2006 Livre Abbaye de Montheron extraits

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ABBAYE DE MONTHERON 1142 –

RESTAURÉE ET INAUGURÉE EN

Editions Ouverture

2006



ABBAYE DE MONTHERON 1142 –

RESTAURÉE ET INAUGURÉE EN

2006


IMPRESSUM Editeur: Editions Ouverture Ont participé à l’élaboration de cet ouvrage: Ville de Lausanne Association des Amis de l’Abbaye de Montheron Comité de rédaction: Patrick Addor, Christophe Amsler, Pierre Golaz, Pierre Margot, Daniel Thomas Création et impression: Atelier Grand SA, Le Mont-sur-Lausanne, Editions Ouverture Supervision générale: Jean-Samuel Grand Graphisme: Nicole Devals Adresses de commande: Diffusion Ouverture CP 13, 1052 Le Mont-sur-Lausanne Tél. 021 652 16 77 – Fax 021 652 99 02 ouverture@bluewin.ch www.editionsouverture.ch Association des Amis de l’Abbaye de Montheron Daniel Thomas, président – Ch. de Beaumont 8, 1053 Cugy Tél. et fax: 021 731 25 39 – aaam@carillonneur.ch www.carillonneur.ch/aaam Photo de couverture: L’église de Montheron restaurée – photo D. Thomas © Fondation Ouverture, CH-1052 Le Mont-sur-Lausanne, 2007 ISBN 2-88413-141-8 2


ABBAYE DE MONTHERON 1142 –

RESTAURÉE ET INAUGURÉE EN 2006

Editions Ouverture


AVANT-PROPOS L’OPÉRATION Héritage de l’Histoire, 35 lieux de culte catholiques et protestants sont répartis sur le territoire lausannois. Si les premiers appartiennent aux paroisses et quelques-uns parmi les seconds aux associations qui les ont bâtis, une majorité est propriété de la Commune, et tous relèvent de sa responsabilité en ce qui concerne leur entretien. La plupart des églises de Lausanne ont été construites à partir du XIXe s., mais les plus anciennes, comme Montheron, témoignent aujourd’hui encore de ce qu’était la ville, urbaine et foraine au Moyen Âge et sous l’Ancien Régime. Avec des expressions et des génies différents, tous ces édifices traduisent non seulement la relation que nos prédécesseurs ont eue au cours du temps avec le sacré, mais aussi leur sensibilité artistique et culturelle. C’est dire la responsabilité des pouvoirs publics à qui il revient de prendre acte d’abord que chaque époque a apporté son empreinte, ses idées à ce patrimoine, et ensuite de le préserver et de l’entretenir afin de le transmettre aux générations futures. A ce devoir de mémoire s’ajoute pour Montheron celui de conserver un ensemble cher aux Lausannois: avec l’abbaye, l’auberge, la clairière et les berges du Talent forment en effet un ensemble qu’il s’agit de protéger et il est vrai que l’église, avec ses

façades marquées par l’humidité, paraissait un peu grise sur la place… On ne saurait enfin oublier la reconnaissance que nous devons également aux religieux qui vivaient là au XIIe s. puisque ce sont eux qui ont mis en valeur un autre haut lieu communal, le vignoble du Dézaley. En choisissant le site de Montheron, les moines cisterciens entendaient suivre la règle qui leur dictait de se tenir à l’écart des activités profanes pour mieux se consacrer à leur vocation de réflexion et de prière. Ils ont toutefois rapidement réalisé qu’à la solitude qui correspondait à leur attente s’ajoutaient des conditions propres à transformer leur vie en une pénitence permanente: remontant dans les murs que les connaissances de l’époque ne permettaient ni d’isoler ni d’assécher, l’eau du sous-sol s’infiltrait partout, mouillant et glaçant gens et choses. Et des siècles plus tard, bien après que le dernier moine ait quitté les lieux, elle est toujours présente, passant dans les façades de l’église comme elle l’a fait dans celles de l’ancienne abbaye qui lui sert de fondations. Après avoir fait souffrir les moines et inquiété les bâtisseurs et architectes qui ont pris soin de l’édifice depuis sa construction, cette humidité a bien failli causer la perte du bâtiment. Sa combinaison avec une température inadaptée et une aération insuffisante a en effet permis le développement d’une colonie de mérule, un champignon qui détruit le bois et se glisse au travers des maçonneries qu’il descelle. 5


Consciente de la nécessité d’agir au risque sinon de voir à court terme disparaître ce témoin inestimable, la Municipalité a commandé une étude pour déterminer ce qu’il convenait d’entreprendre. Des solutions partielles (et donc économiques) lui ont été proposées, qui ne faisaient toutefois que repousser le problème et c’est pourquoi elle a privilégié une réfection complète de l’enveloppe, assortie de mesures pour améliorer la ventilation des façades et, à défaut de pouvoir la supprimer, diminuer l’action de l’humidité qui remonte du sol. Ces travaux avaient un prix, mais même si chaque dépense doit être aujourd’hui comptée, la Municipalité a estimé que la sauvegarde de cet édifice justifiait un tel engagement. Saisi d’une demande de crédit, le Conseil communal a suivi la proposition de l’Exécutif et lorsque l’on voit aujourd’hui le résultat de cette restauration, on ne peut que lui être reconnaissant de l’avoir permise.

