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LA LÉGÈRE ÉCLAIRCIE DU COMMERCE EXTÉRIEUR

CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 3

BPCE : MIS EN EXAMEN, FRANÇOIS PÉROL S’ACCROCHE

LA MÉMOIRE DE BANGUI SACCAGÉE

CAHIER ÉCO – LIRE PAGE 4

ENQUÊTE – LIRE PAGE 19

Samedi 8 février 2014 - 70e année - N˚21480 - 3,80 ¤ - France métropolitaine - www.lemonde.fr ---

Fondateur : Hubert Beuve-Méry - Directrice : Natalie Nougayrède

Municipales: les 85 villes qui peuvent basculer à droite

PRESSE PEOPLE

RETOUR DE FLAMME

t Notre enquête exclusive identifie les communes que l’opposition pourrait reprendre

à la gauche en mars prochain et celles que le Front national peut espérer conquérir

E

n dépit de leur forte implantation locale, le Parti socialiste et ses alliés sont en situation très fragile dans près d’une centaine de villes de plus de 10 000 habitants. A moins de deux mois des élections municipales des 23 et 30 mars prochains, Le Monde a analysé chacune des situations en s’appuyantsurles scores obtenuslors des dernières échéances locales et nationales et les

donnéesexistantes sur les forces en présence. Au total, 130 villes sont susceptibles de changer de couleur, 85 sont aujourd’hui dirigées par la gauche, 45 par la droite. Le Front national peut nourrir des espoirs dans une dizaine de communes. Strasbourg, Metz, Reims, mais aussi Quimper, Pau, Saint-Etienne ou Chambéry pourraientbasculer à droite. De son côté, la gauche

t On croyait ces magazines

en déclin, le scoop Hollande-Gayet leur offre un nouveau souffle

pourrait conquérir Marseille, ou Avignon. Le FN est en situation plutôt favorable à Fréjus, Istres, Carpentras, Hénin-Beaumont ou Brignoles. Les villes moyennes, qui reflètent l’état du pays, constitueront aussi un enjeu important. La gauche espère encore éviter une défaite cinglante comparable à celles de 1983 ou 2001, qui avaient préfiguré une alternance politique nationale. p LIRE PAGES 6-7

À SOTCHI, L’ENTRÉE EN SCÈNE DE 3 000 ATHLÈTES t Les XXII

Jeux olympiques d’hiver s’ouvrent, vendredi 7 février, sur fond de polémiques es

BRUNO MOURON/SPHINX

LIRE PAGE 3 ET NOTRE SUPPLÉMENT SPORT & FORME

M LE MAGAZINE DU « MONDE » ●

UNIQUEMENT ENFRANCE MÉTROPOLITAINE, ENBELGIQUE ET AULUXEMBOURG

AUJOURD’HUI Immigration : la Suisse tentée par le repli

L’équipe sud-coréenne de patinage de vitesse à l’entraînement, le 6 février, à Sotchi. YURI KADOBNOV/AFP

Malaise dans les ZEP sur la répartition des moyens

La réforme des zones d’éducation prioritaires de Vincent Peillon, qui offre plus de moyens à certains établissements, fait beaucoup de mécontents. Amers, certains enseignants sont en grève. LIRE PAGE 9

CULTURE & IDÉES

Tout savoir de nos dirigeants? a Aux Etats-Unis, l’affaire

Hollande-Gayet aurait provoqué une crise majeure. En France, elle a créé des interrogations : connaître la vie privée du président sert-il le débat public ? SUPPLÉMENT

Les électeurs votent dimanche sur la création de quotas à l’immigration et la remise en cause de la libre circulation avec l’UE.

La pluie ne cesse de tomber dans la région sinistrée. Reportage à Morlaix, qui subit son troisième gros épisode d’inondations depuis décembre 2013.

INTERNATIONAL – PAGE 2

PLANÈTE – PAGE 5

Surmonter les peurs, sortir du déni

l

Un rapide inventaire campelemalaisenational : entre les éructations antisémites d’un « comique » égaré, les agitations fantasmées autour d’une supposée théorie des genres à l’école, la reprise des contestations de rue, l’impopularité présidentielle recordetlespectacled’ungouvernement désordonné, la France s’offreunecrisesociétaleetpolitique qui ne laisse pas d’inquiéter. Assistons-nous à la montée concomitante des intolérances et d’un fondamentalisme de type « Tea Party » à la française,

ÉDITORIAL NATALIE NOUGAYRÈDE

préparantdemainlessuccès électoraux d’une droite extrême et populiste ? L’impuissance des partisde gouvernementà formuler lucidement un diagnostic sur le mal français et à convaincre de leur capacité à y remédier ne fait que nourrir le scénario. Les Français sont entrés en dépression et en défiance. Tous les sondages indiquent une suspicion généralisée à l’égard de tous les pouvoirs. La France est devant une triple interrogation, assortie d’autant de peurs. Celle qui porte sur notre modèle éco-

nomique et social, avec ce lancinant constat de déclassement des classes moyennes. Celle de nos valeurs, sur fond de crispations identitaires. Celle de notre place dans le monde, l’Europe, la globalisation, avec la peur d’un effacement de la nation. Les cancers économiques qui rongent le pays sont connus. Un chômage enkysté, frappant dramatiquement les jeunes et les seniors. Un déficit et une dette publique record. Des prélèvements obligatoires quasiment inégalés en Europe, une balance commerciale structurellement négative et un désinvestissement industriel massif. Le contrat républicain est ébranlé. Les grandes institutions intégratrices comme l’école et les universités, ou encore le principe de laïcité, semblent faire eau de toute part. Nous vivons dans le repli identitaire et les peurs : peur des Roms, peur de l’islam, exécration de la technostructure bruxelloise. Les marches contre le mariage pour tous sont le dernier avatar d’une crispation nostalgique et, au sens strict du terme, réactionnaire. Pour compléter le tableau, la France ne porte plusaucunprojeteuropéenaudible,dumoinsparaît impuissante à ordonner le débat. Les défis à relever sont ceux

de l’insertiondans le marché globalisé, de la réforme éducative, despolitiquespubliques,despratiques institutionnelles et du vivre-ensemble fondé sur notre soclerépublicain,celui d’un nouvel élan européen, lucide sur les domaines qui peuvent être fédérés, et dynamique, courageux dans le traitement de nos crises périphériques et vitales, en Ukraine et en Syrie. Prend-on le chemin de ce réalisme lucide, alors que le chômage continue de progresser, ou bien reste-t-on enfoncé dans le déni des réformes ? Comme si la France, depuis la fin de l’exceptionnelle croissance des « trente glorieuses », était lentement devenue prisonnière d’un refus du monde tel qu’il est. Le 14 janvier, François Hollande a spectaculairement annoncé la fin des illusions économiques et idéologiques, avec une main tendue aux entreprises et l’aveu qu’il était social-démocrate… Il reste à voir si ce choc de réalisme se traduira concrètement par le redressement des comptes publics, la décrue des déficits et du chômage, le retour à la croissance et à l’investissement, et un Etatrepensésursesmissionsfondamentales. On en est loin.

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international

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Samedi 8 février 2014

Les Suisses tentés de renforcer leurs frontières

Les électeurs votent dimanche sur l’instauration de quotas à l’immigration et la renégociation de l’accord avec l’UE Genève Envoyé spécial

S

ur les panneaux électoraux suisses, on assiste à une querelle de pommiers. L’arbre de Guillaume Tell, qui donne des fruitsen abondance,est un symbole de la prospérité suisse. « La démesure nuit à la Suisse: stopper l’immigration massive », indique l’affiche de l’Union démocratique du centre (UDC), le parti populiste qui a proposé une initiative populaire, qui sera soumise au vote des électeurs suisses, dimanche 9 février. Pour illustrer le slogan, l’affiche montre un arbre qui a tellement grossi que ses racines sont en train d’étrangler la Suisse. Sur les panneaux voisins, ceux des partisans du « non », le même pommier est en train d’être abattu par un bûcheron inconséquent, avecle slogan:« Abattrenotreprospérité ? », pour souligner les dangers d’une telle réforme. L’initiative de l’UDC propose d’instaurerdes quotasà l’immigration et de renégocier l’accord conclu avec l’Union européenne sur la libre circulation des biens et des personnes, appliqué depuis 2002. L’atmosphère s’est tendue en Suisse à l’approche du scrutin qui apparaît incertain. Tous les protagonistesannoncentun résultat serré. Pendant plusieurs semaines, les partisans du « oui » ne sont pas parvenus à dépasser les 40 % d’intentionsde voteet l’initiativesemblait promise au sort réservé à la plupart des référendums sur la libre circulation : une absence de remise en cause. Mais tout a changé quand les derniers sondages ont montré une baisse des opposants à l’initiative(50 %) et une fortehaussede ses partisans,qui atteignent 43 %, avec 7 % d’indécis. Lorsde la votation sur l’interdiction des minarets,le même phénomène s’était produit et l’initiative de l’UDC avait finalement été adoptée. Une victoire du « oui » devient donc possible. Les autres partis, de droite et de gauche, se sont mobilisés, toutcomme les milieuxéconomiques,pourdénoncerl’argumentaire de l’UDC, mais le parti de Christoph Blocher est au centre du débat. Ce chef d’entreprise et homme politique controversé est le

L’arbre de Guillaume Tell, symbole de la prospérité suisse, est récupéré par les partisans du oui et du non au référendum d’initiative populaire. DENIS BALIBOUSE/REUTERS

symbole de tous les combats contre l’Europe en Suisse. Il redoute toujours une « adhésion à l’UE à patte de velours». « Nous ne voulons pas fermer nos frontières, mais nous voulons les contrôler », affirme ClaudeAlainVoiblet,vice-présidentde l’UDC. « Lorsque nous avons signé les accords de libre circulation, on nous avait prédit une immigration de 8 000 personnes par an. Nous sommes à 80 000 par an. Dans le même temps, le nombre de frontaliers qui travaillent en Suisse a presque triplé en dix ans, avec près de 280 000 personnes, sans compter

Près d’un quart de la population est étrangère Population La Suisse a 8,039 millions d’habitants (2012), dont 1,88 million d’étrangers (23,3 %). Il y a notamment 291 822 Italiens, 284 172 Allemands, 237 945 Portugais et 104 822 Français. La Suisse compte aussi plus de 300 000 personnes venant de l’ex-Yougoslavie, qui ne sont pas soumises à l’accord de libre circulation signé avec l’UE. Frontaliers 143 000 Français vivent en France et travaillent en Suisse ; 62 000 Italiens, 56 000 Allemands et 8 000 Autrichiens. Le nombre de frontaliers tra-

vaillant en Suisse a augmenté de 26,6 %, de 2007 à 2012. Libre circulation Sans appartenir à l’UE, la Suisse est membre de l’Association européenne de libre-échange (AELE), tout comme la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein. La Suisse ne fait toutefois pas partie de l’espace économique européen qui a été rejeté par référendum en 2002. Echanges L’UE représente 56,9 % des exportations suisses (97 milliards d’euros) et 78 % de ses importations (117 milliards).

250 000 sans-papiers et 700 000 étrangers naturalisés. On ne peut pas continuer comme ça », assure cet élu de Lausanne. A l’autre bout du pays, en Suisse alémanique, le candidat indépendant Thomas Minder a mis tout son poids dans la bataille. Ce chef d’entreprise de 53 ans est connu pour avoir lancé – et gagné – une initiative populaire contre les rémunérations abusives, en 2013. « On ne peut pas supporter une Suisse plus grande, affirme-t-il. Nous avons assez de monde. Nous sommes un petit pays avec beaucoup de montagnes, de lacs et de rivières. Les étrangers représentent 23% des habitants.Aucun pays n’atteint ce taux en Europe. Cela suffit, cela crée des pressions énormes sur le logement, les salaires, les transports.» Ces immigrés qui « encombrent » le pays sont principalement des Allemands, des Italiens, des Portugais et des Français. A Zurich, les Suisses se lamentent : « On parle beaucoup allemand, ici », contrairement au dialecte alémanique. A Genève, le Mouvement des citoyens genevois multiplie les provocations contre les Français. Dans la partie italienne, le Tessin, les sondages prédisent un « oui » à 70 %. Mais ces migrants sont venus

parce qu’ils avaient trouvé du travail auprès d’un employeur suisse, dans un pays qui a le plus faible taux de chômage d’Europe : 3,5 %. « La Suisse n’a pas assez de monde et ne peut pas en former assez pour répondre à la demande des entreprises, explique Dominique Legros, PDG du groupe DentsplyMaillefer. Ils viennent car nous avons une pénurie de maind’œuvre qualifiée.» Les étrangers européens assurent aussi de nombreuses tâches que les Suisses ne veulent plus faire, dans la restauration, les services, etc. L’UDC n’hésite pas à entretenirl’amalgameentre cette immigration de travail et la criminalité et l’insécurité qui visent plutôt les sans-papiers, en expliquant qu’ils sont venus grâce à l’ouverture des frontières. Richard Jacquet, un retraité de 70 ans à la double nationalité française et suisse, n’a pas d’état d’âme. Le 9 février, il votera en faveurde l’initiative: «On estbeaucoup trop nombreux. Il n’y a plus de qualité de vie. On ne peut plus rouler en voiture à cause des embouteillages,on ne peut plus stationner, on ne peut plus se loger », poursuit cet ancien policier, qui a ensuiterejoint l’hôpitalpour ypratiquer des autopsies. Ils sont nombreux à se plaindre

destrainsbondés,desembouteillages au milieu des villages situés sur la route entre la France et Lausanne.L’arrivée de ces travailleurs, dans un pays qui répugne à construire des tours, a entraîné des hausses de loyers dans la plupart des villes. «Ces problèmessontréels, reconnaît le président du Parti socialiste, Christian Levrat, mais l’initiative de l’UDC ne propose rien pour les

« Nous ne voulons pas fermer nos frontières, mais nous voulons les contrôler » Claude-Alain Voiblet vice-président de l’UDC

résoudre. Il y a eu un recul du pouvoird’achatpour les classes moyennes et les bas salaires confrontés aux hausses des prix des loyers et au coût élevé de la vie. Pour eux, l’immigration n’apparaît pas positive.» Le directeur du patronat romand, Blaise Matthey, redoute les conséquences d’un succès de l’initiative : « L’accord sur la libre circulation faisait partie d’une série d’accords bilatéraux avec l’UE, sur l’agriculture, l’accès aux marchés publics, la recherche, les

L’angoisse du plombier suisse face à la concurrence française

L

e plombier genevois voit d’un mauvais œil ses concurrents de l’autre côté de la frontière. « Les petits artisans souffrent de l’ouverture des frontières», explique André, un plombier genevois qui ne veut pas donner son vrai nom. « Beaucoup de main-d’œuvre vient sur Genève, ça crée des problèmes. En plus, on n’a pas les mêmes méthodes de travail qu’en France. J’ai reçu beaucoup d’appels de Français qui en avaient assez d’attendre pendant des semaines un plombier, mais c’est trop compliqué de travailler en France. On doit avoir une garantie. Il faut prendre

un représentant fiscal, qui déduit la TVA, avant de nous restituer l’argent. Il faut déclarer jusqu’au dernier boulon. Tandis qu’un plombier français qui travaille en Suisse, il passe la douane comme il en a envie, après avoir rempli une fiche sur Internet et il ne déclare pas toujours la TVA.» La différence de salaire empêche l’artisan de s’aligner sur les salaires français. « Les salariés français sont payés entre 1 200 et 1500 euros, tandis que, moi, je ne peux pas payer moins de 3 500euros. Et encore, c’est un minimum. Je forme des apprentis, mais si je les paie à ce tarif, une

fois qu’ils sont formés, ils partent ailleurs. Je dois les payer plus de 5000francs suisses [4 000 euros], sinon ils ne restent pas chez moi.» Cette différence se retrouve dans la facture proposée aux clients. « C’est de la concurrence déloyale», affirme André.

Travailleurs détachés «Ils pratiquent des tarifs très différents, cela crée des tensions, reconnaît Michel Charrat, le président de l’Association des transfrontaliers franco-suisses, à Annemasse (Haute-Savoie). Mais ce n’est pas de la concurrence déloyale. Il s’agit de modèles économi-

ques différents. Je connais un artisan qui a été formé en apprentissage en Suisse. Il a créé une entreprise en France, qu’il a fermée pour en créer une en Suisse. Il ne voulait pas brader son savoir-faire.» Dans le secteur du bâtiment, les artisans subissent aussi la concurrence de travailleurs des pays de l’Est, sous la forme d’entreprises de sous-traitance, dans le cadre de détournement de la directive sur les travailleurs détachés. Ils prennent un statut d’indépendants, qui leur permet de contourner les conventions collectives. La presse suisse a révélé plusieurs scandales sur des ouvriers

polonais travaillant pour des sommes dérisoires sur des chantiers publics. « C’était des cas de dumping avéré, en violation avec les conventions collectives de la branche. Nous avons renforcé les contrôles», explique Blaise Matthey, directeur général de la Fédération des entreprises romandes. L’affaire ne donne pas une bonne image de la libre circulation des travailleurs. André le plombier refuse de dire s’il votera en faveur de l’initiative pour réduire l’immigration, le 9 février. Il se contente de commenter: « L’Europe, ce n’est pas la panacée.» p A. S. (Genève, envoyé spécial)

transportsqui ontbeaucoupcontribué à la croissance helvétique. On gagneun franc sur trois avec l’Europe. L’ensemble de ces accords est lié par une clause guillotine. On doit les renégocier si on met en cause l’un d’entre eux. C’est dangereux.» Une partie des Etats européens attend au tournant la Suisse, au succès économique insolent, avec ses avantages fiscaux et son secret bancaire, même s’il a été écorné. « La Suisse joue à se faire peur, s’inquiète Blaise Matthey. Croit-on que l’on peut vraiment rester prospère en fermant ses frontières au cœur de l’Europe? » Le patronat craint une pénurie de main-d’œuvre. Mêmes inquiétudes dans les hôpitaux publics. « 40% de notre personnel viennent de l’étranger. Parce que nous sommes un hôpital universitaire, nous avons un turnover important. Près de 10 % de notre personnel changent chaque année. Si on doit en passer par de multiples procédures administratives et des quotas, la situation deviendra très compliquée », explique le professeur Pierre-François Leyvraz, le directeur du CHU de Lausanne, qui redoute que les échanges pour la formation de médecins suisses avec des hôpitaux européens en pâtissent. Pour François Gabella, le PDG de la société Lem, spécialisée dans les capteurs électriques, les choses sont simples : « J’emploie 1 200 salariés, dont 700 en Chine et 300 en Suisse. Les deux tiers sont des frontaliers. Si je ne peux plus embaucher librement, je réduirai monactivitéen Suisse et la développerai ailleurs. » Le discours est récurrent chez de nombreux chefs d’entreprise. « Quand j’ai fait mon initiative sur les rémunérations abusives, j’ai entendules mêmesmenaces», relativise Thomas Minder. Dans un café de la banlieue de Genève, Richard Jacquet ne s’affole pas d’éventuelles représailles européennes ou des entreprises : « On est suffisamment riches pour tenir le coup », dit l’ancien policier en caressantsoncaniche, impeccablement soigné. p Alain Salles


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international & europe

Neuf migrants trouvent la mort en tentant de pénétrer à Ceuta La pression migratoire s’intensifie à nouveau sur les deux enclaves espagnoles au Maroc Madrid Correspondance

A

u moins neuf personnes d’origine subsaharienne ont perdu la vie, jeudi 6 février, en essayant de traverser à la nage la frontière qui sépare le Maroc de l’enclave espagnole de Ceuta, selon le dernier bilan des autorités espagnoles. Cette nouvelle tragédie témoigne d’une pression migratoire accrue sur les enclaves de Ceuta et Melilla, seules frontières terrestres entre le Maroc et l’Espagne, l’Afrique et l’Europe. Très tôt dans la matinée, entre 200et400migrants,selonlessources,sesontdirigésverslepostefrontière de Tarajal, au sud de Ceuta. Après les avoir détectés grâce à des caméras à infrarouge, les autorités espagnoles ont prévenu la police marocaine, qui s’est postée devant le poste-frontière. Une partie du groupe s’est alors dirigée vers la pointe de Tarajal, une jetée qui s’avance dans la mer, pour tenter de franchir à la nage les quelques centaines de mètres qui les séparaient de la plage espagnole. A partir de ce moment, les versions diffèrent. Selon plusieurs ONGlocales,dontCaminandoFronteras, la garde civile espagnole aurait utilisé des balles en caoutchoucetdesbombeslacrymogènes contre les migrants. Les autorités espagnolesont seulementreconnu l’usage de « moyens de dissuasion» contre «l’agressivité» des migrants qui auraient « lancé des pierres contre les agents » et « adopté une attitude très violente ». Huit hommes et une femme sont morts, noyés ou piétinés par la foule. Depuisplusieursmois,les tentatives d’entrées à Ceuta et Melilla se

Plus de mille réfugiés secourus en mer par l’Italie La marine italienne a porté secours, mercredi 5 et jeudi 6 février, à plus de 1 100 migrants dérivant à bord de neuf grands radeaux dans les eaux du sud de la Sicile, selon les autorités italiennes. Les embarcations ont été repérées mercredi par des hélicoptères de patrouille, et quatre bâtiments de la marine ont participé aux opérations, précise le communiqué de la marine, sans indiquer la nationalité des rescapés. Les arrivées par la mer ont triplé en Italie en 2013 par rapport à 2012, alimentées par la guerre en Syrie et les conflits dans la Corne de l’Afrique.

P O RT U GA L OCÉAN ATLANTIQUE

ESPAGNE Gibraltar

Tanger

Rabat

Ceuta Melilla

Casablanca Marrakech

MAROC A LG É R I E 300 km

sont multipliées. Selon la délégation du gouvernement de Ceuta, qui demande la construction d’un prolongementde la jetée, près d’un millier de migrants attendent autourdel’enclave,biendécidésà y pénétrer clandestinement. En septembre 2013 déjà, près de 90 personnes, d’un groupe de 300, étaientparvenuesàrejoindrelaplage de Tarajal à la nage, des chambres à air de pneus en guise de bouées. Souffrant d’hypothermie, ils avaient été pris en charge par la Croix-Rouge. Plus récemment, dans la nuit du 21 janvier, près de 800 personnes ont quitté le mont Gourougou, au Maroc,oùlescandidatsàl’immigration se cachent avant d’essayer de franchir les triples grillages de Melilla. Ils ont été interceptés après avoir été localisés par les hélicoptères de la garde civile espagnole. Un homme est mort noyé après s’être jeté à l’eau pour échapper aux agents. Le 15janvier,ils avaient déjà été près de 300 à tenter leur chance pour rejoindre l’Europe. Le

La police marocaine repousse des migrants à Ceuta, le 6 février. J. SANCHEZ/EL PAIS

17 décembre, près d’un millier. En 2013, la pression migratoire a augmenté de 18,2% à Melilla, selon les statistiques officielles. Pourleministreespagnoldel’intérieur,JorgeFernandezDiaz,lalutte contre l’immigration illégale par voie maritime en est la cause. «Une voie d’accès se ferme et une autre s’ouvre, ce qui explique que la pression de l’immigration illégale sur Ceuta et Melilla se soit intensifiée», a-t-il déclaré, jeudi, depuis Cracovie, où il participait à la réunion des ministres de l’intérieur du G6.

En 2013, Madrid a fait réinstaller des lames tranchantes au sommet des grillages qui encerclent Melilla Pour y faire face, le gouvernement conservateur de Mariano Rajoy a réinstallé des lames tranchantesau sommet des grillagesde 11 km de long et 6 m de haut qui encerclent Melilla, en octobre2013. Cesbarbelésavaientdéjàétémis en place en 2005, sous le gouvernement socialiste de José Luis Rodriguez Zapatero. Après les protestations d’ONG espagnoles et internationales, ils avaient été enlevés en 2007, mais seulement au sommet des grillages de Melilla, ni à leur base, ni sur les grilles de Ceuta. Parfois, un groupe de personnes

parviennent à franchir les nombreux obstacles qui les séparent de leur but. Mais, une fois sur place, ils nesontpassûrsderecevoirletraitement que garantit la loi espagnole: un transfert rapide au commissariat, une assistance juridique et l’aide d’un interprète. Sur une vidéo tournée le 15 janvier par un membre d’une ONG locale, Prodein, et publiée le 3 février par le quotidien El Pais, on voitlagardecivileespagnoleremettre, de manière irrégulière, des migrants qui viennent de franchir la frontière à la police marocaine, qui en accepte certains et en refuse d’autres. Quelques-uns sont traînés au sol. L’endroit est une zone dépourvue de caméras de surveillance où, selon l’ONG, les migrants sont «traditionnellement expulsés de manière sommaire et illégale », généralement de nuit. Le ministre de l’intérieur, Jorge Fernandez Diaz, a admis que ces expulsions pouvaient exister. « Si les agissements s’éloignent du principe de respect des droits de l’homme, c’est sporadique. En général, la garde civile, comme la police, agit dansle cadre de la loi», a-t-il déclaré la semaine dernière. «Ni l’installation de lames ou de barbelés, ni le prolongement de la jetée n’éviteront qu’une personne fuie les violations des droits de l’homme, a déclaré l’ONG Red Acoge, jeudi. Fortifier les frontières ne règle aucun problème.» p Sandrine Morel

Accord Syrie-ONU pour évacuer les assiégés d’Homs

De l’aide humanitaire est censée parvenir au bastion de la rébellion, encerclé depuis juin 2012 New York (Nations unies) Correspondante

N

ouveau coup de bluff de Damas ? Alors que le Conseil de sécurité de l’ONU examinait, jeudi 6 février, le retard pris par le régime syrien dansle processus de destructionde ses armes chimiques, la Syrie annonçait un accord humanitaire en faveur des assiégés d’Homs. « C’est ce qui s’appelle un bon timing»,commentaitunesourcediplomatique, incrédule. Selon l’agence officielle SANA, l’accord passé entre le gouverneur de la ville, Talal Barazi, et le coordinateur résident des Nations unies, Yacoub Helou, « garantit la sortie imminente des civils innocents de la vieille ville (…) et l’entrée d’aides humanitaires pour ceux qui ont choisi de rester ». L’ONU s’est « félicitée » de cette entente, devant déboucher sur la livraison d’aide à 2500civils. L’arméesyrienneassiège la vieille ville d’Homs depuis

juin 2012, privant plusieurs milliers de résidents d’eau potable, de vivres et de médicaments. Selon le départementd’Etat américain,l’accord devait entrer en vigueur vendredi et inclure une « pause humanitaire» dans les combats. A quatre jours d’une possible reprisedes négociationsde « Genève 2 », encore suspendue à la participation de Damas, l’annonce de ce déblocage laisse les diplomates occidentaux sceptiques. L’ambassadrice américaine à l’ONU,SamanthaPower,aétélapremièreà mettreen doute lasincérité desautoritéssyriennes.«Etantdonné que le régime a jusqu’ici décrit toute personne vivant dans les territoires contrôlés par l’opposition comme un terroriste, et qu’il les a attaqués en tant que tels, (…) nous avons quelques raisons d’être très sceptiques»,aaffirméladiplomate. Elle a rappelé le précédent de l’évacuation des habitants de Mouadamiya Al-Cham (une banlieue de Damas) au cours de laquelle « plu-

sieurs hommes ont disparu». Décidés à accroître la pression sur le régime, des pays européens et arabes réfléchissent dans les coulisses de l’ONU à une résolution en faveur d’un meilleur accès humanitaire à l’échelle de toute la Syrie. Si la France et le RoyaumeUni estiment que Genève 2 oblige Damas et Moscou à faire bonne figure, les Etats-Unis jugent le moment malvenu.

Priorité à « Genève 2 » L’ambassadeur russe Vitali Tchourkine s’est, quant à lui, dit « opposé » à l’examen d’une telle résolution « à présent », mais n’a pas menacé explicitement d’un veto. Des diplomates font même le pari du contexte « favorable » des Jeux olympiques de Sotchi, convaincus que « les Russes n’oserontpas sortirl’armeduveto contre une résolution humanitaire pendant les Jeux», dont ils sont hôtes. Faute de consensus, aucun texte ne sera soumis au Conseil de

sécurité avant plusieurs jours. La priorité du moment est de donner toutes ses chances à Genève 2. Le retard pris par le programme de destruction de l’arsenal chimique syrien, qui impose à Damas d’éliminer tout son stock d’ici au 30 juin sous peine de sanctions, voire d’un recours à la force, « n’est pas insurmontable », a ainsi estimé Sigrid Kaag, la chef de la mission conjointe de l’ONU et de l’Organisation pour l’interdiction des armes chimiques (OIAC) en Syrie. Moins de 5 % des agents chimiques les plus dangereux ont jusqu’à présent été évacués de Syrie. Mais selon Mme Kaag, ce retard n’est pas imputable aux autorités de Damas, dont elle a loué la « coopération». A l’issue de son exposé, le Conseil de sécurité a demandé au régime syrien d’« accélérer » le rythme, sans fixer d’ultimatum ou brandir de sanction au cas où le calendrierélaboré par l’ONU continuerait à ne pas être respecté. p Alexandra Geneste

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A Sotchi, les athlètes sont choyés, les journalistes beaucoup moins

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es XXIIes Jeux olympiques d’hiver, qui devaient commencer avec la cérémonie d’ouverture vendredi 7 février, à Sotchi, sur les bords de la mer Noire, ont déjà alimenté un sousgenre journalistique : la photo ou la vidéo montrant l’impréparation de l’hôte russe, le plus souvent depuis une chambre d’hôtel. Cette vogue a été lancée par la désormais célèbre image d’un cabinet équipé de deux WC installés côte à côte. Depuis, une reporter du Chicago Tribune a révélé que la couleur de l’eau, rétablie dans sa salle de bains, était orange. La même avait raconté que le réceptionniste l’avait vivement incitée à ne pas utiliser l’eau sur son visage, car elle « contient quelque chose de très dangereux». Des photos montrant dégâts des eaux, tringles à rideaux effondrées, poignées de porte décrochées ont donc proliféré. Comme 13 000 journalistes sont accrédités, l’exercice pourrait vite devenir lassant. La presse britannique qui, avec son sens habituel de la mesure, avait décrété les Jeux de Vancouver, en 2010, les « pires de l’histoire », risque de manquer de superlatifs. Beaucoup se plaignent. Peut-être contents, toutefois, que soient ainsi confortés leurs stéréotypes sur ce pays : le décalage entre le désir de grandeur des Russes et leur amateurisme ne pouvait que déboucher sur ces situations comico-absurdes. Les athlètes, eux, sont ravis de l’hospitalité et du confort locaux. Ainsi de Martin Fourcade, le meilleur biathlète du monde, une star en Russie. « J’ai une impression très positive, s’est félicité, jeudi, le Pyrénéen. Je me sens beaucoup plus en sécurité ici qu’à Vancouver. C’est le plus beau stade de biathlon que j’aie jamais vu. » Logeant au village olympique, qu’il juge « très beau», Martin Fourcade n’a pas connu la mésaventure des milliers de journalis-

PORTRAIT DE PHILANTHROPE

Samedi 8 février 2014

tes ou personnels des sociétés Coca-Cola et Samsung qui avaient prévu de séjourner sur trois navires de croisière amarrés au port Imeretinski. Soit dans l’œil du cyclone, le secteur olympique, rouge vif sur le plan de la sécurité. Le passage en alerte maximale a entraîné au dernier moment l’abandon de ce projet d’hôtels flottants, qui n’auraient de toute façon pas été opérationnels, car dépourvus de connexion Internet et télévision. Le patron de la société Svoy TT, qui avait affrété ces bateaux, était dans tous ses états. Victime d’hypertension, il a été contraint au repos.

