PIERRE REBICHON
Quarante boggies pour le hasard
CONTE FERROVIAIRE rebichon@gmail.com
INTRODUCTION
Comment privilégier un lieu lorsqu'on est un ancien Francilien, émigré dans le sud-Aveyron et vivant depuis vingt sept ans en Poitou-Charentes ? Cette question sans réponse évidente donne naturellement une sortie possible par le hasard. « Le hasard, une nouvelle religion ? Asseyez-vous, une heure, je vais vous raconter une belle histoire de mille hasards ! »
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« HASARD ? VOUS AVEZ DIT HASARD ? »
C'est une aventure vécue, une succession de hasards comme dans une procession vers un bonheur inscrit et programmé que nous touchâmes à trente personnes et plus, en hiver, les 16 et 17 janvier de la Sainte année 1988. La vie professionnelle très chargée d'aujourd'hui masque le temps qui passe d'un voile maussade et sans pétillance. Je vais avoir quarante ans ! je ne m'en suis pas aperçu : « Tiens, quarante ! » Ce chiffre m'impressionne, il faut absolument faire quelque chose, c'est trop grave ! 11
Donc, ne sachant pas où situer mes origines véritables partagées entre la région Parisienne de mes six premières années en Val d'Oise, préférer les huit autres dans le Midi, en Sud-Aveyron, ou encore dans l'Ouest, où je suis actuellement installé, Picto-Charentais depuis vingt sept ans (record battu). Mais certainement suis-je d'ailleurs, simplement pour confirmer le côté un peu non conformiste que j'aime bien cultiver dans ma vie. Je n’ai jamais voulu me fixer dans un lieu, sans regretter de ne pas être immédiatement dans un autre. Vénérant le hasard depuis très longtemps, je me suis remis entre ses bras. Et vogue la galère. Puisque je suis de nulle part, tirons donc au sort un lieu que je vais dédier à mes quarante ans. 12
Un beau soir, des préparatifs sont organisés. Nous voici, trois amis, ma femme et moi, devant une grande carte de France toute neuve. Une carte offerte par ma banque qui n’est pas populaire pour rien ! Ces amis sûrs, seuls témoin de toutes nos joies et aussi de toutes nos peines accompagnent leur fillette innocente parmi les innocents. Elle sera la main de mon hasard. « Encore merci Amélie ! » La carte de France est repliée en quatre et découpée en quatre morceaux égaux en suivant soigneusement les plis. Mélange des quatre bulletins, dans une corbeille en osier. Notre petite Amélie tire un morceau de carte. Dépliage du papillon, dans un silence religieux, c'est : « Le quart Sud-Ouest de la France ! » 13
Rebelotte, le papier est aussitôt replié en quatre et découpé avec le même soin. La main innocente replonge dans le petit panier et ressort un nouveau morceau de carte…Dépliage dans un silence monacal. « C'est le quart Nord-Est du quart Sud-Ouest ! » (il faut suivre !) L'échelle de la carte ne pouvant pas nous donner suffisamment de précision pour le prochain tirage, celui-ci est reporté à la semaine d'après, le temps de s'approvisionner en nouvelles cartes d'échelles satisfaisantes. De cartes en cartes, nous atterrissons au cœur du Périgord Noir. Plus tard, sur la carte d'état major, un carré de cent mètres sur cent est tracé avec précision. Les diagonales nous donnent le point topographique précis : « C'est le lieu dit : le Ségalat. » 14
Commune de Saint-Germain-deBelvès. C'est donc là que mes quarante ans vont être célébrés. Peu importe le lieu ! J'avais fait le pari secret qu'une bande de copains pouvait aussi bien s'amuser à Montceau les Mines au fond d’un puits, à la Hague pile sur le centre de retraitement des déchets nucléaires ou à Lamotte Beuvron, et pourquoi pas à Trifouillis en Beauce, ou dans les jardins de l’Elysée. Atterrir dans le Périgord Noir cela vous donne le plus heureux des présages astronomique, mais aussi, et pire, un point «G» astronomique Si j'étais tombé au milieu du lac du Bourget, ou au sommet d'un volcan d'Auvergne, en tut cas dans un endroit difficile d'accès, j'avais prévu de 15
convaincre les plus hautes autorités. Avec un bon dossier bien ficelé et argumenté, j’aurais essayé de faire intervenir ; soit l'armée, l'E.D.F …en leur demandant de nous acheminer sur place, en utilisant leurs engins spéciaux d'approche des zones difficiles. Pimenté d’une petite sauce médiatique, je pense que le projet aurait pu être mis en place. Enfin, le Périgord, ma foi, c'est du tout cuit, un hasard qui tombe bien. (…elle est bien bonne) Il faut que je vous avoue qu'en vérité depuis longtemps je souhaitais me faire inviter chez l'habitant. Organiser une vrai fête, quitte à repeindre après toute la maison du sol au plafond, en remplaçant même jusqu'au carrelage. Une fête comme on n'en fait plus, ou comme personne n'ose en faire. 16
Si j'étais tombé à Sarcelles chez Monsieur et Mesdames Amedh BenZaraouy, au milieu de leur F4 normalisé avec tous leurs voisins autour. Je préfère ne pas vous décrire le couscous d'enfer que nous aurions préparé. Cette idée de me faire inviter me pousse donc à entreprendre l'approche. Immédiatement. Je bondis sur le 11 de mon Minitel et recherche une âme sœur dans le secteur de Saint-Germain-de-Belvès, je tape : - M. Dubois… rien. - M. Martin…rien. - M.Durand… rien. En plaisantant je tape mon nom.…rien, ouf ! Là, un hasard comme ça aurait caché une certaine machination du sort quand même. « Mais ce n'est pas possible, il y a personne dans ce village ? » me dis-je étonné. Pour conjurer le sort, je tape : 17
- Pas (#). Cette commande (#) provoque une recherche élargie à partir des trois premières lettres d'un nom. Que vois-je apparaître sur mon petit écran cathodique ? - Monsieur et Madame Passérieux Louis. Ce nom magique me confirme que je suis dans la bonne direction, ce nom sonne bien pour moi, il semble sur mesure pour mon histoire. Avec un nom pareil, ces gens seront certainement des alliés de choix, ce hasard patronymique est de la plus haute qualité. Je compose immédiatement leur numéro de téléphone… Une petite voix me répond : « Allo ? - Bonjour ! Madame Passérieux ? … je suis Pierre Rebichon, je vous appelle de Niort… J'ai tiré le lieu de la célébration de mon anniversaire, de mes qua18
rante ans, et c'est tombé près de chez vous. - Blurps ! fait-elle un peu étonnée, incrédule et déroutée. - Oui !…je vais venir vous voir le week-end prochain, nous parlerons de tout cela. En attendant je vous envoie une lettre pour vous confirmer mon appel et vous expliquer mon projet. Vous aurez aussi mon nom et mon adresse. - Gasp ! Bien…ben, comme vous "voudlez". » répond-elle en roulant ses « R » Occitans. Elle est sous le choc, et raccroche gentiment. Je me met immédiatement à l’ouvrage pour rédiger trop vite la lettre promise, dans l'espoir qu'elle accepte de nous recevoir chez elle pour ma fête. (Sous le feu de l'action le rêve est encore autorisé.) Surtout de lui permettre de vérifier que ce n'est pas un coup de fil de plaisantin, 19
et lui préciser mes coordonnées précises. J'expédie donc ce courrier : Madame, Monsieur, Suite à mon appel téléphonique, je vous confirme mon intention de venir vous rendre visite un jour prochain. (Je préviendrai par téléphone.) En effet, suite à un tirage au sort géographique, votre village a été désigné pour être le lieu de réception de mes 40 ans, le 18 janvier 1988. C'est une façon comme une autre de sortir du banal. Je pense donc venir reconnaître les lieux, retenir l'hôtel, le restaurant, nécessaires dans les environs. Vous souhaitant bonne réception, je vous prie d'accepter Madame, Monsieur mes sincères salutations. Pierre Rebichon. 20
La semaine suivante, j'ai reçu un coup de téléphone de son fils qui travaille à Paris. Il m'a demandé des renseignements sur mon projet. Il me précise qu'avec mon histoire invraisemblable j'avais intrigué sa mère et même un peu affolée. Après mes explications sur le projet, il raccroche rassuré. Ce premier contact réalisé à la hussarde m'a donné la marche à suivre pour le reste de l'opération. Il faut avancer avec précaution pour ne pas affoler les habitants. Le week-end arrive, nous partons avec ma femme pour reconnaître le terrain. Nous voici sur une petite route du Périgord vert, en sortant de Périgueux c'est le fameux Périgord Noir. La route touristique est magnifique, les panneaux indiquent « Les Eyzies, Lascaux » ces lieux font rêver. Être sur 21
les traces des premiers habitants connus de france l’origine de l’homme, aux sources essentielles de notre présence sur cette terre. (Je pense que mammouth était fermé ce dimanche là !) Dans un virage à angle droit, nous tombons face à une gare, une splendide bâtisse toute en longueur : la gare du Buisson. Stop ! Une gare ici ? C'est trop beau pour moi, qui suis un petit-fils de chef de gare ! Arrêt (nf) obligatoire ! Une intuition face à l’institution !. Une halte téléguidée, cette gare cache quelque chose de pas banal. Je rentre dans la salle des pas perdus comme dans un temple, mais en gardant quand même mes chaussures, bien que je ne demandais qu’a en sortir !. A droite, le guichet est vitré comme un local/bocal qui protège trois employés de la S.N.C.F. L'un est assis sur le coin d'un bureau en bois de 22
chêne verni, noirci, et il discute avec les deux autres. La fréquence des trains ne doit pas être la même comme dans la vallée du Rhône, où les chefs de gare sont obligés de rester dans des guérites sur les quais en permanence à cause du trafic incessant. Ici la voie n'est pas électrifiée. Au Buisson, le calme de cette gare est naturel, en plus c'est dimanche et en début d'après midi. Ils attendent les rares clients. Cette apaisante ambiance de doux labeur me permet d'engager le dialogue franchement. M'adressant à l'un d'eux, je me lance : « Pardon Monsieur, peut-on venir en train de Niort jusqu'ici ? - C'est possible ! » me répondent les trois mousquetaires du rail d'une seule voix. Sensibilisés par la campagne de 23
publicité de la S.N.C.F. en cours ou en train, d’ailleurs, ils vont jusqu'à me montrer l'affiche collée sur le mur. Le plus petit des trois se rapproche de la porte il m'invite à rentrer chez eux, dans le bureau, derrière le comptoir, son œil pétille de malice. A partir de ce moment je décide de l'appeler : « Mon chef de gare.» Constatant que ma demande est sérieuse mais un peu complexe, il me demande de m'installer derrière son bureau et d'exposer mon projet complet en détaillant le problème du transport. J'explique en détail le fond de mon projet, le hasard du tirage au sort, ma volonté de créer un événement simple. A voir ses yeux plissés de bonheur, je sens qu'il adhère à l'idée, elle lui plaît, c'est sûr. Pour la location du train NiortBelvès, il me promet de m'expédier un devis. 24
Je note son nom, il s'appelle : Monsieur Henri, Chef de gare intérimaire affecté ce dimanche à la gare du Buisson. En me donnant ces renseignements il me précise qu'il habite Belvès et connaît bien la gare du village. Que le lieu dit le Ségalat, point zéro de mes quarante ans, il le connaît bien aussi. Il propose tout de suite de nous aider à organiser la fête. Pour les repas, il pense tout de suite à un établissement : le restaurant de la Bastide tenu par Monsieur et Madame Prigent à Montpazier. Son fils y est en apprentissage de cuisine. Même l'hôtel est désigné ce jour là, il sera fermé en janvier mais il nous assure qu'il pourra le faire ouvrir pour nous. Ça sera sûrement l'hôtel de France, toujours à Montpazier. 25
