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M Le magazine du Monde, no 132. Supplément au Monde no 21522 du samedi 29 mars 2014. Ne peut être vendu séparément. Disponible en France métropolitaine, Belgique et Luxembourg.

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29 mars 2014

le croisé du journalisme

edwy Plenel

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Fondé en 2010 par l’artiste Maurizio Cattelan et le photographe Pierpaolo Ferrari, le magazine TOILETPAPER s’amuse de l’overdose d’images et détourne les codes de la mode, du cinéma, de la publicité. Troublant et captivant.

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Edito.

Au programme.

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Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du monde

On refait le match? Justement pas! En choisissant de donner la couverture de ce numéro de M Le magazine du Monde au journaliste Edwy Plenel, fondateur du site Mediapart et ancien directeur de la rédaction du quotidien, nous avions décidé de ne pas revenir en long et en large sur l’histoire, pourtant brûlante, qui unit le journal à Plenel. A quoi bon? Même si huit ans après son départ, les traces de son passage ne se sont pas tout à fait effacées. Même si, parfois, elles sont douloureuses. Dans les couloirs, on ne parle plus des plenéliens, ni de plenélisme mais on se souvient encore de mille anecdotes sur le charisme de l’homme mais aussi de l’effroi devant ses dérapages, notamment au moment de la fausse affaire Noriega. Il nous semblait donc plus intéressant de nous pencher sur cet être romanesque qui a pris une place majeure sur la scène médiatique et dans le débat public. Ces jours-ci, Mediapart, qui fête ses six ans, fait évidemment parler de lui en publiant le contenu des écoutes de Nicolas Sarkozy et son avocat Me Herzog. Comme possédé par une mission, armé des nombreuses affaires sorties par le site, de Bettencourt à Cahuzac, il va de plateau en plateau, l’œil brillant et la chevelure de jais, donner des leçons à la terre entière. Cela exaspère certains, des journalistes souvent, qui se méfient de la méthode Plenel faite d’intuition et d’acharnement. Cela en enthousiasme beaucoup dans cette époque en manque de repères. Pour eux, il apparaît comme un héros de la vérité, celui qui révèle ce qui est caché et se joue des pressions. On nous cache tout, on nous dit rien ? Heureusement, il y a Mediapart, répète-t-il devant les boucles d’oreilles géantes de Daphné Bürki sur Canal+ alors que sur l’écran s’inscrit « Le justicier de l’info? ». Sa notoriété est telle désormais que les gens l’arrêtent dans la rue pour l’encourager. Les enfants aussi le reconnaissent depuis qu’il a sa marionnette aux « Guignols ». Sérieux et raide en toutes circonstances, jamais en retard d’un paradoxe, il apparaît donc aux uns comme un procureur et aux autres comme un Robin des bois du journalisme. Tout cela constitue à peu près la définition du terme «personnage». Marie-Pierre Lannelongue

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J’y étais… avec Cécilia au salon de la dédicace.

LA SEMAINE

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p. 19

au bonheur des tradeurs. Malgré des résultats maussades, les banques ont, cette année encore, allègrement distribué les bonus. Une dérive à laquelle l’Union européenne aimerait mettre fin.

p. 22

il fallait oser. « Happy » villes.

p. 24

Politique. Faux et usage de faux (noms).

p. 26

le roman-Photo du Front national fan de Poutine.

p. 28

élections. Des municipales so british.

p. 30

surveillance. Des écoutes sur place et à emporter.

p. 31

qui est vraiment Enora Malagré ?

p. 32

société. Le normal fait la différence.

LE MAGAZINE p. 45

edwy Plenel, le couP d’éclat Permanent. affaires Bettencourt, Cahuzac…Toutes portent le sceau de Mediapart, le site d’information fondé par le journaliste il y a six ans. La méthode Plenel : chasser le scoop et flairer sans relâche le mensonge d’Etat. Un journalisme de résistance qui vire parfois à l’obsession.

p. 52

la diva Punk de maïdan. Elle était anarchiste, elle se dit aujourd’hui patriote. La chanteuse Tanya Tanya est devenue l’égerie de la place Maïdan.

p. 58

l’Œil de l’élysée. ami de Valérie Trierweiler, l’ancien photographe Stéphane ruet est désormais le M. image de François Hollande. Portrait d’un courtisan qui monte.

p. 62

c’est donc ton frère. Braquages, extorsion de fonds, cambriolages… Dans le milieu marseillais, la fratrie Barresi a fait parler d’elle pendant trente ans. ils espéraient se ranger.

ils font ça comme ça !

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p. 34

royaUME-Uni Scotland yard au banc des accusés.

p. 35

marc beaugé rhabille… Jérôme Kerviel.

p. 36

la Photo. yeux revolver.

p. 38

les questions subsidiaires.

p. 40

Juste un mot. Par Didier Pourquery

LE portfoLIo p. 68

égyPte, intérieur nuit. Pour capter leur intimité, la photographe Bieke Depoorter va passer la nuit chez les gens. immersion au Caire, où les luttes fratricides ont pris le dessus sur le « printemps arabe ».

Mari Bastashevski. Bieke Depoorter/Magnum Photos. Marton Perlaki pour M Le magazine du Monde.

p. 18


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Les coordonnées

de la série A langueur de temps, p. 79. Arthus Bertrand : www.arthus­bertrand.com Bell & Ross : www.bellross.com Breguet : www.breguet.com Buccellati : www.buccellati.com Bulgari : www.bulgari.com Céline : www.celine.com Chanel : www.chanel.com CK Watch : www.calvinklein.com Dior : www.dior.com Dior joaillerie : www.dior.com Dior Homme : www.diorhomme.com Dries Van Noten : www.driesvannoten.be Frey Wille : www.freywille.com Givenchy : www.givenchy.com Gucci : www.gucci.com Hermès : www.hermes.com Jil Sander : www.jilsander.com Lanvin Homme : www.lanvin.com Louis Vuitton : www.louisvuitton.com Marc Jacobs : www.marcjacobs.com Michael Kors : www.michaelkors.com Mikimoto : www.mikimotoamerica.com Omega : www.omegawatches.com Patek Philippe : wwwpatek.com Prada : www.prada.com Swatch : www.swatch.com The Row : www.therow.com Tiffany : www.tiffany.com Tissot : www.tissot.ch Tom Ford : www.tomford.com

Retrouvez “M Le magazine du Monde” tous les vendredis dans “C à vous”, présenté par Anne-Sophie Lapix. Une émission diffusée du lundi au vendredi en direct à 19 heures.

Le styLe p. 79

p. 98

à Langueur de temps. Effets de manches pour montres classiques et bracelets géométriques. La mode supporte maL Les critiques. La critique de mode a-t-elle un avenir? Pas sûr, étant donné la crise que traverse la presse anglo-saxonne et l’absence de relève digne de ce nom.

p. 100

L’icône. Le spleen bling de Sharon Stone.

p. 101

fétiche. Jamais si bien serti…

p. 102

variations. A rebours.

p. 103

Le goût des autres. Envoyer sur les roses.

p. 104

ma vie en images Marie-Hélène de Taillac.

p. 105

graine de beauté. Mangue la jolie.

p. 106

un peu de tenues Au bureau.

p. 112

d’où ça sort ? Les montres « métiers d’art ».

p. 113

être et à voir. Par Vahram Muratyan.

p.114

3 questions à Patrick Jouin.

p.115

ceci n’est pas… une tuyauterie.

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une affaire de goût. Alain Drouard.

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La chronique de JP Géné.

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Le resto.

p. 122

Le voyage. Le Patmos d’Antoine Silber.

La cuLture p. 124

Les dix choix de La rédaction. BD, théâtre, cinéma, musique, photo, danse…

p. 136

Les jeux.

p. 138

Le totem. L’Astrapi de Florent Marchet.

La photographie de couverture a été réaLisée par Jonas unger pour M Le Magazine du Monde .

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80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00/25-61 Courriel de la rédaction : Mlemagazine@lemonde.fr Courriel des lecteurs : courrier-Mlemagazine@lemonde.fr Courriel des abonnements : abojournalpapier@lemonde.fr Président du directoire, directeur de la publication : Louis Dreyfus Directrice du Monde, membre du directoire, directrice des rédactions : Natalie Nougayrède Directeur délégué des rédactions : Vincent Giret Secrétaire générale du groupe : Catherine Joly Directeur adjoint des rédactions : Michel Guerrin Secrétaire générale de la rédaction : Christine Laget M Le MAGAziNe Du MoNDe Rédactrice en chef : Marie-Pierre Lannelongue Direction de la création : eric Pillault (directeur), Jean-Baptiste Talbourdet (adjoint) Rédaction en chef adjointe : eric Collier, Béline Dolat, Jean-Michel Normand, Camille Seeuws Assistante : Christine Doreau Rédaction : Carine Bizet, Samuel Blumenfeld, Annick Cojean, Louise Couvelaire, emilie Grangeray, Laurent Telo, Vanessa Schneider Style : Vicky Chahine (chef de section), Fiona Khalifa (styliste), avec Caroline Rousseau Responsable mode : Aleksandra Woroniecka Chroniqueurs : Marc Beaugé, Guillemette Faure, JP Géné, JeanMichel Normand, Didier Pourquery Directrice artistique : Cécile Coutureau-Merino Graphisme : Audrey Ravelli (chef de studio), Marielle Vandamme Photo : Lucy Conticello (directrice de la photo), Cathy Remy (adjointe), Laurence Lagrange, Federica Rossi, avec Annabelle Lourenço Assistante : Françoise Dutech Edition : Agnès Gautheron (chef d’édition), Yoanna Sultan-R’bibo (adjointe editing), Julien Guintard (adjont editing), Anne Hazard (adjointe technique), Béatrice Boisserie, Maïté Darnault, Valérie Gannon-Leclair, Catarina Mercuri, Maud obels, avec Valérie LépineHenarejos et Agnès Rastouil Correction : Michèle Barillot, Ninon Rosell et Claire Labati Photogravure : Fadi Fayed, Philippe Laure avec Gilles Kebiri-Damour Documentation : Sébastien Carganico (chef de service), Muriel Godeau et Vincent Nouvet

Infographie : Le Monde Directeur de production : olivier Mollé Chef de la fabrication : Jean-Marc Moreau Fabrication : Alex Monnet Coordinatrice numérique (Internet et iPad) : Sylvie Chayette, avec Aude Lasjaunias Directeur développement produits Le Monde Interactif : edouard Andrieu Publication iPad : Agence Square (conception), Marion Lavedeau et Charlotte Terrasse (réalisation). DiFFuSioN eT PRoMoTioN Directeur délégué marketing et commercial : Michel Sfeir Directeur des ventes France : Hervé Bonnaud Directrice des abonnements : Pascale Latour Directrice des ventes à l’interna­ tional : Marie-Dominique Renaud Abonnements : abojournalpapier @lemonde.fr ; de France, 32-89 (0,34 € TTC/min) ; de l’étranger (33) 1-76-26-32-89 Promotion et communication : Brigitte Billiard, Marianne Bredard, Marlène Godet, Anne Hartenstein Directeur des produits dérivés : Hervé Lavergne Responsable de la logistique : Philippe Basmaison Modification de service, réassorts pour marchands de journaux : Paris 0805-050-147, dépositaires banlieue-province : 0805-050-146 M PuBLiCiTÉ 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13 Tél. : 01-57-28-20-00/38-91 Directrice générale : Corinne Mrejen Directrices déléguées : Michaëlle Goffaux, Tél. : 01-57-28-38-98 (michaëlle.goffaux @mpublicite.fr) et Valérie Lafont, Tél. : 01-57-28-39-21 (valerie.lafont@mpublicite.fr) Directeur délégué digital : David Licoys, Tél. : 01-53-38-90-88 (david.licoys@mpublicite.fr) M Le magazine du Monde est édité par la Société éditrice du Monde (SA). imprimé en France : Maury imprimeur SA, 45330 Malesherbes. Dépôt légal à parution. iSSN 0395-2037 Commission paritaire 0712C81975. Distribution Presstalis. Routage France routage. Dans ce numéro, un encart « Relance abonnement » sur l’ensemble de la vente au numéro ; un encart « DVD17 » pour les abonnés France métropolitaine ; encart « opéra de Lyon » pour les abonnés selon sélection.

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contributeurs.

Ils ont participé à ce numéro. Judith Perrignon est journaliste et romancière. Elle a publié à l’automne 2013 Les Faibles et les Forts (Stock). Elle signe pour M un grand portrait d’Edwy Plenel, le fondateur de Mediapart (p. 45). « Il fallait raconter ce qui se passe autour de celui qui est sur le point de devenir l’ incarnation d’un journalisme résistant. “Le Monde” et Plenel, c’est une longue histoire que je n’ai pas vécue. Ce qui me permettait de l’aborder pour la première fois. Ecrire sur lui a ceci de difficile qu’ il laisse toujours derrière lui un étrange mélange de sentiments. »

Jonas unger a shooté la star des médias Edwy Plenel (p. 45). Ce photographe, né en 1975 à Cuxhaven, en Allemagne, vit et travaille entre Paris et Berlin. Son travail a été présenté entre autres au Fotomuseum Winterthur en Suisse et au musée international d’art et de photo Deichtorhallen d’Hambourg. Il a notamment reçu le Lead Award et le Prix Hansel Mieth (2013). Il exposera ses « Autoportraits » à la galerie Derouillon, Paris 3e, du 24 avril au 21 mai.

serge Michel, 45 ans, est responsable du pôle des grands reporters au Monde. Il a passé deux semaines à Kiev début mars, après la bataille, pour relever l’envoyé spécial épuisé qui a suivi toute la révolution. Il a découvert une capitale en ébullition, dont le sentiment de liberté retrouvée est bouleversé par les événements de Crimée. Et là il a découvert la comédienne et chanteuse Tanya Tanya, qui fut l’égérie de la place Maïdan pendant trois mois (p. 52). Anarchiste et désormais patriote, la jeune femme pleure la Crimée perdue.

Judith Perrignon. Jonas Unger. Le Monde. Tanya Hawrylyuk. Ludovic Perez

Mari Bastashevski est née à Saint-Pétersbourg en 1980. Elle a photographié Tanya Tanya, équivalente ukrainienne des Pussy Riot (p. 52). Officiellement installée entre la Suisse et la France, cette photographe russe a documenté le monde de l’armement dans son projet State Business. Ses travaux ont été publiés dans XXI, Time, Aperture, le New York Times et le magazine Esquire, et montrés au Grand Palais, à Paris, au festival Paris Photo, et à Unseen Photo Fair, à Amsterdam..

ariane cheMin et laurent telo sont journalistes au Monde. Ils retracent l’histoire des frères Barresi (p. 62). « Sur le Vieux-Port, il y a la politique, et il y a aussi les voyous, raconte Ariane Chemin. Jean-Luc, Bernard et Franck Barresi, un mythe marseillais. Trois ombres au-dessus des élus – le premier a bien connu la droite et Muselier, le deuxième les Guérini et la gauche. Trois frères rattrapés par l’actualité judiciaire. Nous avons cherché à savoir si on leur fabriquait “un chapeau trop grand pour eux”, comme ils nous l’assurent. Ou si, au contraire, ils restaient les derniers représentants du banditisme à l’ancienne. »

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Le courrier.

Féminisme ou pudibonderie ?

« Je viens un peu tard réagir à votre numéro contenant la série photo “Danny and Evita” (M daté du 1er mars). C’est la lettre de Mme Grangeard [publiée dans le M daté 15 mars] qui m’y incite. Elle y parle de “pornographisation”. Je ne vois pas ce qu’il y a de pornographique dans ces photos, qui sont au plus coquines, en tout cas représentent un hymne à la beauté. Je ne vois pas non plus en quoi elles peuvent traumatiser les autres femmes, ou alors il faut leur interdire la fréquentation des musées qui exaltent tous la beauté féminine. Peu nous importe que la “Vénus de Milo” ne soit point obèse… Il faut cesser de confondre les genres et de prendre pour la défense de la condition féminine la bonne vieille pudibonderie venue du xixe siècle. Les excès d’un féminisme mal compris nous annoncent, s’ils sont pris à la lettre, une société bien morose. »

Guy Bordes, Samatan (Gers)

«Tchernobyl, septembre 2013. Un M trône fièrement devant ce qu’il reste des bâtiments administratifs de la ville...»

Christel Nussbaumer

Pour nous écrire ou envoyer vos photographies de M (sans oublier de télécharger l’autorisation de publication sur www.lemonde.fr/m) : M Le magazine du Monde, courrier des lecteurs, 80, bd Auguste-Blanqui, 75707 Paris Cedex 13, ou par mail : courrier-mlemagazine@lemonde.fr 14 -

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Christel Nussbaumer

Le M de la semaine.


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J’y étais… avec Cécilia au salon de la dédicace. Par Guillemette Faure

au Salon du livre, en ce dimanche. Un homme qui s’approche de Cécilia Attias en dédicace et lui demande de signer la couverture d’un numéro de Voici de 1988 sur laquelle elle pose en couverture au côté de Jacques Martin. « Cécilia et Jacques Martin, un couple comblé », dit la légende. Assise à deux mètres de Richard Attias, Cécilia signe. Evidemment, ce n’est pas ce qu’elle avait prévu de signer. Son livre Une envie de vérité s’est déjà vendu à 105 000 exemplaires, selon son éditeur Flammarion qui le sort en poche dans deux mois. Cette Envie de vérité a tout de suite bien démarré. Cécilia est passée au « 20 heures ». « Ce n’est pas comme les autres auteurs qu’on est obligés d’envoyer se faire massacrer chez Ruquier pour qu’ils puissent passer à la télé », m’explique l’attachée de presse. Et Cécilia – maintenant Attias – a un public. Des femmes essentiellement, qui aiment son « parcours de femme ». « C’est une femme que j’admire, une femme qui avait une présence », m’explique une quinquagénaire à propos de celle qui a surtout marqué par un moment d’absence. « Son parcours est intéressant. J’ai lu toutes ses biographies. » Parmi lesquelles Cécilia : la face cachée de l’ex-Première dame de Laurent Léger et Denis Demonpion

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curieuses

déjà chez Flammarion, tout comme un autre Cé- détail pourrait s’assimiler à une indiscrétion si cilia d’Anna Bitton, toujours chez Flammarion, Marie-Charline n’avait pas déjà tweeté des photos publié aussi en 2008, à l’époque où les Sarkozy de sa part de galette des rois, de son chat Hamlet, vendaient mieux que les Grimaldi. « Enfin, c’était et son « astuce pour mieux dormir » (« vivez au pas une biographie, c’était plutôt tiré de l’imagination rythme d’un ministre et vous dormirez très profondéde l’auteure », minimise l’attachée de presse à son ment cinq heures par nuit »). propos. Dans l’édition comme ailleurs, la dernière Ce dimanche de premier tour de municipales, le ministre préfère les allées du Salon du livre aux vente a toujours raison. « Elle a de la personnalité, elle n’a besoin de personne », plateaux télé. Le garde du corps porte les sacs me dit une acheteuse. Paradoxe de l’époque, cette tandis qu’ils arrivent au stand Grasset où une file femme dont la carrière est indissociable de ses ma- d’attente patiente pour se faire dédicacer le livre riages est devenue une icône féministe. « Mon mari, de Ségolène Royal. « On l’a déjà », répond s’il te plaît », sourit Cécilia. Richard Attias pose à côté Marie-Charline à propos de Cette belle idée du coud’elle. «En plus c’est notre anniversaire de mariage, dit- rage. « Je vais quand même aller lui dire bonjour », il, donc on le fête au Salon du livre. » La notoriété est dit le ministre. contagieuse. Maintenant, c’est à l’homme d’affaires que l’on réclame des signatures. Une quinquagénaire Au grand dam des éditeurs, demande un selfie avec eux. Au grand dam des éditeurs, le selfie a remplacé le livre dédicacé le selfie a remplacé le livre pour garder la trace d’un rendez-vous dédicacé pour garder la trace d’un rendez-vous avec avec un people. un people. depuis que les politiques

ils aimantent toutes sortes de gens. Un peu plus tôt, une femme qui venait lui faire signer son livre m’assurait avoir connu Nicolas Sarkozy avant Cécilia, et avoir même appelé son fils aîné Nicolas. Une fois son livre dédicacé, un petit homme en imperméable tournicote devant le stand et répond à chaque appel téléphonique : « Je suis avec Cécilia Sarkozy, là. » En face, sur le stand Robert Laffont, la grande affiche du livre de Michel Drucker, De la lumière à l’oubli. Les téléphones ont remplacé les livres chez ceux qui s’approchent du stand. Cécilia fait ses affaires. Un dernier tour de stand et les Attias tombent sur les Moscovici. Le ministre de l’économie et Marie-Charline, sa compagne de 25 ans. Main dans la main, s’embrassant devant les rayons de la collection « Bouquins », comme sur le fond d’écran du téléphone du ministre. Révéler ce genre de

sont devenus des people,

Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde

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n voit des c h o s e s


La Semaine

Seth Wenig/AP/Sipa

/ Il fallait oser / Face à face / Le roman-photo / Le buzz du Net / Ils font ça comme ça ! / / Les questions subsidiaires / J’y étais /

La saison des primes, qui vient de s’achever, a été juteuse pour les employés de Wall Street : leur montant est en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. 29 mars 2014

Au bonheur des tradeurs.

La distribution des bonus est repartie de plus belle dans le monde de la finance. Des primes au risque que l’Union européenne veut encadrer, contre l’avis des Britanniques, inquiets de la concurrence de Wall Street. Par Louise Couvelaire - 19


la semaine.

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L’année dernière, la banque britannique HSBC a versé 2,85 milliards d’euros de primes (1). Barclays, qui a vu ses bénéfices diminuer d’un tiers, a aussi augmenté ses bonus (3, lors d’une manifestation contre la banque). Après sept ans de règne, la City (2) vient de perdre la première place des centres financiers au profit de Wall Street (4).

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Wall Street, la SaiSon deS bonuS – février

et mars – vient de s’achever. Elle fut mirobolante : le montant global des primes pour l’année 2013 est en hausse de 15 % par rapport à l’année précédente. Selon un rapport publié le 12 mars par les services du budget de l’Etat de New York, 19,2 milliards d’euros ont été versés à 165200 employés. La place financière new-yorkaise n’est pas la seule à se frotter les mains. Selon une étude réalisée auprès de 2700 professionnels dans le monde par le site eFinancial Careers, les bonus des banquiers ont augmenté de 29 % entre 2012 et 2013. Des largesses parfois accordées alors que les établissements financiers voyaient leurs profits baisser. Outre-Manche, l’ambiance est aussi à la fête. HSBC a versé l’an dernier 2,85 milliards d’euros à ses meilleurs talents, une hausse de 6,2 %. De son côté, la banque britannique Barclays a augmenté les bonus de 240 millions d’euros, alors même que ses bénéfices ont diminué d’un tiers et que plusieurs milliers d’emplois seront supprimés! Réponse d’Antony Jenkins, le patron de la banque, face à la grogne des actionnaires : si une banque cesse de verser de gros bonus, « elle entre dans une spirale mortifère » et son « image de marque se détériore ». Quant à la Royal Bank of Scotland, elle a distribué 700 millions d’euros de gratifications l’an passé… tout en annonçant une perte de 10 milliards d’euros. Depuis la crise de 2008 , les politiques tentent de mettre un frein aux rémunérations extravagantes des stars des salles de marché. En vain. Aux Etats-Unis, souligne le think tank américain Institute for Policy Studies, « les régulateurs ont échoué à mettre en œuvre une disposition interdisant à la profession des rémunérations encourageant les “risques inappropriés” ». En Europe, face au refus des banques de s’autoréguler, Bruxelles est entré dans la bataille. Une direc-

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tive européenne interdira bientôt que les bonus des salariés dits « preneurs de risques » dépassent le montant de la part fixe de leur rémunération. La mesure entrera en vigueur le 1er janvier 2015 et portera sur les performances de 2014. L’objectif : encadrer les modes de rémunération incitant à la prise de risques excessifs au nom du profit à court terme. Et éviter que ne se reproduise une nouvelle affaire Kerviel, le tradeur accusé d’avoir fait perdre près de 5 milliards d’euros à la Société générale et dont la Cour de cassation a confirmé le 19 mars la condamnation à trois ans de prison. Cette direCtive ne paraît guère effarouCher les professionnels de la finance, qui ont d’ores et déjà mis au point des tours de passe-passe destinés à contourner ces nouvelles normes. Augmentation des salaires fixes, nouvelles primes, allocations exceptionnelles… Si, en France, les banques ont assuré qu’elles se conformeront aux desiderata de l’Union européenne, certaines, comme BNP Paribas et la Société générale, ont chuchoté qu’elles souhaitaient doubler le plafond des bonus. Une possibilité prévue par la directive, à condition d’être approuvée par 66 % des actionnaires. D’autres banques devraient suivre. Pour sa part, HSBC souhaite distribuer un nouveau complément de rémunération trimestriel à six cents de ses tradeurs les plus « performants ». Lassée de ces provocations décomplexées, la Banque d’Angleterre a proposé le 13 mars la mise en place de mécanismes dits de « clawbacks » imposant de restituer les bonus jusqu’à six ans après leur versement, s’il était avéré que leurs bénéficiaires ne les méritaient pas. Or, dans le même temps, le gouvernement britannique, qui craint la concurrence de Wall Street, a lancé un recours contre la directive de Bruxelles. Après sept ans de règne, la City s’inquiète : elle vient de perdre sa première place au profit de sa rivale américaine, selon le classement des centres financiers internationaux. Pas question, dans ces conditions, de s’embarrasser de contraintes qui pourraient rendre la place de Londres moins attractive. 29 mars 2014

Alban Kakulya/Panos-REA. Luke MacGregor/Reuters. Jess Hurd/Report Digital-REA. Brendan McDermid/Reuters

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La semaine.

“Il n’y a pas de poussée du Front national dans les Alpes-Maritimes.” Eric Ciotti (UMP), député et président du conseil général des Alpes-Maritimes, sur Twitter, le 24 mars.

Alors que les résultats du premier tour des municipales, marqués par un net retour du FN, inquiètent, certains préfèrent minimiser cette percée. C’est le cas du président du conseil général des Alpes-Maritimes, l’UMP Eric Ciotti, pour qui le FN a finalement baissé. « A Nice, il fait un score de 7 points en dessous de celui de Marine Le Pen en 2012. » Et d’ajouter qu’il n’y est pas pour rien. « Le score du FN est modeste dans le 06 parce que, ici, nous nous attaquons aux problèmes, nous avons un discours de fermeté », ajoutait-il sur Twitter. LA VéRiFiCATiOn. Hélas pour Eric Ciotti, la démonstration tombe totalement à plat. Peut-on dire, sur la foi d’une comparaison entre une présidentielle et des municipales, que le FN baisse dans les AlpesMaritimes ? Non, car on ne peut comparer ces deux élections. Dans l’une, l’ensemble des électeurs du département pouvait voter pour Marine Le Pen. Dans l’autre, seuls les habitants de villes dans lesquelles le FN présente une liste peuvent voter pour lui. Or, sur 163 communes dont 75 de plus de 1 000 habitants dans les Alpes-Maritimes, le FN ne présentait des listes que dans 20 villes et villages de plus de 1 000 habitants. Logique donc qu’il ait eu moins de voix qu’à la présidentielle. En revanche, si l’on compare ville à ville, les choses sont bien différentes. Pour la commune de Nice, la liste FN de Marie-Christine Arnautu a obtenu L’ExPLiCATiOn.

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17 910 voix (auxquelles il faut ajouter les 5 095 voix en faveur de Philippe Vardon, extrême droite), soit un total de 23005 voix, sur 118 211 votants. C’est certes moins qu’à la présidentielle (37 856 voix pour Marine Le Pen en 2012). Mais l’abstention a également progressé : il y a deux ans, 169 260 personnes étaient allées voter. Eric Ciotti s’est, semble-t-il, rendu compte de la hardiesse de son analyse, puisqu’il l’a corrigée dans un entretien à Nice Matin. Il précise : « Par rapport aux municipales de 1995 et 2001 – ne prenons pas 2008 où le FN avait quasiment disparu –, ses scores sont beaucoup plus modestes. » Là encore, c’est faux. En 1995, le FN obtenait 15 310 voix à Nice, en 2001, 15 006. En 2008, effectivement, il ne faisait que 5 068 voix (8 600 si on ajoute celles d’une liste « identitaire) ». Mais, si l’on n’en tient pas compte, comme le dit M. Ciotti, on constate qu’entre 1995/2001 et 2014, avec un corps électoral en légère baisse, le FN et ses alliés passent de 15 000 à 23 005 voix. Soit une hausse de 65 %. LA COnCLuSiOn. Les espoirs d’Eric Ciotti ne résistent pas à l’analyse. Indiscutablement, et si l’on compare ce qui est comparable, le FN séduit plus d’électeurs niçois en 2014 que lors de toutes les élections municipales précédentes. Sans doute l’action du conseil général des Alpes-Maritimes et son « discours de fermeté » ne sont-ils pas suffisants pour enrayer un phénomène national.