Braves toutous La gare de Sotchi, ultra-sécurisée, n’accueillant plus les sansabri, il a fallu reloger ces personnes en catastrophe. La plupart ont découvert l’Alexandrovski Sad, un ensemble de logements gais comme une cité de banlieue, miraculeusement libérés par le Comité international olympique et sentant encore la peinture fraîche. Les chambres n’y sont pas prêtes, dans tous les sens du terme: rideaux et barre de douche déposés à côté de la baignoire, lampe de chevet inutile faute de prise, alors qu’un autre connecteur a été fixé à proximité du plafond. La routine à Sotchi. Le président Vladimir Poutine avait assuré que son pays serait « prêt ». Ces propos sont contredits par l’activité des peintres en bâtiment, maçons, plombiers et le bruit des perceuses électriques. Les immenses jardinières attendent toujours leurs fleurs. Ce qui n’a pas non plus été mené à son terme, c’est la campagne d’éradication des chiens et des chats errants. Indignés, les amis des bêtes ont indiqué que du poison aurait été utilisé. Mais de braves toutous courent encore les rues de ce village Potemkine en chantier. p

Bruno Lesprit (Sotchi, Russie, envoyé spécial)

Olivier d’Agay Philanthrope au nom d’un héritage universel

Antoine de Saint-Exupéry était le frère de sa grand-mère. Ses auteurs préférés sont les contemporains de son grand-oncle, Kessel, Camus et Zweig. Olivier d’Agay a grandi dans la légende de l’aviateur-écrivain dont le conte philosophique, Le Petit Prince, est l’œuvre la plus traduite au monde. Lorsqu’il prend en 2005 la tête de la succession familiale, dépositaire d’un « héritage moral » à portée planétaire, il souhaite « redonner ce qu’il a reçu par le hasard le plus complet ». Créée en 2008, la Fondation Antoine de Saint-Exupéry pour la Jeunesse consacre 300 000 € par an à des actions pour l’éducation et l’insertion des jeunes, en France et dans le monde (Brésil, Cambodge, Mali, Maroc, Salvador…). La Fondation s’appuie sur divers partenariats : accès à la culture avec la Fondation Réunica Prévoyance, ventes aux enchères de montres de la maison suisse IWC, prélèvements sur les nuitées enfants dans les hôtels Sofitel… Nourrie des valeurs de l’illustre ancêtre, elle finance aussi des bourses pour l’Institut du Service Civique et des brevets de pilotes et de parachutistes de l’Armée de l’Air. Plus attaché à la qualité de l’engagement qu’au volume des actions menées, Olivier d’Agay souligne l’ « impérieuse obligation » de mobiliser la communauté mondiale des admirateurs de Saint-Exupéry pour « les embarquer dans une autre expérience fabuleuse : la philanthropie ». Fondation de France : le cadre idéal de votre philanthropie www.fondationdefrance.org


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international & planète

Samedi 8 février 2014

L’Inde secouée par un débat inédit sur le racisme dans la société La mort à New Delhi d’un étudiant d’origine tibéto-birmane provoque des manifestations New Delhi Correspondant

Le premier ministre, Nawaz Sharif, contre l’avis de l’armée, soutient le dialogue avec les insurgés

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ake up (« Réveillezvous! »).L’afficheestagrafée au drap blanc tendu entre les poteaux qui délimitent le stand des militants. Des mégaphones noués sur les piquets de fortune résonnent de clameurs indignées. Ce mardi 4 février, la rue Jantar-Mantar, l’enclave de New Delhi où affluent les protestataires de toute l’Inde, grondait de farouches slogans contre « le racisme en Inde». Lafoule se pressaitpourrendre hommage à Nido Tania, un étudiant originaire de l’ArunachalPradesh, un Etat de la fédération indienne limitrophe de la Chine, tué quelques jours plus tôt lors d’une rixe dans un marché de la capitale. La bagarre avait éclaté suite aux remarques qu’avait dû essuyer le jeune homme sur son profil physique de type tibéto-birman. Le portrait de la victime s’étale derrière l’estrade, visage adolescent barré d’immenses lunettes. « Nido est mort en martyr, car il étaitdifférent»,lanceaumicroAnuradha Chinoy, une professeure de l’universitéJawaharlal-Nehru,militante de gauche. Et elle laisse tomber cette phrase, douloureuse introspection remuant l’inconscient collectif du pays : « L’Inde a jouésonrôle dansl’histoiredel’anticolonialismeetdel’antiracismeaux Nations unies. Mais nous n’avons pas su voir le racisme chez nous.» La mort de Nido Tania a déclenché un débat inédit sur le racisme en Inde, en tout cas de cette ampleur.OutrelesclameursdeJantar-Mantar,le sujet a envahiles plateaux de télévision et les colonnes de journaux. L’Inde, où le concept de diversité est pourtant au fondement de son identité collective, serait-elle finalement une société raciste ? « Le statut autoproclamé d’une société tolérante a souvent mis de côté des questions profondes sur le racisme en Inde, écrit l’analystePratapBhanuMehtadansunetribune du quotidien The Indian Express. Le racisme hante notre conception du nationalisme.» Cette émotion autour du drame de l’étudiant de l’Arunachal Pradesh

Islamabadrelance le processusde paixavec les talibanspakistanais

Manifestation d’étudiants originaires d’Etats du nord-est de l’Inde, le 1er février à New Delhi. ALTAF QADRI/AP

survient après des incidents ayant visé des Africains à New Delhi ou Bangalore. Dans ce contexte, la revendication en faveur de l’adoption d’une loi sanctionnant toute offense à caractère raciste trouve un écho nouveau. Ses promoteurs veulent qu’elle s’inspire de l’arsenalprotégeantdéjàlesdalits(intouchables) et les groupes tribaux. Tandis que les orateurs se succédaient, mardi, sur l’estrade de Jantar-Matar, Kathing Ronrei avait le visage fermé. « C’est en permanence que nous devons affronter la discrimination raciale », grince le jeunecadred’uneagencedepublicité. Cheveu taillé en brosse et blousondecuir,KathingRonreiestoriginaire de Manipur, l’un des sept Etats du Nord-Est indien, qui comprend également l’Assam, l’Arunachal Pradesh, Mizoram, Meghalaya, Nagaland et Tripura. Ce NordEst périphérique a toujours eu une relation problématique avec la fédération indienne. La région est lethéâtred’insurrectionsséparatistes se nourrissant du malaise identitaire d’ethnies s’identifiant davantage au monde tibéto-birman qu’au sous-continent indien. Mais pour ceux qui ont opté pour

l’assimilation et se sont installés dans les grandes villes d’Inde, la stigmatisationquotidienne de leur apparence physique les renvoie irrévocablement à leur différence. Kathing Ronrei n’est pas à court d’anecdotes. Comme cette scène oùilaaccompagnéaupostedepolice de son quartier de New Delhi un amiayantperdusontéléphoneportable. A leur vue, les policiers ont commencé à se gausser : « Ah, les Chinkis [Chinois]. » Parce qu’ils ont les yeux bridés, les habitants du

«Jenecompteplusles foisoùonm’atraitéde “mangeurdenouilles”» Eddie Payeng étudiant

Nord-Est sont moqués en permanence dans les rues en Inde. Aux côtés de Kathing Ronrei, Eddie Payeng, un étudiant de l’Arunachal Pradesh à la chevelure ébouriffée, s’enhardit. « L’Inde est une société très raciste, dénonce-t-il. C’est profondément enraciné dans sa culture. Je ne peux plus compter le nombre de fois où on m’a traité de “Chinkis mangeur de nouilles”, de “Jacky Chan” et où on imitait l’accent chinois sur mon passage.» Moquerie innocente? Le stéréotype racial, humiliant pour des habitantsduNord-Estquicultivent l’espoir d’être traités en Indiens ordinaires, peut aussi vite déraper en agression verbale: « Les Chinois,

rentrez chez vous ! » Dès qu’ils empruntent un rickshaw ou un taxi, les habitants du Nord-Est se voient aussi imposer des tarifs supérieurs aux prix officiels, pratique courante pour les visiteurs étrangers en Inde. Mais le pire reste le harcèlement sexuel, voire les viols, dont sont victimes en grand nombre les filles du Nord-Est. « Nos sœurs sont en permanence agressées», fustige Kathing Ronrei. Signequelemalaiseestéminemment préoccupant pour l’idée que l’Inde se fait d’elle-même, les grands partis politiques ont tenu à témoignerleur solidarité.LeBharatiya Janata Party (BJP, Parti du peuple indien, nationalisteshindous) a exigé un châtiment exemplaire contrelesagresseursdeNidoTania. Au nom du Parti du Congrès (au pouvoir), Rahul Gandhi a rendu visite aux manifestants de JantarMatar, tout comme Arvind Kejriwal, le nouveau chef du gouvernement local de la ville de New Delhi. Chacun est venu apporter le message que les populations du Nord-Est étaient bien « indiennes» et qu’à ce titre, elles devaient être protégées. Mais certains protestataires craignaient que cette sollicitude empressée autour de l’«union nationale» n’occulte la vraie question, celle d’un racisme pur dont peuvent être victimes les citoyens de l’Inde « différents» comme les visiteurs étrangers – un sujet qui gagne en acuité à l’heure où le pays est aspiré dans le monde global. p Frédéric Bobin

l’instardu présidentafghan, Hamid Karzaï, qui se rêve en faiseur de paix avec ses ennemis talibans dans une région en guerre depuis plus de dix ans, Nawaz Sharif, le premier ministre pakistanais, rêve de faire de même avec ses propres rebelles. Des pourparlersentrele gouvernement pakistanais et les insurgés du Tehrik-e-Taliban Pakistan (TTP, mouvement des talibans pakistanais) ont débuté, jeudi 6 février, à Islamabad afin de trouver une issue à près de sept ans d’insurrection islamiste armée, ponctués de cessez-le-feu qui n’ont jamais duré. Au terme de la première journée, les chefs des deux délégations, Irfan Siddiki, représentant le gouvernement, et le maulana (notable religieux)SamiUl-Haq,porte-parole du TTP, ont considéré que ce dialogue avait enfin des chances raisonnables de succès. Au mois de novembre2013, une première rencontre de ce type avait dû être annulée après la mort du chef du TTP, Hakimullah Mehsud, tué par une frappe de drone américain. Une action qui avait été qualifiéede volontéde « saboterles discussions de paix » par les autorités pakistanaises. Le président Karzaï avait ajouté que Washingtonnuisaitauxtentativesdepacification de la région. De retour au pouvoir, après la victoire, en mai 2013, de son parti, la Ligue musulmane du PakistanNawaz (PML-N), le nouveau chef du gouvernement avait promis l’ouverture d’un dialogue avec les talibans du TTP. La guerre civile, quasi continue, entre ces insurgés, quiont faitallégeanceà Al-Qaidaet constituent une force distincte des talibans afghans, et l’armée pakistanaisea provoquéde vastesdéplacements de populations et une crise humanitaire, et causé la mort de 40 000 à 50 000 personnes. Installé dans les zones tribales pakistanaises, le long de la frontière avec l’Afghanistan, le TTP est devenu, peu à peu, après la chute du régime taliban,en 2001,une force militaire après s’être constitué, en 2007, en mouvement unifié. Ses membres ont fait place nette en tuant plusieurs centaines de chefs tribaux locaux qui s’opposaient à leur emprise et sont parvenus à être des interlocuteurs incontournablesdujeupolitiquepakistanais. L’actuel chef du TTP, le maulana Qazi Fazlullah, s’appuie, selon un

officier de renseignement occidental, à Islamabad, sur une quarantaine de mouvements extrémistes et des milliers de partisans. Le maulana Fazlullah avait déjà été l’un des précurseurs, au printemps 2008, des accords de paix avec le gouvernement provincial de Peshawar, après avoir dirigé la rébellion. Les accords à peine signés, il avait fait brûler des écoles de filles et interdit la vaccination au nom de l’application de la loi islamique, la charia. L’armée avait alors investi la zone contrôlée par le futur chef du TTP, la région de Swat. Le gouvernement fédéral pakistanais, pour sa part, indiquait qu’il «fallait en finir avec ces ennemis de l’intérieur».

Réconciliation nationale Nawaz Sharif, issu d’une formation politique libérale en économiemaisconservatriceauplanreligieux,tente, parcette nouvelletentative de dialogue, d’inscrire son action politique dans un contexte de réconciliation nationale qui résonne jusqu’en Afghanistan. Une stratégie qui prend tout son sensà quelquesmoisdudépartdes troupes de l’OTAN du sol afghan. Il manifeste aussi son émancipation vis-à-vis d’un pouvoir militaire qui plaide pour la manière forte avec le TTP après avoir aussi noué, à plusieurs reprises, le dialogue et manipulé, parfois, ces groupes extrémistes pour d’autres causes, notamment celle qui oppose le Pakistan et l’Inde dans le Cachemire. Nawaz Sharif a déjà été deux fois premier ministre (1990-1993 et 1997-1999) avant d’être renversé par un coup d’Etat. La reprise du dialogue a aussi été permise par l’absence de frappes de drones américains, en janvier, contre le TTP. La délégation du TTP exige l’arrêt total de ces frappes et ajoute que si les Américains restent en Afghanistan, il n’y aura pas de paix possible dans la région. Dans le milieu diplomatique occidental au Pakistan, on remarquait, jeudi, que Washington n’a jamais promis de cesser totalement ses frappes et que l’armée pakistanaise et les talibans du TTP n’ont, pour l’instant,signéaucun cessez-le-feu. En vue d’un accord, le TTP exige enfin l’instauration de la charia dans tout le pays. Islamabad met avant le respect de la Constitution et note que la Cour islamique fédérale veille déjà à l’adéquation entre les lois du pays et le Coran. p Jacques Follorou

LesEtats-Unislancentun planclimatpourl’agriculture

Face à des événements météorologiques extrêmes, M.Obama annonce des mesures d’urgence

New York Correspondant

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lors que l’administration Obama reste sous la pression des associations environnementales qui s’opposent à la construction de l’oléoduc géant Keystone entre le Canada et les côtes du golfe du Mexique, la Maison Blanche a pris, mercredi 5 février, une initiative visant à démontrer que la lutte contre le réchauffement climatique reste au cœur de ses préoccupations. Le secrétaire à l’agriculture, Tom Vilsack, a ainsi annoncé la création de sept « pôles climat » pour aider les agriculteursàs’adapterà desconditions climatiques extrêmes et aux effets du changement climatique. Cette décentralisation des moyens vise à mieux anticiper les phénomènes naturels – tempêtes, inondations,sécheresses– qui sont exacerbés par le réchauffement de la planète. « Lorsque vous jetez un œil à l’intensité des tempêtes aux-

quelles nous avons assisté récemment, leur fréquence, la durée de la sécheresse, ces tempêtes de neige et le froid, la combinaison de tous ces facteurs me convainc que le climat est en train de changer », a déclaré M.Vilsack. Des événements climatiques qui ont un impact important sur l’agriculture américaine. Ainsi, la tempête de neige qui a frappé le Dakota du Sud en octobre 2013 a tué des milliers de têtes de bétail. En Californie, l’état d’urgence a été décrété le 17 janvier en raison de la sécheresse,qui pourrait être la plus grave depuis un siècle. Le département de l’agriculture constate que ces perturbations ont sensiblement rallongé la période de récolte dans le Midwest. Celle des incendies dure soixante jours de plus qu’ily a trente ans. Enfin, entre2011 et 2013, le coût de la sécheressea été évalué à 50 milliards de dollars (37milliards d’euros). Si le constat est de plus en plus largement partagé, la création de

ces pôles agricoles régionaux ne va pas révolutionner la lutte contre le changement climatique. Ils réuniront des représentants d’agences fédérales et d’associations professionnelles déjà existantes et ne bénéficierontpasdemoyensfinanciers supplémentaires.

« Choix difficiles » Carilestsurtoutquestiond’organiser une meilleure coordination afin de fournir aux exploitants et aux éleveurs les dernières données et connaissances scientifiques disponibles pour s’adapter au mieux aux dégâtsdes phénomènesclimatiques.Il peut s’agir par exemplede changer le rythme des rotations de culture, de faire appel à de nouveauxtypesdesemencesplusrésistantes, d’améliorer la gestion des déchets agricoles et celle des engrais, de restaurer des forêts pour limiter l’érosion des sols. Si cette initiative va dans la bonne direction pour les associations environnementales, celles-ci res-

tent attentives à d’autres décisions quisontencoursd’élaboration,tels le durcissement de la réglementation sur les centrales électriques au charbon afin de limiter les émissionsde carboneou la construction de l’oléoduc Keystone, qui est en attente du feu vert présidentiel depuis plus de deux ans. « Si le président veut prouver qu’ilest sérieuxà proposduchangement climatique et veut faire bouger le pays dans une nouvelle direction, s’opposer à Keystone serait le point de départ », a estimé Elijah Zarlin, responsable de l’association Credo Action sur la radio NPR. « Passer à une économie s’appuyant sur des énergies plus propres ne se fera pas en un jour, et il faudra faire des choix difficiles en chemin. Mais le débat est posé. Le changement climatique est un fait », a réaffirmé Barack Obama lors de son discours sur l’état de l’Union le 28 janvier. Reste à passer de la parole aux actes. p Stéphane Lauer


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A Morlaix, l’eau revient et la colère monte Pour la troisième fois depuis décembre, la commune du Finistère est inondée.La maire dénonce l’absence d’un véritable plan de prévention

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aires adjoints, policiers municipaux, services techniques : chacun détaille posément par quelles rues l’eauva arriver et envahirle centreville de Morlaix, 15 550 habitants. En cet hiver de catastrophes, les Finistériens sont rodés. Les coups de tabac se succèdent et la pluie ne cesse de tomber. La campagne bretonne est détrempée, le moindre ru charrie son trop-plein d’eau boueuse. En fin d’après-midi, jeudi, 6 février, le train ne parvenait plus à rejoindre Brest – trop d’eau sur les rails du côté de Landerneau –, et stoppait à Morlaix, qui subit son troisième gros épisode d’inondation depuis la nuit du 24 au 25décembre 2013. Dès 22 heures, la place derrière l’hôtel de ville a pris des allures de piscine à remous tandis que la rue longeantle bâtiments’est transformée en torrent fougueux qui

Des milliers de foyers privés d’électricité Après le passage de la tempête Qumeira sur le nord-ouest de la France, plus de 55 000 foyers étaient privés d’électricité, vendredi 7 février. Des chiffres qui, selon ERDF, le gestionnaire du réseau, pourraient être revus à la hausse. Dix-sept départements restent en alerte. Les intempéries pourraient de nouveau frapper, ce week-end, le littoral aquitain, placé en alerte submersion.

« Jet-ski rue de Brest » Le Queffleuth déborde de nouveau et s’échappe à gros bouillons par les bouches d’égout. Cela aurait pu être pire : la rivière Jarlot, elle, n’est pas sortie de son lit. Tous deux mêlent leurs eaux sous l’hôtel de ville, dans une canalisation souterraine, sous-dimensionnée quand il pleut depuis des semaines sur les monts d’Arrée. La situation est au moins aussi impressionnante du côté de la rue Poanben, où il a fallu fermer une école dans l’après-midi. La rivière qui ne parvient plus à s’écouler sous un pont, passe par-dessuset s’estinvitée au rez-de-chaussée du tribunal et du musée. Dans la salle de la mairie qui sert de QG, un ordinateur portable projette, heure par heure, les cotes de l’eau en amont de la ville. Elles sont stables. Pourtant le flux ne cesse de grossir dans les rues. Un patronde restaurantvient demander une pompe, craignant que l’eau n’atteigne les prises électriques de son établissement. « On ne va pas jouerles Shadoks,cela ne servirait à rien, se décourage Quéméré, le lieutenant-colonel des pompiers du groupement territorial de Morlaix. Il faut attendre que l’eau redescende.»

En Grande-Bretagne, la tempête devient politique Londres Correspondance

Les énormes vagues qui déferlent sur la côte sud de la Grande-Bretagne ont fini par rattraper le gouvernement. Alors que des villages sont inondés depuis plus d’un mois dans le Somerset, dans l’ouest du pays, David Cameron a décidé de prendre la direction des opérations lui-même. Le premier ministre britannique a présidé deux réunions « Cobra», la cellule de crise, et a promis, jeudi 6février, une aide d’urgence de 130millions de livres (156millions d’euros). Les intempéries qui s’abattent sur la Grande-Bretagne sont exceptionnelles. Le mois de janvier a été le plus pluvieux dans le sud et le sud-est du pays, depuis 1910, date des premiers relevés météorologiques. Combiné à de très hautes marées et à un vent violent, le phénomène provoque des inondations à répétition dans le sud du pays et au pays de Galles. L’endroit le plus touché est le Somerset Levels, une région située juste au-dessus du niveau de la mer, facilement inondable. Mais si l’eau recouvre souvent les champs, elle s’étend cette année sur une zone plus vaste, et surtout elle stagne. Jeudi, des militaires ont été envoyés en renfort pour poser des sacs de sable. Et il a fallu évacuer quatre nouveaux villages: Fordgate, North Moor, Salt Moor et Moorland. La violence des énormes vagues a aussi ravagé une ligne de chemin de fer dans le Devon. La digue sur laquelle elle reposait s’est écroulée, et les rails restent suspendus dans le vide sur quatre-vingts mètres. La ligne dessert une large partie du sud de la Cornouaille et prive de train plus d’un million de personnes. Les réparations doivent pren-

dre au moins six semaines. Le gouvernement britannique est vertement critiqué pour la lenteur de sa réaction. « Il a été léger dans sa préparation et lent à aider ceux qui ont été touchés», attaque Ed Miliband, le chef des travaillistes. La visite le 28 janvier du ministre de l’environnement, Owen Paterson, a tourné au désastre politique. Arrivé sans bottes, il s’est retrouvé dans la boue avec ses souliers vernis, entouré d’une foule en colère lui demandant pourquoi les rivières locales n’avaient pas été draguées.

Durée exceptionnelle La visite du prince Charles dans la même région quelques jours plus tard a amplifié l’impression d’un gouvernement coupé des réalités. L’héritier de la couronne, très actif dans le milieu agricole, qui possède lui-même une ferme, est arrivé en bottes et a promis une aide de son association caritative de 50 millions de livres (60millions d’euros). « Il n’y a rien de telle qu’une bonne tragédie pour que les gens se mettent à faire quelque chose », a-t-il déclaré avec son ironie habituelle. Et pour compléter la malchance, M. Paterson a dû se faire opérer en urgence d’un décollement de la rétine jeudi, le forçant à quitter la direction des opérations de secours. Si le gouvernement a tardé à réagir, c’est en partie parce que l’ampleur des inondations reste limitée. Quelques centaines de maisons sont dans l’eau. C’est la durée du phénomène qui est exceptionnelle. Et cela pourrait encore continuer. La météo prévoit une nouvelle tempête pour le week-end. Cinquante-six alertes inondations sont en cours, dont deux « sévères». p Éric Albert

Les renforts de la Croix-Rouge sont invités à revenir aux aurores, avec pelles et balais. Les services techniques vont se relayer toutes les trois heures : il faut garder des forces, car les prochaines vingtquatre heures pourraient voir le retour de la pluie. Quant aux pompiers, ils vont veiller toute la nuit. Entre tempête et inondations, voilà un moisqu’ils sont en opération. « J’ai un problème : il y a des types en short qui veulent faire du jet-ski rue de Brest », s’inquiète un agent.Cette annoncearracheà peine un soupir à Agnès Le Brun (UMP), maire de Morlaix. Des imprévus, il va y en avoir d’autres à affronter cette nuit. Un étang privé menace de se déverser sur la ville. Une pelleteuse est en place mais il faut le feu vert du préfet pour intervenir. Pour le reste, les mesures habituelles sont en place : périmètre barré pour empê-

Morlaix, le soir du 6 février, inondée pour la troisième fois depuis Noël 2013. DIDIER OLIVRE POUR « LE MONDE »

cher les automobilistes d’aller s’y fourvoyer, commerçants alertés, logements d’urgence prêts à recevoir les habitants qui auraient besoin d’être évacués. Agnès Le Brun a ôté un moment ses bottes en caoutchouc, désappointée, alors que, il y a un mois, elle exprimait sa colère après l’inondation extrêmement brus-

que qui avait surpris les Morlaisiens à Noël. Le dispositif Vigicrue avait dysfonctionné. Pas cette fois. Mais le problème reste entier : il est urgent pour la ville construite aufondd’un aberd’obtenir unprogramme d’action de prévention contre les inondations (PAPI). « Des études ont été menées en 2004, mais rien n’a été fait

depuis», dénonce-t-elle. Les pistes tracéesreposentàlafoissurdestravaux, sur des bassins de rétention à creuser, mais aussi sur une urbanisation maîtrisée ainsi qu’une campagne redessinée. « Nous avons à la fois besoin de solidarité territoriale et de l’Etat pour qu’il donne l’impulsion nécessaire.» p Martine Valo

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La Caisse d’Epargne partenaire du sport dans toutes ses dimensions Six jeunes athlètes en piste pour Sochi Participer aux Jeux Olympiques… Pour les six athlètes du Team* Caisse d’Epargne, sélectionnés dans l’équipe de France olympique, le rêve est devenu réalité ! En compagnie de Fabien Saguez, directeur technique national auprès de la Fédération française de ski, découvrez ces jeunes champions. Ils sont six et constituent une véritable équipe de choc, prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes pour réussir leurs Jeux Olympiques avec un esprit collectif sans faille, renforcé lors des stages de préparation olympique. La benjamine du « Team », Coline Mattel, tout juste 18 ans, évolue déjà au meilleur niveau. En 2011, elle a écrit un chapitre de l’histoire du sport français en décrochant la médaille de bronze de saut à ski aux Championnats du Monde d’Oslo, la première médaille mondiale dans cette discipline pour la France ! « Une compétitrice dans l’âme, d’une grande régularité, capable d’aller chercher une médaille même lorsqu’elle n’est pas donnée favorite », assure Fabien Saguez.

Pas beaucoup plus âgé, Thomas Krief n’a pas encore 20 ans. Ce spécialiste du ski « Halfpipe » affiche lui aussi un palmarès exceptionnel, dont deux médailles d’argent, l’une aux Championnats du Monde de Whistler et l’autre aux X-Games Europe de Tignes en 2012. « Il a un physique à toute épreuve et est en pleine progression », observe Fabien Saguez. La saison dernière, le surdoué du biathlon Alexis Bœuf a connu une progression régulière. Vice Champion du Monde de relais et relais mixte à Nove Mesto en février 2013, il se révèle être l’un des meilleurs sprinteurs dans sa discipline. « Un sportif hors norme avec un tempérament, de l’énergie et de la réactivité », résume Fabien Saguez.

« Six

espoirs du ski formant une équipe de choc à l’esprit collectif, prêts à donner le meilleur d’eux-mêmes pour réussir leurs Jeux Olympiques. »

5e du Géant l’an dernier, lors de la Coupe du Monde à Ofterschwang, elle se concentre sur ses prochaines épreuves. Deux podiums en début de saison, une 4e place à Kitzbühel, les résultats d’Adrien Théaux, champion de France de descente, s’annoncent très prometteurs. C’est d’ailleurs le sentiment de Fabien Saguez « Techniquement, c’est un skieur d’exception, parmi les meilleurs du monde en Super Géant. Il sait aussi trouver les ressources nécessaires pour donner le meilleur lors des grandes compétitions », constate le Directeur technique national de ski. Comme ses camarades du Team Caisse d’Epargne, ce jeune athlète a désormais le regard fixé vers la flamme Olympique. * Team = Équipe

Adrien Théaux Alexis Bœuf Nelly Moenne Loccoz

Anémone Marmottan

DENIS MASSEGLIA Président du CNOSF

CÉDRIC MIGNON Directeur du Développement Caisse d’Epargne

Denis Masseglia : Il est fondé sur des valeurs communes, l’excellence, l’amitié et le respect. Les actions menées depuis 2012 ont concrétisé l’engagement pris par la banque de mobiliser ses agences et ses collaborateurs. A l’avenir, nous sommes certains que cette collaboration sera encore plus fructueuse. Cédric Mignon : La Caisse d’Epargne s’est investie aux côtés de la Fédération de ski dès 1996. En 2010, elle crée le Team Caisse d’Epargne puis, en 2012, s’engage auprès du Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF). Au fil du temps, le soutien au sport de haut niveau ne cesse de s’approfondir et de se renforcer. Quel regard portez-vous sur le Team Caisse d’Epargne ? Denis Masseglia : Pour ces six sportifs, c’est un soutien capital. Nous espérons qu’à Sochi, le Team Caisse d’Epargne en particulier, et l’équipe de France olympique en général, feront honneur à la France. Et, bien sûr, à la Caisse d’Epargne. Quelle est la vocation du Team Caisse d’Epargne ?

Coline Mattel

Thomas Krief

Denis Masseglia, président du Comité National Olympique et Sportif Français, et Cédric Mignon, directeur du développement à la Caisse d’Epargne, reviennent sur l’investissement de la Caisse d’Epargne dans le sport olympique.

Qu’est-ce qui caractérise votre partenariat ?