Ce chef de gare est un véritable Guide Michelin qui ne manque pas d’air. Un homme sacrément concerné par l'accueil de sa région, organisant sa promotion de main de maître, un syndicat d'initiative à lui tout seul, pratiquement un club Med. Au bout d'une bonne heure, nous remontons dans la voiture pour nous rendre compte sur place du paysage dans lequel cet anniversaire va se dérouler. Sentir les lieux, détecter les ondes si elle y sont, passer voir à Montpazier qui n’est pas sur le chemin du retour vers Niort. Un au revoir plein de promesses et l'Alfa 175 ronronne de bonheur sur la petite route dans le magnifique paysage, des environs de Belvès. Cette route : Le Bugue, Les Eyzies, Lascaux, des lieux réveillant la bête ! 26
Belvès est situé sur une hauteur, la visite générale et rapide est suivie de la reconnaissance de l’emplacement de la gare. le lieu est déclaré et certifié tout de suite sympathique. Cette gare électrifiée est en instance de fermeture, elle à un air pathétique; elle ressemble à celle de mon enfance administrée par mon grand-père, mais avec les caténaires en moins. Intéressés, nous prenons immédiatement, la direction de Saint-Germain-deBelvès pour repérer et découvrir exactement le site : Le Ségalat. Arrivés à Saint-Germain, nous remarquons que le petit village est adorable. Nous rendons visite à la famille de Monsieur et Madame Passérieux Louis. Une petite fille nous accueille dans la pièce unique. Du linge sèche autour du 27
tuyau de la gazinière du fond de la pièce. Sur la nappe en toile cirée, la petite fille fait ses devoirs. Elle me dit que sa grand-mère n'est pas là, je lui demande un crayon et du papier. J'écris donc un mot à Madame Passérieux sur le bout de cahier d'écolier aimablement prêté. Je lui confirme notre passage annoncé au téléphone, et lui laissant comprendre que l'on se reverra bientôt, lors de la prochaine visite dans le secteur. Je dis au revoir à la petite fille, et nous nous dirigeons vers « le lieu » Il est situé sur une petite route à l'Ouest…vers le couchant. Le Ségalat, est là, fantastique, le point topographique exact tombe sur la terrasse d'une maison en cours de rénovation. Devant, sur la pelouse une pancarte est plantée : « A vendre » Comme pour pousser à la consommation ! Je relève le numéro de téléphone 28
inscrit sur la pancarte, avec une petite idée derrière la tête. Ce lieu magique, calme, serein, fait partie d'un paysage qui à constater le soin apporté aux champs alentours est prospère. Une véritable carte postale, je préfère ne pas vous décrire le timbre qui doit-être derrière tout ça, il doit-être très rare. Saint Germain est perché sur la crête opposée, le village éclairé et doré par le soleil couchant aurait pu servir de toile de fond à une campagne présidentielle, du style de celle qui parlait de « La Force tranquille » Le soleil flamboyant, ambre tout le paysage, à le faire devenir en un seul instant une peinture flamande toute neuve, et sans craquelures. Après avoir respiré le lieu, direction Montpazier, pour la suite du repérage. Cette visite sera plus technique, elle sera plus, terre à terre. 29
C'est la visite d’intendance, la rencontre avec le restaurateur et le patron de l'hôtel de France qui est une patronne. La route forestière nous guide vers ce village, le plus beau de France (c’est la vérité.) Montpazier est aussi situé sur une hauteur. Une gaillarde bastide avec sa muraille d'enceinte bien conservée. Les portes d'entrée en ogives de la cité sont magnifiques. Ambiance médiévale garantie et jalousement préservée. Cape enveloppantes et épées tranchantes planent au-dessus du site. La place est entourée d'arches, la galerie cerne ce quadrilatère. Au centre, un promontoire cubique en pierre abrite la fontaine publique. C'est comme un petit Carcassonne rien que pour nous, avec l’architecture Périgourdine. Le style des constructions dans ce pays est chaleu30
reux, les proportions accentuent la fantaisie des toitures avec leurs rives relevées, à demi Chinoises. La pierre est saine et claire, aucune pollution n'atteint ce lieu, les gaz d'échappements restent ailleurs, bien au delà de ce pays plein de clarté. Nous apprenons qu'un grand nombre de films de cape et d'épée ont été tournés dans ce décor naturel. Mon âme de troubadour se complaît dans ce lieu. Comment aurions-nous pu rêver d'un plus beau décor pour la fête. Nous sommes ravis et remercions encore une fois le hasard. Le patron du restaurant nous accueille, ses prix sont corrects et nous permettent de lui laisser le choix des plats ; après tout, c'est lui le chef ! Nous sommes flattés d'apprendre que des têtes couronnées d'Europe du nord, du Danemark pour ne pas les nommer, viennent souvent se dégourdir les 31
papilles chez lui, en été. L'hôtel est situé à cent cinquante mètres dans la même rue, en ligne droite, on évalue tout de suite le chemin qu'il faudra compter en plus avec les zig-zag éventuels du grand soir. Ça pourra se faire sans intervention extérieure. Sans avoir besoin d'appeler Intermutuelles Assistance à la rescousse, un point rassurant en plus. Encore merci pour le hasard ! La visite nous enchante, les portes sont cloutées et épaisses, les clefs sont immenses et lourdes, l'été, il doit-être conseillé de ne pas se baigner avec, elle vous précipiterez immédiatement par le fond. La propriétaire nous confirme que le 17 janvier 1988, c'est la saison morte pour eux…Et youpi ! Tour de magie S.N.C.F.! L'hôtel ouvrira ses portes quand même…et rien que pour nous. 32
Nous sommes aux anges, nous sentons là, la nécessité d'avoir notre Chef de gare préféré en caution morale. Ce type là est fantastique ! Cette constatation me revient toujours à l'esprit, au fur et à mesure des succès obtenus sur ses conseils et ses heureuses préconisations. Les transactions terminées, nous rentrons à Niort très satisfaits de cette première journée de visite et de contacts. Dans la semaine suivante, nous recevons les devis de toutes les demandes que nous avions formulées. À elle seule, la location du train spécial grève pas mal le budget. Je dirais même mieux, empêchera d'offrir la moindre olive noire à nos invités. Il faut préciser que le trajet n'est pas direct, qu'il faut couper une ligne à grande vitesse, pas33
ser par-dessous et par-dessus les trains rapides Paris-Bordeaux, intercaler notre convoi dans le trafic. Ce genre de fantaisie revient assez cher, à cause des coût de mise en place des éléments de sécurité nécessaires. Il faut envisager une autre solution… elle est immédiatement trouvée : La location d'un car et la réservation d'un wagon dans l’autorail régulier de Périgueux à Belvès. Devis et commande dans la foulée. Pour le car, c'est Michel qui nous à aidé, il connaissait bien un cariste du nord des Deux-Sèvres. Le devis de réservation du train a été expédié par notre Chef de gare préféré, directement de la gare de Belvès. Toutes les formalités sont établies en quelques jours, les commandes passées. Tout est donc OK ! pour la logistique et le transport. 34
En même temps, j’ai contacté le propriétaire de la maison à vendre en cours de restauration, située sur le point topographique. Monsieur Delrieux, n'a pas bien compris mon message. Faire de sa maison l'épicentre de mon délire, un Puy-du-Fou bis, et pour deux jours seulement. Je ne l'ai pas rencontré, et il n’a pas eu le temps de réagir, de comprendre et surtout de me connaître de visu. J’ai su après qu'il avait regretté de n'avoir pas percuté du premier coup. Avec ses soucis professionnels, mon histoire tombait mal. Il habitait Brive, le temps nous a manqué pour se rencontrer et bien communiquer. « Tiens ? encore un hasard…»
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La semaine suivante retour sur la piste. Nous avons vérifié la capacité d'accueil de la salle d'attente de la gare de Périgueux (34 sièges) tous fixés contre le mur…encore un présage ?. Ensuite à Belvès, j'ai eu la présence d'esprit d’organiser une nécessaire visite de courtoisie et de mise au point à la Gendarmerie locale pour décliner mon identité et expliquer ce que je voulais faire, en exposant mon programme complet. Il fallait couper court aux rumeurs qui commençaient à fuser dans le secteur : « Un fou qui voulait révolutionner le pays et cousu d'argent, il achetait tout ce qui se présentait : Un Parisien nabab de la pub ou du Show-biz ! » Le Chef de gare se faisait mettre en boîte toute la journée, et comme sa femme travaillait dans une usine de foie 36
gras, ça tombait bien (.…) mais, les moqueries devaient être truffées de collibets bêtes qui montent qui montent. Les gens lui disait aussi que ce farfelu était certainement un escroc. Avec en plus des commentaires sur la crédulité apparente de son mari : « C'est n'est pas possible qu'un homme veuille faire une fête comme ça au hasard ! En plus ça tombe sur vous ? C'est bizarre non ? » Sachant que la rumeur est une grave maladie, nous avons préféré tout de suite faire un petit barrage en achetant le Champagne au négociant du village. Un stock nécessaire pour une trentaine de personnes assoiffées pendant deux journées…en dehors des repas bien entendu. En plus, et par hasard on est tombé sur une bonne marque, du Bricou (Pub gratuite). Nous avons pré37
féré nous approvisionner de ce précieux brevage sur place pour trois raisons : La première : privilégier le commerce local au lieu d'aller charger la mule au Mammouth d'à côté. Mammouth de Lascaux. Hé ! Hé ! (inévitable) La deuxième : Permettre à la rumeur de retomber en laissant observer sur la place publique que notre chèque est honoré. Donc fou, mais solvable! La troisième : Le stock sera mieux conservé sur place, au lieu de le transporter de chez-nous en risquant de lui bousculer les bulles et risquer de les rendre inopérantes et vaseuses. Je vous rassure tout de suite, au niveau du prix, c'est le même qu'ailleurs et avec le sourire en plus. (les facsimilés 38
des factures authentifiées sont disponibles sur simple demande à l’éditeur) Cette délicate précision permettra à mon inspecteur des impôts chéri, (M.V). de vérifier à nouveau que je ne trempe pas dans l'abus de bien social. (Mais on a bu autrement.) Si je parle d'argent ici, c'est que c'est encore le plus beau de l'histoire. Comment faire croire que toute cette fête qui dans la tête des gens à été un événement digne d'être hébergé au Zénith de Bercy pire, assimilé aux fêtes Tropéziennes, que cette fête disais-je n'a pas coûté trop cher. Par la chance et grâce au hasard canalisé par notre Chef de gare en chef, tout à roulé sur les rails de la raison et de l’amitié. La chance de tomber sur des gens vraiment exceptionnels, prêts à foncer dans le délire sans penser à rouler l’apprenti mégalo. 39
La palette de Champagne est remisĂŠe soigneusement dans un coin du hangar Belvessien, bien au frais, en attendant le jour "J". Les bulles tapies sous les bouchons attendent le signal pour bondir et enchanter la sauterie par leur bons et leurs ĂŠclats joyeux.
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C'EST PARTI !
