rara 4/2015 français

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rara LE MAGAZINE DE PROSPECIERARA ÉDITION 4 /2015

REDÉCOUVERTE DE RACES ANCIENNES Page 5

DÉCRIRE LES VARIÉTÉS POUR LES SAUVEGARDER Page 12

DES VIRUS DANS LES SEMENCES Page 14

DES PISTES DANS LE MONDE DES SAVEURS Page 16

Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux 1


La chèvre col fauve appartient aux chèvres valaisannes. Elle se distingue génétiquement de toutes les autres races de chèvres suisses. Image: Un des plus grands élevages de chèvres col fauve vit chez Laurent Simon à Villargiroud.

MERCI ! Votre soutien nous fait avancer: Donatrice /donateur plus à CHF 120.– /an Donatrice /donateur à CHF 70.– /an Donateur couple à CHF 90.– /an Donatrice /donateur junior (jusqu’à 25 ans) à CHF 35.– /an Parrainage d’animaux entre CHF 150.– et CHF 450.– /an Parrainage d’arbres CHF 250.– /an Pour vos dons: CCP 90 -1480-3 IBAN CH29 0900 0000 9000 1480 3 BIC POFICHBEXXX

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Éditorial

Béla Bartha, directeur de ProSpecieRara

La diversité des caractères au sein d’une équipe – vous en identifierez quelques uns au fil des pages qui suivent – est indispensable pour le ­succès du travail de conservation.  Il faut de la persuasion et de la créativité pour trouver une place nouvelle dans notre monde pour nos races ­locales. Il faut de la ténacité et de la pondération ­lorsqu’il s’agit d’assurer le maintien de la diversité des haricots alors que les maladies virales mènent la vie dure aux conservateurs. Et il faut toute la curiosité et l’esprit d’entreprise du jeune cuisinier qui s’apprête, aux côtés de ProSpecieRara, à se plonger dans la variété ­infinie des légumes pour faire de nouvelles découvertes. C’est par ces traits de caractère, alliés à la capacité de collaborer de façon constructive avec une multitude de partenaires et à une profonde passion de la diversité que se distingue l’équipe de ProSpecieRara. Laissez-vous gagner par sa passion ! 3


LA CAPRA GRIGIA La Capra Grigia, ou chèvre grise des montagnes, dont la couleur de la robe s’apparente à celle du gneiss du val Calanca, a survécu de justesse dans les vallées du sud des Alpes tessinoises. Aujourd’hui, des éleveurs du nord des Alpes se sont associés aux efforts de conservation de la race. Vous trouvez les portraits des autres races dans les pages qui suivent. 4


Focus

Redécouverte de races anciennes Philippe Ammann, responsable des projets animaux

Alors que la biodiversité génétique ­diminue tant dans la nature que parmi les animaux de rente et dans les cultures, nous redécouvrons d’anciennes races caprines. Comment cela se fait-il ?

«Comment, tu as encore redécouvert une race ?» me lançait-on récemment alors que je faisais le point sur la situation de la chèvre col gris. Chèvre col gris – qu’ès aquò ? À part sur la page d’accueil de ­ProSpecieRara, cette chèvre ne figure (pour l’instant) sur aucune liste de races ! Nous étions en 2006 tombés sur les dernières chèvres col fauve, et notre attention avait, dans le cadre du même projet, été attirée sur leurs sœurs col gris-blanc et blanc pur, si bien que nous les avions également intégrées dans notre programme de conservation. Ma foi, on peut comprendre que l’allongement de notre liste des races laisse songeur l’un ou l’autre ami des caprins. Lorsque nous avions lancé le projet dédié à la chèvre col fauve, des voix critiques s’étaient fait entendre. À une époque où 5


LA CHÈVRE BOTTÉE

LA CHÈVRE PAON La chèvre paon fascine par son magnifique motif de coloration. Le terme technique en allemand pour les bandes noires qui lui passent sur les yeux est «Pfaven». C’est une coquille imputable à un journaliste qui a transformé le nom de la race, «Pfavenziege», en «Pfauenziege», chèvre paon.

toutes les races suisses passaient pour ­inventoriées et soigneusement classée ­chacune dans sa case, l’annonce de notre découverte avait de quoi surprendre. Des chèvres col noir à la robe antérieure non pas noire mais fauve, il y en avait eu des troupeaux relativement importants dans le passé. Tant l’information historique que les témoignages d’éleveurs âgés attestent que des chèvres valaisannes non pas uniquement noires devant, mais brunes, grises ou blanches, il y en avait toujours eu.

