UN LIVRE PEUT EN CACHER UN AUTRE par CHRISTIAN LACROIX

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UN LIVRE PEUT EN CACHER UN AUTRE Abécédaire de Christian Lacroix et vingt-trois écrivains contemporains...

à Françoise Lacroix


LA LIBRAIRIE INTÉRIEURE Vous vous êtes habitués, chers lecteurs, à entrer dans nos librairies au cœur de vos villes. Vous venez y chercher des livres et des compétences (conseils de lecture, sélection des nouveautés, informations sur l’histoire des catalogues, recherches bibliographiques, papier cadeau). Le travail de la librairie indépendante, cependant, ne peut se résumer à ces faits et gestes. Vous venez aussi y rencontrer des personnes qui enchantent, cernent et font vivre l’offre. Lors de cette journée mondiale du livre et du droit d’auteur, la Sant Jordi 2014, nous voulons vous faire savoir combien cette chaîne humaine, imparfaite, sujette aux humeurs, dérangeante, est essentielle afin que les œuvres vibrent. Vivre chaque jour dans une librairie est une immersion radicale de tout notre être au service de chaque livre. Souvent, vous nous demandez : avez-vous lu tous les livres de votre librairie ? Non, bien évidemment, aucun de nous n’a tout lu ! Mais nous pouvons vous dire pourquoi tel ou tel livre s’y trouve et quelle est sa nature… La différence entre une librairie et un entrepôt, c’est que la présence de chaque livre est aiguillonnée par l’intention du libraire. Je sais, ce n’est presque rien, mais pour nous, pour les auteurs, pour les éditeurs, pour les lecteurs, c’est un luxe. Ce livre que nous allons vous offrir cette année, j’aimerais qu’il vous fasse ressentir intimement la façon dont les librairies se maintiennent debout. Ce sont des maisons de mots. Il est très fréquent aujourd’hui, lorsqu’on parle de ce métier, d’évoquer seulement sa problématique économique… Nous vous proposons, nous, de vous raconter d’abord sa pratique, sa culture, sa philosophie même. Chers lecteurs, nous vous invitons à feuilleter ces pages et à entrer dans notre librairie intérieure. La création de cet abécédaire n’est pas un artifice. Nous avons fait ce choix afin de faire apparaître la première compétence qu’on sollicite de tous les libraires lorsqu’ils débutent : l’alphabet. Comme en musique avec les gammes, nous devons pouvoir jouer avec notre « fameux » ordre alphabétique intégral. La première habileté du libraire

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est de classer avec dextérité chaque livre dans sa rubrique par ordre alphabétique. Le premier enchantement de l’enfance n’est-il d’ailleurs pas l’apprentissage fondateur de l’alphabet ? Eh bien, nous aussi, en débutant, nous avons à le réapprendre. Cet alphabet que nous utilisons tous les jours pour chercher un livre n’est pas seulement une convention technique à maîtriser, c’est une mise en ordre du monde dans les rayons. C’est la seule loi sage qui évite les injustices liées au caractère hasardeux du succès d’un livre en le mettant tout simplement à sa place, selon un critère objectif incontestable. Grâce à cet alphabet, vous pourrez vous affranchir du libraire et vous y retrouver dans ce que vous cherchez. Notre classement alphabétique est la grande loi de l’hospitalité qui permet d’accueillir les lecteurs désireux de se lancer dans l’inconnu. C’est une boussole qui vous aide à naviguer dans les rayons. La singularité de ce livre, c’est qu’il s’adresse à tous les âges. De son versant « adulte », on peut cependant dire que c’est une tentative d’ouvrir l’œil du lecteur sur les affinités invisibles qui se nouent d’un ouvrage à l’autre dans une librairie. Le pouvoir d’attraction de nos lieux de vente réside, en effet, dans leur capacité à faire vivre les livres en créant entre eux des liens pertinents, de plusieurs ordres, grâce à un classement par discipline, par langue, par genre, par collection, par chronologie… Un libraire travaille non seulement pour le livre que le client est venu chercher mais pour celui d’à-côté, celui qu’il n’attendait pas : il s’efforce de mettre en lumière, conjointement à celui de l’auteur déjà « connu », le livre « inconnu ». Un livre peut en cacher un autre C’est ce jeu-là, correspondant aux 26 lettres de l’alphabet, que nous avons proposé à 23 écrivains contemporains. L’idée m’est venue de leurs confidences, parfois sur le pas de la porte de la librairie, après des séances de dédicaces : « Ce qui me rend heureux sur vos étagères, c’est d’être à côté de… » De là a surgi notre désir de les inviter à écrire sur l’auteur classé en fonds à côté d’eux et avec lequel ils partagent une initiale.

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C’est parce que je les lis depuis longtemps, c’est parce que je les admire, c’est parce que j’accueille toujours avec une grande curiosité et fringale l’annonce de leurs nouveaux romans, que j’ai choisi de demander à Stéphane Audeguy, Pierre Bergounioux, Éric Chevillard, Patrick Declerck, Philippe Forest, Anne-Marie Garat, Jean Imbeault, Jacques Jouet, Maylis de Kerangal, Cécile Ladjali, Céline Minard, Lorette Nobécourt, Véronique Ovaldé, Pierre Pachet, Nathalie Quintane, Yves Ravey, Michel Schneider, Lyonel Trouillot, Antoine Volodine, Cécile Wasjbrot, Claude Burgelin (lettre X), Nina Yargekov et Valérie Zenatti d’écrire sur leurs relations avec un de leurs « frères » de lettres. À travers l’éblouissante surprise de leurs textes inédits, nous souhaiterions vous faire découvrir ou redécouvrir leur écriture tout en vous faisant ressentir la multiplicité des liens qui les unissent dans une librairie. La présence matérielle d’un livre dans un lieu n’est jamais anodine, répétons-le. L'ouvrage a son existence propre et c’est à nous de l’assortir avec d’autres en lui trouvant sa juste place. Cette orchestration sur les tables, dans les rayons, les vitrines nécessite une longue maturation, nourrie non seulement d’un savoir rationnel sur le contenu des écrits mais aussi d’intuition et d’inspiration personnelle. Ces subtiles accointances n’ont absolument rien à voir avec les rapprochements grotesques opérés dans les espaces de vente où les livres sont segmentés en parts de marché. C’est peu de dire que notre mémoire, notre goût, notre sensibilité, notre style, notre savoir-faire ne requièrent pas les mêmes techniques ni les mêmes ressorts. Ces auteurs, à travers le prisme exigeant de leur écriture, ne sont-ils pas les mieux placés pour exacerber toute la vigueur et la richesse des liens qui accordent entre eux les livres dans l’espace d’une librairie ? À propos de liens, en voici un autre, un fil d’or même, celui qui nous unit à Christian Lacroix, cet artiste somptueusement inclassable, cet humaniste aussi, ce fou de livres. Son talent a bouleversé et régénéré tous les codes en vigueur dans la mode et fait rayonner la France. Curieusement, il est proche de notre cause. Nous avons

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fait appel à lui car son parcours de créateur indépendant croise de façon poignante les questions qui mettent à l’épreuve notre métier. Grâce à lui et à nos auteurs, nous avons rassemblé des énergies créatrices et insufflé une fois encore un esprit de résistance. Notre modèle ? Diaghilev et ses Ballets russes. Souvenez-vous, son génie était de réunir les talents de Nijinski, Stravinsky, Picasso, Chanel, Cocteau… Eh bien nous, c’est en mobilisant quelque 450 libraires de France et de Belgique francophone que nous souhaitons réinterroger notre métier et vous le faire connaître davantage. Aujourd’hui, nombre de mes confrères travaillent déjà à offrir de meilleurs services et moderniser notre pratique (géolocalisation des stocks, livraison plus rapide des livres…) En effet, l’esprit de ce métier n’est pas conservateur, tous ces nouveaux chantiers attestant le désir des libraires de faire face à leurs concurrents numériques. S’il est nécessaire et possible de se positionner sur ce terrain-là, il me semble impérieux de creuser et de faire valoir absolument ce que la librairie offre de particulier – ce que la vente en ligne et les nouvelles habitudes de lecture sur des supports dématérialisés (Internet, iPad) ne seront jamais en mesure de proposer. Parfois gronde le bruit poignant de la fermeture d’une librairie qui ne s’en sort plus. Entendez et choyez le plus possible celles qui sont encore là. Dans ces lieux de commerce qui ne sont pas comme les autres, les rois, ce sont les livres. Dans la nuit culturelle de plus en plus menaçante, regardez comme brillent ces lucioles que sont vos librairies. Marie-Rose Guarniéri Association Verbes

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A Anonyme Stéphane Audeguy comme