C'est l'heure de la préparation des invitations. La sélection des invités est évidente et rapide, aucun oubli, aucun état d'âme, aucune complaisance. Du brut de liste. Cependant, une idée majeure vient nous éclairer dans le choix, ne pas inviter de connaissances professionnelles. C'est un événement de la vie privée et j'ai horreur des mélanges de genre. Il faut préciser aussi que mes amis et ceux de Josette ne se connaissent pas les uns les autres. Ils sont issus des tous les milieux et vivent tous sous des latitudes 41
différentes. Exception à la règle, deux couples du Midi de la France : Lydia et François Menras Lozèriens et Dany et Francis Pons du Grau d’Agde dans l'Hérault. Ils ne se connaissent pas. Ils ont reçu une invitation particulière pour leur éviter de faire la route deux fois. Personne n'est au courant de cette entorse au règlement pourtant volontairement extrêmement rigide. Sur leur invitation spéciale, il est mentionné : « Rendez-vous sur le parking de la gare de Périgueux, avec un drapeau Français chacun, vous l'agiterez pour vous reconnaître. » L’invitation générique elle, est rédigée comme une véritable mobilisation générale, une seule feuille de route recto. Composée avec une liste d’accessoires à préparer pour créer un état de doute. Être prêt pour une folle gamberge. Il faut semer des fausses pistes, préparer les invités, faire 42
croire à plusieurs scénarios possibles. Invitation à l'anniversaire de mes quarante ans. Samedi 16 & Dimanche 17 janvier 1988. Rendez-vous le 16 à Niort, devant la maison à 9 heures précises. Munissez-vous de : Vêtements chauds de survie. Un opinel. Un objet musical faisant du bruit. Un préservatif en état. Votre passeport en cours de validité. Deux photos d'identité. Aucunes questions en retour, personne ne nous a demandé quoi que ce soit. On a su que pas mal d'idées ont traversé les esprits : Parachutage ? 43
voyage en avion, en aéronef, montgolfière ? Tout le monde s'attend à tout, la mayonnaise commence donc à prendre dans les chaumières. Un objectif : capter les esprits des amis, les endoctriner, les hypnoptiser les préparer uivant mon bon vouloir mais, néanmoins, en confiance totale. Le temps fait son œuvre, la date de la veille au soir arrive sonne le début de l’acte.. Ce soir là, Josette prépare les paniers individuels du pique-nique surprise. Le nom de famille est inscrit au feutre indélébile sur chaque faces des sacs. Je prépare les œufs durs en les décorants sur la coquille, avec de beaux pointillés en or avec le mode d'emploi qui accompagne les fioritures : « ouvrir ici ! ». On ne sais pas sur qui on va tomber, il vaut mieux prévoir et assurer ! Mon frère et ma sœur descendent à 44
quatre de la région Parisienne, ils n'ont affrété qu'une seule voiture pour l'expédition vers le Sud-Ouest. Au milieu de la nuit, coup de téléphone : « Nous sommes en panne, hébergés dans une station service de l'autoroute A10. On a pété le train avant sur le viaduc de Courtineau au sud d'Orléans. On attend le camion de l'assistance et une voiture qui doit nous livrer devant chez vous dans la nuit ! » En effet, au milieu de la nuit, le taxi de I.M.A. (Inter-Mutuelles-Assistance) se gare devant la maison. Les passagers sont hilares, ils sont pliés en quatre, une arrivée triomphale. Le chauffeur est invité à prendre un café spécial réveille-matin. En repartant, Il nous laisse sa cargaison, nous héritons ainsi de quatre naufragés du bitume et de l’asphalte. « Tiens un autre hasard ? » Une question : 45
« Qui a créé et dessiné le logotype de I.M.A. ? La réponse : - Votre serviteur ! » Vers les trois heures du matin, les yeux chargés de fatigue, les traits tirés et creusés de rigolade, nous allons tous nous coucher pour assurer le lendemain est déjà là. Dès les premières heures frisquettes du matin, mon frère disparaît et revient un long moment plus tard avec un cadeau magnifique. Dans ses bras, un petit cochon bien rose que nous baptisons immédiatement Roméo, à la gloire de celui qui sommeille en chacun de nous. Pendant que le gros de la troupe est occupé dans un coin de la pelouse fraîchement tondue à préparer un enclos au porcelet. Le car stationne devant la maison. Le chauffeur se présente et nous 46
donne son nom avec malice. Connaissez-vous son nom ? Réponse : Albert Pied. Encore un signe de bon aloi pour la mission. ! Il ouvre discrètement la soute à bagage, en douce, nous engouffrons les sacs de victuaille de toute la troupe. Une technique est mise au point. On enfile les poignées sur une barre métallique de telle sorte qu'ils se trouvent tous suspendus solution efficace pour éviter les chocs et les écrasements en cas de freinages intempestifs. Scientifique et non déposé, on a manqué de temps pour cela. Les invités commencent par arriver en flux tendu. Ils arrivent enfouissants leurs vêtements chauds, anoracks, blousons de ski, et moumoutes de tous poils. La présence du car commence à faire jaser dans les rangs. Le petit déjeuner est organisé dans la 47
cuisine réquisitionnée par mon beaufrère, Jean-Luc, il saucissonne avec des grand coups d'Opinel dans la terrine de lapin, il rassemble quelques adeptes de la charcutaille et se rincent déjà la glotte avec quelque lampées de bon Cahors détourné de mes étagères secrètes. Embarquement immédiat ! Dès que le dernier invité est noté présent à l'appel, le car est assiégé et bondé. Albert Pied démarre l'engin et me passe le micro. J'annonce le décollage vers une destination inconnue. Le car s'ébranle, il emprunte l'avenue de Limoges direction plein Est. Sur le début du parcours je distribue des petites bouteilles d'eau minérale avec le geste sûr d'un véritable stewart d'Air France. 48
Le car roule à Melle (…) nous arrivons au top-chrono prévu au lieu dit : Les Maisons Blanches, carrefour stratégique du centre Ouest de la France. Mais la trajectoire semble dévier… Le tic tac du clignotant confirme le changement de cap… Direction Angoulême ! Le voyage est gai, aucune ride d'inquiétude n'est visible sur les faces réjouies et interrogatives des passagers. Les chansons de car sont toutes passées en revue, (sauf les montagnards). L'harmonica de Jean-Louis notre cow-boy de service, entonne quelques vieux airs du far-west. Je profite des longues lignes droites de la R.N.10 pour demander aux passager de me donner leurs deux photos d'identité. Cette demande sème le trouble, nous sommes encore sur la route qui pourrait 49
nous conduire tout droit à BordeauxMérignac…pour un envol vers des horizons lointains ? Je distribue les badges réalisés au milieu d’une grande cocarde en ruban bleu blanc rouge. Sur sur tout le pourtour de la plaquette noire du centre de la rosace est imprimé en Or : SaintGermain-de-Belvès 16 & 17 janvier 1988. Les prénoms de chacun signent le centre de ces immenses décorations. Le nom du village ne dit rien à personne, aucune question n'est posée. La cocarde que j'arbore est différente, elle est composée avec d'autres couleurs : Jauneorangé et vert. Détail nécessaire pour bien faire remarquer que je suis le chef. Au centre de ma plaquette couleur aluminium est imprimé un texte décrivant mon état depuis le début de la journée : « Je suis Ravi ! » Tout le monde se décore. 50
A la sortie d'Angoulême, direction Périgueux, traversée de la moitié de la ville et nous arrivons déjà sur la place devant la gare de Périgueux. « Tout le monde descend ! » Les sacs de victuailles sont extraits délicatement de la soute et sont distribués à chacun en déclenchant leur première surprise. Du fond du parking, arrive un superbe personnage : Un Ours ? Non ! un homme en manteau de fourrure, avec une toque du même poil, des grosses chaussettes montantes en laine blanche de Chasseurs Alpins. Un gros cigare et des lunettes noires. À la main, une valise en carton. Au milieu d'un fou rire, écartant nos larmes de joie, il est identifié : c'est Francis le Bitterois ! Il est là ! Il fonce sur nous, sa valise en avant. A côté de lui, François le 51
Lozérien agite son grand drapeau Français. La valise de l’ours est posée sur un banc, à côté d'un ensemble de cabines téléphoniques. Le bagage est ouvert religieusement, et dévoile une collection de bouteilles de Champagne. Les premiers bouchons ont sauté là ! Les premières salves d'une journée coiffée d’un ciel bien bleu marine, comme pendant les beaux jours en haute montagne savent nous en offrir. Au milieu des bulles, et des éclats de rires et de joie, je téléphone à ma mère de la cabine proche du bar improvisé. En laissant la porte ouverte, bloquée avec mon pied pour lui permettre d'écouter l'ambiance environnante, je la remercie de m'avoir mis au monde quarante ans plus tôt, et par voie de conséquence de m'avoir donné l'occasion de vivre ce moment. 52
Après cet apéritif imprévu, chacun de nous gagne le quai de la gare et découvre la salle d'attente, les sacs à la main, armés pour un pique-nique S.N.C.F géant. Les trente quatre sièges n’ont pas eu le plaisir de reposer nos soixante huit fesses festives. Le beau temps nous invite à sortir de dessous la marquise (…) et à nous installer sur les chariots à bagages stationnés à l'extérieur, sur le quai N°1, à l'air libre. La faim aidant, chacun découvre son panier avec joie. Les œufs durs portant le mode d'emploi pour leur ouverture, grâce au pointillé tracé à l'une de leur extrémité qui mentionnait « Ouvrir ici » Ce détail de l'œuf fit un effet bœuf ! Les appareils photos commencent à laisser échapper leurs petits oiseaux. Daniel Mar, le plus grand photographe de l'Ouest Européen (Pub gratuite.) est 53
là pour ne rien laisser échapper des évènements majeurs de la journée. Il ne peut pas casser son œuf tout seul en déclenchant en même temps son obturateur témoin, mon pauvre Daniel…. À côté des œufs de luxe, les autres aliments étaient aussi délicatement portionnés. Ce repas complet ravit tous les invités. Les groupes se forment et changent de composition, les uns avec les autres et vice versa, assis sur un chariot, sur un muret, debout, se faisant face, les amis se découvrent. Ils subissent tous ma loi avec bonne humeur. Un accroc volontaire au menu : Pas de café ! Pour le prendre, direction le buffet de la gare au bout du quai, en repassant sous la marquise. Le patron est sûrement au courant de notre présence, la S.N.C.F. est une grande famille ! 54
La salle du buffet est totalement investie, les tables sont toutes occupées par la joyeuse bande. À ce moment là un journaliste de Sud-Ouest alerté par je ne sais qui (…) m'interviewe sur la journée et pose des questions pour suivre l'événement. Pendant la conférence de presse, le juke-box du bar laisse échapper une rengaine que mon frère accompagne tout de suite d'une danse avec Dany la Bitteroise. L'exemple contagieux est vite imité par d'autres couples de danseurs qui se tortillent entre les tables rouges en Formica ® véritable. Heureux, je me paye un énorme fou rire avec mon vieux copain de classe François. On a été premiers ex aequo plusieurs fois au cours préparatoire dans la classe de madame Gintrand, après il a continué tout seul…(Rue Pasteur chez le même éditeur) 55
Le haut parleur diffuse l'information attendue : « Le train à destination d'Agen entre en gare quai N°1, veuillez reculer de la bordure du quai s'il vous plaît ». Les invités ne savent pas encore que c'est notre train. Arborant mon billet de groupe dûment composté, je leur propose de passer tout de suite sur le quai N°1. Sur le quai, une jeune fille est là, elle aussi attend le train. Elle porte un grand pull bleu clair à rayures blanches, ou l'inverse (au choix). Cette jeune fille est intéressée par notre groupe, elle nous observe avec un petit sourire en coin, elle brûle de nous parler. Par le biais du badge de notre ami Jean-Louis le cow-boy, elle lit le nom du village et nous dit qu'elle connaît 56
bien le village, qu'elle habite pas très loin, sur la même commune. Le train automoteur entre en gare, un wagon nous est réservé, on le remarque par les étiquettes en papier collées sur les vitres. La troupe monte à bord. Dès le coup de sifflet du départ, on sent comme un chatouillement sous les pieds, un roulement en douceur. Le mystère de la destination écarquille les yeux de mes otages. L'autorail traverse la campagne des origines de l'homme, Lascaux est tout à côté. Je décide de rendre visite à la jeune fille, de lui parler un peu de son pays, en arrivant face à elle, elle me sourit, elle me donne son nom : « Nicole Gautier ». Ce nom me plaît par sa simplicité de nom, il coule de source, il est sans surprise et chargé de sincérité. Elle habite 57
effectivement sur la commune de SaintGermain-de-Belvès. Au milieu de son sourire en forme de soleil, elle me demande de lui expliquer un peu plus en détail le programme. Elle nous invite spontanément à venir chez-elle. Flatté, surpris et pour ne pas être en reste, je l'invite à assister au feu d'artifice qui sera tiré ce soir sur le site, au Ségalat. « Je serai là ! » dit-elle avec son œil espiègle que nous lui avions décoché. Le train continue son chemin, en gare des Eyzies, Nicole nous quitte pour descendre rejoindre son père qui l'attend sur le quai, situation banale d’un père qui attend sa grande fille revenant de la ville en fin de semaine.
