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Les patients ont besoin d’une aide au quotidien

L’acteur Bruce Willis est atteint d’une forme rare de démence à évolution rapide, la démence frontotemporale, ou DFT. Que peut-on dire de ses symptômes à ce jour ?

Un trouble progressif du langage, comme celui de l’acteur américain, signifie que des neurones meurent peu à peu dans le lobe frontal ou temporal de son cerveau. C’est caractéristique d’une DFT. En principe, ce symptôme est aussi susceptible de correspondre à une forme atypique de maladie d’Alzheimer, qui se manifeste non seulement par des problèmes de mémoire, mais aussi, parfois, par des anomalies du langage.

Comment distingue-t-on la DFT de la maladie d’Alzheimer ?

Cliniquement, la DFT existe en général en deux versions : d’une part, avec des modifications du comportement et de la personnalité et, d’autre part, avec des troubles du langage. Dans sa forme comportementale, les personnes concernées deviennent souvent impulsives et désinhibées ; par exemple, elles agissent de façon socialement inappropriée, ne respectent plus les convenances, ou perdent leur motivation, voire leurs capacités d’empathie, ce qui entraîne une indifférence affective. À cela s’ajoutent parfois des comportements stéréotypés ou compulsifs, des troubles alimentaires et des difficultés à réaliser des tâches complexes. Dans la forme langagière, les patients ont souvent du mal à trouver leurs mots, font des fautes de grammaire, voire ne comprennent plus le sens des phrases.

Mais l’expression des différents symptômes varie beaucoup d’un patient à l’autre, et des chevauchements entre les formes comportementale et langagière de la DFT sont fréquents. D’autres symptômes neurologiques apparaissent aussi, souvent dans un deuxième temps, par exemple des troubles moteurs semblables à ceux de la maladie de Parkinson, comme une rigidité musculaire et un ralentissement des mouvements, ou de la sclérose latérale amyotrophique, comme une faiblesse musculaire. En revanche, contrairement à la maladie d’Alzheimer, les troubles de la mémoire sont rares, du moins au début de la DFT. Les anomalies cognitives associées à cette démence sont plutôt des difficultés attentionnelles, de concentration, d’organisation et d’élaboration de stratégies.

Pour poser le diagnostic de DFT et exclure d’autres causes, il convient de réaliser des examens biologiques, notamment une IRM du cerveau, qui met en général en évidence une perte de tissu cérébral dans les lobes frontaux et temporaux, des analyses de sang et du liquide céphalorachidien, ainsi qu’une recherche génétique.

Pourquoi pratiquer un diagnostic génétique ?

Car chez environ 20 % des patients atteints de DFT, on est capable de mettre en évidence une cause génétique. On sait en effet que différentes mutations peuvent entraîner cette démence. Les trois gènes le plus souvent concernés sont C9orf72, GRN et MAPT [le C9orf72 code la protéine du même nom qui est présente dans de nombreuses régions du cerveau, aussi bien dans le cytoplasme des neurones qu’au niveau des synapses ; le gène GRN permet la production de granuline, une protéine impliquée dans la croissance des cellules, leur réparation et dans les processus d’inflammation ; le gène MAPT est impliqué dans la production de protéine tau, qui joue un rôle décisif dans les processus de dégénération neuronale, ndlr]. L’identification d’une anomalie génétique connue pour être responsable de la maladie chez un patient est d’autant plus pertinente que des essais thérapeutiques sont actuellement menés sur les formes génétiques de la DFT.

Quel est le risque de développer une DFT ?

Comparativement à la maladie d’Alzheimer et aux démences dues à des troubles vasculaires cérébraux, la DFT est rare, touchant probablement cent fois moins de personnes. Elle apparaît en général entre 50 et 60 ans, mais cela se produit parfois bien plus tôt ou bien plus tard. En revanche, parmi les démences à déclenchement précoce, la DFT est fréquente. Par ailleurs, les hommes et les femmes sont aussi touchés les uns que les autres.

Le diagnostic différentiel semble difficile à établir. Les erreurs de détection de la DFT sont-elles fréquentes ?

Il arrive souvent, en effet, que les personnes concernées, leur famille et même leurs médecins attribuent les premiers symptômes d’une DFT à d’autres causes, par exemple à un prétendu trouble psychique, comme une dépression. Et malheureusement, il s’écoule ensuite plusieurs années avant que le diagnostic soit posé. Il faudrait donc penser à la possibilité d’une DFT plus tôt et présenter rapidement les sujets concernés à un service spécialisé.

