berlichingenstraße.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
La partie septentrionale, occupée par le Berliner Großmarkt, est inaccessible au public. De fait, le Ring constitue ici une barrière : la Sickingenstraße longe l’emprise ferroviaire sur 1 kilomètre sans ne jamais le traverser. L’espace de la rue a d’ailleurs été conçu pour l’activité industrielle et logistique : les îlots sont plus grand et les rues plus larges que dans les quartiers d’habitations. L’environnement est minéral, les rues ne sont pas toutes plantées. L’architecture industrielle ancienne, construite en front de rue, participe tout de même à créer un espace cohérent. La reconstruction sur le tissu existant après la guerre a créé des juxtapositions entre les formes et les époques sur des espaces restreints. Les architectures productives patrimoniales et banales se côtoient, les Mietskasernen apparaissant ça et là au sein du quartier. Les parkings et les espaces de stockage nécessaires à l’activité économique ouvrent des dilatations dans la trame bâtie et créent des effets de profondeur.
6
5
genst
Beusselstraße
Sickin
raße
1
Hutte
2
nstra
ße
3 Kaiserin-Augusta-Allee
4 Parc boisé
Pelouses
Jardins ouvriers
Friches
Échelle 1:10000
Ring Bahn
Bâti résidentiel
Zone d’activité
Franchissement du Ring
.03. SÉQUENCE 2 - ZONE D’ACTIVITÉ DE MARTINICKENFELD
Berlinier Großmarkt
32 hectares Le Berliner Großsmarkt, construit en 1962, est le marché central de Berlin. Il rassemble plus de 300 grossistes. L’infrastructure est vieillissante, et depuis quelques années, les commerçants se plaignent des conditions d’accueil du site (mal dimensionné, trop petit pour les activités actuelles). En 2018, un groupement de commerçants s’est associé pour proposer au Sénat de Berlin, à qui le marché appartient, de le lui racheter. Cette proposition a été refusée et aujourd’hui les problèmes persistent. L’activité du marché implique un flux important de camions dans le quartier. Le site est entièrement fermé, les berges ne sont pas accessibles.
Zone d’activité de Martinickenfeld
46 hectares La zone d’activité de Marrinickenfeld est la plus grande zone d’activité à l’intérieur du Ring Bahn. En déprise depuis les années 90, elle connait un petit regain depuis quelques années grace à la mise en place du réseau d’entreprise Moabit e.V. 7000 employés y travaillent, 2500 chez Siemens, le reste principalement dans des activités de bureau, de logistique et de services.
1
AEG Turbinenhalle
2
Ancien siège BMW Berlin
3
Canal de liaison de Charlottenburg
4
Spree
5
Canal de Westhafen
6
Autoroute A101
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
.03. SÉQUENCE 2 - ZONE D’ACTIVITÉ DE MARTINICKENFELD
PAGE 65
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
La halle des turbines AEG, bâtiment de 290 mètres de long, marque fortement le paysage du quartier.
.03 TER. INTERLUDE
les débuts du marketing AEG (Allgemeine Elektricitäts-Gesellschaft, soit « entreprise d’électricité générale »), fondée en 1883 à Berlin, était une entreprise très importante, spécialisée dans la production d’appareils et de machines électriques. Construite entre 1908 et 1909 par l’architecte Peter Behrens, le bâtiment est symptomatique de l’époque. Behrens n’a utilisé que des matériaux modernes (béton, acier et fer) : la structure porteuse est apparente, et l’activité industrielle mise en scène au travers des immenses baies vitrées formant les façades. La forme, les dimensions du bâtiment et les éléments de composition architecturale (notamment les colonnes et le pignon) font du bâtiment un temple industriel. Cependant, l’architecte rompt ici avec l’esthétique historiciste de l’architecture industrielle développée jusqu’alors. Il construit une partie du complexe PAGE 67
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
productif d’AEG et assure également le poste de directeur artistique pour le design industriel : il définit la marque (il en dessine même le logo). Les produits comme les bâtiments industriels représentent l’image de l’entreprise, moderne et tournée vers l’avenir. Cette nouvelle approche de l’architecture industrielle avec une mise en scène de l’activité, exercera une influence décisive sur plusieurs générations suivantes d’architectes, notamment ceux du mouvement moderne et du Bauhaus (Mies van Der Rohe et Walter Gropius ont été des employés de Behrens, dans les mêmes années que Le Corbusier !). Ce bâtiment marque donc un tournant dans la construction industrielle et occupe une place majeure dans l’histoire de l’architecture.
Les cheminÊes de la centrale Êlectrique de Moabit forment des points de repères, visibles partout dans les franges du quartier.
.03. SÉQUENCE 3 - WESTHAFEN ET LA SIEMENSSTRAßE
LIRE L’HISTOIRE DU DÉVELOPPEMENT URBAIN En quittant la station Beusselstraße, le Ring Bahn entre dans une nouvelle séquence urbaine, marquée par l’ouverture du paysage du voyageur. Au nord, les horizons de la ville s’éloignent, le regard court sur l’emprise du rail élargie par le croisement des lignes de la Hauptbahnhof et sur les bassins et les quais de déchargement du Westhafen au nord. La verticalité de l’architecture monumentale de la Gründerzeit émerge au milieu de cet environnement plat. Plus loin, on aperçoit les tours et les cheminées de la centrale électrique de Moabit. C’est un paysage géométrique et vertical, où les façades en klinker des bâtiments forment des plans qui se superposent et se découpent sur l’horizon. Les deux ensembles datent du début du XXe siècle et s’inscrivent dans le courant historiciste en vogue à l’époque : ils sont construits dans le style néo-classique pour le port, et néo-renaissance pour la centrale. Ils ont été des éléments importants dans le développement industriel du quartier. Le soin apporté à l’architecture des deux ensembles témoigne de la puissance économique et symbolique de l’industrie à l’époque. Une zone d’activité occupe la partie sud des voies de chemin de fer. Cet espace semble être un condensé de l’histoire du développement du quartier : d’anciens bâtiments ferroviaires cohabitent avec des entrepôts logistiques récents ou des supermarchés, avec les petits bâtiments fatigués des garagistes, des artisans ou des ferrailleurs. L’ensemble forme une ligne continue, parfois interrompu par les dents creuses des espaces de stockage ou des espaces en friche. Cette frange bâtie du Ring, relativement basse fait PAGE 69
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
face au front bâti des immeubles wilhelmiens défraichis, situé de l’autre côté de la rue plantée d’un double alignement de platanes. Les bâtiments les plus récents ont été construits en 2008 et en 2015, respectivement à l’est en détruisant une partie de la zone d’activité ancienne et à l’ouest lors du réaménagement de l’ancienne gare de marchandise de Moabit. De ce côté des voies, l’espace est dense, mais la faible hauteur des constructions permet de conserver un espace relativement ouvert. La végétation est présente, les rues toutes plantées d’alignement. Les tours de Westhafen et de la centrale électrique forme des points de repères, visibles au dessus des toits durant toute la traversée. C’est un lieu au charme particulier, fait de bric et de broc, mais où les superpositions entre les plans et les architectures créent du rythme. En entrant plus en profondeur dans les rues, on trouve un habitat très dense, de la Gründerzeit, mais des alignements d’arbres viennent atténuer la rigueur des façades. Quelques dents creuses dans le front bâti marquent encore les traces de la guerre.
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Parc boisé
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Jardins ouvriers
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Ring Bahn
Bâti résidentiel
Zone d’activité
Franchissement du Ring
.03. SÉQUENCE 3 - WESTHAFEN ET LA SIEMENSSTRAßE
Westhafen
35 hectares Le Westhafen (le port de l’Ouest) a été construit entre 1914 et 1923. Il est exploité depuis sa création par la société BEHALA (Berliner Hafen- und Lager AG – « Ports et entrepôts de Berlin AG). Deuxième plus grand port intérieur d’Allemagne jusqu’en 1945, il reste le plus grand port de la ville et est relié au réseau ferré par le réseau du Ring Bahn. Aujourd’hui, la zone portuaire est soumise à des changements structurels évidents. Du fait de l’évolution du fret et le développement des containers, les anciens bâtiments de stockage ne sont plus utilisés et restent vides, à l’exception du grenier, qui abrite le service de journaux de la Bibliothèque Nationale (Staatsbibliothek).
Moabit Heizkraftwerk
5,8 hectares La centrale électrique de Moabit (Moabit Heizkraftwerk) a été construite en 1901, selon les plans de l’architecte Franz Schwechten, qui a aussi conçu à Berlin la gare de Anhalt (Anhalter Bahnhof), ou l’Église du Souvenir (Kaiser-Wilhelm-Gedächtnis-Kirche). Située au bord du canal Berlin-Spandau, par lequel est encore acheminé le char bon, elle fournit en électricité les quartiers nords de Berlin. En 1987, une grande partie de la centrale a été détruite pour des travaux de modernisation. Quelques uns des bâtiments historiques ont cependant été conservés, dont toutes les façades donnant sur la rue. En plus du charbon, la biomasse représente depuis 2013 jusqu’à 40% du combustible utilisé.
Zone d’activité de la Siemensstraße et de la Quitzowstraße
15,2 hectares Longeant les voies du Ring Bahn, elle se compose principalement de petits bâtiments, en R+1, garages automobiles ou d’ateliers d’artisans, avec des bâtiments de petites tailles. Cependant, le bord été restructuré en 2005 pour y installer un supermarché, tandis que le bord ouest autrefois occupé par les friches de la gare de marchandise de Moabit a été réaménagé en 2010. Il s’y tient aujourd’hui un grand supermarché, des espaces logistiques, et un nouveau parc, le Moabiter Stadtgarten (le «jardin municipal de Moabit»). On trouve encore au sein de la zone d’activité quelques dents creuses, et une friche d’un hectare et demi longe les voies ferrées.
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Parc de Reheberg (Volkspark Rehberger)
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Supermarché Hamberger
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Canal de navigation Berlin-Spandau
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Canal de Westhafen
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
.03. SÉQUENCE 3 - WESTHAFEN ET LA SIEMENSSTRAßE
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
.03. SÉQUENCE 3 - WESTHAFEN ET LA SIEMENSSTRAßE
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Ouverte en 1871, la gare de marchandise de Moabit a décliné durant la séparation de la ville, avant de fermer définitivement en 2005.
.03 QUATER. INTERLUDE
LE PROGRAMME STADTUMBAU NORDRING/TIERGARTEN Le programme Stadtumbau (« rénovation urbaine ») a été lancé en 2002 par le gouvernement central allemand pour aider les Länder de l’Est à transformer l’espace public, l’habitat dégradé et les infrastructures sociales. Le programme est ouvert dès 2005 aux Länder de l’ouest. A Berlin, des programmes de rénovation urbaine ont été menés dans 24 zones depuis 2002 (dont 18 sont encore actifs), et 515 millions d’euros ont été investis. Différents objectifs ont été suivis : amélioration de l’attractivité économique des espaces, rénovation des ensembles résidentiels, valorisation des espaces publics, « valorisation » des friches industrielles et ferroviaires ou encore le renforcement de l’offre de services publics. Les mairies d’arrondissement sont porteuses des projets, qui sont financés par le Sénat, l’Etat Central et l’Union Européenne via le fond FEDER. Le « concept intégré de développement urbain » (ISEK – Intergriertes Städtbauliches Entwicklungskonzept), tient titre de plan-guide du programme. Il s’appuie sur une analyse à grande échelle de la situation des quartiers pour en tirer les pistes de développement. L’élaboration de l’ISEK rassemble les services de la mairie, des acteurs du développement urbain et des habitants, le projet se voulant participatif. La transformation de la friche ferroviaire de la gare de Moabit s’est effectuée dans le cadre du programme de renouvellement urbain (Stadtumbau) Nordring/Tiergarten lancé en 2005. Un bout du programme porte sur la transformation de l’ancienne gare de marchandise et sur la relance de la zone d’activité. Le Bezirksamt s’est porté acquéreur d’une partie des terrains ferroviaires auprès PAGE 77
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
de la Deutsche Bahn, tandis que le reste de l’espace, classé par le Sénat en zone d’activité, a été cédé au secteur privé. Sur son terrain, le Bezirksamt a construit un jardin public (le Moabiter Stadtgarten) d’un hectare au centre duquel a été conservé un bâtiment logistique de la gare. Le bâtiment abrite le ZK/U (Zentrum für Kunst und Urbanistik, « Centre pour l’art et l’urbanisme »), un collectif qui questionne par différentes approches la fabrique de la ville. De plus, la EllenEpstein-Straße et la Erna-Samuel-Straße ont été percées le long des voies, pour déporter le flux automobile de la Siemensstraße et Quitzowstraße. Ces deux dernières rues ont ainsi été réaménagées pour donner plus de place au piéton. La plus grande partie des espaces délaissés a été transformée. La frange entre l’espace ferroviaire et l’espace urbain s’est réduite, mais on y trouve encore des espaces en attente. Pour réaliser le programme Stadtumbau Nord Ring/ Tiergarten, le Bezirksamt Mitte a travaillé avec deux agences de planification urbaine. Les objectifs seront réajustés par deux fois pour accompagner l’évolution des problématiques. Le programme se décline ensuite en 4 zones, aux problématiques différentes. Le plan a abouti au réaménagement des friches ferroviaires de la gare de Lehrte et de Moabit, à la rénovation du parc de Postadion, et à la création du réseau d’entreprise de Moabit (Unternehmennetzwerk Moabit E.v.). Un plan à l’échelle du quartier (le plan Green Moabit) cherche à adapter la zone d’activité et les espaces résidentiels au réchauffement climatique. Cependant, il est non contraignant et appliqué sur la base du volontariat.