Samuel Laurent et Jonathan Parienté

Il fallait oser “Happy” villes. Par Jean-Michel Normand

La tarte à la crème des municipales de 2008, c’était le lipdub, le hit interprété en playback. En 2014, ce sont les fausses vidéos de Happy qui ont déferlé. Partout, des candidats se sont trémoussés sur le succès de Pharrell Williams, brandissant des messages manuscrits. A Saint-Georgesde-Didonne, Roubaix, Couzonau-Mont-d’Or, Valence, Courbevoie, Cavalaire-sur-Mer, Saint-Maur-desFossés, Carpentras, Courcouronnes… Au point que le collectif We Are From LA, qui désigne comme son nom ne l’indique pas le groupe de réalisateurs français à l’origine du clip original de Happy, a menacé de poursuivre en justice les listes dont les candidats continueraient de se dandiner sur YouTube. Ce panurgisme est en partie le résultat de l’activisme débridé de « We Are Happy From… ». Ce collectif un peu illuminé qui milite pour que la terre entière reproduise le clip de Pharrell Williams assure avoir suscité plus de 800 vidéos dans 93 pays. Des candidats ont trouvé d’autres sources d’inspiration avec des résultats contrastés. La palme du ridicule revient aux époux Balkany dont les supporteurs levalloisiens ont bidouillé une adaptation chantée (si l’on ose dire) d’une composition de JeanJacques Goldman. Lequel est, lui aussi, sorti de ses gonds pour intimer aux balkanolâtres l’ordre d’arrêter le massacre. Dans la catégorie « slogans à la noix », ces municipales auront livré leur habituel lot de kitsch politique. A Sevran, la figure du Front de gauche Clémentine Autain promettait « des vitamines pour les Sevranais » sur fond de clémentines, des fois qu’on n’ait pas saisi la blagounette. En vérité, tous ces à-peu-près sont le sel de la démocratie locale. Grâce à ces bricolages, on se sera un peu amusé pendant cette campagne municipale pas vraiment folichonne… En ce moment, mettre un zeste de bonne humeur dans la politique, ce n’est pas du luxe.

Retrouvez les déclarations des Décodeurs sur www.lemonde.fr/les-decodeurs. 29 mars 2014

Olivier Huitel/Crystal Pictures. Cécilia Garroni Parisi pour M Le magazine du Monde

LE DéCODEUr


CERTAINS RÊVENT D’ESCALADER DES SOMMETS, MOI JE SUIS PLUTÔT RUÉE VERS L’OR.

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la semaine.

est une tradition très française. en endossant une identité factice pour communiquer librement avec son avocat, Nicolas Sarkozy a ajouté un patronyme – celui de paul Bismuth – à une liste déjà longue. Dans la foulée des révélations sur les écoutes téléphoniques dont l’ancien président a fait l’objet du 28 janvier au 11 février, le choix du nom d’emprunt de l’ex-locataire de l’elysée s’avère malheureux et plutôt indélicat. le vrai paul Bismuth, agent immobilier à tel-Aviv, était un copain de lycée de Me thierry Herzog, qui a ouvert la ligne secrète de son client dans une boutique niçoise. et le « copain » n’a pas franchement apprécié d’être « utilisé comme un pion dans un sac de détritus », catapulté sur « une scène politique qui ne (l)’intéresse pas ». Malgré des explications confuses de Me Herzog, qu’il a appelé, paul Bismuth n’exclut pas de déposer plainte pour usurpation d’identité. Si l’affaire n’a pas fini d’amuser les membres du gouvernement – « Geneviève, tu as le bonjour de Paul Bismuth ! », a ainsi lancé Arnaud Montebourg à sa collègue Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur, lors d’une conférence de presse –, elle doit rappeler des souvenirs très anciens à François Hollande. en 1983,

politique

sous le pseudonyme de Caton, il s’était fait passer sur les ondes pour un « dirigeant de droite » auteur d’un pamphlet contre son propre camp – la droite donc. le véritable auteur du livre (intitulé De la reconquête) était le journaliste-essayiste de gauche André Bercoff. Sa voix étant connue de ses confrères, il avait fait appel au jeune et inconnu François Hollande, alors simple collaborateur d’un ministre du gouvernement Mauroy, pour faire le tour des radios en se faisant passer pour ce Caton. Jacques chirac faisait, lui, un usage plus privé de son pseudonyme. Alors maire de paris, il était tombé sous le charme de la journaliste de l’AFp qui suivait les affaires de la capitale. et avait pris l’habitude de téléphoner à sa dulcinée en se présentant comme « Monsieur Nicolas » si ce n’était pas elle qui décrochait. quant à François Fillon, il n’a jamais renoncé aux réseaux sociaux, y compris à Matignon. Mais… sous couverture. Après avoir avoué en 2011 qu’il « suivait discrètement » ministres et journalistes grâce à un compte anonyme sur twitter, il n’a pas fallu quinze minutes pour qu’il soit démasqué. François Fillon officiait sous le nom de @fdebeauce, référence à son manoir de Beaucé. Alors qu’il était premier ministre, lionel Jospin fut, lui, rattrapé par son pseudo. en 2001, deux biographies établissent qu’il fut un temps connu sous le prénom « Michel » au sein de la très trotskiste organisation communiste internationaliste (oCi), pour laquelle il avait, dès 1971, joué les « taupes » au parti socialiste. Après avoir assuré qu’on l’avait confondu avec son frère olivier, lui aussi militant à l’oCi, lionel Jospin dut finalement admettre l’évidence. Stéphanie Marteau

Faux et usage de faux (noms).

Avant Nicolas Sarkozy, qui utilisait le pseudo “Paul Bismuth” pour communiquer avec son avocat, d’autres politiques ont masqué leur identité pour rester incognito.

Sarkozy (ici, le 15 mars 2012) alias Paul Bismuth, le nom d’un copain de lycée de son avocat…

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eNviroNNeMeNt

L’engrais sème des particules.

L

a cause est entendue. la pollution de l’air par les microparticules, qui est à l’origine de la mise en place de la circulation alternée le 17 mars à paris, est largement imputable aux moteurs diesel, au chauffage urbain au fioul et au chauffage au bois. mais une étude du laboratoire des sciences du climat et de l’environnement (lsce) publiée le 21 mars met en évidence une autre source de production de microparticules : l’agriculture. selon les relevés réalisés par le laboratoire entre le 7 et le 15 mars, la moitié des pm2.5 (poussières les plus fines d’un diamètre inférieur à 2,5 microns) proviennent de nitrate d’ammonium, « un composé secondaire formé dans l’atmosphère à partir d’ammoniac et d’oxyde d’azote ». or « l’ammoniac est principalement émis par les activités agricoles », rappelle le lsce. un constat qui promet quelques réactions dans le camp des syndicats agricoles. « Aller chercher des poux sur les pollutions urbaines aux agriculteurs, qui, faut-il le préciser, ne travaillent pas en ville, est une provocation », avait lancé le 17 mars l’association générale des producteurs de blé, quelques jours après que le gouvernement a recommandé aux agriculteurs de « restreindre ou reporter » les épandages d’engrais et les travaux au sol. J.-M. N.

29 mars 2014

Lejeune/Photopqr/Le parisien/Maxppp. Dequest/BSIP

E

n politique, l’usage du pseudonyme



La semaine.

1.

13 septembre 2013. Hommage

Deux mois après avoir été reçue avec les honneurs à Moscou, la présidente du Front national livre dans Nice Matin un vibrant hommage à l’action de la Russie en Syrie. « On peut tirer notre chapeau à Vladimir Poutine qui […] apparaît comme celui capable d’apporter une solution diplomatique et pacifique à cette crise. »

Le roman-photo du Front national fan de Poutine.

2.

En annexant la Crimée, Vladimir Poutine s’est attiré des critiques internationales et… les louanges du parti d’extrême droite. Chez les Le Pen, on apprécie l’autocrate russe.

3.

4.

4 février 2014. Salut

Sur i-Télé, Marion MaréchalLe Pen, députée du Front national, rend à son tour hommage au président russe. « Monsieur Poutine est un patriote. Il défend les intérêts de son pays. Et je dois dire que ça fonctionne plutôt bien », lance-t-elle.

15 décembre 2013. Défense

« S’il y a deux pays où les homosexuels sont persécutés, c’est bien en Arabie saoudite et au Qatar. [...] Ce qui n’est pas le cas en Russie, je vous le signale quand même! », assure la présidente du Front national, interrogée sur France 5 à propos de la décision de François Hollande de ne pas participer à la cérémonie d’ouverture des JO de Sotchi.

5.

19 mars 2014. Sans-faute

Interrogé par BFMTV et RMC, JeanMarie Le Pen salue le « sans-faute » de Vladimir Poutine dans l’affaire de la Crimée « alors que les Américains, l’Union européenne se sont trompés dans tous les domaines : politique, historique, moral ». Selon lui, « le monde a la chance d’avoir un leader qui a du sang-froid ».

Jean-Michel Normand

26 -

29 mars 2014

Vincent Nguyen/Sipapress. Kirill Kudryavtsev/AFP. Maxim Shemetov/Reuters. Jaoued Idammou/Citizenside.com/AFP. Frédéric Lancelot/Réservoir Photo

13 octobre 2011. Admiration

« Je ne cache pas que, dans une certaine mesure, j’admire Vladimir Poutine », déclare Marine Le Pen dans le journal russe Kommersant. La France, dit-elle, « doit cesser de se soumettre aux Etats-Unis et se tourner vers la Russie ».



la semaine.

La liste Quillan, un nouveau souffle, classée à gauche, était notamment composée de candidats britanniques. La formation a obtenu 17 % des votes au premier tour des municipales, le 23 mars dans ce village de l’Aude.

élections

Des municipales “so british”.

Comment dit-on ballottage favorable en anglais ? Les 1525 Britanniques engagés dans les municipales françaises sont susceptibles de répondre à cette question. Ils représentent un quart des candidats étrangers.

ce tropisme “made in england” corrobore les donune cinquantaine de kilomètres au sud de

les rues de Quillan (Aude) bruissent d’accents d’outre-Manche. les bistrots organisent des soirées fish and chips, l’association Pudding club met sur pied des dégustations de spécialités anglaises et une « British cup » se dispute sur les terrains de pétanque. Personne, ici, n’est donc surpris de la présence parmi les candidats aux élections municipales de quatre ressortissants britanniques. Après un premier mandat « enrichissant », Francès edmonds, Quillanaise depuis 2003, a décidé de se représenter. cette ancienne londonienne de 60 ans, gérante d’une maison d’hôte et candidate sur une liste de gauche indépendante qui a obtenu 17 % des voix au premier tour, le 23 mars, souhaite « aider, servir d’intermédiaire » à ses compatriotes « dont beaucoup ne maîtrisent pas la langue française, ce qui les pénalise au quotidien ». inscrite à Quillan sur une autre liste de gauche, soutenue par le Parti socialiste (35,48 % des voix au premier tour), elisabeth surch se dit soucieuse de remercier les habitants pour leur accueil « chaleureux ». « Lorsque nous sommes arrivés il y a douze ans, nous avons été très bien reçus, se souvient cette agente dans l’immobilier de 58 ans. A mon tour désormais d’aider Quillan à aller de l’avant. » Venue de leicester, ville du centre de l’Angleterre, elle vante le dynamisme de la politique locale à la française, bien différente, selon elle, de la réalité britannique. Pouvoir croiser sur place des membres de l’équipe municipale rassure 28 -

carcassonne,

celles-ci indiquent qu’avec 1 525 candidats les sujets de sa Majesté constituent les résidents communautaires les plus nombreux à affronter le suffrage universel, soit plus d’un candidat étranger sur quatre. ils devancent les Belges (1 186) et les Portugais (1 045). en 2008, 411 conseillers municipaux britanniques – en France, les étrangers ne peuvent prétendre aux postes de maire ou d’adjoints au maire – avaient été élus, principalement en charente (50 élus), en Dordogne (38 élus), dans l’Aude (35 élus) et en Haute-Vienne (23 élus) où le village de Marval, 599 âmes, recense cette année pas moins de six candidats anglais. Pour l’essentiel (91 % des cas), ils se présentent dans les communes de moins de 3 500 habitants. A Paris, seule une Britannique s’est lancée dans l’aventure électorale. sarah Holman, installée dans la capitale depuis 1982, qui figurait sur une liste d’habitants du quartier de la Goutte-d’or – « Pari citoyen pour Paris 18 », qui a recueilli 1,86 % des voix au premier tour –, refuse d’être perçue comme une candidate étrangère. cette professeure d’anglais dans un lycée du 18 e arrondissement, soucieuse de voir les idées portées par sa liste peser dans le débat public, entendait se présenter « comme une citoyenne, avant tout ». Franck Berteau nées du ministère de l’intérieur.

29 mars 2014

Nicolas Van Den Bussche

A

la néo-Quillanaise qui, outre-Manche, devait faire près de 40 kilomètres pour entrer en contact avec les autorités de son « district ». Maurice Aragou, maire Ps sortant de Quillan, qui passe la main après trois mandats, se dit ravi de pouvoir entendre l’accent british lors des réunions du conseil. « Les Quillanais de souche n’ont pas les mêmes attentes que les nouveaux arrivants, analyse l’édile. Avoir une élue britannique permet de mieux les identifier. »



la semaine.

L

a toute-puissante agence de

renseignement américaine, la NSA – dont le Washington Post a révélé le 18 mars le programme Mystic permettant d’enregistrer tous les appels téléphoniques passés depuis un pays –, n’est pas la seule à jouer les Big Brother. Les services de police américains, français ou britanniques se prennent aussi pour des espions. Dans leur panoplie, le « Sting Ray » (une raie, poisson à la queue hérissée de piquants), comme on l’appelle au pays de l’Oncle Sam. Les Britanniques, eux, parlent d’« Imsi catcher », littéralement « attrapeur d’identité internationale d’abonné mobile » (International Mobile Subscriber Identity). En France, on fait discrètement référence à des « mallettes ». Quel que soit le nom qu’on lui prête, il s’agit d’un redoutable

SURvEILLANCE

Des écoutes sur place et à emporter.

Grâce au Sting Ray, un petit appareil permettant d’intercepter les communications de n’importe quel portable alentour, les polices américaine, mais aussi britannique et française jouent les apprenties espionnes. En toute opacité.

outil de surveillance : de la taille d’une valise, il se substitue aux antennes relais à l’insu des utilisateurs. Il peut repérer et écouter un téléphone portable à plusieurs kilomètres à la ronde et livrer tous les secrets d’un smartphone ou d’une tablette. « Aujourd’hui, il peut enregistrer les conversations téléphoniques, avoir accès aux textos… Ce qui n’était pas le cas il y a encore un an », fulmine Matthew Rice, de l’organisation à but non lucratif Privacy International, basée à Londres. « La police française en possède deux : une à Paris, une autre à Marseille », affirme Christopher Soghoian, expert en sécurité et consultant pour l’American Civil Liberties Union. Dès 2011, le quotidien anglais The Guardian révélait que la police de Londres, la Met, se serait elle aussi dotée d’appareils similaires. Début décembre outre-Atlantique, la presse a mis au jour l’utilisation de plus d’une centaine de Sting Ray dans plusieurs dizaines de villes. « Le plus souvent, les enquêteurs ne savent pas précisément ce qu’ils cherchent – les activités d’un groupe de dealers, le nom de manifestants, l’auteur d’un enlèvement… L’Imsi catcher permet d’aller à la pêche aux infos à l’aveugle, dans un quartier ou dans un centre commercial, et de recueillir ainsi les données de milliers d’utilisateurs », explique Matthew Rice. alors que le président Barack oBama a annoncé le 25 mars un plan législatif visant à mettre fin à la collecte massive de données téléphoniques par la NSA, les polices locales ne se privent pas d’écouter aux portes. Le quotidien américain USA Today a révélé qu’au moins vingt-cinq villes s’étaient dotées de tels appareils, il y a de cela plusieurs années. Les polices de Los Angeles, Miami, Fort Worth, San Francisco, Tucson, Seattle, d’Oakland, ou encore la petite agglomération de banlieue de Gilbert, en Arizona. Toutes ont déboursé près d’un demi-million de dollars pour acquérir cet outil de surveillance, destiné au départ aux militaires et aux agences de renseignement, grâce à des subventions de l’Etat fédéral. Aujourd’hui, les prix ont baissé et certains modèles sont disponibles pour quelques dizaines de milliers d’euros. « Ce qui va à l’évidence multiplier son utilisation, tempête Christopher Soghoian. C’est une technologie invasive de surveillance de masse qui permet à la police d’obtenir des informations sur des milliers de gens qui n’ont rien fait de mal. » Dans un rapport publié mi-décembre 2013, le Brennan Center for Justice de l’université de New York dénonce le « chaos organisé » résultant de cette politique du toutsécuritaire. Un système dans lequel les agences de police locale se sont soudainement vu attribuer des millions de dollars pour devenir les « yeux et les oreilles » des services de renseignement. « Mais comme la loi ne dit rien à ce sujet, nulle part, ni en France, ni en Grande-Bretagne, ni aux EtatsUnis, la police profite d’un vide juridique », déplore Christopher Soghoian. Elle se garde toutefois d’en faire la publicité et prend soin de masquer ses sources en justifiant l’obtention de certaines informations par les bons tuyaux d’« informateurs anonymes ». « Ce qui nous empêche de dénoncer ces pratiques avec des exemples précis à l’appui », souffle Matthew Rice. Louise Couvelaire

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Xinhua/Zuma/REA

Lors d’une manifestation contre la surveillance globale, le 26 octobre 2013, à Washington. 29 mars 2014


Qui est vraiment Enora Malagré ?

Pour se faire un nom à la télé, cette enfant de la radio, devenue un pilier de “Touche pas à mon poste” sur D8, mise sur un ton direct, quitte à parfois virer à la vulgarité. De quoi assurer le buzz. Protégée d’Hanouna Enora Malagré connaît l’animateur depuis près de quinze ans. C’est lui qui produit « Derrière le poste », la nouvelle émission qu’elle présente en prime-time sur D8. Elle y reçoit le gratin de la télévision, venu raconter les coulisses des événements marquants de leur carrière. “Racaille” bretonne Née à Morlaix, cette jeune femme de 33 ans qui a passé son adolescence dans les cités de Trappes (Yvelines) se définit comme « métisse ». Fan de rap et de culture hip-hop, elle assume son passé de « racaille ». « J’ai fait des bêtises, je n’en suis pas forcément fière, mais j’en parle un peu trop facilement », avoue-t-elle.

Actrice contrariée Sur les planches pendant dix ans, elle s’est essayée au théâtre d’avant-garde, aux performances de parole continue et se dit fan du sculpteur et metteur en scène radical Jan Fabre. Elle dit recevoir des propositions de rôles, mais selon elle, « il est plus facile de faire le guignol à la télévision ». Joël Morio

Maxime Bruno/D8

Risée du Net Abondamment moquée par les internautes après son interview chaotique de Pharrell Williams, qu’elle entama par un « ça va bébé ? », cette blonde souriante et affable affirme pourtant détester la télévision trash, particulièrement la télé-réalité où l’image des femmes est malmenée.

Bête de radio Elle a fait ses premiers pas à Radio Nova, sous l’œil bienveillant de Jean-François Bizot, avant de rejoindre Cauet sur NRJ et, depuis la rentrée, Virgin Radio. Entre 21 heures et minuit, elle a multiplié par deux l’audience avec une émission de libre antenne destinée aux adolescents. Sa recette : un mélange d’humour potache et de sexe, avec un zeste de sujets sérieux comme la lutte contre l’homophobie, un de ses chevaux de bataille.

31


la semaine.

Société

Le normal fait la différence. Jean, polaire, grosses chaussettes, à force de chercher à se démarquer, les branchés ont peu à peu adopté le “normcore” : un non-style qui prône le retour à la banalité. Comment être « in » tout en semblant « out »… Le terme « normcore » a déjà investi les réseaux sociaux.

problématique. « Quand les marges deviennent de plus en plus peuplées, la culture indie [indépendante] se tourne vers le milieu. Une fois réalisée la différenciation, le vrai cool est de tenter de maîtriser la normalité », résume le cabinet new-yorkais. « Aujourd’hui, on ne cherche plus à se différencier, mais à se perdre dans le collectif. On n’est plus dans le règne du “je” mais dans celui du “nous” », renchérit le sociologue Michel Maffesoli, qui vient de publier avec Hélène Strohl Les Nouveaux Bien-Pensants (Editions du Moment).

E

t si, Finalement, la mode avait Fini par avoir raison

de la mode ? Voilà l’idée qui sous-tend le mouvement « normcore », nouvelle marotte des chasseurs de tendances. Mot-valise composé à partir des termes « normal » et « hardcore » (« normal pur et dur », pourrait-on dire), le vocable a été popularisé par un article du New York Magazine publié le 26 février. La journaliste Fiona Duncan y raconte sa stupeur lorsque, partie en balade dans le quartier branché de SoHo, à Manhattan, elle s’est trouvée incapable de distinguer les jeunes à la mode des touristes ou des Américains moyens. tous arboraient le même uniforme stylistique : grosses chaussettes de sport, polaires multicolores, jeans droits et délavés, sandales. Un constat qui, selon l’auteure de l’article, rejoint un rapport du cabinet de tendances K-Hole daté d’octobre 2013, estimant qu’à l’heure d’internet et de l’hyperconnexion, le processus de différenciation est devenu vraiment

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les médias se sont enflammés pour le normcore, y associant des icônes comme Steve Jobs ou le comédien Jerry Seinfeld. ils auraient pu y ajouter François Hollande, qui maîtrise ce concept depuis quelque temps déjà. Le magazine américain GQ a proposé à ses lecteurs les dix indispensables de la panoplie normcore. En GrandeBretagne, The Guardian s’est demandé si l’on ne se trouvait pas en présence d’un « nouveau grand mouvement en mode ». Pourtant, ce qu’on qualifie aujourd’hui de « normcore » n’a pas grand-chose à voir avec l’analyse développée par K-Hole. comme elle l’a reconnu, la journaliste du New York Magazine a confondu le concept avec celui de l’« acting basic » (soit « l’appropriation esthétisée de ce qui est ordinaire ou grand public »). trop tard. Le terme « normcore » a déjà investi les réseaux sociaux et fait l’objet de près de 3 000 mentions twitter lors de la seule journée du 27 février, souligne Vincent Glad sur Slate.fr. Une plateforme de microblogging baptisée « We are normcore » a même été spécialement créée, compilant des citations potentielles des partisans du « non-style ». « Lui, il se fait jamais remarquer, du coup il cartonne avec les filles, c’est normal », peut-on notamment y lire. Si le mouvement a ses adeptes, il a aussi ses détracteurs : une extension est déjà disponible pour masquer toutes les occurrences du terme dans les recherches Google… Aude Lasjaunias 29 mars 2014

Amy Lombard

emboîtant le pas à l’article de Fiona duncan,


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La semaine.

ils font ça comme ça! Doreen Lawrence, qui siège à la Chambre des lords, a obtenu l’ouverture d’une nouvelle enquête contre Scotland Yard. Ici, le 22 avril 2013, avec le premier ministre David Cameron, le leader travailliste Ed Miliband et le maire de Londres Boris Johnson, lors de la messe anniversaire de la mort de son fils.

enquête marquée par de très graves dysfonctionnements. L’affaire semblait initialement plutôt simple à résoudre mais la police comme la justice s’en étaient désintéressées. Les parents de la victime, qui avaient dû mener l’enquête à leurs frais, avaient perdu le procès en 1996. Doreen Lawrence réussit aLors ce qui changera à jamais sa vie.

Royaume-uni

Elle parvient à rencontrer Jack Straw, ministre travailliste de l’intérieur de l’époque. L’extraordinaire calme de cette mère, aux phrases mesurées, faisant preuve d’une inaltérable politesse, convainc le ministre d’ouvrir une enquête publique sur le meurtre et la façon dont la police a agi. Trois ans plus tard, les conclusions sont sans appel. Si aucun des officiers n’a eu des propos ou une conduite ouvertement racistes, la somme de leurs décisions, allant systématiquement contre les parents de la victime, s’apparente à du racisme. Doreen Lawrence décide alors d’aller plus loin. Elle obtient que la loi rende possible la réouverture d’un dossier en cas de nouvelles preuves « irréfutables », permettant ainsi un réexamen des faits. En 2012, deux des assassins de son fils sont condamnés à des peines de prison ferme de quatorze et quinze ans. L’affaire est cependant loin d’être close. Celle qui est aujourd’hui Baroness Lawrence of Clarendon (la province où elle est née en Jamaïque) et siège à la Chambre des lords dans les rangs travaillistes met en évidence deux autres éléments choquants du traitement dont elle fut victime. Pendant l’enquête publique de 1999, des officiers de police l’ont espionnée. Se présentant comme des militants anti-racistes, ils ont cherché à connaître les éléments dont elle disposait contre Scotland Yard. Ensuite, elle soupçonne depuis le début l’un des enquêteurs qui travaillait sur le meurtre de son fils d’avoir été corrompu, recevant de l’argent du père de l’un des assassins. Un rapport officiel, remis fin février au gouvernement, accrédite ces deux thèses et la ministre de l’intérieur, Theresa May, a annoncé une nouvelle enquête publique qui tentera d’établir la vérité. Pour Doreen Lawrence, c’est une victoire supplémentaire. « Tout ce que je voulais, rappelle-t-elle pourtant, c’était que les assassins de mon fils soient arrêtés. » Eric Albert

Scotland Yard au banc des accusés.

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epuis L’assassinat, en 1993, De son fiLs stephen âgé

la détermination de Doreen Lawrence impressionne l’opinion britannique. Cette sexagénaire d’origine jamaïcaine, qui siège depuis août à la Chambre des lords et n’a cessé d’interpeller la justice et la police, a suscité un véritable tournant dans les relations interraciales au RoyaumeUni. Vingt et un ans après le crime qui a coûté la vie à son fils, poignardé à un arrêt de bus du sud de Londres par un gang raciste, cette mère en colère s’attaque de nouveau à Scotland Yard. Le 6 mars, elle a obtenu l’ouverture d’une enquête, pour mettre au jour l’espionnage dont elle aurait été victime par la police, ainsi qu’une possible corruption. En 1999, son combat avait déjà conduit à la conclusion que Scotland Yard était « institutionnellement raciste ». Odieux, l’assassinat de Stephen Lawrence avait fait l’objet d’une

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De 18 ans,

29 mars 2014

Facundo Arrizabalaga/Epa/Corbis

il y a vingt et un ans, le jeune Stephen était poignardé en raison de sa couleur de peau. Depuis, sa mère, Doreen Lawrence, a réussi à prouver que la police anglaise avait négligé l’enquête par racisme ordinaire.


Marc Beaugé rhabille… Jérôme Kerviel.

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à un journaliste, ne téléphone pas à son avocat, ne prend pas le temps d’un tiramisu dans une trattoria de bord de route ou ne scrute pas tout simplement l’horizon à la recherche d’un représentant de la Société générale armé d’un fusil longue portée, Jérôme Kerviel marche seul. Inspiré par une rencontre avec le pape, et peut-être, qui sait, par le visionnage d’une émission de randonnée type « Pékin Express », l’ex-tradeur a décidé de relier Rome à Paris à pied, comme pour mieux signifier qu’il se situe désormais du côté des marcheurs et non des marchés. De fait, hormis une paire de Ray-Ban Aviator marquée à tout jamais du sceau bling-bling du sarkozysme et lestée d’une valeur symbolique bien supérieure à sa valeur réelle, l’ex-pensionnaire de la Société générale ne porte sur lui aucun des stigmates de sa vie d’avant. Débarrassé du costume deux-boutons qui marqua un temps sa réussite professionnelle, puis continua de l’accompagner, tel un parachute doré, tout au long des premières années de sa chute, le beau barbu avance en randonneur trop bien équipé pour être honnête. pouR ACCoMpLiR CE pèLERinAgE invERsé, Kerviel a enfilé une veste de sport rouge faite d’une matière technique, lui permettant de transpirer sans avoir froid, tout en étant visible des conducteurs croisant son chemin. Chaussé d’une paire de chaussures de randonnée marron et rustique, l’ex-tradeur porte aussi sur le dos un sac orange d’une contenance approximative de vingt-cinq litres, soit assez pour entasser bien des choses…

Pascal Rossignol/Reuters

uAnD iL nE RéponD pAs

Illustration Peter Arkle pour M Le magazine du Monde

Car, ainsi vêtu de pièces sans le moindre intérêt esthétique mais parfaitement fonctionnelles, Jérôme Kerviel cache mal son jeu. Malgré ses déclarations rassurantes et sa volonté affichée de se soumettre aux décisions de justice, notre homme porte la tenue idéale pour s’évanouir dans la nature. Version polyester et Quechua du Robert De Niro de Voyage au bout de l’enfer ou du Burt Reynolds de Delivrance, l’ex-tradeur pourrait même ne plus jamais en sortir, pour peu qu’il ait pensé à entasser dans ce grand sac à dos, entre les rancœurs et l’amertume, quelques vivres et un réchaud… Puisque les treillis furent originellement équipés de poches aux genoux pour que les parachutistes y glissent une radio et une trousse de soins d’urgence, on peut également imaginer sans mal que Jérôme Kerviel aura placé dans les siennes un outil de communication discret et perfectionné, et de quoi soigner les blessures pouvant advenir lorsque l’on décide de vivre caché dans une forêt hostile… Mais, au fond, y a-t-il milieu plus hostile que la jungle de la finance?

Le buzz du Net

Pliés en quatre dans l’isoloir.

