Provea: 13º Bulletin International sur les Droits de l´homme

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Programme Vénézuélien d’Education Action en matière des Droits de l’Homme, Provea | Edition N°13 | juillet-août 2014

Le Programme Vénézuélien d’Education et d’Action pour les Droits de l’Homme présente son dixième bulletin international. Il correspond aux mois de juillet-août 2014. Dans ce numéro nous aborderons dans le topique global, les récentes mesures qui font partie du profond processus de militarisation de l’Etat vénézuélien et de la société. Dans ce cadre, la population est obligée de s’enrôler pour la défense de la nation. Dans un topique spécifique, nous discuterons de la crise de santé. Celle-ci met en péril la vie des milliers de personnes. Nous regarderons également les raisons à l’origine de cette crise. Enfin, nous analyserons les nouvelles mesures économiques adoptées par le gouvernement. Celles-ci ont considérablement nuit aux secteurs populaires. Ces ajustements économiques comportent de nombreuses similarités avec ceux adoptés par des gouvernements antérieurs. Nôtre bulletin est disponible en espagnol, en français et en anglais sur notre site web http://www.derechos.org.ve. Pour toute suggestion ou commentaire, envoyer par mail à boletin@derechos.org.ve

Informe-toi sur la situation de 20 droits de l’homme au cours des 15 dernières années au Venezuela. Consulte notre rapport spécial “15 ans sur les droits de l’homme: Inclusion sociale et exclusion politique.”

> THEME CENTRAL

Militarisation de la société et de l’Etat au Venezuela

Femmes bolivarienne milice / Photo: Entorno Inteligente

Depuis quelque temps, Provea insiste sur fait que le gouvernement vénézuélien a adopté la perspective de la Politique de Sécurité Nationale pour faire face à la dissidence organisée et les manifestations du mécontentement populaire. L’arrivée au pouvoir du président Maduro, un ex syndicaliste, à la suite d’Hugo Chávez, un militaire, n’a pas changé la direction de la dérive militariste mais l’a au contraire renforcé. Afin de justifier cette militarisation, le gouvernement met en avant des théories de conspiration orchestrées depuis l’intérieur et l’extérieur du pays. Celles-ci feraient partie d’une guerre contre le processus de transformation sociale instauré par le gouvernement et par les autres pouvoirs publics. La notion d’ennemi externe justifie

la militarisation croissante des politiques publiques car celles-ci doivent être défendues. Par exemple, le gouvernement parle d’une guerre économique visant la politique destinée à garantir le droit à l’alimentation. Par conséquent, la militarisation de la société et des politiques publiques de l’Etat a été renforcée, même si ces mesures vont à l’encontre des préceptes constitutionnels. La militarisation de la société a été renforcée depuis l’adoption de la “Lois de registre et d’enrôlement pour la défense intégrale de la Nation” du 21 juin 2013. Cette loi stipule l’enrôlement militaire obligatoire pour les personnes entre dix-huit et soixante ans. Elle impose également des sanctions à ceux qui décideront ne pas s’enrôler: ils ne seront pas embauchés par des organismes publics ou privés, ils


