rara 3 2016 français

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rara LE MAGAZINE DE PROSPECIERARA ÉDITION 3 /2016

LE TESSIN BRILLE PAR LA BIODIVERSITÉ DE SES CÉPAGES Page 5

ADDITIONNER TANTES ET COUSINS : LA PRÉSENCE GÉNÉTIQUE Page 10

SÉLECTIONNER POUR QUE RIEN NE CHANGE (OU PRESQUE) Page 12

IL N’EST JAMAIS TROP TÔT POUR BIEN FAIRE ! Page 16

Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux 1


’Rosenkranztraube’, ’Martinenga’, ’Taylor’, ’Bondoletta’ et ’Merlot Grigio’ (dans le sens des aiguilles d’une montre, en commençant par le jaune en haut à droite) – cinq variétés cultivées dans la collection ProSpecieRara de cépages de Minusio.

MERCI ! Votre soutien nous fait avancer : Donatrice /donateur plus à CHF 120.– /an Donatrice /donateur à CHF 70.– /an Donateur couple à CHF 90.– /an Donatrice /donateur junior ( jusqu’à 25 ans) à CHF 35.– /an Parrainage d’animaux entre CHF 150.– et CHF 450.– /an Parrainage d’arbres CHF 250.– /an Pour vos dons : CCP 90 -1480-3 IBAN CH29 0900 0000 9000 1480 3 BIC POFICHBEXXX

Faire un don en ligne Vous pouvez également faire un don par carte de crédit ou PostFinance Card. L’établissement d’ordres permanents est aussi possible en ligne.

Die Organisation ProSpecieRara

ist seit 1997 ZEWO-zertifiziert. www.prospecierara.ch/fr/don

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Éditorial

Philippe Ammann, directeur adjoint

Que serait ProSpecieRara sans vous ! Chère lectrice, cher lecteur sensibles à l’attrait de ce qui est rare et spécial, vous qui vous mobilisez, qui ­donnez un coup de main quand cela commence à sentir le roussi, quand d’anciennes races et variétés manquent de disparaître, vous êtes le moteur de notre action ! Du côté des cultivateurs et des détenteurs d’animaux, ceux qui s’engagent dans notre réseau sont exactement sur la même longueur d’onde. Prenez le vigneron Stefano Haldemann et notre collaboratrice Sabine Lanfranchi : sans eux deux, à coup sûr de nombreuses variétés de cépages tessinois auraient disparu à jamais. Et comme c’est une joie toute particulière de voir que la relève est assurée parmi nos actifs, dans ce numéro de rara, une fois n’est pas coutume, la parole est à la jeunesse. Notre mission est de favoriser et de faire converger les énergies et les savoirs. Lorsqu’en résultat, nous voyons une multitude d’initiatives individuelles s’unir en une grande communauté œuvrant pour la cause commune de la biodiversité, cela est extrêmement motivant. Merci à vous tous de la rejoindre en apportant votre soutien. 3


Gertrud Burger et Stefano Haldemann dans la collection ProSpecieRara de cépages de Minusio où poussent quelques 70 variétés rares. 4


Focus

Le Tessin brille par la biodiversité de ses cépages Gertrud Burger, responsable du secteur des végétaux

Grâce à l’engagement de ProSpecieRara et de ses collaborateurs, le Tessin, depuis les années 1990, est devenu un exemple pour la biodiversité de ses cépages. Ce patrimoine irremplaçable de plantes cultivées parmi les plus anciennes que nous connaissions devrait être rendu plus accessible à tous. Une visite au Tessin m’a fait découvrir des variétés rares tenues pour disparues et qui peuvent être passionnantes – même pour votre jardin !

15 000 hectares de culture en Suisse pour le raisin, c’est à peu près quatre fois autant que pour les pommes. 70 % de cette surface sont dévolus aux quatre variétés les plus ­répandues : ’Pinot’, ’Chasselas’, ’Gamay’ et ’Merlot’. 196 variétés se partagent les 30 % 5


’ROSSARA TRENTINA’

L ’AMERICANA ROSA PRECOCE’ Cette variété est un type précoce du groupe de variétés américaines ’Isabella’. Selon l’analyse de génétique moléculaire effectuée, cette variété est unique. Elle a juste un petit goût foxé 1 et séduit par sa magnifique couleur rose foncé. Un raisin de table attrayant pour le jardin familial.

