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Samedi 12 avril 2014

L’emploi à domicile chute, le travail au noir resurgit t L’équivalent de 7200 emplois à temps plein a disparu en 2013. En cause, la crise et la suppression des aides fiscales

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’emploi à domicile a enregistré, en 2013,unechutehistorique desonactivité. Au total, si l’on additionne cette baisse à celle des assistantes maternelles, ce sont plus de 70 000 particuliers employeurs qui se sont évaporés en un an. Plus grave encore, sur la même période, il y a eu près de 11,6 millions d’heures déclarées de moins – l’équivalent d’un « plan social » de 7 200 emplois à plein-temps! Cette détérioration est le reflet d’une crise qui se prolonge et pèse sur le pouvoir

d’achat des ménages. Mais cela ne peut constituer le seul facteur d’explication d’une chute aussi brutale. Le secteur a aussi subi les effets de la suppression d’aides fiscales par les gouvernements Fillon, puis Ayrault. Comme anticipé par les professionnels, ces décisions ont eu pour effet, non seulement la diminution des heures, mais également la recrudescence du travail non déclaré. Si le phénomène est impossible à quantifier avec rigueur, la France s’inscrit dans une

tendance qui touche l’ensemble des pays européens. « On n’avait pas connu une dégradation aussi importante depuis 2004, note MarieBéatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs (Fepem). Or, les besoins ont énormément augmenté. Les générations d’aujourd’hui, les jeunes couples actifs ont “appris” à avoir un emploi à domicile. Il faut arrêter de penser que c’est réservé aux classes aisées. » p LIRE PAGE 3

Doutant soudainement des valeurs high-tech, les Bourses trébuchent LIRE PAGE 6

138,3

Fin 2012

129,8

− 6,1 %

Fin 2013

Volume horaire déclaré de travail à domicile, en millions

PSA RESTE LE PREMIER DÉPOSANT FRANÇAIS DE BREVETS LIRE PAGE 5

Thales veut «vite» devenir un groupe à dominante civile et non plus militaire

L’ALLEMAGNE PRÉPARE DÉJÀ L’USINE DU FUTUR t A la Foire de Hanovre, les industriels présentent des lignes de fabrication totalement flexibles, capables de concevoir des objets différents, à la demande

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SALAIRES DES PATRONS : LA PAROLE EST AUX ACTIONNAIRES

t Au pays de la

machine-outil, ce « made in Germany 4.0 » pourrait dégager de considérables gains de productivité

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J CAC 40 4 373 PTS – 0,91 % J DOW JONES 16 170 PTS – 1,62 % j EURO-DOLLAR 1,3898 J PÉTROLE 107,37 $ LE BARIL k TAUX FRANÇAIS À 10 ANS 2,03 %

Angela Merkel, la chancelière allemande, lors de l’ouverture de la Foire industrielle de Hanovre, le 7 avril. JOHANNES EISELE/AFP

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PERTES & PROFITS | par J ean- B apti s te J acq ui n

Le miracle économique de l’Etat mexicain du Querétaro

Le capitaliste mal léché

Les industriels se pressent dans cette région qui a reçu la visite de François Hollande, jeudi10 et vendredi 11 avril. Le groupe français Safran y emploie près de 6000 personnes. LIRE PAGE 2

HISTOIRE Comment les belligérants ont financé la Grande Guerre

Pour faire face à leurs dépenses massives dans le premier conflit mondial, la France et l’Allemagne ont eu recours à l’usage de la planche à billets mais aussi à l’emprunt. Et les Français ont été fortement encouragés à se séparer de leur or. LIRE PAGE 7

Carl Icahn – PayPal – eBay

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ertains armistices sont tellement spectaculaires qu’ils prennent un air louche. L’accord entre eBay et l’investisseur activiste Carl Icahn a provoqué, jeudi 10 avril, la stupéfaction de Wall Street. « Mieux vaut avoir la paix que la guerre», a justifié le milliardaire de 78 ans. Certes. Mais, pour celui qui a fait profession de jouer les « emmerdeurs» de grandesentreprisesjugéescoupables de ronronner, c’est une étonnante volte-face. Surtout, l’accord de paix a des allures de reddition en rase campagne. Depuis quatre mois, la bataille faisait rage dans des proportions que les Etats-Unis, pourtant inventeurs des actionnaires activistes, avaient rarement connues. CarlIcahnavait acquis 2%du capitaldudistributeursurInternet et réclamait à cor et a cri qu’il cède sa filiale de paiements en ligne PayPal, estimant qu’elle se développerait mieux en dehors de son giron.

C’est un point de vue dont on peut certainement débattre. Maisle ton a rapidementdégénéré entre les lettres ouvertes, les attaques personnelles par tweets, les accusations d’incompétence et de conflits d’intérêts. Au final, celui dont la fortune, estimée à 22,9 milliards de dollars (16,5 milliards d’euros), est classée par le magazine Forbes au 27e rang mondial n’obtient ni les sièges d’administrateur qu’il réclamait pour deux de ses salariés ni la scission d’eBay.

Confidentialité Les deux parties se sont entendues sur le choix d’un nouvel administrateur indépendant, David Dorman, ex-patron d’AT&T.L’accord prévoit également que John Donahoe, le PDG d’eBay, pourra librement et en toute confidentialité discuter stratégie avec M. Icahn. Depuisque ce dernier l’a invité à dîner le mois dernier dans son appartement de New York, la glace est brisée. Apparemment vainqueur, M. Donahoe reste sous pression. Neserait-cequ’enraisondelapiètre performance boursière du

Cahier du « Monde » N˚ 21534 daté Samedi 12 avril 2014 - Ne peut être vendu séparément

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groupe : ses actions ont perdu 5,6 % en un an. M. Icahn n’est donc pas le seul à être sceptique sur les perspectives du groupe californien d’enchères en ligne et d’e-commerce. Certainscommentateursaméricains estiment d’ailleurs possible que ce capitaliste mal léché a peut-être perdu une bataille, mais pas forcément la guerre. Mais, attention, son but de guerre n’est pas là ou l’on croit. Il s’agit de gagner de l’argent, pas d’avoir raison. Et peu importe s’il passe pour un voyou. Ses deux précédentes offensives médiatico-financières se sont elles aussi soldées par un échec… apparent. Il n’a pas obtenu de véritable amélioration du prix lors du retrait de la Bourse de Dell, ni de rachat massif d’actions de la part Apple.A chaquefoispourtant,ila retiré une plus-value sur sa mise initiale. Ce n’est pas encore le cas pour ses titres eBay. Mais l’homme, que l’on a du mal à trouver sympathique, s’avère un poil à gratter souvent salutaire. p jacquin@lemonde.fr

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plein cadre

Samedi 12 avril 2014

En 2005, la société canadienne Bombardier fut la première du secteur de l’aéronautique à investir au Querétaro. MCT/ZUMA/REA

Reportage Santiago de Querétaro (Mexique) Envoyé spécial

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urletoutnouveaucampusfrancomexicain de l’UNAQ – l’université aéronautique de l’Etat du Querétaro –, des ouvriers s’activentpour s’assurer que le site sera prêt pour l’arrivée, vendredi 11 avril, de François Hollande. Le président français devait en effet l’inaugurer au second jour de sa visite d’Etat au Mexique. A un jet de boulons de là, il devait aussi arpenter les hangars ultramodernes des usines d’Eurocopter et du groupe d’aéronautiqueetdedéfenseSafran.Cesgigantesques bâtiments trônent au milieu des broussailles et des cactus du parc aérospatial de Santiago de Querétaro. Ils font la fierté de cette ville, située à un peu plus de 200 kilomètres au nord de Mexico,et qui compteaujourd’huiplus de 1 million d’habitants. La cité, dont l’architecture coloniale est classée au Patrimoine mondial par l’Unesco, peut s’enorgueillir d’être la capitale de l’Etat le plus dynamiquedupays, voire d’Amériquelatine. Le Querétaro a tout d’un eldorado, notamment pour les investisseurs français, et il symbolise le Mexique de demain. En compagnie de son homologue mexicain, Enrique Peña Nieto, François Hollande devait se poser en hélicoptère au cœur du parc aérospatial, avant d’annoncer une importante commande de l’armée mexicaine auprès d’Eurocopter. « Nous prévoyons, cette année, de doubler la capacité de production de notre usine, inaugurée en février2013», confie Serge Durand, le président de la filiale d’EADS au Mexique. Le président français devait aussi évoquer la création d’un fonds d’investissements doté de 250 millions de dollars (180 millions d’euros), et financé par Fernando Chico Pardo, un homme d’affaires mexicain. L’objectif de cette structure est de favoriser, dans le sillon de Safran, l’implantation dans la région de petits soustraitants français. Une lettre d’intention pourrait aussi être signée concernant un partenariat avec Safran, pour développer des drones dans l’Etat de Chihuahua, situé plus au nord. La société française a annoncé en outre laconstruction,en2014,d’unenouvelleusine, la cinquième du groupe dans le Querétaro, et la onzième dans le pays. « C’est un descentresderéparationdemoteursd’avionslesplusmodernesaumonde»,assure Fernando Comenge, directeur au Mexique de Sames, la filiale du fleuron hexagonal, en parlant du site de Querétaro. Dans un hangar de 15000mètres carrés, les pièces détachées sont suivies à la trace grâce à des puces à radiofréquences. Avec 5 000 salariés au total au Mexique, Safran est le premier employeur d’un secteurquicompte270entreprisesetemploie 32 000 personnes. Les exportations qu’il génère ont bondi de 1,2milliard de dollars à 5,4milliards depuis 2002.