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ans nombre de bureaux de vote, faire son devoir d’électeur requiert de maîtriser l’art de l’origami. Lors du scrutin municipal du 23 mars, des électeurs se sont agacés de la grande taille des bulletins de vote, disproportionnée au regard de celle des petites enveloppes bleues estampillées « République française ». Au lendemain du premier tour, les réseaux sociaux ont résonné de leur grogne. « Le vrai challenge de cette élection, c’est réussir à plier une liste A4 dans une enveloppe de 5 cm… Bon sens de la technocratie française ! », ironise ainsi @KelianElla sur Twitter. D’autres utilisateurs du site de microblogging, comme @sandiet, ont préféré rebondir sur l’actualité. « Donc le truc de 22 mètres sur 13 mètres vu dans l’océan Indien est un bulletin de vote aux municipales françaises de 2014 », a posté l’internaute, en référence à l’avion disparu de Malaysia Airlines. Quelques-uns sont opportunément venus rappeler que c’est le très strict code électoral qui régit la dimension de ces bulletins, et impose un format A4 aux listes comportant plus de 31 noms. Ce qui n’a pas forcément atténué les récriminations. Dimanche, il faudra de nouveau plier le bulletin au moins trois fois avant de pouvoir l’insérer dans l’enveloppe. Franck Berteau 35


La semaine.

La photo

Yeux revolver. Alors qu’il rejoint le banc des accusés du tribunal de Pretoria, Oscar Pistorius est suivi du regard par June Steenkamp, la mère de sa petite amie Reeva qu’il a tuée de plusieurs coups de feu la nuit de la Saint-Valentin 2013. Suspendu le 25 mars, le procès du champion paralympique sud-africain devait reprendre le 28 à la demande de la défense, qui souhaite s’entretenir avec les témoins à charge n’ayant pas déposé… soit plus de 80 personnes.

Caractères chinois. Entrées fracassantes en Bourse, vues sur le New York Times… Les nouveaux “tycoons” de l’empire du Milieu passent à l’offensive.

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Jack Ma, l’e-humaniste

Le fondateur du site Alibaba.com, géant du e-commerce (mélange d’eBay, Amazon et de Paypal), prépare une entrée à Wall Street en levant 15 milliards de dollars. A 49 ans, le « Steve Jobs chinois » a pourtant pris du recul dans les affaires, en s’impliquant dans des projets humanitaires.

Li Ka-shing, le doyen

Businessman le plus riche d’Asie (sa fortune est évaluée à 31 milliards de dollars par Forbes), le milliardaire hongkongais de 85 ans vient d’annoncer l’introduction en Bourse, à Hongkong et Londres, de ses parapharmacies et ses supermarchés. Il s’était fait connaître en 2005 en rachetant Marionnaud.

Chen Guangbiao, l’ambitieux

Homme d’affaires mégalo et écolo – il a fait fortune dans le traitement des déchets et lutte contre l’« airpocalypse » en Chine –, ce semimilliardaire lorgne sur le New York Times, fleuron de la presse américaine. Sans succès pour l’instant. J.-M. N.

Articles, témoignages, émissions de télévision, rapports accablants… Les enfants rois et leurs « parents hélicoptères » (le terme désigne ces hyper-parents à la botte de leur progéniture) font régulièrement l’objet de critiques véhémentes. Mais voilà une étude qui devrait leur mettre du baume au cœur. Réalisée par des chercheurs de l’université McGill, à Montréal, elle met en garde les parents qui privilégient une éducation stricte. Menée auprès de plus de 37 000 enfants entre 0 et 11 ans, elle révèle que les enfants dont les parents font preuve d’autorité sans justifier ni expliquer les règles et sans geste d’affection sont en moyenne 30 % plus exposés à l’obésité entre 2 et 5 ans, et 37 % plus exposés entre 6 et 11 ans. Sévère retour de bâton pour Amy Chua, la Tiger mom (« mère tigre ») la plus redoutée au monde qui, aux Etats-Unis, faisait en 2011 l’éloge de l’éducation à la baguette. L. Ce

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Ihsaan Haffejee/Reuters. Roos Koole/ANP/AFP. Kin Cheung/AP/Sipa. Sunny Mok/EyePress/Newscom/Sipa. Shannon Stapleton/Reuters

L’enfant roi prend moins de poids.


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La semaine.

Les questions subsidiaires

2048 sera-t-il fini en 2014 ?

7,2 millions d’internautes

sont déjà devenus accros à « 2048 », un jeu puzzle de calcul mental. Lancé le 9 mars dernier, il a été inventé par un développeur Web italien, Gabriele Cirulli (20 ans), résolument anticonformiste. A l’AFP, le jeune concepteur a fait savoir qu’il « [s]’interdit de gagner de l’argent » avec ce jeu. Il a aussi précisé qu’il n’a « encore jamais réussi à gagner » une seule partie. Jusqu’alors, 1 % seulement des 75 millions de parties de « 2048 » entamées ont pu être menées à bien.

Le mois dernier, à San Francisco, une scout âgée de 13 ans a vendu 117 boîtes de cookies en moins de deux heures. Un record. Le secret de cette fulgurante réussite ? Sachant que la consommation de cannabis donne la fringale, l’adolescente s’était postée devant un dispensaire de marijuana médicale. Quelques jours plus tard, une autre scout de Phoenix, dans l’Arizona, suivait déjà son exemple. Depuis, les dispensaires achètent eux-mêmes des boîtes de gâteaux aux scouts pour les offrir à leurs clients. Louise Couvelaire

Le football rendil pingre ? L’Euro 2016

de football, qui aura lieu en France, prévoit de dégager un chiffre d’affaires de 1 milliard d’euros. Malgré cette coquette somme, le comité d’organisation compte mettre à contribution 6 000 bénévoles pour gérer l’accueil dans les stades. L’Urssaf, qui s’interroge sur le statut de ces volontaires, susceptible d’être assimilé à du travail dissimulé, a prévu de rencontrer la Fédération française pour clarifier la situation. L. T.

DR. David McNew/Getty/AFP

Laurent Telo

Les scouts sont-ils des vendeurs en herbe?

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Juste un mot Bâtard. Par Didier Pourquery

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Bien sûr, c’est avant tout un enfant adultérin (et on peut imaginer qu’à 5 heures, le boulanger ayant rempli ses panières, bref). Parfois, ces descendants illégitimes nés dans des familles royales gardaient comme un titre le qualificatif de « grand bâtard ». Mais, la plupart du temps, un bâtard était une mauvaise nouvelle. Le terme vient du vieux français bastard et du latin médiéval bastardus. L’origine plus ancienne est discutée: du vieux germain böst (l’union) ou du vieux français fils de bast (né sur une charrette). On sait que bâtard désigne aussi des chiens – ou d’autres animaux, mais surtout des chiens – issus de croisements incertains, ce qui donne une autre perspective à l’injure.

plutôt que c…rds, par exemple ? Le bâtard, on l’a vu, est un entre-deux, un ni-ni. Comme le chante Stromae : « Ni l’un ni l’autre. Bâtard tu es, tu l’étais, et tu le restes ! » Le bâtard serait indistinct, trouble, imprévisible par là même ; il ne serait pas fiable car ses origines elles-mêmes ne sont pas claires. Il fait des coups en douce, parderrière, des « trucs de bâtard » comme le chantait il y a dix ans le rappeur Ol’Kainry dans son morceau Scènes de bâtard. Le bâtard n’est vraiment pas fiable. Et quand il est juge, à lire la conversation privée citée plus haut, c’est encore pire : il pourrait même faire triompher le droit, et la justice, qui sait. Un comble !

Quand je Qualifie Quel­ Qu’un de bâtard, c’est

évidemment à sa mère que Le bâtard est un entre-deux, je fais allusion – classique dans les agressions verun ni-ni. Indistinct, trouble, imprévisible bales de ces dernières années (ta mère) – mais, il ne serait pas fiable car ses origines de plus, c’est à un chien elles-mêmes ne sont pas claires. que je le compare. « Quoi ! Tu m’traites ? », Il fait des coups en douce, entends-je souvent dans par-derrière, des “trucs de bâtard”. mon métro. Pas besoin d’en rajouter, on sait qu’entre autres fantaisies on peut se faire « traiter » de bâtard (prononcez bâââtard !) En anglais, l’injure bastard est commune pour traiter quelqu’un de salopard (comme dans les films Les Douze Salopards ou Inglourious Basterds) ou de salaud. Même chose en espagnol où bastardo se rapproche de cabrón ou hijo de puta. Notons enfin que, dans l’argot français de la fin du xixe siècle, le « bastard » désignait l’ensemble des métaux et matériaux chapardés sur les chantiers. Des éléments de peu de valeur, sauf pour les chiffonniers et autres ferrailleurs. Donc, quand l’avocat célèbre parle des juges bordelais en les « traitant », il fait allusion à tout cela à la fois. Mais pourquoi choisit-il ce mot-là, précisément – ce mot « djeun », banlieusard –,

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Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde

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dans la presse les transcriptions d’écoutes téléphoniques d’une conversation entre un personnage politique de premier plan et son avocat célèbre. De rudes et mâles propos, en vérité. Audiard n’en aurait pas renié certains. Soudain, au détour de ces échanges, ils en viennent à parler de « ces bâtards de Bordeaux ». Mon sang d’Aquitain ne fait qu’un tour et je tends l’oreille (façon de parler, puisque je lisais tout ça). En l’occurrence, il s’agissait de juges officiant sur les bords de Garonne. N’empêche, l’irruption d’un qualificatif typiquement « rappeur » dans un dialogue de personnages publics en dit long : d’abord, sur le niveau de langue réel des hommes de pouvoir en privé (une langue ordinaire, comme la nôtre) ; ensuite, sur le succès de ce vocable ces dernières années. En effet, reportons-nous quelques décennies en arrière, le mot bâtard n’était pas vraiment une injure commune. Il parlait d’autre chose. Ainsi, dans Il est 5 heures, Paris s’éveille, chantée par Jacques Dutronc en mars 1968, on entend : « Les boulangers font des bâtards. » Ce pain se classe entre la baguette et la grosse miche. Comme la pâte bâtarde, qui n’est ni dure ni molle. Le bâtard est un entre-deux, un ni-ni. e lisais récemment


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L’HISTOIRE DE MANON KENNETH MACMILLAN PAQUITA PIERRE LACOTTE LES ENFANTS DU PARADIS JOSÉ MARTINEZ

LA SOURCE JEAN-GUILLAUME BART BALLET ROYAL DE SUÈDE COMPAGNIE INVITÉE RÉPLIQUES SALUT ANDRÉAURIA NICOLAS PAUL PIERRE RIGAL ÉDOUARD LOCK

MONTRE DE L’OPÉRA

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Le Magazine / Portrait / Analyse / Reportage / Enquête / Portfolio /

Edwy Plenel Le coup d’éclat permanent.

A 61 ans, le journaliste a toujours la même obsession : traquer à tout prix le mensonge d’Etat. Affaires Karachi, Bettencourt, Cahuzac… Toutes portent le sceau de Mediapart, le site que l’ancien directeur de la rédaction du “Monde” a fondé il y a six ans. Robin des bois du journalisme pour certains, Edwy Plenel a pour d’autres des méthodes sujettes à caution. Par Judith Perrignon/Photos Jonas Unger

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e revoilà dans « le Monde ». Mais comme un sujet qui monte, un personnage que les moins de 30 ans associent à Mediapart, Bettencourt, Cahuzac, pour ne pas dire Zorro, la moustache plus épaisse. Ils l’ont vu au « Grand Journal » de Canal+, il y a trois semaines, quitter le plateau parce que Brice Hortefeux ne voulait pas s’asseoir à côté de lui. Edwy Plenel riait en coulisses et encore à l’image, heureux d’être l’affreux jojo, quand d’autres journalistes qui, pourtant, ne l’apprécient guère reprenaient les révélations de Mediapart pour poser les questions dérangeantes à sa place. Il riait, très conscient de l’effet que produisait son éviction, il riait de les déranger tous. Encore et encore. Son dernier livre, Dire non (Don Quichotte), commence par une belle et vieille phrase qui franchit allègrement les siècles : « Le vieux monde se meurt, le nouveau tarde à apparaître et, dans ce clair-obscur, surgissent les monstres. » Gramsci en prison. 1936. La sentence va comme un gant à notre époque, comme lui qui voudrait en être l’éclaireur. Il chevauche la phrase, comme la sorcière son balai, il voudrait voyager avec elle, être la phrase, intemporel comme elle, avoir été des utopies révolutionnaires et être toujours l’avant-garde à 61 ans. Avoir été le journaliste encombrant des années Mitterrand, lequel le mit sur écoutes, être le cauchemar d’un futur Sarkozy II, devenir un jour celui d’un Valls. Avoir été le capitaine du journal Le Monde pendant près de dix ans, être le créateur de Mediapart, sauveur du journalisme sur Internet – lieu d’une humanité spontanée et souvent sans mémoire. Y serait-il parvenu ? On peut « liker » Edwy Plenel sur Facebook, 24000 personnes le suivent. Fêter ce mois-ci les 6 ans de Mediapart et ses 87000 abonnés. Ou simplement admettre que personne n’y croyait au départ, à son journal généraliste en ligne, payant, hors flux continu, et qu’il y est parvenu. L’emblème du site est d’un autre temps, un crieur de journaux comme il en courait dans Paris à la fin du xixe siècle, la France enterrait Hugo, fourmillait de ligues, de libres penseurs, d’anarchistes, de royalistes, de communistes, de réactionnaires, les rotatives avaient à peine un siècle, elles tournaient à plein, libéraient la parole, pour le meilleur et pour le pire… comme Internet aujourd’hui. « C’est une gravure de la fin du xixe siècle, c’était devenu l’emblème des éditions Maspero qui ont tant marqué ma jeunesse. Je l’ai ressorti quand on a créé Mediapart et un dessinateur l’a réactualisé. » Trois temps en un : la genèse, la jeunesse, le présent. Il y a, au gré des livres qu’il écrit depuis vingt ans, cette question qui revient : « Comment se déprendre sans se défaire?», cette affirmation aussi: « Je changeais et je ne changeais pas. » Etre et avoir été. Le journalisme n’est pas toujours ingrat pour ses anciennes figures, il leur offre des chroniques, des éditos, des cases à la télévision du flux continu, où leur nom pâlit tranquillement. Lui demeure, en première ligne. Dinosaure moderne. Son père est mort au mois de novembre 2013. Une crise cardiaque à 91 ans. C’était un lundi. Par chance, le fils, qui n’appelait pas souvent – «Allô, c’est le fils indigne », disait-il –, avait, depuis l’automne, pris l’habitude de dîner avec lui deux fois par mois à Neuchâtel, en Suisse, le dimanche soir. C’est là que vivait le père, « sans être un exilé fiscal », là que, tous les quinze jours, le lundi, le fils s’en va donner des leçons de journalisme à l’université. Il avait donc pris l’habitude d’arriver la veille pour dîner avec son père. Pour leur dernier repas, ils prirent des huîtres d’Arcachon et une sole. Le lendemain, le cœur d’Alain Plénel a lâché. Et quelques jours après son incinération, on lisait dans le blog d’Edwy Plenel, en date du 24 novembre, entre un hommage aux journalistes de

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RFI assassinés au Mali et un appel à la mobilisation contre le racisme, une parenthèse personnelle, pas tout à fait son genre : In Memoriam Alain Plénel. «C’est l’histoire d’un homme dont la vie a été déterminée par un simple “non”. » Il était inspecteur d’académie, vice-recteur de Martinique et, alors qu’il inaugurait une école primaire en décembre 1959, il choisit de lui donner le nom d’un jeune adolescent noir, Christian Marajo, qui venait d’être tué par les forces de l’ordre réprimant la révolte des populations de l’île. La France était en pleine guerre coloniale. La haute administration, depuis Paris, le somma de faire marche arrière, il refusa, fut rapatrié avec sa famille, et même interdit de quitter le territoire pour éviter qu’il ne retourne à Fort-de-France qui en avait fait son héros. Le haut fonctionnaire attaqua la décision du gouvernement devant les tribunaux, puis déclara « la Martinique colonie française », dans une interview au journal Révolution africaine. Il fut aussitôt rétrogradé au rang de professeur, muté à ClermontFerrand. Il s’en alla clandestinement avec les siens et, ultime bras d’honneur à la France, rejoignit l’Algérie indépendante et fraîchement victorieuse pour y enseigner. Cette histoire est aussi celle de son fils, qui avait 8 ans. Il a connu l’arrachement à son paradis d’enfance, ressenti la colère de l’homme noir, la chape de l’Etat gaulliste, écouté aux portes d’une fragile libération algérienne, admiré le courage et l’orgueil de son père, au point que l’on ne sache rien de sa mère décédée il y a des années. Edwy Plenel conclut ainsi son blog endeuillé : « Le jour même de cette crémation, jeudi 21 novembre, la terre a tremblé en Bretagne, plus précisément près de Vannes, dans ce Morbihan où il avait vécu et d’où est originaire en bonne part la famille. Un séisme de magnitude 4,7 et d’une durée de 30 secondes. Comme si les Antilles caribéennes qui déterminèrent sa vie, archipel de volcans, cyclones et tremblements de terre, le saluaient jusque dans sa terre natale. » La Bretagne d’où lui vient ce prénom peu banal, Edwy, a peut-être tremblé. Lui surtout. il y a toujours eu coMMe un télégraphe enfoui entre le fils et le père.

« Une dette à honorer, vis-à-vis d’un père et d’une mère qui […] payèrent le prix de leurs convictions dans une grande et longue solitude », écrit-il dans Secrets de jeunesse (Stock, 2001). Son père a dit plus tard de son parcours: « J’étais vu comme le représentant des révoltes coloniales. » Le fils prolonge, il a écrit déjà«ce sentiment d’être à la fois dedans et dehors qui fait [son] rapport à la France ». Dire non, titre de son dernier livre, est comme un écho au “non” paternel qui a fait son éducation. Lors de leur dernier repas, le vieil homme avait comme souvent dans ce genre d’histoire déclaré : «Moi, je suis en pleine forme.» Et à son activiste de fils :«Ménage-toi.» Comme s’il savait quelle part lui revient des obsessions de son fils. Edwy Plenel est né chez les vaincus. Il sait combien ces vaincus-là sont magnifiques mais seuls. Alors il s’est toujours cherché des armes et des compagnons d’armes. Il n’est pas sur le pavé parisien de Mai 68, car il n’est encore qu’un fils d’exilé à Alger. Mais au lycée Victor-Hugo, il crée avec quelques-uns service d’ordre et journal, se trouve un pseudo, Krasny, qui signifie « rouge » en russe, mais aussi « beau » en tchèque. A qui lui reproche l’usage du pseudo, il répond : « Krasny ne laissera pas la place à Plénel. Plénel est mort, que Krasny vive si toutefois on lui en laisse le temps. » (Cité dans Enquête sur Edwy Plenel, de Laurent Huberson, Le Cherche midi). Il n’a pas 17 ans. Il n’a pas encore abandonné l’accent sur son nom. « Autoengendrement démiurgique », écrira-t-il plus tard dans Secrets de jeunesse. Est-ce un sourire ou un aveu? Puis il rejoint la France, la JCR, jeunesse antistalinienne de la Ligue communiste révolutionnaire, néglige les études qui s’annoncent brillantes, lâche Sciences Po, se lance à corps perdu en politique. C’est à un congrès de la LCR à Rouen, qu’il rencontre sa femme, Nicole Lapierre, elle a pour pseudo « Emmanuelle », elle lui fait grand effet lorsqu’elle discourt à la tribune. Elle est aujourd’hui Photos Jonas Unger pour M Le magazine du Monde – 29 mars 2014


“Brûlant, inquiet, curieux, méticuleux, obsessionnel”… Autant de mots qui reviendront au fil de sa vie dans la bouche de ceux qui l’aiment comme dans celle de ceux qu’il insupporte. sociologue et anthropologue, directrice de recherche au CNRS et un personnage pilier de son existence. Ils ont une fille. Elle se souvient avoir, dès leur rencontre, mesuré l’empreinte laissée par l’histoire paternelle. « Son père n’avait pas encore été totalement réhabilité, il travaillait pour l’Unesco en Inde. S’il était ailleurs, c’est qu’il n’avait ni statut ni travail en France. » L’avocat Jean-Pierre Mignard le rencontre à peu près au même moment, dans les cercles étudiants, il se rappelle « quelqu’un de brûlant, inquiet, curieux, anxieux, méticuleux et obsessionnel ». Brûlant, inquiet, curieux, anxieux, méticuleux et obsessionnel.Autant de mots qui reviendront au fil de sa vie dans la bouche de ceux qui l’aiment comme dans celle de ceux qu’il insupporte.

Tout commence vraiment à l’été 1982 : il n’y a pas grand monde à la rédaction du Monde où il travaille depuis deux ans, il se retrouve à couvrir en catastrophe l’attentat antisémite de la rue des Rosiers. Ce fils de vice-recteur avait jusqu’alors traité l’éducation, le voilà qui côtoie la police, l’enquête. « Je suis passé de gommes et crayons à casques et matraques. » Il n’en sortira plus. La police a ses passages souterrains vers le cerveau de l’Etat. Le voilà qui met à nu la guerre police-gendarmerie, surveille la cellule antiterroriste de l’Elysée, et révèle que les trois militants irlandais arrêtés à Vincennes n’ont rien à voir avec les dangereux terroristes que l’Elysée a donnés en pâture aux journaux. « Il faudra tout de même qu’on sache qui est vraiment ce M. Plenel », aurait alors dit Mitterrand. En ces années-là, au Monde, on peut encore croiser le fondateur, Hubert Beuve-Méry, dans l’ascenseur, Plenel a 30 ans, des cherotskiste un jour, trotskiste toujours », disent cermises noires déjà, sa moustache déjà, il fume le cigare, il a l’air tains à son sujet, pour résumer la suite de son d’un Sud-Américain, reconnaissable entre tous, physiquement parcours, comme une bonne vieille entreprise pas le genre de la maison. Il n’est pas un séducteur de femmes, d’entrisme chère à l’extrême gauche. Il y a appris il ne s’adresse bien souvent qu’aux hommes, mais il a l’aura de la dialectique, rencontré la femme de sa vie, des la conviction, du secret, et la virilité de ceux qui cherchent les amis qu’il a gardés, la figure de Daniel Bensaïd qui lui a donné à coups. Il rend ses papiers à la dernière minute, ce qui évite que lire et découvrir, et il revendique encore un « trotskisme cultu- son chef de service ne lui demande trop d’explications et de rerel ». Mais le trotskisme n’était finalement que l’instrument touches. Il est comme le joueur de poker, et c’est sur la foi d’une d’une enfance revancharde et l’expression d’une jeunesse de seule source qu’il offre au Monde, avec Bertrand Le Gendre, l’un son temps. « Ce n’était pas un tribun, un homme de meeting, mais de ses plus beaux scoops en 1985 : le Rainbow Warrior, bateau de un meneur discret et déjà une plume acerbe et astucieuse, qui restait Greenpeace coulé par une troisième équipe de la DGSE, dont la proche des Antilles et traitait à Rouge l’éducation. Quand il nous a « une » est encore affichée dans le hall du journal. Et il bluffe quittés, ce n’était pas comme une rupture », se souvient Alain Kri- quand on le freine.« Je me rappelle que j’avais des doutes au moment vine. C’était en 1979. « J’avais trouvé en chemin un métier qui était où il travaillait avec Georges Marion sur l’affaire Pechiney, en 1989, le journalisme. En 1970, je vendais Rouge dans la rue. Je criais : se souvient Jean-Yves Lhomeau, alors chef du service politique. “Demandez ! Lisez le seul journal qui annonce la couleur !” Un Un jour, il m’appelle de l’autre bout du couloir, il me dit : “Viens!” Il journal, c’est chercher le lecteur », affirme Plenel. Il était le crieur met le haut-parleur et me fait écouter une conversation en cours très qui tient aujourd’hui lieu d’emblème à Mediapart. Il avait trouvé éclairante sur le dossier en me soufflant que c’est le directeur des RG. sa voie, son arme. Sa cible : « Le cerveau reptilien de l’Etat. » Il J’apprendrai plus tard que c’était un simple flic de base! Mais leur emploie souvent l’expression, c’est un homme à formules. On dossier tenait et ça m’a fait rire. » C’est que souvent ses intuitions sont bonnes. Et même ceux qui s’en méfient le (Suite page 50) ••• dirait un long fleuve poisseux au bord duquel il aurait grandi.

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Souvent, ses intuitions sont bonnes. Même ceux qui s’en méfient le reconnaissent : il voit venir les coups. Comme si le mensonge d’Etat avait pour lui une odeur familière.

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Une conférence de rédaction à Mediapart. Edwy Plenel n’y assiste que rarement. S’il n’enquête plus, il maintient la pression sur son équipe. La consigne : suivre l’argent, le tracer, remonter les pistes.

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Face cachée du Monde, tout explose, le triumvirat tendu et hétéroclite du sommet comme la rédaction, épuisée, qui ne le soutient pas. Le livre relève du pamphlet plus que de l’enquête, manipule son histoire, celle de son père, pour en faire le ferment d’une haine de la France.Il enrage.Son père,lui,fait les comptes :on dénombre dans ce livre plus de patronyme Plenel que de pages. Il est poussé à démissionner de son poste de directeur de la rédaction.Et,par un de ces étranges hasards de calendrier, s’ouvre, en février 2005, le procès des écoutes au temps de Mitterrand, temps de la splendeur plenélienne. On peut y entendre Roland Dumas déclarer sous serment tenir de feu Mitterrand que Plenel était un «agent de la CIA», même mensonge que dans le Péan-Cohen. Dans les couloirs du Palais de justice, le vieux débrouille-tout du mitterrandisme vient tout de même saluer, il tend la main. Le mathématicien Michel Broué, ami de Plenel, la refuse : « Vous êtes la lie de la République », lui lance-t-il. « Mais tais-toi », soupire Plenel, qui ne serre pas non plus la main de Dumas. Peu de temps après, Le Monde se sépare Plenel a une cause. un Graal. Et fait d’ailleurs remarquer que l’imdéfinitivement de lui. « Aucun regret, aucun remord, la page est tourmeuble du boulevard des Italiens, ancien siège du Monde où il a née », affirme-t-il aujourd’hui, persuadé que son éviction avait éclos,est aujourd’hui celui des magistrats du pôle financier de Paris. quelque chose à voir avec l’élection qui se préparait alors, celle de « Mais là où était mon bureau, ce sont les toilettes aujourd’hui », sourit- Nicolas Sarkozy. Car il n’en aura jamais terminé de son tête-à-tête il.Il faut toujours se méfier chez lui d’un excès de modestie :il vient avec l’Etat. Mediapart naît deux ans plus tard, le temps de regarder juste de suggérer qu’il était aux fondations de l’investigation finan- vers Libé en crise et de comprendre qu’il ne retrouvera pas de jourcière. Ce qui n’est pas totalement faux : il a fallu les révélations de nal papier, aucun actionnaire ne veut de lui; le temps d’écrire un la presse pour acculer les gouvernants à créer en 1999 cette équipe livre de questions-réponses avec un François Hollande rodant son de magistrats qui allaient bientôt devenir aussi médiatiques qu’eux. ambition en 2006 – «un livre où les questions sont plus longues que les Plenel devait finir au sommet. Il dirige la rédaction du Monde de réponses », sourira le futur président; le temps de s’intéresser à la 1996 à 2004, allié à des hommes qui ne lui ressemblent pas : Jean- campagne de Ségolène Royal, qui vint dîner chez lui pour y renMarie Colombani, directeur de la publication, qu’il admira avant contrer quelques-uns de ses proches. « Nous ne voulions pas que de le haïr, et Alain Minc. Il y aurait bien des façons de raconter Sarkozy passe », explique Michel Broué, présent ce soir-là. l’histoire, elle a fini douloureusement pour lui et pour le journal. Disons que les reproches et les louanges ne s’annulent pas mais ais c’est de l’ennemi que viendra le salut. Du s’additionnent, éclairant un journaliste brillant, acharné au travail, combat, encore. Sarkozy est élu en mai 2007. mais doté d’une main de fer. Voilà un homme qui d’une même Mediapart naît à peine un an plus tard, le phrase galvanise ou écrase,dont la fureur de convaincre peut glisser 16 mars 2008. Edwy Plenel s’endette, met vers la tyrannie, qui vous embauche en vous condamnant au scoop 550000 euros au pot, soit le tiers du capital de – «faut que ça se voie » –, qui fait d’une conférence de rédaction un long soliloque confiscatoire mais laisse tout le monde admiratif au départ. Le reste vient des autres fondateurs, du réseau, des amis lendemain des attentats du 11-Septembre lorsqu’il ébauche à voix – dont Stéphane Hessel – et de quelques mécènes, dont Xavier haute ce que doit être un journal à la hauteur de l’événement. Niel (actionnaire du Monde à titre privé). Il a aujourd’hui un salaire Il digère et comprend vite, peut ne rien savoir du Kosovo un jour net de 5775 euros (l’échelle des salaires va de 1 à 4) sur lesquels il et beaucoup le lendemain,parce qu’il a lu dans la nuit.Il considère, rembourse chaque mois 3 900 euros du prêt. Il a choisi le nom, lorsqu’on a raison, qu’on peut tricher un peu. Il n’aime pas le jour- Mediapart, contre l’avis des autres. Ce raccourci des médias partinalisme politique,« journalisme de fréquentation », assène-t-il.Mais cipatifs qui fleurissent partout dans le monde lui semble de bon la politique le fascine.« Il y a un danger à l’ironie systématique, tu vas augure. Plenel, homme du papier, des livres, des idées, va prendre finir par détester les politiques et ne plus aller voter », dit-il à l’une des le virage numérique. Et, lorsqu’il faut aller tracter dans une manif plumes du service qu’il délocalisera.Les déteste-t-il,lui? Il en a une pour faire connaître ce site en plein lancement,retrouver son savoirimage dégradée, mais il possède son réseau, et même ses tocades faire de militant. « C’est lui qui en a distribué le plus », se souvient naïves. Ce qu’il aimera chez Dominique de Villepin, c’est parado- François Bonnet,numéro deux de la rédaction et ancien du Monde. xalement son panache, qui lui rappelle sans doute le sien, et sa Car c’est toujours la même histoire, la même boucle qui se proscience du complot. Il a d’ailleurs un point commun avec les poli- longe, il n’y a que l’outil qui change.« Après le paquebot Le Monde, tiques : on est avec lui ou contre lui. Il a ses lieutenants. Bientôt ses une vedette rapide », dit-il. L’avocat du site – personnage central disciples.Et Le Monde, sous son impulsion,se modernise et se vend pour un organe souvent cité à comparaître – n’est autre que celui de plus en plus. Il a le goût de l’enquête, l’énergie du petit matin, qui le défendait déjà quand l’armée l’enferma au mitard pour avoir mais aussi celui de la mise en scène. Quand le journal se procure et défendu la libre expression des soldats il y a quarante ans, son ami décrypte la cassette Méry (aveux posthumes d’un ancien financier Jean-Pierre Mignard, également celui de Hollande, qui glissait au du RPR), Edwy Plenel décide de n’en publier que la moitié le président inquiet,alors que Mediapart accusait Cahuzac d’avoir des premier jour. « De toute façon, tout est dans la première moitié. Mais comptes en Suisse : « Ce sont des journalistes sérieux. » on fera deux bonnes ventes », lâche-t-il alors. Il est à la tête d’un pa- Le journaliste chargé de l’investigation, c’est Fabrice Arfi, fils de quebot, d’une institution dont les choix et les articles sont guettés l’un de ses anciens informateurs, inspecteur de la brigade finanau sommet de l’Etat,il est au meilleur poste de combat,de là il peut cière. Il y a là aussi, parmi les 33 journalistes de la rédaction, beauprétendre sauver la République, saboter ses silences et ses men- coup de jeunes, qui ont grandi en même temps que la critique des songes. Il s’isole pourtant d’une rédaction, fatiguée de ce prêcheur médias et de leur connivence.Les jeunes journalistes politiques de sans humour. Il peut être très dur, inquisiteur, diviseur. Mais aussi Mediapart ne sont, par exemple, pas de ces pools de déjeuners où au bord des larmes. Ne faut-il pas aux hommes un trouble profond les confrères parlent off avec un ministre et ne se lèvent pas quand pour pleurer? Son orgueil et son idéal ne font plus qu’un. Alors, François Hollande entre dans le salon de l’Elysée pour sa conféquand, en 2003, sort le livre de Pierre Péan et Philippe Cohen, La rence de presse. « Mediapart réunit deux générations, ça lui a fait

reconnaissent : il voit venir les coups. Comme si le mensonge d’Etat avait pour lui une odeur familière. Il travaille alors en tandem. « J’ai installé la signature multiple, on ne fait pas bien ce métier tout seul, vous êtes en risque. » A-t-il besoin de garde-fou, qu’on le retienne, qu’on l’équilibre ? Sent-il que ce qui l’obsède peut le faire aller trop loin? « Il faut penser contre soi-même », c’est une autre de ses formules. Eviter d’y croire juste parce qu’on a envie d’y croire. C’est arrivé, pourtant. Il écrira, en 1991, sur la base d’un faux grossier, que le régime du général Noriega a financé la campagne présidentielle de Mitterrand en 1988.Plus tard,alors qu’il dirige le journal,il croira à cette sombre rumeur qui mêla,pendant quelques semaines,Dominique Baudis à une série de meurtres et de viols. Mais son palmarès d’investigateur a digéré ces histoires, elles ont fini par être oubliées, jetées aux poubelles du journalisme, suscitant tout de même des alertes et laissant des blessures au sein de la rédaction.