’Martinenca’, ’Botascera’, ’Montorfona di Lumino’ … De nombreuses dénominations renvoient à l’endroit où une variété s’était répandue dans le passé. La description des plants correspondants, doublée d’une analyse de génétique moléculaire, a montré que tous correspondaient à la variété ’Rossara Trentina’, un cépage italien. Autour de 1900, ce cépage était dominant dans les vins du Mendrisiotto. De maturation tardive, il est vigoureux et fertile. La variété descend du cépage européen Vitis vinifera.

restants. Les variétés significatives pour le patrimoine culturel suisse n’en occupent qu’une petite partie.

« La ’Bondoletta’ est une

très ancienne variété

­tessinoise à jus qui n’est pratiquement plus cultivée. Avec mes 200 pieds, j’ai certainement l’un des vignobles de ’Bondoletta’ les plus étendus

»

au monde.

Stefano Haldemann, expert en cépages 6

À LA RECHERCHE D’ANCIENNES VARIÉTÉS SURVIVANT DANS LES VIEUX VIGNOBLES Dès la fin des années 1990, la responsable de l’antenne ProSpecieRara au Tessin, Sabine Lanfranchi, s’était mise à la recherche de variétés rares en Suisse méridionale. Dans des vignobles abandonnés, gagnés par la forêt, poussaient de vieux ceps de vigne qui ont survécu en grimpant tels des lianes aux troncs des arbres. Sabine a recueilli des pousses d’un an de ces ceps afin de les multiplier. Stefano Haldemann, viticulteur et expert en cépages (voir encadré p. 8 ) a accueilli ces jeunes plants dans son ­vignoble près de Minusio. C’est ainsi que ProSpecieRara a pris sous son aile des ­variétés telles qu’ ’Americana rosa precoce’, ’Rossara Trentina’ ou ’Madera di Cama’. Stefano de son côté est tombé sur d’autres ceps de variétés passionnantes, parmi lesquelles des clones 2 de ’Bondola’


Prise la main dans le sac ! Manuela Ghezzi en train de goûter le ’Moscato di Tenero’ particulièrement savoureux. Redécouverte par Stefano Haldemann, cette variété pousse désormais dans la collection de cépages entretenue par l’Azienda agraria cantonale de Mezzana.

et ’Bondoletta’. Avant que le ’Merlot’ ne s’impose au Tessin, c’est avec ces cépages qu’étaient produits les vins tessinois.

UNE VISITE AUPRÈS DU DÉTECTIVE DES CÉPAGES Fin août, époque où les premiers raisins de table arrivent à maturité au Tessin, j’ai mis le cap sur le sud. J’avais rendez-vous avec Stefano et avec notre autre collaboratrice tessinoise, Manuela Ghezzi, directement dans le vignoble près de Minusio. Sur les ceps de Stefano prospèrent actuellement douze clones de ’Bondola’ et huit de ’Bondoletta’. Ils sont en bonne compagnie : 800 autres pieds de vigne porteurs de 70 variétés rares poussent dans ce vignoble. 50 de ces vieux cépages tessinois constituent ce qu’on appelle une collection d’introduction, au bénéfice du soutien du PAN-RPGAA 3. C’est le principe de cette collection qui m’intéresse plus particulièrement ici. Les plants cultivés dans ce cadre n’avaient pas encore pu être attribués à une variété au moment de leur mise en culture. Stefano a donc entrepris de les

­décrire selon une méthode standardisée. En complément, il fait effectuer des analyses de génétique moléculaire qui aident à attribuer une plante à une variété connue ou à attester son unicité. Lorsqu’on a affaire à une variété inconnue ou mal connue, les tests se poursuivent et des essais de vinification sont l’occasion d’explorer la qualité du raisin. Alors que Stefano évoque ses ­découvertes avec la modestie qui est la sienne, je me félicite une fois de plus d’avoir à nos côtés un expert aussi compétent, prêt à s’engager dans ce travail de longue haleine de façon aussi consciencieuse et passionnée.

RÉSOUDRE LES PROBLÈMES EN RÉSEAU Évidemment, rien ne va jamais tout seul, et il y a bien quelques problèmes à discuter. Il s’est par exemple avéré que Stefano avait planté un cep de vigne qu’il prenait pour un ’Schwarzer Erlenbacher’, or ce n’en était finalement pas un. Heureusement, juste à côté, il en pousse un de la bonne variété, si bien qu’il y a de nouveau moyen de com­

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pléter la collection. Et que faire dans le cas du ’Cortese’ qui présente régulièrement de légères atteintes de phylloxéra ? Nous n’avons pas de réponse toute faite sur place, mais j’en ferai état, ainsi que des nouveaux acquis, lors de la prochaine réunion du groupe de travail Vigne de l’Office fédéral de l’agriculture, où les différents acteurs concernés se retrouvent périodiquement pour des échanges d’information.