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La chèvre bottée se reconnait au jars, souvent plus foncé que le reste de son pelage, qui recouvre le sommet de son dos et son arrière-train. Selon la couleur de ses jambes, on parle de «bottes noires» ou «bottes brunes».

SI PERSONNE N’EN VEUT, IL N’Y EN AURA PLUS «Une race se reconnaît au fait qu’il y a ­suffisamment de gens pour affirmer qu’elle existe» – cette définition fait l’effet d’une boutade, mais elle n’est pas fausse pour autant. Car ce n’est que quand un nombre suffisant d’éleveurs se fixe le même but que se développe, sur plusieurs générations de chèvres, une race homogène. Ce mécanisme a fonctionné pour les chèvres col noir valaisannes. Les éleveurs étaient tout particulièrement séduits par la version ­bicolore. C’est ainsi que celle-ci obtint le statut officiel de race caprine suisse et qu’elle a été élevée de façon plus suivie. Malheureusement, dans ce domaine, ­l’inverse est également vrai: lorsque plus personne ne s’intéresse à des traits parti-


LA NERA VERZASCA L’élevage traditionnel dans la région du Val Verzasca a fait naître une race robuste, musclée, bonne grimpeuse. À la recherche des herbes de haute montagne dont elle est friande, elle n’hésite pas à s’aventurer dans des terrains escarpés à grande altitude.

Cette carte postale de 1930 montre la diversité qui régnait alors dans un troupeau caprin valaisan. Des chèvres col noir de l’ancien type avec moins longs poils côtoient des animaux plus clairs et entièrement blancs. Remarquable également – des selles sur le dos de chèvres blanches. 7


LA CHÈVRE RAYÉE DES GRISONS LA CHÈVRE D’APPENZELL Sa robe mi-longue lui confère une élégance particulière. Elle est un bel exemple d’ancrage culturel d’une race dans sa région d’origine. Dans les deux demi-cantons d’Appenzell, la tradition veut qu’un groupe de six chèvres d’Appenzell prenne la tête du troupeau lors des montées à l’alpage et des désalpes.

La chèvre rayée des Grisons est une vraie montagnarde. Les longs chemins à parcourir à la recherche de pâturages, les rudes conditions climatiques ne lui font pas peur. Elle doit son nom à son signe distinctif, les raies blanches qui ornent sa tête.

«En donnant un

nom aux races, nous leurs créons une ­identité. C’est seulement de cette façon que les gens prennent conscience de leur existence et, qu’elles ont, finalement, une chance de survie. Philippe Ammann 8

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culiers, ceux-ci se perdent. Cela a été le sort des sœurs moins chanceuses de la chèvre col noir. On ne leur a pas créé de herd-book ni reconnu d’existence officielle. Et c’est ainsi que la Chèvre col gris, la chèvre du Simplon blanc pur et la chèvre col fauve disparurent de l’élevage majoritaire et qu’il n’en subsista plus que quelques spécimens épars. Un bon nombre étaient par méconnaissance considérées comme des spécimens aux couleurs impropres et passaient à la casserole à Pâques. Lorsque nous avons, en 2013, ouvert, dans notre herd-book des chèvres valaisannes, des rubriques pour la chèvre col gris et la chèvre du Simplon, le cheptel des chèvres col fauve était passé de 28 en 2006 à 225 animaux. La chèvre col fauve s’était fait un nom, au point qu’à l’exposi-


LA CHÈVRE DU SIMPLON Dans le temps, il existait également des chèvres valaisannes entièrement blanches. C’est sans doute aussi pour cette raison que l’expression «chèvre des glaciers» est devenue synonyme pour chèvre valaisanne. Curieusement, malgré sa belle prestance, cette chèvre est longtemps tombée dans l’oubli et a failli disparaître.