(Suite de la page 47) •••

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beaucoup de bien. C’est le vieux de cette aventure mais ça lui a donné une forme d’apaisement », explique sa femme Nicole Lapierre. Il vante également ce contact permanent aux lecteurs qu’on n’a pas dans le journal papier, les abonnés du site réagissent et apportent leurs contributions via le Club Mediapart. « On est descendu de l’estrade, on a été rajeuni », confie Plenel. Son cheveu toujours noir, sa silhouette impeccable dans ses costumes tout aussi noirs, ses yeux qu’il plisse sans jamais s’armer de lunettes, trahissent un souci de jeunesse, ou de fidélité à sa jeunesse. Il ne participe que très rarement aux conférences de rédaction, n’enquête plus vraiment, laisse ça aux autres, tout en maintenant la pression, le cap : « Follow the money. » C’est la consigne : suivre l’argent. Le tracer, remonter les pistes. L’affaire Bettencourt, le feuilleton des enregistrements de la vieille dame par son majordome a fait bondir les abonnements, après deux premières années difficiles. L’affaire Cahuzac les a fait de nouveaux frémir et a montré que Mediapart ne serait pas qu’un contre-pouvoir des années Sarkozy. Manuel Valls, ministre de l’intérieur aux accents sécuritaires et aux ambitions affichées, doit d’ailleurs savoir à quoi s’en tenir. Il est désigné comme le fossoyeur de la gauche dans le dernier opus d’Edwy Plenel,et plusieurs micro-histoires de l’Essonne racontées par Mediapart prouvent que le site est à l’affût. Lui écrit, s’en va débattre à La téLé, toutes Les occasions sont bonnes

– «je suis le crieur de journaux ». Qui a sa marionnette aux « Guignols ».Au lendemain de l’émission de Canal+ du 11 mars – qui vit donc Antoine de Caunes expliquer à Edwy Plenel qu’il ne pouvait pas rester parce que le second invité Brice Hortefeux ne voulait pas avoir à parler avec lui –, les réseaux sociaux se sont déchaînés et il était évidemment le héros de leur indignation.« Pourquoi M. Hortefeux n’est pas un démocrate, pourquoi n’accepte-t-il pas le conflit?», avait-il lâché avant de sortir. Mais il avait été prévenu dès midi par la production de ce chassé-croisé du soir, et il était venu, méprisant sans doute ce journalisme divertissant qu’on pratique à la télé,l’utilisant tout de même. « Je fais en sorte de truffer mes phrases de Mediapart. » Mais quand il dit Mediapart, on entend « je ». « J’avoue être surprise de sa popularité. Les gens lui disent: “Bravo, continuez,

bravo pour Mediapart”, raconte Nicole Lapierre. Au Jardin des plantes, où il lui arrive de courir, on a parfois vu des gens l’arrêter, le féliciter tel un Robin des bois du journalisme. Il s’en va parfois marcher en montagne.Il aime le jazz,se retire dans sa maison du côté de Montpellier, tout près de son vieux copain Paul Alliès, secrétaire national du PS chargé de la rénovation. Mais il est sur le pont. Tendu comme un arc, prêt à décocher la flèche suivante. Certains, présents au début de l’aventure, l’ont quitté, fatigués d’une mission qu’ils jugent aller bien au-delà du métier et qui pourrait finir en faute professionnelle. Plenel les a sortis de sa vie comme des traîtres. Sans l’once d’un doute. « L’événement, s’il y a interaction avec les politiques, est rénovateur. En révélant l’affaire Urba et le financement du Parti socialiste, on montrait aussi que la démocratie a un prix. C’est ainsi que sont venues les lois sur le financement public des partis. Je ne suis pas un père-la-morale, nous sommes sur des enjeux publics de crédibilité. » Même raisonnement, sur une affaire plus récente : « Depuis l’affaire Cahuzac, 150 contribuables français rapatrient leur compte chaque semaine. On devrait toucher un bonus ! » Le 18 mars, boulevard Saint-Germain à la Maison de l’Amérique latine, un colloque devisait autour de Lionel Jospin et de son dernier livre, Le Mal napoléonien. Plenel était en tribune. Jospin n’arrive pas totalement à lui pardonner d’avoir révélé son long passage chez les trotskistes, mais le ressentiment s’estompe avec le temps. La dernière fois qu’ils s’étaient croisés, Jospin avait dit en substance à Plenel : « Je ne vous croyais pas pour Cahuzac, je me trompais. » Ce soir-là, c’est au tour de Plenel de lui faire compliment de son livre. « Merci de nous inviter à perdre le respect qui est au cœur de la tragédie française. » Lui non plus n’aime pas Napoléon, qui mit à mal les acquis de la Révolution et rétablit l’esclavage. Il a cité son père. « Il me disait toujours: “La Terreur, c’est une journée de bataille napoléonienne.” » Il a aussi évoqué Fort-deFrance, où il a grandi, frôlant la statue blanche de Joséphine de Beauharnais. « Heureusement elle a été décapitée. » Le lendemain, 19 mars, soirée anniversaire des 6 ans de Mediapart au New Morning, Plenel a fait un discours et parlé surtout de la rubrique poésie à Mediapart. Puis les musiciens ont pris place, on pouvait alors le voir danser presque seul sur la piste.

Certains, présents au début de Mediapart, l’ont quitté, fatigués d’une mission qu’ils jugent aller bien au-delà du métier. Plenel les a sortis de sa vie comme des traîtres. 51


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Pendant trois mois, Tanya a été au côté des révolutionnaires de Maïdan, préparant des cocktails Molotov et improvisant des concerts sur la place. Ce 21 mars, la jeune femme retourne près des barricades de la rue Grushevskogo à Kiev, où siègent le gouvernement et le Parlement.

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La Russie a les Pussy Riot. L’Ukraine a Tanya Tanya. Chanteuse et comédienne, la jeune fille a été l’une des égéries de la révolution de Kiev, donnant des concerts patriotes entre les tirs de snipers. Aujourd’hui, l’artiste militante ne baisse pas les armes et chante à Moscou pour “sauver” la Crimée. Par Serge Michel/Photos Mari Bastashevski

La diva punk de Maïdan.

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oute la semaine précédant le référendum en crimée,

elle a rêvé d’une autre révolution, d’une action d’éclat, d’une intrusion spectaculaire dans le cours de l’histoire. Partir en Crimée, franchir les check points russes, rassembler des amis et des fans, trouver une place à occuper à Sébastopol, déployer des bannières et donner un concert capable d’enrayer l’amputation programmée de la péninsule, de sa région préférée d’Ukraine. Mais, ce 16 mars, dimanche noir pour l’Ukraine, Tanya Hawrylyuk s’est contentée de chanter à Kiev. Pour cette jeunesse ukrainienne qui en est venue à croire que tout était possible parce qu’elle a réussi, en trois mois de fête et de combats sur la place Maïdan, à faire fuir un président corrompu, c’est la gueule de bois. Les soldats russes occupent la Crimée, Vladimir Poutine triomphe dans les sondages russes en déclarant une nouvelle guerre froide à l’Occident, les électeurs de Crimée se sont prononcés à 96,6 % pour le rattachement à la Russie. Pour Tanya Tanya, son nom de scène, c’est plus violent encore. Elle est ce soir seule au piano, face à un public d’amis, d’artistes et d’intellectuels de Kiev, ••• 53


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Tanya Tanya se disait “anarchiste”. La révolution de Maïdan l’a rendue patriote. Ci-contre, avec des membres des « unités d’autodéfense », des révolutionnaires qui dénoncent la présence de militants d’extrême droite parmi les activistes anti-Ianoukovitch de Maïdan.

deux pays. « Et cette nuit en Crimée, à qui appartient-elle ? / Je retourne à Kiev, tu pars à Moscou / Tire-moi dessus, je t’aime encore / Ton tsar a déclaré la guerre à ma liberté / Tire-moi dessus encore plus vite que ça / Mais notre nuit de Crimée, à qui appartient-elle ? » Tanya Hawrylyuk, 26 ans, pourrait être la version ukrainienne d’une Pussy Riot. Elle chante, danse et provoque, joue du piano et du théâtre, affiche son corps et prend des risques inconsidérés dans ses activités solos et avec sa troupe, les Dakh Daughters, dont le spectacle tout à la Suit un autre texte rageur de ChevtChenko, que la jeune femme dédie à fois classique, gothique et punk a déjà tourné en Europe et notamment Vladimir Poutine. Il y est question d’animaux sauvages et du sang des à Paris, au Théâtre Montfort, en octobre 2013. Mais pour celle qui se ennemis de l’Ukraine qui devra couler dans le Dniepr. Puis Tanya se disait « anarchiste », il s’est passé quelque chose que le groupe de fémitait. Sur son visage et sur le mur derrière elle sont projetées des images nistes russes n’a pas connu : une révolution a renversé dans le sang le de flammes et d’explosions au ralenti. Elle entonne alors lentement sa président de son pays et son système corrompu. L’« anarchiste » avoue dernière création. Ses amis retiennent leur souffle. Ils savent tous qu’elle est ainsi devenue « patriote ». qu’elle vient de rompre avec un garçon russe, un activiste anti-Poutine « Le soir du 21 novembre 2013, je donnais un concert solo. Des textes de dont il ne faut pas révéler le nom. Il était à ses côtés lorsqu’elle encou- Joseph Brodsky, mon poète préféré. Dans la journée, j’avais entendu que rageait les manifestants de Maïdan ou préparait des cocktails Molotov. Ianoukovitch avait refusé de signer cet accord avec l’Europe [l’accord d’asIls savent peut-être que leur dernière nuit d’amour a eu lieu en Crimée. sociation avec l’Union européenne]. Je n’ai pas de fascination pour l’EuEt que le cœur de Tanya saigne autant pour la péninsule perdue que rope. Je ne pense pas que ce soit le paradis. Il y a de la crise et de la tristesse pour cet amour rendu impossible par l’abîme qui s’est ouvert entre les partout. Et l’Ukraine, pour moi, a toujours été ce pays pris entre les pas54 -

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Mari Bastashevski

••• dans ce centre culturel underground qui fut surnommé le « quartier général bis» des révolutionnaires de Maïdan. Le concert s’appelle «Crimée, je t’aime». Elle chante un poème de Taras Chevtchenko (1814-1861), barde national ukrainien. Dans la salle, tout le monde connaît les paroles, qui prennent, ce soir de veillée d’armes, une résonance particulière. «Continuez de combattre, chevaliers de la liberté /Que Dieu n’abandonnera pas/Vous êtes certains de gagner/Car la gloire et la liberté marchent avec vous.»


Tanya au Centre d’art contemporain Dakh de Kiev (qui a donné son nom au groupe qu’elle forme avec les Dakh Daughters), répète un nouveau spectacle musical : une critique en chansons du système Poutine. 16 mars, au « Sixth level », le QG secret des révolutionnaires de Maïdan (en bas). Alors que les résultats du référendum de Crimée viennent de tomber, Tanya, seule au piano, donne un concert intitulé « Crimée je t’aime ».

sions et les invasions de deux blocs, la Pologne, l’empire austro-hongrois d’un côté, les Russes de l’autre. Mon rêve, c’est l’Ukraine libre, une nation nouvelle, sans peur, forte, indépendante et vraiment cool. »

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ès la fin du concert, des amis la rejoignent pour un conseil de guerre dans sa loge. Il n’est plus temps de faire la fine bouche sur

l’Europe. C’est ça ou l’union eurasiatique de Vladimir Poutine. Tous descendent sur la place Maïdan, où des milliers de gens ont commencé la première nuit d’occupation. Depuis lors,Tanya n’a pratiquement pas quitté Maïdan jusqu’au triomphe de cette improbable «révolution des pavés», trois mois plus tard. «J’y passais mes nuits, et mes jours aussi, quand je ne répétais pas le Hamlet que nous préparons. J’y tiens le rôle d’Ophélie.» Sur la place, Tanya commence par rejoindre une équipe de cuisiniers qui préparent des rations gratuites pour les manifestants, ainsi que du thé chaud. Puis elle s’essaie au transport de médicaments. Quelques jours s’écoulent, durant lesquels elle se dit que son arme la plus puissante, ce sera sans doute ses chansons. Un premier concert est organisé le 25 novembre. Puis un autre, le 29. «Cette nuit-là, il y avait une ambiance extraordinaire de paix et de fraternité», se souvient-elle.Vers 3h45 du matin,Tanya quitte la scène après une dizaine de chansons. Quelques minutes plus tard,

les Berkout (forces anti-émeutes de Ianoukovitch) mènent dans une violence inouïe la première évacuation de la place. Des dizaines de manifestants sont arrêtés, plus encore sont hospitalisés. Quand le jour se lève, la place est vide mais cet assaut de la police sera le vrai démarrage de la révolution. Les jeunes du début sont rejoints par leurs parents, par les habitants de province, par des réservistes qui n’acceptent pas la brutalité du régime. Deux jours plus tard, les manifestants sont si nombreux qu’ils reprennent la place Maïdan sans coup férir. « Ce n’était plus pour l’Europe, poursuit Tanya. C’était pour l’Ukraine, pour notre liberté, pour notre avenir. » Au cours des semaines qui suivent, elle donnera une quinzaine de concerts sur la scène improvisée de Maïdan, cœur battant de la mobilisation, dont les haut-parleurs puissants portent dans tout le centre-ville. A chaque fois, elle galvanise la foule et fait un carton avec l’hymne national. Elle, la fille de Lviv, la ville rebelle de l’ouest du pays, s’adresse dans leur langue aux russophones de l’ouest puis chante en anglais pour une Ukraine ouverte et internationale. Son dernier concert, elle le donne le 18 février à 4 heures du matin, alors que les snipers qui n’allaient pas tarder à commettre un massacre parmi les manifestants sont déjà en place. « Elle me fait peur, elle n’arrête pas de me faire peur, souffle Simon, l’un de ses meilleurs amis. Tanya est ••• 55


le magazine.

Dimanche 19 janvier. Tanya (de dos, en manteau à capuche beige) est sur la ligne de front de la rue Grushevskogo.

••• vraiment quelqu’un qu’il faut protéger contre elle-même. Mais, ce soir-là,

elle a vraiment eu du cran de chanter. Nous avons tous été très fiers d’elle. » A Maïdan, Tanya ne se contente pas de chanter. Elle prépare des cocktails Molotov – qu’elle assure n’avoir pas lancés elle-même – et mobilise ses fans, dont Anna (le prénom a été modifié), qui travaillait alors pour la cellule de propagande de la présidence Ianoukovitch. Admiratrice de Tanya, elle avait fait sa connaissance quelques semaines avant la révolution par l’intermédiaire du directeur du théâtre Dakh, Vlad Troitskyi. « Tanya me demandait de la rejoindre tous les soirs sur la place, se souvient-elle aujourd’hui, un peu honteuse de son CV. Je passais mes nuits avec les manifestants et mes journées avec les gens du pouvoir. Puis j’ai craqué et j’ai donné ma démission. »

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anya prend aussi l’habitude de donner de petits concerts pour

les Berkout, sur un piano aux couleurs européennes bleu et jaune poussé contre la rangée d’hommes casqués, équipés de boucliers et de matraques. Les vidéos de ces actions, dont la plus risquée eut lieu le 18 janvier, veille de l’assaut des forces de sécurité qui durera deux jours et fera plusieurs morts, sont publiées sur sa page Facebook. On y voit la caméra s’attarder sur les visages fermés des hommes des forces anti-émeutes. « Je voulais m’adresser à eux, dit-elle. Leur donner un peu de musique et d’humanité. Après tout, ce sont des frères ukrainiens dont j’ai aussi vu couler le sang. Mais, lorsque la situation s’est dégradée, le seul langage possible avec eux est devenu celui des pavés lancés et des cocktails Molotov. Ils étaient du mauvais côté, le côté du mal, de Ianoukovitch et du Kremlin.» En ce soir de référendum en Crimée, qu’elles semblent loin les heures héroïques de 56 -

Maïdan! Le concert terminé,Tanya se retranche pour fumer dans la petite pièce au fond de l’espace culturel underground. Elle parle de la mobilisation « très cool » des Ukrainiens pour s’engager dans l’armée, voire se battre contre les Russes. «Bien sûr, il faut tout faire pour éviter la guerre, dit-elle, il y a déjà eu trop de morts. Mais on ne peut pas non plus se laisser faire.» La Crimée, c’est le terrain de ses vacances depuis qu’elle est enfant. «Je ne peux pas vivre dans une Ukraine sans Crimée. C’est comme un homme amputé d’un œil, d’un bras, d’une jambe.» Certes, mais que faire ? C’est la question que se pose tout le monde en Ukraine. Un groupe d’Ukrainiennes a lancé un boycott sexuel des Russes. Elles se promènent avec un tee-shirt où deux mains féminines rassemblées simulent un vagin et disent : « Ne le donnez pas aux Russes ! » Tanya, elle, croit plutôt qu’il faut apprivoiser l’ennemi, par tous les moyens. Au point d’avoir organisé un concert des Dakh Daughters à Moscou. Simon avait essayé de l’en dissuader : « Je n’irai pas à Moscou. Fais ce que tu veux ici, sors avec des Russes si tu veux. Pour l’amour, pas de problème. Mais ne va pas sur leur terrain. Pas maintenant. C’est trop risqué. Pense aux conséquences ! » Une fois de plus, Tanya est passée entre les gouttes. L’aller-retour en train de nuit Paris-Moscou s’est déroulé sans problème. « On ne nous a rien demandé à la frontière », raconte-t-elle une semaine plus tard, tout juste rentrée chez elle. Le concert s’est déroulé à guichets fermés, devant 500 personnes, au centre Gogol. «Il n’y avait rien de politique, heureusement », dit-elle. «La liberté coûte cher, mais ça vaut la peine », a simplement lancé Tanya depuis la scène. Ce qui lui a valu des applaudissements.A la fin, un jeune homme lui a porté des fleurs en lançant « Slava Ukraini !» (vive l’Ukraine !). 29 mars 2014

Mari Bastashevski

Comment continuer le combat ? En chantant, pense l’artiste. Le 23 mars, elle monte dans le train de nuit pour Moscou, malgré les réticences de ses proches. Et donne un concert de protestation avec les Dakh Daughters.



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29 mars 2014

Vincent Nguyen/Riva Press


P

le magazine.

endant des mois,

Stéphane Ruet a travaillé pour son amie Valérie Trier­ weiler. Alors res­ ponsable de la photo à l’Elysée, il est « détaché » au cabinet de la première dame. Pour tenter d’adoucir son image vitriolée par « l’affaire du tweet », ce message de soutien à Olivier Falorni alors opposé à Ségolène Royal aux législatives de juin 2012, il lui organise des voyages humanitaires et des sorties pleines d’en­ fants sur la plage de Berck­sur­Mer. L’ancien photographe d’agence connaît Valérie Trierwei­ ler, journaliste, depuis plus de dix ans; au fil des collaborations, ils sont devenus complices. Pour­ tant, la nuit du « Closergate », sans doute la plus longue du quinquennat en cours, c’est au côté de François Hollande qu’il la passe. 9 janvier, 21 h 32. Stéphane Ruet débarque à l’Elysée dans le bureau d’Aquilino Morelle, conseiller de François Hollande. Sur son smart­ phone s’affiche la fameuse couverture de Closer révélant la liaison du président avec Julie Gayet. Deux bonnes heures avant qu’un coursier dépê­ ché de la Place Beauvau n’en délivre un exem­ plaire à l’Elysée. « Les conseillers s’inquiétaient de savoir s’il y avait des images des deux ensemble. Je leur ai expliqué qu’a priori, les photos les plus fortes étaient en couv’… », raconte­t­il au­ jourd’hui, sans rire. La semaine précédant la sor­ tie de l’hebdo people, Stéphane Ruet avait mul­ tiplié les textos à la directrice de la rédaction, Laurence Pieau, pour savoir ce qu’elle s’apprê­ tait à publier. Ce soir du 9 janvier, en ayant la « une » du magazine en avant­première, Ruet prouve qu’il peut rendre de précieux services à une équipe d’énarques démunis… Et gagne dé­ finitivement la confiance de François Hollande. désormais, au Château, l’ex­reporter est incon­ tournable. Celui qui a partagé les secrets de la reine est devenu conseiller du roi. Il a même ob­ tenu une promotion (« prévue de longue date », assure­t­il). Le 4 mars, Stéphane Ruet est nom­

mé responsable technique de l’image du prési­ dent. « C’est moi qui définis le protocole, la scénographie des interventions présidentielles », explique­t­il. Une mission au spectre très large et très flou. Mi­régisseur, mi­spécialiste de « pla­ cement du produit Hollande », c’est lui qui a validé l’éclairage et le rendu du plateau sur le­ quel s’est déroulée l’interview de CNN à la rési­ dence de France, à Washington, en février. Ou qui s’assure que la principale télé chinoise dis­ pose d’un plateau climatisé pour recevoir le pré­ sident. Lui aussi qui, après l’annonce d’une hausse des chiffres du chômage des jeunes en février, organise une opération de communica­ tion à l’Elysée. Le 11 mars, lors d’un show milli­ métré avec présentatrice vedette et réalisation léchée, François Hollande et Michel Sapin ont ainsi reçu 100 jeunes en contrat d’avenir. Mais la mission de Stéphane Ruet est également d’en­ granger des clichés « pour l’Histoire », qu’il ai­ merait aussi intimistes que ceux que réalise Pete Souza, photographe en chef à la Maison Blanche. Il a immortalisé François Hollande le jour où la France est entrée en guerre au Mali ou en train de passer un coup de fil au président américain. Avec Claudine Ripert­Landler, la chargée de communication internationale, et Paul Jean­Or­ tiz, le conseiller diplomatique de l’Elysée, il a été le seul à pouvoir accompagner Barack Obama et François Hollande à bord d’Air Force One lors d’un déplacement à la résidence Jefferson. « Son rôle est d’apporter une touche de créativité. Les images qu’on réalise d’un chef d’Etat participent de son image politique », estime Aquilino Morelle, responsable de la communication à l’Elysée de­ puis le mois de février. Un rôle si important que Ruet bénéficie d’un accès direct au chef de l’Etat: « Stéphane m’adresse ses notes, mais il envoie directement des textos au président, qui l’invite fréquemment dans son bureau sans en prévenir personne », confirme Aquilino Morelle. François Hollande connaît le photographe de­ puis 2001. Ce dernier suivait alors Lionel Jospin pour un livre photo sur la campagne présiden­ tielle, Les 60 Jours de Jospin (éditions de La Martinière, 2002), légendé par… Valérie Trier­

weiler, journaliste politique à Paris Match. En 2012, Ruet renouvelle l’exercice, misant sur Hollande dès la fin 2010 avec François Hollande président, 400 jours dans les coulisses d’une victoire (éditions du Cherche Midi, 2012), alors qu’il est à moins de 6 % dans les sondages et que DSK est largement favori. Evidemment, il enrôle à nouveau Valérie Trierweiler, devenue une amie. « J’ai eu accès à tout, mais il a parfois fallu que Valérie m’impose. Manuel Valls, responsable de la communication de la campagne, n’aimait pas que j’assiste aux répétitions de discours », se souvient Ruet. C’est pourtant l’un des proches du ministre de l’intérieur, Christian Gravel, conseiller en communication de l’Ely­ sée, qui l’a fait entrer au Château au lendemain de l’élection. « En tant que responsable de la photo. Mais avec la promesse de faire autre chose rapidement… », précise le quadragénaire, qui affiche un léger embonpoint depuis qu’il a ren­ du sa carte de presse. deux ans plus tard, c’est chose faite. Stéphane Ruet est devenu un homme­clé du dispositif piloté par Aquilino Morelle. L’ex­reporter, qui porte costume et cravate, a mis un peu de temps à se faire accepter par la haute adminis­ tration qui régit la vie de l’Elysée. Pas simple de s’imposer en énarchie quand, ado, on rêvait de devenir prof de sport et qu’on s’est arrêté à un bac plus trois. Qu’on a grandi dans le Beau­ jolais, entre des parents employés à La Poste et à France Télécom. « Il nous a fait beaucoup rire en réunion. Ses premières notes étaient mémorables », raconte Christian Gravel. « Il a ce débit des Lyonnais, très lent, qui le dessert », souligne un proche, pour qui Ruet est un faux candide. « Stéphane n’est pas un intrigant, il ne se prend pas pour ce qu’il n’est pas. Ça le sauvera là où il est », explique son amie, la journaliste Constance Vergara. Correspondant à Lyon pour l’agence Sygma dans les années 1990, Ruet s’est passionné pour les affaires Noir­Botton, Carignon… Il a couvert le procès de Jacques Médecin à Grenoble, ou celui de l’Ordre du temple •••

L’œil de l’Elysée.

De la cour de la reine, il est passé à la garde rapprochée du roi… A l’Elysée, Stéphane Ruet, ancien photographe, est désormais en charge de l’image du président. Il est aussi l’un des seuls, au Château, à avoir encore l’oreille de Valérie Trierweiler. Par Stéphanie Marteau 59


le magazine.