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Homère, auteur fameux dont on ignore tout, nous apprend que Personne, c’est quelqu’un. Sait-on jamais qui a écrit les grands livres, qu’ils soient ou non signés ? Ce qui m’intéresse en littérature, ce sont des singularités, jamais ces noms qu’on dit propres et qui sont tellement sales à force de traîner partout. Moi, je me console d’avoir une carte d’identité en écrivant des romans, et j’aime que dans les librairies ils figurent à côté des ouvrages de mon respectable confrère et ami, à vrai dire l’un des plus grands auteurs de tous les temps : Anonyme. L’un des chefs-d’œuvre d’Anonyme, c’est ce récit écrit à la fin du XIIe siècle ou au début du XIIIe qui s’intitule Aucassin et Nicolette. Aucassin aime Nicolette, et réciproquement. Elle est enlevée par des Sarrasins. Lui est un peu geignard, un peu gauche. Lisez ça, vous verrez. Un livre très singulier, comme doit être un livre. Certaines parties sont chantées et en vers, d’autres sont en prose. Je peux dire sans gâcher votre lecture qu’Aucassin ne s’en va pas délivrer Nicolette, et que c’est une excellente nouvelle : la nommée Nicolette se débrouille très bien toute seule. Aucassin et Nicolette se moque des conventions de la littérature de son temps, se moque de son temps tout court, du tiers comme du quart, mais non de son lecteur. C’est un récit joyeux, hétéroclite et concerté, dont la seule loi est l’amour, qui n’est pas une loi. Il appartient d’ailleurs à un genre, la chantefable, dont il est l’unique représentant connu. Comme le dit l’auteur lui-même, cette histoire est si douce et si touchante qu’un malade en sort guéri. Elle se termine ainsi : Notre chantefable prend fin Je n’ai plus rien à dire.

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Et moi non plus.

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B Emmanuel Berl et Ingmar Bergman Pierre Bergounioux

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L’alphabet a introduit, dans nos vies, un ordre qui n’est que de lui. Pas de classement auquel il ne préside peu ou prou, de réalité qui n’en porte le sceau, de société développée, c’est-à-dire à État, à école, avec des bibliothèques et des librairies, qui puissent tenir une seconde sans lui. Il est rationnel dans son principe. Il fut, vers 1400 avant notre ère, une révolution dans la révolution graphique. Des hommes qui vivaient du côté d’Ugarit, dans l’actuelle Syrie, s’avisèrent de noter les sons de la parole, qui sont en très petit nombre, au lieu de s’épuiser à représenter les choses, dont la foule est infinie. Mais l’ordre dans lequel se présentent les caractères est arbitraire. Pourquoi A, d’abord, aleph, qui figure une tête de taureau à l’envers, puis B, beth, la maison à un étage et toit plat du Moyen-Orient, G, gimel, le cou du chameau, D, daleth, la porte… Les Sémites occidentaux qui ont créé cette merveille ne s’en sont pas expliqué. Il s’ensuit d’étranges voisinages. Dans le dictionnaire, par exemple, l’enfant cohabite avec l’énergie, l’événement et l’enfer, janvier avec le jansénisme et le Japon et il en résulte des interférences troublantes, infinies. Le rapprochement joue encore aux rayons des librairies où des hommes, c’est-à-dire des vies, des vues que tout sépare, le temps, la géographie, la pensée, cohabitent en silence. Le patronyme dont je suis affublé tire son origine d’un qualificatif latin, verecundiosus, celui que retient la vergogne. Je devrais me retrouver entre Thorstein Veblen et Jean-Pierre Vernant. Le durcissement de la consonne initiale en b m’a logé entre Emmanuel Berl, qui a passé la fin de son existence à Argentat, en Corrèze, à quelques pas de moi, et le fils d’un pasteur luthérien suédois, Ingmar Bergman, dont les films mais les écrits, aussi, m’exaltent et me glacent, inséparablement. L’alphabet.

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C Roger Caillois Éric Chevillard

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« Peut-être n’est-il pas de plus sûrs modèles de la beauté profonde que les formes émergées des grandes acrimonies », écrit Roger Caillois dans Pierres, ce recueil qui est plutôt une riche collection de minéraux si exactement et intimement décrits que l’on jurerait en lisant ces pages que l’agate, le jaspe, l’hématite et même la noire obsidienne sont du pur cristal pour l’œil pénétrant du poète. À moins plutôt qu’il n’en parle si bien pour les connaître de l’intérieur ? La beauté enfantée par de grandes acrimonies… n’en serait-il pas en effet des livres comme des pierres ? Nés du chaos, du tumulte, de la confusion, de l’ardent magma souterrain, ils imposent pourtant avec insistance, telle l’aiguille de quartz selon Caillois, « l’idée, l’image, sinon la preuve d’un développement personnel qui obéit, dans un univers qui l’exclut, à l’impérieuse fatalité d’un germe ».

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D Dr Louis-Ferdinand Destouches, dit « Céline » Patrick Declerck

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Comment ? Céline, cet antisémite vociférant ? Ce délirant chronique ?… Désolante

réalité. Antisémite – six millions de fois hélas ! –, incontestablement, et jusqu’à la fin. Délirant, certainement et, en un sens, fier de l’être. À propos de Bagatelles pour un massacre (1937), on connaît la remarque de Gide : « Et si ce n’était pas une plaisanterie, alors il serait, lui Céline, complètement maboul. » Ce n’était pas une plaisanterie, et il était complètement maboul. Maboul, et ô combien dangereux. Et pourtant…

Pourtant, il y a Voyage au bout de la nuit (1932), cette errance où Bardamu irrésis-

tiblement nous entraîne et dont on ne revient jamais tout à fait. Jamais comme avant. Place de Clichy, la Flandre 14, Fort-Gono en Bambola-Bragamance, New York, la ville debout, Detroit, et retour Clichy, La Garenne-Rancy. Bardamu, amant lamentable d’une Lola américaine et toujours évanescente, indifférente au fond : Oh ! Vous êtes donc tout à fait lâche, Ferdinand ! Vous êtes répugnant comme un rat… Bardamu, en campagne : soldat volontaire, à cheval parfois, à pied souvent. J’avançais d’arbre en arbre, dans mon bruit de ferraille. Mon beau sabre à lui seul, pour le potin, valait un piano. Peut-être étais-je à plaindre, mais en tout cas, sûrement, j’étais grotesque… Blessé, réformé, puis marchand colonial, médecin enfin. Médecin des pauvres, et pauvre médecin… Aller loin, explorer le non-sens et le nulle part. Et puis revenir au pire, ce pire qui est le même partout. La banlieue… Les affreux, les alcooliques, les hallucinés, les Henrouille, atroces micro-bourgeois, obsédés par leurs quelques francs… Et Bébert, le neveu de la concierge… Le petit Bébert si gentil, si doux, si pur. Plein de joie, d’espoir et d’enthousiasme. Et qui, donc, mourra comme ils meurent tous. Tous ceux qui ne sont pas faits pour l’horreur du monde.

Je pourrais continuer… D’un château l’autre (1957), la mort de son chien… Oh, j’ai

vu bien des agonies… ici… là… partout… mais de loin pas des si belles, discrètes… fidèles… ce qui nuit dans l’agonie des hommes c’est le tralala…

Lisez Céline ! C’est beau. C’est immense. Et puis c’est tout près... C’est de l’autre

côté de la vie…

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E MUET ...

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F William Faulkner Philippe Forest

comme par

Si je t’oublie, Jérusalem.

Je me rappelle une lectrice venue me dire avec gentillesse qu’elle avait trois écrivains

préférés dont il se trouvait que le nom commençait par la même lettre : Faulkner, Flaubert et Forest ! Je suis assez vaniteux sans doute pour rapporter cette anecdote authentique puisque l’occasion s’y prête. Mais naturellement je ne le suis pas assez pour la prendre vraiment au sérieux. Je me satisferais pleinement qu’on laisse à mes livres une toute petite place sur le rayon où l’on range ceux de ces deux très grands écrivains qui, cela va de soi, méritent mieux que moi de l’occuper à leur aise.

Alors, Faulkner ou Flaubert ? Faulkner plutôt que Flaubert ! Sans hésitation. J’admire

bien sûr l’auteur de L’Éducation sentimentale mais sans me sentir trop concerné par ce qu’il a écrit et dont je me trouve très éloigné. Tandis que le romancier de Requiem pour une nonne me va sans réserve. Je me rappelle l’effarement un peu hébété dans lequel, sans rien y comprendre, j’ai découvert Le Bruit et la Fureur à l’âge de vingt-deux ans. Il faut dire que j’avais des excuses à mon abrutissement : je faisais à l’époque les classes de mon service militaire comme aviateur de seconde classe à la base d’Orléans !