UCS L’IMPORTANCE DES BO tion caprine nationale de 2013, c’était ­l’imposant bouc Laurin qui avait remporté les faveurs du public. Ce charmant succès m’a fait sourire. Non pas parce qu’une chèvre col fauve avait raflé la mise aux chèvres des races traditionnelles, mais parce qu’après sept ans de projet, il allait de soi que les chèvres col fauve participent à une exposition ­réputée en tant que race suisse. Quelques années plus tôt, cela aurait été impensable. Aujourd’hui, la chèvre col gris et la chèvre du Simplon sont encore en train de se faire une place parmi les races suisses. Ce que certains, au départ d’un projet, trouvaient outrancier – le fait que nous donnions un nom à un ensemble de caractères génétiques oubliés, les mettant en évidence et leur donnant une iden­

Le pool génique ne peut être maintenu que s’il existe suffisamment de choix parmi des reproducteurs mâles à traits génétiques différents pour limiter l’endogamie. Alois Graf (sur la photo avec son bouc col fauve Laurin) détient à Kirchberg /SG un gros groupe de boucs valaisans et soutient le projet en les prêtant aux éleveurs de sa région.

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LA CHÈVRE COL FAUVE

LA CHÈVRE COL GRIS, OU «GRÜENOCHTE GEISS» L’existence, en dialecte haut-valaisan, des expressions «Grüenochte Geiss» ou «Grüenochti» montre que la chèvre valaisanne de couleur grise a une longue histoire. Les chevreaux commencent souvent par être très clairs et deviennent peu à peu plus foncés.

tité –, est une stratégie indispensable pour la sauvegarde d’anciennes races d’animaux de rente.

TYPE OU RACE ? Les quatre variétés de couleur des chèvres valaisannes forment un groupe qui, du point de vue génétique, diffère nettement des autres races caprines suisses. Bien que les quatre soient apparentées et pourraient être considérées comme de simples variations de couleur, nous les désignons comme des races distinctes pour plusieurs raisons. D’une part, nous prenons comme référence pour l’élevage de la chèvre col fauve, de la chèvre col gris et de la Chèvre du Simplon l’ancien type caprin valaisan. Celui-ci se ­distingue du standard contemporain de la chèvre col noir par un poil plus court, plus 10

La couleur fauve a souvent été confondue avec la couleur noire des chèvres col noir dont on pensait que le soleil intense de la haute montagne l’avait décolorée. Le projet de sauvetage entamé en 2006 a amené des éleveurs partout en Suisse à se lancer dans l’élevage conservatoire de cette chèvre altière.

facile d’entretien et un changement de couleur situé plus à l’avant. D’autre part, le fait de leur donner des noms de race différents permet, en leur donnant une identité, de positionner plus clairement les différents ensembles de caractères, ce qui est précieux pour la sécurisation durable du pool génique de chaque type. Comme les effectifs sont peu nombreux, nous regroupons les variations dans le même herd-book et nous nous sommes pour l’instant entendu avec les éleveurs sur une stratégie d’accouplement qui fait l’objet d’une convention d’élevage consultable sous www.prospecierara.ch, pour faire en sorte que les couples formés appartiennent en principe à la même variété de couleur / type, tout en autorisant la formation de couples issus de types différents.


LA CHÈVRE COL NOIR DU VALAIS Dans sa version noir et blanc, elle est la plus connue et la plus fréquente des chèvres valaisannes. Cette chèvre de montagne élancée et plutôt gracile à la longue robe et aux cornes vigoureuses est devenue un sympathique emblème culturel du Valais.

