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A R C H I O R G A N I Q U E

I N S T A N T D ’ A R T

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1. Alberto Giacometti, La Montagne (Lunghin), 1930. L’artiste dessina et peignit les montagnes du val Bregaglia, sa région natale dans les Grisons, dès sa jeunesse. On y retrouve l’influence du peintre Cézanne sur la décomposition du motif. 2. Giovanni Giacometti, Blick in das obere Albignatal im Bergell, von der Alp Ascella am Septimerpass aus gesehen, 1932, sur le Bergell et le Maloja où était installé son atelier d’été. 3. Kurt Sigrist, Schlittenzeichen (marques de luge), 1979/2011.

Évian

M I S E E N P E R S P E C T I V E

L E S G R I S O N S , T E R R I T O I R E S U I S S E Q U I FA S C I N E PA R S E S M A G N I F I Q U E S PAY S A G E S A L P I N S E T C E T I N C R O YA B L E S E N T I M E N T D E L I B E RT É , O N T I N S P I R É S I G M U N D F R E U D , T H O M A S M A N N , J E A N C O C T E A U E T. . . O L I V I E R A S S AYA S . U N E S U P E R B E E X P O S I T I O N N O U S RACONTE LA BELLE HISTOIRE D’AMOUR ENTRE LES PEINTRES, AU DÉBUT DU XX E SIÈCLE, ET LA MONTAGNE FERTILE. PA R A g nès Benoit

C ’ e s t u n e ré t ro s p e c t i v e d ’ e x c e p t i o n que nous offre le Palais Lumière dans son somptueux décor historique d’ancien établissement thermal. Les Grisons, canton helvète situé au milieu de l’arc alpin, en sont la muse géographique, depuis longtemps terre d’accueil et d’inspiration. L’accrochage retrace ainsi la féconde restitution de ces paysages à l’aube du XXe siècle à travers le regard de créateurs, en particulier celui de Giovanni Giacometti. Y sont montrés ses liens et échanges personnels, artistiques et amicaux avec Giovanni Segantini, qui fut son maître et peignit sur le même territoire, mais aussi avec deux de ses contemporains, Cuno Amiet et Ferdinand Hodler, pour lesquels cette région fut également un puissant facteur d’évolution stylistique et d’émulation créatrice. En janvier 1887, alors qu’à Paris le groupe des impressionnistes vient de faire scission, le jeune Giovanni – il a alors 18 ans – débute sa formation artistique à l’Akademie der Bildenden Künste de Munich. Il y rencontre Cuno Amiet, peintre suisse originaire de Soleure, avec qui il se lie d’amitié. Il fera ensuite découvrir sa terre natale, le Bregaglia, commune des Grisons, à son ami, lui-même proche de Ferdinand Hodler. Les Grisons accueillent à cette époque le peintre d’origine italienne Giovanni Segantini, d’abord en 1886 à Savognin, puis en 1894 à Maloja, trait d’union entre la haute vallée de l’Engadine et la vallée de Bregaglia, qui s’enfonce vers l’Italie et le lac de Côme. Giacometti, Amiet et Hodler deviendront les représentants du renouveau de la peinture helvétique au début du XXe siècle. L’exposition explore l’héritage de ce quatuor et fait le lien avec d’autres artistes, figures de l’art moderne puis de la création contemporaine, liées à ces espaces alpins, comme Alberto Giacometti – le fils de Giovanni –, Andrea Garbald, Albert Steiner, Joseph Beuys, Rémy Zaugg, Kurt Sigrist, Hannes Vo g e l , F r a n z Wa n n e r, F l o r i o Puenter et Dominik Zehnder.

L A M O N TA G N E F E R T I L E

— Du 27 février au 30 mai 2021, Palais Lumière, quai CharlesAlbert Besson, 74500 Évian. Tél. 04 50 83 15 90. palaislumiere.fr

© 1. FONDATION GIACOMETTI, PARIS, 2. STIFTUNG FÜR KUNST, KULTUR UND GESCHICHTE, WINTERTHUR, 3. COLLECTION PRIVÉE

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ESPACE NATUREL

Réalisé par l’entreprise du propriétaire en concertation avec l’architecte, l’agencement intérieur est décloisonné à la faveur de panneaux qui intègrent des rangements, y compris pour la télévision au grand écran côté salon. Des niches mettent en vitrine des objets choisis, vintage et d’aujourd’hui. Artisanat et design composent cette contemporanéité intemporelle : chaises noires « Branca » de Mattiazzi, plaid violet tricoté main « Pia » de Paulo Haubert pour Arcade Avec, lampe de sol en métal perle « Grasshopper » de Gubi... Cadrant l’ancienne ferme et la forêt, plein ouest, un puits de lumière s’ajoute aux baies pour faire éclater cette harmonie spatio-temporelle.