ne pourront pas obtenir un permis de conduire (empêchant le droit à la circulation) ni obtenir de diplômes universitaires (violant ainsi le droit à l’éducation). La loi n’établit pas la possibilité d’objection de conscience à la prestation du service militaire. Selon cette loi, ceux qui ne réalisent pas leur devoir peuvent réaliser un autre service civil mais sous la direction du commandement militaire. Ceci contredit les standards internationaux concernant le caractère alternatif du service civil. Cette loi va à l’encontre de l’article 61 de la Constitution. Celui-ci établi le droit à la liberté de conscience, protégeant les personnes de se voir involucrées dans des activités militaires Elle s’oppose également à l’article 134 qui met sur le même pied d’égalité les activités civiles et militaires pour le développement du pays. Cette initiative s’additionne aux programmes comme la déjà annoncée création de “Milices Ouvrières” destinées à intimider et à faire face aux travailleurs s’organisant pour revendiquer leurs droits. Elle s’additionne aussi aux nombreux “corps combattants” crées au sein des institutions publiques de l’Etat. Le jour même de l’adoption de la “Loi de registre et d’enrôlement” a été créé la “Brigade spéciale contre les actions des groupes générateurs de violence (BEGV) (Décret n° 1.014). Dans les mois précédents, le pays avait traversé une période d’intenses manifestations dans les rues. A ce moment-là, le 5 mars, le Président Maduro a exhorté les organisations révolutionnaires à exercer des tâches de sécurité citoyenne pour faire face aux “guarimbas” (rues barricadées, parfois de façon violente). Ceci a donné lieu à la création d’un “Commandement Populaire Anti-Coup d’Etat”, amenant des civils proches de ce groupe à participer aux détentions arbitraires et aux maltraitances faites aux citoyens. Ce n’est pas la première fois que des brigades spéciales de cette nature sont créées au Venezuela. Lors de mandats précédant et avec

une philosophie similaire, des forces spéciales de sécurité ont été créés. Parmi celles-ci on retrouve le “Commandement Spécifique José Antonio Paez”, responsable du Massacre d’El Amparo en 1988, ou encore le “Groupe Gato” qui faisait partie de l’ancienne Police technique judiciaire (PTJ) et qui a été à l’origine de nombreuses violations de droits de l’Homme. La Procureur Générale de la Nation a annoncé que l’équipe de juristes du Ministère Public est en train d’analyser la portée de cette brigade afin d’émettre une opinion concernant les avantages et les désavantages. A ce jour, la Procureur n’a toujours pas donné son opinion. Afin d’illustrer la croissante militarisation du Venezuela, il est important de prendre en compte que: le Venezuela est le deuxième pays de l’Amérique latine à dépenser le plus d’argent en armement, ceci est en contradiction avec la politique officielle de désarmement destinée à combattre l’insécurité citoyenne; au Venezuela, des civils sont jugées devant des tribunaux militaires malgré le fait que la Constitution l’interdise; le Ministère de la Défense vénézuélien est la quatrième institution a recevoir le plus d’argent dans le pays, bien plus que les ministères qui promeuvent les politiques sociales; le plan le plus représentatif de sécurité citoyenne “Plan Patrie Sécurisée” comporte des éléments d’orientation militaire considérables, allant à l’encontre de l’article 332 de la Constitution qui établit que “les organismes de sécurité citoyenne sont à caractère civil”. Il y a suffisamment de raisons pour s’inquiéter de la dérive militariste de l’Etat vénézuélien et des effets que celle-ci entraine sur les droits de l’Homme. Militarisme et impunité vont de pair. Au Venezuela, l’impunité des crimes et des violations des droits de l’Homme est quasi généralisée, créant une impasse pour la défense des droits humains de la population.

> THEME SPECIFIQUE

Situation critique du droit à la santé

Manifestation médecins et étudiants en médecine à Caracas / Photo: Provea

L’accès aux soins sanitaires au Venezuela est dans une situation extrêmement critique. Ceci est la conséquence des conditions précaires dans lesquelles se trouvent les centres hospitaliers et les dispensaires de santé publique suite à la dégradation persistante auxquelles

ils ont été soumis ces dernières années. De plus, les médicaments pour les personnes sous traitement, les fournitures pour faire des preuves diagnostiques, les ustensiles basiques et les pièces médicales de rechange nécessaires pour le fonctionnement du système