Querétaro, nouvel eldorado mexicain

Cet Etat qui connaît un miracle économiqueattire les investisseurs français

AVEC SES PÔLES DE COMPÉTITIVITÉ, LA RÉGION A SU SÉDUIRE DES ENTREPRISES DU MONDE ENTIER

La ruée du gotha de l’aéronautique vers Santiago de Querétaro a été lancée en 2005 par l’avionneur canadien Bombardier. Depuis, cinquante-deux entreprises, employant aujourd’hui 6 500 salariés, lui ont emboîté le pas, attirées par une maind’œuvre bien formée et bon marché. La moitié de ces sociétés forment un « cluster», sorte de pôle de compétitivité, en lien avec six universités régionales et cinq centres de recherche et de développement. M. Comenge rappelle d’autres avantages de poids : « La proximité de l’Etat du Querétaroavec les Etats-Unis,premiermarché mondial, et l’Accord de libre-échange nord-américain [Alena] nous permettent de livrer nos pièces à moindre coût en un ou deux jours», dit-il. Pour Marcelo Lopez, ministre du développement économique de l’Etat, le succès de ce territoire « est le résultat d’une politique publique axée à la fois sur l’éducation, l’innovation et le développement d’infrastructures ferroviaires et routières. » De fait, un réseau déjà dense sera encore bientôt renforcé par une ligne reliant directement Santiago à Mexico. C’est en 2007 que le gouvernementlocal a choisi d’ouvrir la première université aéronautique du pays pour fournir aux

entreprises une main-d’œuvre spécialisée. « Nos 980 étudiants se forment à partir de programmes élaborés avec les compagnies qui les embaucheront», précise le recteur, Jorge Gutierrez. Il prévoit de répondre aux besoins croissants en doublant, dans deux ans,lenombred’étudiants.Danscetteoptique, le nouveau campus, consacré à la maintenance et doté d’un budget de 19,7 millions d’euros financé par la France et le Mexique, formera de 250 à 350 étudiants à un bac professionnel binational.

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et engouement ne se limite pas au secteuraéronautique», préciseFrédéric Bron, président de la chambre de commerce du Bajio, nom de la région industrielle qui regroupe l’Etat de Querétaro et ceux limitrophes de San Luis Potosi, de Guanajuato et d’Aguascalientes. Fin 2012, L’Oréal a inauguré sa plus grandeusine de colorantsau mondedans le San Luis Potosi. Le Bajio a aussi la cote auprès des constructeurs automobiles, de Nissan à Honda en passant par Mazda, dans un pays devenu le quatrième exportateur mondial de voitures. Avec 350 entreprises automobiles, employant 45 000 personnes, dont les sociétés françaises Valeo, Faurecia ou

Des échanges commerciaux convalescents avec la France Mexico Correspondance

C’est une visite d’Etat très business que François Hollande effectuait, jeudi10 et vendredi 11avril, au Mexique. Moment fort de ce séjour : la remise, jeudi, du rapport du Conseil stratégique franco-mexicain (CSFM), créé en juillet 2013. Il rassemble sept dirigeants français – dont ceux de Danone, d’EADS et de Suez – et huit grands patrons mexicains – de la compagnie aérienne Interjet, du groupe de médias Televisa et de la société de l’agroalimentaire Grupo Lala, notamment. Il comprend également des personnalités culturelles des deux pays, dont l’actrice Salma Hayek, épouse de François-Henri Pinault, le PDG du groupe de luxe et de distribution Kering. Ses membres se sont réunis en novembre2013 à Paris, après des visites croisées de ministres des affaires étrangères des deux pays.

Cette dream team a planché durant neuf mois pour donner un second souffle aux échanges bilatéraux, longtemps altérés par l’affaire Florence Cassez. Cette Française, libérée en janvier 2013, a été emprisonnée pendant sept ans à Mexico, accusée d’enlèvements qu’elle a toujours niés, provoquant, en 2011, une crise majeure entre les deux pays. «Il y a beaucoup d’accords, mais peu de contrats», lâche un peu déçu Alfred Rodriguez, le président de la chambre franco-mexicaine du commerce. Au-delà des dossiers qui concernent l’aéronautique, un contrat de 90millions d’euros a été signé entre Alstom et la Commission mexicaine d’électricitépour la conversion d’une centrale au fioul. Un contrat de 3,5millions d’euros devait être officialisé, vendredi, entre le Metro de Mexico et Systra, filiale d’ingénierie de la SNCF et de la RATP. Enfin, 41 accords de coopération ont été signés par les deux gouvernements, dont deux entre Total,

GDF Suez et Pemex, le groupe public pétrolier mexicain. « Notre rapport milite pour la candidature de la RATP au futur appel d’offres d’une ligne ferroviaire entre les villes de Mexico et de Toluca, ou pour celle d’Aéroports de Paris à la possible extension de l’aéroport de Mexico », révèle Jorge Castañeda, ancien ministre des affaires étrangères (2000-2003) du Mexique et par ailleurs coprésident du CSFM.

« On revient de loin » Le bilan est mitigé. « Mais on revient de loin », dit M. Castañeda. Un conseil binational quasi identique avait été créé en vue de la visite de Nicolas Sarkozy au Mexique en mars2009. L’initiative avait alors été bloquée par sa prise de position en faveur de Mme Cassez. L’entrée en fonctions du président mexicain, Enrique Peña Nieto, en décembre2012, après celle de M. Hollande, a changé la donne. D’autant que Mme Cassez a été

blanchie et libérée, le mois suivant. Un réchauffement diplomatique a alors pu avoir lieu entre les deux capitales à partir de juillet 2013. L’enjeu est de taille pour la France, dont la part de marché au Mexique, seconde économie d’Amérique latine, plafonne à 1 %, loin derrière l’Espagne ou le Royaume-Uni. Après + 1,1 % en 2013, la croissance mexicaine devrait bondir de 3 % en 2014, dopée par les réformes, votées en 2013. Celle de l’énergie a mis fin au monopole d’Etat sur le pétrole et l’électricité. « Leur application reste conditionnée à de futures lois secondaires », dit M. Rodriguez qui critique « la composition du CSFM, trop élitiste, qui exclut les PME ». Prévue le 14 juillet 2015, la visite de M. Peña Nieto en France devra déboucher sur davantage de contrats pour relever le défi annoncé par M. Hollande de doubler des échanges bilatéraux qui se sont limités à 3,9 milliards d’euros en 2013. p F. S.

EN 2013, LA CROISSANCE DU QUERÉTARO S’EST ÉTABLIE À + 4,5 % QUAND CELLE DU MEXIQUE ÉTAIT DE + 1,1 %

Le Bélier, l’Etat de Querétaro est devenu le leader de la production de pièces détachées au Mexique. En 2013, la ville de Santiago a d’ailleurs lancé un pôle de compétitivité sur le modèle de celui de l’aéronautique. D’autres secteurs, les télécommunications, l’agroalimentaire ou des biotechnologies ne sont pas non plus en reste. Grâce à tous ces développements, l’Etat aattiré930millionsdedollarsd’investissements étrangers en 2013. Sa croissance sur l’années’estétablieà +4,5 %quandleMexique dans son entier a réalisé +1,1 %. « Le développement [du pays dans son ensemble] est freiné par un faible niveau éducatif et une pauvreté qui touche la moitié de la population », explique M. Bron. Dans ce domaine, le contraste entre le Mexique et l’Etat du Querétaro est frappant : ce dernier compte 71 centres d’éducation supérieure, dont 21 universités publiques. Quant à sa capitale, elle vient d’être classée parmi les cent villes les plus compétitives du monde par le magazine Site Selection Online, spécialisé dans l’immobilier. L’Etat peut faire valoir d’autres atouts : « C’est l’un des endroits les plus sûrs d’un pays frappé par la violence des cartels de la drogue [Plus de 80 000 morts depuis 2006], souligne Erwan Gilet, directeur de Merieux Nutrisciences, le spécialiste hexagonal de la sécurité alimentaire. C’est un argument de poids pour faire venir des expatriés. Par ailleurs, la région « attire aussi 60 000 immigrés nationaux paran,seréjouitM.Lopez.Etsaréussiteprofite aussi à la population locale; la pauvreté extrême a chuté de 35% depuis 2010.» En quatre ans, le produit intérieur brut local par habitant a augmenté de 44 %, passant à 14 000 dollars par an, contre 11 000 dollars au niveau national. Il n’est donc pas surprenant que Santiago de Querétaroabriteaujourd’huile plus grand centre commercial d’Amérique latine. « A la différence de nos parents, nous n’avons plus à émigrer aux Etats-Unis par manque d’opportunités», se félicite RobertoRodriguez,31 ans,legérantd’unbarbranché du centre-ville. Si d’autresrégions mexicainesdevaient connaître à l’avenir les performances affichées par le Querétaro, les prévisions de Jim O’Neill, le célèbre inventeur de l’acronyme des pays à haut potentiel, « BRIC » (Brésil, Russie, Inde et Chine), pourraient devenir réalité. En 2012, il avait annoncé que le Mexique devrait passer, au cours de la prochaine décennie, du quatorzième au septième rang des puissances économiques mondiales. p Frédéric Saliba


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Le secteur de l’emploià domicileplonge dansle noir

La baisse de près de 12 millions d’heures en 2013 fait ressurgir le spectre de l’explosion du travail non déclaré

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es données publiées vendredi 11 avril par l’Agence centrale des organismes de Sécurité sociale (Acoss) ont de quoi inquiéter. Elles montrent que, en 2013, l’emploi à domicile a enregistré une chute comme il n’en avait pas connu depuis dix ans. Touslesindicateurssontau rouge.Le nombredeparticuliersdéclarant un emploi à domicile (hors assistantesmaternelles)a diminué de 3,2% en un an et repasse sous la

La détérioration constatée est notamment le reflet d’une crise qui pèse sur le pouvoir d’achat des ménages barre symbolique des 2 millions (1,990 million d’employeurs). Plus significative encore est la chute du nombre d’heures déclarées: en un an, le volume horaire déclaré s’est effondréde6,1%pours’établirlégèrement en dessous de 130 millions d’heures. Même l’activité des assistantes maternelles, qui jusqu’à présent résistait plutôt bien, retombe sous son niveau de la fin 2011. Le volume horaire déclaré recule de 1,9 % au quatrième trimestre de 2013 et de 1 % sur un an. Au total, si l’on additionne l’emploi à domicile et les assistantes maternelles, ce sont plus de 70 000 particuliers employeurs

qui se sont évaporés et, plus grave encore, de l’ordre de 11,6 millions d’heures déclarées en moins : l’équivalent d’un « plan social » de 7 200emplois à plein temps! Certes,cette détériorationcontinue dans le secteur de l’emploi à domicile est le reflet d’une crise qui se prolonge et pèse sur le pouvoir d’achat des ménages. Mais cela ne peut constituer le seul facteur d’explication d’une chute aussi brutale. « On n’avait jamaisconnuune dégradationaussi importante depuis 2004, note Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fédération des particuliers employeurs (Fepem). Or les besoins ont énormément augmenté. Les générations d’aujourd’hui, les jeunes couples actifs ont “appris” à avoir un emploi à domicile. Il faut arrêter de penser que c’est réservé aux classes aisées. » La réalités’impose: un tel effondrementse double d’unerecrudescence du travail non déclaré, au noir (absence totale de déclaration)ou au gris(déclarationpartielle des heures effectuées). Avec les conséquences qui en résultent pour les salariés, dont les droits sociaux sont minorés d’autant. Si le phénomène est impossible à quantifier avec rigueur, la France s’inscritdans unetendancequitouche toute l’Europe. Selon une étude de la Commission européenne sur le travail dissimulé, l’Eurobaromètre402, plus d’un Européen sur dix (11 %) admet avoir acheté des biens ou des services provenant d’une activité non déclarée.