S’il fallait choisir un livre de Faulkner, ce serait : Si je t’oublie, Jérusalem, qu’on

connaissait autrefois sous un autre titre, Les Palmiers sauvages. Un livre peut en cacher deux autres. Dans celui-ci, Faulkner fait alterner, chapitre après chapitre, deux récits : la tragique aventure d’amants fuyant le monde pour vivre leur idylle jusqu’à la mort de l’un d’eux ; l’épopée comique d’un forçat que la crue du Mississipi conduit à s’évader malgré lui et à sauver de la noyade une femme enceinte. Dans un de mes livres, j’ai écrit qu’il n’y a de roman que d’amour. Des critiques sérieux m’ont reproché cette affirmation. Je crois pourtant qu’elle est assez juste. Si je t’oublie, Jérusalem est pour moi le plus grand roman d’amour de la littérature. Côté face : il exalte romantiquement la passion. Côté pile : il la tourne en dérision. Faulkner a deux fois raison. Le grand roman est en même temps tragédie et comédie. La morale du livre est célèbre : « Entre le chagrin et le néant, je choisis le chagrin. » Pour ne pas succomber au néant et jouir de celui-ci, le roman se livre mélancoliquement au chagrin dont cependant il rit aussi.

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G Christian Gailly Anne-Marie Garat

comme par

Je crois bien ne l’avoir jamais rencontré à titre personnel, dans l’escalier ni dans le

parking ou aux boîtes à lettres. Peut-être croisé sur le palier si ça se trouve, moi ouvrant ma porte, juste entrebâillée, lui arrivant qui sait d’où. Il cherchait son trousseau dans sa poche. Le jeu de clés cliquète, la minuterie en panne mais quand même j’ai dû voir son visage, enfin sa tête. Son crâne pas mal dégarni, genre casanier, pas porté sur le bavardage de saison, pourtant aux aguets de l’environ. Il porte un imperméable gris, des lunettes. Tout de suite on se demande, il était déjà un enfant myope à l’école ou bien c’est la presbytie, ça vient avec l’âge. Pourtant, derrière les verres, l’œil de qui voit en détail ce que les autres ne voient pas. Il examinait ses pieds, le paillasson, ses souliers mouillés. Ses semelles de crêpe, la manche effrangée, la montre arrêtée, c’est bouleversant comme les choses banales parlent d’elles-mêmes. Avec lui, elles deviennent terribles, l’odeur du couloir, l’air pluvieux, le bruit d’un démarrage dans la rue. La rumeur. Je me disais cet homme est de mauvaise humeur.

À l’intérieur, son téléphone a sonné. Un frisson d’effroi, de froid, il va y aller, courir

décrocher, ou alors non, traîner jusqu’à ce qu’il soit trop tard. Allô dit la voix, la très belle voix d’une femme. Vous devez vous tromper, dit-il. C’est un malentendu. Mais non. Mais si. Contrarié, le voilà déjà parti quelque part dans une histoire, comme d’un héros vague dans un vague film adapté d’un roman flou.

Derrière la cloison, je l’entends jouer du saxo en solo des nuits entières. Il improvise,

quel équilibriste. Le tempo, le ton justes, pris à la souffrance, au chagrin, la fatigue, le phrasé jazzé, si fragile qu’on a peur pour lui. Qu’il perde la respiration, que son cœur s’arrête. Il est mort le mois dernier.

C’est ainsi qu’il nous quittait chaque fois, et qu’il revenait, avec ses figures de voltige,

prêt à s’écraser dans le looping, mais il nous frôlait en rase-motte et redécollait, il disparaissait dans le ciel bleu. Ça, pour être bleu, le ciel était bleu. En somme, il faisait trop beau. Quand c’est trop beau, c’est insupportable.

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H comme

Victor Hugo

Extrait choisi par Annie Le Brun dans William Shakespeare de Victor Hugo.

Les génies, les esprits, ce nommé Eschyle, ce nommé Isaïe, ce nommé Juvénal, ce nommé Dante, ce nommé Shakespeare, ce sont des êtres impérieux, tumultueux, violents, emportés, extrêmes, chevaucheurs des galops ailés, franchisseurs de limites, « passant les bornes », ayant un but à eux, lequel « dépasse le but », volant brusquement d'une idée à l'autre, et du pôle nord au pôle sud, parcourant le ciel en trois pas, peu cléments aux haleines courtes, secoués par tous les souffles de l’espace et en même temps pleins d’on ne sait quelle certitude équestre dans leurs bonds à travers l’abîme, indociles aux « aristarques », réfractaires à la rhétorique de l’État, pas gentils pour les lettrés asthmatiques, insoumis à l’hygiène académique, préférant l’écume de Pégase au lait d'ânesse. Les braves pédants ont la bonté d'avoir peur pour eux. L'ascension provoque au calcul de la chute. Les culs-de-jatte compatissants plaignent Shakespeare. Il est fou, il monte trop haut ! La foule des cuistres, c'est une foule, s'ébahit et se fâche. Eschyle et Dante font à tout moment fermer les yeux à ces connaisseurs. Cet Eschyle est perdu ! Ce Dante va tomber ! Un dieu s'envole, les bourgeois lui crient : Casse-cou !

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I comme Washington par

Irving Jean Imbeault

Le plan de l’Alhambra

Je ne saurais dire que j’aime tous les écrivains. J’en aime quelques-uns. Et parmi ceux que j’aime, j’ai une affection

particulière pour certains que j’ai oubliés. C’est une affection un peu absurde, j’en conviens : une affection virtuelle – si une telle disposition de l’âme est concevable.

Washington Irving dormait ainsi, depuis longtemps, dans les limbes de ma mémoire. La seule chose qui m’avait

valu de l’avoir connu est un livre intitulé Contes de l’Alhambra. C’est l’un des rares ouvrages qui se trouvaient dans la maison de mon enfance. À l’époque, je me réfugiais des journées entières dans cet univers où sont partout mélangés le récit vérace et la fable dans une espèce de confusion des sens, de paresse du jugement, d’indifférence à l’illusion qui se sont rappelées à moi lors d’un récent voyage à Grenade et m’ont plongé au cœur de « La légende de l’astrologue arabe » :

En des temps très anciens, bien avant que ne fût construit l’Alhambra, le roi Aben Habuz gouvernait le royaume de

Grenade. Se sentant vieux et faible, il n’aurait aspiré qu’à vivre en paix avec ses voisins. Hélas ! il était défié de tous côtés par des armées qui menaçaient de mettre fin à son règne. Un jour, une bonne fortune lui fit rencontrer Ibrahim Abu Ajub, un vieux sage qui détenait des dons magiques d’une incroyable puissance. Mis au fait des malheurs d’Aben Habuz, Ibrahim lui offrit un talisman qui le rendit invincible : grâce à cet objet enchanté, le roi pouvait prévoir les mouvements des colonnes ennemies et les écraser à distance. Ses adversaires n’osant plus l’attaquer, la paix revint bientôt dans le royaume.

Un matin, cependant, les soldats ramenèrent au palais une princesse chrétienne d’une très grande beauté qu’ils

avaient capturée lors d’une patrouille. Dès cet instant, la douce quiétude qui berçait depuis peu Grenade fut chose du passé. Aben Habuz et Ibrahim devinrent tous deux amoureux de la séduisante chrétienne et furent, dès lors, les pires rivaux du monde. Las de cette vaine dispute, Ibrahim enleva la princesse et s’enfonça avec elle dans le ventre d’une colline d’où on ne put jamais l’extirper. C’est sur cette colline que, bien plus tard, fut construit l’Alhambra. On dit que, certaines nuits de pleine lune, on entend encore le chant lointain de la princesse s’accompagnant de sa lyre.

Grenade, lundi matin, le 23 juillet 2012. Peu après huit heures. Je viens de gagner une petite esplanade, sur les

hauteurs de l’Albaicín, d’où l’on embrasse du regard la totalité de l’Alhambra. Mon idée – naïve et chimérique, je le sais – serait de capter l’image d’un Alhambra nettoyé des innombrables couches de songes, de récits et de spectacles dont on l’a enduit depuis des siècles : l’Alhambra tel que chacun le découvrirait s’il était encore possible à quiconque de « voir » l’Alhambra pour la première fois. Je ne suis pas photographe, encore moins cinéaste. Je ne suis qu’un promeneur sans qualité, chasseur de clips. Partout où je vais, je ne cherche que la brève séquence animée qui parfois saisit les vibrations de la lumière, ou « la mêlée des arbres et de l’air léger », ou le silence percé ici et là par des rires de gamins, et qui souvent ne saisit rien.

Debout sur un vieux banc de pierre, j’amorce le plan de l’Alhambra – un simple panoramique gauche-droite devant

durer moins d’une minute. C’est alors que, par l’escalier menant à l’esplanade, apparaît, comme surgissant du flanc de la colline qui porte l’Alhambra, une jeune femme aux cheveux de jais, vêtue de blanc. Elle ne remarque pas ma présence, traverse la place d’un pas calme et régulier, allant elle aussi de gauche à droite, devançant de peu la progression de mon panoramique, puis s’effaçant derrière le tronc d’un gros platane. Je coupe.