PROMOTION CIBLÉE Les éleveurs ont adopté les différentes variétés de couleurs et les effectifs respectifs ont commencé à s’étoffer. Notre stratégie de conservation est conçue de façon à laisser se développer des races autonomes de façon à ce que le patrimoine génétique ancien, avec la diversité de ses caractères, que ce soit l’apparence ou d’autres traits en partie encore inconnus, soit conservé pour les générations futures. www.prospecierara.ch/fr/animaux

ProSpecieRara intervient en cas de nécessité, p. ex. dans le cas des chèvres. Nous mettons en contact les derniers éleveurs, enregistrons leurs animaux dans les herd-books, coordonnons l’élevage conservatoire et encourageons la constitution d’associations des éleveurs d’une race. Nous les aidons dans la recherche de nouveaux éleveurs, facilitons l’entremise animale et transmettons des informations spécialisées aux ­experts et aux détenteurs d’animaux. Nous décernons le label de ­qualité et favorisons la commercialisation des produits issus de races rares.

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Fruits

Décrire les variétés pour les sauvegarder Christoph Köhler, Responsable de projets fruitiers

La conservation des variétés fruitières ne rime pas seulement avec la plantation d’arbres mais aussi avec la description des propriétés de chaque variété. Premièrement, pour mieux cibler le travail de conservation, mais également pour protéger les variétés contre une appropriation par des tiers. ProSpecieRara conduit depuis plusieurs années un projet de description de variétés fruitières dans le cadre du Plan d’action national pour la conservation des ressources phytogénétiques (PAN-RPGAA). Christoph Köhler, collaborateur du bureau Suisse romand, est responsable de ce projet. L’automne est une période intensive en travail car la majorité des fruits sont mûrs à ce moment. Plusieurs étapes sont nécessaires pour que les variétés puissent être intégrées avec texte et image dans la base de données nationale et que les informations soient libre d’accès. Alors que Frits Brunner, expert arbres fruitiers chez ProSpecieRara, est responsable de la description des variétés, je m’occupe de la prise des photos et de la coordination. Les étapes suivantes se trouvent sur ma liste des choses à faire:

RÉCOLTE DES FRUITS INCONNUS DANS LES COLLECTIONS Je récolte environ 100 variétés dans les ­collections d’introduction de Baden-Münzlis­ hausen /AG et Büron /LU* qui hébergent ­encore beaucoup de variétés inconnues. À l’aide d’un plan de collection très précis sur lequel sont détaillés tous les arbres, je récolte environ six fruits mûrs par variété et pour bien les séparer je les mets dans des sacs en plastiques préalablement ­étiquetés. On ne connaît pas grand chose

Les fruits sont ­photographiés et présentés selon des directives bien précises.

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sur la plupart des variétés non identifiées. Grâce à la grande expérience des exploitants des colletions, Meinrad Suter et Christain Steiger, je peux récolter la majorité des ­variétés à la bonne période.

PHOTOGRAPHIE DES VARIÉTÉS Les fruits doivent être photographiés dans une orientation bien définie (le dessus, le dessous, le côté et l’intérieur) afin de pouvoir par la suite comparer les photos entre elles. Trépied, appareil reflex, flash et support pour poser les fruits; un mini studio photo est installé. Il ne reste plus qu’à enchaîner les photos des différentes variétés tout en restant vigilant à bien les immor­ taliser avec leurs numéros de variété associés et une échelle de référence afin de se rendre compte de la grandeur du fruit.

RETOUCHES ET INTRODUCTION DANS LES BASES DE DONNÉES De retour au bureau, le travail sur l’ordinateur commence. Les différentes orientations par variété sont découpées numériquement à l’aide d’un programme de retouche photographique et réunies sur une seule photo avec fond homogène. Ici aussi, l’échelle de référence et les informations importantes de la variété sont intégrées à l’image finale. Lorsque la composition est établie, je l’importe à la variété correspondante dans la base de donnée nationale, mais également dans notre base de données interne.