Les syndicats du transport aérien veulent plus d’équité Neuf organisations de salariés s’inquiètent de la situation financière d’Air France-KLM

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es syndicats du transport aérien ont décidé de tirer le signal d’alarme. Motifs de leurs inquiétudes : la situation financière toujours préoccupante du groupe Air France-KLM,en pleine restructuration,et la montéeen puissance inexorable des compagnies à bas coût. Neuf syndicats (CFE-CGC, FNEMA, UNAC, FO, SNPL, CFDT, UNSA, SNPNC et CGT), qui représentent toutes les catégories de salariés du transport aérien (pilotes, hôtesses et personnel au sol), ont adressé, jeudi 10avril, une lettre ouverte au premier ministre, Manuel Valls. Dans ce courrier, intitulé « Touche pas à mon transport aérien », les neuf dénoncent les impôts et les taxesqui accablentles compagnies aériennesfrançaisesetlesdésavantagent par rapport à leurs concurrentes non françaises. Ils réclament rien de moins que « l’équité concurrentielle» avec les compagnies étrangères qui opèrent en France, notamment les low cost.

Législations plus laxistes Enpréambule,les syndicatsrappellent au premier ministre que, « chaque année, les compagnies françaises perdent 8 % de part du marché domestique sans qu’aucune marque française ait les moyens de se développer sur un quelconque marché domestique étranger ». Trop de charges et trop de taxes, mais aussi trop de différences entre les politiques fiscales des pays membres de l’Union européenne, déplorent-ils: « Dans une industrie où la marge moyenne est de 3 % sur la longue durée, un écart faible de charge ou de taxe suffit à faire ladifférenceentre une compagnie française et ses concurrentes localisées en Irlande ou en GrandeBretagne.» En maniantl’optimisationfiscale, Air France-KLM pourrait même effacer ses pertes : « La délocalisa-

tion du siège du groupe Air FranceKLM à Amsterdam permettrait d’économiser près de 700 millions d’euros, ce qui représente le déficit annuel d’Air France pendant les six dernières années.» Pour ces syndicats, l’Europe est la principale responsable de tous ces maux. Ils dénoncent « la passivité de la Commission européenne ». Elle aurait pour conséquence de permettre « aux entreprises déviantes d’employer jusqu’à 80 % de leurs pilotes sans aucunes charges socialesni fiscalité par le simple jeu des pilots contracts », des contrats de travail rédigés selon les législations plus laxistes, notamment de l’île de Man ou des îles anglo-normandes. Mais, à en croire les syndicats, les instances européennes ne sont pas seules coupables. L’Etat aurait aussi sa part de responsabilité. Les organisations syndicales s’emportent contre la « taxe Chirac ». Un prélèvement instauré, il y a quelques années, pour « lutter contre les grandes pandémies », explique Pascal Mathieu, administrateur salarié d’Air France (CFE-CGC). Elle coûte70 millionsd’euros aux compagnies et ne frappe que « les seuls passagers aériens au départ de la France ». Epargnant, notamment, les usagers du TGV s’étonnent les syndicats. Ces derniers signalent encore qu’en trois ans « la TVA sur les vols intérieurs est passée de 5 % à 10 % ». Notamment, pointent les neuf signataires, parce que le ministère des finances « reconnaît ne pas savoir collecter cette taxe sur les compagnies étrangères». Cette situation ne doit pas perdurer,exigentles syndicats.Ils rappellentà Manuel Valls le « diagnostic » posé par le rapport du commissariat général à la stratégie et la prospective : « Les compagnies nationales européennes sont mortelles. » p Guy Dutheil

Décrochage NOMBRE D’EMPLOYEURS VOLUME HORAIRE DÉCLARÉ, À DOMICILE, EN MILLIONS EN MILLIERS

2 056

138,3 1 990

− 3,2 % Fin 2012

Fin 2013

129,8

− 6,1 % Fin 2012

Fin 2013

MASSE SALARIALE NETTE, EN MILLIONS D’EUROS

1 309,6

1 234,8

− 5,7 % Fin 2012

Fin 2013

SOURCE : ACOSS

« L’affaiblissement des marchés du travail depuis 2007 a abouti à une augmentation de l’offre privée du travail non déclaré, constate le rapport. La hausse du nombre

de demandeurs d’emploi et l’accroissement de la pauvreté semblent tous deux favoriser l’acceptation du système de paiement de la main à la main.»

La France est loin de figurer parmi les pays où l’on fraude le plus. Avec 9 % de personnes interrogées déclarant avoir eu recours au travail au noir, elle se situe même en dessous de la moyenne. Il n’empêche : le maintien, voire le développement de l’emploi à domicile est un enjeu économique important. « Même si l’emploi est prioritairement et majoritairement l’enjeu des entreprises, il y a aussi d’autres acteurs, d’autres formes et d’autres créateurs d’emploi. Il faut reconquérir l’emploi déclaré », défend Mme Levaux. Le secteur de l’emploi à domicile a aussi subi les effets de la suppression par le gouvernement de François Fillon, au 1er janvier 2011, de l’abattement de quinze points des cotisations patronales accordé aux particuliers employeurs. Suivie par la disparition, décidée par le gouvernement de JeanMarc Ayrault dans le cadre de la loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2013, du systè-

me dedéclarationdu salariéau forfait. « Un double “effet Kiss cool” », selon la présidente de la Fepem, quen’apas suffi à compenserl’allégement de charges de 75 centimes d’euro par heure de travail adopté à l’initiative du rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, Christian Eckert (Meurthe-et-Moselle, Parti socialiste). Les premiers signaux de dégradation de l’emploi à domicile, à l’été 2013, avaient conduit Michel Sapin, alors ministre du travail, à plaider, lors des arbitrages sur le PLFSS pour 2014, en faveur d’un coup de pouce supplémentaire en portant le montant de l’abattement à 1,50 euro. Il était soutenu par M. Eckert, mais tous deux s’étaient heurtés à l’inflexibilité de Pierre Moscovici, alors aux finances, et de Bernard Cazeneuve, au budget. A présent, M. Sapin est aux finances et M. Eckert au budget. C’est à eux d’arbitrer. p Patrick Roger


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économie & entreprise

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Salaires des patrons: les actionnaires ont enfin leur mot à dire Pour la première fois en France, les assemblées générales se prononcent sur les rémunérations des dirigeants

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ochette cadeau, boîtier de vote électronique et petitsfoursenfin deréunion: comme chaque printemps, plusieurs milliers de « petits porteurs» vont se presser aux assemblées générales (AG). Pour le CAC 40, LVMH a inauguré,jeudi10 avril,ces grandsmesses des sociétés cotées. Les patrons y exposent leur stratégie et s’y prêtent – de plus ou moins bonne grâce – au jeu des questions/réponses avec des actionnaires individuels curieux ou vindicatifs. Pour ce cru 2014, un sujet devrait concentrer l’attention : le « say on pay », possibilité donnée aux actionnaires de voter pour ou contre la rémunération des dirigeants.«Unepremièredansl’histoire du capitalisme français », souligneLoïc Dessaint,directeurassocié de l’agence de conseil de vote Proxinvest. Depuis juin 2013, le code AfepMedef – qui regroupe les recommandations des organisations patronales en matière de gouvernance – permet aux assemblées

générales de se prononcer sur la part fixe et variable des salaires des mandataires sociaux. Jusqu’à présent, les actionnaires votaient le montant des stock-options (options d’achat d’actions) ou l’attribution d’actions gratuites. Ils pouvaient être consultés sur les parachutes dorés et autres retraites chapeaux. Mais c’est le conseil d’administration qui décidait du fixe et du variable, bonus compris. La crise financière a remis en cause ce monopole, attisant la colère des actionnaires face à des profits en berne et des cours de Bourse au tapis. « En France, les interrogations portent notamment sur les critères de calcul des parts variables des rémunérations», indique Caroline de la Marnierre, présidente de l’agence de communication financière Capitalcom. La France rejoint ainsi un mouvement global. Quelque 23 pays dans le monde appliquent des dispositifs de type « say on pay ». Parmi les plus avancés, les actionnaires britanniques votent depuis

Pour le PDG de Nexans, un rendez-vous à hauts risques Ce sera sans doute l’une des assemblées les plus chaudes de l’année. Jeudi 15 mai, le patron de Nexans, Frédéric Vincent, se retrouvera face aux actionnaires du fabricant de câbles, dont plusieurs très remontés contre lui. En février, le PDG a réussi à garder le soutien de son conseil malgré l’annonce de 333 millions d’euros de pertes, le double de ce qui était attendu. Mais Amber Capital, le quatrième actionnaire du groupe, ne lâche pas prise. Le fonds, qui réclame depuis des

mois le départ de M. Vincent, va fatalement repartir à l’assaut. Notamment en critiquant la rémunération du PDG. « De 2009 à 2013, il aura reçu 9,25 millions d’euros, et se sera vu attribuer une retraite chapeau provisionnée à hauteur de 13 millions, alors que la société va mal, et qu’elle a perdu beaucoup de terrain sur son rival italien Prysmian », relève un proche d’Amber. Pour 2013, M. Vincent a renoncé à son bonus. Pas sûr que cela suffise à calmer toutes les impatiences.