.03. SÉQUENCE 3 - WESTHAFEN ET LA SIEMENSSTRAßE
L’histoire de la gare de Moabit rappelle aussi l’horreur nazie. A partir de janvier 1942, la gare a été utilisée pour la déportation des juifs de Berlin. Plus de 30 000 Berlinois seront envoyés jusqu’en 1945 vers les camps d’extermination. Depuis le 16 juin 2016, un mémorial édifié par le collectif Raumlabor se tient sur l’ancienne rampe de déportation. L’installation cherche à donner du sens à cet espace, coincé entre les parkings de Lidl et de Hellweg ; c’est un témoignage d’une histoire que la ville a longtemps tenté d’oublier. PAGE 79
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Depuis les canaux, Westhafen offre un autre aspect. La proximitÊ de l’eau renforce les effets de hauteurs et de profondeurs.
.03. SÉQUENCE 4 - LES ABORDS DU CANAL
L’envers du décor : le canal en chantier Une fois passées les cheminées de la centrale électrique, le Ring prend de la hauteur et traverse le canal de Berlin Spandau. La parenthèse des paysages d’une urbanité productive disparaît lors de l’entrée dans le quartier de Wedding. L’espace du canal constitue la dernière séquence de notre trajet. C’est un paysage marqué par les réseaux, proche de la nouvelle gare centrale (active depuis 2006) située en contrebas de l’île le long du canal. Cet enchevêtrement de routes, de ponts et de tunnels, dessine des espaces clos, pour certains occupés par des parkings et leurs supermarchés, pour d’autres laissés en friche. Un immeuble d’habitation, isolé, se dresse entre Aldi et le pont de la Deutsche Bahn. A l’inverse de la partie sud du canal qui descend vers la gare centrale et le quartier administratif, les berges nord du canal ne sont que très peu traitées. Elles servent pour l’instant d’espace logistiques pour le chantier du pont du S21, une nouvelle ligne de S-Bahn qui relie la gare centrale aux voies du Ring Bahn. Au nord de la gare, sur les anciens terrains en friche de la gare de la Lehrter Bahnhof, on peut apercevoir PAGE 81
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
le chantier du nouveau quartier d’Europa City. Ce projet lancé en 2005 dans le cadre du plan Stadtumbau West NordRing/Tiergarten est aujourd’hui piloté par le Sénat : le programme est mixte, mélangeant sur 40 hectares logements, bureaux et espaces commerciaux. 2800 nouveaux logements sont prévus ; le quartier devrait aussi attirer jusqu’à 6000 nouveaux emplois. Le canal n’est pas valorisé : il conserve encore presque sa fonction logistique originelle, segmenté par les infrastructures. En remontant vers Westhafen, les dents creuses disparaissent, on retrouve les cheminées de la Moabit Heizkraftwerk. Le complexe industriel et les voies du Ring Bahn isolent cette rive, la place en dehors de la ville, qui lui fait face de l’autre côté du canal. L’espace est cependant ouvert, les complexes industriels de la centrale électrique et de Westhafen présentent au passant un nouveau profil. A l’inverse de la rive parallèle, l’espace n’est pas aménagé pour la promenade, malgré un alignement d’érables qui délimitent le bord de l’eau. Il n’y a d’ailleurs personne, seulement des camions stationnés en file dans la rue. Arrivé au pont de Putlitzbrücke, seule la partie sud du canal est accessible, la rive d’en face étant fermée puisqu’appartenant à l’espace portuaire. La promenade se continue au travers d’un petit parc le long du canal, dans lequel les bâtiments et les grues du Westhafen se reflètent.
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Jardins ouvriers
Friches
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Ring Bahn
Bâti résidentiel
Zone d’activité
Franchissement du Ring
.03. SÉQUENCE 4 - LES ABORDS DU CANAL
Entre les ponts
4,5 hectares Les abords du canal sont ici non accessibles ou laissés en friche. Entre les différents ponts de chemin de fer, un petit espace commercial, avec de grosses emprises de parking, fait face au canal.
Europa City
40 hectares Le long du canal, en contrebas du quartier, le quartier d’Europa City se construit sur les 40 hectares de l’ancienne friche ferroviaire de la Lehrter Bahnhof
Les bords du canal
La partie nord du canal permet de voir le patrimoine industriel sous un autre angle.
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Parc de Poststadion
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Supermarché Hellweg
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Complexe chimique Bayer
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Nordhafen
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
.03. SÉQUENCE 4 - LES ABORDS DU CANAL
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
Sur la maquette du département du développement urbain et l’habitat, représentant le centre historique de Berlin, la masse des bâtiments construits depuis la réunification, signifiés en marron, donne la mesure des travaux entrepris depuis 1991.
.03 QUINQUIES. INTERLUDE
La Reconstruction Après la Chute du Mur La ville de Berlin, après avoir été le lieu physique de l’affrontement est-ouest, doit devenir la preuve d’une réunification réussie, après avoir connu des trajectoires autonomes pendant près de 40 ans. Il s’agit d’effacer du tissu urbain les espaces vides (physiques ou symboliques) de la guerre, de la désindustrialisation et de la division de Berlin pour donner une consistance urbaine, et donc politique au territoire réunifié de la ville. Autrement dit, l’enjeu est de refaire une seule ville à partir de deux entités devenues distinctes. Le principe de la « reconstruction critique », qui a émergé lors de l’IBA 1987, est alors choisi par Hans Stimmann, directeur du Département d’urbanisme (Senatsbaudirektor) au Département de la construction et du logement (Senatsverwaltung für Bau- und Wohnungswesen) de la ville de Berlin. Il va décider des politiques urbaines entre 1991 et 2006, appliquant le Planwerk Innenstadt (le plan d’orientation du développement du centre ville), selon les principes de la reconstruction critique. Le principe de l’îlot est décliné : les promoteurs doivent se plier pour les nouvelles constructions à un certain nombres de règles fixées par le Sénat de Berlin, qui font référence au passé architectural de PAGE 87
PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
la ville (alignement sur la rue, choix des matériaux, hauteur maximale). Le plan a eu les mérites de contrôler les velléités des investisseurs et d’aboutir à « une forme cohérente et lisible » malgré une administration endettée. Il n’en a pas moins été critiqué : en ne prenant en référence que le passé architectural wilhelmien de Berlin, il en a gommé une partie de son histoire urbaine, « a fait perdre à la ville son statut de modèle d’urbanisme en Europe». La rigidité de la règle a pu produire dans certains quartiers une architecture monotone. Toutefois, cette volonté de reconstruction d’une «ville-vitrine » du nouvel État allemand, qui découlait au départ d’une vision planifiée et politique de l’espace public, a été délaissée au début des années 2000. Berlin entre alors dans une grave crise budgétaire. Les grands projets portés par l’Etat sont abandonnés au profit de la création ex-nihilo de nouveaux quartiers destinés à la spéculation immobilière, ainsi que d’une vente massive de foncier et de patrimoines publics, dont la moitié du parc de logements sociaux. La ville a aussi procédé à la réorganisation de ses administrations, en licenciant une partie de son personnel. Cette volonté de reconstruction, loin d’apporter la consistance urbaine escomptée, s’inscrit alors à nouveau dans l’histoire d’une ville qui se construit par morceaux juxtaposés.
.04. CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
Le tronçon nord du Ringbahn entre les stations Westend et Wedding égrène un ensemble de zones industrielles et commerciales, de jardins ouvriers et d’espaces interstitiels insérés dans la trame urbaine. Les différentes étapes de son développement composent un paysage particulier, «Les paysages se composent dont le Ring est le lieu privilégié d’observation : et se recomposent au fil de la des espaces très ouverts, des verticalités promenade.» fortes, des mélanges architecturaux fortuits. Les bâtiments de la période d’industrialisation forment des points de repères dans le paysage urbain. L’espace est souvent poreux, le Ring toujours visible, les plans de la ville se superposent. Les paysages se composent et se recomposent au fil de la promenade. L’espace public est peu présent en dehors de l’espace de la rue. Cette frange en bord de voie ferrée, avec de grands îlots qui segmentent l’espace, se distingue du reste du quartier, beaucoup plus dense et uniforme. La zone de Martinickenfeld est un peu à part, un espace minéral taillé pour l’indus«Le développement de grands trie, mais dans lequel vit une partie des habitants de l’île. La zone d’acprojets urbains alentours posent la question du devenir tivité se prolonge à l’est et à l’ouest, le long de la Siemensstraße et de la de ces quartiers.» Gaustraße. Le contraste entre les bicoques des ferrailleurs de la Siemensstraße et les forêts de grues des chantiers d’Europa City est frappant. Des plans de renouvellement ont été menés pour améliorer le cadre de vie des habitants et conserver l’activité industrielle et logistique du site, mais le développement de grands projets urbains alentour inscrivent Moabit et Mierendorff au cœur d’un espace en mutation, posant la question du devenir du quartier et des risques pour sa structure sociale.
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PARTIE 2. LES SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE
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HABITER LEs QUARTIERs Mierendorff Platz
189 hectares, 14 990 habitants, +9,3% en 5 ans Weg 1 Tegeler 49 ha, 9 411 habitants , +6%
2 Kaiserin-Augusta-Allee
140 ha, 5 579 habitants, +14,9%
Moabit Ouest
433 hectares, 44 540 habitants, + 9,9% en 5 ans
3 Huttenkiez 79 ha, 3 390 habitants, +15,9% 4 Beusselstrasße
24 ha, 6 255 habitants, 12,2%
5 Zwinglistrasße 20 ha, 5 105 habitants, +12,2% 6 Emdener Straße
72 ha, 17 806 habitants, +7,8 %
7 Elberfelder Straße 59 ha, 11 731 habitants, +8,9% 8 Westhafen
179 ha, 253 habitants, +39%
Moabit Est
391 hectares, 36 260 habitants, + 4,5% en 5 ans
9 Stephankiez
83 ha, 10 469 habitants, +7,6%
10 Lübecker Straße
32 ha, 6 773 habitants, +6,5%
11 Hansa Viertel
57 ha, 5 477 habitants, -5,6%
12 Thomasiusstraße
59 ha, 5 826 habitants, +5,6%
13 Lüneburger Straße 76 ha, 6 773 habitants, + 6,4% 14 Zillesiedlung
16 ha, 3 207 habitants, +7%
15 Heidestraße 68 ha, 1 448 habitants, +1,4% PAGE 91
Les îles de Mierendorff et de Moabit se divise administrativement en trois quartiers : Mierendorff Platz, Moabit Ouest et Moabit Est. Ces quartiers sont eux mêmes divisés en sous-ensembles, déterminés par les municipalités pour évaluer à une échelle fine les problématiques propres à chaque espace. Ainsi, en y regardant de plus près, on se rend compte d’une forte disparité sociale à l’intérieur même des îles. Les espaces du sud de l’île abritent des populations plus aisées et plus intégrées socialement que les zones du nord, longeant les voies de chemin de fer (à savoir le Stephankiez, l’Heidestraße et l’Emdenerstraße), ou à proximité de la zone d’activité (le Beusselkiez, le Huttenkiez et le Kaiserin-Augusta-Allee). Dans ces parties de la ville se concentrent de nombreuses problématiques, qu’elles soient sociales, urbaines ou environnementales.