Alpes en 1998 le soir où le centriste Charles Millon a fait alliance avec le FN. Des sujets assez peu « visuels », au fond. « J’ai toujours été plus journaliste que photographe. Les journalistes m’aimaient bien parce que je restais tout le temps le dernier, je leur racontais tout ce que je voyais. Je me suis fait de vrais copains chez les mecs de terrain », raconte-t-il. Envoyé couvrir les vacances de Jacques Chirac à Brégançon, il avait immortalisé le président dans le plus simple appareil. Pour Paris Match, il a décroché quelques scoops, notamment sur l’affaire Khaled Kelkal. Presque un hasard, jure-til : « Je suivais la BAC au moment où elle traquait l’auteur des attentats [de l’été 1995]. » à entendre Stéphane ruet, Son pluS grand talent

serait de savoir saisir les opportunités quand elles se présentent, appliquant à la lettre le dicton de son grand-père : « Ne sait ni lire ni écrire, mais sait nager. » L’homme sait aussi s’entourer. Son carnet d’adresses colossal

compte un certain nombre de figures des médias, de Laurence Ferrari à Jean-Michel Aphatie, en passant par Laurent Delahousse ou Michel Denisot… L’un de ses copains de collège, qui a grandi à Villié-Morgon (Rhône) comme lui, n’est autre que le patron de Facebook France passé par TFI, Laurent Solly, exconseiller de Nicolas Sarkozy à l’Intérieur et à Bercy. « Quand tu es à l’Elysée, c’est parce que tu as un réseau. Ça, Christian Gravel l’avait bien compris pendant la campagne », concède Stéphane Ruet. Pour les conseillers élyséens, il ne fait aucun doute que ses contacts dans les rédactions lui permettront de « dealer » des exclusivités valorisantes pour le chef de l’Etat. Et de savoir ce qui se trame dans les journaux et les agences. En octobre 2012, quelques mois après le tweet dévastateur de Valérie Trierweiler, il avait convié à déjeuner à l’Elysée tous les responsables d’agences photo, dont la papesse de la presse people, Michèle Marchand (voir Le Monde du 21 février 2014), patronne de 60 -

La promotion de Stéphane Ruet, le 4 mars, intervient alors que l’ancien M. Communication de l’Elysée, Claude Sérillon (ci-contre), quitte ses fonctions. Dès la fin 2010, le photographe suit François Hollande dans ses déplacements (ci-dessous) pour son livre, qui sera légendé par Valérie Trierweiler (en bas).

l’agence photo Bestimage et du site PurePeople, l’une des seules à couvrir toutes les sorties humanitaires de la première dame. « A mon poste, ne pas la connaître serait une faute professionnelle », a-t-il coutume de dire. D’autant que son joli réseau a aussi permis au M. Image de l’Elysée de mener de discrètes enquêtes. Notamment une, à la demande de Valérie Trierweiler, sur l’agenda secret du président. C’était en juillet dernier alors que Closer publiait des photos de la première dame seule sur une plage grecque, attendant « désespérément » que François Hollande la rejoigne. « Christian Gravel m’avait appelée pour démentir et m’incendier », se souvient Laurence Pieau. Stéphane Ruet passe alors des coups de fil à ses copains pour vérifier la rumeur qui court sur l’infidélité du président, explique un rédacteur en chef de l’agence photo Abaca : « Il avait besoin d’infos tangibles, je lui ai dit ce que je savais. » Il appelle aussi Michèle Marchand. En vain. Même si à l’époque, Hollande est en Corrèze et arpente le marché de Tulle avec… Julie Gayet. François Hollande a-t-il eu vent du fait que Ruet, en mission pour l’expremière dame, avait passé une partie de l’été dernier à chercher à le confondre ? Pas sûr.

chaise et le président de la République en personne avait dû venir trancher l’affaire. « La scénographie des vœux du président préparée par Sérillon aussi était ratée, se souvient Constance Vergara. Stéphane lui a dit, lui a expliqué… » Et Claude Sérillon a été rétrogradé à la gestion du site Internet du Château. Désormais, à l’Elysée, Stéphane Ruet est le seul, avec Patrice Biancone, ancien conseiller de la première dame désormais chargé des associations au cabinet du président, à continuer à voir Valérie Trierweiler. « Valérie a confiance en lui, il a été dans ses petits secrets du quotidien, confie Constance Vergara. Mais elle ne lui en confiera plus, pour ne pas le mettre dans une position délicate. » Il y a trois semaines, Ruet a déjeuné avec elle, mais n’était pas invité à son anniversaire. Cependant, assure un proche du président, « si elle écrit un roman, il le saura avant tout le monde ». Sans doute de quoi justifier un poste placé si près du président.

Lionel Bonaventure/AFP. Lionel Préau/Réservoir Photo. Bernard Patrick/Abaca

••• solaire. Il était au conseil régional de Rhône-

preuve que le photographe fait déSormaiS partie

de la cour présidentielle, il est promu à l’heure où le M. Communication de l’Elysée, Claude Sérillon, pourtant un vieil ami du président, est en disgrâce. L’ex-présentateur du journal télévisé, avec lequel Ruet n’a jamais eu de bons rapports, s’apprêterait à partir à l’INA après avoir multiplié les ratages. Le 15 septembre, lors de la préparation du passage de François Hollande au JT de TF1, Sérillon et Ruet avaient eu des mots. Le différend entre les deux « experts » portait sur le choix d’une 29 mars 2014


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Crédit photo : © Hill Street Studios/Blend Images / Corbis

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franceinter.fr

LA VOIX EST LIBRE


Jean-Luc Barresi, 53 ans, l’aîné.

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le magazine.

C’est donc ton frère. Jean-Luc, Bernard et Franck. Pendant trente ans, les frères Barresi ont été des caïds marseillais. Cambriolages, braquages, extorsion de fonds… Mais alors que la fratrie prétend s’être rangée, elle est aujourd’hui rattrapée par la justice. Par Ariane Chemin et Laurent Telo/ Illustrations Jean-Baptiste Talbourdet

DR

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ls sont l’une des légendes de la ville.

Trois frères coiffés d’un même nom de famille, un patronyme associé au grand banditisme, voire au « milieu » marseillais. Signe distinctif ? Trois paires d’« yeux bleus », si on en croit les fiches de la police qui surveille les activités du trio depuis le début des années 1980. Les regards des Barresi ne sont pourtant pas les mêmes. Celui de l’aîné, JeanLuc, 53 ans, officiellement agent de footballeurs, est d’un bleu transparent. Les yeux de Bernard, le cadet, 51 ans dont approximativement dixhuit de cavale et deux de détention provisoire, sont perçants et bleu-vert. Ceux de Franck, le petit dernier, 46 ans, six ans derrière les barreaux, seraient plutôt vert-bleu. Preuve que, dans la vie, tout est toujours plus compliqué que les mythes et les fiches anthropométriques. Ils sont rares, les gens qui les connaissent tous les trois. Leur vieille maman, qui vit sur les hauteurs de Marseille, est sans doute la seule à posséder des photos du trio – des images d’enfance. Trois garçons, petit-fils de Siciliens. On ne connaît depuis aucune réunion de famille, aucun autre tableau de groupe. On les dit même fâchés, embrouilles de femmes ou d’argent: ce fut vrai un temps, et ils en rajoutent. Car les trois frères savent le préjudice qu’il y a à additionner leurs réputations. « Cela vous ferait un beau film », lâche de sa voix puissante Jean-Luc Barresi, survêtement et baskets hype, à l’aise dans un des canapés du Sofitel qui domine le Vieux-Port de Marseille, son QG. L’affiche serait trop belle. Jean-Luc, Bernard et Franck. Chacun sa place. Bernard est le plus craint, Jean-Luc le plus stratège, Franck est toujours dans l’action. Pas un hasard si l’histoire du crime organisé compte tant de fratries.A trois, on fait beaucoup plus peur que 29 mars 2014

seul. « Pas besoin de se parler entre frères, un regard suffit. Même si vous êtes loin, il comprend. Et si vous êtes un peu fâchés, un frère reste un frère », explique un pénaliste, qui conseille de se pencher sur les frais d’avocats pris en charge indifféremment par l’un ou l’autre des trois frères. Jamais le trio n’a comparu ensemble. Mais l’enchevêtrement des différents comptes bancaires offshore qui apparaissent aujourd’hui dans les dossiers d’instruction met au jour des procurations données par le cadet Bernard à l’aîné Jean-Luc. Brouillés, vous aviez dit brouillés? « La dernière fois que j’ai vu Bernard, dit l’aîné, c’était aux assises », à Colmar, en 2012. Les assises, Bernard Barresi, ex-braqueur reconverti dans le BTP, y retourne justement, le 28 mars. Pour une très, très vieille histoire. Le cadet des trois frères est accusé d’avoir participé, en 1990, à l’attaque d’un fourgon blindé près de Mulhouse: un butin de plus de 5 millions d’euros, jamais retrouvé, mais blanchi dans les machines à sous, selon l’accusation. A l’époque du procès, en 1994, il avait été condamné à vingt ans de réclusion.Par contumace: il était en cavale. Après son acquittement en 2012, le parquet a fait appel. Il va donc être jugé de nouveau à Nancy, après deux ans de détention provisoire. Cela pendant que Franck, le petit dernier, piaffe derrière les barreaux de la maison d’arrêt de Douai, où il dort depuis le 15 mars. Le juge marseillais Christophe Perruaux l’a « attrapé » chez lui,près d’Aix-en-Provence,en janvier,dans une affaire d’extorsion de fonds,puis libéré. Mais il a été arrêté de nouveau et mis en examen par la juge FabienneAtzori,de la Juridiction interrégionale spécialisée de Lille, dans une affaire d’escroquerie en bande organisée. Jean-Luc ne va pas beaucoup plus fort. Ses activités d’agent de footballeurs se sont taries.Vue sa réputation, les présidents de club ne lui répon-

dent plus trop. « En 2012, j’ai fait zéro euro de chiffre d’affaires. Toutes ces histoires m’ont tué commercialement », soupire-t-il. Du coup, il s’est recyclé dans l’immobilier.Et vient de se faire rattraper lui aussi par une sale affaire. Celle de « Momon », le roi du Port autonome de Marseille, mystérieusement disparu depuis le 11 janvier 2002. Edmond « Momon » Goubert, directeur général de Marseille Manutention, 600 employés, était un copain de Jean-Luc. Pour faire des affaires sur les quais, il fallait passer par lui, de préférence avec un beau sourire et une jolie enveloppe. A Ernest Vittiglio,on avait demandé de verser 25000 francs mensuels en petites coupures pour obtenir des marchés de gardiennage. Ce n’était sans doute pas suffisant, Goubert voulait aussi des emplois ou au moins des salaires pour la compagne de Jean-Luc et celle de Franck, qui dirige une troupe de théâtre. « Goubert m’a expliqué que l’argent que je verserais en liquide ne lui était pas destiné mais était destiné à d’autres personnes. Il m’a cité les frères Barresi (...) qui étaient capables de protéger les quais », a lâché Vittiglio aux policiers. En droit pénal, on appelle cela de l’extorsion de fonds. Jean-Luc Barresi fait neuf mois de détention provisoire en 2002. En appel, le 7 mars 2014, il est condamné à trois ans de prison dont deux avec sursis. Sa toute première condamnation. Des trois frères, Jean-Luc est le seul à apprécier la compagnie des élus et des vedettes. Il a déjeuné ou dîné des dizaines de fois avec l’ancien député UMP Renaud Muselier, dans les auberges des alentours de Marseille, à l’abri des regards indiscrets. « Je l’ai connu dans un barrestaurant à côté du palais de justice que tenait sa première femme, au début des années 1990, se justifie le docteur Muselier, puis j’ai soigné la grandmère et la famille, comme les 1200 patients que je vois chaque année. » La vérité, c’est que Jean-Luc Barresi et ses frères l’ont aidé à leur manière pour, par exemple, prendre la fédération RPR des Bouches-du-Rhône au début des années 1990, à Hyacinthe Santoni, auquel on avait envoyé quelques gros bras patibulaires. « On ne demande pas aux voyous de voter pour vous. On leur demande d’autres choses, de nettoyer le terrain », décrypte un ancien ami des Barresi. En 2014, Renaud Muselier ne sera pas maire de Marseille. Pas plus que Jean-Noël Guérini, le président socialiste du conseil général, empêtré avec son frère Alexandre dans une affaire de marchés publics présumés frauduleux. La roue ne tourne pas toujours comme on aimerait, chez les politiques comme chez les voyous. Dans les quartiers Nord, de jeunes caïds beurs font désormais leurs affaires loin des Corso-Marseillais. C’est pourtant « là-haut », dans le 15e arrondissement de Marseille,que tout a commencé pour les fils Barresi.En 1961,la famille italienne débarque deTunis,et,après un bref passage àToulon,s’installe à la Bricarde, une cité face à la Castellane, comme bon nombre de pieds-noirs. Les barres d’immeubles toutes neuves trônent alors au milieu des champs, les ascenseurs grimpent ••• - 63


de fourrure, pas de parties de poker dans les cercles: un professionnalisme vite repéré par Roland Cassone, dit « le discret ». Un « parrain » à l’ancienne, qui les prend sous sa protection. « Il a vu qu’il avait pas affaire à des fadas, mais à des équipes solides », confie un initié. C’est le second secret de famille, que l’ancienne adresse de JeanLuc vient trahir: à Simiane-Collongue, entre Aix et Marseille, la maison de Cassone jouxtait celle de Jean-Luc.Lors de son arrestation en 2007 dans l’affaire du cercle de jeu Concorde, Cassone y taillait les rosiers,un automatique chargé à la ceinture et un gilet pare-balles sur le dos.

Franck Barresi, 46 ans, le benjamin.

••• encore les étages, la drogue n’y circule pas

dans des boîtes à chaussures. Roger, le paternel, cheveux noirs de jais et visage taillé à la serpe, surveille sa progéniture sans « jamais lâcher un mot pour rien », se souvient Jean-Luc, lui passant d’un froncement de sourcils l’envie de « déconner ». Le soir, les week-ends, les vacances, le trio joue au foot et se fait des copains. « On n’a pas eu une enfance malheureuse », dit Jean-Luc. Mais voilà qu’un jour Roger divorce, abandonne son épicerie de la Visitation et monte à Paris. Fin de l’école pour les enfants (Jean-Luc est en 3e, Bernard en 5e), et début de l’aventure. Roger, qui mourra de maladie en 2001, s’occupe d’installer des « distributeurs de chewing-gum » dans la capitale. Comprendre: des machines à sous. Une histoire gardée au chaud comme un « secret de famille », convient Me Pierre Bruno, l’un des avocats des Barresi.Tout comme le nom du premier « placier » du paterfamilias, l’homme qui fournit les machines clandestines. Son nom ? Souhel Hanna-Elias, alias « Joël le Turc », assas64 -

siné il y a trois ans dans un cybercafé du centre de Marseille. Le « Turc » était l’un des deux lieutenants de Francis le Belge, mythique parrain du milieu marseillais. Le départ de papa signe le début des « bêtises », comme l’a dit son fils Bernard à la barre,il y a deux ans.Au milieu des années 1980, les trois frères se lancent à leur tour dans les affaires.Cambriolages. Attaques de fonds et de fourgons, derrière des cagoules qui ne laissent voir que les yeux. Pour l’occasion, Bernard se teint les cheveux et porte des lentilles de contact qui lui font le regard marron.Parfois, Jean-Luc accompagne Bernard, dit la rumeur, pendant que le benjamin bricole avec Michel Campanella, le copain d’enfance des quartiers Nord. On parle d’une centaine de braquages. « C’est pas la quantité, c’est la qualité qui compte, balaie Jean-Luc Barresi. Ils viennent seulement de comprendre comment j’ai fait. Je ne suis pas une oie blanche mais ça fait quinze ans que j’ai raccroché. » Ce qui compte, aussi, c’est la discrétion. Les trois frères ne flambent pas.Pas de manteaux

Illustrations Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde – 29 mars 2014

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ême les voyous vieillissent. Même les voyous se recyclent. Il y a un âge pour les « bêtises », comme ils disent, et un âge pour les opérations financières. « Un braquage à 40 ans, c’est fini. T’es trop vieux, explique un proche de la famille. Et puis, il y a les enfants, la famille. » Au tournant des années 2000, chacun des frères décide de se ranger. Jean-Luc parvient à ne pas altérer sa légende dans le coup de trop. Jamais pris par la patrouille. Mais cela fait vingt ans que les policiers ne le lâchent plus. Ils ont cherché à comprendre de quoi il vivait alors qu’il était sans emploi de 1993 à 2002. « J’ai gagné au tiercé 1,3 million de francs en 1990 ou 1992 », leur a-t-il dit en 2001. Son activité d’agent de joueurs lui permet alors de justifier de gros revenus. Il s’est associé à Gilbert Sau, qui sera condamné pour exercice illégal de la profession d’agent, condamné aussi dans le procès des comptes de l’OM. Pendant deux ans, jusqu’en 2002, Jean-Luc Barresi est comme chez lui dans ce club dirigé par Bernard Tapie, auquel Muselier a présenté Jean-Luc au début des années 1990. A l’OM, Tapie vend et achète des joueurs à la chaîne. Sur ces transferts mirobolants, les commissions versées aux intermédiaires se comptent en millions d’euros. Franck, le petit dernier, se lance dans la vente d’équipements sportifs.En 1992,la cour d’assises du Puy-de-Dôme l’avait condamné à dix ans de réclusion pour des vols à main armée. Il en fera six. Lorsqu’il sort de prison, son nouveau corps musclé comme un athlète, il veut « s’asseoir ». Il se métamorphose en bon père de famille, assurent ceux qui l’ont côtoyé, scolarise ses enfants dans les meilleures écoles de commerce bilingues. Entre deux séjours dans sa luxueuse villa de Ventabren (Bouches-du-Rhône), où il vit avec sa compagne artiste, on l’aperçoit en vacances en Andalousie puis une fois à Paris, selon de maigres rapports de police, et souvent dans les aéroports, où les douaniers auscultent ses papiers. Chef d’entreprise spécialisé dans l’import-export vers l’Espagne ou les pays de l’Est, il voyage beaucoup. Il est un temps le représentant de l’équipementier Lotto en Algérie. « Le plus aventurier d’entre nous », dit de lui Jean-Luc Barresi. Au cours de sa cavale, qui a commencé peu •••



Au début de l’été 2010, il embarque sur le Yes, un yacht de 27 mètres qui mouille à GolfeJuan. A bord, il y a Bernard, les frères Michel et Gérald Campanella, suspectés, entre autres, de contrôler une partie du réseau des machines à sous de la région marseillaise. Michel, ex « braquo », fait aussi dans le BTP. Son frère Gérald est recherché depuis cinq ans pour escroquerie. L’équipage s’apprête à jeter l’ancre pour gagner la Corse quand les policiers se lancent à l’abordage. Dans le carré, sous une toile de Dufy, ils confisquent des montres hors de prix, 200 000 euros en espèces, des armes et des munitions. La cavale de Bernard prend fin le 5 juin 2010. Pas de chance : c’est quelques semaines avant la prescription de sa condamnation par contumace. Finie la baraka. Bernard est mis en examen dans le dossier « Guérini », le juge Charles Duchaine saisit sa villa de Calenzana. Ces derniers temps, Franck aurait prêté de l’argent à des hommes d’affaires du Sentier à des taux d’intérêt prohibitifs. Les juges soupçonnent des escroqueries financières. Il a été mis en examen pour extorsion de fonds en bande organisée. La justice suit également une autre piste et l’a mis en examen dans une affaire d’escroquerie à la

••• après le braquage de Mulhouse, en 1990, Bernard Barresi décide lui aussi de changer de vie. C’est dans le maquis, corse, marseillais ou parisien, a-t-il expliqué à la cour d’assises de Meurthe-et-Moselle à Nancy, qu’il a trouvé « [sa] voie dans le BTP ». Il travaille « au black », par discrétion, mais il sait qu’il ne craint pas grand-chose : il est lié depuis longtemps à un autre fugitif, Richard Casanova, l’un des voyous les plus intelligents de l’époque, figure tutélaire du gang corse de la Brise de mer et protégé de Charles Pasqua puis de son meilleur élève, Bernard Squarcini. Sous cette ombre protectrice, Bernard choisit donc l’option « travaux publics ». Mais plutôt que de traiter directement avec les politiques, il s’associe au frère de Jean-Noël Guérini, Alexandre, une vieille connaissance : un homme toujours impliqué dans les élections, y compris celles de mars 2014 (il a tout fait pour faire battre Patrick Mennucci). Bernard est « BB », ou la « Boule », rapport à sa prodigalité et à ses colères. Il collectionne surnoms et alias. Il faut s’y retrouver. Le voilà « Jean Bon », quand il discute au téléphone avec 66 -

les frères Campanella et qu’ils se méfient des écoutes. Non parce que Carole Serrano, sa compagne, porte un nom de jambon espagnol, comme on l’a cru, mais parce qu’il adore la charcuterie, corse notamment. Il a passé du temps sur l’île, durant sa cavale, pêchant dans les rivières, retapant sa villa corse de 250 m2 achetée en 1991 à Calenzana, le village natal des frères Guérini en Balagne. C’est Carole, qui n’a jamais payé d’impôts, qui signe l’acte d’achat. C’est d’ailleurs après l’ouverture d’une information pour non-justification de ressources et blanchiment que la police remontera jusqu’à lui. Sur les visites des chantiers décrochés par l’homme d’affaires Alexandre Guérini, le voilà « Monsieur Gilles ». Pour ouvrir un compte en Asie, à Dubaï, en Amérique du Sud ou au Luxembourg, il devient Julien Bachet. Car Bernard « l’autodidacte » est devenu un génie de la finance de haut vol. C’est simple : quand il tente d’expliquer à ses avocats l’arborescence de ses multiples comptes offshore, ils abdiquent devant trop de complexité : « C‘est bon Bernard, c’est bon. »

Jean-Luc Barresi

taxe carbone et au contournement de la TVA. Délit de sale nom? « Franchement, j’en ai assez. C’est pas un avantage de s’appeler Barresi. Le chapeau est trop large pour nous », accuse JeanLuc. Il déroule sa nostalgie des juges de paix et de l’ordre ancien, qui est aussi celle de sa jeunesse. « La nature a horreur du vide. Et il y a un vide à Marseille. Si des mecs continuaient à tenir la ville, il n’y aurait pas tous ces règlements de comptes, ces jeunes qui tuent sans réfléchir et descendent petit à petit des quartiers Nord. » Le bleu de ses yeux devient azur, ou acier, selon que le soleil rase ou non le bar du Sofitel.

Illustrations Jean-Baptiste Talbourdet/M Le magazine du Monde – 29 mars 2014

DR

Bernard Barresi, 51 ans, le cadet.

“C’est pas un avantage de s’appeler Barresi. Le chapeau est trop large pour nous…”



Le Caire, 2012. Une fois son projet expliqué à ses hôtes, Bieke Depoorter passe une nuit dans la maison. « Les personnes oublient très vite ma présence, et leurs habitudes reprennent le dessus. »

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Des faubourgs du Caire au Fayoum, voilà trois ans que la photographe belge Bieke Depoorter parcourt l’Egypte avec une méthode singulière : elle dort chez l’habitant au gré de ses rencontres. Rien de tel pour toucher l’intimité des êtres dans cette période particulièrement troublée pour le pays. Par Marion Guénard/ Photos Bieke Depoorter

Bieke Depoorter/Magnum Photos

Egypte Intérieur nuit.

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Le portfolio.

2013.

se réveille, hagarde, d’un été où tout a basculé. A la faveur d’un rejet populaire unanime des Frères musulmans, les militaires ont renversé le président Mohamed Morsi, traqué les islamistes dans toutes les provinces, démantelé dans le sang les sit-in de militants cramponnés au retour du chef d’Etat destitué. L’horreur atteint son paroxysme le 14 août. Au Caire, plus de mille sympathisants Frères musulmans du campement de Rabiya tombent sous les balles des forces de sécurité. En Haute-Egypte, des églises sont mises à sac, les commerces appartenant aux chrétiens incendiés. La vendetta est reine et le pouvoir laisse faire, trop occupé à réprimer les opposants. Le 6 octobre 2013, les Egyptiens se déchirent une nouvelle fois à l’occasion de cette fête nationale, fierté égyptienne, qui célèbre la seule bataille jamais gagnée contre Israël. Au moins 57 citoyens tombent sous les balles de la police ou s’entretuent. Sur les chaînes de télévision, publiques comme privées, on crie au complot

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L’égypte

ourdi dans les salons calfeutrés des dirigeants qataris et américains pour déstabiliser l’Egypte. On appelle à dénoncer ses voisins, ses fils, tous ceux qui n’adhèrent pas au discours officiel du régime militaire et de celui qui l’incarne, le maréchal Abdel Fattah AlSissi. Même les intellectuels les plus avisés enterrent la liberté d’expression. Privilégiant l’individu au système, Bieke Depoorter a voulu aller au-delà de ces scènes de guerre fratricide qui, après les images de manifestations et de liesse sur la place Tahrir, collent à la peau de l’Egypte. Cette jeune photographe belge de l’agence Magnum a suivi un protocole créatif simple : dormir sous le même toit que ses modèles, partager une seule nuit pour rendre sensible leur altérité, profiter de l’obscurité et du monde clos de la maison pour toucher à l’intimité des êtres (1).

tristement célèbre pour ses salves de violences confessionnelles. Dans ce contexte de fascisme rampant, ce ne fut pas chose facile de gagner la confiance de ses hôtes. « Il y avait souvent un voisin pour m’accuser d’être une espionne et menacer d’appeler la police », raconte la jeune femme. « C’est précisément cela qui était intéressant. Malgré cette ambiance paranoïaque, j’ai trouvé porte ouverte quasiment tous les soirs. » Avant l’Egypte, Bieke Depoorter avait déjà photographié les intérieurs au gré de reportages en Russie et aux Etats-Unis. Elle projette désormais d’en faire un livre. « Je ne veux pas montrer de façon documentaire comment les gens vivent. Ce n’est pas la façon dont ils mangent ou s’habillent qui m’intéresse. C’est de capturer l’intimité d’un instant. » (1) Ce projet a été rendu possible grâce au Fonds Pascal Decroos en faveur du journalisme d’investigation.

bieke Depoorter a entamé son travaiL Dans Les

il y a deux ans, avant d’explorer la province égyptienne, celle du sud, lointaine et méconnue. Le Fayoum d’abord, terre rurale, connue pour être un bastion islamiste. Puis Minya, ville de Moyenne-Egypte,

faubourgs Du caire

Sur iPad, découvrez des contenus exclusifs. 29 mars 2014

Bieke Depoorter/Magnum Photos

O

ctobre


Mansoura (page de gauche). Minya, Moyenne-Egypte (ci-dessus et ci-contre), août 2013. A cette époque, de nombreuses écoles chrétiennes et églises sont mises à feu. « Ce soir-là, il y a eu des cris dans la rue, se souvient la photographe. La mère de la jeune fille qui regarde par la fenêtre est devenue hystérique. Des voisins sont venus me demander mon passeport, ils ont voulu que j’efface les photos, ils disaient que j’étais une espionne. J’ai compris ensuite qu’ils étaient liés à la sécurité d’Etat. »

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Le portfolio.

Bieke Depoorter/Magnum Photos

Village de Tunis, près du Fayoum, (à gauche). Le Caire (à droite), 2012. « Partager l’intimité des gens est une expérience étrange et très belle à la fois. Elle est la même quels que soient le lieu, le pays. »

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Quartier périphérique du Caire, 2012. « Cette nuit-là, j’ai dormi avec la petite et sa sœur, une dans chaque bras. » 74


Bieke Depoorter/Magnum Photos

Le portfolio.

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« Au Caire [en bas] ou en province [Tunis, ci-dessus ; île de Qorsaya, en haut à droite], je ne choisis pas à l’avance les endroits où je dors. J’ai été davantage reçue dans les quartiers défavorisés. Ça s’est fait comme ça. »

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Bieke Depoorter/Magnum Photos

Le portfolio.

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Le Style

/ Mode / Beauté / Design / Auto / / High-tech / Voyage / Gastronomie / Culture /

A langueur de temps.

Montres classiques et bracelets géométriques… Dans un étrange jeu de mains, les poignets font des effets de manche. Stylisme Delphine Danhier/Photos Marton Perlaki

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montre, ck watch. Veste, dries van noten. chemise en soie et pantalon, prada.



bague, dior joaillerie. manchette en or, arthus-bertrand. bracelet en or 18 carats et lapis-lazuli, sevillana par elsa peretti, tiffany. bracelet somerset en or et diamants, tiffany. brassière et jupe, jil sander.


elle : manchettes, frey wille. robe, dior. lui : veste, prada. chemise, hermès.



elle : montre emprise en or jaune et diamants, louis vuitton. veste, dior. chemise, lanvin homme. pantalon, givenchy. lui : montre, chanel. veste et pantalon, prada. chemise, hermès.


montre, omega. veste, pantalon et tennis en toile, prada.


bracelet serpenti en or blanc avec pavage diamants, bulgari. bracelet en argent massif et jade noir, Sevillana par elSa peretti, tiffany. manteau, cĂŠline.


montre, tissot. veste, marc jacobs. chemise, hermès.



montre, swatch. veste, jil sander. chemise, hermès. pantalon, tom ford.


collier torchon, buccellati. robe, the row.