Fabien Saguez, directeur technique national auprès de la Fédération française de ski Adepte des sensations fortes, Nelly Moenne Loccoz brille, elle, lors des épreuves de snowboardcross. « Un physique exceptionnel, un état d’esprit conquérant, un engagement sans limites dans les compétitions, de la générosité… », remarque Fabien Saguez qui lui décerne aussi la médaille d’or du sourire. Tous les espoirs sont permis pour cette championne de 23 ans, arrivée 6e lors de sa première participation aux Jeux Olympiques, en 2010 à Vancouver. Pas du genre à se laisser décourager… Blessée en 2012, Anémone Marmottan, spécialiste du slalom géant, est rapidement revenue dans la course, et au meilleur niveau ! « Elle fait partie du Top 10 mondial dans sa catégorie, grâce à des capacités physiques rares et à un caractère d’acier », analyse Fabien Saguez. Arrivée

Caisse d’Epargne et olympisme, des valeurs communes

© T.Gogny-BPCE

Morlaix Envoyée spéciale

balaye le bas des maisons anciennes occupées par des commerces. Contrarié par un virage, le courant vient cogner en particulier contre un magasin de fleurs protégé par une planche, derrière laquelle trois hommes ont veillé toute la nuit. Une toise sur le mur indique que le niveau de la crue, qui atteint environ 60 cm à cet endroit.

© CNOSF –KMSP

Reportage

Cédric Mignon : Nous avons décidé de créer le Team Caisse d’Epargne pour soutenir à long terme, à travers un accompagnement financier et humain, de jeunes athlètes, les valoriser via des campagnes de communication et plonger le grand public dans les coulisses des Jeux Olympiques grâce au site www.espritglisse.com.

© agence Zoom

Pour en savoir plus sur la Team Caisse d’Epargne et ses performances, rendez-vous sur la chaine You

tube - Esprit Glisse.


france

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Samedi 8 février 2014

les élections municipales Les bascules possibles dans 32 petites villes...

... dans 30 villes moyennes...

VILLES DE 5 000 À 15 000 HABITANTS

VILLES DE 15 000 À 25 000 HABITANTS

Villes de gauche pouvant basculer Villes de droite pouvant basculer

PS

Noyon

Fondettes

Divers droite

PS

Divers gauche

Divers gauche

Douarnenez

PS

Guebwiller

Joigny

Divers droite

Ostwald

PS

PRG

Redon

Morlaix

Sainte-Savine

Nogent-le-Rotrou Auray

Hérouville-Saint-Clair

UMP

PCF

Divers droite

PCF

Longwy

UMP

Kingersheim

Concarneau

PS

MoDem

PS

PS

Hayange PS Forbach Chennevières-sur-Marne PS Montmorency

Vernon

PS

PS

3 1

2

PS

Saint-Michel-sur-Orge

Toul Vitry-le-François PS PS

UMP

Vendôme

PS

Villefontaine

Saint-Julien-en-Genevois

Mions

PS

Divers droite

Castanet-Tolosan

Divers droite

MoDem

Beaucaire

Divers droite UMP

Monteux

PS

UMP

Brignoles

Saint-Estève

Le Pradet

Divers gauche

PCF

Lattes

Divers gauche

PS UMP

Divers droite

Sorgues

Carros

PS

Saint-Gilles

Saint-Egrève

PCF

Saint-Martin-de-Crau

Vauvert

Pamiers

UMP

UMP

PS

Firminy

PS

Tarascon

Albertville

Divers droite

PS

Villefranche-de-Rouergue

Hendaye

Dole

PCF

Francheville

L'Union

PS

UMP

PS

MoDem

PS

UMP

Saint-Dié-des-Vosges

Le Mée-sur-Seine

Fleury-les-Aubrais

Tarare

PS

UMP

PS

Saint-Claude

Fontenay-le-Comte

3-Villeneuve-la-Garenne

Sedan

Eaubonne

UMP

Chambray-lès-Tours

PS

PS

MoDem

Les Clayes-sous-Bois

UMP

2-Montgeron

Faches-Thumesnil

Mont-Saint-Aignan

Divers gauche

Gisors Landerneau

Nouveau Centre

Villes de gauche pouvant basculer Villes de droite pouvant basculer Villes ciblées par le FN

Berck

Villes ciblées par le FN

1-Bourg-la-Reine

Gardanne

PCF

Porto-Vecchio

UMP

PS

Les 85 villes que la droite pourrait gagner

Selon l’étude du «Monde», 130 villes de plus de 10000 habitants pourraient basculer aux élections municipales

V

ingt-deux mois après son accessionau pouvoir,lagauchegouvernementalepassera, lors des élections municipales des 23 et 30mars, son premier test électoral majeur. Peut-elle encore éviter un sévère revers ? La forte implantation locale du Parti socialiste le prémunit certes d’une débâcleà la mesurede l’impopularitéde M. Hollande et du gouvernement. Mais cela ne suffira pas à empêcher la casse, comparable aux scrutins de 2001, voire à celui de 1983, resté dans l’histoire comme une claque magistrale pour la gauche.

Une décrue inévitable pour le PS

Notre étude porte sur les villes de plus de 10 000 habitants. Elle s’appuie sur les scores obtenus aux dernières élections municipa-

les de 2008 et aux élections présidentielles et législatives de 2012 dans ces communes, en intégrant les données dont nous disposons sur les forces en présence. A minima, 130 villes peuvent au total être considérées comme susceptibles de basculer lors des prochaines municipales. La gauche, dans ses diverses composantes, est menacée dans 85 villes sur les 500 qu’elle dirige actuellement. Strasbourg, Reims, Metz, Pau, Chambéry, Saint-Etienne, Quimper, pour les plus importantes mais aussi Auxerre, Angers, Amiens, Valence, Tourcoing, Clamart, Saint-Dié constituent des cibles atteignables pour la droite. Ce qui n’empêche pas le PS, au vudes gainsélectorauxqu’ilaenregistrés depuis le précédent scrutin municipal, d’envisager de nouvelles conquêtes. Au total, 45 villes

aujourd’hui tenues par la droite sont en situation fragile et peuvent basculer. Notre étude montre que ce n’est pas seulement dans les villes de plus de 30 000 habitants – celles sur lesquelles sont habituellementbraquésles projecteurs – que va se jouer le scrutin. Lesmouvementsles plus significatifs pourraient concerner les communes comptant entre 10 000 et 30 000 habitants, révélateurs de l’état du pays et de l’ampleur de la défiance vis-à-vis de la majorité présidentielle.

Les comparaisons avec 1983 et 2001

La gauche risque-t-elle de subir une défaite comparable à celle des élections municipales de 1983 ou à celle de 2001 – deux scrutins qui avaient donné un coup de semon-

ce préfigurant une alternance lors de l’échéance électorale nationale suivante? En 1983, deux ans après l’élection de François Mitterrand et l’accession de la gauche au pouvoir – pour la première fois depuis le début de la Ve République– la gauche avait enduré une cuisante débâcle : entre 1977 et 1983, elle avait reculé de 52,6 % des suffrages au premier tour à 45,3 %. Alors qu’elle dirigeait 161 villes de plus de30 000habitants, ellen’en détenait plus, à l’issue du scrutin, que 125 (– 36). Au total, sur les villes de plus de 9 000 habitants, elle avait perdu 97mairies.Les électionsmunicipales de 1983 avaientégalementmarqué, d’une part, le déclin du communisme municipal et, d’autre part, le reclassement de l’électorat centriste à droite. la gauche avait

surtoutsubi un fort abstentionnisme avec une bonne mobilisation de l’électorat dans les zones de force de la droite et une rétraction dans les terres traditionnellesde la gauche. En 2001, la gauche avait connu un recul marqué en perdant 42 villes de plus de 15 000 habitants mais ce reflux avait été en partie éclipsé par les gains, historiques, de Paris et de Lyon. En 2008, un an après l’élection de Nicolas Sarkozy, la droite avait perdu 82 villes de plus de 10 000 habitants.

La démobilisation à gauche

L’abstention et la démobilisation de l’électorat de gauche sont les principaux dangers qui guettent l’actuelle majorité. Une abstention que les instituts de sonda-

Pour gagner à tous les coups, les astuces de com’ du PS et de l’UMP QUI DE L’UMP OU DU PS pourra se prévaloir d’une victoire aux municipales? Jean-François Copé a trouvé une astuce : instaurer, à l’avance, sa propre lecture des résultats de l’élection. Le prési-

Une grande école mérite Une grande prépa Sciences po. paris 18 - 27 février école du louvre 24 février - 1er mars Sésame accès 17 février - 1er mars

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dent du parti de droite veut braquer les projecteurs sur les résultats de ses troupes dans les villes moyennes. Pour lui, la performance de l’UMP devra être évaluée selon son score dans les quelque 1000 villes de plus de 9 000 habitants, dont près de 55 % sont détenues par la gauche. Si la droite parvenait à y inverser le rapport de forces, M.Copé estime que « l’opération reconquête» serait réussie. «En sautant la barre des 50 %, cela signifiera que la France est repassée en bleu, affirme-t-il au Monde. L’UMP aura alors renouvelé l’exploit des municipales de 1983, quand la droite avait repris la majorité des villes de plus de 9000 habitants.» Une manière habile pour M.Copé de revoir ses objectifs à la baisse. Il y a un an, le patron de l’UMP promettait à son camp « une vague bleue ». Un pari ambitieux qu’il se refuse désormais à évoquer, préférant se fixer un objectif sur mesure pour son parti. Un aveu d’échec pour la droite, analyse Christophe Borgel, chargé des élections au Parti socialiste. « Copé ne parle plus d’une ‘‘vague bleue’’ et ne cible plus les grandes villes, mais plutôt les villes moyennes. C’est un signe que l’UMP n’a pas le vent en poupe », affirme le stratège de la rue de Solférino.

Le président de l’UMP exprime surtout sa principale crainte. Depuis le début de l’année, il répète le même message : il ne faudra pas tirer un bilan du scrutin à partir des résultats dans les grandes villes. M. Copé redoute en effet que la gauche parvienne à garder la main sur la majorité des métro-

«SiMarseillebascule, onneretiendra quecela,c’estcequi dominera lesmunicipales» Christophe Borgel chargé des élections au PS

poles qu’elle détient déjà (Paris, Lyon, Toulouse, Nantes, Strasbourg, Lille et Rennes). Et réussisse, dans un scénario noir pour la droite, à faire basculer Marseille à gauche… Dans ce cas, les « observateurs» pourraient conclure que la gauche a gagné les municipales, ou, au moins, en a limité la casse. Ce scénario rappellerait celui des municipales de 2001, quand le PS avait masqué la perte de nombreuses villes moyennes grâce aux victoires symboliques de Bertrand Delanoë à Paris et de Gérard Collomb à Lyon.

Vu l’impopularité de l’exécutif, une telle perspective fait rêver la gauche… « Si Marseille bascule le 30 mars, on ne retiendra que cela, c’est ce qui dominera l’ensemble des municipales», veut croire M.Borgel. Jean-François Copé, qui appelle à un vote sanction contre le pouvoir, a flairé le piège. « La gauche va essayer de raconter une histoire. A la moindre ville qu’elle pourra conquérir ou préserver, elle va expliquer qu’elle a gagné », prévient-il. Adepte de la méthode Coué, le premier secrétaire du PS, Harlem Désir, va encore plus loin. Et envisage même une large victoire de son camp: «Nous avons non seulement l’ambition de conserver toutes nos villes mais aussi d’en conquérir de nouvelles.» Mais tous les socialistes ne partagent pas son optimisme. «Vu le nombre très élevé de villes que nous gérons, c’est mathématique: on ne peut que perdre, tempère un ministre. Après, pour mesurer l’ampleur de la défaite, tout dépend de combien de villes seront perdues et lesquelles.» Le PS ne cache pas son inquiétude concernant plusieurs villes de moins de 10 000 habitants, mais aussi quelques mairies de poids, comme Reims ou Strasbourg, où les matchs sont loin d’être joués. En cause : l’abstention, que

beaucoup craignent élevée et en défaveur du pouvoir en place. « On peut redouter un abstentionnisme de masse, surtout à gauche », s’inquiète le député PS JeanChristophe Cambadélis. Une faible participation pourrait permettre à la droite de faire basculer plusieurs mairies. « Il y aura plus de changements dans les villes moyennes que dans les grandes villes », prédit Dominique Bussereau, délégué général aux élections à l’UMP. Dans cette catégorie, les cibles prioritaires de la droite sont notamment Saint-Etienne, Valence, Tourcoing, Reims, Auxerre, Amiens, Metz, Poissy, Belfort ou Angers. Jean-François Copé joue gros. Il sait qu’en cas de contre-performance de son camp, sa position à la tête du parti pourrait être remise en cause. « Vu la faiblesse du pouvoir socialiste, cela devrait être un raz-de-marée en notre faveur ! Si ce n’est pas le cas, c’est un échec évident pour Copé », met en garde un dirigeant. De son côté, le Parti socialiste croise les doigts. Son espoir : parvenir à limiter la casse notamment grâce à l’implantation de ses élus et à la multiplication de triangulaires avec le Front national. p

Bastien Bonnefous et Alexandre Lemarié

ge ont le plus grand mal à anticiper. Depuis 1983, elle n’a cessé de s’amplifier aux élections municipales, passant de 21,6 % à 33,5 % en 2008 au premier tour, de 20,7 % à 34,8 % au second tour. Pour la première fois, en 2008, la participation au second tour avait été inférieure à celle du premier. Signe précurseur d’une érosion des deux principales forces politiques, qui désormais ne parviennent plusà agréger l’électorat?Jusqu’à quel point l’électorat peut-il encore s’éloigner des deux partis qui dominent le paysage politique et institutionnel ? Ce sera une des autres clés de ce scrutin. La droite – et l’UMP en l’occurrence – n’est elle-même pas à l’abri de quelques déconvenues dans les villes qu’elle dirige. Soit parce qu’elle subit l’usure de la longévité, comme à Marseille, soit parce que la sociologie de l’électorat a évolué, notamment dans les villes moyennes, soit, enfin, à cause de la pousséedu Front national.

L’ambition du Front national

Le FN présentera des listes dans quelque 500 villes, soit plus de la moitié des communes de plus de 10 000 habitants. « C’est là que le scrutin municipal revêt un véritableenjeupolitique»,expliqueNicolas Bay, secrétaire général adjoint du parti d’extrême droite. Parmi ces villes, le FN vise surtout celles où Marine Le Pen a réalisé plus de 12 % à la présidentielle et où il a obtenu plus de 10 % des voix aux législatives. « C’est alors une quasicertitude de nous maintenir au second tour et d’envoyer des élus au conseil municipal », estime M.Bay. Si le nombre de communes que le FN peut espérer gagner reste limité – une dizaine, essentiellementsituéesdans le Var, le Vaucluse et les Bouches-du-Rhône, sans oublier Hénin-Beaumont dans le Pas-de-Calais –, sa capacité à se maintenirau second tour va considérablement rebattre les cartes. La gauche voit dans la multiplication de triangulaires une chance d’éviter une déroute. Il n’est pas sûr, cependant, aux niveaux d’impopularité qu’elle a atteints et de désillusion qu’elle a propagée, que cela suffise. p Abel Mestre et Patrick Roger


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france

Samedi 8 février 2014

... dans 34 villes intermédiaires...

... et dans 29 grandes villes

VILLES DE 25 000 À 50 000 HABITANTS Villes de gauche pouvant basculer Villes de droite pouvant basculer Villes ciblées par le FN

VILLES DE PLUS DE 50 000 HABITANTS Hénin-Beaumont

PS

Liévin PS

1-Viry-Châtillon

Poissy Saint-Brieuc

1

PS

Alençon

MoDem

PS

PS

Divers gauche

Caen PS

Pontault-Combault

Melun PS

Quimper

UMP

Corbeil-Essonnes

Savigny-sur-Orge UMP UMP

Calais UMP

PS

PS

Auxerre

Laval

Argenteuil Evreux

PS

PS PS

Saint-Chamond PS

PS

PS

Belfort

Divers gauche

Bourges

Annemasse

Divers gauche

Saint-Priest

Mont-de-Marsan

Valence

Avignon

Carpentras

Salon-de-Provence

PS

PS

Istres

UMP

PS

PRG

UMP

Divers gauche

PS

PS

Gap

Alès

Chambéry

Saint-Etienne

PS

Talence

MoDem

Nîmes Fréjus

Aubagne

Vitrolles PCF PS

UMP

Pau

Bastia

PS

PS

UMP

Aix-en-Provence

UMP

Béziers

Marseille

UMP

Perpignan

La Seyne-sur-Mer

UMP

PS

La fermeture d’ArcelorMittal pèse sur le maire (PS) de la ville de Moselle et sur la campagne

« Ce n’est pas moi qui gère la sidérurgie, on ne pouvait rien faire pour empêcher ça » Philippe David maire sortant PS

Si l’on y ajoute la fermeture récente des urgences, de la chirurgie et du laboratoire de l’hôpital, on comprend les réticences du maire sortant, Philippe David, en piste pour un quatrième mandat, à affichersonappartenanceau Parti socialiste. Cette fois, sa liste se veut « sans étiquette ». Elle comprend une dizaine d’adhérents du PS mais se compose « majoritairement de citoyens ouverts sur la société civile ». Une ancienne figure locale du RPR y figure même en bonne place, preuve de son ouverture. L’initiative déplaît à certains de ses alliés traditionnels de la gauche au point que son adjointe à la culture, Isabelle Iorio, proche du Parti communiste, a décidé de conduire une liste dissidente rassemblant « diverses sensibilités de gauche ». Las. Bien plus que ses querelles intestines à la gauche, c’est l’extrême droite qui dans cette ville blessée suscite toutes les attentions. Fabien Engelmann, candidat du Front national, ex-délégué CGT, affiche la couleur. Venu de l’extrême gauche, cet ouvrier communal de 34 ans avait fait parler de lui il y a quelques annéesaprès son exclusion de la CGT, à la suite de son

Ajaccio

Divers gauche

L’UMP mise sur un ancien journaliste sportif pour reprendre Poissy au PS

A Hayange,l’ex-CGT passéauFN pourrait créerla surprise

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UMP

UMP

SOURCE : LE MONDE

lorange et la crise d’ArcelorMittal ont fait les « unes » des médias, mais les deux hautsfourneaux de l’usine sidérurgique mis à l’arrêt en novembre 2012 se situent administrativement sur le ban d’Hayange (Moselle). Plus d’un an après, c’est peu dire que le démantèlement de ces installations où travaillaient 629 personnes pèse sur la campagne des élections municipales, dans cette ville de 15 000habitants ravagée par les crises à répétition de la sidérurgie.

PS

UMP

UMP

Brive-la-Gaillarde

Metz Correspondant

Strasbourg

Nancy

Colombes

PS

Roanne

PS

PS

PS

Angers

PS

PS

Bayonne

Metz

PS

Aulnay-sous-Bois

Nouveau Centre

Anglet

Reims

PS

Châtellerault

MoDem

Roubaix

Amiens Thionville

Villepinte

PS

Clamart

Villes de gauche pouvant basculer Villes de droite pouvant basculer

PS

UMP

Divers gauche

PS

Maubeuge

Douai Goussainville

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engagement au côté de Marine LePen. « Dieu merci, la stratégie de la diabolisation ne prend plus », sourit ce militant ambitieux, repéré par la présidente du FN, qui en a fait son conseiller au dialogue social. En campagne depuis un an, il défend un programme local proposant tout à la fois la mise en place de navettes gratuites vers les commerces du centre-ville pour les personnes âgées, la création d’une cantine municipale ravitaillée par des producteurs locaux et une « distribution plus rigoureuse » des bons alimentaires, sur lesquels, à l’entendre, « les pseudos réfugiés politiques du coin font la razzia». Le candidat promet aussi de baisser son indemnité de 20 % en cas d’élection. Auréolé de ses 38 % aux dernières législatives, Fabien Engelmann compte sur les divisions des deux camps pour l’emporter. Le questionnaire qu’il a adressé à tous les Hayangeois lui a permis d’engranger un fichier de 900 adresses qu’il fait fructifier, notamment sur les réseaux sociaux.A l’entendre,lapermanence qu’il a ouverte en ville « ne désemplit pas ». Fabien Engelmann ne se prive pas de cogner sur un maire qui a « osé demander à ses policiers municipaux de dévisser la plaque commémorative» que les sidérurgistes de FO avaient symboliquement apposée « en mémoire des promesses non tenues de François Hollande ». De même étrille-t-il « l’opportunisme » de l’ex-syndicaliste CFDT Edouard Martin, qui conduira la liste PS de la région Grand Est aux Européennes, après avoir incarné la lutte des salariés d’ArcelorMittal. Face à ses attaques, Philippe David tente de se défendre : « Ce n’est pas moi qui gère la sidérurgie, on ne pouvait rien faire pour empêcher ça. » Selon toute probabilité, à Hayange, la victoire se jouera à l’issue d’une triangulaire. « Dans ce cas j’ai toutes mes chances », a déclaré M. Engelmann à l’Est républicain. D’autant que la droite, de son côté, part divisée. Deux listes se présentent sous le label « sans étiquette». Aucune n’ayant voulu de l’étiquette UMP. p Nicolas Bastuck

Lecandidatdedroitedanslaville desYvelinesfaitdel’avenirdel’usinePeugeotlecœurdesacampagne

M

ohammed Skaifi sort fièrement de sa veste sa carte d’ancien ouvrier de Peugeot. « J’ai commencé le 13 avril 1970 à la chaîne de fabrication de Simca» à l’usine de Poissy, se souvient l’homme aux cheveux blancs, né en 1946 au Maroc. Devantunebière,dansl’arrière-salle du bar PMU d’un quartier HLM de la ville, ce jeudi 6février, l’aimable retraité se montre résigné : «Ici, on a tout essayé. Cette fois je vais voter Olive », lâche-t-il. Finjanvier,la nouvelledelasuppression de 684 postes sur le site localde PSAa fait l’effetd’unebombe. A Poissy, dernière station du RER A dans les Yvelines, la firme emploie6 000 salariésà la production, 10 000 avec le pôle tertiaire. Ils étaient 27 000 en 1977. Malgré la pluie qui s’abat sur le marché au cœur du quartier populaire de Beauregard,Karl Olive, candidat UMP à la mairie, refuse de céder à la morosité: «Il y a des solutions pour permettre d’assurer un avenir à Peugeot », affirme ce fils d’un ancien cadre de l’entreprise, conseiller général des Yvelines depuis 2011 mais candidat pour la première fois aux municipales à Poissy. Parti à la reconquête de cette ville de 40 000 habitants ravie à l’UMP par le PS en 2008, M. Olive a choisi de faire de l’avenir du site de PSA le thème central de sa campagne, au point d’enrôler sur sa liste l’ancien secrétaire du comité d’entreprise de la firme, Michel Prost, ex-responsable de FO. « Enfant de Poissy», M.Olive joue aussi la carte de la « droite terrain » capable de donnerun nouveau visageà l’UMP. Il compte dans son opération sur la figure de David Douillet, député (UMP) de la circonscription. « On forme une équipe soudée», assure l’ancienjudoka,également conseiller régional et numéro trois sur la liste de M. Olive. Les deux hommes se sont rencontrés à Canal+, en 2004, quand M. Olive, ex-journaliste sportif, était directeur de la rédaction des sports de la chaîne. M.Olivene rate jamais une occasionde direque,pourlui,«lematch est gagné ». Son triomphalisme n’émeut guère le maire socialiste sortant, Frédérik Bernard. Face à ce qu’il appelle la « communication compulsive» de M. Olive, « Fred »,

comme l’appellent ses proches, oppose ce qu’il nomme sa « force tranquille». En 2008, cet ancien éducateur spécialisé a ravi la ville au maire sortant UMP, Jacques MasdeuArus, condamnéen 2006 pour corruption passive et abus de biens sociaux. M. Bernard se fait fort de démontrer que sa victoire, dans ce bastion de la droite, n’est pas « un accident de l’Histoire». Alors que son adversaire UMP l’accuse d’avoir plongé la ville «dansuncomaprofond»et dénonce la disparition des commerces, M. Bernard mise sur son bilan. Et égrène : le chômage n’est « que de 7 % », la population « a rajeuni », « de plus en plus de familles quittent la petite couronne pour venir s’y installer », « les cantines des écoles sont pleines à craquer » et la vie associative bouillonne. Il fait valoir, encore, qu’il a construit « un des plus beaux skate-parks de France» et qu’il est en train de réhabiliter les anciennes cités ghetto. Et Peugeot,thème central de son adversaire? « Les salariés de PSA ne représentent pas plus de 3 % des

La création d’une liste indépendante par l’adjoint à l’urbanisme du maire donne à la gauche l’image de la désunion actifs qui vivent à Poissy, relativise M.Bernard. Si l’entreprise s’en va, la ville récupère du foncier et j’ai des contacts avec des grands groupes prêts à venir s’installer », lâche-t-il, attablé à une bonne auberge de la ville au bord de la Seine. M. Bernard fait mine de ne pas s’inquiéter des signes de craquement dans sa majorité. Son adjoint à l’urbanisme, Jean-Paul Hédrich, a décidé de présenter sa propre liste « citoyenne », donnant ainsi à la gauche l’image de la désunion. Mais la droite n’est soudée qu’en façade, se rassure l’entourage du maire. Pour imposer sa candidature, M. Olive a dû, avec l’appui de M. Douillet et de l’exministre Valérie Pécresse, chef de filede l’UMPrégionale et dela droite yvelinoise, dissuader un autre prétendant de briguer la mairie :

Jean-François Raynal, conseiller général (UMP) de Poissy-nord. S’il a acceptéde présiderle comité de soutien de Karl Olive, M. Raynal ne cache pas sa déception en privé, selon certains témoins. En coulisse, des manœuvres de rapprochement sont en cours entre le maire PS et une association locale, Ensemblepour Poissy, danslaquelle figurent plusieurs anciens élus de la majorité de M. Masdeu-Arus, dont M. Raynal était l’ancien directeur de cabinet. Autre surprise qui pourrait déjouer les pronostics optimistes

de l’UMP : le score du candidat du FN, Joseph Martin, qui n’a toutefois pas encore bouclé sa liste. Dimanche, M. Bernard s’apprête à recevoir le soutien d’Harlem Désir, le patron du PS, de Benoît Hamon, ministre délégué à l’économie sociale et solidaire et élu du département,ainsi que de Catherine Tasca, sénatrice (PS) des Yvelines. Le maire de Poissy, qui dit avoir gagné en 2008 « sans l’aide de personne », ne se plaint pas, cette fois, de recevoir un peu de renfort de son parti. p Béatrice Jérôme

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Samedi 8 février 2014

A Marseille, les ministres défilent pour soutenir Patrick Mennucci

Popularité: M.Hollande décrocheà gauche

M.Gaudin (UMP) dénonce «l’appareil de l’Etat mobilisé en faveur du candidat gouvernemental» Marseille Correspondance

D

éfilé de ministres sur le terrain, interventionsde Matignon dans les négociations avec les partenaires, le gouvernement met tout son poids au soutien de Patrick Mennucci. JeanClaude Gaudin fulmine. Pour le maire UMP de Marseille, depuis quelques semaines, M. Mennucci n’est plus que « le candidat gouvernemental socialiste ». Mercredi 5 février, le sénateur des Bouches-du-Rhôneet maire de Marseille,invitésur LCI,a, une nouvelle fois, tonné contre son adversaire aux municipales: « Tout l’appareil de l’Etat est mobilisé en faveur du candidat gouvernemental socialiste. Ça n’est pas de la déontologierépublicaineet ça agace les Marseillais! » Sicettedernièreaffirmationreste à confirmer, la stratégie de M. Gaudin – surfer sur le rejet du gouvernement Ayrault – s’appuie sur des faits bien réels. Après le ministre de l’intérieur, Manuel Valls, le 27 janvier, c’est la ministre de la culture, Aurélie Filippetti, qui est venue, le 3 février, confirmer que Marseille était un enjeu national pour l’Etat socialiste. « Entre le Midem à Cannes et les Victoires de la musique classique à Aix, Mme Filippetti a dit qu’elle viendrait si nous avions un dossier culture à défendre », raconte Dominique Bouissou, directrice du cabinet de campagne de M. Mennucci. Cette ancienne responsable de la communication de Matignon et de la campagne de Hollande joue, depuis novembre 2013, les courroies de transmission entre Marseille et les ministères parisiens. A son arrivée, la rumeur a couru que le premier ministre l’avait spécialement détachée pour la mission : « C’est faux, assure-t-elle. Quand Patrick Mennucci m’a proposé de le rejoindre, j’avais quitté Matignon depuis plusieurs mois déjà. » Pour Aurélie Filippetti, elle a organisé en urgence une visite

Manuel Valls avec des habitants de la cité Picon-Busserine, à Marseille, le 27 janvier. HORVAT-POOL/SIPA

symbolique de l’ancienne usine Rivoire et Carret. Une friche Art déco du 11e arrondissement que le candidat socialiste compte transformer en médiathèque. Avant de filer vers Aix, la ministre de la culture a posé avec Patrick Mennucci et Christophe Masse, candidat dans ce 6e secteur, crucial pour conquérir Marseille.