9 mai 2014

de 9h à 19h

5 ÉTATS GÉNÉRAUX E

© vector_master - La belle équipe

DE L’EUROPE

Conseil Economique, Social et Environnemental 9, place d’Iéna - Paris 16e Métro Iéna

L’assemblée générale des actionnaires de LVMH, au Carrousel du Louvre, à Paris, jeudi 10 avril. PASCAL SITTLER/REA

2012 sur les rémunérations passées mais aussi sur les grandes lignes de celles des trois années à venir. En Suisse, les parachutes dorés seront interdits dès 2015 et les dirigeants devront être réélus chaque année par l’assemblée générale. La Commission européenne a aussiprésenté,lundi7avril,unprojet visant à imposer le « say on pay». Les actionnaires se verraient notamment présenter l’écart entre le salaire moyen dans l’entreprise et celui de ses dirigeants. En France, des bémols de taille viennent minorer l’impact du dispositif : contrairement à la Suisse et au Royaume-Uni, le vote français n’est que consultatif. Et il concernelesrémunérationsdel’annéeécoulée.« C’estunpeu le niveau zéro du respect de la souveraineté de l’assemblée générale », s’étrangle M. Dessaint, de Proxinvest. D’autant qu’en cas de vote négatif, les répercussions semblent bien modestes : « le conseil [d’administration] délibère[ra] sur ce sujet et publie[ra] sur le site Internet de la société un communiqué mentionnant les suites qu’il entend donner aux attentes exprimées par les actionnaires », précise le code Afep-Medef. Signe qu’une hirondelle ne fait pas le printemps : Proxinvest recommande toujours, cette année, à ses clients (fonds de pension, assureurs…) de voter contre les rémunérations de 80 % des patrons du CAC 40. Dans le collimateur, Bernard Arnault, PDG de LVMH, ou JeanPaul Agon (L’Oréal) dont les rémunérations totales ont respectivement atteint 13,1 et 8,5 millions d’euros en 2013, selon les calculs de l’agence. Ou encore Carlos Ghosn, chez Renault, dont les émoluments pourraient avoir totalisé, selonProxinvest,9,6 millionsd’euros si sa rémunération chez Nissan est restée inchangée. « Ces hautes

etats-generaux.eu #ege5 En partenariat avec Action pour une Europe politique

Les cinq plus fortes rémunérations de patrons du CAC 40 EN 2012, EN EUROS (HORS PROVISION RETRAITE) Rémunération fixe

Variable

Options

Actions gratuites de performance

Carlos Ghosn

13 370 274

(Renault-Nissan)

Bernard Arnault

9 488 160

(LVMH)

Jean-Bernard Lévy

8 848 806

(Vivendi)

Jean-Paul Agon

7 823 500

(L’Oréal)

Christopher Viehbacher

(Sanofi)

Autre

7 481 151 0

3

6

9

12

en millions 15 d’euros

LES RÉMUNÉRATIONS 2013 DE PATRONS DU CAC 40, EN MILLIONS D’EUROS X Recommandation de Proxinvest de voter CONTRE

13

10 9 8 7 Plafond maximum « socialement acceptable » selon Proxinvest (240 smic)

4,8 Rémunération médiane 3,5 d’un président éxécutif du CAC 40

X

12 11

X

9,6 Carlos Ghosn, Renault-Nissan 8,5 Jean-Paul Agon, L’Oréal

X

5,1 Thierry Pilenko, Technip

X

6 5 4 3 2 1

13,1 Bernard Arnault, LVMH

SOURCE : PROXINVEST

ments de M. Arnault n’ont été approuvés que par 82,62% des suffragesexprimés.Unscorepeureluisant quand on sait que le groupe familial Arnault possède 62,59 % des droits de vote. Hors du CAC 40, ce fut déjà le cas chez Zodiac (73 % seulement d’approbation de la rémunération du président) ou Sodexo(81 %), quiont déjàorganisé leurs réunions d’actionnaires. Cette année, les AG du CAC 40 seront aussi marquées par le renouvellement de treize PDG. La plupart sont assurés d’être réélus

L’agence de conseil Proxinvest recommande à ses clients de voter contre les émoluments de 80% des patrons du CAC40 dansunfauteuil.Laparties’annonce plus serrée chez Nexans. Chez Veolia, certains actionnaires (Dassaulten tête) sont toujours remontés contre le PDG, Antoine Frérot, qui devrait tout de même sauver sa place. Par ailleurs, chez Vivendi, la cession de SFR à Numericable fait débatchezquelquesgrandsactionnaires. Mme Neuville, de l’Adam, mandatée par le fonds DNCA, actionnaire à 1 %, avait réclamé que la décision soit soumise à l’AG. « Chez Lafarge, il devrait y avoir débat après la fusion avec Holcim sur le transfert du siège social en Suisse », indique Denis Branche, directeur général délégué de la société de gestion Phitrust. Chez Carrefour, enfin, la part variable du PDG Georges Plassat ne figure pas dans le document de référence. Difficile dès lors de voter pour ou contre… p Audrey Tonnelier

LVMH, la cagnotte des dirigeants et le milliard d’impôts

s a p z L e p p a z e N ! e p o r l’Eu

Entrée gratuite sur inscription :

Neuville,la présidentedel’Association de défense des actionnaires minoritaires (Adam). « En dessous de 80 % d’approbation, un vote pourra être considéré comme un vrai signal négatif », complète M.Dessaint. Les premières AG ont d’ailleurs donné une image moins consensuelle qu’il n’y paraît de ces réunions.ChezLVMH,jeudi,lesémolu-

rémunérations ne sont pas forcément totalement justifiées par les conditions de performance qui restent assez peu transparentes », explique M. Dessaint. Faut-il pour autant conclure à l’inutilité du « say on pay » ? Non, répondent en chœur les spécialistes. « Le vote permettra d’avoir une sociologie plus fine de l’actionnariat des sociétés », selon Colette

es petits actionnaires de LVMH avaient un peu de mal à entrer dans la salle où se déroulait la première assemblée générale des groupes du CAC 40, jeudi 10avril, au Carrousel du Louvre. « Une troupe de gauchistes», selon le qualificatif désuet des vigiles, donnait de la voix et distribuait des tracts signés du Comité d’intervention en assemblées générales d’actionnaires. Une vingtaine d’opposants – visiblement toujours préoccupés par l’histoire ancienne – critiquaient la délocalisation de la confection des costumes Kenzo, qui date de 2007, ou les licenciements de l’époque de Boussac Saint-Frères en 1984.

Passant entre une petite rangée de CRS, les actionnaires sont entrés, munis d’un bracelet en plastique au poignet. « Des agitateurs menaçaient notre AG, des mesures un peu inconfortables de protection ont été prises pour éviter le désordre», a expliqué en séance le PDG, Bernard Arnault.

« C’est le progrès » Nouveauté de l’année, les détenteurs d’actions devaient voter sur la rémunération des dirigeants. Au total, 82,62% des actionnaires ont voté en faveur des 3,57 millions d’euros de rémunération fixe, variable et jetons de présence de M. Arnault pour 2013. A cette somme s’ajoutent

4,49millions d’euros de valorisation d’actions gratuites de performance attribuées en 2013. Elles ne pourront pas s’exercer avant cinq ans. Le patron de LVMH obtiendrait aussi, s’il prenait sa retraite cette année – ce qui n’est pas à l’ordre du jour –, 16,31millions d’euros d’indemnité, indique le rapport de gestion. Le directeur général délégué du groupe, Antonio Belloni, a obtenu 81,92 % de suffrages favorables pour sa rémunération totale de 5,63millions d’euros (à laquelle s’ajoutent 2,03 millions d’euros d’actions gratuites). La modification de la forme sociale de LVMH pour devenir une société européenne a été

adoptée à une majorité écrasante (plus de 98 %). « C’est le progrès», aexpliqué le PDG de LVMH au Monde. « Cela n’aura aucune incidence fiscale », a précisé Nicolas Bazire, directeur Développement et acquisitions. M.Arnault avait expliqué plus tôt, que son groupe, qui emploie plus de 110000 salariés dont 30000 en France, en avait recruté plus de 2500 dans l’Hexagone en 2013. « On aide à la croissance économique et à l’emploi. On a payé 1milliard d’euros d’impôt en France», a-t-il affirmé, en ajoutant, devant son public acquis de petits actionnaires que «la reconnaissance, sur ce point, était limitée». p Nicole Vulser


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économie & entreprise

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Aveclenumérique,l’industrieallemandevalibérerseschaînes

A en croire les exposants de la Foire de Hanovre, il sera possible de fabriquer des objets différents sur une même ligne de production Reportage Hanovre (Allemagne) Envoyée spéciale

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évolution à petits pas mais révolution quand même. Ainsi pourrait-on résumer le messagemarteléà Hanovre (Basse-Saxe) cette semaine, lors de la Foire industrielle rassemblant quelque 5 000 exposants du monde entier et qui ferme ses portes ce vendredi 11 avril. Relayé par de nombreux articlesdans lapresse,le mondede l’industrie allemande ne jure plus en effet que par le grand bouleversement annoncé il y a deux ans au même endroit et qui doit tout chambouler dans l’économie allemande : l’« Industrie 4.0 ». Décliné ailleurs sous d’autres appellations (« Internet des machines », « usine intelligente »), le terme désigne la quatrième révolution industrielle déclenchée par Internet, après celles lancées par la machine à vapeur, l’électricité et l’ordinateur. Concrètement? C’estuneéoliennepilotéeparun smartphone, une machine agricole réagissantà la météo ou un moteur prévenant qu’on ferait bien de changer l’une de ses pièces proche de la panne. En amont, c’est aussi un nouveau mode de production: des chaînes qui, avec les mêmes machines, peuvent confectionner desobjetsdifférents,s’adaptantainsi aux demandes de plus en plus individualisées du marché. Exemple présenté sur le stand de l’allemand SAP, premier éditeur de « progiciels » (des logiciels d’entreprises) européen : une