Photo: Ti-Press

STEFANO HALDEMANN

Viticulteur passionné et expert en cépages, il soigne 17 vignobles sis sur le pourtour du lac Majeur, d’une surface totale de près de 5 hectares. Fin connaisseur des variétés anciennes, il est toujours à l’affût de variétés rares. Il ne suffit pas de cultiver la vigne. Chaque variété de raisin récolté est vinifiée séparément afin de faire ressortir son caractère propre. Ces micro-vinifications sur la base de quelques litres sont une affaire très délicate, car plus la quantité est ­petite, plus il y a un risque de déviation organoleptique qui rend le vin imbuvable. Une fois les variétés testées, Stefano produit dans les années qui suivent un vin à partir de cépages rares de sa ­collection qu’il a intitulé « Le chicche rare » et qu’il commercialise sous le label ­ProSpecieRara. Ses vins peuvent être commandés sous ­haldemann.vini@bluewin.ch ou au 079 488 01 37.

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REGROUPEMENT DU ­PATRIMOINE CULTURAL SUISSE De Minusio, nous repartons, toujours direction sud, pour Balerna-Mezzana. C’est là que se trouve notre deuxième collection importante de cépages où prospéreront bientôt l’intégralité des 142 cépages ayant à un moment ou un autre joué un rôle significatif en Suisse. Cette collection primaire est entretenue par l’École cantonale d’agriculture et a également été aménagée dans le cadre du projet fédéral PAN-RPGAA. D’autres collections de ce type existent dans le jardin conservatoire de Frümsen / SG, sur la presqu’île de l’Au / ZH et chez ­Agroscope à Pully / VD. On ne trouve donc pas seulement ici les variétés tessinoises, mais également d’autres variétés rares suisses comme l’un des plus anciens cépages valaisans, l’ ’Humagne blanc’, ou la variété ’Räuschling Rot’ qui remonte au Moyen-Âge et dont le nom évocateur signifie ivrogne rouge en allemand. C’est également ici que prospère le ’Moscato di Tenero’, une variété identifiée par Stefano à la fin des années 1980 et que je me réjouissais beaucoup de découvrir. Ce raisin aux petits grains ­violets bien croquants a un intense goût de muscat. Tout curieux de les goûter, nous cueillons quelques grains et savourons leur merveilleux arôme … nous avons de la chance, car pour un peu, la variété disparaissait pour toujours.

CÉPAGES RARES – À QUAND DANS VOTRE JARDIN ? La variété ’Moscato di Tenero’ est sauve pour l’instant, mais nous aimerions qu’elle devienne accessible pour tous. Car la conservation va toujours de pair avec la ­valorisation. Sans cela, impossible de ­maintenir en vie le savoir-faire traditionnel concernant la culture et la valorisation de la variété. Les contraintes réglementaires adoptées en matière de mise en ­circulation en grande quantité de matériel


de multiplication dans le but d’endiguer les maladies n’épargnent malheureusement pas la mise en circulation de petites quantités destinées à un usage privé. C’est ainsi qu’il est actuellement très difficile de se procurer légalement des plants de ces varié­ tés rares. C’est pourquoi ProSpecieRara ­entreprend de rechercher des moyens légaux afin de proposer ces plants à la vente. Nous puiserons dans ces variétés rares pour composer un assortiment de variétés robustes adaptées au jardin familial, ainsi que de variétés spécifiquement destinées à la viticulture. Peut-être pourrezvous à votre tour bientôt croquer les délicieux grains doux de ’Moscato di Tenero’.

1G oût foxé du vin Goût spécial évoquant le renard provenant des raisins sauvages américains. En viticulture, on évite les variétés à ton foxé prononcé. Le terme suisse-alémanique est « Chatzeseicherli ». 2 c lone, clone de cépage Les cépages peuvent subir des ­mutations conditionnées par ­l’environnement (mutations spontanées). Certains ceps de vigne dans un collectif homogène se ­retrouvent ainsi porteurs d’autres propriétés ; ils sont par exemple plus robustes ou encore ont un meilleur rendement que leurs ­voisins. Ces spécimens sont qualifiés de clones d’un cépage. 3 PAN-RPGAA Plan d’action national pour la conservation et l’utilisation durable des ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture. En adhérant en 1992 à la Convention sur la biodiversité, la Suisse s’était entre autres choses engagée à garantir la survie d’anciens cépages en mettant en œuvre un plan d’action national (PAN). Les collections mentionnées bénéficient du soutien de l’Office fédéral de l’agriculture.

La ’Rosenkranztraube’ ( le terme allemand signifie raisin du rosaire) que Gertrud arbore fièrement doit son nom à la structure allongée, peu dense, de la grappe. Au Tessin, cette variété était autrefois cultivée comme raisin de table.