« C’est un ami » Une semaine plus tôt, c’est pour inaugurer la permanence de ce même M. Masse qu’un Manuel Valls,versionmilitant,avaitprolongésonséjour.« C’estunamietilprofite de son déplacement ministériel pour venir», jurait alors, ingénu, le conseiller général. « Jamais un gouvernement n’a fait autant pour un candidat, assure un conseiller de M. Gaudin. Et je ne parle pas des visites officielles de Marie-Arlette Carlotti [ministre des personneshandicapées], qui se présente ici. Mais en insistant comme celasur Marseille,lePS nousvalorise aussi. » Au lendemain du passage

du ministre de l’intérieur, Yves Moraine, porte-parole de la campagne UMP, n’a pas manqué l’occasion de fustiger M. Valls, « rattrapé par la réalité du terrain». Quelques heures après le départ du ministre, un règlementde comptesa fait une nouvellevictimedansunecitémarseillaise. Le troisième en 2014. A la mi-janvier déjà, JeanClaude Gaudin, en quête d’un quatrième mandat, s’était plaint devant le bureau national de l’UMP de « devoir se battre tout seul contre le gouvernement », demandant « qu’on cesse de le critiquer à l’intérieur même de son parti », notamment sur ses 74 ans… Face au défilé ministériel et aux aides financières régulièrement annoncéespourMarseille,iltempête aujourd’hui: « Quand M. Ayrault débloque 30 millions d’euros pour aider la SNCM, je n’accepte pas qu’il ne le dise qu’à un seul député PS, M.Mennucci, en ignorant les autres parlementaires et le maire.» Endébutdesemaine,l’UMPasaisi la Commission des comptes de

campagne pour faire intégrer les visitesdeM.VallsetdeMme Filippetti aux dépenses du candidat PS. M.Mennucci n’entend pas pour autant interdire sa ville aux membres du gouvernement. Pas plus qu’il ne compte se passer de l’aide des poids lourds socialistes dans la cuisine électorale. Outre la procédure d’exclusion du PS de son ennemi personnel, Jean-Noël Guérini, lancée après des mois de tergiversations, il bénéficie de coups de pouce discrets. Le président du PRG, JeanMichel Baylet, n’a pas caché que François Hollande lui a personnellement demandé d’aider l’union à Marseille. Le candidat MoDem, Jean-Luc Bennahmias, a été reçu par le président de la République le 24 janvier. Reste le cas Pape Diouf, reçu à plusieurs reprises à l’Elysée et à Matignon ces deux derniers mois. Jean-Claude Gaudin a une théorie. Pour lui, « M. Diouf est un sousmarin du chef de l’Etat ». p Gilles Rof

A six semaines des municipales, seuls 23% des Français approuvent l’action du président

L

’opération reconquête lancée par François Hollande en ce début 2014 n’a pas porté ses fruits dans l’opinion. Deux enquêtes viennent coup sur coup sanctionner, de façon significative, un mois de janvier durant lequel le chef de l’Etat n’aura pourtant pas ménagé ses efforts pour rebondir. Selon le baromètre IFOP de février pour Paris Match, seuls 23 % des sondés « approuvent » l’action de M. Hollande, qui perd 3 points en un mois et retombe au niveau historiquement bas de décembre 2013. Le président perd également 3 points dans un autre baromètre TNS Sofres-Sopra Group pour Le Figaro Magazine, dans lequel il chute à 19 %, là encore son plus bas niveau historique. « Il y a une forme de logique », relativise un proche de M. Hollande, qui répète inlassablement depuis vingt mois que « les sondages d’opinion sont indexés sur le climat et les perspectives économiques et les résultats du chômage ». L’affaire de la séparation d’avec Valérie Trierweiler ne semble pas être au fondement de ce désamour croissantdesFrançaispourleurprésident. « C’est très clairement une grille d’évaluation économique et sociale », explique Frédéric Dabi, directeur général de l’IFOP, pour quiceteffritementcontinutienten premierlieu à « l’aveud’impuissance sur le chômage, qui coïncide avec une forme de démonétisation de la parole présidentielle. On mesure à quel point il a déçu ». Sa promesse non tenue d’inversion de la courbe du chômage coûte cher à M. Hollande. D’autant qu’elleestvenue démentirl’impulsionpolitique du «pactede responsabilité » lancée lors de ses vœux et de sa conférence de presse. « Les résultats du chômage sont venus percuter la conférence de presse et ont brouillé le message auprès des sympathisantsde gauche, diagnostique Brice Teinturier, directeur général délégué d’Ipsos. L’inflexion qui a été donnée sera pour eux difficile à admettre, d’autant plus qu’elle est arrivée en même

temps que les mauvais chiffres du chômage.» Les bénéfices politiques du lancement du pacte de responsabilité n’auront donc pas suffi à effacer la déception liée à l’échec concédé parle présidentsur lefrontde l’emploi. « L’orientation donnée est dans l’ensemble bien acceptée par les Français, mais elle déstabilise des sympathisants de gauche, alors qu’elle ne permet pas d’obtenir plus de soutien des sympathisants UMP ou centristes », poursuit M.Teinturier. C’est peut-être la leçon la plus inquiétante de cette rentrée pour l’exécutif: les secousses au sein de son propre camp. « A droite, nous en sommes depuis vingt mois à un tel niveau de raidissement qu’il n’y a plus rien à perdre, concède un ami du président. Et l’annonce du pacte de responsabilité a pu désorienter ou déplaire à une partie de l’électorat de gauche.»

Risque d’abstention M. Hollande aurait-il commencé à s’aliéner aussi les rares soutiens qu’il lui reste ? « On peut lire ce quinquennat comme une longue série de reculs et de chutes dans l’opinion, explique M. Dabi. Mais, ce qui est extrêmement frappant, c’estque le présidentchutemassivement aux franges du PS, de 10 points environ chez les sympathisantsécologistes et front de gauche », poursuit M. Dabi, qui juge « très préoccupant de déchirer son camp» et pronostique un « impact sur les élections municipales». Le responsable de l’IFOP rappelle ainsi que, selon son institut, aux mois de janvier précédant les municipales de mars1983 et 2008, François Mitterrand et Nicolas Sarkozy bénéficiaient respectivement de 39 % et 47 % d’opinions favorables. Tous deux avaient vu leur parti encaisser une défaite à l’occasion du premier test électoral de leurs présidences. Au même stade, François Hollande, pour sa part,ne bénéficieque de22% d’opinions favorables. p David Revault d’Allonnes

La défiancevis-à-visdu systèmepolitiqueatteintsa cote d’alerte

Seuls 4% des Français se sentent de «plus en plus entendus», selon un sondage Ipsos-Steria pour «Le Monde» et l’association Lire la société

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e quelque manière que l’on pose la question, les Français exprimentleur insatisfaction sur le fonctionnement de leur système démocratique. L’enquête réaliséepar Ipsos-Steriapour l’association Lire la société et Le Monde, du 22 au 28 janvier auprèsd’unéchantillonreprésentatif de 1 000 personnes, le confirme. Pourprèsdes deux tiersdes sondés (63 %), en effet, le système démocratique « fonctionne de moins en moins bien » en France. Ce jugement est écrasant parmi les sympathisants de l’UMP (73 %) et plus encore chez ceux du Front national (85 %). Ce constat inquiétant corrobore, notamment, l’enquête récente du Cevipof (centre d’études de Sciences Po), dans laquelle 69 % des personnes interrogées estiment que « la démocratie fonctionne mal » en France, un

pourcentage en hausse de 21 points depuis 2009. Cela ne signifie pas que les Français récusent la démocratie dans son principe. Au contraire : les trois quarts (76 %) assurent que le régime démocratique « est irremplaçable et que c’est le meilleur possible ». Et 80 % sont convaincus qu’un système démocratique est le « moyen le plus efficace d’assurer le développement économique d’un pays », contre 20 % (mais jusqu’à 46 % des sympathisants du FN) qui jugent qu’un régime autoritaire serait préférable. Enfin, les élections restent, à leursyeux, nécessairespourexprimer son opinion et choisir ses représentants: 95 % assurent que voter est « indispensable », même si 22 % considèrent tout de même le vote comme un « rituel désuet et déconnecté des réalités ».

Toutefois, le jugement est plus nuancé, voire mitigé, quand on détaillelesgrandesmissionsattendues d’un système politique. Ainsi, 71 % des sondés jugent le système démocratique efficace pour « garantir le respect des libertés individuelles», 64 % pour « assurer la cohésion d’un pays », 60 % pour « favoriser le développement économique » et 58 % pour « assurer l’ordre et la sécurité ». Ils sont, en revanche, une majorité pour estimer qu’un tel système n’est pas efficace pour « favoriser l’intérêt général plutôt que les intérêts privés » (53 % contre 47 %) ou pour « réduire les inégalités sociales entre citoyens» (55 % contre 45 %). Un dégradé comparable apparaît quand on interroge les Français sur les institutions « absolument nécessaires » pour la démocratie : « Une justice qui fonctionne

bien» (83 %), une « éducationaccessible au plus grand nombre» (76 %) et des élections (72 %) sont très largement citées. Un cran nettement derrièrefigurent « un présidentélu au suffrage universel» (56 %), « des organismes de contrôle » comme

20% des sondés (mais jusqu’à 46% des sympathisants du FN) jugent qu’un régime autoritaire serait préférable le Conseil constitutionnel ou la Cour des comptes (56 %) et « des médias indépendants et pluralistes » (52 %) ; à cet égard, 62 % jugent que le développement des médias d’information en continu et des

réseaux sociaux est plutôt une bonne chose pour la démocratie. En revanche, moins de la moitié des sondés jugent absolument nécessaire « la présence de partis politiques différents » (47 %) et plus encore un Parlement (42 %). Si les Français ne se détournent donc pas de la démocratie, ils jugent très sévèrement son fonctionnement et en attendent plus d’efficacité et de proximité. Ainsi, interrogéssur lesfacteursqui fragilisent la démocratie en France, ils citent en premier lieu « l’impuissance des gouvernements à apporter des solutions à la crise économique» (50 %) et « la déconnexion des élites par rapport aux problèmes quotidiens des Français » (47 %). A cela s’ajoute le sentiment dominant que l’appartenance de la Franceà l’Union européenne«tend plutôt à affaiblir la démocratie en

France» (45 %), quand 21% des sondés pensent qu’elle la renforce et 34% que cela ne change rien. La défiance à l’égard des responsables politiques est au cœur de ce désenchantement démocratique : quand on demande aux Français leur sentiment à propos des décisions prises par les pouvoirs publics, trois sur quatre (74 %, dont 58 % parmi les sympathisants du PS) assurent se sentir « de plus en plus manipulés », deux sur trois « de plus en plus ignorés », la moitié (48 %) « de plus en plus dépassés » et aucun ou presque (4 %) « de plus en plus entendus ». On ne saurait plus cruellement pointer la fragilité, inquiétante, du contrat démocratique français. p Gérard Courtois

n Sur Lemonde.fr

Consulter tous les résultats de l’enquête


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Samedi 8 février 2014

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Education prioritaire: bataille pour les nouveaux moyens L’inquiétude gagne certains établissements d’Ile-de-France, qui craignent de ne pas être retenus par les rectorats dans le futur dispositif REP+

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e gâteau est petit et chacun veut sa part. En lançant, le 16 janvier, sa réforme des zones d’éducation prioritaire (ZEP) qui ne cible, à la rentrée 2014, qu’une centaine d’établissements – 350 au total en 2015 –, le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, a pris le risque de faire des mécontents. Depuis quinze jours, une question agite le millier de collèges relevant de l’éducation prioritaire : fera-t-on partie des « REP + » ? Ce nouveaulabeldésignele noyaudur de l’éducation prioritaire, là où les difficultés sont jugées les plus lourdes. Là, aussi, où l’administration a décidé de « mettre le paquet» : allégement des heures de cours pour les professeurs, doublement de la prime, formation continue… Depuis que les rectorats divulguent, au compte-gouttes, le nom des heureux bénéficiaires, la désillusion gagne bon nombre d’enseignants. Le mouvement de grève, qui a commencé le 20 janvier et

concerné une trentaine d’établissements dans les Hauts-de-Seine, gagne la Seine-Saint-Denis. Jeudi 6 février, ils étaient une douzaine de collèges et lycées – sur 120 – à y débrayer. «Après quinze jours de suspense, c’est la douche froide », témoigne Benjamin Marol, enseignant dans un collège de Montreuil (SeineSaint-Denis), qui ne fait pas partie des neuf « super ZEP » de l’académie tout juste sélectionnées. « Les professeursprévoyaientuneaméliorationnettedeleursituationdèsseptembre. Aujourd’hui, ils sont d’autant plus déçus qu’ils ne comprennentpas lescritèresde sélection retenus.Ilsn’excluentpasdedemander leur mutation!» Au fur et à mesure que se décide la répartition des REP + dans les 30 académies (un à Paris, 8 à Versailles, 9 à Créteil, 6 à Amiens…) se diffuse, dans les ZEP, l’impression que les difficultés du quotidien ne sont pas reconnues. La crainte, aussi, de ne plus être prioritaire. Le

Une nouvelle carte des ZEP à partir de la rentrée 2014 REP +. Les « réseaux d’éducation prioritaire+ » sont le noyau dur des ZEP, ceux qui concentrent le plus de difficultés et sur lesquels seront concentrés les moyens (allégement des heures de cours pour les professeurs, indemnités, formation continue, etc.). A la rentrée 2014, le dispositif concernera 100 réseaux (un collège et les

écoles alentour), 350 en 2015. REP. Le reste des 1 000 ZEP sera siglé REP (réseaux d’éducation prioritaire). Outre quelques mesures nouvelles, leurs moyens actuels seront maintenus. Le ministère a toutefois prévenu qu’environ 5 % des réseaux devraient sortir du dispositif pour être remplacés par d’autres.

ministre n’a pourtant pas ouvertement modifié le périmètre des ZEP. Celui-ci englobe 20 % des établissements – contre moins de 10 % à la création du label en 1981. Une proportion élevée qui ne se traduit plus par une réelle différence de traitement entre ZEP et hors ZEP. C’est pour répondre à l’écueil du « saupoudrage » des moyens que Vincent Peillon veut concentrer les efforts sur un « cœur» de cible, les fameux REP+.

« Loterie » Reste à savoir sur quels critères ilssontchoisis,dèslorsqueleministère a décidé de les distribuer dans toutes les académies, et pas seulement aux plus défavorisées. Rue de Grenelle, on explique avoir tenu compte d’un « indice social », croisant les revenus des familles, leur catégorie socioprofessionnelle, le taux de boursiers, etc. En SeineSaint-Denis – département parmi les plus pauvres de France –, le choix s’est fait entre les établissements «qui accueillent les élèves les plussocialementdéfavorisés»,expliqueJean-LouisBrison,directeuracadémique. «D’autres établissements [que les 6 REP + du département] auraient pu rentrer dans la préfiguration, reconnaît-il. Il a fallu faire des choix.» Conséquence: sur le terrain,lasélectiondesREP+peutdonner l’impression d’une « loterie », selon les mots de Frédérique Rolet, cosecrétaire générale du syndicat d’enseignants SNES-FSU.

Manifestation, le 4 février, à Paris, de professeurs du lycée Maupassant de Colombes. NICOLAS MESSYASZ/SIPA

Parmi les grévistes, la colère est d’autant plus forte que le SNES du 93accusel’administrationdefinancerlesnouveauxréseauxen«ponctionnant les dotations de tous les autres collèges, y compris ceux de l’éducation prioritaire ». Résultat, assure le syndicat, des suppressions de postes « massives» dans le département, alors qu’on prévoit davantage d’élèves. Démenti de la direction académique, qui assure qu’àeffectifsconstants,«aucuncollège de l’éducation prioritaire ne verra sa dotation baisser ». « Les REP+ sont financés par des moyens nouveaux», renchérit-elle, pas par redéploiement, comme le redoutent les grévistes. Aucun REP + n’est prévu dans l’autre département mobilisé, les Hauts-de-Seine. Cela n’étonne guè-

re Marc Douaire, président de l’Observatoire des zones prioritaires, sorte de think tank sur le sujet. « S’il existe des quartiers déshérités dans le 92, sa population est socialement plus hétérogène que dans le 93 », souligne-t-il, ajoutant que « 31 ZEP dans les Hauts-de-Seine, c’est trop ». Aucun ministre n’a osé, en trente ans, revoir la carte des ZEP. Ou en tout cas s’y atteler frontalement. Cela suppose de toucher à des primes, à des acquis; de se confronter, aussi, aux élus locaux. Dans l’académie de Versailles, à un mois et demi des élections municipales, on reconnaît que, outre les critères sociaux, une pression politique a pu peser sur l’identification des nouveaux réseaux. « Même s’il y a une surreprésentation d’établissements en difficulté

dans les Yvelines, c’était politiquement difficile de ne cibler que ce département,confie-t-ondansl’entourage du recteur. Outre 4 REP+dans les Yvelines, le choix s’est aussi porté sur 2 dans l’Essonne et 2 dans le Val-d’Oise.» « Est-ce qu’on sera toujours ZEP ou pas ? Et qu’est-ce qu’on met derrière cette appellation ? Ces questions reviennent en salle des profs», témoigneMickaëlGamrasni,enseignant au collège Edouard-Manet de Villeneuve-la-Garenne, le premier à s’être mobilisé dans les Hauts-de-Seine. C’est dans cet établissementqu’ilyadeuxans,lecandidat socialiste François Hollande était venu marteler ses priorités pour l’école. p Mattea Battaglia et Aurélie Collas

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Samedi 8 février 2014

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Le procès des pratiques douteuses d’un ancien gendarme en Corse

C’est, en milliards d’euros, le solde du budget de l’Etat à la fin de l’année 2013, contre – 87,2 milliards à la fin 2012, soit une amélioration de 12,3 milliards. Les dépenses atteignent 376,7 milliards contre 374,2 milliards (+2,5 milliards) fin 2012 et les recettes s’établissent à 301,2 milliards contre 286 milliards (+15,2 milliards).

François Levan a été condamné à cinq ans de prison par le tribunal correctionnel de Bastia Bastia Correspondant

JUSTICE

LeConseild’Etatexaminera l’affaireLambertle 13février Le Conseil d’Etat examinera l’affaire Vincent Lambert jeudi 13 février, en assemblée du contentieux, la plus élevée des formations de jugement, qui comprend 17 membres. L’audience sera présidée par son vice-président, Jean-Marc Sauvé. Le 6 février, le président Bernard Stirn a estimé, après avoir entendu avocats, médecins et membres de la famille, que « la très grande difficulté » des questions posées, d’ordre juridique, déontologique, éthique et humain, excluait « qu’elles puissent être tranchées par un juge unique». Le tribunal administratif de Châlons-en-Champagne, saisi par les parents de ce jeune homme en état de conscience minimale, avait ordonné le 16 janvier à l’équipe médicale de ne pas interrompre les traitements du patient. Son épouse, son neveu et le CHU avaient fait appel. p Fr. B. et L. Cl.

Demande de levée d’immunité de Serge Dassault

Une nouvelle demande de levée d’immunité parlementaire de Serge Dassault a été adressée le 27 janvier au parquet de Paris par les juges qui enquêtent sur les soupçons d’achat de votes de l’ancien maire de Corbeil-Essonnes (Essonne). Un premier refus par le bureau du Sénat le 8 janvier avait provoqué un tollé. – (AFP.)

Christian Iacono devant la Cour de révision

Le ministère public a demandé, jeudi 6février, le rejet de la requête en révision de l’ancien maire de Vence (Alpes-Maritimes), Christian Iacono, condamné à neuf ans de prison pour le viol de son petit-fils Gabriel. Le jeune homme s’est rétracté en 2011, mais l’avocate générale, Pauline Caby, a jugé ses nouvelles déclarations « extrêmement sujettes à discussion ». La décision sera rendue le 18 février.

Enquête sur le patrimoine de Jean-Marie Le Pen

Le parquet de Paris a ouvert une enquête sur les déclarations de patrimoine de Jean-Marie Le Pen, après un signalement de la Commission pour la transparence financière de la vie politique. Il n’aurait pas justifié l’augmentation de ses biens entre le début et la fin d’un de ses mandats européens, en 2004 et 2009. – (AFP.)

« La manière dont a été retiré un texte qui n’était pas encore écrit pour éviter un sujet qu’il ne contenait pas – la PMA –, au nom d’amendements qui ne pouvaient pas être déposés… tout cela fait un peu désordre» Claude Bartolone, président (PS) de l’Assemblée nationale, dans un entretien au Figaro.

pariS 15e

C

oupable d’avoir divulguédes informations sur des enquêtes en cours, détourné de la drogue et des enregistrements d’écoutestéléphoniques:en l’espace de quelques minutes, François Levan, 42 ans, s’est retrouvé dans la peau de ceux qu’il traquait du temps de sa splendeur. Cet ancien gendarme auxiliaire, devenu officier grâce à ses « excellents résultats » et à son instinct de « chasseur»,auxdiresdesesancienssupérieursàl’audience,dirigeaitl’antenne de Haute-Corse de la section de recherches, l’élite des enquêteurs de la gendarmerie. Jeudi 6 février, sept ans après le début de l’enquête, le tribunal correctionnel de Bastia a condamné le capitaine déchu à cinq années de prison, lui faisant grâce du mandat de dépôt requis par le ministère public.Libre,M.Levans’estempressé de retrouver sa nouvelle vie depuis qu’il a quitté la gendarmerie : directeur d’hôtel à Marseille. Uneexistenceloindes«bellesaffaires», de l’adrénaline, des lettres de félicitations du ministère de l’intérieur.Et loinde laCorse,le tombeau de sa carrière. «L’affaireLevan»,c’estuninvraisemblable embrouillamini mêlant indics de seconde zone, repris de justice et gendarmes noyés dans un bouillon de culture où le respect de la procédure n’encombre pas toujours les esprits – un « décor de polar », comme l’a décrit Me JeanSébastien de Casalta, l’un des avocats des six prévenus qui comparaissaient au côté de M.Levan. Parmi eux : Claude Valery, ex-flambeur au casier surchargé, condamnéseizefoispourescroqueriesoufauxtémoignageetquicomparaissait détenu, assommé de calmants, rongé par un cancer. Devenu une « source » de François Levan, M. Valery intercédait volontiers en faveur d’un ami pour un excès de vitesse, d’un autre qui soupçonnaitsa compagned’infidélité,obtenantde FrançoisLevandes CD-ROM d’écoutes téléphoniques ou le déclassement d’une contravention. Contre de l’argent, a-t-il

François Levan, avec ses avocats Mes Morice et Scolari, à Bastia, le 4 février. PASCAL POCHARD-CASABIANCA/AFP

affirmé. Uniquement pour conserver cet « agent de renseignement», s’est défendu l’ex-gendarme. A la barre, François Levan a confesséde«grosseserreursdejugement», tout en arguantde « la course aux résultats et [de] la pression, y compris politique », qui pesaient sur ses épaules et des encouragements de sa hiérarchie à aller « au contact » pour recruter de nouveaux indics. Pour d’anciens collègues,«FrançoisLevann’afaitqu’appliquer avant la lettre les dispositions qui encadrent aujourd’hui le traitement des “tontons” [indicateurs]». « Les indulgences, les petits cadeaux, c’était à l’époque le seul moyen d’entretenir des informateurs », raconte l’un d’eux, ancien de la section de recherches, un temps dirigée par l’intéressé. Fallait-il pour autant charger Claude Valery de vendre plusieurs dizainesdekilosderésinedecannabis provenant de scellés détournés? C’est ce qu’assurece dernier et que François Levan nie farouchement. L’ancien officier jure, lui, avoir détruit la drogue en la brûlant à la demande d’un magistrat. Problème : il a ensuite établi des

procès-verbaux de destruction incomplets, et l’accusation souligne son empressement douteux à se déplacer jusqu’à Ajaccio pour récupérer ces scellés, un rôle rarement dévolu à un officier de son rang.

Amitiés interlopes Cet élément a beaucoup pesé dans un dossier souvent bancal, qui a levé un coin de voile sur les étranges pratiques de certaines unités de gendarmerie corses. Effarés, les magistrats ont ainsi appris à l’audiencequ’ilétaitd’usagedevérifier un « tuyau» en formulant une demande d’écoute téléphonique dans le cadre d’une procédure en déshérence.Sile« branchement»se révélait utile, «on laissait tomber la fausseprocédureetonentamaitune vraie enquête sur la base des informations recueillies par les écoutes», a indiqué le prévenu. Autre méthode,utiliséepour«éclaircir» despropos jugés obscurs dans des enquêtes: le recours à des informateurs, priésdedécrypterdesécoutespourtant couvertes par le secret et tenus ainsi au courant de l’état d’avancement des procédures.

Empêtrédanssesamitiésinterlopes, François Levan avait gagné, en Corse puis à Draguignan, où il commandait la compagnie de gendarmerie après avoir quitté l’île, une réputation de « ripou» millionnaire. Pourtant, le gendarme était souvent à découvert, contractant emprunt sur emprunt pour payer ses traites, ce qui ne l’a pas empêché de débourser 40 000 euros pour acheter – d’occasion, précise-t-il – un Porsche Cayenne, suscitant jalousies et rumeurs sur son train de vie et sa déontologie. « Il avait des résultats. On a commencé par l’envier, puis à l’appeler ‘‘le Chinois’’, puis le ‘‘ le Chinetoque’’ et enfin ‘le Niaquoué’’ », a expliqué son épouse, en référence aux originesvietnamiennesdesonconjoint. En octobre 2013, lors d’un autre procès à Draguignan, les conseils de M. Levan avaient arraché la relaxe de leur client, accusé – déjà – de détournement de drogue. A Bastia, dès la sortie de l’audience, Mes Christian Scolari, Olivier Morice et Aloïs Blin ont annoncé leur intention de faire appel de la condamnation. p Antoine Albertini

Corse: l’affairequi mêle corruptiond’éluset assassinats

Le tribunal d’Ajaccio jugera le 21 mars les protagonistes d’une fraude aux marchés publics En présEntation ExclusivE

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près les assassinats, fin 2012,de l’avocatcorse Antoine Sollacaro puis de Jacques Nacer, président de la chambre de commercede Corse-du-Sud,le gouvernementavaitenvoyé sesministres sur l’île et promis une opération mains propres. La Corse devait être libérée de l’emprise mafieuse et tous les moyens policiers et judiciaires seraient mis en œuvre pour y parvenir. Il aura fallu pourtant attendre plus d’un an pour que le tribunal d’Ajaccio se saisisse des conclusions d’une enquête préliminaire qui lève le voile sur la personnalité de Jean-Luc Chiappini, maire de Letia et président du Parc naturel régional de Corse, tué le 25 avril 2013.Le dossieroffre une photographie rare d’un système où se mêlent fraude aux marchés publics, corruption et assassinats d’élus. Les survivants de cette affaire, qui sera jugée le 21 mars, viennent tout juste d’être convoqués, par citation directe, devant le tribunal correctionnel. Tout a débuté par les investigationssurlamortparballes,le16janvier 2009, dans son hall d’immeuble, à Ajaccio (Corse-du-Sud), de Jean-Marc Nicolaï, maire de Casalabriva de 1995 à 2002, alors consultantetgérantd’unesociétédetransport. Le 8 décembre 2010, les poli-

ciers transmettent au parquet une lettre de mission, du 23 novembre 2004, signée entre la société Aprochim, spécialisée dans la décontamination des équipements électriques, et M. Nicolaï, alors cogérant du cabinet d’études Ceci dont l’exassociée sera jugée le 21mars. Entendus, juste après l’assassinat de M.Nicolaï, les représentants d’Aprochim dont le siège se trouve près de Laval, n’en avaient rien dit. Mais après des perquisitions fructueusesdansleurslocaux,ilsrévélèrent alors l’existence d’un pacte de corruption, via M.Nicolaï, mettant en cause Jean-Luc Chiappini. AlainHenriKeravec,alorsdirecteurgénéral d’Aprochim, renvoyé pour corruption et abus de biens sociaux, a indiquéquesa sociétés’étaitportée candidate à un appel d’offres d’un marché de traitement des dépôts sauvagesetdevéhiculeshorsd’usage sur deux secteurs du Parc régional d’un montant de 667000 euros. Marché que la commission d’appel d’offres du Parc lui attribue le 12 novembre 2004. Selon M. Keravec, une rencontre s’est tenue au café de la gare de Corte (Haute-Corse), la veille, entre M. Chiappini et deux représentants d’Aprochim en Corse pour négocier les termes de l’attribution.Lorsdel’entretien,M.Chiappini aurait conditionné son accord à

la majoration de l’offre de 10 %. Ces éléments ont été confirmés par les deux membres d’Aprochim présentsce jour-làet par un courriel de M. Keravec relatant la réunion et les pressions pour que soit rétrocédé l’argent en liquide. Pour son rôle d’intermédiaire, M. Nicolaï a été rémunéré 72000eurosen2005pourdesprestations qualifiées de fictives par la justice. M. Chiappini aurait, quant à lui, perçu 75000 euros par le biais

Les survivants de cette affaire datant de 2004 viennent tout juste d’être convoqués, par citation directe, devant le tribunal correctionnel de primes exceptionnelles versées à M. Nicolaï. Les liens entre ce dernier et le Parc régional étaient anciens puisque le tribunal de Bastia l’avait condamné, dans les années 1990, pour emploi fictif au sein de cet organisme. Malgré ces efforts, Aprochim n’a jamais exécuté ou sous-traité ce marché. Trois jours après l’avoir obtenu, ses dirigeants ont retiré leur offre. Désaccords internes à la

société ou refus de payer leur dîme à des élus qui, selon l’enquête préliminaire, semblent en avoir fait une pratiquesystématiquesurl’ensemble des marchés qu’ils géraient? En tout cas, il était trop tard. Les entreprises attributaires doivent payer l’équivalent du montant des travaux même si elles ne les réalisent pas. Résultat, Aprochim a entamé de nouvelles négociations occultes pour se désengager. Leprotocolede transactionmettant fin au marché est finalement signé le 7 juillet 2005. Mais cette sortie n’est pas gratuite. Après avoir été payé comme consultant jusqu’en mars 2005, M. Nicolaï est, cette fois-ci, déclaré comme salarié jusqu’en mars 2006. Interrogé par les policiers, M. Chiappini a nié en bloc ces accusations. Si de nombreux retraits de fonds en liquide ont été relevés pour M. Nicolaï, les remises d’espèces à M. Chiappini n’ont pas laissé de traces. Sollicité par Le Monde, l’avocat d’Aprochim, Me Xavier Flécheux, a indiqué que son client « considère avoir versé de manière transparente des indemnités de rupture transactionnellequilui ontpermisd’éviterle coûtbeaucoupplus important d’un contentieux et que si des sommes ont été détournées, il en serait la victime». p Jacques Follorou


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france

Rien ne va plus à l’école

Samedi 8 février 2014

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5|5 Avoir de bons enseignants permet d’avoir une école efficace. Et si un bon salaire attire les meilleurs, la gestion des carrières est aussi un élément essentiel

A-t-on les enseignants qu’il nous faut?

81,4%

des enseignants français ont le diplôme requis. C’est ce qui ressort des évaluations PISA. En Finlande, ils sont 91,5 %, au Japon 99,9 %. Pour bien recruter, il faut bien gérer et bien payer. L’affectation dans les collèges n’est pas étudiée en profondeur par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), même si ses analystes soulignent que la réussite de Shanghaï (1re en 2009 et 2012)estenpartieliéeàl’aideapportée aux établissements en difficulté par ceux qui marchent bien. Un autre facteur-clé est le salaire. « Dans les pays où le PIB par habitant est supérieur à 25 000 euros, dont la France fait partie, il existe une corrélation entre le niveau de salaire des enseignants et la performance globale du système éducatif. » Or l’enseignant français est moinsbien payéque ses voisins.En France, le salaire hors indemnités diverses, après quinze ans d’exercice, est de 8 % supérieur au PIB par habitant. En moyenne, dans les pays de l’OCDE, il est de 29 % supérieur à la richesse du pays par tête.