DOCUMENTER POUR CONSERVER Les descriptions permettent de dépister les variétés identiques, qui étaient préalablement considérées comme origine unique, afin de les considérer dans une future conser­ vation comme une seule variété. De plus, les arbres présents dans les collections servent également de matériel de base pour la multiplication. Des rameaux greffons y sont prélevés afin de créer des arbres de la même variété. Il est donc évident qu’il est primordial de connaître le nom de variété

Les variétés souvent encore non identifiées sont plantées dans les collections d’introduction sous forme de basse-tige. Christoph Köhler récolte ici les fruits pour la description photographique.

de chaque arbre. La description du plus grand nombre de paramètres possible est également importante pour protéger la ­variété. En théorie, une entreprise pourrait en effet découvrir un paramètre dans une variété dite «public» et le soumettre à ­l’obtention d’un brevet. Ainsi, toutes les ­variétés qui contiendraient ce brevet ne ­seraient plus à disposition de tous (voir rara 3 /2015). Si nous avons en amont ­découvert cette caractéristique et l’avons consignée, l’entreprise n’est plus consi­ dérée comme découvreur de cette caractéristique et ne peux pas la faire breveter. *  Les deux collections d’introduction sont soutenues dans le cadre du PAN-RPGAA par l’Office fédéral de l’agriculture et font partie de la banque de gènes nationale de la Suisse.

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Plantes de jardin et de plein champs

Des virus dans les semences Philipp Holzherr, responsable des projets plantes de jardin et de plein champ

Il est bien connu que les maladies des plantes peuvent être transmises via les semences. C’est un fait à considérer également dans la conservation des variétés. Dans les jardins privés de nos cultivateurs de variétés, les plantes atteintes sont parfois difficiles à identifier. Or lorsqu’un semencier comme Sativa Rheinau procède à une comparaison de cultures, on se rend compte de l’urgence qu’il y a à assainir certaines variétés. Ce qu’Amadeus Zschunke, directeur de ­Sativa Rheinau, nous dit a de quoi nous alarmer: «Concernant les maladies virales, j’ai malheureusement de mauvaises nouvelles. Parmi vos haricots, ’Jacob’s Cattle’ est très fortement atteint, ’À écosser brun d’Italie’, fortement atteint, ’Kievit’ – moyennement atteint, …». Sur dix variétés testées, aucune n’était complètement exempte de virose. Les virus sont omniprésents dans le règne végétal, ils sont transmis par des ravageurs piqueurs-suceurs comme les pucerons. Ces maladies peuvent avoir un impact

massif sur la croissance, l’apparence et surtout le rendement – sans pour autant ­affecter la santé humaine. Dans le cas des haricots et d’autres légumineuses, les virus sont transmis via les graines. Si la ­semence est atteinte, l’agriculteur a des ­raisons de craindre que l’ensemble de sa culture puisse être infectée.

QUELLES SOLUTIONS ? L’équipe ProSpecieRara s’est attelée à la recherche de solutions. Il y a eu dès 2005 un projet fédéral dans le cadre duquel cer-

Denise Altenbach de Bioreba explique à Philipp Holzherr comment examiner la présence de virus sur une feuille de haricot. 14


taines variétés ont été soumises à un ­dépistage et les plantes atteintes ont été assainies, ou en d’autres termes, guéries. Le rapport du projet renseigne sur l’examen visuel et sur la méthode de laboratoire ­utilisés pour rechercher la présence de virus sur une plante, de façon à pouvoir ­ensuite utiliser les plantes identifiées comme exemptes de virose à des fins de multiplication. Pour que l’assainissement réussisse, il faut qu’il reste au moins quelques graines exemptes de virus dans la semence exa­ minée. Amadeus Zschunke suppose que toutes les variétés ne sont pas également exposées: «Il existe des variétés où la contamination ne prend de l’ampleur que lors de la culture en plein champ, et d’autres qui sont massivement atteintes dès le départ.» On peut donc espérer que la recherche de plants sains permettra d’assainir certaines variétés, mais la vérification doit être conduite systématiquement. Nous nous rendons donc auprès du laboratoire Bioreba SA à Reinach BL. Denise ­Altenbach, directrice scientifique, nous fait visiter son lieu de travail et nous explique les méthodes d’analyse: «Pour le dépistage des virus du haricot, il faut 1 g d’une feuille fraîche. Il est plus facile d’analyser une feuille qu’une semence, et la méthode permet d’analyser des plantes spécifiques.» Génial, c’est juste ce qu’il nous faut !