Lors d’une conférence sur l’« Industrie 4.0 » à la Foire de Hanovre (Basse-Saxe), le 7 avril. ZHANG FAN/XINHUA/REA

ligne de production qui, avec les mêmes étuis en plastique au départ, réalise, au choix, soit des télécommandes, soit des enveloppes de téléphone portable. Les diverses étapes de ces transformationssont rendues possibles grâce à une communication permanente entre l’objet et les machines, faisant intervenir capteurs et logiciels pour gérer l’ensemble des opérations – percement des trous, chauffage du plastique, ajout de pièces. L’objet, en début de chaîne, est posé sur un support muni d’une puce. Au fur et à mesure que l’objet avance, la puce communi-

queauxmachinesl’étatde satransformationpourleurdonnerles instructions suivantes. Bien entendu, ce prototype présenté par SAP ne crache pas encore en bout de course le produit fini prêt à l’emballage. Mais le principe fonctionne déjà. « Nous pouvons dès à présent fabriquer aussi bien des clés USB que des lampes de poche sur une même ligne », précise, quelques stands plus loin, Hans Michael Krause,responsabledudéveloppement chez Rexroth Bosch. Autre exemple dans le domaine de la maintenance : Harting, PME spécialiste des connecteurs indus-

triels et électroniques, a présenté sur la foire deux réservoirs d’eau, l’un sur son stand, l’autre chez SAP. Equipés de capteurs, connectés entre eux, ils permettent de repérer la moindre défaillance chez l’un ou chez l’autre et peuvent ainsi alerter le système de contrôle avant qu’un problème ne se pose. « Nous sommes dans la première phase de la fusion des applications industrielles et des technologies de l’information, résume Jürgen Jasperneite, responsable du Centre d’application de l’institut de recherche Fraunhofer (IOSB). Il y a deux ans, c’était un concept.

leur être utiles dans leurs chaînes de production actuelles. « Elles n’ont pas toujours les moyens financiers, ni les connaissances en informatique pour investir dans ces solutions, plaide Wolfgang Dorst, chez Bitkom, une association pour les technologies de l’information. Mais elles commencent à comprendrequ’aprèsavoirbouleversé notre communication sociale, Internet est entrain de révolutionner notre production industrielle. » Des chaînes numérisées

Aujourd’hui, nous savons comment faire et dans quelle direction il faut aller. Il ne reste plus qu’à appliquer ces procédés à grande échelle.» Bref, la révolution annoncée ferait déjà ses premiers pas dans la réalité. Pays de l’automobile, premier exportateur mondial et leader de la machine-outilà haute technologie, l’Allemagne a bien compris ses intérêts à occuper le terrain de cette « Industrie 4.0 » qui doit rendre son « made in Germany » plus intelligent. «Jusqu’à présent, on ne peut pas parler de gains en terme de chiffre d’affaires,reconnaîtcependantVolker Bibelhausen, responsable des solutions industrielles chez Rexroth Bosch. Mais cela représentera plusieurs points de croissance en plus dans un avenir proche. » Une étude de l’institut Fraunhofer pourlagestiondutravailetl’organisation (IAO), publiée à l’occasion de la grand-messe de l’industrie mondiale, le confirme : elle estime à 78milliardsd’euroslesgainsdeproductivitéréalisés grâce à la numérisation des procédés dans les dix prochaines années par six grands secteurs de l’économie allemande (automobile, machines-outils, chimie,agriculture,électroniqueet techniques de l’information). Reste encore à convaincre les entreprises familiales sur lesquelles repose le fameux « Mittelstand» allemand. Car un autre sondage réalisé auprès de 50 PME du secteur de la machine-outil (par Freudenberg IT) indique, lui, que plus de la moitié d’entre elles ne voient pas encore en quoi les nouvelles applications pourraient

«Nous pouvons dès à présent fabriquer aussi bien des clés USB que des lampes de poche sur une même ligne» Hans Michael Krause Rexroth Bosch

capables de se gérer toutes seules, des objets suivis de leur création à leur recyclage, des sites connectés entre eux, un outil industriel plus flexible et plus décentralisé, fabriquer des objets en série, mais tout en pouvant les personnaliser, voilà ce qui doit changer. Autant dire que pour rester dans la course, aucune firme ne pourra continuer à produire seule dans son coin, chaque solution étantle résultat d’intensescollaborations. Au grand soir de la révolution industrielle 4.0, l’appel est désormais lancé depuis Hanovre : « Usines intelligentes de tous les pays, unissez-vous! » p Blandine Milcent

L’automobile, championne française des demandes de brevet Constructeurs et équipementiers cherchent à protéger leurs innovations

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out d’un coup, le siège s’incline en arrière et un support relèveles jambes. Une lumière douce éclaire l’habitacle de la 5008, un monospace de Peugeot, dans lequel on a pris place. Les enceintesjouent une musiquezen, tandis qu’une fragrance apaisante se diffuse et vient titiller les narines. Lentement, le siège s’anime et masse à la fois le dos et les mollets. Trois minutes de grâce dans une auto, un moment rare. Jeudi 10 avril, PSA Peugeot Citroën présentait lors de ses journées de l’innovation dans son centre de Vélizy(Yvelines)son concept « Chrysalide », qui permet de synchroniser les équipements d’un véhicule afin de faire « vivre une expérience de bien-être en voiture» en mobilisant plusieurs sens. Très éloigné des derniers moteursultraperformants,desplates-formes techniques allégées, des technologies hybrides innovantes, et autres alliages de matériaux généralement détaillés aux technophiles, Chrysalide permet àPSAdemontrer,sousunjournouveau, sa politique en recherche et développement. Et les brevets que le constructeur dépose. Pour la septième année consécutive, PSA était, en 2013, le premier déposant de demandes de brevet selon les données publiées, vendredi 11 avril, par l’Institut nationalde la propriété industrielle (INPI). Etonnamment, il n’a pas, malgré la crise qui l’a secoué, réduit cette activité. Avec 1 378 demandes en la matière,le constructeurautomobile dispose d’une longueur d’avance sur ses poursuivants, le groupe d’aéronautique et de défense Safran (645 demandes), numéro deux, et le Commissariat à l’énergie atomique et aux énergies nouvelles (625 demandes). Derrière, les principaux groupes industriels (L’Oréal, Airbus,

Thales, Alstom, etc.), les instituts de recherche français (CNRS, IFP, etc.) se distinguent. A une exception près. Les fabricants de matériel de télécommunications ou de médicaments déposent pour leur part peu de demandes de brevet en France. Ils préfèrent en fait les poser à l’étranger. En 2013 par exemple, AlcatelLucent n’a déposé en France que trente-cinq brevets, tandis qu’au niveau des huit offices de protection industrielle les plus importants (Etats-Unis, Corée, Japon, Allemagne, etc.), le groupe a été le deuxièmele plus actifde l’Hexagone avec 980 demandes, derrière PSA (1 443 à travers le monde).

Pour la septième année consécutive, PSA Peugeot Citroën était, en 2013, le premier déposant de l’Hexagone Sanofi est le numéro trois français, si l’on prend en compte ces huitpays, alors que le groupepharmaceutique n’apparaît pas dans le classement français. En France, l’une des particularités des données de l’INPI montre une prépondérance du secteur automobile. Outre PSA, Renault (543 demandes) occupe le quatrième rang du classement. En 2013, et en un an, la marque au losange a déposé 60 % de demandes de plus. Elle a retrouvé son niveau de 2010. Le développement de nouveaux moteurs et la préparation d’une nouvelle gamme de véhicules (Twingo, Espace, etc.) expliquent cette accélération. Outre les deux constructeurs français, les équipementiers du secteur automobile Valeo, Bosch et Michelin font aujourd’hui par-

tie du « top 15 » des demandeurs de brevet en France. Ce tir groupé s’explique aisément. A la fois ultraconcurrentiel et en évolution réglementaire permanente, le secteur investit aujourd’hui massivement pour alléger les véhicules et améliorer leur consommation. En brevetant activement,les constructeurscherchent à protéger à la fois leurs nouveautés et aussi leurs procédés de fabrication. « Pour PSA, le nombre de brevets correspond à une véritable hausse des nouveautéslancéespar le groupe ces deux dernièresannées, explique Gilles Le Borgne, directeur de la recherche et de l’innovation du constructeur.Ainsi, la nouvelleplate-forme technique EMP2, qui équipe la 308 ou la C4 Picasso, a donné lieu à la demande d’une centaine de familles de brevets. Quant au nouveau moteur essence EB, il en a généré à lui seul deux cents.» Restequetoutedemandedebrevet n’a pas pour finalité une innovation directement commercialisable. « Notre politique de dépôt se développe sur trois axes, indique M. Le Borgne. Il s’agit tout d’abord de protéger nos innovations.Ensuite, de verrouiller l’accès à certaines technologies déjà “dans la rue”. Enfin, nous cherchons à valoriser un porte-feuille d’innovations. » Dans le cadre de son alliance avec le groupe américain General Motors, PSA a ainsi cédé une partie de la propriété industrielle des moteurs EB. De manière générale, prévient l’INPI, le classement des dépôts ne reflète pas toujours la politique d’innovation des entreprises. « Des changements de politique de dépôt ou de gestion des titres peuvent entraîner de fortes hausses ou baisses sans qu’il y ait un changement important de la politique d’innovation», précise l’institut. p Philippe Jacqué

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économie & entreprise

Samedi 12 avril 2014

Thales veut «le plus vite possible» mettre le cap sur les activités civiles

FINANCES

La Grècea fait, avec succès, sonretoursur lesmarchés

Le gouvernement grec a emprunté sans difficulté, jeudi 10 avril, 3 milliards d’euros sur cinq ans, à un taux de 4,95 %. Cette opération a soulevé l’enthousiasme des investisseurs, alors que le pays était exclu des marchés d’emprunt de moyen et long termes depuis 2010, année où il est entré sous assistance de la « troïka » (Fonds monétaire international, Banque centrale européenne, Commission européenne). « La Grèce a franchi une étape décisive vers la sortie de la crise », s’est réjoui le premier ministre conservateur, Antonis Samaras. Les observateurs soulignent néanmoins que l’économie grecque, handicapée par une dette publique colossale (175 % du produit intérieur brut), reste très fragile. p

La baisse des budgets militaires pousse le groupe français d’électronique à se réorienter