Quelle est l’espérance de vie des patients ?

En général, le décès survient cinq à sept ans après le début des symptômes. Mais la durée de survie varie aussi considérablement d’une personne à l’autre… Certains malades présentent une détérioration rapide de leur état, d’autres une évolution plus lente. Il n’y a pas vraiment de « règle ».

Les symptômes peuvent-ils également stagner ?

Ce ne serait pas typique d’une DFT… Cette dernière est due à la mort progressive des neurones frontaux et temporaux qui, malheureusement, ne peut pas être enrayée à l’heure actuelle. En conséquence, inexorablement, l’état des patients se dégrade à mesure de l’évolution de la pathologie, de sorte qu’ils ont de plus en plus besoin d’aide au quotidien, puis de soins.

Le mode de vie influe-t-il sur le risque de développer une DFT ?

La prédisposition génétique est déterminante pour l’apparition d’une DFT, même lorsqu’on n’arrive pas à identifier une anomalie génétique précise (car on ne connaît pas encore tous les gènes impliqués). Les causes liées au mode de vie et à l’environnement ne sont pas totalement établies aujourd’hui. Néanmoins, les facteurs de risque cardiovasculaires jouent un rôle dans l’évolution de la DFT : l’hypertension, l’obésité, les troubles de la glycémie et du métabolisme des graisses sont néfastes et devraient être réduits autant que possible chez les patients. Ce qui passe entre autres par une bonne surveillance de l’hygiène de vie.

Quels sont les traitements disponibles ?

Il n’existe pas encore de thérapies autorisées sur le marché pour éviter la maladie ni même freiner son évolution. Cependant, on teste certaines substances prometteuses dans le cadre d’essais cliniques avec des sujets présentant une forme génétique de la DFT. Ces futurs médicaments devraient empêcher l’apparition de la maladie, du moins la retarder. Il s’agit, par exemple, d’« oligonucléotides antisens »,

Les Zones C R Brales Touch Es

Dans la démence frontotemporale, ou DFT, ce sont surtout les neurones du lobe frontal, situé à l’avant du cerveau, et du lobe temporal, situé au niveau des tempes, qui meurent. Ces régions jouent un rôle majeur dans la planification des actions et le contrôle du comportement, ainsi que dans la compréhension du langage. D’où les premiers symptômes que développent les personnes atteintes de cette maladie : dans les formes comportementales, on observe des changements d’attitude et de personnalité et, dans les formes langagières, plutôt des troubles du langage, aussi appelés « aphasies ». Les dysfonctionnements de la mémoire, typiques de la démence de la maladie d’Alzheimer, apparaissent en général bien plus tard lors de l’évolution de la DFT.

DÉMENCE c’est-à-dire de molécules similaires à l’ADN qui se lient à la mutation génétique et empêchent ainsi que celle-ci ne déploie ses effets nocifs dans le neurone. On sait déjà que ce mode d’action thérapeutique est efficace dans le cas de l’amyotrophie spinale (SMA), une maladie génétique rare touchant les neurones commandant les muscles, et on espère qu’il le sera aussi dans les formes génétiques de la DFT.

Qu’est-ce qui rend la recherche de médicaments contre la DFT si difficile ?

Le problème, c’est que dès qu’une personne devient un patient diagnostiqué avec une DFT, elle a déjà perdu une grande quantité de neurones. Aucune future thérapie moléculaire, comme celle dont je viens de parler, ne permettra alors de récupérer les cellules mortes. On se doit donc de mieux comprendre l’évolution précoce de la maladie, dans la période qui précède l’apparition des premiers symptômes de démence, afin de la diagnostiquer au plus tôt. Car c’est dans cette fenêtre temporelle que l’on a une chance d’être efficace, avec les thérapies moléculaires ciblées, pour bloquer la dégénérescence des neurones qui restent.

Mieux comprendre cette phase précoce de la maladie est d’ailleurs l’objectif du Genfi, le Genetic Frontotemporal Initiative, un groupement de centres de recherche en génétique sur la DFT, auquel appartiennent l’hôpital universitaire de Tübingen ou encore l’Institut du cerveau à Paris. Les chercheurs tentent d’identifier, dans le cerveau des personnes présentant des anomalies génétiques connues de la DFT, des modifications « invisibles » pour le moment, mais qui présageraient d’une DFT, avant que le moindre symptôme ne soit décelable. Ce qui permettra de mieux concevoir les essais thérapeutiques futurs, au cours desquels on testera des médicaments capables de bloquer ces modifications cérébrales. En espérant que cela retardera la démence.

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