Répartition de la population en 2016
(sources : Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Wohnen)
Berlinois allemands
16,1%
25,4%
27,1%
28,9%
Berlinois issus de l’immigration Berlinois non-allemands
25% 22,7% 20,9%
19,4%
7,9%
7,1%
8,4%
9,5%
Part des habitants au chômage ou touchant des aides sociales en 2016 (sources : Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Wohnen)
Part de la population bénéficiaire de revenus sociaux complémentaires
16,9%
Moabit Ouest
19,1%
Moabit Est
17,4%
Mierendorff
54,2%
Berlin
12,5%
53,8%
Taux de chômage chez les 15-65 ans
71,4%
57,2%
.01. UNE POPULATION SOCIALEMENT FRAGILE
Un quartier populaire et immigré La fonction productive et industrielle du quartier a eu non seulement des effets sur sa forme bâtie, mais aussi sur la structure de la population résidente. La diversité linguistique et culturelle caractérise Moabit et le quartier de Mierendorff. Plus d’un quart des habitants dispose d’un passeport étranger, et près de 20 % sont allemands issus de l’immigration. La part d’habitants issus de l’immigration est la plus forte dans les parties Nord du quartier. Ces proportions, beaucoup plus fortes que dans le reste de Berlin, s’expliquent par l’histoire ouvrière de la ville. Après la construction du Mur, le gouvernement fédéral a fait appel à une immigration étrangère importante, principalement turque, pour prendre la place des postes laissés vacants par les allemands de l’est. Ainsi, les quartiers ouvriers de l’ouest de la ville (Moabit, Wedding ou Neukölln) sont aujourd’hui aussi des quartiers où l’on retrouve une forte communauté étrangère.
Une population précaire L’indice Monitoring Soziale Stadt permet d’identifier les espaces de la ville concentrant une forte densité de problèmes sociaux, afin de désigner les espaces prioritaires où mener des politiques de développement urbain. A Moabit, 1/3 de la population vit dans des zones où les inégalités sociales sont fortes ou très fortes, situées autour de la zone d’activité et le long des voies de chemin fer.
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PARTIE 3 : LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES
Ainsi, en s’intéressant aux chiffres de l’emploi, on peut se rendre compte que les taux de chômage du quartier sont plus élevés que dans le reste de la ville, particulièrement dans les quartiers proches de la zone d’activité et de la voie ferrée (respectivement 11,3, 11,7 et 13,4 % pour le Huttenkiez, le Beusselkiez et le Stephankiez). Si ces chiffres ont tendance à diminuer sur les 5 dernières années, la part des habitants touchant des allocations sociales a augmenté sur la même période. Le quartier est donc caractérisé par une pauvreté matérielle plus forte que dans le reste de la ville. Cependant, il s’agit d’un problème structurel à l’échelle de Berlin. Le quartier participe aussi depuis 1999 au programme Ville Sociale (Soziale Stadt), un programme lancé à l’échelle du pays, financé au niveau européen, central et fédéral. Il met l’accent sur le désenclavement des territoires urbains défavorisés, présentant des problématiques d’accès à l’emploi ou d’intégration sociale et culturelle. Il s’agit d’établir un diagnostic participatif des besoins des habitants pour établir un plan d’action annuel, le concept intégré d’action et de développement (IHEK, Integriertes Handlungs- und Entwicklungskonzept). Des conseils de quartiers, qui pourront influer sur le financement de certains projets locaux, sont élus. Le programme implique les habitants dans le processus décisionnel de transformation de l’espace public, et met en place des mesures pour améliorer le vivre ensemble. La dynamique d’une participation habitante active est déjà ainsi ancrée à Moabit.
«Ce serait quand même bien sans AFD». L’AFD (Alternative für Deutschland) le parti allemand d’extrême droite populiste et nationaliste rencontre à Berlin une forte opposition. Ici, sur un mur de la Emdener Straße à Moabit.
.01 BIS. INTERLUDE
histoire des luttes Au tournant des années 1900, Berlin, avec ses nombreux quartiers ouvriers, rassemble l’avant-garde prolétaire allemande. La ville est le théâtre d’une véritable guerre civile à la chute de l’Empire en 1918 ; la révolution spartakiste, menée par Rosa Luxemburg et Karl Liebknecht , est réprimée dans le sang. Weimar sera préféré à Berlin, trop rouge, pour devenir la capitale de la nouvelle république. Du fait de la forte concentration de travailleurs dans le quartier, son histoire ne peut être détachée de l’histoire ouvrière et des luttes sociales (Lénine, lors de son passage à Berlin en 1895, séjourna deux mois à Moabit, au 12 de la Flensburger Straße). Le 19 septembre 1910, 136 ouvriers se mettent en grève et bloquent leur usine dans la Sickingenstraße, réclamant une augmentation de 43 à 50 pfennigs de leur salaire horaire. Ils sont soutenus par les ouvriers des usines alentour et par la population du quartier. Le 29 septembre, 30 000 manifestants affrontent un millier de policiers et de briseurs de grèves armés par l’employeur. Les combats feront deux morts et des centaines de blessés, l’évènement mettant en lumière la violence de la police prussienne aura un retentissement international. En 1929, la ville est durement frappée par la crise : 600 000 ouvriers se retrouvent au chômage, Berlin concentre 10 % des chômeurs allemands. Plus gravement touchée que le reste du pays, elle ne cède pourtant pas au nazisme : aux élections de juillet 1932, les communistes et les socio-démocrates devancent largement le parti nazi. Berlin est « rouge et juive », les communistes et les SA s’affrontent dans des combats de rue jusqu’en 1933. Victoire de courte durée, les ouvriers de Moabit feront ainsi fermer en 1932 le local nazi « Hochmeister » de la Huttenstraße. Encore pendant la guerre, des réseaux de résistants se mettent en place au sein de la capitale nazie, malgré la répression. Karl Liebknecht, leader de la révolution spartakiste, vivait à Moabit, au 15 de la Thomasiusstraße. Il y a été élu au conseil municipal du quartier, puis représentant au Reichstag.
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PARTIE 3 : LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES
9,5%
5,5%
Berlin Allemagne 1991
19%
11,2%
7,9%
Berlin Allemagne 2005
3,4%
Berlin Allemagne 2017
Variation du taux de chômage de la population active âgée de 15 à 65 ans (sources : Eurostat, Amt für Statistik Berlin-Brandenburg)
2003 1,7
2007 6,3
2018 12,7
Évolution de la fréquentation de l’aéroport de Schönefeld (en millions de passagers) (sources : Flughafen Berlin Brandenburg)
L’aéroport de Schönefeld, dans le sud de Berlin, est le terminal principal des compagnies low-costs
.01 BIS. INTERLUDE
réunification et désindustrialisation Les taux de chômage élevés et la précarisation d’une part plus grande de la population peut s’expliquer par une transformation de l’économie et une désindustrialisation à l’œuvre depuis déjà au moins deux décennies. En effet, l’industrie va être artificiellement soutenue des deux côtés de la ville. Elle occupe à l’Est une place essentielle dans la rhétorique du régime, tandis qu’elle est subventionnée par l’Etat dans le Berlin Ouest enclavé (on parlait du « complément berlinois », le Berliner Zulage). A la réunification, la ville va subir une désindustrialisation massive : le tissu industriel n’a pas bénéficié des investissements nécessaires à l’évolution des techniques et est alors désuet. Le taux de chômage explose, et reste encore aujourd’hui, malgré une amélioration, deux fois plus élevé que dans le reste de l’Allemagne. Les industries ont ainsi déserté une partie de la zone d’activité de Martinickenfeld. Lors du plan de réaménagement urbain, la mairie Mitte a mis en place un certain nombre de mesures pour encourager le maintien des entreprises dans la zone d’activité, et la création du réseau d’entreprise de Moabit e.V, afin de créer des synergies entre les entreprises restantes et de permettre les conditions d’accueil de nouvelles entreprises. Depuis, le taux de vacance a diminué et l’emploi a augmenté (7000 personnes travaillent aujourd’hui dans la zone d’activité). Les municipalités tentent de conserver l’activité dans cette partie de la ville, souvent logistique liée à la proximité du marché central de Berlin. Le quartier de Mierendorff développe une zone d’activité sur l’emplacement de l’ancienne centrale de gaz de PAGE 97
PARTIE 3 : LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES
Charlottenburg depuis 2009. La zone le long de la Siemensstraße et de la Quitzowstraße a été pérennisée lors du plan de renouvellement urbain, en permettant aux occupants de devenir propriétaires du terrain. L’équilibre reste cependant précaire : Siemens, qui emploie plus de 2500 employés dans le quartier, a envisagé en 2016 de fermer son site, avant de changer d’avis après négociation avec la mairie. En 2007, le siège berlinois de BMW, d’une surface de 50 000 m2 et employant 220 personnes, situé sur la Huttenstraße, est fermé : le bâtiment est aujourd’hui encore en partie vide. Aujourd’hui, l’économie de la capitale est en train de se transformer. Les secteurs du tourisme, de l’industrie créative et de l’économie digitale ont pris le pas sur l’activité industrielle. Il ne reste à Berlin plus que 80 000 salariés dans l’industrie et près de 80 % des 124 milliards d’euros de PIB de la ville sont générés par des activités de service. Berlin trouve ici un nouvel équilibre, qui se traduit dans les chiffres par une baisse progressive du chômage. Le développement du tourisme a été un des premiers secteurs à émerger dans le renouveau économique de Berlin. Le développement des compagnies low-cost dans les années 1990 et 2000, le patrimoine historique important et la promesse de fêtes « underground » lui ont permis de devenir une capitale touristique majeure. De grandes manifestations et évènements de plein air rythment l’année berlinoise. Berlin a aussi développé un tourisme mémoriel axé sur le nazisme et la guerre, la Shoah et la RDA. Face à cette explosion du tourisme, l’économie hôtelière se développe dans toute la ville, participant à la spéculation immobilière
Les supermarchés cohabitent avec le tissu industriel ancien : Aldi s’est cependant ici adapté au contexte et a construit une façade en klinker.
Les espaces productifs du Ring Bahn se transforment peu Ă peu en espaces marchands, dont les enseignes marquent le dĂŠsormais le paysage.