T

hales préfère-t-il désormais Hollywood aux champs de batailles ? Face aux investisseurs réunis à Toulouse pour la première fois depuis 2010, le groupe d’électronique et de défense a annoncé qu’il allait infléchir sa stratégie pour la réorienter vers les activités civiles. Un passage obligé, selon JeanBernard Lévy, PDG de Thales, car les ventes du groupe ne progressent plus depuis cinq ans. En pratique, le chiffre d’affaires, qui a atteint 14,2 milliards d’euros en 2013, a tendance à stagner. La faute à la baisse des budgets militaires, notammentdans les pays occidentaux. « Nous avons des perspectives difficiles sur 40 % de notre chiffre d’affaires », admet M. Lévy. La faute notamment aux méventes du Rafale. « La commande du siècle » de 126 Rafale en Inde d’un montant de 12 milliards de dollars (8,6 milliards d’euros) se fait toujours attendre. Le groupe participe à hauteur de 25 % à la fabrication de l’avion de chasse de Dassault. « Nous devons changer cela le plus vite possible, mais il est difficile de dire quand nous y parviendrons», ajoute-t-il. En pratique, le patron de Thales propose rien de moins qu’un renversement de tendance du groupe. Alors que le groupe tire 55 % de ses revenus des activités de défense contre 45 % venus du civil, « d’ici quatre à cinq ans » cette répartition sera inversée, précise M. Lévy. 55 % du chiffre d’affaires viendront du civil contre 45 % de la défense. Cette réorientation stratégique n’est pas l’apanage du seul Thales. Les autres groupes présents sur les activités de défense ont dû aussi se redéployer et se diversifier. Fin 2013,Airbusa annoncéune restructuration de son pôle défense et espace. De son côté, Safran, le grand rival de Thales, développe à marche forcée ses activités liées à la cybersécurité et regroupées, aux Etats-unis principalement, dans un pôle baptisé Morpho. Cette démarche est « une évolu-

Fitch relève la note de la dette du Portugal

L’agence de notation Fitch Ratings a annoncé, vendredi 11 avril, avoir relevé de négative à positive la perspective attachée à la note BB+ du Portugal, estimant que le pays, sur le point de sortir de son programme d’aide international, a fait des progrès notables dans la réduction de son déficit budgétaire. – (Reuters.)

Médias Matthieu Croissandeau élu à 77,64 % directeur du « Nouvel Observateur »

La rédaction du Nouvel Observateur a, jeudi 10 avril, voté à 77,64%, la nomination de Matthieu Croissandeau au poste de directeur du titre. M. Croissandeau est l’actuel rédacteur en chef du Parisien et ex-rédacteur en chef du Nouvel Observateur.

Télécommunications Free mobile lance des distributeurs automatiques de cartes SIM

Thales est le numéro deux mondial du matériel de divertissement à bord des avions. P. TURPIN/PHOTONONSTOP

tion et non une révolution», plaide Jean-Bernard Lévy. Axée sur « trois domaines ». Thales a décidé de pousser les feux de sa diversification. Notamment en direction d’Hollywood. Il y a deux ans, il avait conclu un accord avec le studio Paramount pour négocier les

Le groupe tire actuellement 55% de ses revenus des activités de défense contre 45% du civil droits de films diffusés dans les avions.En mars,le groupea annoncé le rachat de LiveTV, une société américaine qui propose la diffusion de chaînes de télévision à bord des avions. LiveTVa aussi mis en place, récemment, un système de connexion à Internet par le biais du Wi-Fi dans les appareils de

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la compagnie aérienne américaine JetBlue. L’acquisition de LiveTV devrait conforter la place de numéro deux mondial du matériel de divertissement à bord des avions détenue par Thales, avec 35 % de parts de marchéderrièrelejaponaisPanasonic (55 %). Le marché de l’«In Flight Entertainment» (IFE), le divertissement à bord, est évalué à plus de 2,3milliards d’euros. D’ici à 2022, il devrait plus que doubler, pour atteindre 5,77 milliards d’euros. Le poids du divertissement représente déjà 4 % du chiffre d’affaires de Thales, soit près de 600 millions d’euros. A l’avenir, le groupe veut aussi parier sur le développement du transport ferroviaire. Thales est un « des leaders mondiaux » des systèmes de signalisation et de régulation de la circulation des trains et des métros, pointe M.Lévy. Une activité qui représente déjà 10 % du chiffre d’affaires du groupe, soit 1,5 milliard d’euros.

En revanche, le groupe dément les rumeurs récurrentes de rachat de la participation de 40 % détenue par l’italien Finmeccanica dans Ansaldo STS, un spécialiste de la signalisation ferroviaire. Plutôt que de procéder par acquisitions, le PDG veut « retrouver une croissance organique ». Le patron de Thales croit beaucoup dans le développement du marché de la sécurité civile, de la protection des données et des réseaux. En marge de la visite de François Hollande au Mexique, Thales devait annoncer, vendredi 11 avril, la signature d’un contrat pour installer à Mexico 7 000 caméras de surveillance supplémentaires. Une deuxième tranche d’un contrat, déjà détenu par le groupe, qui devrait lui rapporter, à nouveau, plus de 100 millions d’euros. En outre, Thales a aussi été retenu pour « sécuriser les lieux saints de la Mecque ». p Guy Dutheil

Free installe, depuis jeudi 10avril, des bornes permettant de souscrire un abonnement de téléphonie mobile et d’obtenir une carte SIM. Ces bornes seront notamment installées dans des Maisons de la presse, un réseau partenaire.

Edition Amazon rachète le distributeur de BD numériques ComiXology

Le géant américain Amazon a annoncé, jeudi 10 avril, l’achat de ComiXology, la plus importante plate-forme de distribution de bandes dessinées au format numérique. Cette société vend sur tablettes les ouvrages de Marvel mais également des français Glénat ou Delcourt. Le montant de la transaction n’a pas été révélé.

Distribution Les 3 Suisses suppriment près de 200 emplois et renoncent à leur catalogue

La direction du spécialiste de la vente à distance Les 3 Suisses a annoncé, jeudi 10 avril, aux salariés et à leurs représentants qu’elle envisage de supprimer 198 postes dans l’entreprise, soit la moitié des effectifs. Cette décision résulte de l’abandon du catalogue traditionnel pour passer au tout-Internet. – (AFP.)

Transports La remise du rapport sur les taxis et les VTC repoussée de quelques jours

La remise du rapport sur les taxis et les voitures de tourisme avec chauffeur (VTC), prévue lundi 14 avril, « sera décalée de quelques jours», a indiqué, jeudi 10avril, Thomas Thévenoud, le député (PS) de Saône-et-Loire chargé, en février par Matignon, de la médiation dans ce conflit.

Social L’ouverture des magasins de bricolage le dimanche est maintenue

Le Conseil d’Etat a rejeté, jeudi 10 avril, une demande de suspension du décret gouvernemental du 7 mars permettant aux magasins de bricolage d’ouvrir leurs portes le dimanche. – (Reuters.)

Lesdoutessurla high-techfontplongerles Bourses

L’indice Nasdaq a chuté de plus de 3 % jeudi à New York, et le Nikkei de 2,38 % vendredi à Tokyo

New York Correspondant

L

es secousses auxquelles sont confrontées les valeurs technologiques sont de plus en plus rapprochées. Après une chute de 2,6 %, le 4avril, le Nasdaq à New York a de nouveau chuté de 3,10 %, jeudi 10avril. Dans la foulée, l’indiceNikkei,àTokyo,aterminélaséance de vendredi en baisse de 2,38 %, au plus bas depuis six mois, et, à l’ouverture, la Bourse de Paris était aussi en recul de 0,78 %. Les valeurs de biotechnologie ont été particulièrement affectées par les prises de bénéfice de la part des investisseurs. L’indice spécialisé sur ces valeurs a dégringolé de 5,6%. Celui consacré à l’Internet a, quant à lui, chuté de 4,6 %. Globalement, il s’agit de la plus forte baisse depuisnovembre2011.Cettenervositéintervientalorsquelesvalorisations des entreprisescotées au Nasdaq ont atteint des sommets. Les titres de biotechnologie se paient trente-cinq fois les bénéfices et les valeurs Internet trente-deux fois. A titredecomparaison,lesvaleursdu S&P 500 se négocient seulement à dix-sept fois les bénéfices. Illustration de la tension régnant à Wall Street: l’indice VIX, appelé « indice de la peur », qui mesure la volatilité des échanges, s’est envolé de près de 15 %. Après un répit en milieu de semaine, à la suite de la publication, mercredi, des minutes de la Réserve fédérale

américaine, qui avaient éloigné les craintes d’une hausse des taux à plus ou moins brève échéance, les inquiétudes ont repris le dessus. Plusieurs facteurs pèsent sur la tendance boursière. Il y a d’abord les incertitudes sur la conjoncture chinoise dans l’attente de mesures de relance. L’annonce, jeudi, d’une chute des exportations de 6,6 % en mars a alimenté le pessimisme. Sont également invoqués les risques géopolitiques en Ukraine. Enfin, la saison des résultats du premier trimestre des entreprises, qui vient de commencer ne s’annoncepasfameuse.Selonlesanticipations du fournisseur de données FactSet, les bénéfices sont attendus en baisse par rapport à la même période de 2013. Ce qui ne s’est produit qu’une fois depuis la crise financière.

Valorisations excessives Ces facteurs exogènes ne font querendreplusévidenteslesvalorisations excessives des groupes de high-tech.Illustrationdel’emballement de ces derniers mois, la forte haussedecequel’onappellelamargin debt, les montants empruntés par les investisseurs auprès de leur courtier, qui atteignent des records depuis le début de l’année. Il s’agit, peut-être, d’un mauvais présage : les deux dernières fois que ce chiffre a atteint des sommets, c’était en… 2000 et en 2007, au moment de l’éclatement de la bulle Internet et de la crise des subprimes.