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Le train repart. En regardant par la fenêtre, on peut contempler les lacets de la route et voir plusieurs fois notre car stoppé aux passages à niveaux, plus drôle, pendant une certaine distance, il roulait à côté de nous sur la route parallèle à la voie. Albert Pied à son volant achemine le bus vers une destination que lui seul, et nous, connaissions. Le mystère plane encore…jusqu'à l'arrivée en gare de Belvès.
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Belvès ! Belvès !… 16 heures 15 minutes, sur le quai, c'est la folie : Un groupe folklorique local danse accompagné par trois accordéons. Les bonnets en dentelles des jeunes femmes et les costumes rutilants virevoltent, le public formé de quelques villageois est attentif pour voir d'un peu plus près ce drôle de quadragénaire. Monsieur le Maire adjoint de Belvès est là aussi pour nous honorer avec son bloc de papier à la main, il est aussi le correspondant des journaux locaux. Deux gendarmes en costume de parade sont plantés là aussi. Une photo m'immortalise entre eux, maintenu comme un poivrot de première classe, pardon on est venu en seconde. Un beau cliché à conserver en hommage à leur sens de l'humour. J'embrasse la femme de mon Chef de gare préféré, promu délégué aux festivi60
tés et je la décore de sa cocarde personnalisée. Je serre amicalement les mains tendues comme doit le faire un Président de la République. Photo, photos et re-photos. Le Chef de gare de service nous accueille et nous invite à entrer dans sa gare toute pimpante. À l'intérieur une grande table est installée dans la salle des pas perdus, à côté de la bascule à bagages. Bien disposés, petits gâteaux et champagne pour tous. Les danseurs nous entrennent dans leur groupe et la salle devient une salle de bal improvisée en un clin d’œil. La Direction régionale de la S.N.C.F. offre un gentil bouquet de fleurs à ma femme. C'est une petite fille endimanchée qui lui tend le bouquet enrubanné. Je reçois en même temps un cadeau sous la forme d'un poster représentant 61
tout le matériel roulant existant de la Société Nationale des Chemins de Fer Français, s’il vous plaît ! L'ambiance naturellement installée, il nous est difficile de stopper cette intense émotion et de partir pour faire l’horaire. Ce débordement de joie sympathique dans ce décor austère de la petite gare, aurait bien accueilli une entrée triomphale d'un de mes vieux acteurs préféré, Monsieur Carette en lampiste qui, se trompant de porte aurait bougonné avec sa guouaille légendaire : « Pardon m'sieux dam' » On ne serait jamais parti de là. Il faut pourtant continuer le périple, car, le car attend dans la cour de la gare. La camionette trafic des gendarmes est sta62
tionnée à côté, elle est aussi pieusement décorée sur ses essuies glace avec la cocarde spécialement dédicacée à l'attention de toute la gendarmerie de Belvès. Un geste symbolique, sans aucune trace de " lèchecutisme " Mais, je profite de l'occasion qui m'est donnée ici pour leur renouveler mes remerciements. Leur préciser aussi que les voitures immatriculées 79 et la mienne roulent toutes à la bonne vitesse sur les routes du Périgord. Et que, même si leurs radars s’emballent un peu trop, qu’ils vérifient bien le numéro du département de la voiture pour être bien sûr que c’est la technique du cynémomètre qui déraille. Après cette courte cérémonie officielle de dernière remise de la médaille de la meilleure patrouille après celle de Saint-Tropez, nous embarquons dans le 63
car, vers moins le quart… Albert Pied lance son navire à roulette vers une direction encore inconnue. Non ! Direction : Le Site. Il emprunte la petite route sinueuse où jamais un car n'a dû s’aventurer. On s'en rend compte par les branches des arbres accrochées qui s’inclinent sur notre passage, scène semblable à celle du jour des rameaux, ou Jésus de Nazareth entrait dans Jérusalem. Pas possible, les tracteurs ou moissonneuses batteuses devaient passer ailleurs. Quelques minutes de brousse sur cette route magnifique et nous voici sur la crête, à deux cent mètres du Ségalat. Sur le lieu, émotion partagée par tous les disciples recueillis. Monsieur Delrieux ne nous ayant pas donné l'autorisation d'occuper sa maison, nous sommes restés sur le côté de la petite 64
route, plantés devant son terrain. Je me suis aventuré seul sur la pelouse pour présenter précisément le point topographique de mes quarante ans. C'est là ! Derrière moi, la maison en cours de restauration donne des idées d'acquisition à certains. Il ne manque que les fermetures aux portes et aux fenêtres. Les encadrements ouvragés des quatre chiens assis de la toiture donnent un petit air de castel à la petite bâtisse. Un Chambord à taille humaine, abordable ! Un certain recueillement provoque à ce moment-là une communion cérébale intense entre les pélerins. Le paysage commence à s'empourprer, le soir tombe doucement, nous enveloppant, en nous intégrant à la pénombre de ce nouveau lieu saint. 65
Germain En face, la colline soutient un petit village perché sur sa crête, il est très " Charles Trenet ", Je préfère cette référence à celle que je vous ai donné la dernière fois en vous parlant de " Force tranquille ". C'est un « Douce France, cher pays de mon enfance... » je suis très fier de cet inextrémis réflexe culturel. Vous ne pouvez pas éviter de chantonner cette chanson en voyant ce paysage merveilleux. L'air pur du pays bien emmagasiné dans nos poumons, une dernière bouffée de joie et nous embarquons tous dans le car à nouveau. Albert fait déjà ronfler les chevaux du moteur arrière de son engin. Direction : Visite d'une usine de foie gras. Albert fait faire un demi-tour au bus sur la place de l'église de Saint66
Germain. Une fois dans le bon sens du départ, il s'arrête devant une maison au coin de la rue. Le car stationné face à la maison, je descend et frappe à la porte des Passérieux, sans chevillette, ni bobinette, elle m'ouvre sa porte avec un large sourire du style : Réality-show de TF1. Elle plisse ses yeux éblouis par les phares du car placé bien dans l'axe, comme un sunligth de la télé. Avant qu'elle me prenne pour un Patrick Sabatier, Jean Pierre Foucault, ou pire jacques Pradel. Je décline mon identité, elle n'avait vu que mon écriture et entendu ma voix qu’au téléphone. Je lui présente aussi toute l'équipée joyeuse. Je ne manque pas de lui faire ressentir qu'elle aurait dû nous inviter tous, que sa maison aurait été chargée de bonheur après, que les tapisseries auraient été remises à neuf, le carrelage lustré à se croire dans la galrerie des glaces du 67
château de Versailles, après notre passage, sourtout si on avait dansé dessus. Avec son sourire un peu gêné, elle me fait comprendre qu'elle ne percute pas encore vraiment sur mon histoire. « Merci quand-même, Madame Passérieux, ( lisez la suite de ce conte, ne zapez pas, et vous comprendrez que le hasard à très bien fait les choses encore une fois ! ) En attendant de se revoir un jour, il faut y aller, on nous attend à l'usine…»
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CETTE FOIS ! C'EST DU BON FOIE, MA FOI !
Le car s'enfonce dans la nuit claire déjà tombée. Nous arrivons devant la fabrique de foie gras. Madame Henri, épouse méritante de notre Chef de gare travaille là. Avec des associées, elles galèrent pour valoriser leur production sous la marque : " Les Dames de Castelréal." Achetezen, il est succulent. Sur la table centrale de la salle d'exposition, est préparée une dégustation abondante et généreuse accompagnée d'un bon vin blanc moelleux du pays. 69
Franche rigolade, papilles en rodage, la bonne pente est amorcée, chacun lève le coude, c'est divin. Je ne me souviens pas bien si Albert, condamné à la sobriété, n'a pas un peu humecté son gosier, simplement pour l'aider à passer les vitesses avec plus de précision dans le geste. Je ne sais pas, je ne m'en souviens pas. Et sur la route aucun contrôle n'a été effectué par nos amis les gendarmes, donc, on ne le saura jamais. Les passagers eux commençaient à charger un peu en triglycérides. Peu importe, nos voitures étaient sagement restées à la maison, donc : « Feu vert pour les cheveux-verts !» Cheveux-verts : n.m pluriel, expression couramment utilisée par Francis le Bitterois, pour donner le degrès de biture d'un individu de taille moyenne. Une sorte d'échelle de « Riche Terre » Celle là, elle est aussi de moi ! Créée à 70
l'instant même, sous ma plume mutine, relayée par la touche rebelle de mon ordinateur portable. Que les réfractaires des calembourds faciles sautent le paragraphe, pardon à l'Académie…Il faut au moins en faire autant, et puis…que voulez-vous, je me régale. La dégustation terminée, les tranches de foie gras bien empilées, baignant au fond de nos estomacs encore patients, nous regagnons le car. Notre Albert, le geste sûr, nous achemine vers Le Site « Encore ! Me direz-vous ? et moi de vous répondre : - Oui, c'est l'heure, la nuit est noire ! Regardez les phares, ils éclairent la petite route, écoutez, les branches qui chatouillent le toit du bus, on arrive ! - Tiens une Renault 4 fourgonnette est 71
là, garée, des gens autour ? Vous allez me faire remarquer… - Mais c'est Nicole ! elle est là ! » Ça c'est moi qui le crie, je n'en peut plus de joie. Elle est là, présente au rendez-vous, elle à tenu sa parole. En descendant du car, le Chef de gare sort de derrière la fourgonnette il ouvre l'arrière de la voiture et grâce aux phares du car, on distingue à l'intérieur une grande bassine contenant de la glace qui nous tient le Champagne au frais. Avant de faire sauter le premier bouchon, je me présente face au talus et m'exclame : « Dieu de l'univers, donne moi un message fait moi un signe !» Mes copains ne savent pas de quoi je veux parler. Une fusée éclairante leur donne tout de suite la raison de ce retour au Ségalat, sur Le Site. Un feu d'artifice à faire démissionner 72
le directeur du Puy-du-Fou, une mise à feu électronique embrase tout le ciel du Périgord plus noir du tout. Un vieux voisin est là, réfugié Polonais en 1940, il affirme que depuis la guerre il n'avait pas vu autant d'étincelles et entendu autant d'explosions que pendant son record du monde de course à pied vers le sud, les allemands aux fesses, et il n’était pas le seul à courrir ce marathon de la survie. Le final est pour moi, une surprise offerte par le Chef de gare et Josette. Dans le ciel, une pancarte s'emflamme avec le texte : « Pierre à 40 ans ! » Les bras en croix, je hurle ma joie au milieu du vacarme. Le dernier pétard est aussitôt relayé par le premier bouchon de Champagne éclantant dans la nuit. Le petit bar fourgonnette donne du service sur le bord du chemin. La timbale de Bricou à la main, 73