Je ne saurais omettre de mentionner l’appui de l’AAAM, l’Association des Amis de l’Abbaye de Montheron qui, parallèlement à son action pour amener et entretenir à Montheron une remarquable activité culturelle, a entrepris de récolter des fonds afin de compléter le nouvel orgue et d’en faire un instrument de concert. Au terme de deux ans de travaux, l’église est à nouveau à la disposition des paroissiens et des visiteurs. Comme lors de la construction du monastère ou de ses réfections et transformations ultérieures, ce chantier a été celui d’un groupe: au service d’un projet, chacun a mis en œuvre son savoir, ses qualités et ses compétences, a écouté l’autre et travaillé avec lui. On peut aujourd’hui admirer le résultat de cette restauration, s’en féliciter et remercier tous ceux qui s’y sont consacrés. Oscar Tosato Conseiller municipal Direction de l’enfance, de la jeunesse et de l’éducation

Après de longs mois d’hiver, le printemps de l’ancienne abbaye – photo D. Thomas. 6


LE MOT D’ACCUEIL

DU PRÉSIDENT DE L’AAAM (2007) Se promener par un jour de belle lumière, marcher dans la forêt, le long du Talent, entendre le bruit chatoyant du torrent sur les pierres, le gargouillis des eaux tournoyant dans les trous sculptés au fil des ans dans la molasse. Percevoir le bruissement du vent dans les feuillages… A travers les arbres, le promeneur devine l’église de Montheron et son charmant clocher fraîchement repeint. Les deux cloches sonnent l’heure, haut dans le vallon. Il s’approche de l’église: à sa droite, des moutons noirs rêvent dans l’herbe, contemplant des adeptes de la marche nordique, avec leurs drôles de bâtons.

héron ou d’une escadrille de canards sauvages. Encore des cavaliers, accompagnés du claquement rythmé des sabots sur la route. Là-bas, des pêcheurs, leurs longues bottes dans l’eau fraîche, attendent la truite tant désirée. Sur la rive, un rêveur, ses pieds nus sur une pierre, au milieu du ruisseau. C’est l’heure de s’installer sur la terrasse de l’auberge, une boisson bien méritée devant soi.

Une calèche, avec deux chevaux noirs, le dépasse, tourne à droite et s’arrête dans l’herbe, près de la terrasse de l’auberge… A travers les fenêtres de l’église, lui parvient le son de l’orgue. Il croirait presque entendre un petit orchestre tant le scintillement des clochettes enrichit le timbre des flûtes. Un instant, il s’assied sur les blocs de molasse, à l’ombre de l’église. Presque sans bruit, des cyclistes dévalent du bois. Un groupe de coureurs et leur chien passent, le regard fixé sur la route. Des planeurs glissent au-dessus de sa tête, très haut dans le ciel, entre le vol du

L’église au bord de la rivière du Talent – photo D. Thomas. 7


Des enfants se bousculent autour de la balançoire. Des promeneurs se délassent sur les longs bancs de bois. Sous la table, deux chiens, nez contre nez, se racontent des histoires de chiens. Montheron, une impression de vacances sans fin, une étape bienvenue, un havre de paix avec sa nature, son église, son auberge. Comment ne pas évoquer ici le souvenir de Willy Chevalley, fondateur et premier président de l’AAAM et du pasteur Jean Stooss, tous deux amoureux passionnés de l’ancienne abbaye. Aujourd’hui, promenades bucoliques, activités touristiques ou artistiques, vieilles pierres, témoins du passé monacal, salle capitulaire, souvenirs du cloître et de l’église disparus, lieux de méditation et de chants sacrés, font le charme de ce lieu magique qu’il s’agit de faire vivre encore plus intensément. Pour toutes ces raisons et peut-être pour d’autres encore, nous avons participé avec joie et reconnaissance à cette publication, fruit d’une sympathique et fructueuse collaboration avec la Ville de Lausanne, plus particulièrement Monsieur Patrick Addor, secrétaire général de la Direction de la Culture, des Sports et du Patrimoine, Monsieur Christophe Amsler, architecte responsable des travaux de restauration. Que tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont contribué à cette belle réalisation soient remerciés de tout cœur. Daniel Thomas Président de l’AAAM organiste titulaire 8

L’église vue depuis le petit étang – photo D. Thomas.