sanitaire, aussi bien public que privé, sont en forte pénurie à cause de la dette du paiement de devises de l’Etat envers les fournisseurs internationaux (l’importation représente environ 80% du stock). Face à cette grave situation, la population vénézuélienne subit des violations systématiques et généralisées des garanties fondamentales répondant aux besoins de santé, qui conduisent également à des décès injustifiés et a des dommages inacceptables sur la santé et l’intégrité physique et psychologique des divers groupes. Dans la santé publique, plus de 50% du personnel médical est parti des hôpitaux et dispensaires à cause de la dégradation et de la méconnaissance du droit à l’embauche collective. Au moins 40% des centres hospitaliers présentent de graves défaillances structurelles qui entraine un surpeuplement et un manque d’hygiène des hôpitaux public. De plus, une grande partie des travaux faits dans les hôpitaux publics ont été paralysées à cause d’embauches irrégulières ayant eu lieu entre 2007 et 2010. Celles-ci ont fait l’objet de dénonciations de corruption. En outre, les services d’eau et d’électricité sont fréquemment interrompus, occasionnant des pannes de matériel et un environnement inadéquat pour la réalisation du travail médical. Le nombre de lits publics, le personnel et le matériel a été réduit de 70% selon les standards internationaux suite au déficit de budget. Ceci a été rapporté par le Ministère de la Santé en 2011. Ce déficit a signifié qu’un million de personnes n’ont pas pu être pris en charge cette année. La dégradation de la santé publique a été compensée pendant un certain temps par les secteurs de la sécurité sociale et de la prévision sociale. Ceux-ci prennent en charge la population qui ne cotise pas depuis 2001. Depuis quelques années, la dégradation a été supportée par le secteur privé qui a vu les consultations médicales augmenter considérablement, notamment par les employés qui sont assurés par le secteur public. Ceci privatise en fait la santé, collapse l’attention offerte dans les cliniques et fait payer à l’Etat une attention primaire très couteuse. Néanmoins, à cause de l’inaccessibilité économique des services privés et de la couverture réduite d’assurance au sein de la population, la plupart de personnes continuent de se rendre dans

les hôpitaux et les dispensaires publics. D’autre part, malgré le fait que le Ministère de Santé, l’Assemblé Nationale, le bureau de l’Ombudsman et le Procureur ait été alertées à plusieurs reprises sur le manque de médicaments, de matériels et de pièces de rechanges, la pénurie a atteint un stade critique dans plus de 70% des établissements. Ceci a entrainé l’arrêt des services et les opérations sont souvent reportées (les patients doivent attendre entre sept et huit mois). De plus, les quelques services d’urgences dont dispose la population sont saturés. De surcroît, les médicaments destinés aux maladies oncologiques, hématologiques, aux cardiopathies, à hypertension, au diabète et des maladies associées au VIH ont disparus des pharmacies et des centres de santé. Par conséquent, les personnes affectées ne prennent pas leurs traitements. Enfin, les médecins et les proches rapportent quotidiennement le décès de personnes qui n’ont pas pu être opérées ou de celui de personnes blessées, brûlées ou victimes d’arrêts cardiaques qui n’ont pu être pris en charge nul part. Face à cette situation, des associations de personnes affectées, des proches, de travailleurs de la santé, des fournisseurs privés, des institutions académiques et des ONG de droits de l’Homme ont exigé aux autorités nationales de reconnaître la gravité de la crise et de présenter des solutions. Ils exigent également de déclarer un état d’urgence sanitaire dans le pays afin de disposer des mécanismes de l’aide humanitaire internationale et de garantir la vie de milliers de personnes. La santé publique configure la garantie la plus importante d’efficience de la prise en charge sanitaire au Venezuela. De celle-ci dépendent aussi les programmes et les fonctions de cure, de vigilance et de contrôle sanitaire, la formation de ressources humaines et la distribution des traitements. En ce sens, la persistance de cette situation constitue une menace pour la protection du droit à la santé au Venezuela. Elle implique une violation de la Constitution et des accords internationaux en matière de droits économiques, sociaux et culturels. L’insuffisance de ressources ou n’importe quelle autre difficulté ne constitueront pas d’excuses valides.