Assis sur le banc, je repasse la séquence sur l’écran de la caméra. Où va mon présent ? Où m’attend mon passé ?

Je viens de retrouver, comme en un éclair, « La légende de l’astrologue arabe » égarée depuis tant d’années dans le plus obscur de l’oubli. Et j’ai vu, devant l’Alhambra, la belle princesse disparaître dans la lumière du matin. Je ne sais si le plan est raté ou s’il est réussi. Sans doute n’est-il fait que de la contradiction qui habite toute image animée. Puisqu’un seul plan peut donner à voir, dans le fil du temps, le monde et sa métaphore. Puisqu’un plan vrai, comme le pensait André Bazin, nous contraint à « sacrifier un peu de réalité à la réalité »…

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J Étienne Jodelle Jacques Jouet

comme par

Amours et contr’amours avançant de conserve ici dans la beauté, là sur un autre ton les dames divisées, peau de pêche ou croûton l’âme de l’amoureux ne cesse d’être serve avec sa peau de corps que le désir innerve quand il veut diriger la langue, le menton la cuisse, le bassin vers le petit bouton tout s’obsessionnisant sans la moindre réserve. C’est lourd et vaporeux de voir bouillir le sang sous la couche de couenne ou soudain jaillissant épaisseur éperdue pompée par un mouchoir en papier recyclé du genre sopalin rougi, sali, blanchi, sperme, merde, vilain raisiné décisif comme sous le tranchoir.

Sources : Étienne Jodelle (1532-1573) Les Amours, Contr’amours, La Riere Vénus, Publications de l’Université de Saint-Étienne, 2003.

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K Jack Kerouac Maylis de Kerangal

comme par

Peau à peau, sa quatrième contre ma première, c’est souvent comme cela que nous sommes mis en orbite, lui et moi, sur le rayon – il est très beau, même de dos, et je sais ma chance. Le plus souvent, c’est La Route, parfois Big Sur ou Les Clochards célestes, et j’aime lire ces titres qui floquent son verso, magnétiques, et viennent toucher les miens, leur souffler au visage cette poussière dorée qui colore les joues à trop marcher sous le ciel américain, ce blush du dehors. Parfois je l’entends qui frappe un jazz fébrile sur les touches de son Underwood, clope au bec sous la lampe, si concentré – café, benzédrine – qu’il ne me voit pas quand je m’approche pour lire par-dessus son épaule le rouleau qui s’imprime à toute allure, et me penche dans son cou. Une main pressée curieuse de lire Kafka ou Kessel, les saisissant sur l’étagère, nous fait souvent chuter ensemble, nous dévalons la dune, ou roulons dans l’herbe, finissons couchés yeux au ciel sur le bitume, dans un sous-bois tapissé de doux cactus hallucinogènes, au fond d’un appartement du Village peuplé de types qui lisent des poèmes à voix haute – incandescents, ivres –, mais les jours fastes nous cabanons simplement l’un sur l’autre, ou l’inverse, et retenons notre souffle, seuls sous les couvertures, pages ouvertes.

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L Linda Lê Cécile Ladjali

comme par

En amour, il ne faut jamais rencontrer son double. Linda Lê

Linda me subjugue quand en l’absence de toute ponctuation elle dévide la parole d’un idiot. Les Dits d’un idiot

sont ceux d’un écrivain raté parce que dévoré par sa mère. Mère Mandragore, fleur monstrueuse ayant fleuri sur la terre qui servit de réceptacle au sperme d’un pendu.

Et parce qu’il faut revenir à l’origine, la prose de Linda Lê est mâtinée de mythologie, d’archaïsmes râpeux. Parole,

dévoration, logos triomphant du temps, Chronos est le roman d’une Antigone moderne. Quant aux Trois Parques, elles sont à table et se concoctent des petits plats, boivent des liqueurs, rient, gueulent, coupent le fil de nos vie dans un grand éclat de rire.

Quand on la lit on devient insomniaque. Rien n’est doux dans ses romans. L’évanescence d’un titre comme Les

Aubes n’est qu’un mirage et s’inscrit en total décalage avec les mots des premières pages, crues comme la chair qu’on lèche, caresse, pénètre. La pensée du suicide est lancinante. Car la mort viendra et elle aura ses yeux. Ses grands yeux noirs.

Évoquant l’art de Sola, la jeune écrivain suicidée de In memoriam, Linda Lê nous livre cette définition de

l’écriture en même temps qu’elle brosse son autoportrait : « Ses mots étaient aussi brûlants qu’elle paraissait au premier abord froide. Ils n’aguichaient pas, ils étaient austères sans verser dans l’hermétisme ; il fallait que le lecteur les fît siens, alors ils entraient en lui comme un invité inattendu qui change la perception qu’il a du monde. » L’écriture ne vise ni le beau ni le bon mais une chose de l’ordre de la survie et forcément de l’inquiétude. Vouloir écrire sur le bonheur, c’est vouloir assister à « la floraison d’un cactus », raille-t-elle, bien consciente que la parole « se place au cœur de la douleur sans chercher à lénifier cette douleur avec la panacée des mots ».

Toute l’œuvre de Linda Lê scrute un point aveugle : le père. Dans Lettre morte elle entame un dialogue

avec son père disparu. Ces lettres restituent la saveur acide de l’enfance des rizières vertes. À celui qui fabriquait des cerfs-volants et des lanternes, à celui qu’elle a laissé mourir seul parce qu’il l’abandonna, elle veut rendre hommage. Ainsi, tournant les pages du livre, nous voyons ses mirages de papiers pliés ou colorés, dédiés à la lumière et au vent.

Le courant sous-marin qui aspire le lecteur dans Lame de fond vient de la parole cryptique de Van, défunt qui

pérore d’outre-tombe. Bavard impénitent, il parle comme un héros de Louis-René des Forêts : « Je n’ai jamais été bavard de mon vivant. Maintenant que je suis dans un cercueil, j’ai toute latitude de soliloquer. » Être écrivain, c’est écrire la mort et l’abolir. « 1963-2010 ». En gravant sur la stèle de Van la date de sa propre naissance puis celle de la publication du roman, Linda Lê place dans l’écriture le double mouvement de la mort et de la renaissance. Écrire est un suicide. Écrire, c’est renaître à soi. Écrire, c’est cesser d’être « un damné toujours perdu entre l’Orient et l’Occident ».

Et par la grâce de la littérature, Linda finit par tenir l’absence en échec. Elle parvient à dialoguer avec l’absence

absolue. La longue lettre À l’enfant que je n’aurai pas met cet enfant au monde – « À mesure que je mène à terme cette lettre (…) Tu me régénères, tu m’es plus proche que jamais, toi l’enfant que je n’aurai pas (…) tu existes, tu es doué de vie. » Tsvetaïeva a écrit une lettre à Rilke qui venait de mourir en chargeant les mots de la lettre de le rendre bien vivant. C’était pour le Noël de l’année 1915. « Écrire, ce n’est pas entrer en religion, écrit Linda, c’est entrer dans un rapport polémique et violent avec la religion de la littérature. » Linda est sans doute la petite sœur de Marina Tsvetaïeva qui s’immole elle aussi à l’autel de la langue et à laquelle elle rend hommage dans son très beau Marina Tsvetaïeva. Comment ça va la vie ?

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Et vous, chère Linda, comment ça va la vie ?

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M comme

Larry McMurtry Céline Minard

par

Nous n’avons pas élevé les cochons ensemble, néanmoins, je suis contente de me poser

sur la même étagère que Larry McMurtry parce que nous avons l’air de considérer tous les deux qu’ils sont dotés d’une certaine conversation, ces bestiaux.

D’une certaine conversation et d’une mystérieuse faculté à renvoyer l’humain à sa

condition de bipède sans plume doué de parole.

Le cochon, c’est un fait, est un des mammifères les plus proches de l’homme. Si généti-

quement proche qu’il sert aux greffes de peau, à la chirurgie cardiaque, à la fabrication d’insuline. Si philosophiquement proche qu’il colonise tous les territoires où il vit et les laisse généralement dans un piètre état. Mais outre cette parenté de gène et d’esprit, le cochon est un excellent compagnon.

Lonesome Dove s’ouvre avec des cochons, des cochons bleus occupés à manger un

serpent à sonnette aussi coriace qu’une ceinture, à l’ombre d’un porche déjeté. Et dès l’ouverture, on comprend qu’ils sont dans le silence pesant de la Hat Creek Cattle Company, écrasée de chaleur, les seules âmes véritablement sensibles à la parole de Gus.

Ni Call, ni Pea, ni Deets, ni même Lorena qui peine à suivre le débit légendaire de Gus,

n’arrivent à lui tenir le crachoir aussi haut et aussi proprement.