ANCIENNE ABBAYE DE MONTHERON


MONTHERON, UN SITE, UNE LONGUE HISTOIRE Présenter un édifice qui a disparu, n’estce pas une gageure? Disparu? Peut-être pas tout à fait! Si, jusqu’en 1911, les historiens pouvaient retracer l’histoire du couvent de Montheron grâce à ses archives, ils ne pouvaient par contre rien dire des bâtiments disparus. Il a fallu les travaux et les premières investigations archéologiques conduits cette année-là par Otto Schmid et supervisés par Albert Naef pour faire resurgir un passé monumental ignoré. Les investigations de 1930 et de 197576, entreprises par Werner Stœkli et son équipe, puis l’analyse des façades, ont apporté d’autres éléments importants étayant les informations fournies par les textes. Il est maintenant possible de se faire une bonne idée de l’évolution du monastère pendant huit siècles et d’en suivre les multiples adaptations et reconstructions liées aux vicissitudes de la vie. Tout n’est cependant pas connu: les archives recèlent des centaines de documents non encore dépouillés et les deux tiers des vestiges n’ont toujours pas été explorés. Sous le temple actuel de 1776, une partie du site archéologique est accessible tandis que, dans le bitume devant l’édifice, des pavés mettent en évidence les traces de l’église abbatiale disparue. Dès le IIe s., le christianisme a pénétré en Europe occidentale, dans les grandes villes

où naissent les évêchés puis dans les campagnes par l’implantation du réseau des paroisses. A côté de l’église rassemblant les fidèles laïques, des chrétiens se retirent du monde pour une vie de méditation et de prière, dans la solitude (ermites ou anachorètes) ou dans de petites communautés (moines ou cénobites), nécessitant une organisation et une règle de vie. Au VIe s., saint Benoît de Nurcie1 élabore la règle qui, petit à petit, à partir du IXe s. surtout, avec saint Benoît d’Aniane2 et les Carolingiens, supplanta toutes les autres. Dès le Xe s., les monastères se regroupent pour former des ordres, adoptant la règle bénédictine, avec quelques variantes. Fondée en 910, l’abbaye de Cluny jouit très vite d’une réputation exceptionnelle et de nombreux monastères se placent sous sa juridiction. Ainsi, au XIe s., les clunisiens constituent l’ordre le plus important du monachisme occidental. Mais, prospérité et richesse entraînent peu à peu un relâchement de la règle. En 1098, Robert, abbé de Molesme (entre Troyes et Dijon) quitte son monastère pour fonder à Cîteaux en Côte d’Or, le «Nouveau Monastère», marqué par un retour à la règle plus austère des origines. Les différents articles en seront codifiés et rédigés par le successeur de Robert, Étienne Harding. En 1112, Bernard de Fontaines, avec plusieurs parents et amis, entre à Cîteaux et, dès lors, l’expansion de l’ordre cistercien est fulgurante. En un demi-siècle, l’Europe entière se couvre de maisons affiliées à Cîteaux. Chaque fois qu’une communauté devient trop importante, elle essaime et fonde une abbaye 11


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«Schwytzerörgeli», petit accordéon!) s’en vinrent décorer les «Wohnstuben» des fermes d’Appenzell, du Toggenburg ou de l’Emmental. De petits instruments, ne comportant pas plus de quatre à six jeux, accompagnant aussi bien les danses populaires du samedi soir que les pieuses réunions du dimanche matin. Si, malheureusement, une grande partie de ces instruments ont disparu, détruits et souvent vendus à l’étranger, il en subsiste encore quelques dizaines, rarement dans leur ferme d’origine, parfois dans différents musées ou même dans certaines églises et chapelles. Il est amusant de se souvenir que cette caractéristique de l’art populaire alémanique avait éveillé, dans les années 1930, la curiosité de Walt Disney, lors d’un voyage d’étude en Suisse. Elle lui aurait donné l’idée de l’orgue des Nains de Blanche-Neige, accompagnant leurs danses joyeuses ou participant à leur douleur autour du corps sans vie de leur bien-aimée princesse!

appartenu à une dame Emmi Läser dont nous ne savons rien sinon qu’elle a fait procéder à une série de transformations parfois radicales. Il y a une trentaine d’années, il a été acquis par le pasteur Stooss à une famille de Sugier. Tout au long de son siècle et demi d’existence, le petit orgue a vécu de nombreuses tribulations, non sans conséquences sur son état d’origine: usure et vieillissement du bois, plusieurs déménagements, entretien plus ou moins approximatif et transformations pas toujours heureuses (clavier de piano à la place du clavier original, nouvelle décoration peinte du buffet dans le style des années quarante, remplacement de l’ancienne soufflerie, etc.). Cependant, l’essentiel du matériel sonore (tuyaux) a été conservé, ainsi que le sommier (caisse contenant les soupapes), la mécanique et la plus grande partie du buffet.