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Sélection animale

Additionner tantes et cousins : la présence génétique Philippe Ammann, responsable du secteur des animaux

Dans l’élevage, on repère facilement ce qu’on appelle des lignées, mais dans l’élevage conservatoire des races rares, la lignée est d’une utilité limitée. C’est la présence génétique qui compte, et celle-ci ne peut être calculée que si les animaux sont enregistrés dans un livre généalogique (herd-book). Dans l’élevage conservatoire, il s’agit de transporter d’une génération à la suivante autant que possible toutes les variations génétiques à l’intérieur d’une race, afin de ne perdre aucun de ses multiples traits ­caractéristiques. Mais en même temps on attend de la sélection qu’elle fasse pro­ gresser la race, par exemple pour obtenir un rendement laitier équilibré, une meilleure ­fécondité ou un motif du pelage typique de la race, ce qui conduit à exclure certains spécimens de la sélection. Un vrai dilemme pour la conservation des gènes ! Quelle doit être la décision de l’éleveur ?

Pour un éleveur à la recherche d’un nouveau mâle pour la sélection, il n’est pas facile d’identifier le patrimoine génétique à favoriser. Le fonctionnement avec des lignées ne facilite le travail qu’en apparence. On suit alors les lignées matrilinéaires ou patrilinéaires. En donnant aux femelles des noms qui ont la même initiale que celui de la mère, et aux mâles la même initiale que le père, on rend le lien de parenté reconnaissable par le nom. À première vue, cela paraît rationnel, mais à y regarder de plus 10

Photo: Dorothea Gerber

LES LIGNÉES NE SONT PAS ­SUFFISAMMENT SIGNIFICATIVES

Combien d’ascendants a ce cabri col fauve, quel est le degré de rareté de sa génétique ? Le livre généalogique fournit des informations.


que si, dans la mesure du possible, tous les animaux et leur parenté sont consignés dans le livre généalogique pour pouvoir être pris en compte dans le calcul.

près, cela peut être dangereux notamment lorsque la prise en compte de la lignée ­uniquement conduit l’éleveur à faire l’économie d’une analyse génétique sur ­plusieurs générations (cf. le graphique).

LES ASSOCIATIONS D’ÉLEVEURS, UNE PLAQUE TOURNANTE

À TERME, LE LIVRE GÉNÉA­ LOGIQUE EST INDISPENSABLE Si l’on veut être sûr de ne pas perdre de pré­ cieux carcatères génétiques, il faut s’appuyer sur le livre généalogique, qui joue un rôle déterminant dans le maintien du patrimoine génétique. Non seulement pour éviter l’endogamie, en d’autres termes l’accouplement entre proches parents, mais encore pour calculer la rareté des spécimens à l’intérieur de leur race. Le critère déterminant à cet égard s’appelle la présence génétique. Celle-ci se calcule en tenant compte de tous les parents vivants d’un spécimen avec leurs parts d’hérédité spécifiques. Lorsqu’un animal a une basse présence génétique, donc peu de parents vivants, son patrimoine génétique doit faire l’objet de mesures ­ciblées. Les animaux à valeur élevée, eux, ne doivent pas être utilisés trop souvent. Or la présence génétique n’est significative

Les éleveurs prêts à faire quelque chose pour la conservation de races rares veillent, à chaque fois qu’ils achètent un animal, à ce qu’il s’agisse d’un spécimen enregistré dans le livre généalogique de la race. Ils sont soutenus par les associations d’éleveurs Pro­ SpecieRara qui tiennent les différents livres généalogiques, évaluent les animaux, assurent l’entremise et conseillent les éleveurs. Les éleveurs voulant exercer leur activité dans les règles de l’art ont donc tout intérêt à adhérer à l’association correspondante. Pour faciliter l’entremise des animaux des races ProSpecieRara, nous avons mis en place la plateforme www.animaux-rares.ch. Les annonces qui y sont publiées sont ­vérifiées par les associations concernées, si bien que l’acheteur a la certitude que les animaux proposés font partie d’un projet de conservation.

LE HIC DE LA LIGNÉE Souvent on choisit pour les descendants des noms commençant par la même lettre que les ascendants. Cela est censé faciliter l’identification des lignées. On sait ainsi que Bert descend de Ben (et provient de la lignée dite B) ; or on omet du même coup de considérer que les trois autres ascendants masculins Joe, Tim et Max contribuent également à parts égales au patrimoine génétique de Bert. C’est pourquoi la lignée n’est pas un bon critère dans l’élevage conservatoire.