PAGE 99
3.700.000 3.600.000 3.500.000 3.400.000 3.300.000 3.200.000 3.100.000 1994
1996
1998
2000
2002
2004 2006
2008
2010
2012
2014
9,27
Variation de la population Ă Berlin entre 1994 et 2018 (sources : Statista)
6,18 4,88
5,00
5,07
5,15
2005
2006
2007
2008
6,37
7,38
7,61
2013
2014
8,02
2018
9,91
8,60
6,84
5,51
2009
2010
2011
2012
2015
Variation des prix des loyers Ă Berlin entre 2005 et 2018 (en euros par m ) 2
(sources : Statista)
2016
2016
2017
2018
.02. UNE RENVERSEMENT DES TENDANCES
Une explosion démographique Le nombre de résidents du quartier a fortement augmenté ces dernières années. En 5 ans, le nombre d’habitants a subi une hausse de quasiment 10 % dans la partie ouest de l’île et de presque 5 % dans la partie est. Dans le quartier de Mierendorff, cette augmentation frise les 10% sur les dix dernières années. La croissance de la population locale est directement liée à un renversement démographique à l’échelle de la ville. Berlin a pendant longtemps été en crise démographique. L’accès au statut de capitale, la délocalisation des institutions de Bonn vers Berlin en 1999 ainsi que les politiques urbaines volontaires menées par la municipalité permettent un petit rebond de la démographie après la chute du Mur, freiné par la crise du début des années 2000 : la ville commence alors à perdre des habitants. Cette dynamique s’inverse en 2005 et s’accélère à partir de 2011. Le niveau de 1989 sera retrouvé dès 2006. La ville comptait 3,387 millions d’habitants en 2005, contre 3,575 aujourd’hui. La croissance commence depuis 2016 à ralentir. Toutefois, le Sénat prévoit une augmentation de 7,5 % de la population d’ici à 2030, pour atteindre un total de 3,828 millions d’habitants. Les prévisions de croissance sont plus fortes sur l’île de Moabit. Pourtant, cette croissance tient essentiellement dans l’arrivée d’habitants dans le quartier d’Europa City dans l’ouest. La structure urbaine déjà très dense PAGE 101
contraint une éventuelle densification du tissu bâti, et le stock de logement disponible a été épuisé par l’arrivée des nouveaux habitants ces dernières années. On remarque aussi une évolution à la baisse de la moyenne d’âge des habitants. C’est donc un quartier relativement jeune et avec une population de plus de 65 ans relativement faible.
Une augmentation des prix de l’immobilier Le renversement démographique s’accompagne d’une hausse de la pression foncière sur la plupart des espaces disponibles dans le centre de la ville. Le déficit démographique de la ville, ainsi que le nombre important de logements vacants, ont maintenu pendant les années de crise des loyers très bas pour une capitale européenne. Les prix des loyers avaient attiré des artistes de toute l’Europe, à la recherche d’ateliers à moindre prix. Ainsi, Berlin avait développé cette image de ville créative et underground (son ancien maire Klaus Wowereit avait qualifié la ville de « pauvre, mais sexy »). L’augmentation de la demande a pour effet une forte augmentation du prix des loyers : ils ont plus que doublés entre 2005 et 2018. Aujourd’hui, seul un appartement sur 10 est proposé à un prix de location au mètre carré inférieur à 7 euros.
La Potsdamer Platz en 1987 - Der Himmel über Berlin, Wim Wenders
Berlin ville en décroissance Berlin capitale du IIIe Reich perd 27 % de sa population durant la guerre. La démographie va ensuite stagner jusqu’à la réunification, le tissu ancien devient trop grand pour une population désormais réduite. Les espaces vides, les dents creuses dans la trame urbaine, marquent l’emplacement des bâtiments détruits par les bombardements et jamais reconstruits, puisqu’inutiles. Il n’est pas rare de trouver, au milieu de la ville des années 1980, des immeubles en demi-ruines de l’époque wilhelmienne, jamais rénovés depuis la guerre. Ces immeubles vides seront dans les quartiers de Kreuzberg ou de Prenzlauerberg squattés par des activistes, défendant un autre mode de développement urbain et de rapport à la propriété privée (ce courant de pensée, qui fait de Berlin un des laboratoires de la politique urbaine, sera formalisé dans les principes développés par l’IBA 87).
Pendant longtemps, la ville sera donc considérée en décroissance. Elle sera le sujet de différentes visions et réflexions urbanistiques, dont celle de « l’archipel vert », développée par les architectes Oswald M. Ungers et Rem Koolhaas en 1977. L’idée est de concentrer le développement urbain dans les quartiers ayant des concepts architecturaux forts, et de réaliser des coupes dans les parties « en déshérence » de la ville. Il en émergerait alors « des archipels d’architecture dans un lagon vert de verdure », avec une séparation claire des espaces par l’hétérogénéité de l’architecture et par la trame végétale. Si ces principes n’ont pas été mis en application, ils soulignent bien déjà l’importance et la place des espaces libres, investis par une nature rudérale, dans la trame urbaine de Berlin.
.02 BIS. INTERLUDE
évolution des politiques urbaines Le début des années 2000 marque dans la politique de la ville l’abandon du programme de reconstruction critique et un virage libéral dans la politique de la ville : ventes massives de terrains publics et abandons des programmes de logements sociaux. Le renversement démographique marque le début de sortie de crise financière de Berlin. Ainsi, le Sénat a cherché à reprendre la main sur la fabrique de la ville, afin d’essayer d’apporter des solutions aux nouveaux défis économiques et sociaux, via notamment le développement de différents plans cadres. Les administrations ont été remises à niveau et du personnel a été embauché dans les départements de la planification urbaine. Aussi, le plan d’orientation et de développement du centre-ville est modifié en 2011 : le Planwerk Innere Stadt remplace le Planwerk Innenstadt, étendant le périmètre d’action aux quartiers périphériques du centre-ville, aux potentialités de développement importantes. En 2013, l’adoption du plan « Berlin Strategie 2030 » définit un nouveau document cadre pour coordonner les politiques urbaines de la ville. La nouvelle coalition SPD-Grün-Die Linke, arrivée au pouvoir en 2016 avec à sa tête le bourgmestre Michael Müller, va faire de la lutte contre la gentrification et de la construction de logements accessibles le point central de sa politique urbaine. L’objectif est de construire 20 000 logements par an, dont 20 à 30 % de logements sociaux. Ainsi, 17 projets de constructions de nouveaux quartiers sont lancés dans tout Berlin, pilotées par le Sénat. De même, l’adaptation des équipements publics (crèches, maisons de retraites, parcs, etc.) au changement démographique est anticipée. Cependant, la maitrise du foncier et l’absence de budgets reste un des problèmes majeurs à l’application de ces programmes. La ville reste en 2018 endetté à hauteur de 57,6 milliards d’euros. Pour PAGE 103
PARTIE 3 : LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES
contourner ses problèmes budgétaires, la ville a recours à des financements privés afin de mener à bien les projets de construction, mais laissant parfois de côté l’aspect social des projets. La Strategie Stadtlandschaft Berlin (« stratégie de paysage urbain de Berlin »), lancée par le Sénat en 2011, cherche à préserver le réseau d’espaces ouverts de la ville, décrits comme « une base importante pour l’attractivité de la ville et la qualité de vie ». Le plan est orienté selon 3 axes majeurs : Schöne Stadt (« belle ville »), Produktive Landschaft (« paysage productif ») et Urban Natur (« Nature urbaine »). L’accent est mis sur l’adaptation au changement climatique, l’économie de ressources, l’adaptation au changement démographique et le maintien d’une diversité culturelle. D’autres plans (climat, habitat, etc.) cherchent aussi à apporter des solutions à ces nouveaux défis. Ainsi, ces nouveaux enjeux vont être intégrés au programme de renouvellement urbain Nordring/Tiergarten. L’ISEK 2010 mettait l’accent sur la conservation de la dimension industrielle et productive de l’île. La question des espaces publics dans la zone d’activité, bien qu’abordée, n’était que peu traitée. Les questions du logement, du risque de gentrification, d’accueil des migrants mais aussi de l’évolution des infrastructures sociales vont être mis au centre du diagnostic de l’ISEK 2016. De façon plus large, l’ISEK 2016 intègre les objectifs des grands plans stratégiques de la ville. Les thèmes traités sont volontairement larges, pour couvrir le maximum de sujets. Cependant, beaucoup des thématiques abordées dans l’ISEK ne se traduisent pas en projet. Ainsi, la question du logement étant une problématique difficile dans un contexte urbain déjà très dense, il n’y a pas eu de projets de nouvelles constructions (malgré les différentes solutions de densification évoquées).
URBAN TECH REPUBLIC CAMPUS EUROPA CITY SIEMENSSTADT AM SPREEBORD
Campus Siemenstadt (70 ha) : 2000 logements Europa City (40 ha) : 2800 logements Am Spreebord (2,8 ha) : 1100 logements Urban Tech Republic (211 ha) : 9000 logements Les 17 projets prioritaires se concentrent à l’intérieur du Ring Bahn. Echelle 1: 200 000
.03. LES LIMITES DE L’ACTION PUBLIQUE
LE NERF DE LA GUERRE Si les différents plans d’actions ont une visée globale d’amélioration de l’espace public, ils ne réussissent pas à être appliqués au cœur de la zone d’activité de Martinickenfeld. La mairie concentre son action sur certains points stratégiques sur lesquels elle possède le foncier (par exemple dans le parc de Postadion et dans le Moabiter Stadtpark pour les espaces ouverts). Ainsi, malgré les 9000 personnes vivant dans la zone d’activité de Martinickenfeld, aucune action sur l’espace public n’a été menée. Les actions qui sont menées dans la zone d’activité se font sur la base du volontariat des entreprises. Dans l’état actuel, les intérêts des habitants, de la municipalité et des propriétaires fonciers divergent; l’espace urbain n’évolue que marginalement, la capacité d’action réelle des acteurs ayant un intérêt au développement d’un espace mixte étant faible. Dans l’IHEK 2016 du Quartiersmanagement Moabit West, le manque d’espaces publics dans la zone d’activité de Martinickenfeld est aussi pointé du doigt. Le concept d’un « paysage du mouvement » (Bewegungslandschaft) est développé, il s’agit de mettre en réseau les espaces publics existants du quartier. Le projet, ne pouvant pas être financé, a dû être abandonné. PAGE 105
PARTIE 3 : LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES
Le manque de ressources est le principal problème de la mise en action de ces plans. Le plan Green Moabit prévoyait l’installation de panneaux solaires pédagogiques dans l’espace urbain. La mairie ne souhaite pas les installer dans la rue pour éviter qu’ils soient dégradés, et souhaitent donc les installer dans la cour des écoles. Cette mesure, pourtant votée par le Conseil Municipal, n’est aujourd’hui toujours pas mise en œuvre : elle relève à la fois du département de l’aménagement urbain, de l’éducation et de la technique, aucun de ces trois départements ne souhaite payer. La complexité de l’administration ralentie aussi les projets, qui s’ils ne sont pas abandonnés, mettent du temps à être mis en place dans une ville qui évolue à grande vitesse. Ainsi, s’ils peuvent paraître complets dans leur analyse, la mise en place des objectifs de l’ISEK à Moabit est difficile ; ils relèvent plus d’une série d’actions ciblées dans des espaces prioritaires que d’un réel projet global et cohérent. On voit que les outils utilisés pour l’amélioration de la qualité des espaces de vie des habitants se heurtent ici à la propriété foncière et au manque de moyen de la ville, et nous invite à réfléchir sur de nouvelles stratégies et de nouveaux outils pour le développement urbain futur.
Les grues qui se dĂŠcoupent partout dans le ciel de Berlin marquent la croissance continue de la ville.