C’est l’un de ces précieux instruments que l’Association des Amis de l’Abbaye de Montheron a reçu, en souvenir de l’un de ses membres fondateurs, le regretté pasteurorganiste Jean Stooss, trop tôt disparu, il y a dix ans déjà, en septembre 1997. Ainsi sa mémoire demeure vivante grâce à ce don magnifique.

Origine: - probablement Emmental – peut-être Sumiswald, vers 1860?

Quelle est l’histoire de notre positif? Hélas, il ne nous a pas été possible de remonter bien loin dans le temps. Par son style, il semble appartenir au type emmentalois, de la région de Sumiswald mais, à notre connaissance, il n’est ni signé ni daté (la date de 1860, peinte sur le buffet en 1942, n’est pas une certitude). Dans les années 1940, il a 94

Caractéristiques de l’orgue (restauré par Jean-François Mingot, facteur d’orgues à Lausanne):

Composition: - Bourdon 8’ (bois d’origine). - Principal 8’ (depuis le 2e do – 5 basses en bois, 3 bouchées, 2 ouvertes, le reste en métal en partie en façade – le tout ancien). - Flûte 4’ (2 octaves en bois, ancien – dessus en métal, moderne, d’origines diverses). - Superoctave 2’ (1 octave bois, le reste métal, le tout ancien). Pierre Golaz


TABLE DES MATIÈRES Avant-propos Oscar Tosato Le mot d’accueil de président de l’AAAM Daniel Thomas

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Ancienne abbaye de Montheron Montheron, un site, une longue histoire Pierre Margot – Pierre Golaz Les moines de Montheron – La Terre et l’Eau Pierre Golaz Observations archéologiques récentes Ulrike Gollnick – Werner Stöckli Temple de Montheron – Survol des interventions, XVIIIe-XXe S. Claire Huguenin Le chantier de restauration Christophe Amsler Statique Jean-François Kälin Abbaye de Montheron – Chauffage, physique du bâtiment, conservation de la pierre Fred Girardet Compte rendu de conservation-restauration de la pierre naturelle du temple de Montheron L. Schaffert Perakis Les cloches Pierre Margot – Christophe Amsler Aménagement du cimetière de Montheron Service des parcs et promenades Les intervenants

11 31 35 41 45 55 59 67 71 73 75

Les orgues de l’église de Montheron Les orgues Kuhn de 1931 Daniel Thomas Les nouvelles orgues Londe de 2006 – trois aspects du nouvel instrument Daniel Thomas L’atelier de facture d’orgues de Frasne les Meulières Denis Londe La coulée des feuilles de métal Marie Londe Physique, esthétique, intégration d’un orgue dans un volume Pierre Golaz L’orgue positif de Montheron Pierre Golaz

79 81 83 87 89 93

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Le présent ouvrage a été terminé avec zèle pour l’amour de Dieu en l’an du Seigneur 2007 durant le temps après la Pentecôte qui se prolonge jusqu’au premier dimanche de l’Avent et de Noël tout proche sur les presses de l’Atelier Grand SA imprimeurs-éditeurs au Mont-sur-Lausanne, Suisse pour le compte de la Fondation Ouverture La reliure est due aux bons soins de Schumacher SA à Schmitten, Suisse

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Intérieur de l’église restaurée – photo D. Thomas (juillet 2007)

Au terme de deux ans de travaux, l’église est à nouveau à la disposition des paroissiens et des visiteurs. Comme lors de la construction du monastère ou de ses réfections et transformations ultérieures, ce chantier a été celui d’un groupe: au service d’un projet, chacun a mis en oeuvre son savoir, ses qualités et ses compétences, a écouté l’autre et travaillé avec lui. On peut aujourd’hui admirer le résultat de cette restauration, s’en féliciter et remercier tous ceux qui s’y sont consacrés. Oscar Tosato Conseiller municipal Direction de l’enfance, de la jeunesse et de l’éducation

Découvrez cet ouvrage collectif sur l’histoire de l’église de l’ancienne Abbaye cistercienne de Montheron, les travaux de restauration de l’édifice 2004-2007 et les nouvelles orgues.


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