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Réguler ses émotions LA MÉDITATION DE PLEINE CONSCIENCE
Julie se dispute sans arrêt avec son compagnon. Un jour, elle découvre sur les réseaux sociaux qu’il drague un nombre incalculable d’autres femmes. Elle rentre excédée chez elle, en ressassant sa rancœur tout le long du trajet. « Quel enfoiré ! », « Il me prend vraiment pour une conne », « Je ne peux pas avoir la moindre confiance en lui »… Les ruminations tournent en boucle dans sa tête et obscurcissent son champ de pensée. Elle se sent de plus en plus remontée. Peu avant d’arriver, elle est prête à sauter à la gorge de son compagnon. Mais elle est bien consciente du piège que lui tendent ces ruminations de colère – elle me consultait depuis quelque temps pour ses problèmes de couple et nous en avons longuement discuté en thérapie. « Je suis trop énervée pour raisonner intelligemment, finit-elle par penser. Et puis, je le connais par cœur, avec son talent pour me faire passer pour une folle hystérique. » Elle décide alors de s’isoler et de pratiquer un exercice de méditation de pleine conscience avant toute autre action (voir ci-dessous pour un exemple d’exercice). Ce dernier consiste à se focaliser sur divers éléments du corps ou de l’environnement, ce qui détourne son attention des événements injustes et la fait sortir des ruminations. Une fois apaisée, Julie peut réfléchir sereinement à ce qu’elle va dire à son compagnon, puis lui exprimer ses besoins et ses limites de façon calme mais affirmée.
Un exercice de méditation de pleine conscience
Asseyez-vous confortablement, puis fermez les yeux. Focalisezvous sur l’air frais qui entre et sort par vos narines. Essayez de sentir son contact avec les parois de votre nez, si besoin en le visualisant mentalement. Respirez tranquillement et portez bien votre attention sur vos narines. À chaque fois qu’une pensée ou une émotion survient et vous déconnecte de ce que vous êtes en train de faire, revenez tranquillement sur votre nez. Cela surviendra très souvent, et ce n’est pas grave, c’est même absolument normal.
Au bout de quelques minutes, déplacez votre attention sur votre ventre. Placez vos mains sur lui pour bien sentir comme il se gonfle et se dégonfle sous vos vêtements au rythme de votre respiration. Restez ainsi quelques minutes et reconnectez-vous à votre ventre chaque fois que votre attention est captée par une pensée ou une émotion. À nouveau, il est normal de se déconnecter souvent. Votre objectif n’est que de vous reconnecter systématiquement.
Focalisez-vous maintenant sur le contact de vos mains l’une sur l’autre. Essayez de bien le ressentir. Vous pouvez porter votre attention sur le contact entre deux doigts, puis sur celui entre deux autres doigts une minute après, et ainsi de suite. Continuez à respirer tranquillement. Passez ensuite à vos pieds : les sentez-vous à l’intérieur de vos chaussures ? Percevez-vous de la chaleur qui se diffuse des orteils vers la plante des pieds ? Répétez l’exercice avec les muscles fessiers, puis le dos, là encore en les visualisant mentalement si cela vous aide. Prenez bien le temps de vous focaliser sur ces parties du corps et chaque fois que vos pensées et vos émotions vous attirent ailleurs, reconnectez-vous à ces sensations. Enfin, concentrez-vous sur les bruits qui émergent partout autour de vous, comme des étoiles filantes. Qu’ils viennent de devant, de derrière, de gauche ou de droite, écoutez-les tous quand ils arrivent. Comme d’habitude, revenez sur l’exercice à chaque fois que vous vous déconnectez.
Solliciter de l’aide SYNDICATS, AVOCATS…
Après le rachat de son entreprise, Josiane voit son poste se vider de sa substance au fil des mois et rumine en permanence : « On ne me donne rien à faire, je n’ai aucun dossier à traiter. Je viens le matin, j’allume mon ordinateur et je passe ma journée les bras ballants. Je ne suis même plus au courant des réunions. » Josiane va au travail la boule au ventre et commence à tomber dans un état dépressif, avec des crises d’angoisse le matin au réveil.
Dans le cas de Josiane, un travail psychologique ne résoudrait pas sa situation concrète. Je lui conseille alors de consulter un syndicat pour mettre en place une stratégie concrète. Ce dernier lui propose de se mettre en arrêt maladie le plus longtemps possible, puis de négocier une rupture conventionnelle. Son arrêt dure deux mois, qu’elle met à profit pour passer des entretiens et trouver un poste ailleurs. Son état dépressif disparaît assez rapidement, car dès que le syndicat lui a expliqué la stratégie, elle s’est sentie plus apaisée, retrouvant le sentiment de maîtriser la situation.
serait contreproductif dans toute tentative de mise au point avec l’offenseur. La tentation est grande, évidemment, lorsque nous sommes traités injustement par quelqu’un, d’aller lui crier dessus en l’accablant de reproches sous le coup de la colère. Les ruminations accroissent grandement ce risque : « Quel salaud ! », « Je vais lui dire ses quatre vérités », « Je n’en peux plus d’elle », se répète-t-on parfois en boucle. Des pensées qui ont plus de chances de déboucher sur une dispute brutale que sur une stratégie concrète pour résoudre le problème.
Ainsi, cherchez à retrouver un cerveau plus clair afin d’organiser un plan d’attaque. La méditation de pleine conscience offre une aide précieuse pour cela, notamment en « ancrant » l’attention sur divers éléments du corps ou de l’environnement, afin de la détourner de ce bouillonnement (voir l’encadré page précédente : « Réguler ses émotions »)
De nombreuses recherches ont ainsi montré que la méditation réduit la colère et les comportements agressifs. Celles qui ont été menées en 2015 par Jessica Peters et ses collègues de l’université du Kentucky confirment en outre que cet effet résulte d’une réduction des ruminations. Les chercheurs ont fait remplir une série de questionnaires à plus de 800 volontaires. Ceux-ci devaient indiquer leur degré d’accord avec des affirmations évaluant leur tendance à se montrer agressifs (« Parfois je me sens comme un baril de poudre prêt à exploser », « Je pourrais frapper une autre personne si elle me provoquait ») et à ruminer sur les injustices dont ils avaient été victimes (« Je me livre à des fantasmes de vengeance longtemps après la fin d’un conflit », « Je pense aux raisons pour lesquelles les gens me traitent mal »). En parallèle, les chercheurs évaluaient leur capacité à rester centrés sur l’instant présent, en observant ce qui se passait en eux sans rien juger. L’analyse croisée des données a révélé que cette capacité diminuait la tendance à ruminer, diminution elle-même associée à une baisse du sentiment de colère et du risque de « déraper » à travers un comportement agressif.
Il est aussi intéressant de pratiquer la méditation en dehors des périodes de crise : cela devrait vous aider à vous apaiser et à diminuer vos ruminations négatives. Plus cette pratique est fréquente, plus elle est efficace – on considère généralement qu’il faut huit semaines d’entraînement quotidien, à raison de vingt à trente minutes par jour, pour qu’elle donne sa pleine mesure. Il faut toutefois veiller à ce qu’elle ne devienne pas un palliatif qui détourne de la recherche d’une solution pragmatique.