QUI PAIE ? Une analyse de laboratoire coûte de l’argent. Mais qu’en est-il des frais encourus dans la serre ou en plein champ ? Imaginons le scénario suivant: Nous pourrions cultiver cent plantes par variété, et rechercher dix plants libres de symptômes indiquant la présence de virus et les faire analyser au laboratoire. Puis nous transplantons en plein champ ces plants, nous les protégeons des pucerons, dans le but de récolter un stock semencier. Cela n’est pas aussi

simple qu’il n’y paraît. Il faut une infrastructure, des connaissances spécialisées, un ­financement. De plus, la séminothèque de ProSpecieRara comprend quelque 150 variétés de haricots à analyser. Et la grande question: comment faire pour qu’à l’avenir, les variétés assainies puissent être main­ tenues exemptes de virose ? Trouver la ­réponse à ces questions, trouver des partenaires et des sponsors pour assainir les variétés, ce sont les objectifs que nous nous sommes fixés pour les mois à venir. www.prospecierara.ch/fr/projets/assainir-varietes

TS DES HARICOTS ATTEIN JARDIN ? ! ON M D’UN VIRUS DANS

Si les feuilles de vos haricots présentent des colorations inhabituelles (cf. photo), ou si leurs gousses sont déformées, cela peut être le signe d’une atteinte virale. Une observation précise et l’élimination des plants atteints contribue à restreindre la propagation de l’infection. Une plantation plus espacée facilite l’obser­ vation et l’arrachage des plants atteints. Si vous plantez des haricots verts, il est conseillé de ne laisser grimper qu’un plant par tuteur. Veillez si possible à ne recueillir les graines que vous avez l’intention de planter qu’à partir de plantes saines. Pour lutter contre la transmission par des insectes, vous pouvez aussi faire pousser vos haricots sous des filets anti-insectes.

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Art culinaire

Des pistes dans le monde des saveurs Entretien conduit par Nicole Egloff

Dans le domaine culinaire également, le potentiel des variétés anciennes est ­immense – mais il faut commencer par l’explorer. À l’occasion de l’examen des ­variétés au siège de ProSpecieRara, le chef Tobias Zihlmann goûte plusieurs variétés de légumes, les compare, et s’emploie à leur ouvrir les portes des restaurants.

D’OÙ TE VIENT CETTE ­FASCINATION POUR LES ­VARIÉTÉS ANCIENNES  ? Tobias Zihlmann: En 2012 et en 2013, j’ai eu l’occasion de faire des stages dans deux restaurants scandinaves renommés (Matsalen, Stockholm et Maaemo, Oslo). On y était extrêmement attentif à la provenance et à la qualité des produits. J’ai été impressionné et convaincu. Depuis, cela me dérange que dans les commerces, on ne trouve que «du concombre», peu importe la variété; au mieux, il y a la distinction entre le concombre long à salade et le Nostrano à la peau bosselée. Il en est de même pour les autres légumes, alors qu’il existe tant de variantes qui ont toutes leurs avantages particuliers. Je trouve dommage qu’on en tire si peu parti en cuisine. C’est pourquoi j’ai décidé de m’intéresser davantage aux propriétés des différentes variétés de légumes. Du coup, ProSpecieRara était un partenaire tout indiqué.