Oui, mais, à Shanghaï, on les gère très différemment… Chaque collège en aide un autre, selon le proviseur Liu Jinghai. Shanghaï (Chine) Correspondance

D

ans son bureau du collège n 8 du quartier de Zhabei, le principal Liu Jinghai défend les réformes que la municipalité aux 23 millions d’habitants a su mettre en place. Selon lui, le bureau de l’éducation de la ville a compris qu’un bon système devait connaître les écarts de niveau les plus faibles possibles entre les meilleursétablissementsetlesplusàlatraîne, et met en place les politiques adéquates. Notamment celle consistant pour les directeurs des meilleurs établissements à prendresousleur aile les collègesles moins bons,souventsituésdansleszones nouvellement urbanisées. Et cela paye. Trois ans après avoir surpris en prenant la tête du classement PISA (en 2009), la capitale économique chinoise a répété sa performance dans la deuxième édition du test réalisé par l’OCDE, dont les résultats ont été rendus publics en décembre2013. M. Liu est l’un des principaux architectes de cette politique. En 2005, il vient en aide à un établissement du quartier nouvellement urbanisé de Pudong. Le Quotidiendupeuple, organeduParticommuniste, salue là une « innovation pour l’éducation ». L’expérimentation est étendue à partir de 2007, et Liu Jinghai épaule aujourd’hui neuf collèges en plus du sien. M. Liu est convaincu qu’il faut réguler le travail des enseignants heure par heure, quitteà ne leur laisserque trèspeu deliberté autour des programmes. La « gestion en rouelibre» nefonctionne pas,pensele proviseur: « Nous leur faisons un planning de travail pour chaque jour de l’année, afin de contrôler le processus éducatif. » A une équipe d’enseignants américains en visite à Shanghaï qui s’est étonnée de sa thérapie de choc, il leur a rétorqué qu’il est illogique de laisser faire à leur manière des jeunes professeurs qui n’auraient pas encore acquis les fondamentaux. « Je leur ai expliqué qu’ici c’est comme chez McDonald’s, c’est standardisé», s’amuse encore le proviseur Liu. Les limites de cette optimisation du système commencent à se faire sentir ; mais o

moins sur les enseignants que sur les élèves ! « Des écoles ont mis trop de pression. Un élève a besoin de dormir et de participer à d’autresactivitéspour réussir», ajoute Liu Zhabei. La municipalité a donc créé en 2012 un « indice vert» permettant d’évaluer les établissements par le niveau de satisfaction des élèves et plus seulement par leurs notes.Et là encore,les professeurssont centraux dans le dispositif. Pour Ke Zheng, un professeur de sciencesdel’éducationà l’Universiténormalede la Chine de l’Est et spécialiste de ces réformes, l’accent est désormais mis sur la formation permanente des enseignants, afin qu’ils soient plus à l’écoute et qu’ils puissent«rendrelaclasseauxélèves»ouadmettre que « chaque question n’a pas qu’une réponse », comme l’indiquent les banderoles de propagande qu’il est coutume d’afficherdanslesétablissementsdeChinesocialiste, dit M.Ke. Les enseignants doivent en effet suivre 240heures de formation pour obtenir une promotion. Ce temps se déroule pour moitié dans leur collège et dans des centres de formationcontinue,dontchacundes17districts de la ville est désormais doté.

Les enseignants doivent suivre 240 heures de formation pour obtenir une promotion Alors qu’il a été et qu’il est encore beaucoup demandé aux maîtres, le professeur Ke Zheng juge qu’il faut aussi se focaliser sur le bien-être des élèves. Si les enfants sont au lycée dans Shanghaï, c’est que leurs parents ont pu s’offrir un appartement en ville, et donc qu’eux-mêmes ont réussi. En retour, ils mettent l’accent sur la réussite de leur enfant, conscients qu’il sera confronté à une concurrence à la mesure du pays le plus peuplé de la planète. « Nous passons deux heures par jour à aider notre fille à étudier, confie M. Ke. Même au sein du bureau de l’éducation, certains pensent que les scores de Shanghaï au test PISA sont d’abord liés aux parents.» p Harold Thibault

Non, car on ne les paie pas assez, estime l’économiste Robert Gary-Bobo, auteur d’une très vaste étude sur leur niveau de rémunération. Vous avez mis en évidence la baisse du traitement des enseignants français entre 1960 et 2004 dans une étude qui a fait grand bruit. Est-ce que cela continue ?

Mon étude montre que le pouvoir d’achat du salaire net des professeurs a baissé de 20 % entre 1981 et 2004, soit une diminution de 0,8 % par an en moyenne et ce grignotage se poursuit. En 2014, pour que les enseignants retrouvent, sur leur cycle de carrière, les mêmes espérances de gains que leurs aînés, recrutés en 1981, il faudrait revaloriser les salaires d’au moins 40 %. Aussi incroyable que cela puisse paraître, ces faits montrent que les syndicats ont été incapables de protéger le pouvoir d’achat des professeurs, au moins depuis la première élection de François Mitterrand. Est-ce que cette stagnation influe sur le profil des enseignants qui arrivent face aux élèves ?

Les individus sélectionnent leur profession en fonction de leurs capacités, mais aussi de leurs préférences. La dévalorisation des carrières modifie évidemment les choix individuels d’une manière lente mais inexorable. Les concours sélectionnent de plus en plus de personnes qui valorisent le temps libre et la sécurité de l’emploi. En l’occurrence, le corps enseignant recrute de plus en plus de jeunes femmes cultivées, mariées à des cadres, et qui veulent fonder une famille.

Certes, mais la vraie question est de savoir si cette féminisation a un impact sur l’enseignement ?

Ces femmes font bien évidemment d’excellentes enseignantes, là n’est pas la question. Mais leur demander, par exemple, de rester plus longtemps que prévu au lycée pour faire du soutien scolaire ou des heures supplémentaires rencontrera nécessairement des résistances. Pour ces personnes, le temps libre est la contrepartie de leur modeste salaire. En revanche, des horaires à la carte et des tarifs d’heures supplémentaires avantageux finiront par attirer vers l’enseignement des personnes prêtes à « travailler plus pour gagner plus». Le faible traitement est plus vrai en début de carrière qu’après ?

Il y a les augmentations de salaire à l’ancienneté, certes, mais les enseignants «remontent un escalator qui descend». Avec l’ancienneté, ils montent d’une marche tous les deux ou trois ans, et sont donc régulièrement augmentés, mais avec l’inflation, la hauteur de chaque marche baisse progressivement. Cette érosion finit par diminuer le nombre de ceux qui se présentent aux concours de recrutement. Les personnes brillantes et ambitieuses s’en détournent de plus en plus souvent. On aurait pu affecter autrement une partie du budget de l’éducation…

Oui, puisque durant la même période, on a régulièrement augmenté le nombre de postes, surtout dans le secondaire, alors que

le nombre des élèves inscrits se tassait. Le budget alloué aux créations de postes aurait pu servir à revaloriser les salaires. Pourquoi n’a-t-on pas fait ce choix? La réponse n’est pas simple, mais il semble bien que cette politique arrangeait tout le monde: administratifs, syndicalistes et politiques. C’est aussi le résultat d’une longue série de négociations et de décisions myopes. Est-ce qu’à vos yeux le système d’incitation à aller dans les zones difficiles permet d’optimiser les ressources humaines ?

Il existe bien sûr quelques primes pour récompenser ceux qui enseignent en ZEP. Mais les études que je connais sur ce sujet montrent que ces primes sont très insuffisantes pour rompre la logique de fuite des enseignants. En fait, les enseignants gagnent presque partout les mêmes salaires. Or, il est beaucoup plus agréable d’enseigner dans un lycée bourgeois que dans une banlieue ouvrière. D’ailleurs, on envoie les professeurs les plus jeunes et les plus inexpérimentés dans les quartiers difficiles; ils y gagnent leurs galons et sont récompensés, quelques années plus tard, par une mutation, de préférence au sud de la Loire et dans un établissement de centre-ville. Cet état de fait est bien connu, mais il faut des ressources pour en sortir, et on se demande bien comment on les trouvera en pleine crise des finances publiques! p

Propos recueillis par Emma Paoli


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culture

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Samedi 8 février 2014

Dans l’atelier des Kabakov, Monumenta croît

A Long Island, où il s’est exilé, le couple d’artistes russes prépare son exposition au Grand Palais, qui ouvre le 10mai Reportage

suprématistes, bases militaires. Et voici donc L’Etrange Cité : sous la verrière du Grand Palais, Kabakov dressera une ville idéale qui en occupera toute la longueur. Il y aura, côté Champs-Elysées,une sorte de coupole renversée à l’oblique, qui accueillera des concerts ; au centre, une porte ouverte sur le vide et cinq boîtes oblongues prises dans deux cercles concentriques ; puis deux autres, plus longues, qui dirigeront le visiteur vers la sortie, côté Seine. Dans ces boîtes, en cours de construction, seront les peintures, les sculptures, les installations. Chaque espace a un nom : Le Musée vide, Le Centre de l’énergie cosmique, Les Portes ou Comment rencontrer un ange. Les deux espaces plus longs, ce sera La Chapelle blanche et La Chapelle noire.

Mattituck (Etat de New York)

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On se croirait dans le grenier de Léonard de Vinci: des projets extravagants et infaisables côtoient des architectures spectaculaires

Etude pour « Le Centre de l’énergie cosmique », d’Ilya et Emilia Kabakov. ILYA ET EMILIA KABAKOV/ADAGP, PARIS 2014

16 heures. Avant, c’était jusqu’à 18 heures, mais il a 80 ans depuis l’année dernière. Emilia, qui assiste son époux dans tous les aspects de son quotidien, précise qu’ils ne se mêlent pas non plus à la vie artistico-mon-

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24 & 25 FÉVRIER

daine de Long Island. « Vanessa Beecroft, Richard Serra et beaucoup d’autres artistes habitent dans le coin. Mais nous ne les voyons jamais. Quand nous sommes arrivés, nous avons été beaucoup invités, une party tous les soirs, les collectionneurs, les curators, les artistes…Nousavonsaccepté deux invitations, dont une où je suis allée seule. Depuis, on ne nous invite plus, et c’est très bien. » Voici qui a le mérite de la clarté. L’aménagement de la maison confirme ces dires. Pas de salon de réception, aucun luxe, juste la vue sur la baie et une quantité prodigieusede bibelotshétéroclites,souvenirs des innombrables voyages, invitations et expositions qui ont assuré la reconnaissance internationale de Kabakov, en Europe d’abord et un peu partout depuis une vingtaine d’années. Ni l’un ni l’autre ne semblent pressés de parler de Monumenta, encore moins d’en laisser voir quoi que ce soit. En déjeunant, ils évoquent leurs séjours à Paris, leur amitié avec Dina Vierny – qui était russe – et la vie de Maillol, dont elle était le modèle. C’est au moment du café – américain – que, d’un coup, comme s’ils avaient conscience que la plaisanterie avait assez duré et que l’invité avait joué le jeu, ils en viennent au sujet. « Cela vous intéresserait de voir les ateliers ? » Les ateliers, car il y en a trois, aux usages distincts. Le premier est dans la maison même, invisible de l’extérieur. C’est là qu’Ilya peint. Une grande toile est en chantier, d’autres retournées contre les murs. Des dessins s’accumulent sur les établis, de même que les tubes,lesbrosses,lespots,deséchelles, tout ce qu’il faut pour peindre. La toile en cours en est encore, au mieux,àmi-parcours:longued’environ 6 mètres, elle n’est que partiellement couverte. Une scène qui évoque une mise au tombeau à un bout, des figures à une échelle bien supérieureà l’autre, des zones colo-

rées vers le centre. Difficile de prévoir l’évolution du travail. Les dessins eux-mêmes ne sont qu’indicatifs. On soupçonne une création lente, progressive. Le peintre confirme. « Quand la toile est à peu près finie, je la porte de l’atelier dans ce que j’appelle le musée – un espace blanc, propre, vaste comme une galerie de Chelsea –, pourpouvoir la regarder d’un œil critique, à distance. Dans l’atelier lui-même, je ne pourrais pas. Je l’examine,je vois ce qui va, ce qui ne va pas, j’attends parfois plusieurs mois,le temps nécessairepour décider, et je peux alors la reprendre.» On se rend donc dans l’« ateliermusée ». Une toile représente un groupe d’ouvrières réunies sous un portrait de Staline. Un cercle blanc troue la scène, aux bords comme effrangés. A-t-elle réussi l’examen ? « Non, pas tout à fait. Mais je sais ce qu’il lui manque. » Achevés, eux, d’immenses tableaux sombres sont faits de six panneaux juxtaposés. Les compositions sont créées par montages etsuperpositionsde plusieursimages, les unes plus ou moins photographiques, d’autres prises à la peinture du XVIIIe siècle, d’autres encore à des sources que l’on ne sait identifier. Outre l’immensité des œuvres, ce qui déconcerte, c’est leur ambiguïté spatiale. Des zones à deux dimensions s’immiscent dans l’espace tridimensionnel. Tantôt des bandes étroites rompent son homogénéité ; tantôt ce sont des zones aux bords comme déchirés et qui ressemblent à des lambeaux de tissu à motifs qui auraient été collés sur un tableau presque réaliste – presque, parce qu’il arrive que les figures aient basculé de 90 degrés et que ce qui devrait être horizontal soit vertical. Seront-elles à Paris ? « Non, pas celles-là, d’autres. » Lesquelles ? « On ne peut pas vous les montrer, répondEmilia. Maisvous allez pouvoir voir la maquette. » Celle-ci est dans le troisième atelier, celui qui

conserve la collection des maquettes de tous les projets, réalisés ou non, de bâtiments, monuments et environnementsimaginésparl’artiste tout au long de sa carrière. On se croirait dans le grenier de Léonard de Vinci : des projets extravagants et infaisables côtoient des architecturesspectaculaireset fortementsymboliques. Les allusions bibliques – l’échelle de Jacob, la chute des anges – voisinent avec les références historiques – néoclassicisme stalinien, utopies

A défaut de discuter de ce que l’on verra à l’intérieur, on discute d’une question délicate, celle des dimensions de L’Etrange Cité. Etant donné la hauteur de la nef, il faut éviter que les constructions paraissent trop petites. « Je sais, je sais, j’y ai pensé tout de suite. Le Grand Palais, c’est un lieu magnifique et terrible. Les boîtes auront entre 6 mètres et 10 mètres de haut. Je pense que ça devrait aller. Enfin, j’espère…» Il y a aussi la question de la lumière, intense sous la nef au printemps. « Non, ça, c’est réglé, tout est couvert, si bien que je pourrai maîtriser l’intensité de l’éclairage. » La maquette est si bien finie que des photocopies des peintures sont collées aux murs. Mais elles sont bien trop petites pour que l’on puisse en dire quelque chose. « Ce que je souhaite, c’est que le visiteur soit pris comme dans un labyrinthe,qu’ilaille et vienne,qu’ils’arrête, qu’il prenne le temps de la contemplation et de la réflexion. » p Philippe Dagen

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our savoir ce que sera la création d’Ilya et Emilia Kabakov au Grand Palais, où ils sont les invités de la sixième édition de Monumenta du 10 mai au 22 juin, il faut se rendre à Mattituck. Mattituck est à l’extrémité de Long Island. Ce n’est pas une ville mais un éparpillement de maisons dans les bois, avec un centre commercial en guise de repère. L’une de ces maisons, au bout d’une route étroite, est celle des Kabakov. Elle se situe sur le rivage même d’une baie, qui donne sur l’Atlantique, au loin. Pour cette raison, elle a servi à un trafiquant d’alcool au temps de la Prohibition. Les bateaux venaient du Canada décharger leur whisky et les propriétaires des maisons voisines étaient complices. C’estEmilia Kabakov qui l’explique et ajoute que, quand ils ont fait faire des travaux dans la maison, derrière une cloison de planches, sont apparues des rangées de bouteilles – vides – qui servaient jadis au transport de l’alcool. On ne peut retenir plus longtemps la question que l’on s’est posée tout au long du voyage de plus de deux heures en bus depuis Manhattan. Pourquoi Kabakov, qui est né en 1933 à Dnipropetrovsk, alors ville d’URSS, et qui est, depuis les années 1980, le plus connu des artistes russes, estil venu vivre et travailler ici, au bout du monde, dans un pays dont il ne parle pas vraiment la langue ? La réponse d’Emilia est pratique : la maison ne valait pas cher et se prêtait à l’aménagement d’un grand atelier. Celle d’Ilya, que son épouse traduit, est plus révélatrice de sa façon de travailler : il aurait pu s’établir à New York, mais,à New York,où on leur proposait un loft, il n’aurait pas pu travailler. « Que font les artistes qui y vivent ? De la sociabilité. Tous les soirs, on se voit entre artistes, on dîne entre artistes, on boit entre artistes. On travaille quand ? » Lui peint tous les jours de 8 heures à

En concert à Paris,

Théâtre des Champs-Elysées le 06 avril 2014


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culture

Samedi 8 février 2014

Kodo fait trembler le Châtelet, tambour battant

A Berlin défilent les stars et l’Histoire

La 64e édition du festival du film a débuté avec «Grand Budapest Hotel», de Wes Anderson

La compagnie japonaise joue «Legend », son nouveau spectacle, jusqu’au 12février, à Paris

Cinéma

Musique

Berlin Envoyé spécial

Milan

C

omme un rêve de perfection. Tout en puissance et en grâce, un spectacle de Kodo, l’ensemble de taïkos (tambours, en japonais) le plus prestigieux du Japon, actuellement en tournée européenne,ne laissejamais indifférent. Samedi 1er février, à Milan, les 14 musiciens ont emballé le public du Triennale Teatro dell’Arte où la compagnie donnait quatre représentations, avant de rejoindre Paris et le Théâtre du Châtelet, qui accueille Kodo pour la troisième fois. La beauté du geste, la précision et la puissance du mouvement de ces corps musiciens, en osmose ou en lutte avec leurs taïkos, éblouissent. Legend, le nouveau spectacle de la compagnie, mélange pièces traditionnelles et créations contemporaines. Il a été conçu par le célèbre acteur de théâtre kabuki Tamasaburô Bandô, déclaré « trésor national » par le gouvernement japonais en 2012.

Succession d’œuvres d’art Minutieuse, minimaliste, sa mise en scène – le positionnement,surpiedou ausol, etl’éclairage des tambours, les mouvements et le placement des corps, le choix des tissus – fait de chacun des sept tableaux formant le spectacle une succession d’œuvres d’art qui ravissent le regard. Ode au rythme et à ses infinis possibles mélodiques, dans lequel affleurent parfois des notes de flûtes, Kodo impressionne par la concentration de ses musiciens. Muscles, corps, visages en tension. Regards froidset visagesfermés,ils ressemblent aux officiants d’un rituel mystérieux où tout sourire serait perçu comme une excentricité très mal venue. Pour la décontraction, il faudra attendre le rappel et la danse avec les tambours portés à l’épaule. Hors de scène, quand ils racontent leur attachement au taïko, les musicienssont tout le contraire de cette austérité. Pour draguer les filles, jouer du taïko peut être un

atout, avoue, en rigolant, Jun Jidai. A 21 ans, il est le plus jeune de la troupe en tournée en Europe, dont les musiciens ont en moyenne 25 ans. Les anciens sont restés au Japon avec une autre partie de la troupe. Kodo compte 29 membres au total et fait plusieurs tournées simultanées. Jun Jidai est membre « officiel » de Kodo depuis janvier, après un entraînement de deux ans au centre d’apprentissage de la compagnie, situé sur l’île de Sado, au large de la côte ouest du Japon, où se retrouvaient autrefois exilés les intellectuels et artistes déclarés personanon gratapar les autorités. A Sado, on apprend, outre le taïko, la culture du riz, différents arts traditionnels, et surtout à renforcer son mental. « L’engagement spirituel est autant important que l’engagement physique. » En rejoignant Kodo pour vivre en communauté avec ses camarades à Sado, Jun Jida savait qu’il devait renoncer aux distractions de la ville. A la fin de sa deuxième d’année d’apprentissage, les appétits du garçon pour les plaisirs de son âge se sont réveillés. « J’ai eu un moment de doute. Sur l’île de Sado, en ayant une vie très simple, j’ai eu finalement plus de désirs qu’avant. Ma passion pour le taïko a failli s’éteindre. » Pour que Jun Jidai se ressaisisse,il a suffid’uncours donné par un « grand frère » de l’ensemble,YosukeOda, 37 ans,le puissant tambourinaire qui, le corps quasi nu, livre un combat titanesque contre le tambour géant (370 kg) – un des sommets visuels et dramatiques du spectacle. Défiphysique,le taïkoa des pouvoirs inattendus. « Avant, j’étais un vrai garçon manqué, raconte dans les loges, à Milan, Akiko Ando, l’une des deux filles de l’ensemble. Depuis que je pratique le taïko, j’aime être coquette. C’est comme s’il m’avait révélé ma féminité. » p Patrick Labesse

Kodo : Legend. Théâtre du Châtelet, 1, place du Châtelet, Paris 1er. Tél. : 01-40-28-28-40. A 20 heures (16 heures le dimanche 9 février). De 14 ¤ à 55 ¤. Du 7 au 12 février.

INSTANTANÉ MUSIQUE CLASSIQUE

Naissance d’un grand Boris Godounov, Salle Pleyel TUGAN SOKHIEV a eu raison de tenir bon : Ferruccio Furlanetto est un très grand Boris, comme pourrait en témoigner le public subjugué de ce concert unique du 5 février, Salle Pleyel, à Paris. Le chef d’orchestre russe aura attendu trois années avant que la basse italienne soit disponible pour monter Boris Godounov, de Moussorgski, avec le tsar dont il rêvait. D’aucuns se sont étonnés. Furlanetto? Certes, l’Italien vient d’incarner le rôle en janvier à l’Opéra de Vienne. Il a été le premier Boris occidental de l’histoire à triompher en Russie sur les deux scènes rivales du Bolchoï et du Mariinski, dans la veine des grands Boris russes – de Feodor Chaliapine à Paata Burchuladze en passant par Anatoli Kotscherga, plus près de nous Evgeny Nikitin, Alexander Tsymbalyuk–, sans parler des légendaires Bulgares Boris Christoff et Nicolaï Ghiaurov, aujourd’hui Orlin Anastassov. Mais dans ce rôle emblématique de l’opéra russe (donné ici en version de concert dans la partition originale de 1869), le patron de l’Orchestre du Capitole, et nouveau directeur musical du Théâtre Bolchoï, voulait Furlanetto et pas un autre.

A 64 ans, le géant italien a littéralement envoûté la salle, incarnant avec une bouleversante humanité et une puissance dramatique poignante la lente agonie du tsar infanticide vaincu par sa conscience. De son côté, Sokhiev a dirigé avec une exactitude de chaque seconde, emportant dans l’épopée pouchkinienne l’immense masse des chœurs espagnols Orfeon Donostiarra – de la vindicte politique à la supplique populaire, de l’engouement renégat à la ferveur religieuse.

Silhouette brisée Sous sa direction ardente et concentrée, l’Orchestre du Capitole s’est fait chantre de la Russie éternelle, pupitres colorés et virtuoses, tandis que le reste de cette belle distribution chantait les atermoiements de l’âme l’humaine, de la claire innocence à la plus noire des perversions. Au-delà des mots et des notes, dans la longue scène ultime, crachant la peur et la haine cruelle de soi, appelant à longs traits le pardon et la paix, la haute silhouette brisée du Boris de Furlanetto restera dans les mémoires. p Marie-Aude Roux

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ous les directeurs de festival le savent, rien de tel qu’un film de Wes Anderson pour ouvrir le bal. On peut être à peu près sûr que le public des soirs d’ouverture sera enchanté de retrouver les décors de carton, les silhouettes en ombres chinoises et la musique enjouée d’Alexandre Desplat.Et, puis– surtout – le directeur est sûr d’emplir des rangées entières de stars. Deux ans après que Thierry Frémauxeutappliquéla recetteà Cannes avec Moonrise Kingdom (Bruce Willis, Tilda Swinton, Frances McDormand, Edward Norton, Bill Murray), Dieter Kosslick, son homologueallemand,aouvertjeudi 6 février la 64e Berlinale par Grand Budapest Hotel, en présence de Ralph Fiennes, Saoirse Ronan, Léa Seydoux, et, comme à Cannes, Tilda Swinton, Edward Norton et Bill Murray.

Il y avait d’autres raisons pour inviter ce film à Berlin: il y a été en partie tourné, dans les studios de Babelsberg, et il se veut résolument Mitteleuropa, situé dans un pays fictif et germanophone, il y a environ quatre-vingts ans. Certes on y parle anglais mais tout évoque l’univers austro-allemand, y compris les uniformes noirs qui envahissent peu à peu l’espace du récit. S’inspirant des écrits de Stefan Zweig (quoique l’on aurait plutôt pensé au Hergé du Sceptre d’Ottokar),WesAndersona vouluappliquersaméthode– effacerlafrontièreentrel’animation,lesmarionnettes et le jeu incarné –, à une période qui n’en demandait pas tant. La fête est donc lancée et elle reviendra, comme il est coutume de lefaire à Berlin,surle passétourmenté de la région. L’autre grande délégationhollywoodienneaccompagnera Monument Men, de et avecGeorgeClooney,quiévoquele sauvetage par l’armée américaine des œuvres d’art européennes menacées par le régime nazi. DanslasectionPanoramaDoku-

mente est annoncé Der Anstandige («Un homme décent »), de la réalisatrice israélienne Vanessa Lapa, unfilmsurHeinrichHimmler.Parmi les autres documentairesattendus, celui que Michel Gondry a consacré au linguiste Noam Chomsky, Is the Man Who Is Tall Happy?, ainsi qu’une version provisoire du film de Martin Scorsese sur la New York Review of Books.

LaBerlinalereviendra, commeelleacoutume delefaire,surlepassé tourmentédelarégion Mais un festival continue de se juger à l’aune de sa compétition. Celle-ci mettra en présence Aimer, boire et chanter, d’Alain Resnais, 91ans, et Historia del miedo (« Histoire de la peur »), premier longmétrage de l’Argentin Benjamin Naishtat, 26 ans. En tout 21 films que devront départager d’ici au 15 février les jurés que préside le producteur et scénariste améri-

cain James Schamus, collaborateur d’Ang Lee, mais aussi ex-président de Focus Features, la filiale du studio Universal consacrée aux films « indépendants », dont il vient d’être écarté. Cettetribulationestsymptomatique des incertitudes qui entourent le cinéma d’auteur, celui qui alimente les grands festivals. Entre les bouleversements numériques – ces temps-ci, la partie se joue autour du sort des films sur les plates-formes de vidéo à la demande – et le désengagement des puissancespubliquesetdesmajors,les projets se montent avec plus de difficultés. Mais ce n’est pas à Berlin qu’on s’en apercevra. L’European Film Market, organisé en même temps que le festival, est le plus important marché du film d’Europe, après Cannes, et il bruisse déjà d’annonces spectaculaires, comme ce Macbeth, avec Michael Fassbender et Marion Cotillard, réalisé par l’Australien Justin Kurzel (Les Crimes de Snowtown) et financé par Studiocanal et Film Four. p Thomas Sotinel


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carnet

Samedi 8 février 2014

Marseille. Paris. Ota.

en vente actuellement

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AU CARNET DU «MONDE»

Décès On nous prie d’annoncer le décès, le mercredi 5 février 2014, à l’âge de quatre-vingt-cinq ans, de

Mme Liliane BARDIS, née BARRÉ.

Dès jeudi 6 février, le volume n° 3 LA FIN DE L’ÉGYPTE ANTIQUE

La cérémonie religieuse sera célébrée en l’église Saint-Germain-l’Auxerrois, 2, rue de Rosny, à Fontenay-sous-Bois, le mardi 11 février, à 15 heures, suivie de l’inhumation au cimetière parisien de Saint-Ouen, 13, rue du Cimetière, à 16 h 45. On nous prie d’annoncer le décès de

M Dominique CANAVAGGIO, me

née Madeleine de MORATI GENTILE, survenu le mardi 4 février 2014, à l’âge de cent cinq ans. De la part de M. et Mme Jean Canavaggio, leurs enfants et petits-enfants Et de M. et Mme Michel Canavaggio. La cérémonie religieuse sera célébrée le samedi 8 février, à 10 heures, en l’église Saint-Charles-de-Monceau, Paris 17e, et l’inhumation aura lieu le mardi 11 février, à Murato (Haute-Corse).

Actuellement en kiosque le CD-livret n° 13 L’HOMME À TÊTE DE CHOU

Le Musée du

K Abonnements

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80, boulevard Auguste-Blanqui, 75013 Paris M° Glacière ou Corvisart Tél. : 01-57-28-29-85 www.lemonde.fr/boutique

K Le Carnet du Monde Tél. : 01-57-28-28-28

Professionnels K Service des ventes Tél. : 0-805-05-01-47

née de BENEDETTI,

survenu le 6 février 2014, à Marseille. La cérémonie religieuse aura lieu le lundi 10 février, à 10 heures, en la chapelle du dépositoire de l’hôpital de la Timone, boulevard Testanière, Marseille 5 e , suivie de l’inhumation dans le caveau familial, au cimetière Saint-Pierre.

psychanalyste, membre associé de la SPF.

Les obsèques auront lieu au cimetière du Montparnasse, à Paris 14e, le lundi 10 février 2014, à 11 h 15.

auront lieu le mardi 11 février 2014, à 14 h 30, au crématorium de MarseilleSaint Pierre. Guillaume et Miriam McLaughlin avec Mischa et Xavier, ses enfants et ses petits-enfants, Françoise et Jean-Yves Barbillon, avec Mihaela, ses nièce, neveu et petite-nièce, ont la douleur de faire part du décès de

La cérémonie religieuse sera célébrée le mardi 11 février, à 15 heures, en l’église Saint-Pierre-du-Gros-Caillou, 92, rue Saint-Dominique, Paris 7e.