Nicole me renouvelle son invitation : « Après, vous venez tous chez moi ! - Oui ! Merci beaucoup Nicole, je t'invite aussi à mon repas de ce soir à Montpazier, on t'emmène avec nous ! » Lui dis-je en réponse du berger à la bergère. Toute la troupe, bulles comprises monte dans le bus. Notre chauffeur arrive à le démarrer sans avoir besoin de relire la notice technique. Nicole monte à côté de lui et le guide. L'étroitesse de la route l'oblige à faire le même demi-tour que l'après-midi. Nous arrivons sans encombre dans la cour de la ferme de Nicole Gautier à Pessat quelques minutes après en tout cas, moins que le temps de cuisson d'un œuf à la coque. Ce petit ensemble (pâté) de maison est situé à quelques cinq cent mètres à vol d'oiseaux du Ségalat, le nouveau lieu saint. C'est bien après que 74
nous nous sommes rendus compte de ce miracle. Mon rêve : me faire inviter chez l'habitant était-il en train de se dérouler devant nos yeux éblouis et nos bouches bées ? Nous avons tous le souffle coupé devant le chaleureux accueil des parents de Nicole. Une table toute chargée de bocaux de foie gras, du vin, des toasts à perte de vue, la cheminée qui crépite. La spontanéité de ce moment étonne et charme les plus insensibles d'entre nous, Jean-Luc un ami, GoldenBoy à Wall-street de New-York est là, il expose la même larme à l'œil que tout le monde présent dans la pièce. Pour aider, il s'est jeté sur le grill de la cheminée pour faire rôtir les tranches de pain. Oui nous avons tous la larme à l'œil d'émotion, moment intense, c'est incroyable. Une réussite cette émotion 75
collective ! Le Chef de gare me glisse à l'oreille que notre restaurateur de Montpazier doit attendre. Il demande à Monsieur Gautier la permission de téléphoner au cuisinier, celui-ci comprend la situation et nous informe qu'il va gérer la situation au mieux. Les derniers verres étanchent notre soif de bonheur atteint. Les parents de Nicole nous donnent l'impression d'être déjà de la famille, eux ils avaient ce soir là qu'une trentaine d'enfants de plus, c'est tout ! Originaires de la région parisienne, ils se sont installés en Périgord pour aimer la vie, pour vivre une vie sans bitume. Ils fabriquent encore aujourd'hui des produits fermiers avec beaucoup de passion et de soins. Un choix de vie que très peu de personne ont le courage d’accomplir. 76
Mon rêve se réalise donc miraculeusement dans cette maison. Si le restaurant et l'hôtel n'avaient pas été réservés, je pense que nous serions restés là et je me demande encore si nous en serions repartis un jour. Nicole ce soir là à ressenti que la vie n'est pas faite que de galère, que des fous existent encore, que l'amitié peu surgir sur un quai de gare ou au coin d'une rue. Depuis ce jour, je l'ai appelée ma Bernadette Soubirou, ma Jeanne d'Arc personnelle. Elle a été formidable ce jour là, elle à convaincu ses parents, j'imagine la scène : « Papa, Maman, j'ai rencontré une trentaine de personnes dans le train, il faut les inviter ce soir ! - Blurp !» Ont dû faire ses parents. 77
Imaginez un peu la scène. En plus, et on l'a su après. Sa mère n'avait pas assez de verres, ils ont tous les trois été à la ville en acheter, c'est fou non ? J'espère que cette famille à tiré le même bénéfice moral que nous tous. L'analyse d'une telle situation c'est que l'émotion collective était possible encore une fois par le fait d'être en proie au hasard. Sans les contraintes d’une voiture mal garée, et sans soucis de paraître moins con que son voisin. Aucun jugement, le rythme rapide de la journée n'a laissé aucune place à ce genre de reflexion. Il faut dire aussi que personne n'a eu le temps de beaucoup parler, avec la bouche en permanence pleine de foie gras. 78
L'heure du départ pour le restaurant à sonné, nous embrassons tous notre famille d'adoption spontannée, nous grimpons avec Albert* dans le car, ou bien, nous montons Albert dans le car, je ne me souviens plus très bien. mais en final, direction Montpazier direct, sans autre escale, à moins que…Vous savez avec le hasard on s'attend à tout !
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FOLLES AGAPPES !
Arrivés sur la place centrale de Montpazier, les invités se précipitent sur un alignement de cabines téléphoniques placées sous des arcades. Un coup de téléphone pour rassurer leurs proches. En entrant dans la salle du restaurant, il faut passer dans une première partie de la pièce. Des gens attablés font des réflexions pas trop sympathiques sur notre arrivée. Tout de suite je me rend compte de la situation. Ces gens pensent que nous sommes des partisans 81
d'un parti politique extrême. La cocarde bleu banc rouge arborée par l'ensemble de l'équipe a faussé leur jugement. (Le chef de ce parti est passé à la télé quelques jours avant, avec une cocarde semblable, mais quand même plus petite.) C'est grâce à la mienne, qui, en jaune et vert, a tout de suite aidé à faire comprendre que nous sommes neutres et tout simplement en fête. Heureusement que la méprise n'a duré que quelques secondes ce soir là ! Mais certainement que la connerie humaine et la non tolérance persistera malheureusement encore plus. Cette mise au point m'a permis d'exprimer une vieille idée, je l'ai encore sur le cœur : « Tous les partis politiques Français devraient avoir l'obligation d'arborer le 82
bleu blanc rouge soulignant leur logotype, et sur tout l'ensemble de leur communication. Que ces couleurs sont les nôtres, celles de la France en Europe . Nota : Si le P.S n'avait pas été aussi nul de laisser ces couleurs aux autres. Simplement en coloriant la rose en tricolore, beaucoup plus de gens se seraient sentis un peu plus concernés. » Sans se faire prier, et comme le hasard était encore là, les invités se sont placés seuls. La table s'est ainsi composée de la meilleure façon, c'est vrai, incroyable ! Le Chef de gare et Nicole sont à ma droite, à ma gauche Josette, et Francis, pas loin d'elle. Il a toujours eu sur elle la meilleure influence joyeuse. Personne ne s'ennuie, le bonheur, et puis ma foi, la faim ne nous tenaille pas trop. Ce repas merveilleux se déroule sans problème. Toutes les 83
mandibules fonctionnent. Les luettes font la circulation au fond des gosiers rassasiés. Les verres se vident et se remplissent de Pécharmant, un vin régional pein de brio. Nicole semble ravie de sa journée, Jean-Louis le cowboy s'occupe de la faire rire. En réfléchissant, je pense qu’il s'en occupe bien depuis la gare ! Mon grand ami garagiste en chef de chez Alfa-Roméo : Henri Girard me dit un peu gêné, dans sa barbe d’intello de la pompe à injection : « Pierre, je ne fais que rire depuis ce matin et je ne sais pas comment participer, comment faire pour vous sortir des bons mots, vous faire rire à mon tour. - Mais, Henri, ton tour viendra ! » Lui dis-je pour le rassurer, et sans trop réfléchir ! 84
Nos papilles s'excitent et s'attardent sur le vert jus accompagnant le foie gras poêlé aux petits raisins. Repas divin, fromages avec un verre ou deux de Pécharmant…café, pousse-café, pousse-pousse café. Pouce… C’est le paradis ! Après ce voyage pantagruellique et merveilleux, une petite sauterie est improvisée sur quelques disques endiablés. Si je me souviens bien, il n'y a pas eu « La dance des canards » ils étaient tous sortis de boîte ce soir là ! (Quel humour! ) Tout à coup, c’est deux heures du matin. J'ordonne : « Tout le monde au lit ! » Il faut arrêter notre soirée sur le champ, en prévision du lendemain qui ne sera pas morose non plus. 85
En rentrant à l'hôtel de France, sous les arcades de la rue, le journal local est empilé sur le trottoir : Sud-OuestDimanche est là, tout frais, cerclé, livré devant la porte du marchand de journaux. On peut déjà lire en première page l'article concernant notre journée. C'est impressionnant de se voir ainsi couché dans le journal. Imprimé ! alors que nous sommes encore à peu près debout. Pour nous, l'article est encore en cours d'écriture, et pas encore terminé il reste demain… La grosse clef médiévale pesant presque un kilogramme est introduite dans la porte d'entrée cloutée. Les invités sont dirigés vers leurs chambres. Dany et Francis me demandent où se trouve la leur. Fatigué encombré par un embouteillage sérébrospinard, je leur 86
répond assez vaguement en disant : « Il y a le compte, débrouillez-vous de la trouver avant demain matin ! » Je sais qu'ils l'ont trouvé et ils ont même couché presque à quatre. La seule faible cloison existante dans cette maison forteresse les séparaient de leurs voisins. Ils ont eu droit à ce mince privilège, en se tenant compagnie, ronflant les uns après les autres. Une véritable usine. Ces ronflements vibratoires sont certainement relevés et archivés par quelques séismographes aux aguets de la planète. La nuit se passe…
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Je ne sais pas si c'est un coq qui nous réveilla ou l'odeur du jambon frit que mon beau-frère était en train de préparer pour Francis. Une mission nourricière pour lui et d'autres gastronomes de la première heure. Ce petit déjeuner fut mémorable : jambon-armagnac etc… Les invités arrivent plus ou moins habillés, plus ou moins frais, mais dispots. Une bande d'affamés ! Affamés de lecture aussi, c'est très agréable de lire le journal où l'on se voit en vedette entre deux croissants. Le plaisir de passer la terrine de canard à son voisin de droite, en gardant les yeux rivés, goûlus sur les colonnes de l'article. Suite à ce petit déjeuner complet et littéraire, rendez-vous sur la place du 88
village. Le ciel est d’un bleu marine, le soleil éclaire les façades dorées, une scéance de photos est organisée. Sur le promontoire du puits central je singe une statue vivante, un sac publicitaire à la main, un chapeau, un parapluie dans l'autre main, je mime un envol. L'envol du bonheur, la joie de faire l'imbécile. Le pantalon m'en tombe. (tout seul ?) En contrebas le maire d'un petit village voisin me demande si par hasard je n'avais pas une idée pour animer sa commune. Le sujet n'étant pas de faire du business, je détourne la conversation en continuant à faire le pitre. Le temps est estival, il a rien à voir avec le climat habituel du mois de janvier. Mais…Pourtant c'est bien mon anniversaire ! « Il faut donc arroser ça ! » 89
Au restaurant, le repas de ce midi est aussi complet que celui de la veille. En sortant, repus, on réalise une série de photos en rang d'oignons devant l'établissement. Le chef redresse sa toque, et nous précise : « Cette photo est prise en couleur, au même endroit que celle du Roi et de la Reine du Danemark qui elle, est en noir et blanc. Et toc ! » La digestion est facilitée par la promenade, la visite des rues de la petite ville. En sortant par la monumentale porte sud, nous dominons la campagne. Le paysage à nos pieds est serein, magnifique. Pas un seul nuage dans ce ciel d'hiver bleu polarisé. Un bleu à faire pâlir les responsables des offices de tourisme de 90
la Grèce et de la Tunisie réunis.
LA FIN DE LA FAIM !