.04. CONCLUSIONS
Berlin connaît un changement démographique maner le problème, les partenariats publics-privés sont jeur, avec une augmentation constante de la popula solution privilégiée par le Bezirksamt Mitte, et de lation, une croissance du marché immobilier et une manière générale par la ville de Berlin. Dans le cas d’Europa City, les promoteurs paient une partie des augmentation de la pression foncière. Les différents travaux de la réalisation des places urbaines et des programmes portés par le Sénat mettent au centre écoles sur le site. Aussi, le Bezirksamt Mitte a inclus, l’habitant et les processus de concertation. Ils visent à renforcer la diversité des quartiers, à développer dans le contrat signé avec le ZK/U pour l’occupation du bâtiment de la gare, l’entretien et la surveillance les espaces publics et les parcs, à lutter contre la du Moabiter Stadtgarten. gentrification ou encore contre le réchauffement climatique. «La trame urbaine lâche de La multiplication des projets de Berlin est en train de construction de nouveaux quartiers Les habitants des quartiers disparaître, en même temps transforme en profondeur la ville. populaires, comme Moabit ou que la mixité sociale des Mierendorff, se retrouvent en L’augmentation des prix du foncier quartiers.» a eu pour conséquence d’ouvrir un première ligne. L’augmentacertain nombre de terrains, à l’abantion du prix des loyers fragilise don parfois depuis 1945, à la spéculation immobiencore des populations déjà précaires. Pour assurer lière. Les espaces autrefois ouverts se ferment, les la stabilité des quartiers, le Sénat reprend la politique de construction de logements sociaux. Mais le grues jaillissent un peu partout entre les immeubles. La trame urbaine lâche de Berlin est ainsi en train de gentrification est une réalité dans tout le centre-ville, disparaître à grande vitesse, en même temps que la y compris à Moabit. mixité sociale des quartiers. Ces nouvelles orientations sont difficiles à mettre en œuvre, car la mairie ne dispose pas du foncier et ses ressources financières sont limitées. Pour contourPAGE 107
PARTIE 3 : LES CARACTÉRISTIQUES SOCIO-DÉMOGRAPHIQUES
Dans le Stephankiez, le long de la Quitzowstraße, les balcons des maisons s’effondrent. Une partie de l’habitat du quartier est très âbimé.
moabit et mierendorff, des quartiers dégradés
Les deux îles présentent des similitudes dans la leurs caractéristiques socio-économiques. Même si leur forme urbaine est parfois assez différente, les problématiques rencontrées sur le terrain sont les mêmes. Ces similitudes sont les plus fortes dans les parties nords des îles, où habitent les populations les plus précaires au milieu des espaces restants d’actvité. Les espaces publics sont peu nombreux, dégradés et sur-utilisés, l’espace de la rue est saturé par le trafic, et l’augmentation des prix des loyers précarise encore plus les habitants. On voit ainsi que différentes problématiques émergent du site, qui seront la base des arguments de projet. Cependant, il faut souligner la place et l’importance du patrimoine industriel dans le paysage de l’île, élément doit être intégré à la dynamique de projet.
PAGE 109
PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
BERLIN 17,1m2 / habitant
MITTE 15,6m2 / habitant
MOABIT OUEST 11m2 / habitant
MIERDENDORFF 3,5m2 / habitant
MOABIT EST 3,3m2 / habitant
BEUSSELKIEZ + HUTTENKIEZ 2,73m2 / habitant
Le quartier de Moabit Ouest est en déficit d’espaces publics, au regard du reste de la ville.
.01. LES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU SITE
Le manque d’espaces PUBLICs Les espaces ouverts publics manquent dans la partie nord des quartiers de Moabit et dans le quartier de Mierendorff. La structure urbaine, typique de la Gründerzeit, est en effet très dense. Les quelques espaces ouverts existants sont saturés et en mauvais état. De plus, malgré la création du Moabiter Stadtgarten, la transformation de la friche ferroviaire de la gare de marchandise de Moabit a réduit l’espace ouvert accessible du quartier. Il ne bénéficie aussi qu’aux habitants de la frange nord du quartier. Pour les Beusselkiez et de Huttenkiez, le manque foncier disponible empêche la création de nouveaux espaces ouverts. Dans la partie nord de l’île, les abords du canal, qui pourraient constituer une ressource en espaces ouverts, ne sont pas aménagés ou sont fermés au public (le long du Berliner Großmarkt et de Westhafen). La frange en bordure de Ring Bahn, plus ou moins épaisse, pourrait être utilisée pour renforcer le PAGE 111
PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
réseau d’espace public. Cependant, elle est difficile d’accès, les parcelles de la zone d’activité formant une barrière entre la rue et le Ring. Il est intéressant de noter que si les espaces d’activités sont peu perméables physiquement et constituent des ruptures fortes dans la trame urbaine, ils forment toutefois des ouvertures visuelles marquantes, du fait notamment des espaces de stationnement et de stockage, ainsi que du faitage bas des bâtiments. Les jardins ouvriers, bien que privés, participent aussi à l’ouverture visuelle de l’espace.
Les parkings et les zones de déchargement des activités logistiques présents le long du Ring Bahn participent à conserver une perméabilité au moins visuelle dans le site. Mais ces espaces sont marqués par une forte temporalité et par une spécificité des usages qui s’y tiennent.
.01. LES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU SITE : LE MANQUE D’ESPACES PUBLICS
OUVERTURE PHYSIQUE
OUVERTURE VISUELLE
1910
Fermé
Ouvert
Le tissu urbain et productif très dense laisse peu de place aux espaces publics dans le quartier. Toutefois, ces espaces peu perméables physiquement forment des ouvertures visuelles marquantes.
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PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
Zones d’activitÊs ou zones industrielles
Parcs
Jardins ouvriers
Les ensembles industriels forment des grands ensembles difficilement franchissables et qui enclavent le quartier et le coupent du rĂŠseau de parcs. Echelle 1:50000
.02. LES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU SITE : DES QUARTIERS ENCLAVÉS
L’autoroute forme au nord de l’île une emprise franchissable en seulement 3 points, au niveau des ponts qui traversent le canal.
Points de franchissement du canal Points de franchissement du Ring Bahn
DES INFRASTRUCTURES CONTRAIGNANTES Moabit est au cœur d’un réseau de parcs importants. Mais les voies du Ring Bahn, ainsi que la imperméabilité des ensembles industriels, créent des ruptures qui empêchent les connexions douces avec les parcs. Les voies du Ring Bahn ne sont franchissables qu’en PAGE 115
PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
3 points sur l’île de Moabit et en 4 points sur l’île de Mierendorff. L’autre berge face au canal n’est accessible respectivement que par 4 et 2 ponts. En comparaison, 15 ponts permettent de rallier la berge d’en face dans la partie sud de l’île. Ainsi, 3 voies vertes, faisant partie du système de 20 voies vertes de la ville de Berlin, passent à proximité des deux îles mais sont difficilement accessibles.
- 55 dB
55-60dB
65-60dB
65-70dB
La pollution sonore du quartier est forte sur tous les grands axes majeurs en lien avec l’autoroute. Seuls les cœurs d’îlots sont épargnés, protégés par les façades de la rue. Echelle 1:50000
.03. LES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU SITE : POLLUTION ATMOSPHÉRIQUE ET SONORE
l’heure de pointe En plus de la pollution des sols liée au passé industriel et ferroviaire des sites, la pollution sonore et atmosphérique sont deux problématiques majeures du quartier. L’activité économique, nécessitant le passage de nombreux camions, en est la cause. La zone d’activité de Martinickenfeld est aussi très mal desservie en transports en communs (seul le bus M27 la traverse). La zone d’activité est donc soumise aux flux pendulaires des travailleurs qui chaque jour s’y rendent. Dans un contexte de raréfaction de l’espace, la question du stationnement devient centrale. Mais les îles sont aussi le lieu de passage vers les autoroutes A100 et A101, ou l’aéroport de Tegel, PAGE 117
PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
depuis le centre-ville. Ainsi, certains axes comme le Tegeler Weg, la Beusselstraße ou la Turmstraße sont très fréquentés. De plus, la densité bâtie et l’imperméabilisation de la quasi-totalité des sols accentuent les effets de pollution, l’air ne circule pas et des îlots de chaleur se forment. L’espace de la rue est hostile aux habitants. Un des objectifs affichés du Planwerk Innere Stadt est aussi une réduction du poids de la voiture dans les déplacements urbains de 20%. Cette ambition est encore aujourd’hui freinée par le manque de moyen financier de la municipalité et se limite à la création de pistes cyclables (par exemple dans le cadre de l’ISEK).
2008-2019 - Sur la Lynarstrasse, le long du Ring Bahn entre les stations Wedding et Westhafen, les immeubles sont construits Ă la place des jardins ouvriers, dans la maigre frange des remblais ferroviaires.
.04. LES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU CONTEXTE DE BERLIN
Les premiers immeubles du quartier Europa City émergent dans le paysage.
pas de place pour le vide Les vastes chantiers de Moabit et de ses environs (le plus proche étant celui d’Europa City), avec des forêts de grues, font prendre conscience du changement en cours dans la ville. Le paysage de Berlin se transforme, les vides sont comblés par de nouveaux bâtiments résidentiels ou commerciaux. Pour la partie nord de l’île, les travaux de réaménagement des friches ferroviaires ont participé à la fermeture physique et visuelle du paysage. Des horizons autrefois ouverts se sont fermés, des espaces accessibles et des lieux d’appropriation habitantes ont disparu. Cette préoccupation doit être prise en compte dans le cadre d’une évolution future du quartier.
Dans la stratégie paysage de 2011, les friches sont reconnues comme participant du paysage de la ville, comme élément patrimonial mais aussi comme un atout pour la biodiversité. L’équilibre est précaire entre structure foncière et pression foncière : il faudrait pouvoir intégrer les forme ouverte de la friche dans les projets fonciers. Dans le plan Climat, le service de l’environnement, des transports et du climat (Senatsverwaltung für Umwelt, Verkehr und Klimaschutz) appuie sur l’importance des espaces non-bâtis pour assurer le déplacements des masses d’air, limitant les effets de la pollution et les îlots de chaleur.
Les espaces ouverts façonnent les paysages de Berlin. Ils proposent une nature rudérale au plus proche des habitants, créent des ouvertures, donnent à voir les coulisses de la ville, dessinent des horizons. Ils ont une influence sur le cadre des vies des Berlinois. Ces friches, ces espaces délaissés, assurent le dénominateur commun entre les différents quartiers. Le végétal, tout comme l’eau, s’infiltre partout dans la ville, et vient ainsi apporter une cohérence
Il serait dommage de combler ces espaces, qui expriment l’histoire de la séparation de la ville, de la réunification, de la désindustrialisation. Le trou dans la ville pourrait rester un élément constitutif de la forme urbaine de Berlin, laissant une place importante à une nature urbaine spontanée. C’est d’ailleurs dans ces espaces délaissés que s’organise la vie culturelle et festive. Loin de rendre la ville molle, ils participent à son dynamisme.
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PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
2008-2019 - La Quitzowstrasse, au niveau du croisement avec la Perlerbergerstrasse : la construction de la ville marchande sur la ville productive transforme le paysage et ferme les horizons
.04 BIS. 2008-2019 : L’ÉVOLUTION DU PAYSAGE
2008-2019 - L’alignement de peupliers, qui formaient la limite perméable des friches de la gare de marchandises de Moabit, a été remplacé par les murs en béton d’un supermarché.
2008-2019 - La grande perspective sur le centre de la ville, formée par les friches de la Lehrter Bahnhof, bientôt fermée par un nouveau quartier de 40 hectares.
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PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
.04. LES PROBLÉMATIQUES LIÉES AU CONTEXTE DE BERLIN : LA FERMETURE DE LA VILLE
Dans le nouveau quartier d’Europa City, le long de la Lehrter Strasse, les nouveaux immeubles forment un système clos, autour d’un espace ouvert central en réseau, rappelant le principe des gated communities. Les nouveaux arrivants sont isolés des habitants du quartier.
La paupérisation des classes populaires Le basculement démographique et la croissance du marché immobilier, dans une ville qui compte 84 % de locataires, ont eu une influence sur la structure sociale de la ville et on laissé apparaître des phénomènes rapides de gentrification. L’arrivée de nouvelles populations aux ressources financières plus fortes efface l’encrage populaire des quartiers. D’abord confinés aux quartiers centraux (Kreuzberg, Mitte, Prenzlauerg Berg), ces dynamiques se sont étendues aux quartiers de la première périphérie, comme Friedrichshain, Neukölln ou Moabit. Le risque est de voir se développer une ville à deux niveaux, avec un centre gentrifié où vivent les populations les plus aisées, et des périphéries délaissées où se concentrent les populations et les problèmes sociaux.
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PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
A Moabit, où 91 % du parc de logement est locatif, les loyers ont fortement augmenté comme dans la plupart des quartiers à l’intérieur du Ring. Différentes mesures ont été mises en place pour conserver le parc existant et protéger les habitants, mais elles ont leurs limites. Les municipalités de quartier ont autorité pour se saisir de ces instruments et établir des zones de protections (Milieuschutzgebiet) sur des quartiers identifiés. Par exemple, la conversion d’appartements locatifs en copropriété y est interdite (Umwandlungsverordnung). La destruction, la modification ou le changement d’affectation des bâtiments nécessite un permis accordé par la mairie. Ainsi, le Beusselkiez, le Huttenkiez ou encore le Stephankiez sont classés comme zones à risques et placées sous un périmètre de protection. Des mesures d’encadrements permettent aussi de freiner la hausse des prix. Seulement, elles sont peu efficaces, puisqu’elles ne s’appliquent pas aux appartements neufs, rénovés ou meublés.