COMMENT LA COLLABORATION S’EST-ELLE ÉTABLIE ? Depuis 2013, ProSpecieRara a la possi­ bilité, avec les jardins Merian, de soumettre les variétés à un examen plus approfondi *. 16

On s’y intéresse aussi aux propriétés culinaires des variétés anciennes. C’est un ­travail de fond particulièrement précieux pour la restauration. C’est par l’entremise du grand chef Tanja Grandits, qui a assisté aux débuts du projet, et que j’ai connue pendant ma formation, que j’ai été associé à l’équipe de l’étude. Je suis désormais responsable pour les tests culinaires. Certes cela n’est pas très rémunérateur, mais les expériences que je peux accumuler ici valent de l’or, d’autant que je suis en train de monter ma propre entreprise en tant que consultant pour des restaurateurs conscients de la qualité, tout en ayant l’intention de ­développer mes propres produits. Et puis je voudrais rapprocher restaurateurs et agriculteurs et les amener à mieux se comprendre.

COMMENT PROCÈDES-TU ? Je définis avec ProSpecieRara quelles variétés doivent être testées. Ces variétés sont alors mises en culture dans un jardin ProSpecieRara. Dès qu’elles sont mûres, je procède à une dégustation avec quelques collaborateurs de la Fondation, à l’état cru, cuit à l’étuvée et rôti – bien entendu sans épices. Ensuite nous remplissons tous un questionnaire portant sur le goût, l’aspect,


la consistance etc., mais également sur le potentiel commercial: la variété convientelle mieux pour la vente directe à la ferme, pour le commerce de détail ou pour la ­restauration ? Je dépouille les questionnaires et j’en tire des recommandations. Avec les conclusions agronomiques auxquels ont abouti les spécialistes pendant la culture, cela donne une assez bonne idée des possibilités de commercialisation des différentes variétés. Par ailleurs, j’essaie d’intéresser mes collègues dans la restauration à ces nouvelles découvertes. Cependant la disponibilité à grande échelle des variétés anciennes reste encore un obstacle.

AS-TU FAIT DES DÉCOUVERTES ? Il y a par exemple eu la dégustation des ­fenouils. La variété ’Bolognaise’ avait un fort goût de pastis, d’anis, et bien sûr

de fenouil. Comme elle est très fibreuse, on ne va pas l’apprêter comme du fenouil normal. Mais on peut l’utiliser comme condiment ou comme jus, pour mettre en valeur des fenouils plus tendres à l’arome moins marqué. Cela montre qu’on n’a ­souvent pas besoin de grandes connaissances préalables pour tirer parti des ­variétés anciennes, c’est plutôt une question de créativité.

*  ProSpecieRara met en culture les variétés candidates pour la conservation pour se faire une première idée de leurs caractéristiques. Les résultats seront pris en compte dans la décision de savoir si une variété sera intégrée dans le programme de conservation.

Tobias Zihlmann et Mira Langegger, notre bibliothécaire de semences, goûtent différentes variétés de choux pour détecter leurs propriétés culinaires cachées. 17


Chronique

Astuces

La Suisse est riche de trésors Georges Wenger, Chef jurassien Impressionnant de diversité et d’originalité est le catalogue des produits et les prestations ProSpecieRara, un véritable inventaire du patrimoine gastronomique suisse. Il reste cependant largement inexploité. Nous n’avons pas su transmettre ni identifier ce que ces valeurs régionales symbolisaient à l’identité de la Suisse et ce que notre pays aurait à gagner en reconnaissance qualitative en les faisant partager à nos ­visiteurs. Les filières d’approvisionnement des consommateurs citadins n’existent plus à la hauteur du défi posé à notre agricul­ ture. Il faudra bien les reconstituer tous ­ensemble pour que vive la qualité de ­l’artisanat. La restauration et l’hôtellerie peuvent ici jouer un grand rôle en se faisant les ­ambassadeurs de nos meilleures productions et reconstituant cette ancienne ­association qui va du producteur au transformateur pour retrouver les faveurs du consommateur, qui lassé de la mondialisation ne demande pas mieux que de redécouvrir l’originalité de nos terroirs. Les vins Suisses nous donnent un excellent exemple de la marche à suivre … Les productions régionales ne sont pas des produits de niche comme on les considère trop souvent, mais une part largement inexploitée de notre économie d’exportation, symbole de la qualité helvétique. 18