C'est la fin, le car nous attend pour nous ramener chez nous. En sortant de l'enceinte de la bastibe, nous avons l'impression de replonger dans le monde que nous avions laissé derrière nous et oublié. Encore sous l'effet de ces deux journées pas très banales, nos esprits ailleurs, nos entrailles en digestion, faisant les trois huit, nous quittons là nos amis du village. Le car est garé prêt à nous éloigner de cette Mecque ou de ce Lourdes. Notre Chef de gare est là avec sa femme, pour donner le départ du véhicule qui obliga91
toirement est en dehors des rails. Albert comme un pilote de ligne se place aux commandes du car, pardon, de l'appareil, il annonce le départ. Point de larmes, nos glandes sont occupées à autre chose de plus gastrique. Mais un pincement au cœur. Le car s'échappe du paysage fortifié en flottant en douceur, comme sur un coussin d’air. Le décallage horaire donne le coup de grâce à certains qui siestent dès les premiers tours de roues. L'ambiance est calme, un air encore étonné se lie sur nos visages. En descendant dans la vallée de la dordogne, pouf…pouf.… ! Le car s'arrête…en panne. Albert Pied nous explique que son car est neuf, que nous n'avons pas de chance. Il enfile un bleu de travail sur le salon d'essayage du bas-côté de la 92
route, et équipé comme un vieux mécano, il ouvre les trappes d'accès au moteur situé à l'arrière de l'engin. Nous les victimes, otages du piston rebelle, nous avons bien entendu enregistré cet événement comme un signe divin. Dieu ne veut pas que le fête se termine comme ça, en nous laissant rentrer chez nous tout simplement. Les ronflements de Francis, François et d'autres donnent l'impression que le moteur tourne encore au ralenti. Pas de panique, les passager valides descendent du car sans tobogan d'urgence et admirent le paysage environnant. Albert ne trouve pas la panne, il commence à devenir pâle. Là… mon ami Henri, vous suivez ? le garagiste ! se présente à lui et s'engouffre dans le moteur, comme un Batman du turbocompresseur. 93
En un coup, d'un seul, il trouve tout de suite l'avarie et bricole un je ne sais quoi qui fait que le car peut redémarrer et rouler. Je profite de la situation pour lui préciser que son heure de gloire était arrivée là, au bon moment. Notre sauveur heureux pouvait s'enfoncer dans son fauteuil en savourant son acte de bravoure sur la mécanique teutonne. Mais…il précise quand-même qu'il vaut mieux trouver un garage ouvert avec de vrais outils, pour consolider son improvisation mécanique de rase campagne. En roulant la nuit, sur une petite route du Périgord Noir, puis le Vert, un dimanche soir, tous les garages sont gris. Ceux qui sont ouverts ne sont pas très nombreux, et même très rares. Au détour d'un virage, une petite lumière attire le regard d'Albert, 94
comme celui du petit poucet. Un garage de campagne avec une seule ampoule allumée. Albert risque le coup et dirige le car vers le petit garage. À travers la fenêtre à barreaux, on distingue un homme qui est affairé à l'intérieur. Le car stationne devant, nous entrons. Le garagiste est en plein aménagement de son bureau, il y a des cartons partout. En week-end, il travaille pour lui. Comme tous les valeureux artisans, point de repos. Les dimanches soirs sont faits pour les braves. Il nous accueille, souriant avec étonnement, et nous assiste tout de suite. En téléphonant je ne sais où, il arrive à nous dépanner quelques minutes après.
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Le nouveau départ est ordonné sans chef de gare, presque en douce. Puis le car s’enfonce sur la route serpentant dans un paysage de plus en plus noir, comme pour un départ clandestin. Dimanche 19 heures. Devant la gare de Périgueux, nous déposons Francis, Dany, François et Lydia. Il récupèrent leurs voitures et prennent la direction du Sud. Pour nous c'est le Nord-Ouest. Nous arrivons à Niort, devant la maison sans encombre. Une visite au petit cochon Roméo, qui le grouin luisant nous fait comprendre que ce n’est pas son problème. D’ailleurs par son attitude indifférente, il nous rappelle qu’il ne s’occupe jamais des affaires d’autrui. Cette histoire commence à emprunter son nouveau chemin qui est celui beaucoup plus long du souvenir. 96
De cette aventure il nous reste un sentiment d'avoir été touchés collectivement par la grâce. Tous solidaires dans l'action, sans repère matériel possible, nous avons vécu ce que des pélerins vivent et ressentent lors d'une procession. Le miracle de la rencontre avec Nicole, et le chaleureux accueil de ses parents. La joie d'avoir donné confiance à toute une équipe de cheminots en sauvant la gare de Belvès pendant au moins deux ans, grâce à la réservation de notre billet collectif. Pour revivre cette fête, Il nous reste exactement quatre cent photos. (4 CD, razibus), ce présent recueil, avec les articles de presse. Le plus beau ce sont les factures sur lesquelles nous pouvons constater comptablement que le Gourdin 97
PĂŠrigourdin n'existe pas !
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BIEN APRÈS !
On a appris que le gendre de Francis Pons, habitant du côté de Lacaune-les bains, dans le Tarn, en se levant, le dimanche matin, il avait entendu parler de nous et de la fête sur les ondes de Sud-Radio.
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LE HASARD QUI NOUS SUIT !
Le cadeau que mes amis m'ont fait pour mon anniversaire à été un séjour à Salzbourg avec concert Mozart sur place, le rêve. Le jour venu, nous sommes partis en voiture pour l'Autriche, jusqu'à Vienne. Ce pays est merveilleux, sa campagne intacte est aussi citadine par l'équipement complet qui y est installé. Tous les gens sont fiers de leurs petits villages : prononcer « filâches » Ce n'est pas étonnant, une gare, une poste, des bus, pas le moindre papier de bonbon volant dans les rues. Des distributeurs automa101
tiques de pelles à crottes de chiens nous démontrent que la population est motivée, prête à payer pour éviter des glissades merdiques à leurs concitoyens. Des des géraniums partout aux fenêtres et sur les balustrades ouvragées des balcons. Dans les maisons chalets, des énormes couettes sur des lits généreux… Dans les villes le savoir-vivre des habitants fait plaisir à voir. Les femmes ont le courage de rester habillées avec leurs costumes traditionnels, même en plein Vienne. En revanche, et je ne juge pas, les femmes et les jeunes filles exposent leurs poils aux jambes lorsqu’elles prennent des bains de soleil sur les plages de leurs innombrables lacs. Oh ! la belle bronzette de la brunette, mais attention ! on s’en rend moins compte 102
sur les jambes des blondettes… A Vienne, frustrés face au gigantesque Danube, le rideau de fer encore baissé nous à coupé les ailes pour faire le tour du monde. En rentant, nous sommes arrivés à Salzbourg pour notre séjour gratos. Cette ville est toute chargée de musique, des étudiants font des aubades à Mozart pendant toute la journée sur la trace de ses pas à chaque coin de rue. En arrivant nous nous dirigeons vers le Zentrum, c'est ma manie en pays étrang e r, d ' a b o r d l e c e n t r e v i l l e p o u r m'orienter ensuite. En se garant près d'un pont, pour aller visiter la citadelle : « Que vois-je ? je vous le demande… Vous me demandez tous : - C’est quoââ ? - Allez, assez souffert comme ça, c’est : le car d'Albert Pied ! Oui ! c'est le vrai 103
de vrai ! Incroyable ! » J'ai pensé pendant quelques secondes que mes trente lascars étaient là pour me faire une surprise. J'ai eu le reflexe de faire une photo elle est là admirez. L'exposition est approximative à cause de la précipitation. Étais-ce le dernier hasard de ce conte ? Nota bene : Pour être honnête, et en regardant de plus prêt la photo, je signale que ce n’est pas notre vrai car, mais un autre de la même compagnie, avec un double essieu. La livrée étant la même, lje garanti que l’effet de surprise n’a rien perdu de son intensité. Merci encore à mes amis, le concert fut sublime tellement que j'y suis allé en smock' blanc et nœud pap's pour vous faire honneur et aussi pour faire 104
honneur à notre vieil ami Mozart. Il était hors de question de faire une fausse note, de se présenter en jogging de la Camif par exemple. En parlant de cette histoire bien des fois, j'espère avoir donné l'idée à pas mal de gens. Peu importe le lieu, l'amitié sincère et les évènements pris chacun à leur tour peuvent être enrichis par la communion de tous. Que les idées reçues sur les lieux, les gens soient enfin un jour remises au placard.
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CONFIRMATION.
Quelques temps plus tard, au téléphone, notre ami Francis Pons nous commente un peu tout ce qu'ils ont ressenti et nous dit la chose suivante qui sera la phrase de conclusion de ce conte ferroviaire : « Tu sais Pierrot, sur trente quatre personnes il n'y avait même pas un con ! »
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ANNEXE & PIÈCES CERTIFIÉES CONFORMES.
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François Menras, mon vieux complice d'enfance à écrit à mes parents la lettre suivante : Madame, Monsieur, Comme je vous l'avais promis je vous adresse un rapide compte-rendu des festivités orgiaques qui ont déferlé sur le petit village de Belvès en Périgord d'où nous revenons Lydia et moi-même gavés comme des oies… Nous avons attrapé le convoi à la gare de Périgueux et après un piquenique organisé sur le quai de la gare, nous sommes partis en train, après avoir toutefois répondu aux questions des journalites de " Sud-Ouest " venus pour l'événement ( voir article joint… prononcer jouân !) Nous étions donc une trentaine dans 111
le train, bonne occasion pour retrouver Quilie et René et faire connaissance avec les autres, notamment Mr et Mme Pons !!!!!!! Arrivée à la gare de Belvès, attendus par les 3 agents S.N.C.F., les gendarmes, le Maire, un orchestre régional et le groupe folklorique. Vin d'honneur et bal improvisé dans les locaux de la gare… L'après midi était bien avancée, mais un gros malin avait prévu de nous faire visiter une usine de foie gras, rien que d'y penser le mien se révulse, nous avons goûté, comparé,regoûté, recomparé etc… Sortant de là, nous rencontrons une fille du village rencontrée dans le train qui trouve rien de mieux que de nous inviter chez ses parents, qui, vous l'avez deviné, font de foie gras ! On a débarqué à 30 chez ses gens, et la fermière aligne les bocaux sur la 112
table pendant que son mari coupe le pain… rebelote… Quand je penche la tête en arrière, j'ai les dents du fond qui baignent dans le foie gras… Auparavent, j'ai oublié, un feu d'artifice a été tiré, grandiose et surtout inatendu… C'est pas que nous avions bien faim, mais il fallait maintenant se rendre au restaurant pour de folles agapes jusqu'à une heure avancée du lendemain et bien entendu, en entrée, 2 tranches de foie gras par tête de pipe, épaisses comme les roues de ma bagnole… Je pense que le repas, où la piété et le recueillement étaient de rigueur comme vous pouvez l'imaginer… Le foie gras n'étant pas aphrodisiaque, la nuit se passe sans incident… Le lendemain est plus calme dans le 113
splendide village moyenâgeux de Montpansier* (photos, photos et rephotos…) et après une nuvelle pause gastronomique nous reprenons le car pour Périgueux (2 heures de panne sur la route mais c'est un détail, j'ai pu faire la sieste.) Nous nous sommes séparés à 7 heures du soir à Périgueux et retour en Lozère by-night… Voilà les grandes lignes de ces deux jours MEMORABLES, je suppose que vous aurez plus de détails, mais c'etait vraiment quelque chose !… En attendant, grosses bises et à un de ces jours… François.
* lire : Montpazier. 114
( Pensait-t-il encore à sa pauvre panse ? )
Les courriers tombaient en avalanche. Une première lettre du Chef de Gare : Henry Gilbert en gare de BELVÈS. Dordogne-Sud. Cher ami, Veuillez trouver ci-joint une photo et un article (un de plus) concernant ce que vous savez. Vous avez dû recevoir les autres journaux ? Il y aura encore un article en début de semaine prochaine. réaction favorable unanime dans le coin suite à vos 40 ans. Amicalement G.Henry. je vous téléphonerai en début de semaine prochaine pour que vous me parliez de votre projet, pour lequel je 115
demure à votre entière disposition. Lettre de Monsieur Chef de gare : Sur un papier à en-tête S.N.C.F.