Car le cochon a des petites oreilles inégalables, et son écoute est sans faille.

Jaume R. Stevens, le seul et unique héros visible du Dernier Monde, en sait quelque

chose lui aussi, puisqu’il leur doit de recouvrer le sens politique de la vie. Non seulement le cochon sait écouter l’homme dans ses moments d’inspiration, mais il sait aussi recevoir la geste propagandiste. Il se rassemble quand il le faut et se lance sans barguigner à l’assaut des grands espaces pour les grandes causes.

Car, contre toute attente, le porc voyage comme un prince.

Dans Lonesome Dove, il traverse l’Amérique du Texas au Montana plus habilement

que certains hommes de l’équipe qui y laisseront leur peau, et dans Le Dernier Monde, ils sont soixante mille à racler le sol de la Mongolie intérieure jusqu’à Pékin, plus rapides que le Transsibérien lui-même.

On ne louera jamais assez le cochon et l’art de l’accommoder en littérature.

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N Novalis Lorette Nobécourt

comme par

Il y a ceux dont on se souvient, sans les avoir connus, qui peuplent nos mémoires d’outre-siècle. Novalis est de ceux-là. L’ai-je lu jadis et pourquoi l’ai-je aimé ? Est-ce bien lui qui demanda à ce que fût écrit sur sa tombe cette épitaphe inouïe : « Je n’ai rien négligé. » Inouïe en ce qu’elle suppose de rigueur, de soif, et de majestueuse ambition. Et sinon lui, qui ? Et qu’importe ! car je me souviens de lui comme d’un ami d’enfance, celui qui m’aurait tenu la main aux heures difficiles, une tendresse, une communauté de conscience, une traversée mélancolique qui portait la promesse de son ciel d’été, celui vers lequel nous avons couru lui et moi, cherchant « le pouls mystérieux qui marque un point de contact avec le monde invisible : un devenir-vivant ». Bien vivants nous le sommes, et toi aussi, pourtant mort à ton nom, et habitant quelle âme, un morceau de la mienne ?, peut-être… Je te reconnais, tu me reconnais, Novalis, nous savons que « les nerfs sont les racines supérieures des sens », la vie nous l’a appris, et que « rien n’est plus sacré que cette forme sublime » qu’est le corps, car « c’est le ciel que l’on touche lorsque l’on touche un corps humain ». Dans cette mathématique de la chair, nous avons cherché le nombre d’or par lequel s’introduit, dans le silence, « la véritable langue poétique, organique et vivante ». Je garde tes Fragments comme une poignée d’osselets jetés à la face des jours, et je vais continuer à écrire, pour dire, pour leur dire à ta suite, que la vie est immense, la lumière infinie et l’amour inconditionnel.

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O comme Yoko

Ogawa par Véronique Ovaldé

La lettre O est une drôle de lettre. C’est une lettre nomade, qui ressemble plus à un dessin d’enfant qu’à un signe, c’est une lettre rastaquouère, archaïque, sens dessus dessous, c’est une lettre qui dit le corps, la bouche et le ventre. Quand j’étais adolescente je plaçais mes livres par ordre alphabétique et j’avais remarqué que je lisais beaucoup d’écrivains dont l’initiale était un B, un L ou un M et très peu avec un O comme initiale. Je m’étais dit que c’était une mauvaise initiale pour devenir écrivain. Et puis un jour j’ai découvert Yoko Ogawa. J’y ai trouvé des matins brumeux, des piscines sous la pluie, des adolescentes candides et rouées à la fois, j’y ai trouvé des îles perdues soumises à des phénomènes étranges, des musées silencieux, des foyers de jeunes filles reconvertis en laboratoire, de très jeunes femmes trop dociles, des mémoires qui s’effacent et des pâtisseries empoisonnées. J’y ai rencontré des maroquinières qui fabriquent des sacs délicats et précieux dans lesquels on peut déposer son cœur, j’y ai rencontré des taxidermistes virtuoses qui naturalisent de petits bouts de chair, qui naturalisent des champignons et des squelettes d’oiseau, des musiques composées par un amant perdu et de très légères brûlures sur une joue. Il y a là simplement la confiance dans la fiction et l’imaginaire, le ravissement de l’invention, le plaisir de l’étrange, de la perversité, du quotidien lisse et rassurant et soporifique que vient faire voler en éclat une fantaisie bizarre. Toutes choses qui me laissent méditative et qui me donnent l’impression d’être à l’orée de percer un mystère fondamental. Quand je lis Ogawa j’ai l’impression de voir quelqu’un, une personne à l’ossature délicate, qui marcherait sur un fil invisible au-dessus du gouffre. J’aime ce trouble, cette inquiétude, cette virtuosité de trapéziste.

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P ... Pierre Pachet

comme par

C’est sur les rayonnages des bibliothèques que j’ai éprouvé le plus intensément la joie de

découvrir autre chose que ce que j’étais venu chercher : le volume à côté m’attirait par son auteur, par son titre. Ainsi ai-je découvert l’œuvre de Czeslaw Milosz à la bibliothèque universitaire de Clermont-Ferrand, boulevard Gergovia.

La librairie, je la vois comme une bibliothèque d’un certain genre, ni privée ni publique,

mais un peu des deux : on a un accès direct aux rayonnages, c’est un fouillis, et cependant c’est ordonné par le libraire, alphabétiquement et par genres ou thèmes. J’y ressens à la fois avidité et affolement : je suis venu chercher un livre ou les livres d’un auteur, et tous les autres me regardent sans bienveillance. Eux aussi sont candidats à ma lecture. Ils n’ont pas démérité. Pas encore. En laissant mes yeux passer sur leurs titres, sur leurs dos, en les rejetant, je suis coupable d’une injustice.

Aux rayons « littérature française » ou « essais », je ne peux m’empêcher, furtivement, de

regarder si l’un de mes livres est présent, ou plusieurs. C’est là que je rencontre mes congénères, mes maîtres, mes concurrents.

Avec mon patronyme en P (merci mon père, qui a choisi ce nom, je me souviens de ce

moment des années 50), j’ai de la chance. Je retrouve des amis hélas ! disparus (Perros, Pontalis), des proches en pensée (Pavese, Perec), des poètes en compagnie desquels mon âme tente de s’affiner (Prévert, Ponge, Sylvia Plath, Pessoa, Ezra Pound), mais qui sont souvent classés à part. Et quand il n’est pas injustement relégué parmi les philosophes, un auteur auquel j’ai consacré des années de travail, Platon. Je vérifie furtivement que ma traduction de La République est encore en rayon.

L’essentiel, heureusement imprévisible, ce sont les inconnus de rencontre : Charles Pennequin,

croisé en chair et en os, et dont le crâne massif et le rythme m’ont conquis ; le Finlandais Arto Paasilinna, au début de la file, romancier prenant (La Forêt des renards pendus). Ou ceux que les rentrées littéraires apportent et remportent, mais qui piquent ma curiosité : Jean-Noël Pancrazi…

Mais en fait, la rangée des P conduit à Proust et lui appartient désormais (ça ferait

plaisir à Baudelaire).

Et comme le regard ne peut que tâtonner, je louche un peu sur les O (Jean d’Ormesson

est là) et sur les Q : Queneau, Quignard, salut ! Pauvres vous, qui n’avez pas de nom en P.

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Q ... par Nathalie Quintane comme

Dans la Lisbonne de 1989, que peut-être vous ne connaissez pas, au quartier central incendié (je le vis hier reconstruit dans un film de João César Monteiro, que peut-être vous connaissez), je fis, à 50 %, un remplacement au lycée français, passant le reste des jours debout aux arrêts d’autobus un livre de Quignard, que sans doute vous connaissez, à la main, l’un de ses Petits Traités, que peut-être vous ne connaissez pas, emprunté à la bibliothèque de l’Alliance française non parce que le nom de l’auteur avait la même initiale que le mien ou que je voyais, sur l’étagère, les membres fantômes d’un compagnonnage encore à venir, mais parce que ces livres à l’époque étaient de ces rares à n’être pas roman français de qualité, essais menus regroupés, ce que je dis à J. C. Tarkos, que peut-être vous ne connaissez pas, venu me visiter à l’impromptu sous un autre nom. Il me dit : tu fais bien – mais tu fais bien quoi ? –, ce sur quoi j’en vins à regretter qu’il n’y eût pas plus de Q. sur les étagères, Quinte-Curce, que je ne connais pas, ou bien entendu Queneau, que vous supposez sans doute que je connais et dont la bonne présence efface et réchauffe celle de mes livres, que sans doute vous ne connaissez pas, touchés tous, parfumés et caressés par deux Raymond au moins, le Queneau, donc, que vous connaissez, et le Federman, que vous maîtrisez peut-être un peu moins : de ces Raymond-là, impossible de ne pas sauter, moi qui suis Roland des fois, à mon Olivier – Quintyn est son nom (certains crurent que c’était mon masculin), il a deux cents ans de lectures en tête, clairement il explique et publie, des philosophes, américains, allemands, post-marxistes, analytiques ou soma-esthétiques, comme on lance à la plage un volant au badminton et qu’on fait trois tours sur soi-même avant de hisser sa raquette pour en attraper la réponse du partenaire, qui se lance à son tour, du sable plein les pieds, au-dessus du filet pour tous les spectateurs en maillot ébahis, de question théorique en question théorique le volant passe et repasse, lourd de sa petite boule plantée dans la plage puis repris puis frappé puis frappé puis frappé puis pris dans le filet sous les ouhs et hourras de la foule menue qui devance et suit les mouvements, théoriques, pratiques, et s’éclaire.