Ă gauche : blouson en cuir, dior homme. pantalon et chemise, dior. Ă droite : montre, bell & ross. veste et chemise, dior homme.



boucle d’oreille en or blanc 18 carats et diamants, chanel. top, givenchy.


montre, patek philippe. VeSte, PAntALon et chemiSe, prada.


ci-dessus, elle : bague horsebit en or rose, onyx et diamants noirs, gucci. pull Ă col montant, michael kors. lui : montre, breguet. pull Ă col montant, tom ford. page de droite : collier de perles, mikimoto. robe, prada.


mannequins : andrea mary marshall, Chris Beek @Wilhelmina et reid Bartelme. assistants photo : GaBi Worosz, andy matias. diGital teCh : Charles lu. aGent : GeorGe @rep limited. assistantes stylisme : ashlee henderson, Winnie huanG. Coiffure : pasquale ferrante @ artlist. maquillaGe : yumi @ l’atelier. manuCure : rieko susanpriCe. sCénoGraphie : zaCh GeBel. post-produCtion : sàndor ràCz. studio max 601, neW york : Wade @studiomax601. matériel de prises de vue : fast ashley’s Brooklyn ny. produCteur : amie norris


le style.

La mode supporte mal les critiques

R

Crise de la presse, démissions de grandes plumes, pression des géants du luxe, collusion entre magazines et annonceurs… A Londres et à New York, le petit monde des critiques de mode s’interroge sur l’avenir du métier. Par Stéphanie Chayet/ Illustration Damien Florébert Cuypers

ude hiver pour la rubrique « style » du New York Times. En quelques mois, comme par un acharnement du sort, le fleuron de la presse quotidienne américaine a perdu ses trois grands journalistes de mode. Eric Wilson a déserté le premier en octobre 2013 pour rejoindre le mensuel InStyle. Critique redoutable et respectée, Cathy Horyn a démissionné en février pour des raisons personnelles. Coup de grâce : la légendaire Suzy Menkes, qui suit la mode depuis vingt-six ans pour l’édition internationale du journal, a annoncé début mars qu’elle partait chez Condé Nast pour contribuer aux sites de Vogue hors Etats-Unis. « La fin d’une ère ? », s’est demandée, angoissée, une partie de la twittosphère. Depuis le 12 mars, la voilà à moitié rassurée. En recrutant Vanessa Friedman, qui couvrait la mode pour le Financial Times de Londres avec toute la rigueur dont le quotidien économique est capable, le New York Times a prouvé qu’il entend continuer à prendre le sujet au sérieux. L’inquiétude provoquée par le départ de ces trois journalistes réputés pour leur liberté de ton est symptomatique

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du malaise existentiel dont souffre la profession. En butte à la crise de la presse papier et aux pressions des géants du luxe, la minuscule (et très anglophone) confrérie des critiques de mode se sent fragilisée. « C’est une jeune discipline, qui lutte encore pour acquérir la respectabilité dont les critiques de rock ou de cinéma jouissent depuis plusieurs décennies », explique Francesca Granata, professeure à la Parsons, The New School for Design, et éditrice du périodique Fashion Projects. La formule même de « critique de mode », rappelle-t-elle, n’est utilisée que depuis 1994, date à laquelle le New York Times créa ce titre pour sa journaliste Amy Spindler. Il fallut attendre 2006 pour que la discipline soit couronnée par un prix Pulitzer. « Et encore : le jury a cru bon de préciser qu’il récompensait Robin Givhan, alors au Washington Post, pour sa capacité à “transformer la critique de mode en critique culturelle”, preuve que la mode était encore envisagée comme hors du champ de la culture. » Selon cette universitaire, si ce secteur longtemps relégué aux « pages féminines » intéresse aujourd’hui jusqu’au monde académique, c’est grâce à quelques pionniers qui 29 mars 2014


s’évertuent à le couvrir avec l’ambition intellectuelle que l’on attend d’un critique d’art ou d’un grand reporter. Journaliste dans l’âme, Suzy Menkes a fabriqué son premier magazine à l’âge de 5 ans. Vanessa Friedman est diplômée de l’ultraprestigieuse université de Princeton. Colin McDowell, qui officie au Sunday Times de Londres, a écrit un Directory of Twentieth Century Fashion (non traduit) qui est lu et annoté dans les écoles de mode anglaises. Des auteurs cultivés, mais aussi prolifiques : pendant les collections parisiennes, Cathy Horyn écrivait habituellement une vingtaine de textes en une semaine. Soumis pour la plupart aux strictes chartes de déontologie de la presse généraliste, ils forment en outre un club d’incorruptibles. Interrogée par une blogueuse qui voulait savoir si elle accepterait des cadeaux une fois arrivée chez Condé Nast, Suzy Menkes a répondu : « Je ne me vois pas changer mes habitudes au bout de quarante ans, et je possède suffisamment de sacs, de toute façon. » Pourtant, les critiques de mode voient leur environnement rétrécir. Les journaux régionaux où ils ont appris leur métier (Robin Givhan a débuté au Detroit Free Press, Cathy Horyn au Virginia Pilot) sont en train, au mieux, de remplacer leurs sujets « maison » par de plus économiques dépêches d’agence, au pire, de disparaître. Sur le Web, où s’écrit aujourd’hui le plus gros de ce qui paraît sur la mode, la critique ne paie pas. Courtisés par les marques dès qu’ils trouvent un public, les sites et blogs de mode sont obligés, selon Francesca Granata, « de collaborer avec les créateurs pour gagner de l’argent ». Quant aux magazines féminins, ils offrent un refuge qui est aussi une prison dorée : leur collusion avec les grands groupes de luxe y limite les possibilités d’expression. « La vraie critique de mode est réduite au silence car les éditeurs de presse ont peur des annonceurs », résume Colin McDowell. Eric Wilson et Suzy Menkes garderont-ils leur liberté de parole dans leurs nouvelles fonctions ? Leurs employeurs respectifs jurent que oui. Lynn Yaeger, qui a tenu pendant

trois décennies une brillante chronique de style dans le Village Voice avant de partir pour Vogue, lorsque l’hebdomadaire culturel a supprimé son poste, dit pourtant se sentir moins libre qu’auparavant. « J’ai commencé ma carrière dans un journal où les relations avec l’industrie étaient inexistantes. On avait le droit d’être honnête, d’être méchant, on écrivait ce qu’on voulait ! Dans l’univers des magazines de mode, quand on n’aime pas une collection, on trouve du bien à en dire ou alors on évite d’en parler. Chez Vogue, notre mission est de célébrer la mode, pas de la critiquer. » MêMe dans la presse généraliste, la liberté se paie. Ces dernières années, les marques ont pris l’habitude de punir les insoumis en leur barrant par exemple l’accès aux défilés. Le phénomène n’amuse pas du tout Colin McDowell, qui a écrit plusieurs éditoriaux furieux sur les « enfantillages » de ces créateurs piqués au vif par la critique. « Personne ne sort gagnant de ces guerres inutiles, surtout pas les lecteurs que l’on voudrait informer, dit-il. Le journaliste est incommodé mais, au bout du compte, il acquiert la réputation de dire la vérité », tempère Valerie Steele, conservatrice du musée du Fashion Institute of Technology et fine observatrice du secteur. Reste que ces hommages involontaires à l’intégrité des critiques peuvent être particulièrement venimeux. Rien qu’en 2012, Cathy Horyn a été traitée de « hamburger rassis » sur une pleine page de pub par Oscar de la Renta et bannie à perpétuité des défilés Saint Laurent Paris. De jeunes journalistes moins respectés pourraient-ils le supporter ? D’ailleurs, où est la relève ? Alors que certaines de ces plumes approchent de la retraite, « l’émergence d’une nouvelle génération de critiques de mode n’a pas encore eu lieu », constate Valerie Steele. Pour Lynn Yaeger, l’espèce est en danger. « Combien d’intellectuels farouchement indépendants écrivent-ils sur la mode ? Je ne vois que de fades ambassadeurs. » Colin McDowell estime pour sa part que les vrais critiques se comptent aujourd’hui sur les dix doigts. Pas étonnant qu’ils se sentent menacés.

De gauche à droite, Eric Wilson, Colin McDowell, Cathy Horyn, Robin Givhan, Vanessa Friedman, Lynn Yaeger et Suzy Menkes.

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Le kaki.

Le style.

à L’orIgINE

L’ICôNE

Le spleen bling de Sharon Stone.

Ginger, un prénom doux-amer, comme elle. La prostituée du film Casino, de Martin Scorcese, en 1995 – incarnée par la belle Sharon Stone –, séduit le propriétaire d’un casino de Las Vegas. Il l’épouse, la couvre de bijoux, l’entoure de fourrure. Un apparat bling-bling qui la lasse. Les diamants ne rendent pas l’amour éternel…

Au milieu des années 1800, l’armée britannique est en campagne en Inde. Les vestes écarlates et pantalons blancs sont peu adaptés aux paysages arides. En 1846, le lieutenant-général sir Harry Lumsden teind son uniforme avec un liquide à base de boue et de plantes. Le tout ressort kaki, dérivé de l’hindoustani khāki, « couleur poussière ». En 1884, l’armée britannique en fait sa couleur officielle, ce qui vaut aux soldats le surnom de « khakis » pendant la seconde guerre des Boers (1899-1902). Quelques années plus tard, l’armée américaine se met au diapason. Au moment des deux grandes guerres, la plupart des nations arborent cette couleur. Chez les civils, le kaki – porté haut par Hollywood – devient la couleur de l’aventure. Dans les années 1960, le président Kennedy en porte régulièrement, lui conférant le statut de « casual », tout en restant élégant. Le braceLet.

Les boucLes d’oreiLLes.

Manchette Byzantine, laiton et pierres fines, Sylvia Toledano, 140 €. www.monnierfreres.fr

Modèle Magnolia avec cristaux Swarovski, plaqué bronze, Dannijo au Bon Marché Rive Gauche, 350 €. www.lebonmarche.com

La bague.

Modèle Excentrique ronde en or et diamant, La Brune & La Blonde, 1 030 €. www.labruneet lablonde.com

à L’arrIvéE

VU SUr Le net

Hauts de gamme.

en surfant de sites branchés en e-shops de luxe, le plus gros risque est de tomber sur une perle. Comme ce tee-shirt réalisé pour la tournée Love You Live des rolling Stones, imprimé d’une cravate endroit et de la promo pour la compil éponyme envers, et surtout dédicacé par Andy Warhol. Cet objet de collection fut acquis par l’impresario Charlie Blue, figure de la scène rock californienne des années 1970-80, lors d’une soirée à new York en 1977. Sous l’onglet « art and culture/collectibles » de la boutique en ligne de Just One eye (très beau multimarques de Los Angeles), le fameux tee-shirt est proposé à 50 000 dollars. Soit l’équivalent de la chemise portée par napoléon à Sainte-Hélène la veille de sa mort, récemment estimée entre 30 000 et 40 000 euros. A chacun ses idoles… Ca.R. www.justoneeye.com 100 -

Femmes guerrières, aventurières, libérées… Les designers misent sur ces images lorsqu’ils présentent des pièces kaki sur les podiums. Chez l’américain JCrew, on voit l’artiste dévergondée (ou la bricoleuse invétérée) dans un pantalon kaki taché de peinture, et la sportive en minishort… Chez Chloé, la première partie du défilé printemps-été 2014 fait honneur à cette couleur, cherchant à interpréter de façon plus féminine un kaki ancré dans la conscience populaire comme « militaire » : un pantalon à plis avec nœuds aux chevilles (photo) ou une robe bicolore au décolleté plongeant. J.N. 29 mars 2014

Screen Prod/Photononstop. Sylvia Toledano. Dannijo. La Brune & la blonde. Just One Eye. Chloé. Superstock/Rue des Archives

L. V. Stylisme F. Kh.


fétiche

Jamais si bien serti…

en 1939, De Beers établissait le concept des 4c. Un critère qui permet au diamantaire d’évaluer la rareté d’un diamant, résultat d’une équation parfaite entre sa taille, sa pureté, sa couleur et son poids en carat. Mais c’est à un c comme « coussins » que fait penser ce collier issu de sa collection Aura. Pas moins de 49 diamants carrés et rebondis sertis de 764 brillants ornent ce tour de cou en or blanc. De quoi éblouir pour longtemps ceux qui s’en approchent. et au-delà. L. V. Collier De Beers AurA en or BlAnC, 813 DiAmAnts et 28,15 CArAts, De Beers, Prix sur DemAnDe. PrintemPs HAussmAnn et GAleries lAfAyette HAussmAnn. tél. : 01-42-82-49-43. DeBeers.fr

Photo Bastien lattanzio pour m le magazine du monde. stylisme fiona Khalifa

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variations

A rebours.

Voici des machines à remonter le temps serties de diamants, petites montres qui trônaient déjà sur le poignet des dames dans les années 1900. Elles reviennent aujourd’hui en grâce à la faveur du perpétuel mouvement de balancier de la mode. La radiance des diamants parsemés sur leur lunette s’ajoute à leurs dimensions XXS pour leur donner des airs de jouet délicat. D. C. de haut en bas, Rolex oysteR PeRPetual lady-datejust, boîtieR acieR de 26 mm de diamètRe, lunette oR gRis seRtie de 46 diamants, bRacelet acieR et oR gRis, Remontage automatique, PRix suR demande. www.Rolex.com Piaget tRadition 26 mm, boîtieR en oR gRis de 26 mm de diamètRe, lunette seRtie de 42 diamants, cadRan seRti de 12 diamants, bRacelet en oR gRis, mouvement à Remontage manuel, PRix suR demande. www.Piaget.fR longines dolce vita, boîtieR en acieR de 16 × 20 mm, lunette seRtie de 28 diamants, bRacelet en acieR, mouvement à quaRtz, 1 560 €. www.longines.fR heRmès faubouRg, boîtieR en oR gRis de 15,5 mm de diamètRe, lunette seRtie de 45 diamants, bRacelet en oR gRis, mouvement à quaRtz, PRix suR demande. www.heRmes.com

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Photo bastien lattanzio pour m le magazine du monde. stylisme fiona Khalifa


Le style.

LE GOÛT DES AUTRES Envoyer sur les roses. Par Carine Bizet

L

a mode est en phase d’hyperglycémie. Les teintes pastel façon bonbon ont envahi les podiums et, par voie de conséquence, les boutiques. Dans certaines, on se demande même si on ne s’est pas trompé d’adresse : exposition de chocolats de Pâques à l’anglaise ou rayon vêtements ? On hésite. Douloureusement. Dans cet océan de sucre surnage un rose duveteux, laiteux, poisseux de « mignonnerie ». Cette couleur, proposée de préférence en total look histoire d’aggraver son cas, est un piège certes tentant : féminine, « gentille », consensuelle et fraîche, elle change du sempiternel noir ou de ses « cousins » – marine et gris. Le problème ? Elle appartient à un champ chromatique bien défini, totalement incompatible avec la vie d’une femme adulte, fût-elle accro aux sucreries. D’ailleurs, c’est dans le champ lexical du « bonbec » que se classe d’emblée ce rose. Dragée, boule coco, guimauve, fraises Tagada version acidulée, une touche de Dragibus et quelques grammes

de pâte d’amandes… tout un programme autour du sucre et du colorant plus ou moins naturel qui peut mettre l’eau à la bouche. Mais, bizarrement, on se lève rarement le matin en se disant : « Tiens, je m’habillerais bien en boule coco », comme la noix, pas comme Chanel. Second écueil : la régression. Cette teinte est aussi celle des layettes, réservée de manière pavlovienne aux bébés de sexe féminin. Partager son Colorama vestimentaire avec un être qui porte des couches et a vu le jour en 2013, ce n’est plus du jeunisme, c’est un dérapage… Qui peut conduire à collectionner la vaisselle Hello Kitty à plus de 36 ans et demi. Sans commentaire. Enfin, ce rose pâlichon est le meilleur ami des décorateurs fans de style anglais qui n’aiment rien moins que transformer un intérieur en bonbonnière évadée de la campagne britannique. Et pour ceux qui auraient un doute : oui, le résultat est toujours plus proche d’un épisode d’« Inspecteur Barnaby » que de « Downton Abbey ». Et d’ailleurs, cela vous rappelle

quelque chose. Oui, un objet oublié au fond du placard : un cache-théière bien sûr, rapporté d’un week-end pluvieux à Londres. Impossible à recycler, même en sac d’appoint. A ce stade, il faut se rendre à l’évi-

dence : une seule femme adulte porte le rose bonbon avec dignité : la reine Elizabeth d’Angleterre. Les autres peuvent toujours se consoler avec un paquet format familial de Chamallows.

DESIGN

Paul Rees

Une moto à réaction.

Le concept de cross-over – soit le mélange des genres – n’a jamais été aussi florissant. L’horloger Bell&Ross en livre un exemple saisissant avec cette moto qui se prend pour un avion à réaction et remonte le temps vers les sixties. Le préparateur britannique Shaw Harley-Davidson, spécialiste de la customisation de motos de la marque américaine, a habillé un modèle Softail comme un hybride de speed-bike – ces « cigares » carénés qui battaient des records de vitesse sur le Grand Lac salé de l’Utah – et d’avion expérimental des années 1960. Le tour de force de cet engin, qui restera à l’état de concept-bike, est de demeurer élégant et racé malgré son imposant carénage caudal (sur la queue de l’engin) aux allures d’abdomen de guêpe, destiné à stabiliser la machine. Et pour un aérodynamisme débridé et des sensations fortes, cette moto-avion se pilote littéralement couché sur le réservoir, en s’accrochant au guidon en « moustache ». Conçu dans le cadre du lancement des montres BR 01 et BR 03 B-Rocket de Bell&Ross, le B-Rocket est une moto qui s’inscrit dans le sillage du succès des préparateurs semi-artisanaux – tel Deus Ex Machina, notamment – qui transforment d’honnêtes motos de série en ébouriffantes créations néo-rétro… J.-M.N.

29 mars 2014 – Illustration Johanna Goodman pour M Le magazine du Monde

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Le style. 1 – « Je suis née en Libye en 1964. Je suis la troisième, après deux sœurs, dont je suis proche. Ma mère était très belle. »

2

2 - « Mon père allait fréquemment en Iran pour son travail et rapportait des cartes postales des bijoux de l’impératrice Farah Diba. Cette couronne fait partie du trésor du chah d’Iran. Ma passion pour les bijoux a commencé à ce moment-là. J’ai eu aussi la chance, enfant, de visiter des fouilles archéologiques qui ont nourri mon imaginaire. »

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Ma vie en iMages Marie-Hélène de Taillac.

3 - « J’ai créé ce collier en 1997. Les pierres sont taillées en briolette. Cette taille d’origine indienne, que j’affectionne particulièrement, permet aux pierres de flotter, de bouger, de danser. Elles sont percées et non serties. Ainsi, elles reflètent la lumière de façon toujours différente. N’ayant pas de formation de joaillière, je me sens libre. Ce collier vient d’être accepté au Musée des arts décoratifs de Paris pour sa collection permanente. »

En 2016, la créatrice fêtera les vingt ans de sa marque de bijoux. Après une première boutique à Tokyo en 2003, elle ouvre en 2004 un écrin à Paris pour y présenter ses créations, puis un autre à New York l’an passé. Elle voit sa vie marquée dès l’enfance par les voyages. Sa curiosité la pousse à découvrir l’Inde et son artisanat millénaire pour finalement y installer ses ateliers. Elle y travaille les pierres précieuses ou semi-précieuses dans un esprit minimal, pour des femmes qui assument les couleurs et refusent de laisser leurs bijoux au coffre. Propos recueillis par Jérôme Badie

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www.mariehelenedetaillac.com

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4 - « Je travaille en Inde car c’est un pays que j’aime et qui dispose d’un artisanat exceptionnel. Je choisis chaque pierre: en effet ce sont elles qui m’inspirent pour créer un bijou. Sur ce dessin de Jean-Philippe Delhomme, je suis représentée à ma table, dans un travail qui ressemble plus à celui d’une plasticienne que d’une joaillière. » 5 - « J’adore cette image extraite du film de Philippe Parreno présenté au Palais de Tokyo au début de l’année. J’aime la sensibilité et l’exigence de cet artiste. Sa vision du monde, modeste et pas mercantile, m’inspire. Je crée des bijoux pour offrir l’harmonie par les couleurs et les formes. On dit que les pierres sont les étoiles de la terre! »

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6 - « En 2013, mon intermédiaire en Birmanie m’a proposé un lot de 70 tourmalines roses, une pierre très rare. J’essaie de raconter les histoires de chaque pierre à mes équipes. Elles sont vivantes. »

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7 - « Je me rends une ou deux fois par an au Japon. Ces érables rouges de décembre, ce temple représentent bien l’esthétique minimale vers laquelle je tends. La nature nippone n’est pas domestiquée, elle est manucurée. J’aime ce raffinement. »

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Collection privée x3. Jean-Philippe Delhomme. Collection privée x2. C.HZ., film de Philippe Parreno (2011)

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GRAINE DE BEAUTÉ

Mangue la jolie.

Encore rare il y a dix ans, la mangue trône désormais à longueur d’année sur les étals des primeurs et des supermarchés. Un fruit onctueux et gourmand, proposé dans la plupart des restaurants asiatiques en guise de dessert, associé aux crustacés ou au lait de coco par les chefs thaïlandais, décliné en jus et en cocktail dans les bars d’hôtels de luxe. « C’est un produit qui évoque une très grande douceur et une certaine sensualité », explique Marie Castro, directrice de la marque Dr Renaud. Sans compter qu’il rappelle des destinations paradisiaques à tous ceux qui ont la chance de voyager. Un CV idéal pour s’immiscer dans les cosmétiques. « Le beurre de mangue, qui s’obtient à partir des noyaux pressés, est particulièrement riche en oméga 9 et en corps gras, capables de s’incorporer au ciment intercellulaire de la peau, poursuit Marie Castro. On peut aussi faire macérer la pulpe de mangue dans des huiles végétales. Elle a des propriétés antioxydantes très intéressantes. D’où l’intérêt de l’intégrer dans des soins hydratants. » Ingrédient phare d’une ligne pour cheveux chez Klorane, la mangue indienne du Rajasthan sert aussi à nourrir les pointes desséchées. Chez Laura Mercier, elle est utilisée pour réhydrater le contour des yeux, tandis que Sisley comme la marque Too Faced (chez Sephora) l’ont concentrée dans leurs baumes pour les lèvres. L. B.- C. Crème Réparatrice Mains et Ongles, Dr Renaud, 12,80 € les 75 ml. www.dr-renaud.com Crème de jour sans rinçage au beurre de mangue, Klorane, 9,74 € les 125 ml. www.laboratoires-klorane.fr Soin Hydratant Contour des Yeux Eyedration, Laura Mercier, 50 € les 15 g. Tél. : 01-42-82-60-94.

TÊTE CHERCHEUSE

Mariasole Cecchi case des briques.

Les Petits Joueurs x2

A 20 ans, la Florentine Mariasole Cecchi emménage à Paris. Passionnée de mode, elle fréquente aussi un étudiant des Beaux-Arts qui réalise des sculptures en Lego. Lasse de voir « toutes les Parisiennes avec le même sac », elle colle les blocks colorés sur un vieux sac pour se rendre à une soirée. En quelques jours, le modèle unique fait se retourner les filles dans la rue. Elle réitère l’expérience. Six ans plus tard, Les Petits Joueurs (LPJ), sa marque de sacs made in Italy, réalisés dans de beaux cuirs, a évolué. Outre un modèle mono-anse sur lequel est posée une plaque de Lego noir et blanc (Alex, photo), sa collection, présentée lors du dernier Salon des créateurs de mode Tranoï, monte en gamme. Ses minaudières carrées en acrylique coloré sont inspirées de Mondrian ou de Miró (Frida, Sol e Luna). L. V. Sac Alex Black Widow, 860 €. lespetitsjoueurs.com. Voir aussi www.lpjparis.com Illustration Jérémy Vitté pour M Le magazine du Monde

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Le style.

ci-dessous, à gauche, cardigan en cachemire, éric Bompard. chemise en coton, EdEn park. Pantalon en coton, pEutErEy. lunettes, olivEr pEoplEs. cravate en soie, ErmEnEgildo ZEgna. montre carson en acier et bracelet en cuir, tissot. ceinture en cuir, HErmès. derbies en cuir, Brioni.

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ci-dessous, à droite, chemise en coton, lEvi’s madE & craftEd. Pantalon en laine vierge, BottEga vEnEta. cravate en soie, paul smitH. montre altiPlano en or blanc et bracelet en cuir alligator, piagEt. chaussettes, falkE. derbies en veau velours, crockEtt & JonEs. Portedocuments en cuir, lE tannEur. Page de gauche, à gauche, chemise en coton, canali. Pantalon en laine, Bally. lunettes,

pErsol. cravate en laine, paul smitH. montre star date en acier et bracelet alligator, montBlanc. ceinture en cuir, HErmès. Page de gauche, à droite, chemise en coton, dE fursac. Pantalon en laine, ErmEnEgildo ZEgna. cravate en laine, vicomtE a. montre oyster PerPetual datejust ii en acier, rolEx.


un peu de tenues‌

Au bureau.

Cravate sur chemise : matières, couleurs et motifs bousculent ce grand classique de la tenue de travail. Pour mieux casser la routine. Par Marine Chaumien/ Photos Christophe Rihet

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Le style.

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page de gauche, à gauche, Veste en laine et ceinture en cuir, GiorGio ArmAni. chemise en coton, Henry Cotton’s. chino en coton, strellson. lunettes, oliver PeoPles. craVate en soie, viComte A. montre carson en acier et bracelet en cuir, tissot. chaussettes, FAlke. derbies en cuir, Brioni. page de gauche, à droite, Veste en toile de lin et laine stretch, Hermès. chemise en coton, nAPAPijri. pantalon en coton, PAul smitH. craVate en soie tricotée, ermeneGildo ZeGnA. montre altiplano en or blanc et bracelet en alligator, PiAGet. chaussettes, FAlke. desert boots en Veau Velours, CroCkett & jones.

ci-dessus, Veste en toile de lin et laine stretch, Hermès. chemise en coton, nAPAPijri. pantalon en coton, PAul smitH. craVate en soie tricotée, ermeneGildo ZeGnA. montre altiplano en or blanc et bracelet en cuir alligator, PiAGet. ceinture en cuir, emPorio ArmAni. ci-contre, chemise en coton, tHe kooPles sPort. chino en coton, AiGle. lunettes, Persol. craVate en laine, rAlPH lAuren. montre star date en acier et bracelet en alligator, montBlAnC. ceinture en cuir, BotteGA venetA.

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Le style.

ci-contre, Veste en Veau Velours, Polo RalPh lauRen. chemise en coton, ami. Pantalon en coton, CeRRuti 1881. craVate en soie, RalPh lauRen. montre oyster PerPetual Datejust ii en acier, Rolex. Desert boots en Veau Velours, CRoCkett & Jones. Page De Droite, en haut à gauche, chemise en coton, ami. chino en coton, levi’s made & CRafted. montre oyster PerPetual Datejust ii en acier, Rolex. stylo bille meisterstück en résine et Platine, montblanC. ceinture en cuir tressé, Paul smith. Page De Droite, en haut à Droite, chemise en coton, the kooPles sPoRt. chino en coton, aigle. lunettes, PeRsol. craVate en laine, RalPh lauRen. montre star Date en acier et bracelet en alligator, montblanC. ceinture en cuir, bottega veneta. Page De Droite, en bas, Veste en laine, gioRgio aRmani. chemise en coton, henRy Cotton’s. craVate en soie, viComte a. lunettes, oliveR PeoPles. montre carson en acier et bracelet en cuir, tissot. mannequins : guerrino @ elite Paris, geoffrey grunfelD mise en beauté : marielle loubet assistante styliste : ana li mraoVitch ProDuction : White Dot

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Le style.

D’où ça sort?

Les montres “métiers d’art”. Cadrans ornés de scènes peintes ou émaillées, motifs gravés ou brodés… L’horlogerie convoque les talents les plus pointus pour produire des pièces d’exception que les connaisseurs s’arrachent.

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ors du dernier Salon international de la haute horlogerie de Genève, elles étaient omniprésentes. Les montres dites de métiers d’art connaissent depuis dix ans un retour en grâce avec leur cadran issu d’une production artisanale et raffinée. « Pour faire une montre métier d’art, il faut s’adresser à ceux qui possèdent les techniques mais aussi la maîtrise artistique », explique Franck Touzeau, directeur marketing et création de Piaget. Au lieu de cadrans monochromes et parsemés d’indications fonctionnelles, ces modèles offrent des motifs abstraits ou figuratifs. Elles utilisent l’essentiel des techniques des arts décoratifs. Cela limite la production à quelques centaines de pièces par an, essentiellement mécaniques et provenant de marques suisses. Ces cadrans puisent leur inspiration dans l’histoire de l’art, la représentation de la nature et même le portrait. Ainsi, est-il du dernier chic en Corée de porter une montre qui représente

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sa famille. « L’essentiel est de ne pas tout mélanger, poursuit Franck Touzeau. On ne peut pas mettre un cadran en émail grand feu sur une montre à quartz. Il faut travailler avec une certaine philosophie. » Les techniques sont à cheval entre la tradition et l’innovation. Tout comme la haute couture, l’horlogerie valorise la minutie et la préservation des savoir-faire. Ainsi, Vacheron Constantin est associé à l’Institut national des métiers d’art, un engagement logique pour une marque qui produit des cadrans en émail peint, cloisonné ou champlevé depuis plus de deux cents ans. Car ce goût pour l’ornement ne date pas d’hier. Au xviiie siècle, l’Europe raffolait déjà de boîtes gravées, agrémentées de pierres précieuses et de miniatures. Genève était alors réputé pour la qualité de ses émaux et son travail de l’or. Contrainte par le puritanisme calviniste, sa corporation des bijoutiers s’est rabattue sur la montre dès le xvie siècle. Elle disposait d’un alibi face aux censeurs : l’heure qu’elle donne harmonise la vie en société, échappant ainsi à l’accusation de frivolité. Dès les années 1830, les montres émaillées et rehaussées de perles produites dans le minuscule village de Fleurier, dans le Jura suisse, étaient à la mode en Chine. L’horLogerie a toujours faim de nou-

et d’exception. De nos jours, elle convoque donc les métiers les plus étonnants. Qui aurait imaginé avoir recours à la granulation veauté

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La Mademoiselle Privé (1) de Chanel arbore un cadran en soie orné d’un camélia, la fleur fétiche de Coco Chanel (2). Pour créer sa Premier Feathers (3 et 4), Harry Winston a fait appel à la plumassière Nelly Saunier.