Symbole des excès : la biotech Alexion,qui a enregistrélaplus forte baisse du S&P 500 avec une chute de 7,5 %. Il est vrai que la valeur se paie cent une fois ses bénéfices. Le titre a reculé de 22 % depuis son sommet atteint le 27 février. Si les petites valeurs ont été les plus touchées, les poids lourds du secteurn’ontpas éténon plusépargnés. Les titres de Netflix (chaîne de vidéos en ligne), Tesla (voitures

électriques), Facebook ou Amazon ont plongé respectivement de 5,18 %, 5,87 %, 5,21 % et 4,43 %. De même, le titre Google a reculé de 4,11 % et Twitter de 2,71 %. Ce contexte a été fatal à l’introduction en Bourse du jour, la plus grosse de l’année : la banque Ally Financial a chuté de plus de 4 % pour son premier jour de cotation. p Stéphane Lauer

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histoire

Samedi 12 avril 2014

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La Franceet l’Allemagneeurentrecoursà la plancheà billetset à l’emprunt pourfaireface aux dépensesoccasionnéespar la premièreguerremondiale

Comment les belligérants ont financé 1914-1918

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a guerre de 1914-1918 a posé aux Etats européens, et à la France en particulier, un grave problème de financement qui a suscité des solutions « hétérodoxes » vis-à-vis des règles de gestion des finances publiques et des pratiques de création monétaire qui avaient prévalu jusque-là. En effet, le montant des dépenses militaires est estimé à 186 milliards de dollars, dont 25 milliards pour la France, soit environ 125milliards de francs-or. Cela représentait donc environ 30 milliards par an, soit six fois le budget annuel de l’Etat d’avant-guerre (Dictionnaire de la Grande Guerre, de Jean-Jacques Becker, André Versaille éditeur, 2008). Pourfaire face à cesdépenses,les Etats ne disposaient donc que de ressources limitées. En France, le principe d’un impôt général sur les revenus avait bien été voté le 15 juillet 1914, à l’initiative de Joseph Caillaux, mais il ne commencera à faire sentir ses effets qu’en 1916. Ainsi, les recettes fiscales ne couvriront qu’environ 16 % des dépenses totales occasionnées par la guerre (contre 25 % à 30 % en Angleterre et aux Etats-Unis), alors que le total des dépenses publiques, qui s’élevait en France à 12,1 % de revenu national en 1912, atteindra le double en 1920. Au total, les déficits budgétaires cumulés engendrèrent une dette publique qui fut multipliée par 30 en Allemagne, par 25 aux EtatsUnis, par 12 en Grande-Bretagne et par 6 en France. Cette insuffisance de moyens sera palliée de deux façons : par la création monétaire et par l’emprunt, national et international. L’usage de la « planche à billets» par la banque centrale constituait le moyenle plus simple de financement des dépenses de l’Etat. Bien qu’elle fût toujours une institution privée (elle ne sera nationalisée qu’en 1945), la Banque de France pouvait effectuer des « avances » à l’Etat, sous le contrôle du Parlement. Ainsi, en 1919, ces avances s’élevaient à 25,6 milliards de francs,tandisque le total desbillets en circulation atteignait, fin 1918, 30,2 milliards, contre 5,7 fin 1913 (« Les Années 1914-1930», par Jean BouvieretFrançoisCaron,inHistoire économique et sociale de la France, sous la direction de Fernand Braudel et Ernest Labrousse, PUF, 1993). IlenfutdemêmeenGrande-BretagneetenAllemagne,oùlacirculation fiduciaire fut multipliée par dix durant le conflit. Cela eut pour conséquences que tous les pays européens suspendirent la convertibilitéenordeleurmonnaie,imposèrent le cours forcé (obligation d’accepter la monnaie papier en paiement)etvirentfondrela garantie or; en Allemagne, celle-ci passa de 90% en 1914 à 10 % en 1918. Cette création monétaire d’urgence contribua à alimenter une « inflation de guerre», puisque les moyens de paiement émis augmentèrent la demande intérieure alors que l’appareil de production était tourné vers l’effort militaire. Cela réduisait l’offre de biens de consommation, alors que, de plus, une partie du pays était ravagée par les combats. Ainsi, les prix furent multipliés par 4 environ en France et par 2,5 dans les autres pays belligérants. Cela eut aussi pour conséquence de modifier définitivement la structurede la massemonétaire: la part des pièces métalliques, qui représentait en France 34 % de la masse monétaire en 1913, ne s’élevait qu’à 0,9 % de celle-ci en 1929 ; parallèlement, celle des billets passa de 21 % à plus de 43 %, et celle de lamonnaiescripturale(dépôtsban-

Cinq ans d’efforts 15 juillet 1914 Création de l’impôt sur le revenu. 31 juillet et 1er août 1914 Limitation des remboursements des caisses d’épargne, des dépôts et comptes courants dans les banques contre la thésaurisation. 5 août 1914 Cours forcé du billet et instauration, de facto, de la non-convertibilité du franc. 13 septembre 1914 Première émission des bons de la défense nationale (4 %). Juillet 1915 « Campagne de l’or » : le gouvernement propose aux Français des billets contre leur or. Novembre 1915 Lancement du premier grand emprunt de la guerre. 1916 Première année du recouvrement de l’impôt général sur le revenu. 30 décembre 1919 Lancement d’un nouvel emprunt dit de la « reconstruction ».

Lancement par la France du quatrième emprunt de la défense nationale en octobre et novembre 1918. ABECASIS/SIPA

caires à vue et soldes des chèques postaux) passa de 45 % à plus de 55%. Au total, l’or et l’argent disparaîtront de la circulation monétaire intérieure, l’or ne constituant plus qu’une réserve de valeur conservée dans les coffres des banques, et surtout de la Banque de France, afin d’assurer la confiance dans la monnaie nationale et de régler des transactions avec le reste du monde. L’autre moyen de financer la guerre fut le recours à l’emprunt.

IL ÉTAIT DEMANDÉ AUX FRANÇAIS DE CÉDER LEUR OR À L’ÉTAT AFIN QU’IL RECONSTITUE SES RÉSERVES

L’Allemagne émit sept emprunts intérieurs pour près de 100 milliards de marks-or. Elle emprunta aussi 2 milliards de marks à des pays neutres. La France contracta quatre grands emprunts nationaux,d’unmontanttotal de67milliards de francs: le premier, qui fut lancé le 25 novembre1915, rapporta 15milliardsdefrancs,etlestroissuivants, émis en octobre 1916, 1917 et 1918, firent rentrer dans les caisses del’Etat11,14et27milliards.Ils’agissait d’emprunts dits « perpétuels»,

c’est-à-dire non remboursables, portant un taux d’intérêt compris entre 5 % et 5,5 %. Pour convaincre lesFrançaisd’ysouscrire,ce quiservait aussi à les impliquer dans l’effort de guerre, l’Etat et les banques qui plaçaient ces titres dans le publiccréèrentdenombreusesaffiches « patriotiques » rivalisant de thèmes allégoriques. Parallèlement, il était demandé auxFrançaisde céderleuroràl’Etat afin qu’il reconstitue ses réserves. L’or était acheté avec des billets de

banque, avec délivrance d’un reçu attestant du civisme des déposants. Mais commele franc verra sa valeur divisée par cinq en dix ans, les « bons Français» s’étant séparés de ce métal précieux seront pratiquement ruinés. L’Etatémit également des bons à moyen terme et d’autres à trois mois d’échéance, acquis par la Banque de France, ce qui posait sans arrêt le problème du refinancement du pays. Les créances sur l’Etat détenues par la banque centrale passèrent de 6 % de ses actifs en 1913 à 62 % en 1918.

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ar ailleurs, la France rapatria une partie de ses avoirs placés à l’étranger et eut recours à l’endettement extérieur. C’est ainsi que le total des crédits publics et privés provenant des Etats-Unis (57 % du total) et de la Grande-Bretagne atteignit la somme de 32 milliards de francs en 1918. Les crédits interalliés se seraient élevés à environ 16 milliards de dollars en 1918, dont 43 % accordés par la Grande-Bretagne, presque autant par les Etats-Unis, et à près de 14 % par la France. Mais les aides apportées par la France (près de 3 milliards de dollars) l’étaient surtout à la Russie, qui ne les honorera pas après la révolution bolchevique. La France se retrouva donc en grande difficulté après la fin de la guerre, quand les Anglo-Américainsluiréclamèrentleremboursement de ses dettes, alors que le franc se dépréciait par rapport au dollar (un dollar valait jusque-là 5 francs, et vaudra environ 25 francs au début des années 1920), provoquant ainsi une tension entre des anciens alliés. La France fit alors sien le slogan «l’Allemagnepaiera»,celle-ciétant contrainteparletraitédeVersailles à verser 132 milliards de marks (l’équivalent de deux fois et demie le revenunational de l’époque) aux vainqueurs, au titre des réparations de guerre. Mais l’Allemagne nepouvaitetnevoulaitlefaire.Raymond Poincaré décidera alors, début 1923, l’occupation de la Ruhr, afin de contraindre (mais sans succès) l’Allemagne à payer. La France ne sortira monétairement de la guerre qu’au prix d’une dévaluation, engagée en 1928 également par Raymond Poincaré, la valeur or du franc étant divisée par cinq. p Pierre Bezbakh

Pierre Bezbakh est maître de conférences à l’université Paris-Dauphine.

Dans les archives du «Monde» | L’agonie du mark Après la guerre, l’Allemagne est confrontée à la déliquescence de son économie.

Sans monnaie pas d’état

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Avant la guerre de 1914, le mark était une monnaie comme les autres, rattachée à l’or. Le cours forcé des billets fut proclamé au début de la guerre, alors que la circulation fiduciaire s’élevait à 2,9milliards de marks. Le financement des hostilités ne fut pas substantiellement différent de ce qu’il fut en France : l’impôt n’en fournit qu’une fraction modeste. Le reste fut demandé à l’emprunt à court et à long terme pour partie, et à la planche à billets pour le surplus, grâce à un système consistant à admettre au même titre que l’or, pour couvrir les émissions de la Reichsbank, des bons de caisses

de prêt du Reich. Ces caisses (Darlehenskassenscheine) étaient habilitées à faire des prêts sur titres et sur marchandises et à émettre, en contrepartie, des bons ayant pouvoir libératoire dans les paiements. Le 11 novembre 1918, la dette publique s’élevait à 146milliards, contre 5,4 en 1914, dont 45 de bons du Trésor et 101 à long terme. La circulation monétaire est passée de 2,9milliards à un peu plus de 22milliards à la fin du conflit (…). La valeur extérieure de la monnaie allemande était détériorée dans les mêmes proportions. Sur les marchés libres des changes, donc hors d’Allemagne, le mark ne valait plus, fin 1918, que 0,12 dollar, soit une dépréciation d’environ 50%. En définitive, la situation que le Kaiser, à son abdication le 9 novembre 1918, lègue à la naissante république de Weimar n’est guère plus