Michèle Cyna, présidente de Ponts alliance, Thierry Dallard, président de l’Union des ingénieurs des ponts, des eaux et des forêts, Dominique Auverlot, président de la Société amicale des ingénieurs des ponts et chaussées, Jacques Tavernier, président du conseil d’administration de l’École nationale des ponts et chaussées, Armel de La Bourdonnaye, directeur de l’École nationale des ponts et chaussées, ont la tristesse de faire part du décès de leur camarade

M. Jérôme FESSARD,

chevalier de la Légion d’honneur, ancien élève de l’École polytechnique, ingénieur des ponts et chaussées, président de la Fondation des ponts, directeur général adjoint de Saint-Gobain, survenu le 24 janvier 2014. Toute la communauté des ponts s’associe à la peine de sa famille et lui adresse ses plus sincères condoléances. Amaury et Vanessa, ses enfants, Martine, son épouse, ont l’immense tristesse de faire part du décès de

Me D. FLAMBARD, avocat,

survenu le 4 février 2014. Notre papa et époux a demandé que la cérémonie soit célébrée au cimetière du Père-Lachaise, Paris 20e, dans l’intimité familiale.

Nicolas Orlowski, Francis Briest, François Tajan, Les collaborateurs du Groupe Artcurial, ont la tristesse de faire part de la disparition de

Michel PASTOR,

membre du conseil d’administration d’Artcurial et partenaire historique du Groupe. Ils se joignent à la peine de la famille en ce moment douloureux. Sophie, Stéphane (†), Salomé, Elie, Pénélope, Donatella, Anne-Marie, ont la tristesse de faire part de la disparition de

Jean-Pierre RESSOT,

professeur à l’université Paris-Sorbonne, survenue le mercredi 5 février, à l’âge de soixante-quinze ans. Un dernier hommage lui sera rendu le lundi 10 février, à 11 h 30, au cimetière Nord de Strasbourg.

Denise SCHMID, née BURIAT,

nous a quittés paisiblement, dans sa centième année, le 6 février 2014. Elle a rejoint son mari, Claude († 2002),

L’École nationale supérieure des Arts Décoratifs

Guy-Claude FRANÇOIS,

artiste, scénographe, professeur à l’École de 1992 à 2006,

Ses obsèques auront lieu le mardi 11 février, au cimetière du Père-Lachaise, en la grande chapelle de la Coupole, Paris 20e, de 14 heures à 17 h 30. L’École s’associe à la douleur de sa famille et de ses proches.

Anniversaire de décès André CRÉPIN,

9 juin 1928 - 8 février 2013.

Souvenir Il y a deux ans, le 6 février 2012,

Claude CELLIER

auprès du Père. Catherine et Pierre Grémion, Patrick et Christiane Schmid, Olivier et Claire Schmid, ses enfants et leurs conjoints, Sophie, Juliette, Charles, Marine, Clara, Bernardo et Ezequiel, ses petits-enfants Ainsi que ses dix arrière-petits-enfants,

SOS AMITIE qui est à l’écoute 24 heures sur 24 de toute personne en situation de solitude, d’angoisse et de mal-être recherche DES ÉCOUTANT(E)S BÉNÉVOLES

rejoignait au ciel, sa fille,

pour ses sept lieux d’écoute à Paris et en Ile-de-France.

Anne. Que ceux qui l’ont connu, estimé et aimé, pensent à lui.

Monica McLAUGHLIN-VOISIN,

Paris.

Avis de messe En mémoire de

Disponibilité souhaitée de quelques heures par semaine, le jour, le soir, la nuit ou le week-end. Formation assurée. Écrire à SOS Amitié Idf 7, rue Heyrault, 92100 Boulogne. Email : sos.amitie.idf@wanadoo.fr

Mme Nicole HERRMANN-MASCARD,

Conférences

professeur émérite à l’université Paris I Panthéon-Sorbonne, décédée le 1er janvier 2014. Une messe sera célébrée le samedi 8 février à 10 h 30, en l’église Saint-François de Sales, 6, rue Brémontier, Paris 17e. La famille et les proches seront reçus à l’issue de la célébration.

Commémoration Commémoration de la déportation des Juifs de France par l’association « Les Fils et Filles de Déportés Juifs de France », avec le soutien de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah. Cérémonie à la mémoire des déportés du convoi n°68 parti, il y a 70 ans, du camp de Drancy pour le camp d’extermination d’Auschwitz-Birkenau, avec à son bord 1500 personnes dont 296 enfants. Lundi 10 février 2014, à 12 heures. Lecture des noms des déportés du convoi n°68.

Conférence publique « Enjeux et Perspectives », le jeudi 13 février 2014, à 19 h 30, avec Dominique Reynié, professeur de sciences politiques à l’IEP Paris, directeur général de la Fondation pour l’innovation politique, Faisons-nous encore société ? Entrée Libre. Grand Temple de la Grande Loge de France, 8, rue Puteaux, Paris 17e.

Mémorial de la Shoah, 17, rue Geoffroy-l’Asnier, 75004 Paris. Renseignements : FFDJF. Tél. : 01 45 61 18 78. Email : klarsfeld.ffdjf@wanadoo.fr

Communications diverses Dédicace en Gironde de Didier Meyre, Le Document caché, I, II, II, IV, édilivre.com espionnage avec suspens, à la bijouterie Feugas, 33, Saint-Ciers-sur-Gironde. La belle dédicace d’Aurélia Aurita Lap ! : un roman d’apprentissage, Les Impressions nouvelles a été mise en ligne sur Passiondulivre.com

« Les mercredis de la science », 12 février 2014, à 20 h 30, Scandale dans l’évolution ! un monde sans sexe est possible ! Olivier Jaillon et Jean-François Flot, débat animé par Yann Chavance, Espace Landowski, 28, avenue André Morizet, 92100 Boulogne. Tél. : 01 55 18 52 05.

vous invitent à vous unir à leur prière, lors de la messe qui aura lieu le mardi 11 février, à 10 h 30, en l’église des Sœurs de l’Assomption, 17, rue de l’Assomption, Paris 16e.

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On nous prie d’annoncer le décès de

Sa famille nous prie d’annoncer le décès de

Marie-Louise GOUHIER, née DUFOUR,

M. Serge WILHELM,

chercheur, géologue, maître de conférences, retraité de l’université Pierre-et-Marie-Curie,

survenu le 28 janvier 2014.

à l’âge de soixante-dix-neuf ans.

Elle a été inhumée dans l’intimité, selon sa volonté.

Les obsèques auront lieu le mardi 11 février 2014, à 11 heures, en la chambre funéraire de l’hôpital Bichat, Paris 18e.

Paimpont. Naves (Corrèze). Iffendic (Ille-et-Vilaine). Le Mans (Sarthe). C’est avec une profonde tristesse que nous vous faisons part du décès de

Mme Kirsten LE BOURDELLÉS, #Xl],@, ,0]@B]l- 0? `&XY0- _ #4 Pf<k7K7 7:kKMk<9 :J 1 Sfg:9 / P8 0- [" F?![]l"@]XY %B,A]0-Y@ 0? 0]B-l@X]B-W 0]B-l@-?B RM7Lk:9gK :J :kM9<KfkM9; :kM9<K9JM :9 iO eJNik<OKkfg hS&nL vM5#x&L {<,m @o760<m +]B-l@B]l- 0? `&XY0-_W Z-Z!B- 0? 0]B-l@X]B-W VkM9<KMk<9 Sfg:9/; h9hNM9 :J :kM9<KfkM9; 0]B-l@B]l- :J 0-A1B,0"l@]XYA fJ(Jjn5 fS&tJ#Mz85 :kM9<KMk<9 :9L M7:O<KkfgL \?\*,7 {</\6o2V7 +]B-l@-?B 0,[,a?, 0-A B,0"l@]XYA `nTD5T( 'nM5( VkM9<K9JM :7i73J7 :9L M7:O<KkfgL +]B-l@-?BA "0\X]Y@A 0-A B,0"l@]XYA^,|Y7|? gnDr5j ,o7? '&5MMnT: VkM9<K9JM O:jfkgK :9L M7:O<KkfgL ,Y.7* <7oo,| c1U# e&M8JT VkM9<K9JML 7:kKfMkOJH 4o\oV C{<o?{,mW +]B-l@-?BA ,0]@XB]"?= '1MJM8 >S&M(SnL: G*\,| AjJnT ;o\Y.{|W )MJDrST: ~6*9,7 b#j%n5 \<00}\|| iJ&xxUJTT Q7:O<K9JML $,0"l@-?BA9g -Y<.95 l^-*Go|\<V AMTJ&8 7y\o}7|?,7oW h5RJMU5T(n5M: C4Y,*7 >1Dnj5 o,7<oW dMn5&M: \Z,* fJHnj]\+,} KJknU Q7:O<KMk<9 S T9 $,0"l@B]l-9g -Y<.95 l^-*1`& '-hO3OGkg9 Z"a"(]Y-:J 0? Sfg:9 &XY0-/_ \o,7- ,7oo7 \||7*{|/<7 gJMn5pdn5MM5 hJTT5jSTt&5 Q7:O<KMk<9 7:kKkfg ONfgg7L / :J $,0"l@B]l-9g -Y<.95 l^-*1`,0]@]XY "!XYY,A_ 0? Sfg:9d5M &XY0-E*B ;o\|X{,m7 )MJTBSnL5_{9{ aS%S Q7:O<K9JML $,0"l@-?BA9g -Y<.95 l^-*O:jfkgKL "0\X]Y@A;o\|X{,m )MJTBSnLE{</{|W FS&tST: ^,|Y7|? `nTD5T( ;\/{?W )JtS(: \?.\|,7* fJ(rJTn5j 7o3Z7o/W $5M"H5Mt:@\},7| vJUn5T 7*{<y h5jS&R 6.95L :9 L9MIk<9 C.o,m?{y.7 C.[?7*{? w |?7o|\?,{|\*uW 2^-*A 0- A-B>]l- >rMnL(SRr5 >rI(5jS( Q!T(5MTJ(nSTJjP: <Y h&DEo{||7o FMSTT5Mw;o\|Y7uW Q)MJTD5P:^,o/,|,7 `nMtnTn5 \*,|/o7 gJjnTtM5 w=Y{|{},7uW QlDSTSUn5P:G<o4*,\|{ A&M1jnJTS_{|7? aST5(wC<*?<o7u Q>&j(&M5P Q7:O<K9JML 9g <.95 1 :7I9ifee9h9gK $,0"l@-?BA -Y l^-* `0,>-[XFF-Z-Y@7:kKfMkOi ,0]@XB]"[/_ <*,7| &jn5T \o{Y.7- {<Z7o? hJMSDr5p S&H5M(w ||{9\?,{|m Q!TTS%J(nSTL]7ZuW K5HP: @,V,7o {<oq<7o6 w@,97om,0,Y\?,{|mW =94|7}7|?mW vn8n5M dS&MN&5M# Qvn%5MLnxnDJ(nSTL: l%1T5U5T(L: \o?7|\o,\?mu dJM(5TJMnJ(LP 6.95 2^-*:b7:kKkfg 0C,0]@]XYC.o,m?,\| >rMnL(nJT \mm{* gJLLSj VkM9<K9JM +]B-l@-?BOMKkLKkcJ9 "B@]A@]D?-Go,m AMnL \y\?.4{V{o{< dJRJ(r1S8SMS& R.fKf3MOe.k9 %^X@XaB"F^]- ,Y{*\m fnDSjJL ,}7|73 nU5T5" Ug5f3MOe.k9 )Y*XaB"F^]-=o,Y lMnDE43,\? F1"nJ( S7:kOK9JM &,0]"@-?B \mY\* dJLDJj \*,|,7o 'JjnTn5M P9<M7KOkM9 #-lB,@"]B-37g7MOi9 a,Y,B"[-:J 0?3MfJe9 aBX?F-C\?.7o,|7 >J(r5MnT5 {*6 Sj# P9<M7KOkM9 #-lB,@"]B-37g7MOi9 a,Y,B"[-:9 0-iO ["M7:O<Kkfg B,0"l@]XYC.o,m?,|7 >rMnL(nT5 \/7? hJt5( 6fgL9ki :9 LJMI9kiiOg<9 ,7oo7 E7o/4W 2XYA-][ 0- A?B>-][["Yl- dn5MM5 F5Mt1:yo4m,V7|?s RM1Ln85T(O ,**7m 'njj5L9\| %JT {?7W iS(5:9,Y7-yo4m,V7|? %nD5pRM1Ln85T(

trompettiste et professeur de jazz au conservatoire,

survenu soudainement, le 2 février 2014.

survenue le 4 février 2014.

Irène DIAMANTIS,

Guy LONGNON,

5, boulevard de Louvain, 13008 Marseille.

annoncent avec chagrin le décès de leur collègue et amie,

Ses collègues de la SPF témoignent à sa famille toute leur sympathie.

Lecteurs

M Françoise FERRACCI, me

a appris avec une profonde tristesse la disparition de

Connue pour ses travaux sur les phobies, notamment avec son livre Les phobies ou l’impossible séparation, elle nous laissera le souvenir d’une clinicienne remarquable et d’une collègue chaleureuse.

Nos services --------------------------------------------------------------

ont la douleur de faire part du décès de leur mère et grand-mère,

La présidente, Les membres du conseil d’administration Et les membres de la Société de psychanalyse freudienne,

Ancienne membre de l’Ecole freudienne de Paris, très engagée dans le mouvement psychanalytique, Irène Diamantis a participé dès sa création à la Société de psychanalyse freudienne.

Dès vendredi 7 février, le volume n° 19 AUTOPORTRAIT TENANT UN CHARDON de Dürer

M. et Mme Le Roux et leur fille, Florence, M. Ange-Bernard Ferracci, Mme Elisabeth Hélène Ferracci,

Les obsèques de

née BROW SORENSEN, de son petit nom « Kitte »,

survenu à l’âge de quatre-vingt-six ans. De la part de Joël Le Bourdellés, son époux, Gaud et Bernard, Yann et Sylvie, Saga et Juan, ses enfants, Mikaël, Erwan et Pierre, ses petits-enfants, Damien, Aurélie Et toute la famille. Le culte d’adieu aura lieu ce jour, vendredi 7 février 2014, à 15 heures, au temple protestant, 22, boulevard de la Liberté, à Rennes. La crémation aura lieu le samedi 8 février, à 12 h 15, au crématorium de Montfort-sur-Meu. Cet avis tient lieu de faire-part et de remerciements.

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Condoléances La présidente de l’université Sorbonne Nouvelle - Paris 3, Le directeur, Les enseignants Et les étudiants de l’UFR Langues, Littératures, Cultures et Sociétés Etrangères et du département Monde anglophone, L’ensemble des personnels enseignants et administratifs de l’université, s’associent au deuil de la famille et des proches de

M. André TOPIA,

professeur émérite à l’université Sorbonne Nouvelle - Paris 3.

Remerciements Aux amies et amis qui ont manifesté admiration et affection en souvenir de

Jacqueline SAG, au personnel de l’unité de soins palliatifs de la Fondation Cognacq-Jay, à Paris 15e, qui a fait preuve d’une remarquable disponibilité, un profond merci. Madeleine Destruel, Jean-Pierre Sag.

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météo & jeux

Samedi 8 février 2014

Samedi 8 février Météo très agitée

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Montpellier

Températures à l’aube 1 22 l’après-midi

Jacqueline Coeff. de marée 38

Dimanche

Un temps très perturbé sévira sur l'ensemble du territoire. Une perturbation traversera nos régions, se situant à la mi-journée des Pyrénées au Nord-Est en apportant des pluies modérées. A l'arrière, une traîne active s'imposera, alternant courtes éclaircies et fréquentes averses, parfois orageuses. Le vent soufflera à nouveau en puissantes rafales sur un grand quart Nord-Ouest, de 60 à 80 voire 90 km/h localement dans les terres et plus de 100 km/h sur les côtes. Mercure assez doux.

Jours suivants Lundi

Nord-Ouest

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Séville Alger

Athènes

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Tripoli Tripoli

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Dans le monde

Alger bienensoleillé Amman beautemps Bangkok bienensoleillé Beyrouth bienensoleillé Brasilia soleil,oragepossible Buenos Aires aversesorageuses Dakar beautemps Djakarta pluiesorageuses Dubai assezensoleillé Hongkong cielcouvert Jérusalem beautemps Kinshasa soleil,oragepossible Le Caire bienensoleillé Mexico bienensoleillé Montréal enpartieensoleillé averseséparses Nairobi

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New Delhi bienensoleillé assezensoleillé New York bienensoleillé Pékin assezensoleillé Pretoria assezensoleillé Rabat Rio de Janeiro soleil,oragepossible neigesoutenue Séoul Singapour assezensoleillé beautemps Sydney beautemps Téhéran pluieetneige Tokyo assezensoleillé Tunis Washington enpartieensoleillé Wellington enpartieensoleillé

Outremer

variable,orageux soleil,oragepossible assezensoleillé pluiesorageuses soleil,oragepossible soleil,oragepossible

Cayenne Fort-de-Fr. Nouméa Papeete Pte-à-Pitre St-Denis

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Jeudi 22 janvier 2009

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L’investiture de Barack Obama Premières mesures Le nouveau président américain a demandé la suspension des audiences à Guantanamo

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Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania Avenue, mardi 20 janvier, se dirigent vers la Maison Blanche. DOUG MILLS/POOL/REUTERS WASHINGTON CORRESPONDANTE

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evant la foule la plus considérable qui ait jamais été réunie sur le Mall national de Washington, Barack Obama a prononcé, mardi 20 janvier, un discours d’investiture presque modeste. A force d’invoquer Abraham Lincoln, Martin Luther King ou John Kennedy, il avait lui même placé la barre très haut. Le discours ne passera probablement pas à la postérité, mais il fera date pour ce qu’il a

Education

L’avenir de Xavier Darcos

« Mission terminée » : le ministre de l’éducation ne cache pas qu’il se considérera bientôt en disponibilité pour d’autres tâches. L’historien de l’éducation Claude Lelièvre explique comment la rupture s’est faite entre les enseignants et Xavier Darcos. Page 10

Automobile

Fiat : objectif Chrysler

Au bord de la faillite il y a quelques semaines, l’Américain Chrysler négocie l’entrée du constructeur italien Fiat dans son capital, à hauteur de 35 %. L’Italie se réjouit de cette bonne nouvelle pour l’économie nationale. Chrysler, de son côté, aura accès à une technologie plus innovante. Page 12

montré. Une nouvelle génération s’est installée à la tête de l’Amérique. Une ère de transformation a commencé. Des rives du Pacifique à celles de l’Atlantique, toute l’Amérique s’est arrêtée sur le moment qu’elle était en train de vivre : l’accession au poste de commandant en chef des armées, responsable de l’arme nucléaire, d’un jeune sénateur africain-américain de 47 ans. Lire la suite page 6

Corine Lesnes

a Les carnets d’une chanteuse.

Angélique Kidjo, née au Bénin, a chanté aux Etats-Unis pendant la campagne de Barack Obama en 2008, et de nouveau pendant les festivités de l’investiture, du 18 au 20 janvier. Pour Le Monde, elle raconte : les cérémonies, les rencontres – elle a croisé l’actrice Lauren Bacall, le chanteur Harry Belafonte… et l’économiste Alan Greenspan. Une question la taraude : qu’est-ce que cet événement va changer pour l’Afrique ? Page 3

Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévastée REPORTAGE GAZA ENVOYÉ SPÉCIAL

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ans les rues de Jabaliya, les enfants ont trouvé un nouveau divertissement. Ils collectionnent les éclats d’obus et de missiles. Ils déterrent du sable des morceaux d’une fibre compacte qui s’enflamment immédiatement au contact de l’air et qu’ils tentent difficilement d’éteindre avec leurs pieds. « C’est du phosphore. Regardez comme ça brûle. » Surlesmursde cetterue,destracesnoirâtressont visibles.Les bombes ont projeté partout ce produit chimique qui a incendié une petite fabrique de papier. « C’est la premièrefoisque je voiscela après trentehuit ans d’occupation israélienne », s’exclame Mohammed Abed Rabbo. Dans son costume trois pièces, cette figure du quartier porte le deuil. Six membres de sa famille ont été fauchés par une bombe devant un magasin, le 10 janvier. Ils étaient venus s’approvisionner pendant les trois heures de trêve décrétées par Israël pour permettre aux Gazaouis de souffler. Le cratère de la bombe est toujours là. Des éclats ont constellé le mur et le rideau métallique de la

boutique. Le père de la septième victime, âgée de 16 ans, ne décolère pas. « Dites bien aux dirigeants des nations occidentales que ces sept innocents sont morts pour rien. Qu’ici, il n’y a jamais eu de tirs de roquettes. Que c’est un acte criminel. Que les Israéliens nous en donnent la preuve, puisqu’ils surveillent tout depuis le ciel », enrage Rehbi Hussein Heid. Entre ses mains, il tient une feuille de papier avec tous les noms des morts et des blessés, ainsi que leur âge, qu’il énumère à plusieurs reprises, comme pour se persuader qu’ils sont bien morts. Michel Bôle-Richard

Lire la suite page 5 et Débats page 17

a Le grand jour. Les cérémonies ; la liesse ; les ambitions d’un rassembleur ; la première décision de la nouvelle administration: la suspension pendant cent vingt jours des audiences

de Guantanamo. Pages 6-7 et l’éditorial page 2 a It’s the economy... Il faudraà la nouvelle équipe beaucoup d’imagination pour sortir de la tourmente financière et économique qui secoue la planète.

Breakingviews page 13

a Feuille de route. « La grandeur n’est jamais un dû. Elle doit se mériter. (…) Avec espoir et vertu, bravons une fois de plus les courants glacials et endurons les tempêtes à venir. » Traduction intégrale du discours inaugural du 44e président des Etats-Unis. Page 18 a Bourbier irakien. Barack Obama a promis de retirer toutes les troupes de combat américaines d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment les hauts gradés de l’armée. Enquête page 19

Bonus

Les banquiers ont cédé

Nicolas Sarkozy a obtenu des dirigeants des banques françaises qu’ils renoncent à la « part variable de leur rémunération ». En contrepartie, les banques pourront bénéficier d’une aide de l’Etat de 10,5 milliards d’euros. Montant équivalent à celle accordée fin 2008. Page 14

27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012.

Edition

Barthes, la polémique

La parution de deux textes inédits de Roland Barthes, mort en 1980, enflamme le cercle de ses disciples. Le demi-frère de l’écrivain, qui en a autorisé la publication, essuie les foudres de l’ancien éditeur de Barthes, François Wahl. Page 20

Le livre-enquête incontournable pour alimenter le débat sur l’avenir de l’école. un éditeur derrière l’écran > www.arteboutique.com

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Solution du n˚14-032

TF 1

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Divertissement. Invités : Dany Boon, Kad Merad, Alice Pol, Valérie Bonneton, Michèle Bernier, etc. 23.35 L’amour est aveugle. Télé-réalité (110 min) U.

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FRANCE 2

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20.45 Hiver rouge. Téléfilm. Xavier Durringer. Avec Patrick Chesnais, Camille Panonacle, Jane Birkin (France, 2011) U. 22.25 Ce soir (ou jamais !). Magazine présenté par Frédéric Taddeï. 0.00 Jeux olympiques d’hiver. Cérémonie d’ouverture (Russie, 180 min).

IV V VI

FRANCE 3

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20.45 Thalassa.

La Corse aux trésors. Magazine.

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22.35 Météo, Soir 3. 23.10 Françoise Giroud, autoportrait

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Solution du n° 14 - 032

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I. Anachronisme. II. Fâcheusement. III. Fureur. Volée. IV. RFA. Baal. Mi. V. Arsenal. Amon. VI. Na. Huila. VII. CGT. Anéantir. VIII. Heurt. Cri. SA. IX. Iule. Oh. Nabi. X. Eradications.

Documentaire. Dominique Gros (2013). 0.20 Si près de chez vous (55 min).

0123 est édité par la Société éditrice du « Monde » SA

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I. Bonne affaire, mais c’est une escroquerie. II. Très lourdement chargée. Protecteur du clan. III. Trompa sur le terrain. Borde la combe. IV. Circuit automobile italien. Un repère pour le marin. V. Au bout de tout. On y met tours et embrouilles. Orienta. VI. On n’a pas envie de les voir débarquer à la maison. VII. Très attachée à ses privilèges. Font boules-deneige. VIII. Donne bonne mine. Stocké pour plus tard. Dans les comptes de l’entreprise. IX. Coup de cœur. Grand prince de Hongrie. X. Pleine de sous-entendus et de préjugés.

Vendredi 7 février 20.50 Les Enfants de la télé.

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Horizontalement

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’aurais probablement dû regarder, sur France 2, « Des paroles et des actes», qui, jeudi 6février, recevait Manuel Valls et le confrontait à une poignée de contradicteurs et de journalistes. Mais cette époque mortifère où l’on remue et brandit des sujets dont la résurgence et le questionnement me médusent d’incrédulité, les mouvements d’un gouvernement qui danse le cha-cha-cha (un chassé sur la gauche, un pas arrière vers la droite, etc.), le ton saccadé et le regard « La France, ce douloureux problème» du ministre de l’intérieur, les prévisibles dégagements en touche de Florian Philippot, la fébrilité d’Alain Finkielkraut (comme Philippot, omniprésent à la télévision) plongé dans l’épaisse documentation qu’il trimballe toujours avec lui sur les plateaux, la dramaturgie un rien engoncée de l’émission présentée par David Pujadas: tout cela m’a donné envie d’air frais. J’ai donc plutôt regardé, à 21h35, sur France 5, le documentaire de la collection « Duels» que dirige et présente ma consœur Annick Cojean, dont le principe consiste à faire le «portrait croisé de deux personnalités observées à travers le prisme de leur rivalité». Après Blum/Pétain, le duel, diffusé la semaine dernière, place était faite à un sujet plus léger, mais bigrement intéressant, Coco Chanel vs. Elsa Schiaparelli, le noir et le rose (2013), écrit par Romain Pieri et Katia Chapoutier et réalisé par cette dernière. Je connaissais à peu près la trajectoire de Coco Chanel (1883-1971), l’incroyable modernité Art déco de ses coupes, son côté puritain et libérateur à la fois, le lancement du

Les soirées télé

Sudoku n˚14-033

Motscroisés n˚14-033 2

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Front chaud

Les jeux 1

Bucarest

Sofia

LES « UNES » DU 123

Mercredi

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Nord-Est

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Lever 12h34 Coucher 03h14

Lever 08h10 Coucher 17h58

Aujourd’hui

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En Europe

Ajaccio

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Brésil Fortes chaleurs dans la région de Rio de Janeiro

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Le rose et le noir

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C’EST À VOIR | CHRONIQUE

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www.meteonews.fr

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Châlonsen-champagne

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1. Babiole sans valeur. 2. Ne peut inspirer que l'horreur. 3. Brusques reprises. Le temps de faire un tour. 4. Mer en dessous du niveau de la mer. Met bien à plat. 5. Personnel. Ville des Pays-Bas. 6. Se cloue sans clou ni marteau. Paresse sous les tropiques. Morceau d’un yen. 7. Fortifiée par François Ier. 8. Indien du Colorado. Travaillai la pâte. 9. Grecque. Boîte de conserve. 10. Aux bouts du lit. Se croit trop souvent dominant. Forme de pouvoir. 11. Article. Mis en pratique. 12. Rapprochement plein de charme. Philippe Dupuis Verticalement

1. Affranchie. 2. Naufrageur. 3. Acras. Tula. 4. Che. Eh. Red. 5. Heu. Nuât. 6. Rurbain. Oc. 7. OS. Allécha. 8. Neva. Aar. 9. Imola. Nini. 10. Sel. Mot. Ao. 11. Mnémo. ISBN. 12. Eteindrais.

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Durée de la société : 99 ans à compter du 15 décembre 2000. Capital social : 94.610.348,70¤. Actionnaire principal : Le Monde Libre (SCS). Rédaction 80, boulevard Auguste-Blanqui, 75707Paris Cedex 13 Tél.: 01-57-28-20-00 Abonnements par téléphone: de France 32-89 (0,34 ¤ TTC/min); de l’étranger: (33) 1-76-26-32-89; par courrier électronique: abojournalpapier@lemonde.fr. Tarif 1 an : France métropolitaine : 399 ¤ Courrier des lecteurs: blog: http://mediateur.blog.lemonde.fr/; Parcourrier électronique: courrier-des-lecteurs@lemonde.fr Médiateur: mediateur@lemonde.fr Internet: site d’information: www.lemonde.fr ; Finances : http://finance.lemonde.fr; Emploi : www.talents.fr/ Immobilier: http://immo.lemonde.fr Documentation: http ://archives.lemonde.fr Collection: Le Monde sur CD-ROM : CEDROM-SNI 01-44-82-66-40 Le Mondesur microfilms: 03-88-04-28-60

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CANAL + 20.55 Jappeloup

Film Christian Duguay. Avec Guillaume Canet, Marina Hands, Daniel Auteuil (Fr. - Can., 2013). 23.00 Möbius pp Film Eric Rochant. Avec Jean Dujardin, Cécile de France, Tim Roth (France, 2012) U. 0.45 A l’aveugle p Film Xavier Palud (France, 2012, 90 min) V.

FRANCE 5 20.38 On n’est pas que des cobayes !

Peut-on freiner sans frein? Dessiner avec de l’eau! Peut-on faire tomber 100 quilles avec une boule ? 22.26 C dans l’air. Magazine. 23.36 Entrée libre. Magazine. 23.56 Planète insolite. Magazine (50 min).

ARTE 20.50 La Naissance du jour p

Film Pola Schirin Beck. Avec Aylin Tezel, Henrike von Kuick, Tomas Lemarquis (All. - Fr., 2012). 22.15 La Planète en ligne de mire. [1/2] La Science, les Animaux et leurs Secrets. 23.10 Il, elle, hen. La Pédagogie neutre selon la Suède (2013). 0.00 Court-circuit. Magazine (55 min).

M6 20.50 Elementary.

Série. Savant fou. Watson mène l’enquête ; Y a-t-il un tueur dans l’avion ? Le Disciple. Vengeance à retardement (saison 1, ép. 17 et 18/24, inédit ; ép. 6 à 8/24) (250 min) U.

N˚5, en 1921, dans son flacon médicinal ultra-austère, la révolution de sa « petite robe noire» de 1926, son fameux tailleur en tweed, lancé à son retour sur la scène parisienne, en 1954, etc. Mais je connaissais mal sa grande rivale, et son opposé stylistique total, Elsa Schiaparelli (1890-1973), l’inventrice du « rose shocking» (qui «fait mal aux dents», disait Chanel, ainsi que le rapporte son amie et biographe Claude Delay) et d’une robe sans couture.