Les nouveaux projets immobiliers dĂŠtruisent le tissu urbain ouvert de la ville. Ici, un chantier le long des voies du Ring Bahn entre les stations Westhafen et Wedding.
.05. CONCLUSION INTERMÉDIAIRE
«La modification des dynamiques démographiques et l’augmentation du prix du foncier laissent entrevoir une transformation des fonctions du quartier.»
Le Berlin des horizons ouverts n’est pas uniquement dû aux friches : les espaces des zones d’activités participent de cette dynamique. Malgré la volonté affichée par la municipalité de maintenir l’activité dans la zone de Martinickenfeld, la question de sa pérennité en centreville se pose. La modification des dynamiques démographiques, la position du quartier dans le Berlin réunifié, l’augmentation des prix du foncier, la fragilité de l’activité économique de cette zone, la montée en puissance des problématiques de qualité du cadre de vie ou des problématiques environnementales laissent entrevoir une transformation future et nécessaire des fonctions du quartier.
Les petits espaces d’activités, comme on trouve le long de la Quitzowstraße et de la Siemensstraße, tendent à disparaître rapidement à Berlin. De l’autre côté du canal, à Wedding, les garages automobiles et les petits espaces d’activité le long de la voie ferrée ont été détruits en octobre 2018 pour faire place à la construction de logements pour étudiants. Une partie du quartier est encore classée comme « zone d’activité » (Gewerbegebiet) dans le Plan d’Occupation des Sols (Flächennutzungplan), actualisé régulièrement par le Sénat. Il suffit pourtant d’une décision politique de changement de type de zone pour transformer rapidement l’aspect du quartier : Europa City en est le mauvais exemple frappant. Toutefois, la question de la conservation des emplois dans le centre des villes ne doit pas être laissée de côté ; il s’agit alors de mélanger les fonctions productives et résidentielles de la ville dans un projet urbain cohérent. PAGE 125
PARTIE 4 : LES PROBLÉMATIQUES
L’architecture industrielle est mise en scène lors de la fondation du quartier. Le projet s’applique faire à nouveau regarder ces éléments de paysage aux habitants et aux usagers.
.01. LE SITE DE PROJET
VERS UNE VILLE TOUJOURS PRODUCTIVE AUTOUR DU RING, UN CONDENSÉ DES PROBLÉMATIQUES BERLINOISES La question de la soutenabilité de la zone d’activité logistique et industrielle de Moabit, au centre de la ville, avec de nombreux espaces sous-utilisés (notamment les espaces de manœuvre et de stationnement) et des problématiques de pollution, peut se poser dans un contexte immobilier en forte croissance. Toutefois, l’enjeu de la conservation des emplois dans le centre des villes ne doit pas être laissé de côté ; les fonctions productives et résidentielles doivent s’associer dans un projet urbain cohérent. Penser l’évolution du site vers une nouvelle étape de la ville productive, sans gommer l’histoire ouvrière des lieux, me semble important. Le projet se concentre sur les espaces périphériques du Ring Bahn, dans le nord de Moabit et de Mierendorff, qui rassemblent les différentes problématiques du site : un espace segmenté et contraint, une superposition entre les couches industrielles, commerciales et résidentielles, et de nombreux espaces productifs en déclin. Les habitants de ces quartiers sont particulièrement précaires et vulnérables face à la gentrification.
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PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
On y rencontre cependant encore les éléments hétérogènes du paysage berlinois et dont l’alternance redéfinit sans cesse l’horizon et les ambiances. Ces respirations dans le tissu bâti sont autant de zones soumises à l’aléa foncier et au risque de fermeture. Le Ring est aussi un espace ouvert, avec des franges plus ou moins épaisses que l’on peut intégrer au projet. Cette ouverture est un atout pour les quartiers alentour, qu’il s’agit de valoriser. Ainsi, en menant une réflexion prospective sur la qualité et les vocations – urbaines, paysagères, voire récréatives, mais surtout multiformes et multifonctionnelles – des différents espaces périphériques au Ring Bahn, le projet propose de développer un environnement et un paysage urbain, cohérent et habitable pour les personnes qui le pratiquent et le visitent. La manière de percevoir la ville depuis l’espace quotidien du Ring est aussi au centre du projet. Ces lieux ne peuvent cependant pas être envisagés sans prendre en compte leur contexte immédiat. La mutation de la partie nord de la zone d’activité ne saurait être pensée sans une évolution de l’ensemble de la zone de Martinickenfeld. Les grandes entités que constituent l’ancien siège de BMW et les usines Siemens risquent aussi d’évoluer dans les prochaines années. Cependant, dans le cadre du projet, les espaces périphériques au Ring seront traitées en priorité.
Aujourd’hui, l’activité industrielle tend à disparaître peu à peu dans le quartier. Une nouvelle forme d’économie se développe, de façon parfois précaire.
.01. LE SITE DE PROJET
conserver une mixité des fonctions de la ville
la hausse des loyers. Mais cette mesure s’est avérée inefficace et a été abandonnée en 2018.
Face à la désindustrialisation, la mixité sociale des quartiers tend à disparaître. La mutation de l’économie, de l’activité industrielle vers le secteur des services, pose la question de l’intégration des classes populaires dans ce nouvel équilibre, et ainsi de leur place dans la ville. Cela laisse entrevoir le développement d’une ville ségréguée « à deux vitesses », avec des quartiers où habitent les populations socialement et économiquement intégrées, et ceux rassemblant des populations précaires, toujours plus éloignées de l’emploi. De plus, l’économie a intérêt à ne pas se développer uniquement sur l’activité touristique, qui est en réalité pourvoyeuse d’emplois précaires et à l’origine d’infrastructures d’une qualité variable, peu flexibles et évolutives.
Éviter la séparation fonctionnaliste de la ville, où l’industrie s’éloigne toujours plus du centre, peut être un frein à l’accroissement des inégalités. De nouveaux modèles de développement urbain sont ainsi à trouver, où l’on pourrait intégrer la petite production industrielle au cœur de la trame urbaine : de nouvelles fonctions, mais aussi de nouvelles formes sont alors à définir. Il s’agit de trouver un moyen de densifier la ville et de mener des programmes plus complexes, de chercher de nouvelles combinaisons urbaines.
Le développement exponentiel du tourisme dans l’économie de la capitale depuis une quinzaine d’années contribue à augmenter la pression foncière sur les espaces ouverts et à faire croître les prix de l’immobilier. Ces deux facteurs jouent sur la disparition de ce qui fait l’attractivité de Berlin. L’industrie du tourisme transforme les quartiers en profondeur : l’attractivité touristique fait alors le jeu de la gentrification. La ville de Berlin avait mis en place en 2016 une règlementation stricte concernant les locations temporaires d’appartements via AirBnB, estimant que la plateforme contribuait à réduire le stock d’appartements du marché locatif, participant ainsi à PAGE 129
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
Autrefois contraint par les catégories de zones exclusives du plan de l’urbanisme (Baunutzungsverordnung), la nouvelle catégorie Urbanes Gebiet (« zone urbaine ») permet aujourd’hui de mélanger les fonctions au sein des quartiers. Les espaces industriels en déprise peuvent aussi faire l’objet de politiques de préemption de la mairie, afin de les réserver à des projets mixtes. Les espaces productifs peuvent être pensés en rez-de-chaussée, mis en scène depuis la rue, ou bien se développer verticalement.
Programme Soziale Stadt
Associations d’habitants
Aperçu des différents périmètres des organes de participation habitante.
Conseils de quartier
.02. LE PROGRAMME
construire pour et avec les habitants A la fin des années 1990, la ville de Berlin a vendu de façon massive ses ensembles de logements sociaux à des bailleurs privés (le parc social est passé entre 1990 et 2008 de 30% à 15% du parc locatif total). La reconstitution d’un parc de logements sociaux dans les quartiers centraux est présentée et défendue comme un moyen de lutter contre la gentrification. Ainsi, une part importante de logements sociaux dans le parc locatif du nouveau quartier pourrait participer à une réduction de la gentrification. Toutefois, il n’existe pas de mesure contraignante à la construction des logements sociaux. L’enjeu est d’impliquer les acteurs privés dans la construction de ce parc, soit par un système de subvention, soit par des jeux des négociations entre le Sénat et les investisseurs. Une réflexion doit être menée sur le type d’appartement à construire. Par exemple, on constate que dans le quartier, beaucoup de personnes âgées, désormais seules, habitent dans des logements sociaux destinés à des familles. La construction de logements plus petits pourrait accompagner une politique de relogement volontaire de ces personnes, pour accueillir à nouveau des familles dans les logements laissés ainsi vacants. Un travail de médiation, d’accompagnement et d’incitation doit aussi être mené. Cela nécessite avant tout un changement de zone dans le plan d’occupation des sols, de zone d’activité à une zone mixte. Une fois ce statut modifié, l’augmentation de la valeur du foncier encouragera les entreprises à se déplacer. Cet intéressement financier des propriétaires fonciers à l’évolution du quartier, rendu possible par une décision politique d’évolution de zonage, devra s’accompagner de contreparties quant à la façon de mener par la suite le projet. Un cadre d’action sera ainsi défini en amont, fixant les orientations à suivre dans la façon PAGE 131
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
de mener le projet par les promoteurs. Il s’agit ensuite de prévoir le développement futur de la zone : d’abord, fixer les objectifs en termes de densité d’espaces résidentiels, publics et d’espaces productifs, travail qui nécessite un redécoupage parcellaire. La question des accès se pose alors, et il sera fait attention à conserver un espace poreux, afin de rendre possible une intégration des franges des espaces ferroviaires, autrefois inaccessibles, au projet de développement. Les habitants doivent être intégrés dès le départ aux discussions sur le devenir de leur quartier pour faire émerger leurs attentes et leurs besoins ; aux délibérations conduisant à organiser le programme urbanistique et ses orientations ; et peut-être associés, plus en aval et dans la mesure du possible, à la prise de décision elle-même. Ce type de démarche apporterait des éléments de réponse aux demandes croissantes en matière de démocratie urbaine. On pourra s’appuyer ici sur les réseaux déjà en place, notamment les comités de quartiers et les associations de riverains. Des groupes de réflexion, associant responsables de la mairie, entreprises, habitants, promoteurs, cabinets d’architectes et d’urbanistes, collectifs d’aménageurs peuvent aussi être mis en place pour réfléchir à la façon de faire cohabiter au mieux les différentes fonctions du quartier, sans cloisonner les espaces. L’évolution du quartier se fera par la vente progressive des terrains industriels et commerciaux. Ainsi, il pourra y avoir des moments de latences entre les différentes phases du projet. Ces temps de pause peuvent offrir l’occasion de trouver des occupations temporaires des espaces en mutations. De nouveaux acteurs pourront s’intégrer un temps au projet, le terrain devenant un espace d’expérience. Ces moments d’expérimentation pourront faire émerger de nouvelles manières d’occuper ou de gérer l’espace.
DES FRONTIÈRES PERMÉABLES
UNE TRAME URBAINE QUI DONNE LE RYTHME
UN PARC EN CHAPELET
.03. LES TROIS AXES DU PROJET
un nouveau mélange des fonctions Pour mener à bien ce processus de transformation de la zone d’activité en zone mixte, trois principes majeurs doivent orienter le projet : rendre l’espace perméable pour désenclaver le quartier, mettre en réseau les différents espaces ouverts pour créer un parc en chapelet, et finalement créer un rythme lisible en fonction des différentes vitesses à laquelle le quartier est perçu.
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PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
Les différents espaces ouverts du quartier, aujourd’hui fermé physiquement aux habitants, sont intégrés deviennt de nouveaux espaces publics.