dégradée que celle des pays victorieux, la France en particulier. La situation devait empirer rapidement (…). En 1918, la substitution de la République au régime impérial imposée par l’étranger avait été acceptée sans enthousiasme. La confusion politique qui résulta de cette première tentative de démocratie devait avoir ses conséquences dans le domaine monétaire. Dès l’origine, la conjoncture économique écrase [les gouvernements d’alors] (…). Où trouver les capitaux nécessaires? Ni dans l’épargne, ni dans les emprunts à l’étranger: il est trop tôt. Restent les expédients comme le paiement des fournisseurs par traites escomptables. L’inflation de crédits s’ajoute à l’inflation budgétaire et le volume de la monnaie croît démesurément: de 22 milliards à l’armistice, la circulation fidu-

ciaire passe à 122 après 1921. Le mark dégringole sur le marché libre des changes: 9 % de sa valeur or en février1921, 2 % en décembre, moins de 1 % en juillet1922. Les prix montent rapidement. Les salaires, en revanche, font preuve d’une certaine inertie. L’Etat lui-même est victime. Il gagne certes sur l’amenuisement de la charge de la dette mais ne peut suivre le train de la dépréciation monétaire. La création de nouveaux impôts, un emprunt forcé sur la fortune, ne font qu’accentuer l’évasion fiscale et la fuite des capitaux. Pour faire face, il ne reste que la planche à billets, qui nourrit de plus belle l’inflation et accentue l’effet de spirale. L’agonie commence avec les premiers mois de 1923. Elle durera jusqu’en novembre. On la mesure dans des chiffres qui font rêver : la circulation monétaire passe de 211mil-

liards le 30juin 1922 à 92844720 700milliards de marks le 15 novembre 1923. Devant cette hyperinflation, la confiance dans la monnaie disparaît. En juillet1922, le dollar cote 606marks, soit cent cinquante fois sa parité or. Il cote 8412marks fin décembre, 29975 fin mars1923, 1 10 000 fin juillet, 72500000000 fin octobre. En réalité, le mark n’est plus une monnaie. Au surplus, l’Etat n’est plus obéi. Les impôts rentrent mal, les ordonnances ne sont pas respectées. L’autorité, dans ce pays d’ordre qu’est l’Allemagne, s’évanouit avec le mark. Comment le peuple allemand n’aurait-il pas cherché dans la dictature le remède aux maux qu’il attribuait à une démocratie impuissante? p

Jean Luc

« Le Monde » du 24 juillet 1973 (extrait)


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Samedi 12 avril 2014

L’ÉCLAIRAGE | CHRONIQUE pa r M a r t i n W o l f

La Chine tente l’ouverture ¶

Cette chronique de Martin Wolf,

éditorialiste économique, est publiée en partenariat exclusif avec le « Financial Times ». © FT

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ette année, l’épargne domestique brute de la Chine frisera les 5000 milliards de dollars (3600 milliards d’euros), tandis que celle des Etats-Unis sera d’environ 3000 milliards de dollars. Si, comme prévu, la Chine permettait aux étrangers d’investir chez elle et aux Chinois d’investir à l’étranger, l’ampleur de cette épargne remodèlerait profondément la finance mondiale. Si, à long terme, les entités chinoises devenaient les plus gros propriétaires mondiaux d’actifs financiers, tout choc brutal en Chine se transformerait en événement mondial, exactement comme la Grande Dépression des années 1930 et la grande récession des années 2000, toutes deux parties des Etats-Unis. Dans un document publié en 2012, la Banque populaire de Chine soulignait que l’ouverture financière améliorerait la qualité des actifs extérieurs chinois, encouragerait l’utilisation internationale du yuan et contribuerait à la restructuration des entreprises chinoises. Elle soulignait aussi que «la Chine ne courrait pas de grands risques» à une telle ouverture: les actifs et les dettes des banques sont libellés en yuans, les dettes à court terme ne sont qu’une petite partie de la dette extérieure chinoise et les risques liés aux marchés nationaux de l’immobilier et des capitaux sont gérables. Mais l’orgueil peut amener la chute. Comme on l’a constaté à de nombreuses reprises, la qualité des bilans peut se détériorer extrêmement vite, en particulier quand des opportunités inhabituelles et des acteurs nouveaux font leur entrée sur les marchés nationaux. En 1998, Stanley Fischer, alors directeur général adjoint du Fonds monétai-

re international (FMI), déclarait que les conditions préalables à une libéralisation réussie de l’investissement étaient un environnement macroéconomique stable, un système bancaire sain et des marchés financiers développés. Ces derniers, assurément, n’existent pas en Chine. Qu’elle possède un système bancaire solide est à tout le moins discutable et, pour cette raison, elle n’offre pas non plus un environnement macroéconomique stable. Etant donné les risques liés à une telle libéralisation dans une économie aussi énorme, le point de vue le plus raisonnable est d’estimer que la Chine n’y est pas prête.

Stabilité nécessaire La Banque populaire le reconnaît. Elle a donc proposé de procéder en trois étapes. Durant les trois premières années, les contrôles sur les investissements directs étrangers des entreprises seraient assouplis. Les trois à cinq années suivantes, les contrôles sur le crédit lié aux échanges seraient allégés, l’internationalisation du yuan favorisée. Entre la cinquième et la dixième année, les entrées de capitaux seraient libérées, puis les sorties. La Banque populaire entend attendre le terme du processus pour libéraliser les transactions personnelles, les instruments de marché monétaire et les produits dérivés. Elle souhaite également écarter indéfiniment les «transactions spéculatives», sans les définir. Une telle ouverture pourrait servir d’accélérateur à la réforme interne. Si elle était totale, le gouvernement perdrait sa mainmise sur le plus efficace de ses leviers économiques. Mais une partie des énormes réserves de devises

du gouvernement (3800milliards de dollars en décembre2013, soit près de 3000 dollars par citoyen chinois) serait utilement convertie en actifs réels. Elle est aussi risquée. Elle entraînerait de très grosses augmentations d’apports bruts (et donc de stock d’avoirs) sur les deux plateaux de la balance du bilan. Une étude publiée par la Banque d’Angleterre à la fin 2013 indique que la combinaison de cette ouverture avec une croissance économique relativement rapide pourrait faire passer les actifs et passifs extérieurs chinois de moins de 5 % à près de 35% du PIB mondial d’ici à 2025. De même, une étude du FMI publiée en août2013 affirmait que le «stock des actifs chinois à l’étranger [atteindrait] de 15 % à 25 % du PIB» et le «stock des actifs étrangers en Chine de l’ordre de 2%à 10 % du PIB». Pékin abandonnerait alors son statut d’acteur relativement mineur sur les marchés financiers mondiaux pour en devenir l’un des principaux acteurs. Un document du FMI publié en 2013, China’s Road to Greater Financial Stability, recense quelques-uns des pays qui se sont brisés sur les écueils de la libéralisation du système financier, comme l’Indonésie, le Mexique et la Corée du Sud. Toute libéralisation ouvre la voie à des opportunités. Mais si le système que l’on entend ouvrir est sujet aux distorsions de prix et aux risques subjectifs – et la Chine souffre des deux à très grande échelle–, la probabilité d’un échec est grande. Et quand le ratio entre le crédit intérieur et la masse monétaire par rapport au PIB est très élevé (comme il l’est en Chine), les risques sont encore plus grands. Enfin, une telle libéralisation pose un problème mondial quand l’économie en question est appelée à devenir la première du monde… Le processus doit donc être mené avec la plus extrême prudence, idéalement dans le cadre d’un dialogue étroit entre la Chine ses partenaires. p Traduit de l’anglais par Gilles Berton

C’EST TOUT NET ! | CHRONIQUE p a r Ma r lène Dur et z

Parisianisme

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e vrai Parisien n’aime pas Paris, mais il ne peut vivre ailleurs», constatait l’écrivain français Alphonse Karr (1808-1890). «Etes-vous vraiment parisien?», s’enquiert le site BuzzFeed (lemde.fr/1kNDALb): «Finissez votre café, rangez votre Vélib’et faites ce test.» Je ne bois que du thé noir, prends deux lignes de métro pour rejoindre mon bureau mais je n’ai rien contre l’idée de m’attarder sur ce quiz-fleuve pour déterminer si je peux prétendre au titre de vraie Pâaaaarisienne. En guise d’avant-goût à cette évaluation, je me retrouve nez à nez avec la photographie d’un jeune Parisien, l’acteur Louis Garrel, aussi échevelé qu’accablé, l’œil hagard et les traits tirés, la tour Eiffel au second plan ne lui soutirant aucun soupçon d’enthousiasme… quatre-vingts questions suivent sa moue sinistrée. A chacune d’elles, une case est à cocher – ou non – pour valider – ou pas – l’action qu’elles suggèrent. La première salve de questions concerne les transports. Sur les quinze relatives aux déplacements parisiens, je peux affirmer avoir « failli mourir sur un Vélib’ », « pris le métro», le dernier aussi, et « dans le mauvais sens » de surcroît. J’ai également « acheté un pass Navigo», pas plus tard que le premier de ce mois, et « pris TOUTES les lignes de métro au moins une fois». Il me faut également avouer que j’ai « mémorisé l’endroit exact où vous devez vous placer sur le quai du métro pour être plus proche de la sortie». Si j’ai « aperçu un rongeur dans le

métro», et ô combien! « Fait coucou aux touristes sur les bateauxmouches?»… Je l’ai fait oui… On sait le Parisien peu engageant mais de là à avoir « résisté à l’envie de décapiter un touriste» ou à celle d’« égorger un serveur», il y a un gouffre. « Bu des bières… au Sacré-Cœur, aux Buttes-Chaumont, au Champ-de-Mars, sur le pont des Arts ? Près du canal, au Luxembourg?» Du thé noir, vous dis-je!

J’ai payé plus de 15euros pour un burger, aperçu un rongeur dans le métro, mais je n’ai jamais croisé Beigbeder près du Café de Flore Je n’ai pas « été arrêtée par des flics en civil au Point FMR», ni « croisé Frédéric Beigbeder près du Café de Flore» et jamais « refusé d’aller à une soirée parce qu’elle était en banlieue» ; j’ai toutefois « payé plus de 15 euros pour un burger», « instagrammé du street art» et pensé « putain quand même, c’est beau Paris». « Vous êtes vaguement parisien», m’assure BuzzFeed à l’issue de ma piètre prestation (29 sur 80). J’aime donc Paris et pourrais donc, selon Alphonse Karr, vivre ailleurs. Oui… mais non. p duretz@lemonde.fr


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