Ben

Joe

Tim

Bodo

Max

Tom

50% Ben Beat 25% Ben Bert 12.5% Ben + 12.5% Joe + 12.5% Tim + 12.5% Max

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Sélection végétale

Sélectionner pour que rien ne change ( ou presque ) Philipp Holzherr, responsable des projets plantes de jardin et de plein champ

Les objectifs que se fixent les sélectionneurs des variétés végétales actuelles sont ambitieux : encore plus de rendement et de résistance, meilleure capacité d’entreposage avec aussi peu de défauts que ­possible. Il s’agit d’aguerrir les variétés anciennes sans leur faire perdre leurs caractéristiques propres. Une nouvelle ordonnance fédérale ouvre la voie à un soutien ­public : un grand pas en avant pour ProSpecieRara et pour la biodiversité en Suisse. Obtenir aujourd’hui une nouvelle variété qui fait mieux que tous ses prédécesseurs n’est pas chose facile. Les variétés standard ont atteint un niveau de production si élevé que les entreprises de sélection n’arrivent plus à obtenir des variétés à rendement ­accru qu’en s’aidant des techniques les plus avancées, avec des méthodes comme la sélection hybride et tout un arsenal de méthodes relevant du génie génétique. Les variétés ainsi obtenues ne sont pas autoreproductrices et ne peuvent pas non plus être librement utilisées par des tiers comme base pour des obtentions ultérieures.

«

Il faut préserver

les variétés d’origine, mais aussi les développer pour l’avenir !

»

Philipp Holzherr 12

Les types anciens de variétés jouent un rôle insignifiant dans la sélection moderne. Les petits créneaux commerciaux dont ­bénéficient des variétés correspondant à des spécialités ou des variétés intéressantes uniquement pour les jardiniers amateurs ne justifient pas des programmes de sélection coûteux. Parallèlement, cela fait des années que les petits sélectionneurs sont peu à peu évincés et, avec eux, la biodiversité disparaît des marchés des semences. ProSpecieRara s’oppose à cette tendance en lançant des projets de sélection de variétés de légumes pour lesquels il existe des créneaux.

DES SIGNES ENCOURAGEANTS EN PROVENANCE DE BERNE Heureusement, l’Office fédéral de l’agriculture (OFAG) a pris la mesure du problème. Par le biais des projets de conservation des variétés, ProSpecieRara entretient depuis de nombreuses années des liens avec l’OFAG. Notre campagne de l’année 2009, « Biodiversité pour tous » (www.biodiversitépour-tous.ch) a été un important appel adressé à l’OFAG et a pavé la voie pour une législation relative aux semences plus libé-


En 2013, la semence de l’ancienne variété de carotte tessinoise ’Gniff’ avait du mal à germer ; de plus la variété était sensible à l’alternariose de la carotte et avait un très faible rendement. Comme la ’Gniff’ est unique de par sa forme et sa couleur, un projet de sélection cherche spécifiquement à conserver les caractères positifs de la variété tout en corrigeant ses caractères négatifs.

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rale, qui autorise désormais la commercialisation de variétés de niche. Dans le cadre du processus d’élaboration de la stratégie suisse à venir en matière de sélection, ProSpecieRara, de concert avec d’autres d’organisations, a fait valoir la ­nécessité d’une sélection puisant dans et contribuant à la biodiversité, ce sur quoi l’OFAG a présenté en 2016 une nouvelle ­ordonnance assortie d’un budget lui permettant même de soutenir officiellement la sélection de variétés de niche.

PROSPECIERARA AVAIT PRIS LES DEVANTS Il y a déjà trois ans, avec le concours de l’économie privée, à l’exemple de Coop, ProSpecieRara avait lancé de premiers ­projets de sélection. D’autres suivent, désormais avec le soutien de la Confédération. L’objectif déclaré est de rendre à ­nouveau exploitable, c’est-à-dire d’adapter aux besoins actuels, d’anciennes variétés ou types variétaux particuliers. Il s’agit par exemple d’améliorer la capacité d’entreposage de l’oignon piriforme. Cela arrange

les agriculteurs et les sociétés commerciales, mais également les jardiniers amateurs, de pouvoir entreposer pendant tout l’hiver leurs propre variété rare d’oignons. Un autre projet vise à affiner le goût des raves ’Blanc-violet de Muhen’, dont dérivent les variétés traditionnelles utilisées en Suisse alémanique pour sculpter les lanternes de la Saint-Martin (« Räbeliechtli »). La production de raves connaîtra ainsi un nouvel essor et la compote aux raves viendra enrichir la palette des cuisiniers. La sélection biologique des légumes est prise en charge par Sativa Rheinau SA, qui se portera garante – comme pour beaucoup de variétés ProSpecieRara existantes – de la qualité élevée des semences des nouvelles variétés. Bien entendu, seules des variétés fermières sont sélectionnées ; en d’autres termes, au besoin, les jardiniers et maraîchers pourront continuer de multiplier eux-mêmes ces semences, comme pour les anciennes variétés ProSpecieRara. Ainsi, à bien des égards, rien ne changera (ou presque) concernant les variétés ProSpecieRara à venir.