Après Blum/Pétain, la collection «Duels» diffusait «Coco Chanel vs. Elsa Schiaparelli» J’ignorais en particulier les tricots en trompe-l’œil (et en pied de nez à la maille qu’imposa avec succès Chanel) de celle qu’avait lancée la femme de Francis Picabia, la collaboration établie en 1937 avec Jean Cocteau et Salvador Dali, dont Schiaparelli fit broder les motifs sur des robes assez délirantes et osées (la « robe homard», par exemple). Les deux rivales s’abhorraient et ne se serraient jamais la pince, et l’on dit même que Chanel, qui était une peste, tenta de mettre feu à la robe de sa consœur lors d’un bal. Mais leurs trajectoires et leur legs rappellent au moins une chose essentielle: une civilisation digne de ce nom est faite de saines cohabitations et de réelle diversité, qu’il en aille de l’art comme de la société. p

Samedi 8 février TF 1 20.50 The Voice, la plus belle voix. Episode 5. 23.20 « The Voice », la suite.

0.30 Les Experts : Miami.

Série. Vague criminelle U. Fraudes majeures. Le Verdict du tueur (S3, 7, 5, 6/24) V (180 min).

FRANCE 2 20.45 C’est votre vie !

Muriel Robin. Invités: Frédéric Mitterrand, Philippe Bouvard, Julien Clerc, Line Renaud, Maurane, etc. 23.15 On n’est pas couché. Invités : Benoît Hamon, Jean-Jacques Bourdin, Thomas Ngijol et Fabrice Eboué, Caroline Fourest, Judith (180 min).

FRANCE 3 20.45 Le Sang de la vigne.

Noces d’or à Sauternes. Téléfilm. Aruna Villiers. Avec Pierre Arditi (France, 2012, audio.). 22.20 Météo, Soir 3. 22.50 Un soir à Sotchi. Magazine. 23.35 Monsieur Max. Téléfilm. Gabriel Aghion. Avec Jean-Claude Brialy, Jean-Claude Dreyfus (France, 2006). 1.05 Appassionata - Dogorians. Au Théâtre du Soleil, La Cartoucherie (65 min).

CANAL + 20.55 Le Dernier Rempart p

Film Kim Jee-woon. Avec Arnold Schwarzenegger, Rodrigo Santoro, Jaimie Alexander (EU, 2013) V. 22.40 Jour de rugby. Top 14 (18e journée). 23.20 Jour de foot. Magazine (55 min).

FRANCE 5 20.35 Echappées belles. Le Massif des Vosges. Magazine.

22.05 J’irai dormir chez vous. Chine. 23.00 A vous de voir.

Tout le monde n’a pas eu la chance d’avoir des parents déficients visuels. Magazine. 23.30J’ai vu changer la Terre. [1/5] Grèce, du miel et des cendres (55 min).

ARTE 20.50 L’Aventure humaine.

Frédéric II, roi de Prusse. Documentaire (2011).

22.20 Super-héros: l’éternel combat. [2/3] A grand pouvoir, grandes responsabilités. 23.15 Tracks. Magazine. 0.00 La Nuit éléctro (200 min).

M6 20.50 Hawaï 5-0.

Série. A’ale Ma’a Wau (S4, ép. 2, inédit) ; Lana I Ka Moana. Popilikia (saison 3, 3 et 4/24) ; Ka Ho’ Oponopono. Pu’Olo (S2, 13 et 14/23) (245 min) U.


décryptages

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0123

Samedi 8 février 2014

M. Poutine, respectez la trêve olympique et laissez entrer les secours en Syrie Madeleine Albright Ancienne secrétaire d’Etat des Etats-Unis

Hubert Védrine Ancien ministre français des affaires étrangères

Shirin Ebadi

Avocate iranienne, lauréate du prix Nobel 2003

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es Jeux olympiques de Sotchi devraient donner à voir un spectacle éblouissant, avec des scènes sportives à couper le souffle dans un écrin glacé. Nous serons témoins de ces spectaculaires morceaux de bravoure qui caractérisent les grands champions, capables de faire preuve d’un engagement et d’une ténacité extraordinaires pour se préparer à ces Jeux olympiques. A seulement un millier de kilomètres de là se déroule un spectacle très différent. En Syrie, la neige et le froid sont des facteurs qui menacent la survie des femmes et des enfants, déjà fragilisés par le manque aigu de nourriture et de médica-

ments. Le courage et la détermination qui se lisent sur leurs visages relèvent d’une endurance qui n’a rien à envier aux plus grands champions en piste à Sotchi et d’une détermination non moins extraordinaire – celle de survivre envers et contre tout. Rappelons qu’en Syrie, plus de 9 millions de personnes ont besoin d’aide humanitaire, soit plus de 13 fois le nombre de personnes ayant la chance de participer ou d’assister aux Jeux d’hiver de Sotchi. Quarante pour cent des hôpitaux y ont été rendus inopérants, et 2 millions d’enfants ont dû quitter l’école. Si les Jeux olympiques sont un condensé du meilleur de l’humanité, le spectacle en Syrie offre un aperçu de ce qu’elle peut faire de pire. Les Jeux d’hiver les plus chers de l’histoire prennent place non loin de la pire crise humanitaire de notre époque. Les Jeux olympiques sont historiquement censés poursuivre des objectifs de coexistence pacifique, de fair-play et être l’occasion d’une véritable trêve s’appliquant pour toute la durée des épreuves. Certes, les conflits qui frappent continuellementle monde ne manquentpas de souligner combien ces objectifs sont ambitieux; mais nulle part ailleurs qu’en Syrie le contraste avec la réalité n’est si frappant. Nulle part ailleurs les objectifs affi-

chés de l’olympisme ne sont aussi bafoués. Or en Syrie comme à Sotchi, l’engagement de la Russie est décisif : le président Vladimir Poutine peut faire de ces Jeux l’occasion de répondre aux besoins criants de millions de personnes innocentes, en accord avec les principes de l’olympisme. Alors qu’il s’apprête à accueillir des représentants du monde entier à Sotchi, M.Poutine a uneoccasion unique de prou-

Les Jeux d’hiver les plus chers de l’histoire prennent place non loin de la pire crise humanitaire de notre époque ver que ces Jeux olympiques si ambitieux peuvent marquer l’Histoire et devenir un événement sportif dont le peuple russe et le monde entier seront fiers. Dans une déclaration du 6 février, le ministre russe des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a appelé tous les belligérants du monde à observer une trêve olympique. Conformément à l’esprit de l’olympisme, nous appelons M. Poutine à renforcer

Ukraine : halte à la désinformation! Les opposants ne sont pas des extrémistes Antoine Arjakovsky

Directeur de recherche au Collège des Bernardins, ex-directeur adjoint de l’Institut français d’Ukraine

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epuis quelques jours, on assiste à une vaste contre-offensive du Kremlin et de ses services de propagande au sujet de l’Ukraine.Commeau tempsde la « révolution orange », ceux-ci ne reculent devant aucune extrémité. En octobre2004, ils n’hésitèrent pas à affirmer, contre toute évidence, que Viktor Iouchtchenko n’avait pas été empoisonné.Dix ans plus tard, dans plusieurs médias européens, on répète les mêmes clichés hérités de la guerre froide sur les « nationalistes » ukrainiens, les journalistes « extrémistes » et les prêtres « uniates, racistes et antisémites». Le président Poutine a donné le ton à Bruxelles en accusant les Européens d’être les vrais responsables des désordres en Ukraine. Les officiels ukrainiens ne sont pas en reste. A Munich, le 2 février, le ministre ukrainien des affaires étrangères, Leonid Kojara, a affirmé placidement que l’organisateur des manifestations en voiture (« AutoMaidan »), Dmytro Boulatov, torturé pendant plusieurs jours par des ravisseurs de Russie, n’avait reçu « qu’une égratignure au visage». Le visage ravagé du résistant ukrainien et ses mains transpercées de clous parlent pour euxmêmes. Son témoignage sur la collusion des services secrets russes et ukrainiens est accablant. Pourtant, il est utile de connaître quelques ficelles, usées jusqu’àla corde, de la propaganderusse, et encore plus nécessaire de les déconstruire. Mais attention, la difficulté avec les demi-vérités d’ordre mythologique, c’est qu’elles sont difficiles à déloger, tant elles font appel le plus souvent aux zones d’ombre de la mémoire collective et aux peurs inconscientes. Il est infiniment plus long et plus difficile de faire pousser une forêt que de jeter une allumette sur quelques branches mortes. Les services secrets russes, souvent relayés par des « amis de-la-grandeur-russe-retrouvée», présentent une rhétorique qui se veut implacable. Ils commencent par vouloir décourager le lecteur occidental de s’intéresser à un pays lointain. Les diplomates russes, qui disent s’appuyer eux-mêmes sur leurs homologues européens, affirment que « l’Ukraine ne fera jamais partie de l’Europe ». Il ne servirait donc à rien aujourd’hui de se mobiliser pour l’Ukraine. En réalité, les diplomates russes déforment une position bien différente de la diplomatie européenne. Les diplomates européens ont toujours affirmé, au contraire, que l’Ukraine avait une vocation européenneetqu’il luifallaitintégrerpar étapesles instancesde l’Union. L’Ukraine est membre du Conseil de l’Europe depuis 1996. Et, en 2008, lorsque Ioulia Timochenko était premier ministre, l’Ukraine, en accord avec le Conseil européen, a fait le choix de signer un traité d’associationavec l’Unioneuropéenne.On saitce qu’il en advint sous Ianoukovitch. Deuxième contre-vérité propagée par les services d’information du Kremlin : « Les “printemps arabes” ne mènent à rien.» Quoi ? Et la Constitution tunisienne ? Pourquoi un tel défaitisme ? Il est bien vrai que

l’histoire de la démocratieen Europe et aux Etats-Unis ne s’est pas faite en un jour. Est-ce une raison pour autant de rejeter la volonté de l’écrasante majorité d’une nation en faveur d’un Etat juste et respectueux de ses citoyens? Vient ensuite l’argument qu’utilisent tous les régimes totalitaires depuis Staline et Hitler pour affirmer leurpuissance:le dénigrementdesminoritésnationalistes et des extrémistes. Les opposants, nous dit-on, ne sont pas ce que l’on croit, ce sont de terribles nationalistesprofascistes.Le députéukrainienOleh Tiahnibokserait unleader néofasciste,etle Parti Svoboda,un groupement néonazi. Or Tiahnibok a-t-il appelé une seule fois à la violence depuis deux mois, et ce malgré lestirs desBerkout[les forcesspéciales]surlesmanifestants? Ce n’est pas parce qu’on souhaite que son pays recouvre son indépendancequ’on est nécessairement un nazi ou un néonazi. Oleh Tiahnibok a été démocratiquement élu aux élections municipales à Lviv en 2010. Depuis son élection, il joue le jeu démocratique, comme le reconnaissent les autres partis ukrainiens. Alors, certes, il fait l’éloge dans ses discours de l’Armée de libération nationale (OUPA) des années 1940-1950. Je vous recommande la lecture d’éminents historiens tels que Timothy Snyder ou Norman Davies. Il suffit ici de se souvenir d’une chose : la Galicie, région ouest de l’Ukraine, n’a jamais appartenu à l’empire russe. Envahie par l’URSS en 1939, elle a accueilli avec joie l’envahisseur allemand. Lorsque les Galiciens

Un ministre ukrainien a affirmé que le résistant Dmytro Boulatov, torturé pendant plusieurs jours par des ravisseurs de Russie, n’avait reçu «qu’une égratignure au visage». Son visage ravagé et ses mains transpercées de clous parlent pour eux-mêmes comprirent que les nazis souhaitaient également les asservir, ils se sont battus contre les deux pouvoirs totalitaires. Pourquoi, dès lors, qualifier l’attitude de l’OUPA de nationaliste, au sens péjoratif du terme, alors que cette armée de libération ne faisait que défendre la patrie asservie? Certainement les régimes totalitaires savent diviser pour régner et enrôler les uns contre les autres. Il ne s’agit pas de justifier tous lesfaits et gestes del’OUPA.Mais est-il juste detransférer sur les victimes les crimes des deux grands régimes totalitaires que furent l’Allemagne nazie et l’Union soviétique? Entrer dans cette logique revient àmettresoi-mêmeunpieddanslalogiquemarécageuse de la pensée national-socialiste. Il faudrait parler des méthodes du Kremlin, qui vient d’envoyer en secret plusieurs milliers de forces spéciales (spetsnaz) semant la terreur en Ukraine. Ils ont été repérés près de Kiev, et le ministère de l’intérieurukrainiena étéobligé dereconnaîtreleurprésence dans le pays le 3 février. On compte déjà plusieurs dizaines de cas d’enlèvements et de torture. Commencée en Ukraine par les médias à la solde d’Alexandre Ianoukovitch, le fils du président, l’offensive de propagande médiatique à grande échelle est relayée aujourd’hui en Europe par des médias soit naïfs, soit peu regardants sur l’origine des commanditaires. p

cet appel et à marquer l’Histoire en s’appuyant sur trois piliers. Tout d’abord, la trêve. Il faut redoubler d’effortspour parvenir à un accord au sein du Conseil de sécurité des Nations unies sur une résolution d’ordre humanitaire, qui appelle les parties en conflit à faciliter l’acheminement de l’aide et à permettre aux secours de franchir toutes les frontières et les lignes de front afin que l’aide parvienne à tous ceux qui en ont besoin, en mettanten œuvrepar exempledescessezle-feu localisés. Ensuite, le fair-play. Dans cette résolution, il faut exiger des parties au conflit qu’elles abandonnent leurs tactiques de guerre d’un autre âge et parfaitement illégales, telles que le siège total des villes, les attaques délibérées des hôpitaux et des écoles, et qu’elles permettent aux civils de quitter les zones de combat. Enfin, la coexistence pacifique. En renforçant son engagement en faveur des négociations de paix en cours, la Russie contribuera à ouvrir la voie à un avenir où les Syriens de toutes confessions et de toutes origines pourront à nouveau vivre ensemble et pacifiquement. Bien sûr, la Russie ne pourra accomplir celaseule. Mais le président Poutine et son ministre des affaires étrangères, Sergueï Lavrov, ont démontré qu’ils étaient capa-

bles de mobiliser des ressources majeures et des trésors de diplomatie, notamment lors de l’accord sur les armes chimiques orchestré avec les Etats-Unis. Une mobilisation similaire pourrait permettre le déclic que nous appelons tous de nos vœux pour que soient enfin allégées les souffrances du peuple syrien. Nous demandons donc au président Poutine de faire preuve de l’esprit olympique, qui souffle sur Sotchi et ses athlètes, en s’engageant véritablement pour les Syriens. Nous souhaitons au peuple russe de beaux Jeux d’hiver. p Cette tribune a aussi été signée par : Robert Badinter, ancien ministre de la justice ; Shlomo Ben Ami, ancien ministre des affaires étrangères d’Israël ; Hans van den Broek, commissaire européen aux affaires extérieures ; Marwan Muasher, ancien ministre des affaires étrangères de la Jordanie ; Ana de Palacio, ancienne ministre des affaires étrangères d’Espagne ; Malcolm Rifkind, ancien ministre des affaires étrangères du Royaume-Uni ; Javier Solana, ancien haut-représentant de l’Union européenne pour la politique extérieure et de sécurité commune ; Peter Gabriel, musicien.

f Sur Lemonde.fr

Retrouvez l’intégralité des signataires.

Pour sortir du conflit syrien, changeons de méthode Dépasser l’échec de Genève 2 Jean-David Levitte

Ambassadeur de France et ancien conseiller diplomatique de Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy

M

algré les efforts déployés, la négociation sur l’avenir de la Syrie n’a pas débouché sur les résultats attendus. Le moment est venu de changer de méthode. La négociation de l’accord de paix sur le Cambodge peut servir de référence. Les parallèles sont nombreux entre les deux tragédies : un peuple martyrisé par ses dirigeants ; une lourdeimplicationdespuissancesrégionales; le jeu des grandes puissances. A l’époque, en 1989, la France avait obtenulamiseenplaced’unestructuredenégociation à trois étages qui avait abouti à la signature de l’accord de Paris de 1991 et à l’organisation,par lesNations unies,d’élections libres et démocratiques. Transposésaudramesyrien,lestroisétages de la négociation seraient ainsi organisés : à la base, un dialogue entre Syriens, ceux représentant le pouvoir en place et ceux s’exprimant au nom de l’opposition. Par rapport aux discussions qui viennent de se tenir, deux changements sont nécessaires. D’abord, le dialogue à Genève devrait être continu et non pas épisodique. Pour lui donner toutes les chances d’aboutir, il devrait être piloté par une personnalité de haute stature morale telle que Kofi Annan, qui réside à Genève et a été le premier représentant spécial s’exprimant au nom des Nations unies et de la Ligue arabe. Ensuite et surtout, au-delà des sujets immédiats tels que les cessez-le-feu locaux et l’acheminement de l’aide humanitaire, le dialogue entre représentants syriens devrait porter non pas sur les modalités de la transitionmais sur l’avenir du pays. Il est indispensable de bâtir un consensus solide répondant aux questions essentielles : quelle République ? Quelles garanties constitutionnelles pour les minorités religieusesou ethniquesconcernantleur association à l’exercice du pouvoir et leur place dans l’Etat, alors que les sunnites représentent au moins 70% de la population? En d’autres termes, comment éviter une dériveàlaMorsiàlasuitedepremièresélections véritablement libres et démocratiques en Syrie ? Bâtir un consensus sur ce sujet, c’est rendre plus aisée la transition: lesdifférentesminorités,à commencerpar les alaouites, si leurs droits sont garantis, pourrontplusfacilementenvisagerunavenir sans Bachar Al-Assad et son clan.

Le deuxième étage de la négociation existedéjà plusou moins: il doit prendrela forme d’une conférence internationale inclusive à laquelle participeraient tous les pays de la région, les grandes puissances, les pays intéressés et les organisations internationales. Son rôle serait d’enregistrer les progrès accomplis, mais aussi de traiterlesquestionshumanitairesetéconomiques dans leur dimension régionale. Enfin, le troisième étage serait celui de l’action des grandes puissances. Pour le Cambodge, il s’agissait des cinq membres permanents du Conseil de sécurité qui se réunissaient à intervalles réguliers et ont joué un rôle d’impulsion décisif. S’agissant de la Syrie, le format devrait être celui du « P5 +1 » (Etats-Unis, Russie, Chine, Royau-

Il n’y aura pas de solution durable en Syrie sans la coopération des trois puissances régionales que sont l’Iran, la Turquie et l’Arabie saoudite me-Uni, France, plus l’Allemagne), c’est-à-dire celui des négociateurs qui ont abouti à la signature de l’accord intérimaire sur le programme nucléaire iranien mis en œuvre depuis le 20 janvier et qui doit déboucher, en principe, sur un accord définitif dans les six mois. Certains pourraient redouter les effets du lien implicite ainsi établi entre le programme nucléaire iranien et la tragédie syrienne. Mais ce lien existe de facto : la Syrie est le champ clos où s’affrontent les puissances régionales désireuses d’affirmer leur leadership : l’Iran chiite engagé aux côtés de Bachar Al-Assad avec le soutiendugouvernementirakienetduHezbollah, face à la Turquie et à l’Arabie saoudite sunnites, principaux soutiens des forces d’opposition. Il n’y aura pas de solution durable en Syrie sans la coopération de ces trois puissances régionales. Seule une action déterminée des « P5 +1» peutamener l’Arabiesaoudite,l’Iran et la Turquie à s’engager dans ce dialogue incontournableet à faire pression sur leurs protégés en Syrie. S’ils n’y parvenaient pas, la tragédie syrienne se poursuivrait, transformant inexorablement le pays en « Etat failli» à la somalienne. De proche en proche, ce sont tous les Etats nés de l’accord Sykes-Picot de 1916, la Syrie, le Liban, l’Irak et la Jordanie, qui seraient menacés dans leur existence même. Comment imaginer, dans un tel contexte, que l’Iran puisse renoncer définitivement à son programme nucléaire militaire? p


0123

analyses

Samedi 8 février 2014

17

Dilma Rousseff, de Davos à La Havane ANALYSE par Paulo A. Paranagua Service International

L

a présidentebrésilienne,DilmaRousseff, a participé pour la première fois au Forum économique mondial, à Davos, le 24 janvier. Elle s’est rendue ensuiteausommetde laCommunauté des Etats latino-américains et caribéens (Celac), à La Havane, les 27 et 28 janvier. En 2003, son mentor, l’ancien président Luiz Inacio Lula da Silva, à peine investi, avait fait le chemin inverse, partant du Forum social mondial de Porto Alegre pour se rendre à Davos. Le péripledel’anciensyndicalistemétalloavaitété perçu comme le signe d’un grand écart. Les plus optimistescroyaientqu’ilse feraitleporte-parole des altermondialistes auprès des décideurs des économies développées. A Cuba, la présidente Rousseff a inauguré, le 26janvier, le terminal de conteneurs du port de Mariel, un projet stratégique visant à en faire une plaque tournante du commerce international, capable d’accueillir les super-cargos qui transiteront par le canal de Panama, une fois achevés les travaux d’élargissement. Le coût du chantier de Mariel s’élève à 957 millions de dollars (702 millions d’euros), financés à hauteur

de 682 millions de dollars par la Banque brésilienne de développement économique et social (BNDES). Cette dernière a ouvert une ligne de crédit supplémentaire de 290 millions de dollars, mis à disposition des entreprises brésiliennes qui voudraient s’implanter dans la zone de développement spécial de Mariel. Cet investissementde près de1 milliardde dollarsest le plus important effectué à Cuba. En octobre, Mme Rousseff va briguer un second mandat présidentiel, avec de bonnes chances de réussite. Il ne faut pas s’étonner si l’opposition fait feu de tout bois pour rattraper son retard. « Dilma a enfin lancé son premier gros chantier, mais à Cuba », a ironisé le sénateur social-démocrate Aecio Neves, ancien gouverneur du Minas Gerais, dont la candidature à la présidence de la République peine à séduire l’électorat. Sa boutade est astucieuse, étant donné l’immense déficit du Brésil en matière d’infrastructures, notamment portuaires. En outre, que la BNDES finance des investissements à l’étranger peut surprendre. De là à insinuer que la présidente, ancienne guérilleratorturéeet emprisonnéesous la dictaturemilitaire(1964-1985),cultivesesvieillesaffinités idéologiques avec le régime cubain, il n’y a qu’un pas, vite franchi. D’autant que Mme Rousseff doit ménager sa gauche, car des candidatures dissidentesou plus radicalestententde capitaliser la fronde sociale de juin2013. Quoi qu’en disent ses détracteurs, l’affaire

Surmonter les peurs, sortir du déni aaaSuite de la première page Onpeut au passagereleverquelques similitudes de situation entre François Hollande, second socialiste élu président de la Ve République, et François Mitterrand. En 1983, ce dernier imposelechoix dela rigueuretde l’Europe. En 1984, la droite et l’Eglise catholique envahissent la rue pour défendre l’école privée. En 2014, François Hollande donne le signal d’un changement de cap économique, tandis qu’est relancé un débat de société extrêmement clivant à propos de la famille. Avec, à chaque fois, une reculade du pouvoir exécutif et l’essor du Front national ou de groupes de pensée plus ou moins apparentés. Et si, sous l’allure débonnaire du président « normal », se cachait une pratique du pouvoir et de ses jeux aussi complexe, dissimulée etflorentinequecellede sonprédécesseur? Dansune sociétéfrançaisebousculée par la modernité, ayant perdul’illusionde son ranginternational, peinant à s’adapter à l’économie mondialisée, incertaine de son identité, de son modèle culturel, et fragilisée socialement, la clarté politique vaudrait pourtant mieux que l’esquive ou la ruse. Le jeu dangereux des diversions et des divisions n’est pas le meilleur moyen d’accompagner la France dans l’invention d’un nouveau modèle. Les crispations sociétales qu’ont révélées les débats et manifestations sur le mariage pour tous et la filiation, l’émergence d’un nouvel antisémitisme à la jonction de l’extrême droite et des foules de « dieudonnistes» créent le terreau incertain et inquiétant d’un bloc minoritaire en rupture politique. Au-delà, c’est une nostalgie puissante qui s’empare des Français, comme dans le rêve d’un pays

à la « Amélie Poulain ». 78 % des personnes sondées (étude Ipsos sur les fractures françaises) disent s’inspirer, « dans [leur] vie, des valeurs du passé ». 70 % pensent qu’« en France c’était mieux avant ». Et 70 % considèrent que « rien n’est plus beau que la période de [leur]enfance». Le remèdementionné n’en est pas moins inquiétant, puisqu’au désir d’« ordre » est associé le « besoin d’un vrai chef en France» (84 % des sondés). Or, le climat actuel démontre à quel point nos institutions, marquées par une concentration unique, sans comparaison dans une démocratie occidentale, de prérogatives entre les mains d’une seule personne,font queles seulscontrepouvoirs disponibles deviennent la fronde et la rue. Le Parlement, pris en otage par le chef de l’Etat lorsqu’il annonce son virage du 14 janvier, et aujourd’hui grand oublié dans l’abandondu projet de loi surla famille,apparaît dévalorisé. La France se confond en angoisses d’autant plus aisément que sa culture politique, à l’heure du débat permanent sur les réseaux, ne favorise en rien la construction patiente des dialogues et des compromis nécessaires. Selon une enquête Ipsos-Steria, réalisée à l’occasion de la Journée du livre politique, samedi 8 février, à l’Assemblée nationale, ce qui fragilise le plus la démocratie aux yeux des Français, c’est l’incapacitédes gouvernements,quelle que soit leur orientation politique, à trouver des solutionsà la crise économique, ainsi que la « déconnexion » des élites. L’édifice institutionnel français est paralysé et paralysant. Pour revivifier notre vie démocratique, faut-il se rappelerl’adage de Churchill sur la démocratie, « le pire des systèmes, à l’exception de tous les autres » ? L’apaisement de nos guerres civiles sociétales passe aussi par là. p Natalie Nougayrède

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Barack et Michelle Obama, à pied sur Pennsylvania WASHINGTON Avenue, mardi 20 janvier, CORRESPONDANTE se dirigent montré. Une vers la Maison evant la foule nouvelle génération Blanche. DOUG tallée à la tête s’est insqui ait jamais la plus considérable MILLS/POOL/REUTERS a Les carnets transformationde l’Amérique. Une ère d’une chanteuse. national de été réunie sur le Mall de Angélique a Washington, Des rives du commencé. Kidjo, née au Obama a prononcé, a Le grand Barack lantique, Pacifique à jour. Les cérémonies celles de l’At- aux Etats-Unis pendant Bénin, a chanté discours d’investituremardi 20 janvier, toute l’Amérique la liesse ; les la campagne un sur le ; ambitions s’est arrêtée de Barack Obama en 2008, a Feuille force d’invoquer presque modeste. moment qu’elle de route. « pendant et de nouveau la première décision d’un rassembleur ; n’est A vivre : était en train Abraham La grandeur Martin Luther l’accession de la nouvelle jamais un administration: de du 18 les festivités de l’investiture, Lincoln, au poste au dant en chef Avec espoir et dû. Elle doit se mériter. avait lui même King ou John Kennedy, pendant cent la suspension des armées, de comman- raconte 20 janvier. Pour Le Monde, (…) vertu, il placé la barre responsable vingt : les cérémonies, elle de plus les courants bravons une fois discours ne très haut. Le l’arme nucléaire, d’un de Guantanamo. jours des audiences passera probablement jeune sénateur de – elle a croisé l’actrice les rencontres glacials et endurons cain-américain Pages 6-7 les tempêtes à postérité, mais afri- le chanteur page 2 et l’éditorial Lauren de 47 ans. venir. » Traduction il fera date pour pas à la Harry Belafonte… Bacall, du discours ce qu’il a inaugural du e intégrale miste Alan Greenspan. Lire la suite et l’écono- a It’s the economy... des Etats-Unis. 44 président page 6 la Il faudra à la velle équipe taraude : qu’est-ce Une question nou- a Bourbier Page 18 beaucoup d’imagination Corine Lesnes pour sortir de que cet événement va changer pour irakien. Barack a promis de l’Afrique ? Page Obama et économiquela tourmente financière retirer toutes 3 qui secoue la de combat américaines les troupes Breakingviews planète. page 13 d’Irak d’ici à mai 2010. Trop rapide, estiment hauts gradés de l’armée. Enquête les

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terminée » : le ministre de ne cache pas l’éducation considérera qu’il se bientôt en disponibilité pour tâches. L’historien d’autres de l’éducation Claude Lelièvre explique

Ruines, pleurs et deuil : dans Gaza dévasté e REPORTAGE

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Les banquiers ont cédé

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27 000 profs partiront chaque année à la retraite, d’ici à 2012.

ans les rues de Jabaliya, françaises qu’ilsdes banques les enfants ont trouvé renoncent veau divertissement.un nouà la « part variable lectionnent de leur rémunération les éclats d’obusIls colmissiles. Ils et de ». déterrent du En contrepartie, sable des morceaux d’une les banques qui s’enflamment fibre compacte pourront immédiatement bénéficier d’une au contact de l’air et qu’ils aide difficilement tentent de l’Etat de d’éteindre avec 10,5 pieds. « C’est d’euros. Montantmilliards du phosphore. leurs dez comme ça Regarbrûle. » équivalent à Surlesmursdecette celle accordée fin 2008. Page rue,destracesnoirâtressont boutique. 14 bes ont projeté visibles.Lesbom- victime, Le père de la septième âgée de 16 ans, chimique qui partout ce produit re ne décolèa pas. « Dites fabrique de incendié une petite des bien aux dirigeants Au bord de papier. « C’est nations occidentales la mièrefoisque que ces sept je voiscela après la pre- innocents sont il y a quelquesfaillite huit ans d’occupation morts pour trenterien. l’Américain semaines, israélienne », Qu’ici, il n’y a jamais s’exclame Mohammed eu de tirs de Chrysler roquettes. Que Abed négocie l’entrée bo. Dans son c’est costume trois Rab- nel. Que les Israéliensun acte crimidu cette figure constructeur nous en don- La parution du quartier pièces, nent la preuve, italien Fiat deuil. Six membres porte le puisqu’ils sur- de deux dans son capital, textes inédits de sa famille veillent tout depuis le ciel ont été fauchés », enrage de Roland Rehbi Hussein de 35 %. L’Italie à hauteur devant par Barthes, Heid. Entre un magasin, une bombe mains, mort ses de cette bonne se réjouit Ils étaient il le 10 janvier. tient une en 1980, enflamme feuille venus s’approvisionner papier avec pour l’économienouvelle tous les noms de le cercle de ses pendant disciples. des nationale. décrétéesles trois heures de trêve morts et des blessés, ainsi Chrysler, de par Israël pour âge, qu’il énumère que leur Le demi-frère de son côté, aura tre aux Gazaouis permet- reprises, à plusieurs l’écrivain, qui accès à une comme en a autorisé technologie Le cratère de de souffler. der qu’ils sont pour se persua- la publication, plus innovante. la bombe est jours là. Des bien morts. essuie touPage 12 Le livre-enquête éclats les foudres Michel Bôle-Richard mur et le rideau ont constellé le incontournable de l’ancien Algérie 80 DA, métallique éditeur de Barthes, pour alimenter Allemagne 2,00 Lire la suite ¤, Antilles-Guyane de la sur l’avenir le débat 2,00 ¤, page