Belvès le 27.01.88
Cher Ami, Très heureux d'avoir de vos nouvelles et de vous avoir à ce point apporté satisfaction. Pour ce qui est de votre projet N°2* (manifestation avec des journalistes à belvès) vous avez, n'en doutez pas, la plus entière collaboration de notre part. * Projet N°2. Manifestation avec des journalistes Parisiens de tout poils l'opération s'appelerait les " GASTROMAGNONS." Il sagissait de faire descendre des journalistes avec des tee-shirt imprimés 116
en peau de bête accompagnés d'une massue isotherme avec la boisson nécessaire…) D'ailleurs je peux déjà vous annoncer : -La collaboration efficace et rélle de toute la municipalité et des diverses associations; (au point de vue hébergement, mise au point des festivités…) -La collaboration de plusieurs collègues des gares de Sarlat, Le Buisson, Soriac, Libos pour organiser des visites éventuelles de ces villes. - La collaboration des "Dames de Castelréal " Sud-Ouest, les radios locales, hôtellerie, transport, autobus… - La mise en place de diverses manifestations musicales avec dancing pour : - Folklore - Musette Rock' Roll ( à c e t t e o c c a s i o n j e re c r é e m o n orchestre 20 ans après !!!Mon frère vient ainsi que les musiciens d'alors !) 117
Je puis vous dire que je suis très bien accuielli partout et que votre idée fait l'adhésion unanime (Même les gendarmes marchent.) nous pensons qu'il ne faut pas lésiner sur l'impact de cette éventuelle super Manifestation. A cet égard, pourriez-vous me donner des précisions sur le nombre de participants, moyens de transport pour leur venue à Belvès (un train spécial Paris-Belvès avec voiture disco ça existe-serait super) Je vais essayer d'avoir de mon côté des subventions d'un Ministère quelconque pour payer les frais d'accueil à Belvès. Il faudrait que je prépare depuis maintenant car les places se raréfient (au niveau hébergement) en période printanière. Pourriez-vous me donner une date approximative ? ( S'il y avait beaucoup de participants, logements prévus 118
chez l'habitant ou au C.E.S. internat.) Mais ne vous faites pas de soucis, ce moment là aussi sera à marquer car on va mettre le paquet ! Amitiés Gilbert Henry et Mme et les cheminots du coin qui apprécient votre soutien moral. PS : On parle toujours dans les chaumières de l'anniversaire du " Parisien " comme on dit ici. Pourriez-vous m'envoyer l'article de presse de votre journal local.
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Une autre lettre, de la Mairie cette fois : République Française. Département de la Dordogne. MAIRIE DE BELVÈS 24170 BERNARD MALHACHE Maire Adjoint 2417O BELVÈS. à Mr REBICHON. Les 4O ans sont déjà tombés dans la période des souvenirs. Pour agrémenter ceux-ci je me permet d'envoyer quelques coupures de presse. Je pense que la couverture de l'événement à un caractère un peu exceptionnel que je n'osais espérer. Mais avec vous nous avons joué le jeu ! 120
Restent encore quelques articles à paraître, en particulier à la conserverie. Vous avez signalé que vous ne manqueriez pas de revenir à BELVÈS. J'aurais plaisir à vous y accueillir à nouveau sans cérémonial mais aussi chaleureusement ; et vous serait reconnaisant de m'avertir suffisamment tôt. Meilleurs souvenirs. Bernard MALHACHE.
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Puis, une lettre de Monsieur et Madame Gautier avec une photo de leur maison vue d'avion :
Madame, Monsieur, Voici de jour, le lieu dit " PESSAT " où vous vous êtes si gentiment arrêtés, pour franchir le seuil de notre humble demeure. Nous vous remercions pour les photocopies, mais surtout ne détruisons pas notre beau rêve du 17 janvier. Merci encore de votre gentillesse et de votre simplicité. Il est bon de savoir qu'en France il y a des gens qui cherchent le contact. Veuillez croire à notre amical souvenir. Jean et Jeanine Gautier 123
Voilà je remercie à nouveau tous les acteurs de cette histoire, je vous laisse découvrir les articles de journaux recomposés fidèlements avec bien entendu l'aimable auorisation de leurs auteurs.
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REVUE DE PRESSE : Je remercie tous les journalistes de m'avoir donnĂŠ l'autorisation de reprodire leurs papiers. Bernard Malhache. Correspondant de Sud-Ouest Dominique de Laage. Sud-Ouest. Michel Brumelot Nouvelle RĂŠpublique du Centre-Ouest.
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JOURNAL DE LA DORDOGNE TIRAGE DÉPARTEMENTAL. BELVÈS. FETER SES 40 ANS À ST-GERMAIN-DE-BELVÈS C'est l'aventure que vient de décider et de vivre M. Rebichon, P.D.G. d'une société de publicité Niortaise. Il avait décidé de se confier au hasard pour le choix d'un lieu à l'intérieur de nos frontières. Le sort a voulu qu'aprés plusieurs tirages de fragments de cartes ce soit le lieu dit Seguela, dans la commune de St-Germains, qui soit désigné. Moyen de locomotion choisi par ce petit fils de cheminot: le train. Non dépourvu de moyen financiers, il avait une trentaine de ses proches amis venus de tous les coins de France, mais aussi des Etats-Unis. Tous arrivèrent en gare de Belvès par l'autorail de 15 h 56, le 16 janvier. Et dès le quai de la gare, la fête devait commencer. En effet nos agents SNCF qui, comme M. Rebichon, tiennent à la survie des petites gares, de la leur en particulier, avaient profité de l'opportunitè pour préparer un accueil à la hauteur du fait. Un agent, M. Henry, était même devenu le relais belvèsois du nouveau quadragénaire et avait préparé 127
les étapes de la fête : folklore avec "Les Pêche-Lune" à la gare, feu d'artifice à StGermain, visite et dégustation des produits régionaux chez les dames de Castelréal à U r v a l e t e n f i n re p a s à M o n p a z i e r. M . Rebichon qui ne se sentait pas jusqu'alors de racines en France, risque bien d'en trouver chez nous et se promet de revenir bientôt pour faire une visite plus tranquille mais aussi plus longue. Bernard Malhache.
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SUD-OUEST DORDOGNE. LA UNE. BELVÈS : LE QUAI DU PETIT BONHEUR. Un Niortais s'en est remis au hasard pour choisir le lieu où il fêterait son anniversaire. Celui-ci a bien fait les choses. Pierre Rebichon a eu 40 ans ce week-end. Ce concepteur de logos est de Niort. Ne sachant pas où emmener ses trente amis fêter avec lui cette date historique, il a fait confiance au hasard qui a désigné Saint-Germain-deBelvès. Mais ce fils de pub est également petit-fils de chef de gare. Il tenait absolument à se rendre à Belvès en autorail, jugeant primordial que la France conserve son réseau ferroviaire secondaire. A la gare de Belvès, les quatre agents ont trés bien compris sa démarche, allant jusqu'à organiser la fête localement pour trente billets et de la gaieté. Comme quoi tout est possible avec la SNCF, même dans les petits villages.
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SUITE : PAGE INTÉRIEURE : DE L'OR EN GARE DE BELVÈS. En gare de Belvès, chaque billet vendu compte. Un Niortais a crée l'événement, ce week-end, en venant avec ses trente copains y souffler ses quarante bougies.Sur un coup de dés. La gare de Belvès a connu ce week-end un événement mis en scène au hasard. Un gâteau d'anniversaire et une petite ligne de chemin de fer ont découvert qu'ils avaient des intérêts communs. A l'origine, les acteurs de cette aventure ne se connaisaient ni d'Eve ni d'Adam. Il s'agit des quatre employés de la gare de Belvès d'une part, et d'un concepteur de logos qui demeure à Niort, Pierre Rebichon. Cet homme est un joyeux drille de la pub, un type sans racines qui a réussi sa vie et qui a de la mémoire. Il est pratiquement né dans une gare SNCF, celle de son grand-père. Bien qu'il ait certainement de quoi se payer l'avion, c'est le train qu'il aime. Cela tombe bien, car les quatre agents SNCF de la gare de Belvès dont il va faire la connaissance sont des mordus eux aussi. Sous 130
leur casquette niche une obsession : la défense des petites lignes de chemin de fer telle que celle qui traverse leur gare. Pierre Rebichon n'aime pas seulement le train. Il adore également faire la fête. Et depuis l'age de 35 ans, il s'est promis une fiesta à tout casser pour ses 40 ans. Or, la date fatidique est pour ce week-end du 17 janvier 1988. En septembre dernier, Pierre Rebichon casse sa tirelire dans laquelle il économise depuis cinq ans et décide de programmer son anniversaire. En s'en remettant au hasard. CARTE D'ÉTAT-MAJOR. C'est ainsi que par un de ses caprices, le destin va unir les quatre agent de la gare de Belvès à Pierre Rebichon. Le publicitaire ne sait pas où emmener ses copains pour ses 40 ans. Il prend alors une carte de France qu'il découpe en quatre morceaux. L'un d'entre eux est tiré au sort. C'est le Sud-Ouest de la France. Ce quart de France est à son tour découpé. Peu à peu, le hasard rapproche Pierre Rebichon de Belvès. L'homme, qui a l'esprit pointu, pousse l'opération jusqu'a mettre en tranches une carte d'état-major, de façon à connaitre à dix mètres près où la destinée l'amener à souffler ses quarantes bou131
gies. Cela tombe sur un point topographique situé au cœur du lieu dit Ségalat, sur la commune de Saint-Germain-de-Belvès. Pas question pour Pierre Rebichon d'y aller autrement qu'en train.“ Le chemin de fer, c'est le système sanguin du pays. Si je choisis d'aller au hasard dans n'importe quel petit village de France et qu'il n'y a pas de train pour s'y rendre, je trouve cela grave.» dit il. Le voilà donc partie en repérage à SaintGermain-de-Belvès. La gare la plus proche est celle de Belvès. Dans un premier temps, les quatre agents se demandent s'ils nont pas affaire à un fou. Pierre Rebichon leur demande combien ça coute d'arrêter un train spécial de Niort à Belvès. C'est un peu trop pour sa tirelire. L'homme décide alors de prendre la ligne régulière Pèrigueux-Belvès, puisqu'il en reste une. Et il achéte les vingtneuf billets de ses potes en gare de Belvès. De quoi faire sérieusement remonter les statistiques de la ligne. Du coup, les quatre agents et Pierre Rebichon se tombent dans les bras. Ce publicitaire un peu farfelu est de l'or en gare pour les cheminots. SALLE DES PAS PERDUS. A partir de ce moment-là, les agents de 132
Belvès vont faire la preuve « qu'avec la SNCF tout est possible » n'est pas un vain slogan. Réservations d'hôtels, de restaurants, visite de la conserverie des Dames de Castelréal... Tout va être organisé depuis la gare. Samedi, lorsque le train arrive en gare de Belvès, à 15 h 56, les invités de Pierre Rebichon ne sont au courant de rien. Le train ralenti plus que d'habitude. Pétards, musique. Le groupe folklorique des " Pêche Lune " égaie le comité d'accueil. Les trente fêtards dansent sur le quai. Bernard Malhache, représentant le maire, est gratifié d'un macaron comme tous les participants à l'anniversaire. Les bouchons de champagne pètent dans la salle des pas perdus. Cela ne fait que commencer. Les copains de Pierre vont ensuite à la conserverie d'où ils ressortent les bras chargés. Puis on va boire le champagne une nouvelle fois au lieu dit Ségalat, sur la commune de Saint-Germain. Le soir, dîner à Monpazier. Et fête toute la nuit. Le publicitaire est tellement heureux qu'il ne peut se résoudre à enrester là. Ce hasard-ci a trop bien fait les choses pour ne pas y voir un clin d'œil du destin.«J'ai le projet de faire encore venir des gens en gare de Belvès. Je ne peux encore rien dire.», dit Pierre Rebichon, 133
emballé par l'accueil qui lui à été réservé.