UNE PIRIFORME’ EXEMPLE: L’OIGNON ’JA

L’oignon piriforme 2013

L’oignon piriforme amélioré 2020

•  forme inhabituelle •  goût doux et fin •  capacité d’entreposage réduite •  sensible au mildiou

•  forme inhabituelle •  goût doux et fin •  bonne capacité d’entreposage •  résistant au mildiou

ProSpecieRara, dans ses projets, cherche à identifier les traits propres à une variété du point de vue culinaire ou visuel et à améliorer ces propriétés par la sélection pour rendre la variété mieux exploitable (moindre sensibilité aux maladies cryptogamiques, meilleure capacité d’entreposage etc.). Dorénavant des experts des saveurs et de grands chefs seront associés à ces recherches. Les variétés rares ainsi obtenues devraient ­notamment être en mesure de séduire les restaurateurs.

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Agenda

COURS DE DÉTER­ MINATION VARIETALES FRUITIERES

MARCHE D’AUTOMNE PROSPECIERARA

Le marché ProSpecieRara à Sauvabelin devient un ­incontournable de la rentrée d’automne. Grâce à cette formidable collaboration avec la ville de Lausanne, vous y trouverez ou retrouverez de nombreux stands, des dégustations et des ateliers qui vous permettront de découvrir des spécialités issues de races et variétés menacées – des produits lactés ou carnés, mais également des légumes oubliés, des conserves ou encore de

À l’heure actuelle, seules quelques personnes connaissent encore nos ­variétés traditionnelles. Ce cours permet de découvrir notre magnifique diversité variétale fruitière. Il est proposé par nos collègues de Bâle et sera traduit en français par un collaborateur du bureau de ProSpecieRara Suisse romande. 24  septembre 2016, 10 h – 17 h Arboretum de Zofingen /AG

RME VISITE DE LA FE DU BONHEUR

qui acCe petit paradis, g de l’anlon cueille tout au des et née des enfants onnes han­ateliers pour pers ite à visiter dicapées, vous inv conser­ ce projet, qui allie (porcs laivation des races nchesneux, chevaux fra tés (potamontagnes), varié ) et édu­ ger et petits fruits rsité agrication à la biodive Une petite cole et sauvage. ra servie à collation vous se . l’issue de la visite , 9 h 30 – 12 h 1er octobre 2016  Porrentr uy /JU 00  29  3, Pont d’Able

l’artisanat local.

EXPO ANIMALE

Poule huppée, vache évolénarde, mouton roux du ­Valais – venez découvrir les 32 races ProSpecieRara. Programme riche et varié dans la grande halle des fêtes : spécialités du marché, présentation des animaux, course de cochons laineux, tonte de moutons, restauration et nombreuses attractions pour les enfants. 1er et 2 octobre 2016 Sa 10 h – 20 h, Di 10 h – 17 h Vianco-Hallen, 5505 Brunegg /AG

AUTRES MANIFESTATIONS es Journée Por tes ouvert sem Bio chez 7 h 28  août 2016, 10 h – 1 /NE 2019 Chambrelien  Cours : les fruitières Détermination variéta bre 2016 em 29 octobre, 26 nov /AG   gen ofin 0 Z 480 ion Formation sur la détent prins) de petits ruminants (ca  16 h 45 22  octobre 2016, 9 h – 1725 Posieux /FR ces Plus d’informations sur s sous : événements et d’autre /fr/calendrier www.prospecierara.ch

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© iStock.com/sorendls

11  septembre 2016, 9 h – 17 h Cantine de Sauvabelin, Signal Lausanne /VD


Élevage

Il n’est jamais trop tôt pour bien faire ! Les races rares d’animaux de rentes ne survivront que s’il se trouve autant de personnes que possible pour s’intéresser à elles et les détenir. Il est d’autant plus réjouissant de voir des jeunes prêts à s’engager dans l’élevage. Nous vous présentons ici sept de ces jeunes qui font partie de notre réseau.