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n’est pas aussi simple. En Suisse comme à Cuba, Mme Rousseff tenait au fond le même discours. Forçant sa nature, à Davos elle s’est faite la VRP de l’économie brésilienne menacée par une conjoncture difficile et par les turbulences monétaires. Elle y a combattu « la thèse selon laquelle, après la crise, les économies émergentes serontmoinsdynamiques». «Le Brésilestaujourd’hui une des plus larges frontières d’opportunités d’affaires, a-t-elle plaidé. L’investissement étranger y sera toujours bien reçu. »

Un marché trop étriqué Malgré l’augmentation appréciable du nombre de consommateurs, que Mme Rousseff n’a pas manqué d’évoquer, le marché brésilien est trop étriqué pour les nouvelles multinationales, les « multilatinas». Un des géants du bâtiment et des travaux publics, le groupe brésilien Odebrecht, déjà implanté dans les Amériques, en Afrique, au Moyen-Orient et en Europe, s’est vu attribuer la modernisation du port de Mariel. Volant au secours de la présidente, Odebrechta préciséque plus de 800 millions de dollars du budget avaient servi à payer des produits et des services brésiliens. Le chantier de Mariel aurait généré 150 000 emplois directs ou indirects au Brésil, contre 9 000 à Cuba. La BNDES n’aurait donc pas trahi sa mission, sans compter que le crédit en reais (la monnaie brésilienne) sera remboursé en dollars. Et Odebrecht est désormais bien

placé pour remporter d’autres chantiers, à commencer par les aéroports de l’île. L’appel aux investisseurs étrangers à Davos s’accompagne par conséquent du soutien à l’internationalisation des grandes entreprises brésiliennes. Or, à Cuba, il y a des occasions à saisir, puisque tout est à reconstruire. Le Brésil veut devenir le premier partenaire de l’île, jouant sur uneoffrebeaucoupplusdiversifiéeque lesfournitures de pétrole du Venezuela. Le pragmatisme de Mme Rousseff n’est pas pour déplaire aux décideurs cubains, malgré leursprécautionsoratoires.Le protocoleestparfois révélateur. A Mariel, la présidentebrésilienne a salué son homologue, le général Raul Castro, et le PDG d’Odebrecht, mais aussi le colonel Luis Alberto Rodriguez Lopez-Calleja, patron de Gaesa, la holding des entreprises contrôlées par l’armée. Ce dernier, ex-mari de Deborah Castro (fille de Raul), est entré au comitécentral du parti unique lors du congrès d’avril 2011. La hiérarchie militaire garde la haute main sur les secteurs potentiellement rentables de l’économie. AuBrésilcommeà Cuba,lesgrandes entreprises sont davantage aidées que les PME. Pour les unes et les autres, l’insertion dans le capitalismeglobaliséleursembleêtreà ce prix. Mme Rousseff peut se déplacer de Davos à La Havane sans changer de message. Mais on est loin des thèses altermondialistes de Porto Alegre. p paranagua@lemonde.fr

DILMA ROUSSEFF S’EST FAITE LA VRP DE L’ÉCONOMIE BRÉSILIENNE


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dialogues

Samedi 8 février 2014

Action, réaction! Médiateur

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Pascal Galinier ous savez ce qu’elle vous dit, la France réactionnaire? » Denis Monod-Broca (Paris) ne cache pas que « la moutarde [lui] monte au nez à la lecture du titre de première page sur 4 colonnes: “Le réveil de la France réactionnaire”! » (Le Monde daté 2-3février). Il n’est pas le seul, cette semaine, à se demander s’il « n’est plus possible d’exprimer son désaccord sans risquer les anathèmes du journal de référence». Réactionnaire. Le mot a fait bondir nombre d’entre vous. « Afficher ce titre racoleur et subjectif en première page est injustifié et incorrect », juge Pierre Letournel, d’Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine). « Le terme “réactionnaire” a pour moi un sens péjoratif qui ne peut avoir sa place ici », dit Philippe Boinot (Niort). « Il est un peu facile de rejeter d’un revers de manche, à l’aide d’amalgames douteux et de

Courrier

Europe Lutte contre le tabagisme

Je m’étonne que, lors des annonces du plan anticancer, et en particulier concernant le tabac, un véritable scandale européen ne soit pas évoqué. La France a dû se plier au diktat de Bruxelles en supprimant toute limitation sur les importations de cigarettes. Nos voisins belges (et autres) n’ont qu’à se louer d’une si belle avancée du libéralisme. Il me semble plutôt que le libéralisme devrait s’arrêter là où la santé publique est en question. Ne faudrait-il pas

généralisations abusives, les inquiétudes réelles, sincères et respectables de centaines de milliers de personnes face à certaines réformes sociétales », estime Maxime Daubenton (Cambrai, Nord). «Depuis quand des poussettes, des familles chrétiennes, athées ou musulmanes représentent-elles un danger pour la République? Par cette posture, vous ne faites que renforcer les clivages », s’agace David Cotard, de Saint-Denis (Seine-SaintDenis). « Nous vous demandons que pour coiffer des textes souvent très étudiés vous n’utilisiez pas, un peu à la sauvette, des titres que vous destinez à être accrocheurs, mais qui faussent le jeu et induisent en erreur les lecteurs rapides », râle Jean-Pierre Reynaud (Toulouse). « Cette manchette est éditorialisante et s’apparente à un commentaire, reconnaît Natalie Nougayrède, la directrice du Monde. C’est un choix – pour susciter le débat,

que l’Europe joue un rôle moteur dans la lutte contre ce fléau en poussant à l’alignement (vers le haut) des taxes? Patrice Chevy Garches (Hauts-de-Seine)

International Une réflexion pertinente

La chronique d’Alain Frachon « Islamisme, attraction fatale » (Le Monde du 31 janvier) fait partie des trop rares articles de la presse généraliste attirant l’attention sur la spécificité de l’islam. Et heureu-

en mettant en exergue un aspect majeur des mouvements sociétaux et du contexte politique en France aujourd’hui. L’adjectif “réactionnaire” vise à englober les aspects variés d’une mobilisation hétéroclite mais il ne taxe pas chaque manifestant, pris individuellement, de réactionnaire au sens d’extrémiste. Nous avions déjà qualifié l’opposition à la loi sur le mariage pour tous de “réactionnaire” dans un éditorial en mai2013. En manchette, il est vrai que le terme prend une visibilité très forte, mais sur le fond notre position n’a pas changé. La “réaction” s’entend ici au sens de protestation contre une avancée, une réforme. C’est le refus de certaines évolutions, assorti d’une demande de retour à l’état antérieur.» «“France traditionnelle” ou “conservatrice” aurait beaucoup mieux convenu», dit Albert Moyne (Saint-Etienne), quidélivre cependant un satisfecit à Gaëlle Dupont et Stéphanie Le Bars pour l’article, «plus équilibré», auquel renvoyait la manchette incriminée. Question de forme, donc. Mais pas que… Question de fond aussi, que résume ce lecteur stéphanois en citant Albert Camus: « “Mal nommer les choses, c’est ajouter au malheur du monde”… Les revendications sur la famille, axées plus à droite qu’à l’extrême droite, n’avaient pas le caractère explosif ou prêt à exploser que sous-entend l’adjectif “réactionnaire”. » S’ils ne se voient pas dans la « réaction», plusieurs de nos correspondants se revendiquent dans l’action. Ainsi de JeanClaude Faÿsse (Sainte-Foy-lès-Lyon). Lui

sement le livre cité dans cette chronique est écrit par un musulman! Mais qui sera sans doute dénoncé comme un dangereux apostat. Je suis convaincu que l’islam est une religion très particulière. Elle est la seule des « grandes religions» à avoir été fondée par un chef de guerre. C’est une religion essentiellement politique et expansionniste. Le christianisme a lui aussi pratiqué l’expansionnisme, mais de manière honteuse, en se cachant derrière le pouvoir séculier, puisqu’il ne pouvait s’appuyer sur aucun texte fondateur. Quant à l’expansionnisme juif, il est par nature limité à un petit territoire,

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était à La Manif pour tous, dimanche 2 février. Il partage, dit-il, « la détermination de ces Français désorientés par les lois, les projets de loi ou les expérimentations menées dans les écoles». Et prend la plume pour nous mettre en garde: « Attention de ne pas faire monter les tensions entre les Français, nous avons besoin de toutes les bonnes volontés pour sortir la France du marasme.» Même motif, même punition pour Jacques Peter, de Meudon (Hauts-de-Seine). S’il tient d’abord à réaffirmer son « attachement à [notre] journal, qui sait présenter une saine diversité de points de vue », c’est pour mieux nous fustiger. S’il n’était pas sur le pavé dimanche, il fait lui aussi « partie de ces nombreux sympathisants qui ne se reconnaissent pas pour autant dans une France dite “réactionnaire”».

C

ertes, concède Pierre Letournel (déjà cité), « il ne faut pas nier qu’il y a des voix radicales et homophobes. Mais y englober l’ensemble de ces personnes, distinguer les bons Français “progressistes” et les mauvais “réactionnaires”, c’est volontairement dénigrer leurs préoccupations et leur inquiétude. C’est stigmatiser une partie de la population». Et de s’interroger: « Quelle est l’intention du journal, en utilisant ce titre, alors que les articles en pages intérieures sont plus nuancés? » Rassurez-vous, nulle « intention» de notre part, cher lecteur… Sinon celle de vous informer au mieux sur les tenants et

la « terre promise», même si la définition des frontières de ce territoire est fluctuante! Bref, je pense que les particularités de l’islam devraient être plus souvent étudiées et exposées. Malheureusement, la crainte d’être accusé d’islamophobie aboutit à une regrettable autocensure. De même pour le sionisme-judaïsme dont la critique est quasiment un tabou. L’écrivain algérien mentionné dans cette chronique n’en a que plus de mérite. Philippe Dias, Avignon

Politique Enfin… un vrai débat

Dans nos vies personnelles et professionnelles, nous sommes parfois comme cernés par un faisceau d’informations, voire d’habitudes plutôt négatives dont il est difficile de s’extirper. Il en va de même en politique où une grande majorité de citoyens – trop souvent consommateurs – se complaît dans diverses formes de laisser-faire ou de prêt-à-penser. Ainsi par rapport à la Ve République, que beaucoup considèrent, y compris au Monde à lire plusieurs spécialistes de politique, comme intouchable. Mais qu’est-ce donc, sinon une monarchie républicaine où l’on attend la lumière d’un seul homme? Vous comprendrez donc mon soulagement et mes félicitations à la lecture de l’analyse « La grande illusion de l’homme providentiel» (Le Monde du 4 février) qui remet en perspective ce que pourrait ou devrait être une démocratie plus avancée. Voilà bien en tout cas un thème – la VIe République – qui mériterait d’être débattu largement et régulièrement dans vos colonnes, bien plus progressiste au sens plein du terme que les commentaires destinés à quérir la parole présidentielle. Je me permets donc de souhaiter que la récente hirondelle de l’auteur de l’article, M. de Montvalon, se révèle annonciatrice d’un printemps institutionnel, au moins dans une réflexion vraiment citoyenne cette fois. Votre et notre journal se positionnerait alors comme éclaireur et éclairant, ce qu’il est fréquemment par ailleurs. Alain Lacoste, Brassac (Ariège)

Culture Des références croisées

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En complément de la référence au livre de Giovanni Careri La Torpeur des ancêtres juifs et chrétiens dans la chapelle Sixtine présentée dans l’article « Les juifs de MichelAnge» (Le Monde « Culture & Idées » du 30 janvier), je signale sur le même sujet, un livre écrit en anglais par Benjamin Blech et Roy Doliner, traduit en français

les aboutissants de cette drôle d’époque. LeMonde tient à « faire vivre le débat sur des sujets très sensibles, comme le dit Natalie Nougayrède. Nous n’avons pas cessé de rendre compte de la multiplicité des points de vue, comme dans nos pages Débats du 7 février, où s’expriment des partisans de La Manif pour tous». Un choix qui laisse perplexe Michel Bollard (Bordeaux). « Le seul intérêt de cette lecture : confirmer que l’extrême droite a de beaux jours devant elle en France et que ses réseaux fonctionnent bien», dit ce lecteur. Qui se croit tenu de préciser: « Je suis de gauche, je ne souhaite pas spécialement ne lire que des articles conformes à mes idées, loin s’en faut, et votre journal me convient en général par la diversité des analyses. » Rassurez-vous, nous n’allons pas vous demander « d’où vous parlez»… Tempête dans un verre d’eau que tout cela pour Pierre Zémor (Paris), autre sympathisant de gauche: « Etre surpris du “réveil de la France réactionnaire” relève d’une perte de mémoire, ironise ce conseiller d’Etat honoraire. La “réaction” s’est manifestée le soir même du second tour de l’élection présidentielle, en réfutant la légitimité de François Hollande – sans aucun bénéfice du doute… » «Et si chacun pouvait décider de son chemin sans que les autres s’en mêlent ? », soupire en conclusion Nicolas Dauplé (Valnaveys-le-Bas, Isère). Chiche ! p mediateur@lemonde.fr Mediateur.blog.lemonde.fr

sous le titre Les Secrets de la chapelle Sixtine, les messages cachés de Michel-Ange et comment il a défié le pape. Ce livre montre, de façon très précise et documentée, les influences juives et, en particulier, kabbalistiques que Michel-Ange tenait de Jean Pic de La Mirandole (1463-1494) et de Marsile Ficin (1433-1499). Un exemple parmi beaucoup d’autres: dans la scène d’Adam et Eve chassés du Paradis, l’arbre du fruit défendu n’est pas un pommier, comme traditionnellement admis dans la chrétienté, mais un figuier, comme dans le Talmud. De même, comme dans le Talmud, le serpent est pourvu de bras et de jambes, ce qui n’est habituellement pas le cas. Diane Benroubi-Schrenzel, Paris

Education Eternel retour

La lecture de la page « Peut-on enseigner les mathématiques à tous ? » (Le Monde du 5 février) m’a rajeuni de plus de quarante ans. Les articles que j’ai lus sont très convaincants et le témoignage de Nathalie Perrin emporte l’adhésion. Peu importe qu’on découvre aujourd’hui à Singapour ce qui existait à Paris en 1970. Ce phénomène de l’éternel retour dans les méthodes d’enseignement amène à réfléchir plus avant sur les obstacles pérennes auxquels se heurtent les enseignants. Et si on donnait un coup de pouce à la recherche dans ces domaines? Jean Brun Chêne-Bougeries (Suisse)

Nature Mouette ou goéland ?

La lecture de l’article « La mouette tueuse remue le Parlement italien» (Le Monde du 31 janvier) appelle plusieurs remarques. Tout d’abord, le prédateur en cause n’est pas une mouette, mais un goéland (plus précisément un goéland leucophée), oiseau d’origine marine dont le régime très varié comprend des proies qui vont jusqu’à la taille du pigeon, voire plus. L’origine des goélands romains n’a sans doute pas grand-chose à voir avec l’individu recueilli au zoo, puisque l’implantation en ville de goélands est un phénomène général, qu’on retrouve dans beaucoup de grandes villes : Paris compte plusieurs dizaines de couples de goélands argentés (plus quelques goélands leucophées et goélands bruns) qui se reproduisent sur les cheminées des toits haussmanniens. La cause en est à rechercher dans la plasticité comportementale de ces oiseaux qui ont su profiter des déchets fournis par l’homme et des abris proposés par la ville. La seule solution est effectivement la stérilisation des œufs, mise en œuvre par de nombreuses villes côtières françaises, méthode qui ne peut laisser espérer qu’une limitation de leur population et sûrement pas leur élimination. Comme pour les pigeons ou les corneilles, il n’y aura pas de limitation des populations de goélands sans réduction de la disponibilité en déchets alimentaires. Frédéric Malher, Paris Courrier-des-lecteurs@lemonde.fr http ://mediateur.blog.lemonde.fr

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reportage

Samedi 8 février 2014

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Trenteannées d’archives ducélèbre photographe SamuelFosso ont été saccagées lors du pillagedesa maison deBangui, le2 février. Desjournalistes présents sur place ontsauvé cequ’ilspouvaient. Témoignage Texte et photos : Jérôme Delay Bangui Envoyé spécial d’AP pour « Le Monde »

D

es échoppes de l’avenue Koudoukou, à Bangui, il ne reste que les façades meurtries par les pillards. La poissonnerie d’Oumar Boukabar n’a plus de toit, plus de porte, plus de poisson, plus d’Oumar. Sur le passage des patrouilles de la Misca, la force africaine actuellement en République centrafricaine, les « salam aleikum» de la veille ont fait silence, remplacés par le fracas métallique des tôles ondulées tombant au sol et le martellement constant des voleurs de vie. Ici on démonte. Ici on détruit. Ici on efface. Pendant le week-end, les milices antibalakaont pousséles musulmansduquartier dans les profondeurs du quartier PK5, ouvrant la voie au pillage systématique des maisons vidées de leurs habitants. Dans la ruelle qui fait face à la poissonnerie d’Oumar, une branche de palmier est accrochée au portail d’une bâtisse. C’est la marque d’un lieu appartenant à un chrétien. Mais ce portail aussi est défoncé. Il a suffi que la rumeur présente le propriétaire comme « ami des musulmans » pour que les pillards s’en prennent à un membre de leur propre communauté. Devant le mur qui entoure la maison, des centaines de négatifs tapissent le sol. Une femme terrifiée tente de protéger ce qui peut encore l’être. « Fais-moi une carte » (« prends-moi en photo »), crient les jeunes du quartier, en emportant leur butin sur des chariots, dans leurs bras, sur

Bangui

Mémoirepillée

« Ils m’aimaient bien et je les aimais bien. Ils ne se sont pas rendu compte de ce qu’ils faisaient » Samuel Fosso

leur tête. A leurs yeux, la tôle ondulée, les câbles électriques, le lavabo ont bien plus de valeur que ces milliers de petits morceaux de pellicule qu’ils piétinent en partant. Ils ont tort. Cette petite maison discrète est celle de SamuelFosso, un photographeinternationalement reconnu, l’un des rares venus d’Afrique. Né au Cameroun il y a 51 ans, Samuel Fosso a passé l’essentiel de sa vie à Bangui, où il arrive à l’âge de 11 ans, réfugié, orphelin des horreurs de la guerre du Biafra au Nigeria. Il devient cordonnier de rue, puis assistant d’un photographe, puis ouvre son propre studio dans la capitale centrafricaine.Le soir, après avoir baisséle rideau, il s’amuse à se prendre en photo, déguisé, pour finir les bobines de film. Découverts à l’occasion de la première biennale de Bamako en 1994, ses autoportraits valent aujourd’hui des milliers d’euros et ont intégré de prestigieuses collections, du centre Pompidou au MoMa de New York en passant par la Tate gallery, à Londres. Les négatifs originaux de ses travaux personnels sont en sécurité chez son tireur, à New York. Mais son travail commercial était là, dans cette maison pillée dimanche soir 2 février, un mois après le départ précipité du photographe pour Paris. Cela représente trente ans d’archives de studio à Bangui, soit entre 15 000 et 20000 clichés de baptême, de mariage, de

photos d’identité, des négatifs et des tirages sur plastique argentique ou du papier baryté.Un témoignaged’une valeur inestimable. Les pilleurs ne l’ont pas compris, ne l’ont pas volé, ils l’ont simplement saccagé. Dans le bureau du photographe gisent des centaines de boîtes de négatifs noircies après qu’on a tenté d’y mettre le feu. Des lettres, des cahiers d’enfants et des tirages grand format de ses fameux autoportraits viennent compléter le tableau: Fosso en Haïlé Sélassié, Fosso en Aimé Césaire, en Miles Davis… J’avais rencontré Samuel Fosso en novembre 2013 au Nigeria, au festival Lagos Photo. Il y présentait sa dernière série, L’Empereur d’Afrique, une allégorie de la présence chinoise sur le continent noir, où il s’amuse à recréer les poses les plus célèbres de Mao Zedong. Alors, devant sa maison dévastée, je l’ai appelé à Paris. Il avait été prévenu par une voisine, mais ignorait l’ampleur des dégâts. « Emo-

tionnellement, on est sur les rotules », dit son agent, Jean-Marc Patras, qui l’héberge en attendant des jours meilleurs. Samuel, lui, n’en revenait pas. Les pillards étaient des gens de son quartier, dont certains qu’il avait photographiés quand ils étaient enfants. « Ils m’aimaient bien et je les aimais bien. Ils ne se sont pas rendu compte de ce qu’ils faisaient », lâche-t-il, la voix lasse.

N

ous étions quelques-uns et nous avons commencé à ramasser les négatifs. Il y avait là un photographeindépendantet un cameramandel’Associated Press. Les pilleurs ne comprennentplus : que font ces Blancsqui remplissent des sacs plastique ? Pourquoi ce va-etvient les bras chargés de négatifs et de tirages entre la demeure éventrée et le 4 × 4 resté sur l’avenue ? Armé d’une kalachnikov, un milicien anti-balakaobservele manège. Il fuità l’approche d’une patrouille de soldats fran-

çais de l’opération « Sangaris ». Un jeune capitaine, le visage couvert de poussière, se propose d’intervenir pour nous laisser le champ libre. Sans attendre notre réponse, il positionne son blindé. Les militaires français n’ont pas fait preuve d’une grande efficacité pour enrayer le cycle de la violence et des pillages, ces derniers temps. Peut-être l’officier a-t-il perçu une belle occasion de redorer le blason de son armée ? La mitrailleuse crépite et les pillards prennent le large. Mais, sitôt la patrouille repartie, ils sont de retour, plus déterminés qu’avant. Pour lemilicienarmé d’unekalachnikov,l’intervention de « Sangaris » ne doit rien au hasard : il est convaincu que nous avons prévenu les Français et nous ordonne de déguerpir sur-le-champ. « Ou sinon on vous tue tous », dit-il avant trois tirs de sommation. Le coffre de la voiture est plein de photos de Samuel. La menace des anti-balaka est réelle, nous devons partir. Il faudra revenir pour récupérer le reste,

Entre 15 000 et 20 000 clichés ainsi que des négatifs ont été détruits ou endommagés lors de l’attaque de la maison de Samuel Fosso, à Bangui, le dimanche 2 février.

en espérant que les pillards n’auront pas achevé la besogne avant. Le lendemain, grâce à l’aide d’une ONG et d’un autre photographe, tout ce qui reste de la production de Samuel Fosso est mis en sécurité. Dans le lot, une centaine de tirages d’une valeur inestimable, la majorité en bon état. Six caisses métallisées sont prêtes à être envoyées à Paris. Au téléphone, le lendemain soir, Samuel n’a qu’une obsession : faire réparer son portail. Comment lui dire que les pillards ont tout démonté, même le toit ? p

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Samedi 8 février 2014

CULTURE | CHRONIQUE pa r M i c h e l G u e r r i n

La double vie de Steve McQueen

S PEU AVANT LA SORTIE DE « 12 YEARS A SLAVE », LE SCHAULAGER DE BÂLE PRÉSENTAIT UNE RÉTROSPECTIVE DE L’ŒUVRE PLASTIQUE DU BRITANNIQUE

teve McQueen est en lice pour les Oscars du cinéma, qui auront lieu à Hollywood, le 2mars, et sa présence est historique. Il n’a rien d’un play-boy américain aux yeux bleus. Il est anglais, noir, massif, a 44 ans, et il convoite neuf statuettes, dont celles du meilleur film et du meilleur réalisateur pour 12 Years a Slave. Ses chances sont réelles. Qu’une statuette puisse pour la première fois être brandie par un cinéaste noir, on s’en fiche. Non, ce qui intrigue, c’est le profil artistique de McQueen. A partir de l’histoire vraie d’un « nègre libre » qui, dans l’Amérique des années 1840, se retrouve esclave dans le Sud, le réalisateur compose un film à grand spectacle, hyper-efficace, poignant, au plus près de la narration, avec des acteurs de renom (Michael Fassbender, Benedict Cumberbatch, Brad Pitt). Rien de plus normal qu’un film hollywoodien soit invité à la fête d’Hollywood, me direz-vous. Sauf que Steve McQueen est aussi – surtout, diront certains – un des cinq artistes plasticiens les plus réputés au monde. Et qu’un tel artiste puisse réaliser un film baignant dans la cuisine d’Hollywood, c’est du jamais-vu. McQueen a été le lauréat, en 1999, du Turner Prize, le prix d’art contemporain le plus influent de la planète. Ses œuvres sont collectionnées par les grands musées, le MoMA de New York en tête. Il fut invité à la Biennale de Venise ou à la Documenta de Kassel. Sa galeriste a pour nom Marian Goodman – difficile de faire mieux. Il a un peu choqué, ce qui est toujours bien dans une carrière, quand, en 2003, l’Imperial War Museum, à Londres, l’envoie en Irak pour couvrir la guerre et qu’il n’y reste que six jours. Mais il en tire une œuvre forte: des planches de timbres ornés des visages des soldats britanniques tués durant le conflit. De l’artiste star, McQueen a même adopté le tempérament, que l’on trouve chez d’autres: être antipathique, balancer une formule cassante dès qu’on l’indispose – quand on l’interroge sur l’ac-

ANNE-DOMINIQUE TOUSSAINT PRÉSENTE

VINCENT LACOSTE CHARLOTTE GAINSBOURG DIDIER BOURDON ANÉMONE VALÉRIE BONNETON MICHEL HAZANAVICIUS NOÉMIE LVOVSKY LAURE MARSAC WILLIAM LEBGHIL ANTHONY SONIGO

teur qui porte son nom, ce qui est en effet assez idiot, il répond: «Question suivante.» Bref, il y a bien deux Steve McQueen, tout aussi bons, et 2013 l’a prouvé. Durant l’été, deux mois à peine avant la sortie de 12 Years a Slave, le Schaulager de Bâle présentait une rétrospective de son œuvre plastique. Un must. Le Schaulager, c’est un peu un Louvre de l’art contemporain.

Dans la continuité de son art Quand il fait l’artiste, Steve McQueen tourne des films et vidéos de quelques minutes. Des artistes et vidéastes qui sortent des films en salle, il y en a. Citons No Sex Last Night, le road movie de Sophie Calle, le Zidane de Philippe Parreno et Douglas Gordon, ou quelques films baroques de Matthew Barney. Mais tous s’écartent de la narration, étirent le temps, explorent des formes, bousculent le montage. Très peu affichent un double statut à égalité d’artiste et de cinéaste. Il y a le Thaïlandais Apichatpong Weerasethakul, Palme d’Or à Cannes en 2010 pour Oncle Boonmee, alors que l’année précédente ses vidéos étaient montrées au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Plus classique est l’artiste expressionniste Julian Schnabel, passé au cinéma en 1996 avec Basquiat. Et enfin l’Anglaise Sam Taylor-Wood, qui se fit un nom comme photographe et vidéaste, avant de signer un film, Nowhere Boy (2009), sur la vie de John Lennon, et dont on attend maintenant l’adaptation du best-seller 50 Nuances de Grey. Mais il n’y a qu’un Steve McQueen pour réaliser un film populaire – près de 700 000 entrées en France en quinze jours pour 12 Years a Slave – tout en se situant dans la continuité de son art pour les musées. C’était saisissant dans l’exposition à Bâle. Dans l’art de McQueen, il est beaucoup question de la chair, ce qu’on lui fait subir, comment elle résiste, dans un espace étouffant,

clos. Dans son premier film d’artiste, Bear (1993), il montre deux hommes noirs et nus (dont lui) qui se font face, se défient, luttent au corps à corps. Dans Deadpan (1997), il rejoue une scène culte de Buster Keaton (tiens, tiens…) : une façade se détache d’une maison et lui tombe dessus, mais il en réchappe, son corps passant à travers une fenêtre. Le corps est encore là, en 2002, dans le film Western Deep : explorer, à 3 500 mètres sous la terre d’Afrique du Sud, une des mines les plus profondes au monde, où étaient asservis les travailleurs noirs. Dans une vidéo de 2004, il faufile son doigt sous la paupière de Charlotte Rampling pour martyriser sa pupille. Son cinéma n’est pas en reste : dans son premier film, Hunger (2008), il exhibe le corps mourant du militant irlandais de l’IRA Bobby Sands, et dans le suivant, Shame (2011), il décrit la dérive d’un accro au sexe. Comment ne pas faire un lien entre Bobby Sands, qui dessine sur un mur avec ses excréments dans sa cellule, et l’esclavagiste qui, avec son fouet, trace un chemin sanguinolent sur le dos de l’esclave dans 12 Years a Slave? Une question, tout de même. Avec ce film, qui transige avec le cinéma commercial, l’artiste McQueen n’a-t-il pas perdu son âme ? N’en fait-il pas trop quand il choisit pour la musique Hans Zimmer, sans doute le compositeur le plus en vue d’Hollywood? Steve McQueen répète que son art, c’est la forme et l’abstraction, et son cinéma, le récit, une histoire, un conte à la fois tragique et réaliste. Sauf que ses deux premiers films sont, peut-être pas meilleurs, mais bien plus radicaux que 12 Years a Slave: plus lents, avec des plans plus longs, des scènes plus dures, un récit moins présent. Il y a néanmoins, dans 12 Years a Slave, quelques plans « inutiles », anormalement longs pour un film hollywoodien, ou encore des plans abstraits qui évoquent son œuvre de plasticien: une roue à aubes sur un bateau, une feuille de papier qui brûle, un cadrage sur l’archet du violoniste, un paysage de marais… Prenons le premier plan du film : des esclaves figés dans un champ de coton. On est loin du long plan fixe sur l’acteur Michael Fassbender qui ouvre Shame, mais tout de même. Une sorte de dérèglement assumé de la belle mécanique d’un artiste total. p guerrin@lemonde.fr

Steve McQueen, dans son œuvre « Deadpan », présentée à Londres en 1997. REUTERS

pTirage du Monde daté vendredi 7 février 2014 : 313 190 exemplaires.

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