étrusque ou à la marqueterie de fleurs avant que Cartier ne les emploie ? Même les talents de la haute couture sont mobilisés. Harry Winston utilise la main de la plumassière parisienne Nelly Saunier pour réaliser ses modèles Premier Feathers. La Mademoiselle Privé Camélia Brodé de Chanel possède un cadran en soie orné de la fleur fétiche de Gabrielle Chanel. Il a été « peint à l’aiguille » à l’aide de fils de soie par l’atelier Lesage, pilier de la haute couture parisienne. Comme l’essentiel des montres métiers d’art, ces cadrans brodés sont convoités par une clientèle de connaisseurs, essentiellement chinoise, particulièrement la diaspora installée aux Etats-Unis ou en Europe. « Nos clients sont à la recherche de rareté et d’excellence. Il y a de plus en plus de fournisseurs et la qualité générale se dégrade déjà. Il faut faire attention à ce que l’on achète et cela demande une certaine connaissance », conclut Franck Touzeau. Le risque est le même que pour tout objet en vogue : qu’il se généralise, se galvaude et tombe dans l’oubli, voire le kitsch. David Chokron 29 mars 2014

Chanel. Lipnitzki/Roger-Viollet. Harry Winston x2. Cartier. Piaget. Vincent Wulveryck/Cartier 2013

Le cadran du modèle Protocole XXL de Piaget est composé d’une micromosaïque en pâte de verre (6). La montre Ballon de Cartier, produite à 20 exemplaires est, elle, réalisée selon la technique de la marqueterie en fleurs naturalisées (5 et 7).

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ÊTRE ET À VOIR

Etienne.

Illustration Vahram Muratyan pour M Le magazine du Monde

Par Vahram Muratyan

Etienne Daho, chanteur pop, en tournée en France.

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Le style.

Comment se déroulent les cours?

En quoi consiste l’Académie des savoir-faire?

L’artisanat est précieux mais il ne doit pas rester figé. Nous souhaitons donc organiser des cours et des travaux pratiques qui mettent en commun les compétences de chacun pour faire éclore de nouvelles techniques, de nouveaux savoir-faire. Il existe en France des écoles d’artisans historiques mais le monde change, les acteurs du secteur doivent intégrer les innovations pour mieux créer. C’est de cette discussion entre artisans, ingénieurs et designers que peuvent naître de nouveaux procédés, de nouvelles formes.

Un samedi par mois, nous avons une matinée de conférences ouvertes au public. En janvier, l’historien du design Raymond Guidot, qui a travaillé avec Prouvé et Talon, a évoqué l’histoire des recherches sur le bois. L’après-midi est réservé aux « académiciens » – une vingtaine de designers, artisans, ingénieurs sélectionnés sur dossier. C’est l’occasion de visites d’ateliers, de rencontres. Ces moments permettent de prendre du recul pour faire évoluer son travail. Moi-même, je suis très content de retourner à l’école !

Propos recueillis par Catherine Maliszewski

Prochaine session le 5 avril à l’auditorium de l’école du Louvre, place du Carrousel, Paris 1er. Entrée gratuite sur inscription à academie@hermes.com

Pourquoi avoir choisi le bois comme thème?

C’est un matériau simple et brut. Il accompagne l’histoire de l’homme. Récemment, on était encore dans l’ère du tout-plastique. Et puis on s’est rendu compte qu’il n’y avait pas que le bois aggloméré, mais que l’on pouvait aussi injecter le bois, l’extruder, travailler sur ses qualités cellulaires pour en faire un matériau ultracontemporain.

3 questions à Patrick Jouin.

Le designer français dirige cette année l’Académie des savoir-faire, lancée par la fondation d’entreprises Hermès. Le principe : un samedi par mois, de janvier à juin, designers, artisans et ingénieurs planchent sur l’innovation en matière d’artisanat. Le thème 2014 de ce programme en grande partie ouvert au public : « Xylomanies ! Explorer les savoir-faire du bois ».

Cette année, les « académiciens » partagent leurs connaissances sur le bois pour mieux innover. En haut, visite d’un atelier avec Patrick Jouin (au centre et ci-contre).

Tadzio/Fondation d’entreprise Hermès x4. Conran Clinic

BEaUTé

Salle de biens.

Habituellement spécialisé dans l’ameublement design et les objets de décoration, The Conran Shop vient d’inaugurer un espace d’un genre nouveau. Une « clinique » du bien-être agrémentée de plantes vertes et pourvoyeuse de produits de beauté rares. Des savons sculptés comme des cristaux colorés (photo) ou d’autres, portugais, au packaging imprimé d’azulejos. Des gels douche suédois aux essences naturelles à côté de serviettes japonaises et de tisanes bio. autant de soins qui montrent combien l’univers de la beauté a changé. Peu importe leur fonction, les cosmétiques ont aujourd’hui le pouvoir de surclasser une salle de bains banale. L. B.-C. Conran Clinic, 17, rue du Bac, Paris 7e. Tél.: 01-42-84-10-01. Jusqu’au 14 avril. www.conranshop.fr

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ceci n’est pas…

une tuyauterie.

Mais plutôt un drôle de chandelier créé par des designers danois. Imprégnée de style industriel et d’upcycling (l’art de valoriser les déchets), l’équipe de l’éditeur BoConcept a décidé d’intégrer la plomberie dans la déco. « L’idée était de créer un chandelier à l’aspect brut et rustique qui laisse penser que des matériaux ont été recyclés et réutilisés pour le fabriquer», explique-t-on chez BoConcept. En réalité, cet entrelacs de clés à pipe – dont l’esthétique mécanique renvoie autant au Metropolis de Fritz Lang qu’à l’architecture du Centre Pompidou – est constitué de pièces fabriquées ad hoc et peintes à la main en noir profond pour renforcer l’illusion. M. Go.

BoConcept

Chandelier à 6 BranChes en aCier noir (29 × 26 × 26 Cm), 119 €. www.BoConCept.Com

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Le style.

RECETTE

Le koulibiac au saumon. IngRédIEnTs pour 8 personnes

Pour la pâte briochée : 375 g de farine T55 12 g de levure de boulanger 2 œufs 1 cuillerée à café de sel 10 cl de lait 125 g de beurre à température ambiante

une affaire de goût ALAIN DROUARD.

qués du sceau des échanges entre les deux pays. Car la Russie a eu une grande influence sur la gastronomie française, notamment à travers Antonin Carême, « roi des cuisiniers et cuisinier des rois », qui travailla un temps au service du tsar Alexandre. De Russie, Carême a rapporté des recettes d’une complexité folle, avec énormément d’ingrédients et de techniques, qui ont été adaptées par les cuisiniers français. Le koulibiac, c’est un plat profondément russe, un pâté chaud non moulé, comparable à ce qu’on appelle en France le « pâté pantin », qui peut avoir de nombreuses variantes. La version la plus traditionnelle est au saumon, mais on peut également y mettre de la viande, uniquement des légumes ou, pour la version de luxe, de la moelle d’esturgeon. La recette a été importée, adaptée et « francisée », notamment en y ajoutant du riz. Moi, je préfère la version originale, avec du kasha, ce gruau de sarrasin qui donne un goût particulier au plat. Préparer un koulibiac pour mes proches est une façon de célébrer l’histoire de ma famille, mais aussi l’histoire de la gastronomie française. Propos

Né d’une mère russe et d’un père français, cet historien et sociologue au CNRS, spécialiste de l’alimentation, marie les influences pour célébrer, en saveurs, ses deux cultures.

J’ai toujours aimé faire la cuisine, et je la fais tous les jours depuis des années. Ma passion pour la table vient de mes parents, qui furent tous deux de grands gourmands et des cuisiniers amateurs talentueux. Ma mère avait 7 ans lorsqu’elle est arrivée en France en 1920, fuyant la révolution bolchevique. A cette époque, les étrangers cherchaient à s’intégrer à tout prix : il fallait assimiler les coutumes françaises et, souvent, la seule chose qui restait de leur culture, c’était la cuisine. Auprès de ma mère, j’ai appris toutes ces recettes d’origine russe qui font aujourd’hui partie intégrante du lexique culinaire français. Il y a trente ans, j’ai préparé un grand repas russe pour ma famille, à l’occasion du Jour de l’an. C’était une année importante, celle de la mort de mon père et de la naissance de mon quatrième et dernier fils, Alexandre (aujourd’hui cofondateur de Terroirs d’Avenir, fournisseur de produits de petits producteurs). Le festin commençait par des zakouskis, ces entrées variées que l’on déguste avant même de passer à table : salades froides, viandes, poissons fumés, petits raviolis (pelmenis) ou encore beignets fourrés (pirojkis). Suivirent un koulibiac et un bœuf Strogonoff, sans oublier le dessert, un vatroushka (gâteau à base de fromage blanc, d’écorces d’agrumes, de raisins secs). Ce fut un moment inoubliable, un vrai repas de fête, symbole du métissage franco-russe de ma famille. Tous les plats que j’ai servis ce jour-là sont mar116 -

recueillis par Camille Labro

Histoire des cuisiniers en France, xixe-xxe siècle, CNRS éditions, 2007. Le Mythe gastronomique français, CNRS éditions, 2010.

Pour la farce : 700-800 g de saumon frais 250 g de champignons de Paris, nettoyés et émincés 100 g de kasha (gruau de sarrasin) 300 ml de bouillon de légumes ou de volaille 1 oignon ciselé 3 œufs durs 1 bouquet d’aneth 50 g de beurre fondu Le jus d’un demi-citron Huile d’olive 1. La veille, préparer la pâte. Mélanger 125 g de farine, la levure, 125 ml d’eau à température ambiante, et laisser pousser au moins 2 heures pour créer un levain (cela doit doubler de volume). Dans le bol du mixeur, placer le reste de farine, les œufs, le sel, le lait. Commencer à pétrir (à la main ou au batteur), et ajouter progressivement le beurre coupé en morceaux. Lorsqu’il est bien incorporé, ajouter le levain et pétrir encore. Lorsque la pâte se détache du bol, la mettre à reposer une nuit au frais. 2. Saisir le saumon quelques minutes à la poêle. Utiliser la même poêle pour faire sauter les champignons avec une cuillerée d’huile et une noix de beurre, saler et poivrer. Dans une sauteuse, faire revenir l’oignon émincé dans du beurre. Ajouter le kasha et mouiller avec du bouillon comme pour un risotto jusqu’à ce que le grain soit tendre. Réserver. 3. Sortir la pâte un peu en avance. Faire deux boules (l’une un peu plus grosse que l’autre) et les étaler au rouleau à pâtisserie (2-3 mm d’épaisseur). Disposer la plus grande sur une plaque de cuisson légèrement graissée. En laissant un rebord de 2 cm, y superposer une couche de kasha, de champignons, de saumon émietté avec l’aneth ciselé, quelques rondelles d’œuf dur et recommencer jusqu’à épuisement des ingrédients. Recouvrir avec la deuxième abaisse, souder en repliant la pâte du dessous, badigeonner la surface de jaune d’œuf et faire une petite cheminée. Enfourner à four chaud (th. 7), environ 45 min. Au sortir du four, verser le beurre chaud et jus de citron dans le trou de la cheminée. Servir chaud ou tiède, accompagné d’une salade verte.

Sur iPad et leMonde.fr, retrouvez la recette en vidéo. Photos Julie Balagué pour M Le magazine du Monde – 29 mars 2014


Š Jean-Marc Palisse. Sculptures : Olivia De Saint-Luc

Cuisine Bain Rangement 160 magasins

Chaque cuisine a son histoire D’autres histoires sur www.perene.com


Le style.

JP Géné Peau au feu.

je suis nettement plus fort en argot qu’en cuisine. A part les zestes d’orange confits ou l’épiderme de canard gras grillé, mon cahier de recettes se résume à peau de balle. Reconnaissons qu’elle n’est pas toujours d’un abord agréable et qu’on veut le plus souvent l’éliminer. Comment lui en vouloir lorsqu’on l’attaque avec un couteau, un épluche-légume et de plus en plus souvent au rasoir. Je connais bien des vieilles peaux qui dénoncent cette délinquance domestique, ignorée dans les statistiques du ministère de l’intérieur. Manuel Valls n’est pas au courant. Et que dire du racisme antiblanc, trop souvent observé à l’égard de la peau du lait, cette

fine pellicule plissée qui se forme à la surface à mesure que l’ébullition approche ? Récupérée par les gens de goût comme la crème du lait, elle peut inspirer un rejet profond chez des personnes fragiles, esclaves de leurs sens. J’ai des témoins. Je me suis surpris plusieurs fois à caresser la peau d’une poule pour lui manifester une dernière tendresse avant de l’embrocher. Celle d’une belle volaille de basse-cour au grain fin, souple et tendue sur les suprêmes, plus résistante sur les cuisses, d’une blancheur uniforme et coiffée d’un calot rouge comme en Bresse. L’enveloppe en dit souvent beaucoup sur l’intérieur. Il suffit de toucher ces poulets de batterie sortis du plastique, à la peau lisse collée sur une chair siliconée et qui sue l’humidité. Ils ne méritent pas qu’on leur glisse sous l’épiderme de belles rondelles de truffes noires, un geste fort qui s’apparente à une déclaration d’amour réservée à la poularde du moment. CUISINER LES PEAUX NE CONSISTE PAS À

RÉCOLTER LES ÉPLUCHURES,

A lire LA PEAU, 10 FAÇONS DE LA PRÉPARER, par Aurélie Portier, Guillaume Nicolas-Brion, Les Editions de l’Epure, 24 p., 7 €. www.epure-editions. com

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végétales ou animales, pour les passer à la poêle, la friteuse ou je ne sais quoi, avec soja et gingembre incorporés. Nous ne sommes ni dans la récupération ni dans le traitement des déchets alimentaires. Aurélie Portier et Guillaume Nicolas-Brion, les jeunes auteurs d’un livret sur dix façons de préparer la peau, sont catégoriques : « C’est bien la peau, l’ingrédient fondamental. On oublie la chair de l’animal, du légume ou du fruit : comment pourrait-on re-

trouver la saveur brute de la peau si on l’associe à ce qu’elle enveloppe? » Leurs recettes sont à la hauteur de leur ambition, et il fallait un certain toupet pour créer une gourmandise avec de la peau de banane, de kiwi ou d’avocat, pour rester dans le végétal. Le premier danger vient des pesticides et autres denrées chimiques qui frappent d’abord la surface des fruits et légumes. Le bio s’impose comme le boyau naturel pour le chorizo utilisé ici en bouillon, versé brûlant sur des huîtres crues. Découpée en rondelles de 0,5 cm, la peau de kiwi devient chips ; l’infusion de peau d’avocat vient parfumer le mouhalabieh, ce flan libanais à la fécule de maïs ; le jus de peau de poivron apporte amer-

spontanément comestibles au commun des mangeurs. Ce sont des créations à fort contenu idéologique qui posent de graves questions : au nom de quoi ne pourraiton manger de la couenne de cochon roulée dans la courgette ? Pourquoi le feuilletage serait-il interdit au costume du cabillaud ? Aurélie et Guillaume y apportent des réponses convaincantes et des suggestions d’accord avec des vins qui partagent les mêmes histoires de peau. Ces vins blancs dits de macération, dont la peau des raisins reste en contact avec le moût plus longtemps que d’ordinaire pour produire un « vin orange », aux arômes décuplés, spécialité de l’Italie mais aussi de la Croatie, la Slovénie ou la Géorgie.

Les recettes sont à la portée de tous, à condition d’être motivé. En effet, le millefeuille de peau de poisson ou les rouleaux de peau de porc n’apparaissent pas spontanément comestibles au commun des mangeurs. tume et vigueur à la chantilly et la peau de banane donne un goût fumé aux muffins. Ne nécessitant pas d’équipement particulier, les recettes sont à la portée de tous, à condition d’être motivé. En effet, le millefeuille de peau de poisson ou les rouleaux de peau de porc n’apparaissent pas 29 mars 2014

Cecilia Garroni Parisi pour M Le magazine du Monde

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N MATIÈRE DE PEAU,


– Photo : Julie Ansiau

Ludivine et son fauteuil saint tropez


Le resto

Le style.

Délices métisses.

Adeline Grattard, étoilée Michelin depuis 2010 pour son restaurant Yam’Tcha, court plus après les produits qu’après les macarons. Ce jour-là, le turbot pesait 9 kg et occupait la moitié du plan de travail à la livraison. Il nous fut servi cuit vapeur à la perfection, façon soupe de poisson, coques, épinards et caviar d’Aquitaine. C’était le troisième plat du menu unique (100 €) qui en comporte quatre avec fromage et dessert. Nem de tofu fumé (avec un thé oolong) et soupe de cresson aux langues d’oursin en amuse-bouche. Rouget confit froid, chou craquant, sauce soja gingembre, le premier pas dans un nouveau monde, suivi par de très fines nouilles de patates douces, recouvertes de porc haché et truffé passé au wok. Un ovni, produit du métissage de la cuisine croisée en Chine et de celle apprise à l’Astrance avec Pascal Barbot. C’est désormais la sienne menée au wok, au four, à la vapeur. Une cuisine de sentiment et de technique, servie avec des vins ou des thés qui bénéficient ici d’un véritable service de sommellerie avec son mari, Chi Wah. Après le canard de Challans rôti et les shiitakés, sauce au vinaigre de riz noir, j’ai gardé un grand souvenir du dessert : une quenelle de sorbet à l’orgeat, posée sur une crème d’oseille d’un vert absolu et accompagnée d’une pavlova passion, pomelos, kumquat. Un délice total. Comme le reste d’ailleurs. JPG Yam’Tcha, 4, rue Sauval, Paris 1er. Tél .: 01-40-26-08-07. Menus 60 € (midi), 100 € (dîner). Fermé dimanche, lundi et mardi midi. www.yamtcha.com

Les coordonnées

banc d’essai

Le chénas.

Voici la plus rare des appellations du Beaujolais, située tout près de Moulin-à-Vent. Le gamay donne à ses vins une élégance fruitée et longue. Parfaits avec un gigot d’agneau.

Par Laure Gasparotto

Domaine Dominique Piron, Cuvée quartz 2011

L’imposant Un savoirfaire de longue date qui s’en ressent ici encore, avec une minéralité longue, dynamique et suave. Un vin d’une densité gourmande. Tél.: 04-74-6910-20. 13,50 €.

Domaine PasCaL aufranC, vignes De 1939 2011

Le raffiné Une cuvée superbe, franche, profonde. Un chénas élégant entre tous, qui se révèle complexe et fin. Un joli jus plein d’énergie. Tél.: 04-74-0447-95. 10,70 €.

Domaine BernarD santé 2011

Le complet Voilà qui prouve que le chénas peut atteindre des sommets de régal. Du caractère, de la structure et de la puissance. C’est bon ! Tél.: 03-85-3382-81. 7,50 €.

Domaine PauL-Henri tHiLLarDon, Les Carrières 2012

Le caressant Des notes de fruits noirs ajoutent à la pureté de ce très beau vin, sincère, direct et d’une gourmandise absolue. Une texture raffinée et longue. Bio. Tél.: 06-07-7600-91. 12 €.

Pages réalisées par Caroline Rousseau avec Fiona Khalifa (stylisme). Et aussi Jérôme Badie, Lili Barbery-Coulon, Carine Bizet, Stéphanie Chayet, David Chokron, Laure Gasparotto, JP Géné, Marie Godfrain, Camille Labro, Catherine Maliszewski, Vahram Muratyan, Julien Neuville, Jean-Michel Normand et Lisa Vignoli. 120 -

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29 mars 2014

Anaïs Vercken. DR

de la série Un peu de tenues… Au bureau, p. 106.



Le style.

Jouer les Robinson à Psili Ammos

« C’est une plage de sable fin, qui borde une mer agitée… Y arriver vers 4 heures de l’après-midi à pied par la montagne, quand le soleil commence à décliner, se jeter dans les vagues avant de venir s’enivrer sous les canisses de la taverne, les jambes au soleil, la tête à l’ombre, devant un verre de retsina. Vous pouvez alors attendre le soir, y rester la nuit même, à regarder les étoiles filantes tomber dans la mer. Le matin, les chèvres vous lécheront les doigts de pieds. Vous vous jetterez nu dans l’eau glacée. Vous repartirez vers 11 heures, quand les “touristes” seront de retour et avant que le soleil soit de nouveau au zénith. »

grèce

Le Patmos d’Antoine Silber.

c’est peu de dire que cet ancien journaliste au Nouvel Observateur et à Elle aime l’île de Patmos, à laquelle il rend un bel hommage dans Les Cyprès de Patmos (ed. Arléa). cela fait trente ans qu’Antoine Silber s’y rend et quelques années qu’il y possède une « petite maison blanche face à la mer ». « Patmos, c’est d’abord l’île de saint Jean – il y fut emprisonné il y a près de deux mille ans et y écrivit l’Apocalypse. C’est aussi la beauté, mon refuge, le bonheur en somme. » Propos recueillis par Emilie Grangeray

« Le plus fréquenté s’appelle l’Arion, à Skala (photo). Un superbe espace en forme d’entrepôt qui donne directement sur le quai. Mais je lui préfère les petits cafés de la Platia. Petrino Cafe, le Plaza, sans compter le Houston Cafe, dont il ne faut pas manquer la décoration, qui en fait un vrai petit musée de l’émigration grecque aux Etats-Unis. Le soir, j’aime la terrasse de l’Art Cafe. Katharina, sa propriétaire, y organise des lectures de poèmes de Seféris ou de Cavafy. Et des concerts de jazz. »

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Photos Myrto Papadopoulos pour M Le Magazine du Monde – 29 mars 2014

Zsuzsanna Wagenhoffer

Flâner dans les cafés du port de Skala


CARNET PRATIQUE 1/Plage de Psili Ammos 2/Cafe Arion, Petrino Cafe, Plaza Cafetaria, Houston Cafe, Art Cafe. Skala 3/Chemin des trois moulins De Chora à Skala 4/Restaurant Vagelis Sur la place, Chora (Patmos) Tél. : (00-30) 22-47-03-19-67 5/D’ermitage en ermitage www.patmosmonastery.gr

Se retirer dans un ermitage

Arpenter Chora à l’heure de la sieste

« C’est l’après-midi, quand le village dort, qu’il faut aller se perdre dans le labyrinthe de ruelles toutes blanches, respirer les odeurs de jasmin et d’eucalyptus. Le soir, les plus belles filles du monde se retrouvent sur la Platia, au bras de villageois hilares. Et tout le monde dîne chez Vagelis, où l’on mange mal mais où l’on se sent bien. »

« A scooter, vous traversez une lande battue par le vent et vous découvrez un petit monastère, trois bateaux dans une crique. Vous êtes à Livadi Kalogeron (la plaine des moines), le coin le plus secret et le plus excitant de l’île. Reprenez votre scooter, traversez la montagne, vous arrivez à Apollou, un autre ermitage, où l’écrivain Jacques Lacarrière passa jadis des mois seul. Les petits ermitages perdus sont une des richesses de Patmos. Au sud, à l’autre bout de l’île, après Grikos, allez faire retraite dans les anfractuosités du rocher de Kalikatsou. Comme les moines du xie siècle qui venaient là contempler la mer. »

Prendre de la hauteur au pied des moulins

« Il faut aimer le soleil et la marche pour rejoindre Chora par les chemins qu’empruntaient jadis les pèlerins. Il y en a deux, au choix. Le plus connu a été pavé en 1818 et dessert la grotte où saint Jean aurait, dit-on, eu ses visions divines. Elle est sans grand intérêt, alors filez vers l’est, en direction des trois moulins. Ils viennent d’être magnifiquement restaurés et, de là, part un second chemin, sublime, le plus ancien de l’île, celui assurément qu’empruntait l’apôtre Jean, qui redescend vers Skala et vous offre une vue à tomber sur la Turquie, toute proche. »

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1. P

Focus

nebraska mon amour

Les grandes plaines désolées de cet Etat du centre des Etats-Unis, Alexander Payne les connaît bien. C’est là qu’il est né, qu’il vit six mois par an et qu’il a tourné “L’Arriviste” et “Monsieur Schmidt”. Là aussi qu’il entraîne un père et son fils dans un drôle de road-movie justement intitulé… “Nebraska”. Par Thomas Sotinel/ Photo Thomas Chéné

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arce que Bruce SpringSteen leS a

chantéeS de Sa voix caSSée, parce que Kevin Costner y a dansé avec les loups, on croit savoir que dans les plaines du Nebraska vivent des gens rudes – cow-boys, prospecteurs, tueurs en série (comme les pauvres héros de La Balade sauvage, de Terrence Malick). Pourtant, Alexander Payne n’a rien de rude. L’hôtel du Quartier latin qui l’accueille le temps d’une visite parisienne paraît un habitat plus naturel pour cet élégant quinquagénaire que les petites villes agonisantes de son Etat natal, dans lesquelles Alexander Payne a tourné son dernier film, Nebraska. Cet intellectuel cosmopolite, qui a vécu en Colombie, tourné à Paris et dirigé quelques-unes des grandes stars d’Hollywood (Reese Witherspoon, Jack Nicholson, George Clooney), a réalisé quatre de ses six longs-métrages chez lui, ce qui en fait l’un des rares auteurs régionaux du cinéma américain qui ne soit pas new-yorkais. Alexander Payne est d’Omaha, la plus grande ville du Nebraska (un peu plus de 400000 habitants), où il passe la moitié de l’année. Le réalisateur a pourtant peu à voir avec les héros de son dernier opus, Nebraska. Le vieux Woody Grant (Bruce Dern, Prix d’interprétation au dernier Festival de Cannes) et son fils David (Will Forte), se lancent dans un road-movie loufoque, en quête d’une cagnotte d’un million de dollars. Et sont contraints de s’arrêter dans une petite ville perdue de l’Etat. «Je suis un Grec d’Omaha de la troisième génération, je ne sais pas grand-chose de ces petites villes, avoue-t-il. La seule connexion passe par ma grand-mère. C’était une Allemande d’un petit village de la campagne du Nebraska. Pourquoi? Parce que mon grand-père paternel est arrivé dans l’Etat en 1913, de Grèce via Boston et il n’a pas •••


Le réalisateur américain Alexander Payne. Fasciné par le cinéma depuis l’enfance, il rêvait de tourner en noir et blanc. C’est chose faite avec son nouveau film, Nebraska.

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la culture.