SILAS 8 ANS, MUHEN /AG « Ce qui me plaît surtout avec les moutons Skudde, c’est qu’ils sont petits ; et puis ils ont des têtes tellement mignonnes. J’adore les câliner. Ils sont un peu peureux lorsque je leur apporte du pain, mais ils se laissent volontiers caresser. J’ai tanné mes parents jusqu’à ce qu’ils m’achètent trois moutons Skudde. Si je m’occupe bien d’eux, ils sont d’accord de m’acheter un bouc, comme cela je pourrai faire de l’élevage. »

OLIVER 17 ANS, GENTILINO /TI « Les poules appenzelloises huppées ont une sacrée ­allure … , et puis qu’est-ce qu’elles sont agiles … et ­robustes ! En hiver, elles n’ont pas besoin de chauffage. Je trouve important que ce qui est pour moi une occupation de loisir contribue à la conservation d’une race menacée. » 16

ATTILIO 13 ANS, AROGNO /TI « Lorsque j’ai eu quatre ans, ma mère m’a fait cadeau de Pasquirola, une Capra Grigia très cool. C’est avec elle que j’ai appris à traire, elle était très patiente. Ce n’est pas moi qui ai choisi cette race, mais je n’en voudrais aucune autre. Ce qui me plait, c’est qu’une chèvre soit fière et sympathique, et la Capra Grigia est absolument comme cela. En été, quand je lui rends visite à l’alpage, c’est toujours un grand moment. Pasquirola et ses filles sont de bonnes chèvres laitières ; souvent elles donnent davantage de lait que les autres chèvres. J’en suis bien un peu fier. »


CHLOÉ

QUIRIN 15 ANS, PONTRESINA /GR INCARNE LE PETIT CHEVRIER PETER DANS LE FILM HEIDI « Les chèvres que je gardais dans Heidi étaient essentiellement des chèvres rayées des Grisons. Le ­réalisateur tenait à ce que ce soit une race qui aille avec l’environnement. Je trouvais ces chèvres ­géniales, alors la propriétaire des bêtes m’a promis de me faire ­cadeau de deux chevrettes une fois le tournage terminé. Comme nous vivons en appartement, les deux chèvres Freya et Ronja sont maintenant dans un élevage de chèvres rayées à Maloja, où je vais les voir presque tous les week-ends. Je trouve toujours dommage qu’une race s’éteigne, et encore mille fois plus quand il s’agit de chèvres. Alors cela me fait plaisir de pouvoir contribuer à la conservation d’une race avec mes deux chèvres, que je fais également couvrir. » À propos : Quirin Agrippi et Anuk Steffen, l’interprète de Heidi, seront présents le 2 octobre à notre exposition animalière (voir la quatrième de couverture de rara). Le 1er octobre, ce sera Jonas Hartmann, l’interprète d’une cloche pour Ursli, que les jeunes visiteurs pourront rencontrer.

7 ANS, CORSIER /GE « Nos moutons miroirs font partie de la famille, ils aiment se faire caresser, ils réagissent même quand je les appelle par leurs noms. Cette année, Kosva et Kiki, nos deux moutons mères, ont eu quatre petits. Qu’estce qu’ils sont mignons ! Une fois, toute ma classe est ­venue voir nos moutons, et j’ai eu beaucoup de choses à leur raconter à propos de cette race. »

ELLEN ET DAVID 7 ET 9 ANS, SIGNAU /BE Ellen : « Ce que les moutons de l’Oberland ­grison ont de génial, c’est qu’ils peuvent être de toutes les couleurs, du blanc au noir. Cela nous aide à distinguer nos 24 animaux. » David : « J’aime bien entendre tinter les cloches. Alors c’est moi qui leur mets les cloches au printemps avant le retour au pacage. Mes trois bêtes s’appellent Flora, Hanna et Gioia. Quand je ne trouve pas de nom, je ­regarde dans un registre d’élevage. Quand une bête part à l’abattoir, évidemment que c’est triste, mais voilà, c’est comme cela. Et je mange aussi la viande de nos bêtes. »

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Chronique

News

Un investissement durable

LA SUISSE NE PREND PAS POSITION.

Roland Brogli, conseiller d’État du canton d’Argovie Quand je pense à Pro­ SpecieRara, je vois des carottes courbes, des pommes de terre aux couleurs inusitées, des cochons laineux qui grognent … ProSpecieRara répertorie et conserve des races et des variétés anciennes, rares, voire presque oubliées. Ce faisant, l’organisation apporte une contribution importante au maintien de la biodiver­ sité. Le canton d’Argovie honore cette activité en la soutenant financièrement, p. ex. en subventionnant l’exposition d’animaux à ­Brunegg par des contributions prélevées sur les fonds de Swisslos. La longue et étroite collaboration qui s’est instituée avec ProSpecieRara remonte à l’époque où l’association avait son siège à Aarau. Ainsi, le jardin du château de Wildegg reste le principal et le plus grand jardin d’exposition de ProSpecieRara où, chaque année, des ­variétés rares sont mises en culture et multipliées. Ces variétés sont un réservoir génétique inappréciable pour la sécurité alimen­ taire du futur, tout comme elles sont un patrimoine culturel. En tant qu’Argovien, je songe par exemple aux traditionnelles carottes de Küttigen que, grâce à ProSpecieRara, on trouve même dans la grande distribution. Cet important travail de ProSpecieRara n’est pas gratuit. Les contributions de ­soutien aux projets ProSpecieRara sont des investissements durables dans la nature, dans l’agriculture et, en définitive, dans ­l’humanité entière. 18

