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DÉCOUVERTES Neurobiologie
AMOUR : LES LEÇONS DU CAMPAGNOL blottissant contre lui pour le réconforter. Bref, un comportement de parfait petit couple.
Ce qui a fait du campagnol des prairies un modèle fructueux pour l’étude des relations amoureuses, et des liens sociaux en général. Les chercheurs l’ont utilisé pour mieux comprendre comment ces liens se tissent, comment les premières années de la vie façonnent les relations et pourquoi nous souffrons lorsqu’elles se défont. Grâce aux progrès biomédicaux des dernières décennies, ils sont allés traquer des explications dans les profondeurs du cerveau des rongeurs, observant leurs neurones en action et examinant la façon dont les gènes s’y expriment.
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Bien sûr, les campagnols des prairies ne sont pas des humains et de nombreuses différences existent. Malgré tout, ce minuscule rongeur hirsute, un peu plus petit qu’une balle de tennis et couramment confondu avec une taupe, une souris ou un rat, nous en apprend beaucoup sur les frissons de l’amour et les douleurs de la séparation. Une histoire qui nous renseigne autant sur la façon dont la science avance que sur nos propres cœurs…
La Petite Passion Dans La Prairie
L’étude des campagnols a réellement pris son essor il y a une cinquantaine d’années. Lowell Getz, alors jeune écologue à l’université de l’Illinois, posait des pièges dans les prairies qui entrecoupaient les immenses champs de maïs de la région. Il remarqua qu’une des espèces de rongeurs qu’il capturait, le campagnol des prairies, se comportait différemment des autres : elle ne se laissait attraper que par paires mâle-femelle. Dans les années 1970, la zoologue américaine Devra Kleiman avait estimé que seuls 3 % environ des espèces de mammifères étaient monogames. Les données de Lowell Getz et ses étudiants suggéraient que le campagnol des prairies en faisait partie.
Ce n’était pas la première fois qu’une telle hypothèse était avancée, mais ce travail a attiré l’attention d’une collègue chercheuse en endocrinologie comportementale, Sue Carter. Ensemble, les deux équipes ont commencé à établir la gamme complète des comportements sociaux des campagnols, tant en laboratoire que dans la nature, et à identifier les hormones qui les soustendent. L’équipe de Sue Carter a mis au point un test comportemental simple pour évaluer la « préférence pour un partenaire » : on attache un membre d’un couple dans une petite chambre et un campagnol inconnu dans une autre, puis on introduit l’autre membre du couple et on le laisse choisir entre son partenaire et l’inconnu. Résultat : il préfère se blottir contre son compagnon. Un attachement qui dure parfois toute une vie. Pour Lowell Getz, ce comportement monogame aurait été sélectionné par l’évolution en raison de la dispersion des animaux dans leur environnement, elle-même consécutive à la distribution clairsemée de leurs ressources alimentaires dans un milieu plat et herbeux. Difficile en effet, dans ces conditions, de poursuivre plusieurs femelles, comme le font d’autres espèces de rongeurs, de sorte qu’il était plus avantageux pour les mâles de s’installer avec une partenaire et de défendre un foyer commun. Quant aux femelles, elles y gagnaient un compagnon qui les aidait à s’occuper des petits et à repousser les intrus.
Le cerveau des rongeurs aurait alors développé tout un appareillage neurochimique pour créer de puissants liens d’attachement. L’équipe de Sue Carter a découvert que l’ocytocine, une hormone connue depuis longtemps pour son rôle dans l’accouchement, la lactation et les soins maternels, est essentielle à la formation de ces liens. Une hormone apparentée, la vasopressine, est vite apparue comme un autre régulateur crucial des relations entre les campagnols des prairies.
L’ocytocine et la vasopressine sont omniprésentes dans la nature. On les a détectées chez la quasi-totalité des espèces animales examinées. Pourtant, toutes ces espèces ne sont pas monogames. Il ne suffit donc pas de produire ces hormones pour former des liens de couple. Comment et pourquoi, alors, ces substances façonnent-elles l’attachement chez les campagnols ?
Steven Phelps est directeur du Centre du cerveau, du comportement et de l’évolution à l’université du Texas à Austin, aux États-Unis.
Zoe Donaldson est chercheuse en neurosciences comportementales à l’université du Colorado-Boulder, aux États-Unis.
Dev Manoli est psychiatre et chercheur en neurosciences à l’université de Californie à San Francisco.
Peptides Et R Cepteurs
La réponse réside dans la façon dont les hormones provoquent des changements dans le cerveau. La vasopressine et l’ocytocine sont de petites protéines nommées « peptides », qui influencent les fonctions des cellules de l’organisme en se
L’importance des récepteurs
L’hormone vasopressine, un régulateur de l’attachement du campagnol des prairies, est présente chez le campagnol des champs, mais ses récepteurs sont bien plus nombreux dans le pallidum ventral du premier que dans celui du second. Lorsque des chercheurs ont introduit une copie supplémentaire du gène codant ce récepteur dans le pallidum ventral de campagnols des champs, ces derniers, habituellement solitaires et polygames, ont eu plus tendance à se blottir contre un partenaire.
Une question de récompense
Le cortex préfrontal influence le circuit cérébral de la récompense par sa connexion au noyau accumbens. Lorsqu’on l’active chez un campagnol des prairies à proximité d’un partenaire potentiel, on induit une préférence pour ce partenaire. Selon une autre étude, les neurones de la récompense dans le noyau accumbens se déclenchent juste avant qu’un individu ne s’approche d’un partenaire et le nombre de ceux qui s’activent augmente à mesure que le lien se renforce.
Mystérieuse ocytocine…
L’hormone ocytocine a longtemps été considérée comme essentielle à la formation de liens chez les campagnols des prairies et chez les humains. Mais, étonnamment, des campagnols génétiquement modifiés pour ne pas produire de récepteurs de l’ocytocine sont restés tout aussi capables de se lier à un partenaire. Il est possible que d’autres gènes ou voies neuronales compensent leur absence.