Pas de stars dans Nebraska. Alexander Payne a choisi Bruce dern, figure du Hollywood des années 1970, pour incarner son personnage principal (ci-dessous), entouré d’acteurs semi-professionnels de la région.

un directeur de casting qui ne travaille qu’avec Alexander Payne (il est installé à Omaha) : « Je l’appelle mon arme secrète, dit le réalisateur, parce qu’un film c’est le scénario et la distribution des rôles. » Il poursuit : « La question n’est pas de décrocher le meilleur acteur, mais celui dont le visage raconte une histoire qui à son tour porte l’histoire du film. » De ce point de vue, Nebraska est un chef-d’œuvre de casting, qui mélange des professionnels hollywoodiens et des semi-professionnels du cru sans qu’on puisse distinguer les uns des autres. Même s’il n’a pas grandi avec eux, Alexander Payne connaît ces personnages : « Je parle leur langage, je connais leur sens de l’humour, leur manière d’être. Par exemple, quand Will Forte revoit sa tante pour la première fois depuis des années, son premier geste a été de lui faire la bise. Je lui ai dit : “Non, ne l’embrasse pas, juste une accolade, bien froide, à l’américaine.” » Le cinéaste se remémore les visites annuelles au cimetière où reposait la famille luthérienne de sa grand-mère allemande et s’inquiète aussitôt : « Je ne veux pas vous ennuyer. » Après s’être ressourcé, AlexAnder pAyne s’est remis Au trAvAil sur un scénario qu’il porte depuis plusieurs années, un film d’anticipation, plus cher, plus lourd que les précédents. On le sent anxieux d’affronter cette épreuve, dans laquelle il devra sacrifier un peu de la liberté qui fut la sienne jusqu’ici. « Pour un film à petit budget, on peut choisir qui on veut. J’aurais pu tourner Sideways avec Clooney et Brad Pitt, mais je n’en ai pas voulu, ils n’allaient pas avec le film. Cette fois, j’ai besoin d’une star et j’ai peur qu’elle n’aille pas avec le film. Je n’ai pas Marcello Mastroianni sous la main, qui était beau, une star et pouvait jouer n’importe quoi. Je n’ai pas Jack Lemmon, et même Tom Hanks a 60 ans. » Bien sûr, les actrices contemporaines l’inspirent plus – il est un inconditionnel de Marion Cotillard – mais voilà bien longtemps qu’Alexander Payne n’a pas écrit un grand rôle féminin. L’anxiété ressort au détour de la conversation. On parle de L’Arriviste, de son humour noir qui, sous couvert d’une comédie lycéenne, peignait le sombre tableau des mœurs électorales américaines, et Alexander Payne raconte : « J’en ai rêvé il y a quelques jours. C’est un film en Scope, j’assistais à une projection et on le montrait en format 4:3. Je courais à la cabine de projection, elle était fermée à clé et il n’y avait personne dedans. » Le cauchemar d’un cinéaste perfectionniste qui dit de ses films : « J’ai toujours l’espoir de réussir une omelette parfaite et je dois me contenter d’honnêtes œufs brouillés. »

Merie W. Wallace/Paramount Pictures x3

••• trouvé de femme grecque.» Ce grand-père a dirigé l’un des restaurants les plus populaires d’Omaha, et Alexander Payne a grandi dans le confort d’une ville plus sophistiquée que la campagne environnante – «Omaha est au Nebraska ce que New York est aux Etats-Unis, Paris à la France», explique-t-il. Fasciné par le cinéma dès son plus jeune âge, il l’a étudié à la University of California, à Los Angeles. En 1996, quand il s’est agi de réaliser son premier long-métrage, Citizen Ruth, il est retourné chez lui. Cette comédie noire, dont la vedette était Laura Dern (fille de Bruce), l’a fait remarquer des critiques. Son film suivant, L’Arriviste (1999), a été tourné dans un lycée de la banlieue d’Omaha, où il a fait venir Matthew Broderick et Reese Witherspoon, tout comme il a baladé Jack Nicholson sur les routes du Nebraska pour les besoins de Monsieur Schmidt (2002). Alexander Payne sait aussi se promener ailleurs, dans le vignoble californien (Sideways, 2004) ou entre les îles d’Hawaï, pour les besoins des Descendants (2011), son plus gros film à ce jour, dont la vedette était George Clooney : «Après ce récit un peu trop ambitieux, j’avais besoin de revenir à quelque chose de très simple, et de le faire chez moi. Je mourais d’envie de tourner en noir et blanc, depuis des années, et je voulais un style visuel très simple », détaille Alexander Payne. Pour arracher le consentement du studio (en l’occurrence, Paramount), naturellement réticent à l’idée d’un film en noir et blanc, il a fallu établir un budget très serré. Pas de stars pour Nebraska, donc, juste un acteur respecté et aimé par ses pairs, Bruce Dern, et une vedette de la télévision, Will Forte. Les autres rôles ont été attribués par John Jackson,

Nebraska, d’AlexAnder PAyne. en sAlles le 2 Avril

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2. La culture.

Dans l’atelier du peintre stéphane pencréac’h, à Montreuil. une peinture qui se développe par montages et hybridations.

En coulisses

Dans l’atelier de Stéphane Pencréac’h, à Montreuil, les quatre peintures sont prêtes à partir pour Nice, où le Musée d’art moderne et d’art contemporain leur consacre une salle à partir du 12 avril. Il y aura aussi des dessins, réalisés d’après les toiles. Pencréac’h montre la maquette de la salle. « Là, sur ce mur, je mettrai peut-être aussi une partie de ce qui m’a servi, les images que j’ai prises dans la presse ou sur Internet. » Quelques-unes, imprimées, couvrent le sol dans un coin de l’atelier. « Ce ne serait pas mal de montrer un peu la méthode. » Depuis près de deux ans, Pencréac’h s’est donné pour sujet les révolutions arabes. A un peu plus de 40 ans, l’artiste a décidé de tenter une expérience apparemment impossible : peindre ces événements, comme Delacroix le fit des journées révolutionnaires de 1830 ou comme, plus récemment, Edward Kienholz ou Malcolm Morley l’ont fait de la guerre du Vietnam. Les difficultés et les objections sont évidentes. Pourquoi peindre l’actualité au temps des images numériques ? Comment faire pour capter sur une surface, avec des formes et des couleurs, des moments et des situations aussi complexes ? « Mais si on n’affronte pas ce genre de problèmes, à quoi bon faire de la peinture ? », demande l’artiste. Il y a donc quatre toiles, chacune étant un long polyptyque, et quatre lieux : Tunisie, Libye, Egypte, Mali. Pour chacun, une scène, parmi celles que l’on a vues à la télé, occupe le centre de la composition. Des portraits ou des figures allégoriques l’encadrent. Des symboles se surimposent, comme des incrustations dans une image. Il y a des inscriptions à lire, des dissonances de couleurs paroxystiques, des éclats de lumière, des ruptures 128

d’échelle, l’intrusion du cinéma, celle de l’art ancien et une anamorphose à la Holbein. La violence visuelle de ces toiles est à la mesure de ces révolutions et de leurs tragédies. « Il le fallait. C’est sûr que ça cogne pas mal… » En effet, ça cogne. Avec lui, la peinture démontre tout à la fois qu’elle a toujours le pouvoir de fixer dans des formes l’histoire des hommes et qu’elle se nourrit aujourd’hui de toutes les images dans lesquelles chacun est immergé. Résultat : on reste pantois devant ces toiles monumentales et hurlantes. On ne l’est pas moins devant la sculpture que Pencréac’h a décidé de placer dans la salle. « Elle est presque finie. Mais ce n’est pas tout à fait sûr. Je veux y penser encore un peu. » Aux dernières nouvelles, son auteur s’apprêtait à la modifier pour la rendre plus intense encore. Ph. D. MAMAC, pLACe Yves-KLein, niCe (ALpes-MAritiMes). téL. : 04-97-13-42-01. Du 12 AvriL Au 31 Août. www.MAMAC-niCe.orG

Guia Besana pour M Le magazine du Monde x4

les printemps hurlants de pencréac’h


Vu sur le Net

Hemingway à la leTTre C’est bien connu, sur Internet comme ailleurs, la langue se délite. Mais «Papa» Hemingway veille au grain, depuis l’au-delà, par l’intermédiaire du site HemingwayApp, un correcteur automatique qui propose à l’internaute des améliorations «à la manière de» l’auteur américain. Il suffit d’entrer une phrase ou un texte pour recevoir de précieux conseils et éviter tout faux pas stylistique. Le comble : en postant en anglais des extraits de Paris est une fête, d’Hemingway, les suggestions de réécriture ne manquent pas! Phrase trop longue, style ampoulé, usage intempestif des adverbes et de la voix passive… Clarté et simplicité, disait pourtant Hemingway! C. Gt capture d’ecran du site hemingwayapp.com. Michael de angelis

heMinGwaYapp.coM

4. 3 questions à

Tina SaTTer Chef de file du théâtre expérimental américain, la metteuse en scène est l’invitée du cycle “New York in Gennevilliers”, avec une version détonante de “La Mouette” d’Anton Tchekhov.

Comment expliquer la symbiose entre la pièce et les interprètes de votre troupe entièrement féminine?

La Mouette suit un groupe d’artistes, dont une apprentie comédienne, Nina, ce qui rappelle fatalement le tout petit milieu du théâtre dans lequel nous évoluons à New York. Il était surtout important pour moi d’épouser le point de vue des jeunes filles de la pièce, Nina et Macha. C’est en voyant une production de La Mouette à Broadway que j’ai compris pour la première fois le texte de Nina comme la conscience d’une adolescente, avec sa confusion et ses désirs.

Comment tenir la note de la comédie tragique?

Je cherche à toucher du doigt la frontière entre le tragique dévastateur et l’hilarité stupide – après tout, c’est un état limite de la vie que chacun connaît, entre rire et larmes. Tchekhov lui-même parle de La Mouette comme d’une comédie, en référence, je suppose, au ridicule que peuvent revêtir les élans du cœur. Cette mise en scène incorpore des éléments décalés tirés de sa correspondance et de ses notes. Le final, lui, laisse place à des vérités plus sincères et tragiques.

Quelles sont les orientations actuelles du théâtre expérimental new-yorkais?

Je vois émerger deux tendances. L’une est très orientée vers la technologie et les nouveaux médias. L’autre privilégie le retour au naturel et les interprètes non professionnels, comme le fait le Nature Theater of Oklahoma. De manière générale, la plupart des artistes doivent toujours cumuler deux emplois. Même les groupes d’avant-garde reconnus, comme Richard Maxwell ou le Wooster Group, ont très peu de moyens. Rien à voir avec les milliers de dollars que brasse Broadway. Propos recueillis par Clémentine Gallot Seagull (Thinking of you), dans Le cadre du festivaL new York in GenneviLLiers, théâtre de GenneviLLiers, 41, avenue des GrésiLLons, GenneviLLiers (hauts-de-seine). téL. : 01-41-32-26-10. Le 2 avriL à 20 h30 et Le 3 avriL à 21 heures. de 9 à 24 €. www.theatre2GenneviLLiers.coM

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La culture.

Jeune pousse

L’exiL éLectro de thomas azier Avec ses allures d’aristo nordique promenant sa mélancolie dans la capitale allemande, impossible de ne pas comparer Thomas Azier au David Bowie de la période berlinoise, quand le « Thin White Duke » se réinventait au pied du Mur à la fin des années 1970. S’il partage avec lui finesse des traits, cheveux blonds plaqués et un goût commun pour le crooning sur fond de synthétiseurs, ce Néerlandais de 26 ans vit à une autre époque que son glorieux aîné. Membre de la diaspora artistique attirée par les loyers modérés et la créativité hédoniste de la ville réunifiée, Azier s’est installé, il y a sept ans, sur les bords de la Spree. Dans un petit studio bricolé au sein d’une ancienne usine du quartier de Lichtenberg, dans l’ex-Berlin-Est, où étaient forgées les cloches du Kremlin, ce Hollandais solitaire a façonné des chansons – dont les évocateurs Ghostcity, Red Eyes ou Angelene – conciliant froideur industrielle, élans romantiques et souvenirs de fêtes electro. Signé par un producteur français, approché par Woodkid pour participer à sa tournée et sollicité par Stromae pour composer des bandes-son, le jeune exilé publie un séduisant premier album, Hylas, identifiant ses propres métamorphoses à celle de sa ville d’adoption. S. D. Ben Roth

Hylas, de Thomas azieR, 1 Cd VeRTigo/meRCuRy/uNiVeRsal. eN CoNCeRT : le 5 aVRil, à PuTeaux. fesTiVal ChoRus. le 12, fesTiVal aRTefaCTs, sTRasBouRg. le 19, à magNy-le-hoNgRe (seiNe-eT-maRNe). le 17 mai, à ePiNay-suR-seiNe (seiNe-saiNT-deNis). le 25, le Week-eNd des CuRiosiTés, Toulouse. le 6 juiN, la gaiTé lyRique, 3, bis Rue PaPiN, PaRis 3e. Tél. : 01-53-01-52-00. 22 €. .

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Le RêVe AméRicAin VU pAR JAmes GRAY Pages de garde

Les fantômes de L’apartheid Yudel Gordon est un drôle de monsieur, un peu azimuté façon Woody Allen. D’ailleurs, il est psy. Mais à Johannesburg, en Afrique du Sud, où il s’occupe des détenus en longue peine - raison pour laquelle il est sollicité par Abigail Bukula, une charmante haut fonctionnaire du gouvernement actuel. La jeune femme cherche à rencontrer un de ses anciens tortionnaires emprisonnés… Dans les années 1990, Wessel Ebersohn faisait déjà de Yudel Gorson le héros d’une trilogie (La Nuit divisée, Coin perdu pour mourir, Le Cercle fermé) qui entraînait le lecteur, à partir d’un fait divers, au cœur de l’apartheid. Ce qui lui valut à l’époque d’être en butte à la censure et aux chicaneries policières. Trente ans plus tard, il ressuscite Gordon pour un roman passionnant, qui utilise le même procédé, en évitant tout manichéisme. Les héros d’autrefois s’y muent en psychopathes sanguinaires. Et le pays de Mandela y semble bien loin d’être en paix avec lui-même. Y. P.

« La beauté à L’état pur » télérama

« MaGIStraL » © 2013 Wild Bunch S.A and Worldview Entertainment Holdings LLC. Tous droits réservés.

Les Inrockuptibles

Rivages/Noir

La Tuerie d’ocTobre, de Wessel eBeRsohN, tRaduit de l’aNglais (afRique du sud) paR faBieNNe duvigNeau. Rivages/NoiR, 416 p., 10,65 €.

6.

en DVD, BLU-RAY et VOD* * Vidéo à la demande


La culture.

7.

Plein écran

“game” monte sur le trône

« Game of Thrones », la série la plus téléchargée aujourd’hui et l’une des plus regardées aux Etats-Unis, voit sa troisième saison éditée en DVD. On y constate toujours davantage de morts violentes et un sadisme accru, mais c’est la capacité des scénaristes à se débarrasser d’une partie des personnages principaux et à respecter l’esprit de la saga littéraire de G.R.R. Martin qui reste toujours plus fascinante tant elle contredit les codes cinématographiques et télévisuels en vigueur. A ce niveau de qualité, la série peut durer dix ans et se révéler, par son alliage d’heroic fantasy et de théâtre politique shakespearien, le grand roman-feuilleton du xxie siècle. S. Bd. « gAME Of tHrOnES. LE trônE DE fEr », SAiSOn 3, 6 DVD Ou 5 BLu-rAy, WArnEr.

1964. Laura Scozzi naît à Milan, d’une mère

comptable et d’un père magasinier. « J’aurais pu ne pas être là », précise celle qui aurait aussi pu s’appeler Elena ou Simona. Sauf que « l’infirmière chargée par [sa] mère de proposer les trois prénoms au père décide d’omettre les deux derniers ». Ce Gémeaux ascendant Scorpion, « Dragon dans l’astrologie chinoise » errera comme le veut son signe « en cherchant sa place ». Danseuse ou sociologue ? Photographe ou hôtesse de l’air ? « Lorsqu’on est douée pour tout et passionnée par rien, les choix sont difficiles », glisse-t-elle, espiègle.

1995. Sept ans après son installation à Paris et

un an après la création de sa compagnie, Opinioni in Movimento, Laura Scozzi présente son premier spectacle, Zapping Movies. Juste avant d’entrer en scène, elle connaît sa « première attaque de panique ». L’une des interprètes lui donne un coup de pied aux fesses et la fait atterrir sur scène. Depuis, elle a choisi les coulisses mais connaît toujours des bouffées d’angoisse.

1998. « L’année de tous les possibles. » Laura

2009. Le 14 novembre, Laura Scozzi se fait

huer pour la première fois de sa carrière. Sur une proposition de Peter Theiler, directeur du Staatstheater, à Nuremberg, elle met en scène La Flûte enchantée, de Mozart. « L’action s’apparente aux films de James Bond, avec skis, hélicoptères, raconte-t-elle. La Reine de la Nuit était alcoolique et dépendante aux médicaments, Sarastro le maire véreux d’un village de montagne à la mode… » Le public est partagé : « Les uns s’égosillaient et riaient à gorge déployée, les autres tambourinaient sur le plancher. » R. Bu.

Bio express

laura sCoZZI

Sept Blanche-Neige délurées qui courent après un nain, une pomme rouge qui contient du LSD… L’audacieuse chorégraphe italienne revisite avec humour les contes pour enfants, mêlant influences hip-hop et classique.

HBO/Warner Home Vidéo. Dan Aucante. Laura Scozzi

Scozzi rencontre « les Trois Grâces, la Trinité, un bouquet exotique piquant et soyeux ». Il s’agit du directeur de l’Opéra de Paris, Hugues Gall, du metteur en scène Laurent Pelly, et du directeur du Théâtre de Suresnes, Olivier Meyer. Ces trois hommes lui ouvrent de nouveaux terrains de jeux, l’opéra et le hip-hop.

BarBe-Neige Et les sept petits cochoNs au Bois dormaNt, DE LAurA SCOzzi. LE 5 AVriL Au PôLE CuLturEL, ALfOrtViLLE (VAL-DE-MArnE). LE 11 AVriL, Au tHéâtrE MOnSigny, à BOuLOgnE-Sur-MEr (PAS-DE-CALAiS).

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9. A vue d’œil

Ed. Casterman x3

secret de famille

Il n’est pas obligatoire d’être un grand virtuose du pinceau pour mener une belle carrière d’auteur de bande dessinée. Didier Tronchet en est la preuve. La maladresse assumée de son trait coïncide même parfaitement avec la gaucherie désespérante de ses personnages, des ringards pathétiques (et comiques) ayant pour nom Raymond Calbuth, Jean-Claude Tergal ou la famille Poissard. Le héros de son dernier album ne répond à aucun patronyme, pas même à un prénom, mais n’a rien à envier à ses prédécesseurs avec son sourire forcé et sa naïveté à toute épreuve. Une série d’imprévus – l’incendie d’un immeuble, le décès d’une grand-mère… – le ramène sur les traces de son enfance et à un événement qui lui fut caché parce qu’il n’était pas «en âge de comprendre» : la mort de son père. On sourit plus qu’on ne rit à la lecture de ce récit aigre-doux, adaptation d’un roman que Tronchet a lui-même écrit (Flammarion, 2011). Tendresse, nostalgie et hommage à Hergé scandent cette insolite chasse au yéti. F. P. Le FiLs du yéti, DE DiDiEr TrOnCHET. CASTErmAn, 200 p., 16 €.


La culture.

images extraites de la vidéo Les yeux tournent autour du soleil (2013).

Chambre noire

Mehdi Meddaci. Courtesy galerie Odile Ouizeman, Paris

l’absence prend corps Mehdi Meddaci avait déjà envoûté nos pupilles par des images à la traînante mélancolie lors des Rencontres d’Arles en 2012. La magie opère de nouveau à Pontault-Combault, où l’artiste tisse ensemble des vidéos et des photos qui tournent autour d’idées tenaces, sans jamais les aborder frontalement : l’exil et sa peine sans couleur, la mémoire réconfortante autant qu’infidèle, la terre d’asile, le retour. Ici, ailleurs? On l’ignore. Mehdi Meddaci construit un voyage avant tout mental, où les lieux sont comme vus à travers une vitre, les personnages inventent des gestes pour dire l’absence, le départ. L’artiste inscrit ses idées fixes dans des récits éclatés où le temps s’étire, où des motifs – l’eau, les flammes – reviennent comme des visions nocturnes, indéchiffrables et entêtantes. Cl. G. « NOus NOus sOMMEs lEvés », ExPOsitiON DE MEhDi MEDDaCi. CENtRE PhOtOgRaPhiquE D’ilE-DE-FRaNCE, 107, avENuE DE la RéPuBliquE, PONtault-COMBault (sEiNE-Et-MaRNE). tél. : 01-70-05-49-83. Jusqu’au 6 avRil. www.CPiF.NEt

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Et aussi…

Le récitaL

Omar Bashir

L’art du oud, le luth oriental, « sultan » des instruments du monde arabe, magnifié par le très créatif musicien irakien Omar Bashir. c’est l’une des propositions du Festival de l’imaginaire, lieu de rencontres rares avec des expressions artistiques du patrimoine culturel immatériel de l’humanité, proposée jusqu’au 1er juin par la Maison des cultures du monde. P. La. MaisOn DEs CultuREs Du MOnDE, 101, BD RasPail, PaRis 6e. lE 4 avRil à 20 h. DE 11 à 22 €. www.FEstivalDEliMaginaiRE.COM

On ne saurait résister au célèbre orchestre néerlandais, l’une des phalanges européenne les plus cotées, en visite à Paris. a sa direction, le monstre sacré Mariss Jansons. au programme, l’expressif violoncelle de truls Mork, le piano souverain de Krystian Zimerman, et deux des belles symphonies de Bruckner. M.-A. R. sallE PlEyEl, 252, RuE Du FauBOuRg-sainthOnORé, PaRis 8e. tél. : 01-42-56-13-13. lE 30 MaRs à 17 h, lEs 31 MaRs Et 1er avRil à 20 h. DE 10 à 110 €. www.sallEPlEyEl.FR

Le FestivaL

Le sPectacLe

Un nouveau festival pour plonger dans toutes les tendances de la danse contemporaine. cette manifestation pilotée par Le Gymnase, centre de développement chorégraphique de roubaix, jongle entre hip-hop, formes conceptuelles, performance rock, soli et pièces de groupe, avec une énergie offensive et joyeuse. R. Bu.

en créant son Oncle Vania, eric Lacascade y a adjoint L’Homme des bois, version antérieure du texte de tchekhov. cette « belle journée pour se pendre » devient un banquet familial arrosé, avec une boule à facettes qui tournoie au-dessus de nos têtes. Une mise en scène vénéneuse, adoucie par une énergie chaleureuse venue du cirque. C. Gt

lE gyMnasE, 5, RuE Du généRal-Chanzy, ROuBaix (nORD). tél. : 03-20-20-70-30. Du 5 au 12 avRil. DE 5 à 20 €.

lE QuaRtz, sQuaRE BEEthOvEn, 60, RuE Du ChâtEau, BREst (FinistèRE). tél. : 02-98-3395-00. Du 2 au 4 avRil à 19 h 30 Ou 20 h 30. DE 14 à 27,50 €. www.lEQuaRtz.COM

Le Grand Bain

DR. Julien Mignot. Patrick Fabre. Brigitte Enguerand/Divergence

Le cOncert

L’orchestre royal du Concertgebouw

“Oncle Vania”

Pages réalisées par Emilie Grangeray, avec Samuel Blumenfeld, Rosita Boisseau, Philippe Dagen, Stéphane Davet, Clémentine Gallot, Claire Guillot, Patrick Labesse, Yann Plougastel, Frédéric Potet, Marie-Aude Roux et Thomas Sotinel.


Les jeux.

Mots croisés 1

2

3

Sudoku

Grille No 132

Philippe Dupuis

No 132

très difficile 4

5

6

7

8

9

10

11

12

13

14

15

Compléter toute la grille avec des chiffres allant de 1 à 9. Chacun ne doit être utilisé qu’une seule fois par ligne, par colonne et par carré de neuf cases.

1 2 3 4 5 6 7

Solution de la grille précédente

8 9 10

Bridge

No 132

Fédération française de bridge

11 12 13 14 15

Horizontalement 1 Son coup ne peut pas faire de mal. Ses coups font toujours mal. 2 Propos pleins d’invraisemblances. Chargé négativement. 3 Racheté. Impose ses conditions.Au centre du destin. 4 Brûla. Son coup fait du propre. 5 Ouverture de gamme. Le maître et ses élèves. Plein, bien plein. 6 Passereaux au long bec. Foncer dans ses déplacements. 7 A ouvert les lycées aux jeunes filles. Insensible. Ouvert à tous quand ça va mal. 8 Charge municipale. Un tiers de treize. Spectacle nippon. 9 Accord au sud. Remise en état. Dérange le chef. 10 Rencontre au sommet. Met les feuilles à mal. Assure les déplacements dans la capitale. 11 Grand Egyptien. Mesure à Pékin. Point de départ de l’esclavage. 12 Personnel.Approfondissement des connaissances. 13 Très perturbée. Grecque. Assure la liaison. 14 Sigle du temps. Bien articulée. 15 Fait voyager les étudiants. Mises à leur place. Verticalement 1 Ses coups se font entendre. 2 Fait de la résistance. Etre dedans donne des idées noires. 3 A consommer avec modération. Base de lancement. Chez Barack O. Ouverture vers le large. 4 Peinât au travail. Met la table. 5 Un œil dans l’œil. Les amateurs anglais de courses y courent. 6 Fait l’innocent. Bien atténués. 7 A traversé la Manche sur ses propres ailes. Porteurs de belles grappes. 8 Lâchais tout. Prépare la couverture. 9 Mouche velue. Draguée par Apollon et Poséidon, elle réussit à rester vierge. Précieux et malléable. 10 A fait chanter Fréhel et Piaf. Au bout de l’avenue. Cours de Sibérie. 11 Mon oncle. Fait son choix. Sorti du Satyricon pour se faire entretenir. 12 Equidé. Avant de devenir Picasso. Fait de belles nattes. 13 Militaire chez Barack Obama. A apporté de la couleur dans les partis. Peut faire face. Partenaire social dans l’entreprise. 14 Personnel. Joue avec ses doigts. Zone de libre échange. 15 Basses manœuvres. Solution de la grille no 131

Horizontalement 1 Franchouillarde. 2 Romarin. Mioches. 3 Usagée. Apéro. Ns. 4 Cités. Virginité. 5 Ter. Soirée. Is. 6 Irisons. Atebl (table). 7 Fécondation. Rée. 8 Erne. Ispahan. 9 Casaient. Uranie. 10 An. Besoins. Gd. 11 Téter. Mescaline. 12 Irisés. Nous. Sen. 13 OGM. Spi. Ma. 14 Nios. Cinéraire. 15 Sensibilisateur. Verticalement 1 Fructifications. 2 Rosière. Anergie. 3 Amatrices. Timon. 4 Nage. Sorabes. Ss. 5 Cressonnières. 6 Hie. Ondées. Sp. 7 On. Visa. Nom. Ici. 8 Air. Titien. Il. 9 Imprécis. NSO. Ni. 10 Liège. Opuscules. 11 Lori. Anar. As. Râ. 12 Aconit. Hall. Mat. 13 Rh. Iseran. Isaïe. 14 Dent. Bénigne. Ru. 15 Esseulé. Edenter. 136 -

29 mars 2014


Jean Jaurès

Un prophète socialiste

Figure essentielle de l’histoire de la gauche et fondateur du socialisme moderne, Jean Jaurès fut un des premiers « indignés ». Tribun, écrivain, philosophe, journaliste, mais aussi député, militant politique, théoricien, cet homme engagé, républicain jusqu’au plus profond de l’âme, combattit toute sa vie l’hypocrisie sociale, l’injustice économique et la guerre… Pourtant, aujourd’hui, même une partie de la droite et de l’extrême droite tentent de se l’approprier. Comme si, au-delà des clivages idéologiques, Jaurès appartenait désormais à notre patrimoine. « Pourquoi ont-ils tué Jaurès ? », chantait Brel. A l’occasion du centième anniversaire de son assassinat, qui annonçait la tragédie de 14-18, Le Monde cherche à répondre à cette question…

« JEAN JAURÈS, UN PROPHÈTE SOCIALISTE », un hors-série du Monde 7,90 € - En kiosque et sur lemonde.fr/boutique


Le totem.

L’Astrapi de Florent Marchet.

Lorsque j’ai commencé à construire mon album, j’avais des souvenirs de ce numéro d’Astrapi, mais je ne l’avais pas encore en main. Enfant, je recevais deux fois par mois le magazine. Ce fut mon premier vrai contact avec les questions économiques, écologiques et tout ce qui touchait à l’organisation des hommes. Puis, en grandissant, j’ai quasiment tout oublié… sauf ce fameux dossier sur l’an 2000, qui est resté très frais dans ma mémoire (alors que j’avais tout juste 8 ans quand je l’ai lu !). C’est après avoir écrit le morceau Apollo 21 que je me suis replongé dedans et que j’y ai retrouvé tous les thèmes que j’aborde dans l’album. J’ai surtout été impressionné par le fait qu’il anticipe le futur avec une telle acuité. Ses auteurs prévoyaient notamment les courses livrées par des machines

138 -

téléguidées qui préfigurent les drones d’Amazon. Et développaient des thèmes assez proches de ce qu’explique Stephen Hawking (notamment que le seul salut de l’humain sera d’inventer des machines capables de nous transporter ailleurs). En même temps, ce dossier annonçait un futur de petit privilégié dans lequel on avait hâte de se trouver. On imaginait que tous les problèmes sociétaux seraient réglés par les avancées technologiques, qui soulageraient les hommes de la pénibilité. Lorsque j’en parle autour de moi, je ne suis pas le seul à avoir été marqué par ce numéro paru à une époque où l’on était loin de penser qu’un jour 10 % de la population posséderait 50 % des biens de la planète. Je croyais à ces voitures volantes, ces voyages dans l’espace et ce bonheur partagé… Mais peut-être se sont-ils seulement trompés de trente ans ? Alors que les politiques n’ont pas réussi à imposer les législations indispensables à notre survie, notre raison d’espérer passe par les médias, le journalisme d’investigation et les citoyens pour réveiller les consciences. C’est pour cela que j’ai immédiatement accepté l’invitation de la rédaction d’Astrapi à participer à la préparation de leur numéro consacré à l’an 2050.

Propos recueillis par Marie Godfrain

A écouter

Bambi Galaxy, de Florent Marchet, 1 CD Pias.

A voir

En concert les 11 et 12 avril au Cent-Quatre, 5, rue Curial, Paris 19e. Puis en tournée en France.

Marie Godfrain

Dans son nouvel album “Bambi Galaxy”, Florent Marchet dépeint un futur anxiogène, nébuleux et onirique à travers le portrait d’un homme qui ne trouve pas sa place dans la société. Un thème récurrent chez le musicien. Pour cet opus aux tonalités rétrofuturistes, il a puisé son inspiration dans un numéro d’“Astrapi” de septembre 1983, consacré à la maison de l’an 2000.

29 mars 2014


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