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R comme

RRR + Villa R Ravey

par Yves

Les livres nous viennent toujours par surprise. Ils s’annoncent un à un, et sans se faire remarquer,

ils tissent leur réseau.

C’est le cas des ouvrages de Lionel Richard. Quand je pense à lui, je dis que c’est un historien de la

culture, mais c’est bien entendu insuffisant. Il est aussi présenté le plus souvent comme spécialiste de l’Allemagne.

Il atteint chez nous cette part du rêve qui plonge le lecteur dans d’autres mondes, d’autres

époques. Dans les livres auxquels je pense, c’est de l’Allemagne nazie qu’il est question. J’ai en tête, en me remémorant ses écrits, les poèmes expressionnistes allemands, la Nuit de cristal, les défilés de Nuremberg, l’art dégénéré… Se rappellent aussitôt à moi le nom d’un courant artistique actif à Berlin dans les années 20, la Nouvelle Objectivité, ou, à une autre époque, le mouvement intitulé Die Brücke. J’ai appris l’histoire en écoutant et en lisant Lionel Richard.

Sur un registre différent de ses livres très riches, abondants en sources et en images, il nous a

offert une nouvelle traduction d’un opuscule : Le Lenz de Georg Büchner, l’auteur de Woyzeck…

Cet ouvrage rejoint, par son aura, la lignée des petits livres précieux ; ceux-là, on les conserve

comme dans un écrin, à l’abri dans sa bibliothèque.

Le R de Lionel Richard voisine avec un autre R, celui de Netty Reiling. Son nom d’écrivain, c’est

Anna Seghers ; elle est née en Allemagne, s’est réfugiée avant-guerre en France puis au Mexique. Le petit livre, que je dis douloureux, c’est L’Excursion des jeunes filles qui ne sont plus, ouvrage délicat, mais aussi cruel, annonciateur de la catastrophe qui s’abattit sur l’existence d’Anna Seghers. C’est crépusculaire.

Il me vient de ce fait à l’esprit le recueil de Rainer Maria Rilke, Chant de l’amour et de la mort

du cornette Rilke, qui commence par ce verbe qui va se répétant : Reiten, reiten, reiten… Chevaucher, chevaucher, chevaucher… On imagine un officier de cavalerie parti pour la guerre, l’Empire austro-hongrois, un étendard flottant au vent.

Une infinité de liens intimes relie ces auteurs. Ces liens mêlent les combats pour la liberté d’un

jeune étudiant en médecine nommé Georg Büchner aux rythme des chevauchées rêvées par Rilke, passant par une excursion sur le Rhin de jeunes élèves insouciantes et cultivées, ignorantes du tragique de leur destin.

En image, par imprégnation de la lettre initiale, je revois soudain, impromptu, Villa R de Paul

Klee, tableau conservé au musée d’art et d’histoire de Bâle, en Suisse allemande. C’est très beau. Ça s’accorde bien avec ces livres-là.

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S comme Jean

Starobinski Schneider

par Michel

Par une facilité un peu trop commune, des livres paraissent avec pour titre De quoi (de qui) N est-il le nom ? Je n’irai pas jusqu’à me demander de quoi Starobinski est-il le nom : il est celui d’une œuvre littéraire majeure du dernier demi-siècle. Je dis bien littéraire et non critique, car c’est en littérature que Jean Starobinski, dont les hasards patronymiques me font être le voisin sur les rayons des librairies (les vraies, celles qui ont des rayons, du goût et du temps) fut, est et restera mon maître. Le seul que je puisse saluer de ce nom si affreux quand il se charge de servile obédience intellectuelle, si beau quand il désigne celui qui vous fait sortir de l’esclavage de la non-pensée. J’ai lu, rencontré, admiré, suivi, oublié quelques penseurs ou écrivains contemporains, mais Jean Starobinski, avec qui, du comité de rédaction de la Nouvelle Revue de Psychanalyse à nos entretiens chez lui, rue de Candolle, à Genève où il enseignait la littérature, j’ai tant de fois partagé les mots et les notes (nous passions parfois d’une lecture au piano d’un Prélude du Clavier bien tempéré à un commentaire de Baudelaire), reste le seul qui m’ait appris à apprendre. Mais de qui Starobinski est-il le nom, c’est toute la question quand je le lis et que je me demande si ce n’est pas un pseudonyme de Rousseau, Diderot, Pierre-Jean Jouve… ou de Bach, Mozart, Berg. L’enchanteur qu’est l’écrivain a deux noms comme le roi deux corps selon Kantorowicz : « il ne peut empêcher que tout le monde ne se serve de son nom, mais il peut faire en sorte que son nom ne le désigne plus », dit de Stendhal l’auteur de L’œil vivant dont l’œuvre est une vaste et profonde interprétation des « mots sous les mots » et du silence sous les notes. Quoique essentiellement consacrée à la littérature, au sens, au lisible, elle est en fait une œuvre musicale. Le goût de la musique, la passion de l’opéra, forme limite où elle entre en affinité – parfois en guerre – avec le texte, forment une sorte de miroir où le sens disparaît dans l’absence de sens, la transparence se fait ombre et le sentiment s’abandonne à la sensation. Les Enchanteresses est le seul livre de Starobinski entièrement dédié à la musique. On y trouve bien des miroirs. De vraies glaces, où l’on se regarde. Des femmes surtout : Marguerite de Faust, la Maréchale du Chevalier à la rose, ou encore la Comtesse de Capriccio. Comme dans tous les miroirs, on y cherche ce qu’on n’y voit pas : la douleur sans nom, le temps qui défait l’amour, et la beauté qui ne veut pas finir. Qu’il s’agisse de la voix perdue (les pages sur « Rousseau l’enchanteur ») où il évoque le poids de chair de la voix de Suzon, qui remplaça la mère qu’il avait perdue, ou bien de la voix changée par le temps et l’oubli, détruite par la fin de l’amour, dans son texte sur le Manon de Massenet, pour Starobinski, la musique est bien une quête du perdu. Elle s’inscrit dans le « longtemps après ». Écoutons avec lui le début des Confessions : « Je suis persuadé que je lui dois le goût ou plustot la passion pour la musique qui ne s’est bien développée en moi que longtemps après. Elle savoit une quantité prodigieuse d’airs et de chansons qu’elle chantait avec un filet de voix fort douce ». Starobinski aime le jour et les Lumières et son livre baigne dans une certaine transparence mozartienne plus que dans l’ombre romantique. Mais, dialecticien faisant toujours jouer les contrastes et les contraires, il évoque comme personne le Mozart nocturne, et son chapitre sur Les Noces de Figaro, s’achève sur une note sombre : « les objets, en disparaissant dans la nuit, laissent le champ libre aux voix ». N’est-ce pas la plus juste définition de l’opéra ? Pour Starobinski, la musique est non seulement ce qu’il y a à penser, mais le modèle de la pensée dans ce qu’elle a d’inexprimable.

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T Anton Tchekhov Lyonel Trouillot

comme par

La lettre T. Dans le fond, le partage de la première lettre du patronyme n’implique qu’une

complicité de rang : fraternité d’abécédaire qui, sur les bancs de l’école, rapprocherait, par voie d’appel à défaut d’autre commune mesure, Tacite, Tanizaki, Tite-Live, Tournier, Trillard, Trouillot…

Mais tous les jeux sont bons pour arriver aux mots et faire quête de sens.

Alors, en T. ?

Tolstoi ? Trop immense. Trop lointain dans son mysticisme, son sérieux et sa majesté.

Ne fait la paire qu’avec Hugo. Barbe et longévité. Avec l’avantage de la poésie et de l’action publique pour Hugo.

Tagore ? Trop moraliste, et dans l’Idée qu’il voudrait pure. Et, dans ce monde dur qui

manque de jardins, je ne suis pas convaincu qu’« un grain de poussière ne souille pas une fleur ».

Alors, en T. ?