La France l’a fait, l’Allemagne l’a fait, l’Autriche et la Hollande également. Ils ont tous pris clairement position pour interdire dans leurs lois nationales la brevetabilité des produits obtenus exclusivement par des procédés essentiellement biologiques d’obtention des végétaux et des animaux. En Suisse, nous attendons en vain ; la loi en vigueur permet donc malheureusement l’octroi de brevets sur de telles sélections. Le 29 juin dernier, ProSpecieRara a ­remis à l’Office européen des brevets (OEB) à Munich, conjointement avec de nombreuses autres organisations, plus de 800 000 signatures de personnes de 56 pays qui s’opposent aux pratiques de délivrance des brevets en cours. L’Institut fédéral de la propriété intellectuelle (IPI), compétant pour l’attribution des brevets en Suisse et membre de l’OEB, nous a néanmoins donné l’assurance de son engagement auprès du conseil d’administration de ce dernier pour une remise en question des pratiques de délivrance en cours. Nous restons à l’écoute et vous pourrez suivre ce qui s’est passé dans cette affaire depuis la clôture de la rédaction sur www.prospecierara.ch/fr/news


IMPRESSUM Le magazine « rara » paraît quatre fois par an en français, en italien et en allemand. Éditeur : Fondation ProSpecieRara, Bâle, Suisse Rédaction : Denise Gautier, Nicole Egloff, Anna Kornicker Textes : Philippe Ammann, Gertrud Burger, Philipp Holzherr, Nicole Egloff Traduction : Irène Kruse Photos : ProSpecieRara Layout : Reaktor AG, Kommunikationsagentur ASW, Aarau Impression : SuterKeller Druck AG, Oberentfelden Papier : Cocoon 100 % Recycling 90 g /m2 Tirage : 10 000 expl. en français, 42 200 expl. en allemand, 3200 expl. en italien Féminin / masculin : Pour plus de lisibilité, nous renonçons à mettre les désignations au masculin ET au féminin. Que nous options pour l’un ou pour l’autre, il va de soi que le terme recouvre à chaque fois les deux genres.

COMMANDER LE RARA Notre magazine vous plaît ? Si vous ne l’avez pas encore reçu, nous serons ravis de vous le faire ­parvenir à l’avenir. Contactez-nous pour un abonnement gratuit à l’essai. info@prospecierara.ch, Téléphone 022 418 52 25

FONDATION PROSPECIERARA Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux. ProSpecieRara Suisse romande c/o Conservatoire et Jardin botaniques de Genève Case postale 60 1292 Chambésy Suisse Téléphone +41 22 418 52 25 Fax +41 22 418 51 01 romandie@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

ProSpecieRara Direction Unter Brüglingen 6 4052 Basel Schweiz Telefon +41 61 545 99 11 Fax +41 61 545 99 12 info@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

ProSpecieRara Svizzera italiana Vicolo S. ta Lucia 2 6854 San Pietro Svizzera Telefono +41 91 630 98 57 vocedelsud@prospecierara.ch www.prospecierara.ch

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Mouton de Saas

ProSpecieRara Expo Animale Exposition nationale des races de bétail menacées Samedi, 1 octobre, 2016, de 10 h à 20 h Dimanche, 2 Octobre, 2016, de 10 h à 17 h ViancoArena Brunegg / Mägenwil ; entrée libre Seulement tous les 5 ans : Poule huppée, vache évolénarde, mouton roux du Valais – venez découvrir les 32 races ProSpecieRara dans un seul endroit. Programme riche et varié dans la grande halle des fêtes : spécialités du marché, présentation des animaux, course de cochons laineux, tonte de moutons, restauration et nombreuses attractions pour les enfants. Programme sur www.prospecierara.ch Fondation suisse pour la diversité patrimoniale et génétique liée aux végétaux et aux animaux

Pour vos dons : CCP 90 -1480 -3 IBAN CH29 0900 0000 9000 1480 3

Kanton Aargau


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