.03. LES TROIS AXES DU PROJET
Des frontières perméables Les grands ensembles constituant la zone d’activité créent des ruptures dans l’espace urbain qui cloisonnent aujourd’hui le quartier. Le mélange des fonctions productives et résidentielles au sein d’îlots mixtes permet l’ouverture des espaces et le désenclavement du quartier. De nouvelles formes d’espaces sont à dessiner : des lieux mixtes entre espaces de production et espaces de vie. Aujourd’hui, les espaces liés à l’activité économique (quais de déchargement, parkings, espaces de stockage) ne sont utilisés que partiellement en fonction des périodes, et constituent de fait une réserve potentielle d’espaces ouverts aux habitants dans un contexte pourtant très contraint. Cette temporalité doit être intégrée dans le projet, les espaces de la zone d’activité pouvant devenir des lieux publics lorsqu’ils sont inutilisés. PAGE 135
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
L’enjeu est bien de faire pouvoir cohabiter les différentes fonctions, sans cloisonner les espaces, de questionner la forme de l’espace public et sa frontière avec l’espace privé, et de façon plus générale la manière d’habiter la ville. Le projet s’attache à conserver les ouvertures propres à la ville, en donnant une place importante à l’ouverture visuelle et physique de l’espace dans le dessin de la trame urbaine. Le vide devient un élément constitutif de la forme bâtie, le quartier se dessine autant en négatif qu’en positif. Ainsi, l’architecture est pensée pour être perméable au regard, par des jeux de hauteurs, de profondeur, en privilégiant les dilatations dans la trame bâties, dilatations qui peuvent être des espaces publics, privés ou des espaces utiles à la production. Il faut alors réfléchir à créer de la densité, pour répondre aux problématiques foncières et démographiques.
Dilatations et ouvertures dans la trame urbaine
Patrimoine industriel
Les différents espaces ouverts du quartier, aujourd’hui fermé physiquement aux habitants, sont intégrés deviennt de nouveaux espaces publics. Echelle 1: 25 000
.03. LES TROIS AXES DU PROJET
Les espaces ouverts du quartier s’organisent en fonctions de la trame déjà existante. Les friches et les délaissés ferroviaires, encore non-construits, sont inclus le réseau d’espaces ouverts du quartier. Le patrimoine industriel et logistique (Turbinenhalle, Westhafen, Heizkraftwerk), doit venir aussi appuyer les formes paysagères du site et être mise en valeur dans la définition des nouveaux îlots. Ainsi, les espaces s’ouvrent pour donner à voir les éléments industriels patrimoniaux du site. De plus, le réseau d’espaces ouverts s’appuie sur la trame viaire existante et cherche à se situer dans le prolongement des rues, afin de créer un réseau d’espaces publics au plus proche de l’ensemble de la population du quartier. Penser l’espace ouvert, qu’il soit paysagé ou productif, dans son ensemble, permet aussi de faire le lien entre espaces de loisirs et espaces économiques. Les espaces ouverts publics sont donc aussi à proximité des espaces ouverts productifs, ce qui permet de penser des complémentarités entre les deux types d’espaces.
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PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
98 minutes
17 minutes
4 minutes
Le site doit être compréhensible en fonction des différentes modalités de déplacement.
500 mètres
Exemples de densités de Mietskasernen détruites et partiellement reconstruites : à l’échelle de l’îlot, elles dessinent un espace perméable malgré une forte densité.
.03. LES TROIS AXES DU PROJET
UNE TRAME UBRAINE QUI DONNE LE RYTHME Le quartier s’observe depuis la rue et depuis le train : les deux faces du nouveau quartier doivent être traitées de manière à mettre en scène l’espace. Les vides et les pleins de l’architecture et de la trame du quartier dégagent des vues qui donnent à voir la ville. Différents niveaux de lectures sont possibles en fonction des différentes vitesses de mobilité, à pied, à vélo, en voiture ou en train. Le paysage doit rester cohérent pour chaque vitesse de déplacement, l’espace urbain se définit de façon différente en fonction de la manière dont on le traverse. La rapidité des déplacements permet de lier un espace, qui dans la temporalité du marcheur, se défait, laisse apparaitre d’autres facettes, des interstices qui deviennent des espaces de possibilité et d’appropriation. Ces différentes échelles, qui permettent de créer un paysage cohérent mais aussi d’offrir aux habitants une certaine intimité, doivent s’imbriquer et cohabiter. La trame bâtie se dessine en négatif sur la trame d’espaces ouverts, dont la place est pensée en amont pour préserver les vues et mettre en valeur les éléments marquants du paysage du quartier. Les PAGE 139
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
verticalités des tours, des cheminées, l’horizontalité des façades ou des grandes halles doivent pouvoir être perçues depuis le site et se superposer à l’architecture. Ainsi, les points de vue sur le patrimoine industriel aident à définir les espaces de vide dans la trame bâtie. On peut penser aussi à rechercher une hétérogénéité entre les espaces, avec des séparations claires, mais unifiées par une trame végétale. L’idée est ici de s’inspirer de l’esthétique de la ville, où les espaces et les architectures différentes coexistent et dialoguent au sein d’une matrice organique – suggérant la possibilité d’un « archipel vert » (Ungers et Koolhaas). La forme du bâti s’inspire de la structure existante du quartier, à l’échelle de l’îlot. La structure originelle des Mietskasernes a ici été dégradée par la guerre, et souvent partiellement reconstruit. Les façades, sur rue, abritent en arrière un système de cours plus ouvertes que dans leur forme originelle. Le front bâti isole de la rue les parties intérieures des immeubles, qui dans le contexte de pollution sonore du quartier, n’est pas négligeable. De plus, le front bâti n’est pas constant, avec des dents creuses qui ont été transformées en jardin, ainsi que des jeux de hauteur entre les bâtiments sur rue et les bâtiments sur cour. Le nouveau quartier s’inspirera de cette forme urbaine, qui s’est construite de façon fortuite, une forme dense et ouverte à la fois.
Les Gartenkolonien constituent des ressources fortes en ouverture, mais ne sont que partiellement accessibles, puisque les parcelles sont privĂŠes.
.03. LES TROIS AXES DU PROJET
Un chapelet d’espaces ouverts Supprimer les barrières que formaient les grands espaces de production permet de penser, à l’échelle du quartier, un réseau de circulation qui relie les grands parcs alentours. Les rues et les berges des canaux doivent être requalifiées pour valoriser les circulations existantes. Mais les franges de la voie ferrée deviennent un nouvel axe central piéton du quartier, connectée à la trame viaire. Les délaissés du Ring Bahn, maintenant accessibles, deviennent des espaces publics de proximité et s’organisent de façon linéaire en arrière des nouveaux ilots. Ils relient les différents espaces ouverts aménagés au sein des îlots mixtes ou sur les friches résiduelles le long des voies. Ils dessinent un parc en chapelet. PAGE 141
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
Dans un contexte contraint, avec peu d’espaces disponibles, traiter la frange de l’espace ferroviaire, avec ses différentes épaisseurs, et le lien qu’elle peut avoir avec l’intérieur des îlots bâtis permet de créer une unité à partir de multiples espaces disjoints, de penser leur articulation et de former un espace cohérent et continu. Tourné en partie vers l’extérieur de la ville, cet espace offre à voir de nouvelles perspectives sur le tissu urbain et bénéficie de l’ouverture et des horizons de l’espace ferroviaire. Il permet aussi de séparer les circulations piétonnes et automobiles, et donc de faciliter et d’encourager les déplacements doux. Ainsi, la promenade du Ring relie les canaux, les parcs et les nouveaux espaces publics, et crée au sein de l’île un itinéraire entier en dehors des axes routiers. En plus des parcs environnants, on pourra aussi réfléchir à la façon d’intégrer les jardins familiaux à la diversité des espaces publics. La plupart sont privés, mais certaines parcelles libres à l’intérieur de ces ensembles pourraient être intégrées au réseau d’espaces ouverts du site.
Chemins de randonnée berlinois existants Le Ring Bahn comme nouveau lien à l’intérieur du quartier
Patrimoine industriel marquant
Des bords de canaux à mettre en valeurs Des bords de canaux à rendre accessibles Liens possibles vers les parcs alentours Ouvertures vers la ville Les franges du Ring viennent mettre en lien les parcs de Tiergarten, de Jungfernheide, de Charlottenburg et le Volkspark Rehberge avec le reste du quartier. Echelle 1: 25000
.03. LES TROIS AXES DU PROJET
PARC DE JUNGFERNHEIDE
PARC DE REHBERGE
PARC DE CHARLOTTENBURG
TIERGARTEN
La présence du port, en bordure du quartier, induit aussi un travail ultérieur sur les espaces de promenades. En effet, le canal peut être longé sur la berge opposé à celle du port, où se dégagent des perspectives nouvelles sur les bâtiments de Westhafen, ainsi que des jeux de perméabilité vers le front bâti du quartier. Pourtant, malgré la présence d’un parc, la promenade n’est pas ici mise en valeur. Il s’agit donc de requalifier cet espace. De même, l’emprise du Berliner Grossmarkt bloque l’accès à un des côtés du canal. Le bord opposé est lui accessible, mais peu agréable, puisque longé par les voies de l’autoroute. Ainsi, la question de rendre l’espace du Grossmarkt plus perméable aux piétons peut être posée, tout du moins les abords du canal. Les canaux permettent l’accès aux différents parcs, puisqu’en lien avec des voies vertes : celle des jardins ouvriers au nord, qui mène au parc de Jungfernheide, ainsi qu’au parc de Rehberge. Leur potentiel est aujourd’hui mal exploité et doit être amélioré. PAGE 143
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
L’architecture industrielle du quartier est à mettre en valeur dans la définition des nouveaux espaces ouverts ou de espaces de promenade
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PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
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Les diffĂŠrentes actions se dĂŠclinent sur le site en fonction du contexte Echelle 1: 25 000
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.04. SPATIALISATION DES ACTIONS
ADAPTER LES PISTES D’ACTIONS AUX SÉQUENCES DE LA TRAVERSÉE Si elles s’appliquent sur l’ensemble du site, les différentes stratégies doivent tenir compte des caractéristiques des différentes séquences de la traversée. Les thématiques seront ainsi développées en fonction des éléments et des besoins du site. Dans la première séquence, correspondant au quartier de Mierendorff (1), l’accent sera porté sur la définition de nouveaux espaces ouverts.