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SUD-OUEST DIMANCHE PAGE 12 DU 17. 01.1988. QUARANTE ANS FÊTÉS EN PLEIN HASARD. S'en remettant au hasard, un Niortais fête ce week-end son anniversaire à Saint-Germainde-Belvès. Cela aurait pu être n'importe où ailleurs en France. Pourvu qu'il y ait un train pour l'acheminer. Pour son anniversaire, Pierre Rebichon s'est offert le hasard. Il habite dans la capitale de l'assurance, à Niort. Le coup de dés remonte à septembre dernier. Ce soir-là, Pierre réfléchit à la manière dont il va fêter son quarantième hiver, qui est programmé pour le week-end du 17 janvier. De sa tête amoureusement dégarnie par les ans, les idées ont l'habitude de fuser. Il est concepteur de logos. Ce petit fils de chef de gare et fils de pub ne se connaît pas vraiment de racines dans l'Hexagone. Il se demande où il va réunir ses amis pour cette occasion. Il décide de s'en remettre au petit bonheur la chance. Il procède par découpage successifs d'une carte de France. Des quatre premier morceaux, c'est le Sud-Ouest qui est tiré au 135
sort par une main innocente. Tant qu'à faire, Pierre aurait préféré les Vosges. Il craint surtout que ce fichu hasard l'oblige à sabler le champagne chez lui, à Niort. Au deuxième tirage, Pierre se rapproche de la Dordogne. Il progresse ainsi jusqu'a prendre une carte d'état-major pour qu'un point précis soit désigné par la déstinée. Il s'agit du lieu-dit, Le Ségalat, sur la commune de Saint-Germain-de-Belvès, en Périgord. Pour un peu, le publicitaire tombait sur Séguéla. Le hasard n'en a pas fini. A l'occasion d'un voyage de repérage, il découvre le site. Le point topographique tombe sur une maison neuve en vente au cœur du lieu-dit, chez M. Delrieux. Le paysage est superbe, une crête baignée de lumière. Les plus proches voisins s'appellent Passerieux. Pierre est aux anges et remercie sa destinée, tel Zadig « Le sort avait désigné le fonds d'un puits, j'aurais tout fait pour descendre y boire le champagne avec les copains. A 40 ans, il faut arrêter de déconner. Quand on dit qu'on fait une chose, on le fait jusqu'au bout. » Devant ce paysage de rêve, Pierre pense un moment qu'il va finir par acheter cette mai136
son. Mais le propriétaire ne comprends rien à son histoire de hasard et le maintient à 10 mètres. Le courant ne passe pas. Mais le Niortais est homme de parole. C'est ici qu'il va emmener ses amis le jour dit. Il décide d'aller voir le chef de gare le plus proche, à Belvès. Car ce petit-fils de cheminot n'a qu'une idée en tête : acheminer ses copains jusqu'a Saint-Germain-de-Belvès par autorail spécial. « Si je choisis d'aller dans n'importe quel petit village de France et que je ne peux pas m'y rendre en train, pour moi c'est grave. Le train c'est le système sanguin d'un pays. » Au début, les quatre agents de la SNCF de Belvès prennent aussi le Niortais pour dérangé. Mais bien vite ils comprennent que ce hasard va les servir. Ces quatre cheminots vivent dans l'angoisse de voir disparaître peu à peu les petites lignes qui les font vivre. Il y a seuleument quinze jours, la gare de Villefranche-du-Périgord a été supprimée. Ce Rebichon est une aubaine. Non seuleument il est de la famille du train, mais en plus il a quelque sous. Le voila qui achète les billets de ses vingt-neuf copains au guichet de Belvès. Du coup, l'un des quatre agents décide de servir de relais local à l'organisation de l'anni137
versaire. Non seuleument il réserve le restaurant, l'hôtel, mais il organise la venue d'un groupe folklorique, une visite d'une conserverie de foie gras et le feu d'artifice du soir. « La SNCF a le coup de cœur pour tous ses clients », commente-t-il. Pierre Rebichon et sa bande de copains sont arrivés hier par l'autorail de 15 h 56 à Belvès. Les yeux en larmes de joie. L'aprés-midi, ils sont allés boire le champagne devant la maison de M. Delrieux. fidèles au hasard. Dominique de Laage.
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NOUVELLE REPUBLIQUE PAGES REGION EN DER. UN AUTORAIL NOMMÉ HASARD Quand un publicitaire niortais fête ses 40 ans en un lieu tiré au hasard... Résultat : un étonnant voyage en autorail. PIERRE REBICHON,« ce gars-là » dont l'agence de pub à pignon sur la place de la Brèche à Niort, a la quarantaine pétillante. Personnage sorti par effraction d'un roman de Jules Romain, il pense aux copains d'abord. Sacagnotte personnelle est consacrée à une trentaine d'amis invités tous frais payés pour célébrer ses 40 ans. Pas mégalo, mais un bel appétit de vivre sous toutes les latitudes. Pourquoi ne pas laisser le hasard choisir le lieu de la fête? Il y a les partisans du jeu de fléchettes : lui, le graphiste préfère découper en 4 morceaux une carte Michelin. Une main i n n o c e n t e t i re l e q u a r t S u d - O u e s t d e l'Hexagone. A chaque coup de ciseaux il réduit un peu plus « le périmètre de ses 40 berges. J'avais omis les DOM-TOM pour des raison de budget, mais pour la Corse j'étais prêt à offrir l'avion ». Au bout du 12º découpage, il est rendu dans le Périgord. Pour ce 139
dernier carré, il commande une carte d'étatmajor. Au croisement des diagonales du hasard, il n'en croit pas ses yeux de fils de pub quand il lit « Ségalat » commune de SaintGermain-de-Belvès. Ce premier clin d'œil le transporte de joie aussitôt sur les lieux. « Plus beau que ce que je pouvais imaginer, dit-il, ce point topographique dans le Périgord noir est sur une crête, mais j'étais partant pour sabler le champagne au fond d'un puits de mine s'il le fallait ». En ce lieu-dit s'élève une maison « à vendre » dont les voisins se prénomment Passérieux (sic). Le proprétaire le bat froid : qu'importe, il viendra ici faire sauter les bouchons et tartiner du foie gras sous les fenêtres et sur cette crête. Pierre Rebichon a le rêve tenace et se souvient de ses grands-parents cheminots qui travaillaient « à la Compagnie du Midi », bien avant la S.N.C.F. Il lui faut encore pour être un quadragénaire comblé transporter ses hôtes jusqu'ici en train. La gare la plus proche est à Belvès, où 4 agents prennent des airs de « minorité oprimée ». Hum, question rentabilité du réseau... Pierre Rebichon, citadin-graphiste en ébullition, tombe sur le dernier des mohicans : le chef de gare, M. Henry. Celui140
ci, passé un instant d'incrédulité trouve l'histoire de l'anniversaire fêté au hasard à son goût. M.Henry va se décarcasser pour réserver les 29 billets des invités de cet original Niortais. Samedi 16 janvier, les copains débarquent en gare de Périgueux et prennent l'autorail de 14 h 45, qui arrive à Belvès à 15 h 55 via les Eysies. A 16 h, Pierre Rebichon et sa bande descendent de l'autorail, regardent derrière eux. Non, le groupe folklorique, la fanfare, la municipalité et la gendarmerie qui attendent sur le quai ne sont pas là pour un illustre enfant du pays. Tout Belvès est bien venu les accueillir. Le chef de gare et le chef d'orchestre discret de cet accueil très IIIº République : il a compris que « Monsieur Pierre », en venant faire péter le plus beau feu d'artifice que l'on ait vu sur la crête de Ségalat, était une chance pour la survie de la ligne de chemin de fer. Il y a quinze jours on a fermé définitivement la gare de Villefranche-du-Périgord. La direction régionale S.N.C.F. de Limoges a offert un cadeau symbolique à Pierre Rebichon et deux petites filles se sont avancées pour lui remettre des bouquets de fleurs. Il pense déjà à son 41º anniversaire. Dans un autre village de France 141
qui ne veut pas mourir...
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Michel Brumelot.
NOUVELLE REPUBLIQUE PAGE DEUX-SÈVRES. 20. 01. 1988. QUARANTE ANS, TOUT LE MONDE DESCEND ! Pour ses quarante ans, un Niortais Pierre Rebichon, publicitaire, a tiré au hasard un point géographique sur la carte de France. La chance est bonne fille : il tombe sur un village du Périgord noir, Belvès où une gare est menacée de fermeture. Il débarque avec ses trente copains pour faire la fête en autorail. Accueil digne d'un Président de la troisième République : petites filles avec bouquets de fleurs, groupe folklorique, municipalité… « Monsieur Pierre » croit plus que jamais au hasard de la S.N.C.F. Michel Brumelot.
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SUD-OUEST 19. 01. 1988. MARÉCHAUSSÉE. Les gendarmes de Belvès ne sont pas rabatsjoie. Ils l'ont prouvé samedi en participant à l'hilarité générale provoquée par l'arrivée de Pierre Rebichon et sa bande, ce Niortais venu fêter ses quarante ans en Périgord sur un coup de hasard. Tous les amateurs de Louis de Funès ont apprécié cet humour de la part de leurs képis préférés. On comprend pourquoi cette corporation s'est longtemps appelé la maréchaussée. Pierre Rebichon tenait absolument à se faire arrêter par eux, pour rire. Ils ont fini par dire OK. Bernard Malhache.
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IDÉE AUSSI SOTE QUE GRENUE : Après ce déluge d'encre et de papiers divers, (je pense que je n'ai pas tout récupéré sur le sujet, il reste La vie du Rail dans laquelle je n’ai jamais lu l’article sympathique il parraît.) Nous sommes allé rendre une visite à nos amis de Belvès. Avec le Maire nous avons évoqué le sauvetage de la gare mais aussi la menace qui pèsera quand même sur elle un jour. Je lui confirme par courrier le discours que je lui ai tenu sur place…
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à monsieur Jean Loubière Maire de Belvès 31, rue de l'oiseau qui chante 24170 BELVÈS. Monsieur le Maire, Voici ci-dessous exprimées les grandes lignes de notre entrevue de samedi dernier. Comment Maintenir la gare de Belvès ouverte : 1) RENTABILITÉ : Raisonnement par l'absurde. Expliquer comment et prouver la rentabilité du chemein départemental N°X, de la départementale N°Y, de la nationale N°Z, entre deux points donnés. Si l'étude démontre une non rentabilité, il faut absolument fermer ces voies de communication. 148
2) FAUSSER LES STATISTIQUES : Imaginons que des grandes entreprises parisiennes (pour un même coût), prennent dès demain leurs abonnements T.G.V. ou train normal en gare de Belvès, au lieu de s'adresser à leurs agences de voyages habituelles… Pour réussir dans cette affaire, il faut recenser tous les natifs et amoureux de votre ville qui ont aujourd'hui des postes importants dans les affaires et les sensibiliser à cette méthode(non politisée et pleine de bon sens). Dans l'absurde le plus total, nous mettrions les gares parisiennes en danger de fermeture, faute de chiffre d'affaire. 3) LA RAISON : Une région comme la Dordogne, une ville comme Belvès sans communication ferroviaire, ce n'est pas pensable à l'aube de cette magnifique Europe. A la 149
limite, si le réseau routier pouvait pallier… Mais beaucoup de travail reste à faire… Le bon sens serait de ne pas massacrer cette infrastructure fer, de respecter les hommes habitant la région, de proposer aux nouveaux habitants, entrepreneurs, étrangers etc… Une région irriguée et perméable, ouverte sur l'économie de demain. Pierre Rebichon à Belvès.
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MERCI ENCORE, ET HOMMAGES À MES AMIS OTAGES : Dany, Francis, Lydia, François, Brigitte, Alain, Marie-France, Noël, Monique, Jean-Pierre, Francine, JeanLuc, Marie-France, Jean-Louis, Henri, Joelle, Jacqueline, René, Jacqueline, Claude, Annick, Michel, Luc, Danièle, Chantal. Avec une mention particulière à Josette qui n'a pas fait que les sandwiches, elle était complice active avec le Chef de Gare pour organiser les surprises en plus. Les énormes cerises sur les gâteaux… 151
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Pierre Rebichon grâce aux copains © 18 janvier 1998 (10 ans après jour pour jour !) en vente nulle part. rebichon@gmail.com
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