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oir sans être vu. Depuis la terrasse panora-V mique qui embrasse les Alpes italiennes, tellement ouverte sur la vallée de l’Isarco et la chaîne des Dolomites que les animaux de la ferme adjacente s’y invitent allègrement, la gageure laisse admiratif. «Je peux y prendre le soleil tout nu», assure Thomas Erlacher, qui a le naturel montagnard chevillé au corps. Pour se ressourcer entre deux commandes d’aménagement intérieur et autant de voyages professionnels, cet ébéniste par atavisme a jeté son dévolu sur une habitation classée, avec grange et enclos. Non content de l’avoir restaurée dans les règles de l’art, il en a épousé le mode de vie à l’ancienne, se passant de chauffage et autre luxe. Randonneur chevronné, skieur hors piste émérite, ce sacré cabri consacre aussi du temps à ses vaches, ânes, moutons, chèvres et poules. Et quand des amis lui rendent visite, c’est au son de son harmonica ou sur un air de sa guitare qu’il fait rayonner sa joie de vivre. D’emblée, il n’en a pas moins envisagé un contrepoint d’art de vivre, moderne et confortable. Quelques esquisses plus tard au fil des saisons, il s’est rendu à l’évidence : sans l’aide d’un architecte, sa vision n’aurait pas la per fection souhaitée. Ce vœu s’est concrétisé à la faveur d’un ping-pong créatif avec Pavol Mikolajcak, pendant plusieurs années. « La qualité ne peut s’obtenir qu’après des études techniques poussées, une réflexion aussi conceptuelle que contextuelle, une recherche de personnalisation en milieu urbain comme rural», renchérit le jeune Slovaque, qui a un pied dans la ville voisine de Bolzano et est multiprimé pour sa sensibilité novatrice. «L’identité d’un bâtiment résulte d’une synergie entre la fonction et les usages de celui-ci, les particularités du site, les traditions locales et l’excellence artisanale. L’attention à la lumière et aux matériaux est le gage d’une authenticité intemporelle. » Creusée dans la pente selon une orientation optimale, cette extension concertée est éclatante, d’un bout à l’autre de ses 200 mètres carrés. De plain-pied avec la prairie, bien qu’enterrée, elle offre une fluidité spatiale et décorative qui donne l’impression d’un décloisonnement entre la pièce à vivre et sa cuisine en îlot, les deux chambres et leurs salles de bains, le dressing et la buanderie. Pendant que de larges baies vitrées desservent la terrasse, deux puits de lumière complètent cet éclairage naturel jusqu’au soir. Contrastant avec les boiseries patinées de la ferme, du chêne brossé rehausse cette clarté contemporaine, à laquelle concourt du béton brut. « Même si cet espace intérieur a une allure sculpturale, sa géométrie est inspirée par le toit pignon d’antan », commente le duo. Destiné à un garage et autres sas techniques, le sous-sol renouvelle cet allerretour historique; il communique avec le corps d’habitation principale, dont le mur en pierre est rejoint par un escalier design en bois et acier. Et Thomas Erlarcher de souligner que, sous ces atours, il s’agit plutôt d’une entrée de service. « Pour venir me voir, il faut sonner au bâtiment séculaire : c’est une autre façon de l’honorer ! »

A I R S D U T E M P S

PA G E D E G A U C H E 1 . Montagnard autant qu’entrepreneur en ébénisterie, Thomas Erlacher a respecté l’esprit des lieux grâce à une épure organique audacieuse. 2 . Variation de la minéralité locale, le béton brut cohabite avec la pierre naturelle et décline son aspect texturé.

PA G E D E D R O I T E Avec la même radicalité inspirée, un escalier en métal noir fait le lien entre la nouvelle aile et le bâtiment historique ; il met en relief la déstructuration formelle, qui rompt avec le monolithe rectangulaire de la ferme.

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