> CONJONCTURE

Petit à petit s’applique le réajustement économique antipopulaire Au cours de l’année 2014, le gouvernement de Nicolás Maduro a implémenté un ensemble de mesures économiques affectant les secteurs les plus pauvres de la population. Ce réajustement est très similaire à celui appliqué en 1989 par l’ex président Carlos Andrés Pérez. Le Venezuela traverse une crise économique depuis plusieurs années. Elle s’est intensifiée lors du mandat de Maduro mais reste l’héritage de l’ex président Chávez. Celle-ci se caractérise par une faible production nationale. De nombreuses entreprises tenues par l’Etat sont dans une situation critique. L’inflation a atteint 56,2% en 2013 et il est possible qu’elle surpasse les 80% en 2014. De plus, on constate une pénurie croissante des produits basiques, des


distorsions dans le marché de change de devises et une stagnation du marché de l’emploi. Par conséquent, les chiffres officiels indiquent une augmentation de la pauvreté de 6% en 2014. Afin d’apporter une solution à cette situation, le gouvernement a augmenté les prix des services publics comme les transports terrestres, aériens et maritimes, l’électricité, le téléphone et le produits de première nécessité. Il a éliminé ou réduit les subventions du secteur économique et social et a dévalué la monnaie. Parallèlement, il a annoncé une augmentation possible du prix de l’essence ainsi que de nouvelles dévaluations.

citer par exemple les fortes dépenses militaires ou l’achat de produits destinés à réprimer les protestations. Préserver les ressources de l’Etat afin de les utiliser de la façon la plus adéquate n’est pas compatible avec la complicité ou l’omission dont ce dernier fait preuve face aux forts niveaux de corruption existant dans le pays. La corruption a conduit au détournement des fonds publics afin de satisfaire des intérêts particuliers. Ces actes relèvent de la délinquance contre le patrimoine public.

Les mesures prises par le président Maduro, en plus d’entrainer le mécontent des secteurs importants de la population, rendent encore plus difficile la vie de familles les moins favorisées. Il s’agit d’appliquer les mêmes recettes d’austérités implémentées dans d’autres pays du continent. Celles-ci réduisent les dépenses publiques et défavorisent particulièrement les secteurs populaires.

L’orientation des dépenses publiques donnant la priorité aux programmes sociaux devrait être une mesure dans ce contexte de crise. Une autre mesure devrait être la disposition à souscrire et à accomplir les conventions collectives permettant d’améliorer les conditions de travail. L’Impôt de Valeur Ajoutée (IVA) devrait être éliminé, celuici étant d’avantage régressif. Enfin, les impôts progressifs devraient être augmentés, afin que ceux qui profitent d’une meilleure condition économique apportent plus de capital à l’économie.

On insiste depuis un moment sur le fait que même en temps de crise, l’Etat doit garantir les droits humains, et notamment les droits économiques, sociaux et culturels de la population. Celle-ci ne justifie pas pour autant le sacrifice des droits fondamentaux afin d’investir l’argent public dans des aspect qui n’ont pas d’incidence sur l’amélioration des conditions de vie de la population. On peut

Dans ce contexte de crise, le gouvernement persiste à faire face en faisant payer le prix le plus cher aux populations les plus démunies. Alors que par le passé des ajustements économiques ont été implémentés au nom de la démocratie, des mesures similaires sont actuellement adoptées au nom du socialisme. Les victimes d’aujourd’hui sont les mêmes qu’hier: les plus pauvres.

Le rapport annuel 2012 sur la situation des droits de l’homme au Venezuela est maintenant disponible sur le site web de Provea : www.derechos.org.ve. Programa Venezolano de Educación – Acción en Derechos Humanos Tienda Honda a Puente Trinidad, Bulevar Panteón, Parroquia Altagracia, Edif. Centro Plaza Las Mercedes, P.B. Local 6, Caracas, Venezuela Apartado Postal 5156, Carmelitas 1010-A Teléfonos: (58) 212-860.66.69 / 862.53.33 / 862.10.11 Sitio web: http://www.derechos.org.ve Twitter:@_provea E-mail: investigación@derechos.org.ve


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