4
Sur la séquence de la zone d’activité de Martinickenfeld (2), l’accent sera mis sur le développement d’un nouveau quartier d’habitation mélangeant les fonctions productive, résidentielle et récréative. Les espaces de dilatation de la trame bâtie, les perméabilités visuelles permettent la mise en scène du tissu industriel. Les connections avec l’espace du Ring Bahn s’inscrivent dans la trame viaire existante et prolongent les rues du quartier. L’ensemble de la zone d’activité est amené à muter, et on pourra réfléchir à l’ébauche d’une structure urbaine et viaire, en terme de densité ou de perméabilité, et en développant notamment un réseau de circulation permettant de relier les différentes parties de l’île. Sur la séquence de Westhafen (3), les friches le long du Ring Bahn sont intégrées prise en compte dans la stratégie de développement du quartier. Le devenir de la zone d’activité est ici aussi à questionner, mais l’accent sera porté sur la mise en scène du patrimoine architectural et l’inscription des franges du Ring Bahn dans le réseau d’espaces ouverts. Dans la dernière séquence (4), les deux berges du canal sont aménagées pour faire du lien entre la zone nord de l’île de Moabit et le nouveau quartier en construction d’Europa City. L’ensemble des interstices entre canaux, bâtis, ponts et routes pourra être intégré au dessin d’un nouvel espace ouvert, en lien avec la promenade qui descend vers le Reichstag. Cet espace vient s’intégrer dans la promenade du Ring. Un travail sera aussi fait sur les franchissements du Ring, les accès potentiels à développer. La promenade du Ring vient lier l’ensemble de ces espaces. Une réflexion sur la nature de l’espace ouvert le long de la promenade sera menée : il s’agit de qualifier le vide, afin d’en intensifier les qualités et de l’inscrire au mieux dans le lieu. PAGE 147
PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
.05. CONCLUSION GÉNÉRALE
produire dans le quartier Le renversement démographique qu’a connu Berlin ces dix dernières années transforme la structure physique et sociale de la ville. Les espaces vides, libres d’urbanisation ou de projets, tendent à disparaitre du centre, les trous dans la trame urbaine se rebouchent, les horizons autrefois «L’inadaptation de la structure ouverts se ferment. La zone d’activité de Martinickenfeld et ses espaces de la zone d’activité pose la périphériques, la dernière restante de l’ancienne ceinture question de sa pérénité.» industrielle du Ring, est aujourd’hui rattrapé par le développement urbain. Le manque chronique de logements et la nouvelle position du quartier dans le Berlin réunifié ont fait augmenter la pression foncière, et bondir les prix des terrains et les niveaux des loyers. Les espaces libres à Moabit, les friches et les dents creuses, ont presque tous été comblés. Seuls des espaces résiduels restent encore le long du Ring Bahn, généralement trop étroits pour être valorisés. L’inadaptation de sa structure aux changements sociaux et environnementaux pose la question de la pérennité de la zone d’activité de Martinickenfeld. A proximité de trois grands projets urbains (Europa City, Tegel et le Campus Siemens) et face à l’augmentation du marché immobilier, la zone d’activité peut évoluer rapidement au gré des décisions politiques. Berlin vit un nouveau moment clef de son histoire. Le paysage urbain et le paysage social issus de l’histoire tragique qu’a connu la ville tout au long du XXe siècle, qui constituaient une exception en Europe, se sont déjà en grande partie standardisés et harmonisés avec ceux des autres grandes métropoles. Le nouveau visage de Berlin gomme, à coup de grands projets immobiliers, de spéculation financière et de dénégation politique, l’histoire ouvrière et idéologique de la ville. La cession massive, au plus offrant, des espaces laissés libres par la chute du Mur et le départ des armées d’occupation n’a même pas permis d’éponger les dettes. Dans les années 2000, Berlin est devenue une ville de services et de fonctionnaires, mais la majorité de «La spéculation immobilière sa population reste précaire et vit de maigres revenus. expose les plus précaires à une Malgré les efforts apparents du Sénat pour contrôler la relégation persistante.» stratégie de développement urbain, la ville, faute d’un investissement public et d’une détermination politique suffisante de la part de ses institutions comme de sa population, prend rapidement les traits d’une ville ultralibérale, sans même en posséder l’infrastructure économique (elle reste très loin, par exemple des « villes globales » décrites par l’économiste Saskia Sassen). La spéculation immobilière, la gentrification
«Le nouveau visage de Berlin gomme l’histoire ouvrière et idéologique de la ville.»
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PARTIE 5 : PREMIÈRES PISTES
La ville se construit aujourd’hui dans ses recoins, les vides qui marquaient la trame urbaine de Berlin se rebouchent.
.05. CONCLUSION GÉNÉRALE
et l’exclusion sociale viennent précariser encore plus les habitants des anciens quartiers ouvriers, mais aussi exposer les populations immigrées les plus récentes (en grande partie des réfugiés du Proche et Moyen-Orient), à une relégation persistante.
«Mélanger les espaces résiden-
La question de la transformation du quartier dégradé tiels, productifs et ouverts, pour pose aussi celle de la gentrification : comment peut-on conserver les classes populaires dans un projet de rénovation urbaine, ne pas encourager dans le centre-ville.» le processus d’exclusion des populations précaires des centres-villes ? La réponse à cette question n’est pas évidente, et il faudrait approfondir la réflexion à partir des enquêtes des sciences sociales, de plus en plus nombreuses sur la question. Toutefois, le maintien d’une activité productive au sein de la trame bâtie du nouveau quartier pourrait faire partie de la réponse. Il ne s’agit pas de repenser totalement la fonction du quartier, mais plutôt d’en réorganiser la structure, pour qu’il puisse à la fois offrir un cadre de vie agréable aux habitants, ainsi que des emplois. Une politique résolue en terme de maintien des emplois productifs sur place, de logements sociaux ainsi qu’une réflexion sur la taille des logements peut aussi permettre de savoir quelles populations vont arriver. L’enjeu de la transformation est double : il s’agit d’intéresser les propriétaires fonciers à la transformation du quartier en un espace urbain cohérent, mélangeant les fonctions, tout en faisant monter en «Le quartier est pensé pour capacité d’action les acteurs locaux, tels que les habitants, les conseils de quartiers ou les collectifs être vu depuis le train.» présents sur place. Le projet propose une voie de développement, qui en mélangeant les espaces résidentiels, productifs et ouverts, cherche à assurer le maintien des classes populaires au sein du quartier. Le programme s’appuie sur une perméabilité entre les fonctions des espaces de la ville et sur le développement de logements sociaux. En bordure de voie ferrée, le quartier est aussi pensé pour être vu depuis le train, lieu privilégié pour observer le paysage berlinois. Désormais accessibles, les délaissés le long des voies deviennent un moyen de sortir de la ville, un corridor reliant les différents espaces ouverts. La forme urbaine développée s’attache aussi à conserver des espaces libres. Le projet est hybride puisque vu et vécu selon différents rythmes, celui du voyageur mais aussi celui de l’habitant. La manière de vivre à côté de ces infrastructures est questionnée et le devenir paysager des délaissés est intégré à une action sur leur devenir fonctionnel, répondant aux besoins des populations riveraines. À rebours du développement actuel de Berlin, l’enjeu est aussi de construire la ville sans la fermer, d’assumer la place du trou dans la forme urbaine. PAGE 151
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.01. BIBLIOGRAPHIE
Ouvrages
Marot, S., & Hertweck, F. (2013). La ville dans la ville. Berlin : un archipel vert (Lars Müller). Baden, Suisse. Zischler, H. (2016). Berlin est trop grand pour Berlin (Macula). Paris. Boquet, D (2016). Sociologie de Berlin (La Découverte). Paris Masbungi, A. (2017), Berlin, le génie de l’improvisation (Parenthèse). Paris Offenstadt, N. (2018), Le pays disparu, sur les traces de la RDA (Stock), Paris Brandlhuber, A (2015), The Dialogue City, Berlin wird Berlin (König), Berlin
Revues
Autour des friches (2005), Les Cahiers de l’Ecole de Blois, Vol.4, Editions de l’Imprimeur, Paris. Les Cicatrices du Paysage (2013), Les Cahiers de l’Ecole de Blois, Vol.11, Editions de la Vilette, Paris. Le paysage mouvement (2015), Les Cahiers de l’Ecole de Blois, Vol.13, Editions de la Vilette, Paris. Métamorphose (2018), Les Cahiers de l’Ecole de Blois, Vol.16, Editions de la Vilette, Paris. Marnes Documents d’architectures (2011), Volume 1, Edition de la Vilette, Paris. Le Patrimoine Industriel (2015), Monumental, Les Éditions du Patrimoine, Paris. Die produktive Stadt (2016), Bauwelt, n°211, Berlin La mémoire se fond-elle dans le paysage (2018), Mémoire en jeu, n°7, Paris
Documentaires et films
Menschen am Sonntag (1929), Robert Siodmak Berlin, die Sinfonie der Grossstadt (1927), Walther Ruttman Der Himmel über Berlin (1987), Wim Wenders Paris-Berlin, destins croisés (2015), F. Wilner, Épisodes 1 à 4, diffusé sur Arte
Articles scientifiques
Amar, G. (1999). Voir du pays. Fragments pour une poétique de la mobilité urbaine. Les Annales de la Recherche Urbaine, 85(1), 148–151. Bailly, E. (2016). Franges intra-urbaines à l’épreuve des projets de paysage. Projets de Paysage. Barthel, P.-A. (2009). Faire la preuve de l’urbanisme durable : Les enjeux de la régénération de l’île de Nantes. VertigO - la revue électronique en sciences de l’environnement, (Volume 9 Numéro 2). Delbaere, D., & Ehrmann, S. (2016). Des talus pleins les yeux. Projet de Paysage. Fischer, L. K., Honold, J., Cvejić, R., Delshammar, T., Hilbert, S., Lafortezza, R., … Kowarik, I. (2018). Beyond green: Broad support for biodiversity in multicultural European cities. Global Environmental Change, 49, 35–45. Klein, J.-L., & Waaub, J.-P. (1996). Reconversion économique, développement local et mobilisation sociale: le cas de Montréal. Recherches sociographiques, 37(3), 497–515. Stoetzer, B. (2018). Ruderal Ecologies: Rethinking Nature, Migration, and the Urban Landscape in Berlin. Cultural Anthropology, 33(2), 295–323. https://doi.org/10.14506/ca33.2.09
ANNEXES
.01. BIBLIOGRAPHIE
Rapports
Integriertes Handlungs - und Entwicklungskonzept - Quartiermanagement Moabit West (2015) Grobcheck Stadtumbau Mierendorff INSEL, Bezirksamt Charlottenburg-Wilmersdorf (2015) Integriertes Stadtteilentwicklungskonzept (ISEK) - Stadtumbaugebiet Tiergarten/ Nordring Bezirksamt Mitte (2011) Integriertes Stadtteilentwicklungskonzept (ISEK) - Stadtumbaugebiet Tiergarten/ Nordring Bezirksamt Mitte (2016) Landschaftsprogramm Berlin, Senatsverwaltung für Umwelt, Verkehr und Klimaschutz (2013)Plan Gree Moabit, Bezirksamt Mitte (2017)
Sites
www.berlin.de www.spsg.de www.berliner-zeitung.de www.stadtschnellbahn-berlin.de www.abandonnedberlin.com www.tagesspiegel.de www.berliner-bahnen.de www.stadtentwicklung.berlin.de www.moabitonline www.ssd-moabit.org www.wsa-b.de www.berliner-woche.de
Crédits photographiques
Tous les documents graphiques ont été réalisés par l’auteur sauf : p.14 -Zille, Heinrich (1893). Blick aus Zilles Wohnung auf das Ringbahngelände und die Knobelsdorffbrücke. Stadtmuseum Berlin p.16 - Rückwardt, Hermann (1912). Putlitzbrücke. Wikimedia Commons p.22 - Ministerium für Öffentliche Arbeiten, Königreich Preußen (1896). Berlin und seine Eisenbahnen. 18461896. Wikimedia Commons p.23 - Goetze, Rolf (1959). Lehrter Bahnhof. Stadtmuseum Berlin p.24 - Titzenthaler, Waldemar (1925). Becken II vom Verwaltungsgebäude ausgesehen. Landesarchiv Berlin p.29 - Inconnu (1928). Luftbild von Berlin. Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Wohnen p.32 - Roehrensee (1992). S-Bahnhof Beusselstraße Berlin. Wikimedia Commons p.36 - Senatsverwaltung für Stadtentwicklung und Wohnen (2010). Schwarzplan Planwerk Innere Stadt. p.59 - Zischler, Hanns (2016). Berlin est trop grand pour Berlin (extrait). Editions Macula p.102 - Wenders, Wim (1987). Der Himmel über Berlin (extrait) p.126 - Sass, Bert (1956). Behala - Speicher. Stadtmuseum Berlin
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Les quartiers de Moabit et de Mierendorff, anciennes périphéries ouvrières de Berlin, sont aujourd’hui au cœur de la ville. Le long des voies du Ring Bahn, la ligne de ceinture de Berlin, s’étire le dernier grand espace d’activité du centre-ville. Le tissu est ancien, et concentre différentes problématiques. L’espace est ségmenté, contraint par les activités, les habitants sont particulièrements précaires et vulnérables face à la gentrification, l’espace public est rare et dégradé. La question de la soutenabilité de la zone d’activité logistique et industrielle de Moabit, avec de nombreux espaces sous-utilisés et des problématiques de pollution, peut se poser dans un contexte immobilier en forte croissance. Toutefois, l’enjeu de la conservation des emplois dans le centre des villes ne doit pas être laissé de côté ; les fonctions productives et résidentielles doivent s’associer dans un projet urbain cohérent. Le projet s’attache ainsi à penser l’évolution du site vers une nouvelle étape de la ville productive, sans gommer l’histoire ouvrière des lieux.