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Mémoire de travail : des synapses modifiées

L. Kozachkov et al., Plos Computational Biology, 2022.

Peux-tu penser à acheter du pain, du sucre et du produit de vaisselle ? Bien sûr ! Et vous voici en route pour la supérette. Il n’y a que quelques minutes pour y arriver, alors pour ne rien risquer d’oublier, vous vous répétez en boucle : « Du pain, du sucre et du produit de vaisselle… » Vous mobilisez alors votre mémoire de travail, une fonction cognitive qui permet de conserver une information à l’esprit, juste le temps nécessaire pour l’utiliser. Un serveur de restaurant, qui doit garder en tête les commandes de huit clients avant de les répéter en cuisine, est un athlète de la mémoire de travail. Mais elle nous sert en toutes circonstances, pour nous aider à penser, raisonner, réfléchir, car il faut toujours conserver au moins quelques secondes une information à l’esprit pour l’intégrer à d’autres et faire un choix. Sans elle, nous serions perdus.

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SERVEUR DE RESTAURANT : UNE SUPER MÉMOIRE !

Mais comment notre cerveau la produit-il ? Point clé : une information en mémoire de travail est « active », et non dormante. Je m’explique : lorsque vous êtes au travail, le souvenir de vos dernières vacances, lui, est le plus souvent dormant. Il n’est pas présent à votre esprit pendant que vous présentez un projet à vos collègues (ou alors, ça risque de ne pas très bien se passer). Mais le souvenir de la remarque qu’on vient de vous faire sur la diapo précédente est maintenu au premier plan de votre conscience pour vous permettre d’y répondre dès que vous aurez terminé l’explication de la diapo actuelle. C’est pourquoi les neuroscientifiques sont partis de l’hypothèse que les neurones contribuant à cette représentation étaient eux aussi actifs durant tout le processus pour que l’information soit accessible à tout moment.

À l’institut technologique du Massachusetts, Leo Kozachkov, Jean-Jacques Slotine et leurs collègues ont voulu savoir si c’était réellement le cas. Pour cela, ils ont entraîné des rats à garder une information à l’esprit (une image) pendant une seconde. À l’issue de ce délai, les rats devaient trouver l’image parmi une collection d’autres afin de recevoir une récompense. Or les neurones activés pendant la perception de l’image, localisés à l’avant du cerveau dans une zone nommée « cortex préfrontal », ne restaient pas actifs durant la seconde de maintien en mémoire de travail.

LA CLÉ : DES SYNAPSES SILENCIEUSES

La capacité de l’animal à reconnaître l’image dépendait, non pas des décharges électriques échangées par les cellules nerveuses (lesquelles décroissaient notablement), mais d’une modification de la force de leurs connexions, les fameuses synapses. La trace temporaire du souvenir de l’image (comme le souvenir des trois pizzas regina et des cinq pizzas margherita dans le cortex préfrontal du serveur) est codée par une consolidation également transitoire, à l’échelle de quelques secondes, des points de contact entre les neurones ayant participé à la perception de l’image.

Ceci contraste fortement avec l’impression qu’on a de maintenir actifs dans notre conscience les mots « pain », « sucre » et « produit de vaisselle ». En réalité, cette impression pourrait résulter de la combinaison d’un réseau anatomique silencieux de synapses renforcées et de l’échange discret de quelques décharges électriques à travers ce réseau. £

Sébastien Bohler

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