L’APPLICATION DES E ANIMAUX DE LA FERM Les animaux Pro­ SpecieRara dans votre poche ou votre salon ! En effet, l’application VideoFarm ! les présente dans une ferme joliment illustrée, avec des films animaliers intégrés pour les enfants dès 18 mois. Un divertissement instructif qui leur propose de nourrir la poule huppée, de s’amuser avec des chiots bouviers appen­ zellois ou de rassembler correctement les chèvres ProSpecieRara. VideoFarm ! pour iOS est gratuit jusqu’à la mi-décembre, puis téléchargeable pour CHF 3.– dans l’App Store (le menu de l’appli­ cation, très simple, est en allemand, mais l’application elle-même est sans parole).

NOËL UN PARRAINAGE POUR

Un mouton vivant n’aurait pas sa place sous le sapin de Noël. Un parrainage beaucoup plus. Choisissez la race appropriée pour vos proches, nous nous occupons de trouver l’animal filleul qui attend leur visite. La contribution de CHF 150.– à 450.– profite aux projets de conservation. Un cadeau durable pour petits et grands. Téléphone 061 545 99 11 ou www.prospecierara.ch/fr/parrainages


IMPRESSUM Le magazine «rara» paraît quatre fois par an en français, en italien et en allemand. Éditeur: Fondation ProSpecieRara, Bâle, Suisse Rédaction: Denise Gautier, Nicole Egloff, Anna Kornicker Textes: Béla Bartha, Philippe Ammann, Christoph Köhler, Philipp Holzherr, Nicole Egloff, Georges Wenger Traduction: Irène Kruse Photos: ProSpecieRara Layout: Reaktor AG, Kommunikationsagentur ASW, Aarau Impression: SuterKeller Druck AG, Oberentfelden Papier: Cocoon 100 % Recycling 90 g /m2 Tirage: 8000 expl. en français, 30 000 expl. en allemand, 1200 expl. en italien Féminin / masculin: Pour plus de lisibilité, nous renonçons à mettre les désignations au masculin ET au féminin. Que nous options pour l’un ou pour l’autre, il va de soi que le terme recouvre à chaque fois les deux genres.

COMMANDER LE RARA Notre magazine vous plaît ? Si vous ne l’avez pas encore reçu, nous serons ravis de vous le faire ­parvenir à l’avenir. Contactez-nous pour un abonnement gratuit à l’essai. info@prospecierara.ch, Téléphone 022 418 52 25

MISE AU POINT Dans l’article «Qui décide de ce qui arrive dans nos assiettes ?» du magazine rara 3 /2015 on pourrait avoir l’impression que l’entreprise Plan SAS, propriétaire de l’entreprise Samen Mauser, est un groupe agrochimique. La société Samen Mauser note qu’elle est une entreprise purement commerciale.

FONDATION PROSPECIERARA Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux. ProSpecieRara Suisse romande c/o Conservatoire et Jardin botaniques de Genève Case postale 60 1292 Chambésy Suisse Téléphone +41 22 418 52 25 Fax +41 22 418 51 01 romandie@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

ProSpecieRara Direction Unter Brüglingen 6 4052 Basel Schweiz Telefon +41 61 545 99 11 Fax +41 61 545 99 12 info@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

ProSpecieRara Svizzera italiana Via al Ticino 6592 S. Antonino Svizzera Telefono +41 91 858 03 58 Fax +41 91 858 03 03 vocedelsud@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

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Des paroles aux actes n° 138

Nous faisons aussi de la généalogie et redécouvrons des espèces anciennes. Les variétés traditionnelles de légumes connaissent en ce moment une renaissance, à laquelle nous contribuons largement. En effet, depuis 1999, nous soutenons la fondation ProSpecieRara dans son travail de préservation de la diversité des espèces végétales et animales. C’est pour cette raison que vous trouvez dans nos rayons plus de 120 articles portant le label ProSpecieRara, une garantie de notre engagement mais aussi d’un goût inégalable.

Pour tout savoir sur l’engagement de Coop en faveur du développement durable, rendez-vous sur des-paroles-aux-actes.ch

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