Mais oui ! L’un des plus formidables regardeurs de la condition humaine dans son absurdité

quotidienne et ses conditions matérielles ; le capteur du médiocre qui peut faire le réel : tel petit fonctionnaire maladroit et complexé qui cherche l’ange et trouve la bête ; telle jeune fille qu’un « amour » imprévu va détourner de ses rêveries et conduire à sa perte ; tel vieux prof amoureux, ancienne terreur du lycée, que dis-je, de toute une ville, que seule une mort solitaire sauvera du ridicule…

Tchekhov, bien sûr.

Incisif. Bref. Explorateur des grands tourments qui agitent les petits destins. Le monde

est une province où la vie peut surprendre par sa médiocrité. Et la mort jamais loin. On meurt de désespoir, de bêtise ou de pauvreté… « Les petites intrigues », les « hostilités », « la haine »…

Et cette sorte de pudeur inversée qui consiste à protéger la violence du tragique par

celle du rire. Chez Tchekhov, sait-on jamais, entre le rire et la blessure, la part de l’impudeur ? Ce qu’on sait, ce qui m’interpelle, moi, modeste artisan, c’est cette saisie du tourment du petit, ce savoir que le malheur, dans sa genèse intime, arrive toujours par le détail. Tchekhov, c’est le triste et jovial inventaire des commerces de détail que sont les vies humaines.

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V Jean Vlassenko Antoine Volodine

comme par

Vlassenko, Igor. Connu hors les murs sous le nom de plume de Jean Vlassenko. Emprisonné avec nous, torturé, mort sous la torture pour ne pas avoir révélé ses liens amoureux avec Maria Samarkande. J’aimerais citer ici quelques phrases extraites de l’ouvrage qui a le plus circulé parmi nous, sans doute son plus beau livre, Vue sur l’ossuaire. « Anita Negrini revit Jean Khorassan après sa mort, longtemps après, et elle ne le reconnut pas. » « – Quand il était enfermé dans cette pièce hermétique, rêvait-il ? demanda Anita. » « Myriam Andersen vit les larmes qui coulaient sur les joues de sa mère, sur les joues nacrées de Ouarda Andersen, et elle sentit, à son tour, que son cœur chavirait ; mais, comme elle savait que l’expression d’un chagrin partagé rendrait plus inaccessible l’apaisement, plus floues, malgré la communion apparente et l’étreinte, les images du disparu, et plus triste encore la nuit, elle éteignit les lampes. » « J’ignore s’il m’entendait, mais c’était la fin, et maintenant nous étions là-bas : ensevelis dans la même lumière. » Dans des narrats imprégnés de surréalisme et de mélancolie, Jean Vlassenko reprend de façon obsessionnelle le même thème : la déchirure tragique à l’intérieur de l’amour fou. Les couples qu’il met en scène sont à jamais séparés par la mort, la répression politique ou la guerre, mais rien ne les brise. Accablé, chacun de son côté recherche l’autre et le ressuscite en manipulant d’infimes traces ou en invoquant des souvenirs gardés au secret des camps ou de l’exil, ou encore en s’abîmant dans les rêves. La détresse due à la séparation est immense, elle emplit la conscience des personnages, elle a envahi leur existence, mais elle oriente leur survie vers des retrouvailles en creux, magiques, permanentes. Nul travail de deuil chez ces amants éternels, nulle acceptation de l’irréparable. Le temps ne joue plus aucun rôle. Sur une bague retirée à un cadavre, on lit des caractères gravés : « Amour et fidélité. Amour n’est pas un vain mot. »

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W Virginia Woolf Cécile Wasjbrot

comme par

Quand j’ai lu le premier texte de Virginia Woolf, je n’écrivais pas encore – enfin, pas vraiment, de petites choses. C’était une version d’anglais, un extrait d’Orlando, situé au début du roman. Dans mon souvenir Orlando est en haut d’une colline, le soleil se couche et tout à coup il dévale la pente pour rentrer dans son château. Mais ce souvenir correspond à peine au début véritable. Il faut dire que je garde surtout en mémoire l’émerveillement de la découverte, d’autant plus inattendu qu’il se situait dans le cadre scolaire, a priori peu propice. Qu’avais-je aimé ? L’atmosphère, je crois, et la longueur des phrases, le rythme. La part de défi aussi, on nous disait, Virginia Woolf est un auteur difficile à traduire. Combien m’a-t-il fallu de temps, ensuite, pour lire et connaître l’œuvre, combien de temps pour parcourir mon chemin d’écriture ? J’ai suivi les deux voies en parallèle. À l’époque on redécouvrait la vie et l’œuvre de Woolf dans le sillage des mouvements féministes. Je revenais de chaque séjour à Londres avec un tome du Journal, ou la biographie écrite par son neveu Quentin Bell, et Mrs Dalloway, To the Lighthouse, The Waves. Un jour, dans un car qui m’emmenait vers la région des Lacs, j’étais tellement plongée dans A Sketch of The Past que j’ai dû faire un geste involontaire, toujours est-il qu’une guêpe m’a piquée, que je n’avais pas vue. Cette piqûre est devenue comme un symbole, je m’étais absorbée dans l’univers woolfien au point d’oublier la réalité. Chaque événement, chaque roman m’était familier, je me coulais sans effort dans les détours de cette pensée aérienne, j’épousais les contours d’un monde où le temps se distendait, où la conscience s’élargissait jusqu’à atteindre l’universel. C’était une connaissance intime, sans appel, une sorte d’emprise dont il me fallut m’éloigner pour connaître mes contours et trouver ma voix propre. Depuis quelques années je peux de nouveau lire l’œuvre de Woolf – sans guêpe pour me piquer.

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X ... Claude Burgelin

comme par

X, le plus ordinaire des signaux de croisement : deux traits obliques, raides, sans hampes ni bouclettes. Si z affiche ses dessous, x reste bien calviniste. Sous cette austérité exsangue, voici pourtant la plus excitante des vingt-six lettres par lesquelles nos vies se chiffrent et se déchiffrent. Elle voile et dévoile l’inconnu, promet le secret, peut marquer l’interdit. Elle s’ouvre aux quêtes envoûtantes, aux subtiles interprétations. Reine de l’imagination et impératrice de la science, rien n’échappe à son extrémisme. Elle peut tout être (il comme elle), tout désigner. La mathématique l’exige, l’érotomanie la convoite (classé x…), elle mène toutes les enquêtes par le bout du nez. Elle est la lettre même du désir : l’inconnue qui m’attend, l’inconnu qui nous guette, c’est x, rivalisant avec oméga. Ou avec alpha. Naître sous x, c’est être enfant de l’inconnu, enfant non reconnu. Un étrange cadeau des dieux. Un destin pesant ? En tout cas, un programme narratif chargé. La question identitaire, la voici ouverte… vers x : se découvrir fils de prince ou enfant de la débine, inventer sa liberté, faire de sa vie un roman : sans famille, le premier homme, fils de personne, sans toit ni loi, départ dans la nuit. Une destinée romanesque ? Elle peut être celle de chacun : même lestés d’un patronyme, il nous reste à chercher notre x originel ou original, les x qui s’entrecroisent en nous. Écrire, c’est vouloir renaître sous x. Risquer des mots, des phrases, des rythmes : enfanter de l’inconnu. Par là même, découvrir l’x qu’on ne se savait pas être. Avec, comme choix, d’écrire sous x (prendre un pseudonyme) ou, gardant son nom, de le métamorphoser en un x secret (« Marcel Proust » auteur est autre que le fils du docteur Proust). Et tant qu’à choisir d’écrire sous x, autant le majusculiser, l’afficher comme étendard. Presque personne n’a osé l’X initial depuis Xénophane et Xénophon. Chercher la gloire littéraire sous X devrait être une tactique prometteuse. Sous X, les colonnes des dictionnaires sont bien vides… X est un écrivain d’avenir.

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Y comme

Marguerite Yourcenar par Nina Yargekov

C’est une préoccupation de petite fille. De gentille petite fille un peu niaise. De gentille petite fille qui ne veut pas faire de mal aux mignons chatons. Puis subitement, on ne sait pas précisément comment, cela devient une histoire de cerf ventriloque coiffé d’un crucifix, de truie en smoking exécutée sur la place publique, de berger malinois recevant la médaille d’or du courage et du dévouement. Une histoire chaotique et très ensanglantée, becs sectionnés, pattes arrachées, crochets métalliques, électrocutions ratées, repeignons donc les murs des abattoirs en rose fuchsia cela ira peut-être mieux, toutefois si je puis me permettre une suggestion, mangeons-nous plutôt les uns les autres, ce sera beaucoup plus cohérent. Je m’agite beaucoup mes yeux éclatent, ma fourchette suspend son vol et bientôt c’est le vertige généralisé. Un vrai bordel à dire vrai. Il y a des balises sur la route. Yourcenar, tempérament indestructible, se tient exactement là, au détour d’un virage, avec ses deux passeports, ses trois patries et ses multiples religions, préparant une confiture de prunes à Petite Plaisance. Elle achetait toujours trop de fruits et légumes paraît-il, et jamais ne faisait l’impasse sur le thé de cinq heures. Placé légèrement en retrait sur sa gauche, Zénon entre les murs gris de sa prison ouvre la veine tibiale, ouvre l’artère radiale, coulée, fontaine, tranquillement regarde se former la flaque rouge, voilà une créature qui trouvait peu utile d’employer deux termes différents pour désigner la bête qu’on abat et l’homme qu’on tue. Quelquefois elle s’exprime en son nom, évoque leur commune difficulté à digérer les agonies. Elle me fait un peu peur, elle m’impressionne, elle n’a pas l’air de plaisanter, elle est lumineuse quand elle décrit le travail de l’écrivain, elle est d’une sagesse qui me paraît presque anachronique, et pendant que je l’écoute raconter le mystère du saumon remontant sa rivière natale, expliquer l’horrible don de voir face à face le monde tel qu’il est, je vois ses yeux ouverts dessiner la possibilité d’une compassion qui serait autre chose qu’une mièvre préoccupation de petite fille.

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Z comme Stefan par

Zweig Valérie Zenatti

Il faut à peu près trente ans pour se remettre d’être née avec un patronyme commençant par la lettre Z. Digérer la sensation d’être la dernière de la liste, reléguée à l’ultime place de l’appel, être le nom prononcé trop vite, à moitié parce que le prof est pressé et qu’il est temps de commencer le cours. Z comme Zorro ! s’exclament les camarades, toujours prompts à élargir le champ de résonnance d’un nom. Pourquoi pas, c’est flatteur d’être associée à un justicier, mais quelque chose en lui cloche, et prête à rire. Son nom justement, qui ressemble à une blague, cette cape noire qui s’apparente à un déguisement, cette initiale qu’il trace toujours comme une déchirure. Z comme Zéro alors ? No comment. Un jour, on commence à redresser la tête grâce à un cinéaste. On découvre que Costa-Gravras a fait de cette lettre le titre d’un film engagé. On aime Montand, Trintignant, on est bouleversé par Denner. Dieu qu’il est beau, Denner, avec sa gueule d’anarchiste de Tarnów. Mais la solitude du Z sur l’affiche le rend déprimant aussi, elle fait de lui une lettre infréquentable, une lettre paria à laquelle nul ne veut s’associer. Et puis, un jour, on publie un premier livre. On entre dans les librairies, l’air de rien, en se disant avec une satisfaction émue qu’on est là incognito, on ne veut pas savoir qu’on est vraiment inconnu de la libraire occupée à chercher un exemplaire des Faux-Monnayeurs pour un lycéen à la crinière bouclée. Regard discret sur les tables : rien. Ou plutôt, des livres qui se vendent, des livres dont on parle, des livres qui s’offrent. En rayon peut-être ? Nos yeux effleurent les lettres collées sur les étagères, D comme Duras, F comme Faulkner, G comme Gary, V comme Valéry, et puis là, en bas à droite (on se sent légèrement humilié d’être obligé de se baisser pour voir), Z comme Zweig. Nos yeux s’illuminent. Souvenir de week-ends estudiantins passés sous la couette à lire La Pitié dangereuse, Vingt-quatre heures de la vie d’une femme, Le Chandelier enterré. Ils sont là, Edith, Anton, Madame Henriette, Roland, Erika, Rachel. Et nous, sur la couverture d’un livre aussi fin qu’un doigt, on se réjouit d’être juste à côté.

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Ni le livre ni cette fête de la Librairie

D E R N I E R L I V R E PA R U

par les libraires indépendants n’auraient vu le jour

O U P U B L I C AT I O N À V E N I R

sans la chaîne chaleureuse de toutes ces personnes, sans leur engagement,

Audeguy Stéphane, Les Monstres, Gallimard, 2013

leur passion, leur amicale collaboration…

Bergounioux Pierre, Le Style comme expérience, Éditions de l’Olivier, 2013 Chevillard Éric, Le Désordre Azerty, Minuit, 2014 Declerck Patrick, Démons me turlupinant, Gallimard, 2012 Forest Philippe, Le Chat de Schrödinger, Gallimard, 2013 Garat Anne-Marie, La Première Fois et Programme sensible, Actes Sud, 2013 Le Brun Annie, Les arcs-en-ciel du noir : Victor Hugo, collection art et artistes, Gallimard, 2012. Imbeault Jean, Remake, Éditions de l’Olivier, 2012 Jouet Jacques, Le Cocommuniste, P.O.L, 2014 Kerangal Maylis de, Réparer les vivants, Verticales, Gallimard, 2014 Ladjali Cécile, Shâb ou la Nuit, Actes Sud, 2013 Minard Céline, Faillir être flingué, Rivages, 2013 Nobécourt Lorette, Patagonie intérieure et La clôture des merveilles, Grasset, 2013 Ovaldé Véronique, La Grâce des brigands, Éditions de l’Olivier, 2013 Pachet Pierre, Sans amour, Denoël, 2011 Quintane Nathalie, Crâne chaud, P.O.L, 2012 Ravey Yves, Un notaire peu ordinaire, Minuit, 2013 Schneider Michel, Voix du désir, Buchet Chastel, 2013 Trouillot Lyonel, Parabole du failli, Actes Sud, 2013 Union des libraires Volodine Antoine, Écrivains, Seuil, 2010

Sous ses autres pseudonymes :

Bassmann Lutz, Danse avec Nathan Golshem, Verdier, 2012 Draeger Manuela, Herbes et golems, Éditions de l’Olivier, 2012

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Nous remercions : Françoise Lacroix pour son talent, ses conseils avisés et surtout son grand sens de l’amitié : je lui dédie ce livre.

Christian Lacroix, céleste et généreux artiste sans frontières, qui a donné à

notre cause des lettrines de chair, des visages et des robes et tant de joie et de disponibilité dans le travail.

Jean-Philippe Pons : l'ange gardien de Christian Lacroix et le nôtre, pour son suivi...

Avec nous, il a soufflé sur les braises de ce livre.

Tous nos auteurs… Sans hésitation, ils nous

ont offert un texte inédit et répondu à cet appel afin de défendre le métier de la librairie. C’est en lisant leurs œuvres que notre métier tissera son sens et gardera sa place.

Françoise Nyssen et

Jean-Paul Capitani, des Éditions Actes Sud, pour leur engagement indéfectible et bien connu auprès des libraires. C’est grâce aux moyens humains qu’ils mettent à notre disposition que cette journée de la librairie indépendante sans cesse se déploie.

Diane Fonsegrive, Sarah Bourguignon, Pascale

Gélys, Géraldine Lay, des Éditions Actes Sud, qui ont œuvré afin que l’ouvrage soit fabriqué et diffusé en temps voulu, à vous tous, libraires.

Thierry Magnier, notre ange-gardien depuis toujours

et Amélie Annonie, sa proche collaboratrice, si déterminée dans son soutien.

José Alvarez : son

catalogue, son lieu, sa vie sont une œuvre. Notre rencontre avec lui fut stimulante et nous le remercions pour ses conseils éclairés et inspirés. d’une élégance inimitable. artistique.

Christine Simon, son porte-drapeau auprès des libraires,

Anne-Charlotte Coudreau, pour son magnifique travail de direction

Florence Robert (éditrice, secrétaire de l’association Verbes), notre meilleure amie

pour toujours.

Damien Laval (relations presse et coordination libraires), solide et fin collaborateur.

Olivia Goudard et Jonathan Tenreiro, les libraires des Abbesses : constants, ardents et généreux complices.

UD-Union Distribution, pour la distribution.

Xavier Person, Isabelle Reverdy,

Wajsbrot Cécile, Sentinelles, Bourgois, 2013

Laurence Vintejoux (Conseil régional d’Île de France).

Christine Ferrand et Sylvie Darnis et

Burgelin Claude, Les Mal Nommés, Seuil, 2012

Anne-Sophie Havard (Livres Hebdo).

Yargekov Nina, Vous serez mes témoins, P.O.L, 2011

Marc Guillard (Centre national du livre). Le Syndicat des libraires francophones de Belgique,

Zénatti Valérie, Jacob, Jacob, Éditions de l’Olivier, 2014

qui donne de l’ampleur à notre combat et dont la présence nous touche et nous honore.

Vincent Monadé, Thierry Auger, Élisabeth Redolfi,

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Achevé d'imprimer en février 2014 par Just Color, Barcelone. Imprimé sur Munken Lynx 120g/m2 d'Arctic Paper pour l'intérieur, sur Munken Lynx 240g /m2 pour la couverture et sur Munken Lynx 100 g/m2. (www.arcticpaper.com/fr) Révision des textes : Anne-Marie Valet Coordination éditoriale : Christine Delaroche Maquette et mise en page : Anne-Charlotte Coudreau ISBN : 978-2-330-03186-2

EDITIONS DU REGARD


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