Don Draper,la voiture et le climat.

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/ Industrial city to city tertiary

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LE BEAUVAISIS

11, rue de Cambrai, Parc du Pont-de-Flandre – 75 019 Paris Maître d’ouvrage : Icade Parcs tertiaires / Investisseur, promoteur et aménageur : Icade Architecte mandataire : Calq Architecture / Bureaux d’études techniques : Somete (structure) – Sipec (fluides) – CEEF (façades) – Impedance (acousticien) – Casso (sécurité incendie) - Benefficience (Elithis) – Egis Spécificités de l’opération Certification environnementale : HQE, BBC Rénovation ; 1er immeuble labellisé BBC Rénovation à Paris Programme : Restructuration lourde d’un ancien entrepôt à grain du XIXe siècle en un immeuble de bureaux R + 6 Surface totale : 12 073 m2 Janvier 2012

Don Draper, la voiture et le climat. Don Draper, the car and the climate. Raphaël Ménard

Architecte et ingénieur Directeur de la Prospective groupe Egis Co-gérant Elioth

© Calq Architecture

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Un bref essai sur nos espaces de production d’informations Figure de style L’architecture adore les métonymies. La dénomination du bâti épouse souvent le nom de la pièce ou de l’objet qu’il protège et met en valeur. Le foyer pour le logement, l’établi1 pour l’usine. Le bureau : record d’occurrences pour désigner l’espace de nos vies tertiaires. On confond de fait le plan avec le mobilier, le contenu avec le contenant, la partie avec le tout. L’étymologie de bureau renvoie même à une sous-partie du meuble, puisque le mot « bureau » désigne originellement le « tapis sur lequel on fait les comptes ».

1 / Pensons au livre de Robert Linhard, L’Établi, Paris, Éditions de Minuit, 1978.

Les bureaux de Don

Le Prêteur et sa femme par Quentin Metsys, 1514

Projetons-nous quelques siècles plus tard et, après nous être émus du spectacle des errances amoureuses de Don Draper, regardons une nouvelle fois la série Mad Men pour un parcours chronologique dans les couloirs de l’agence de publicité new-yorkaise. Cette élégante série télévisuelle nous donne en effet à voir l’évolution de l’espace du tertiaire du début à la fin des années 1960. Un véritable medley de la phylogénèse du bureau contemporain. Au début des sixties, les premières saisons de la série exhibent des bureaux de l’agence Serling-Cooper2 qui, dans leur code d’aménagement, empruntent beaucoup à l’espace domestique. A contrario, la dernière saison de la série (qui se déroule, elle, pendant les late sixties) dévoile une agence réaménagée, meublée par du mobilier dédié au bureau, exhibant des espaces plus compacts : une recherche évidente de rationalisme et d’efficacité.

Le Grand Ordinateur Depuis Mad Men, la typologie du bureau a continué à œuvrer afin d’optimiser son rendement. Cet article interroge les critères d’efficacité économique et comme ceux d’intensité énergétique de nos petites usines de l’immatériel. Vu sous un prisme productiviste, le bureau est l’espace privilégié de fabrication de la complexité, le lieu de la structuration de l’information (cette dernière étant ellemême au service de l’économie et de la bonne marche des institutions). Bref, analysons le bureau comme machine architecturale à produire ou à catalyser la production de valeur ajoutée.

2 / Située sur Madison Avenue à Manhattan, comme la plupart des autres agences de publicité de l’époque, d’où le titre Mad Men, diminutif de Madison Men.


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Introduction Stylistic device

1 / A book by Robert Linhard comes to mind: L’Établi, Paris, Éditions de Minuit, 1978.

Architecture loves metonymies. The designation of a structure often derives from the name of the room or the specific object it’s sheltering or meant to highlight. Foyer (hearth) for a dwelling, établi (work bench)1 for a factory, and bureau (desk) to designate, more than any other competitor, the space of our tertiary lives – le bureau (office). We confuse, in fact, the furniture with the plan, the content with the container, and the part with the whole. And it happens that the etymology of bureau actually refers to a secondary part of the object; once upon a time the word meant “mat on which one does one’s accounts.”

Don’s office

2 / Located on Manhattan’s Madison Avenue like most of the other agencies of the era; hence the title Mad Men, short for Madison Men.

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Let’s jump forward several centuries and, once we’re over the emotions aroused by the amorous errantries of Don Draper, watch Mad Men once again for the chronological journey it offers through the corridors of a New York advertising firm. Indeed, this elegant series allows us to observe the evolution of the tertiary space from the beginning to the end of the 1960s – a veritable medley of the contemporary office’s phylogenesis. The first seasons of the series showed us the early 1960s Sterling-Cooper agency2 with an interior decor borrowing a great deal from the domestic sphere. By contrast, the last season (taking place in the late 1960s) reveals a redesigned agency now equipped with specifically office furniture and functioning in more compact spaces, the clear aim being rationalism and efficiency in the work place.

En testant cette hypothèse, ce papier s’efforcera de donner plusieurs ordres de grandeur : en terme de production d’activité par unité d’espace puis, en tentant une consolidation énergétique globale, la quantité d’énergie nécessaire pour produire une unité d’activité économique. La question se résume alors ainsi :

? INFORMATION RENDEMENT = ÉNERGIE Parallèlement, cet article interroge une analogie entre l’industrie tertiaire et celle de l’automobile : toutes deux ne partagent-elles pas des processus semblables de convergence d’archétypes ? Nous verrons en quoi cette transposition se joue également sur la question du confort climatique comme sur la perception du bien-être hygrothermique. De façon anecdotique et coïncidente, rappelons que la surface d’emprise de la voiture n’est pas tellement éloignée de celle du bureau encloisonné. Gardons à l’esprit que la fameuse trame de 1,35 mètre, référence dimensionnelle des bureaux actuels, est issue du calepin de notre stationnement automobile…

The great organizer After “Mad Men,” office typology continued working to optimize productivity. This article means to examine the criteria for economic efficiency and energy intensity in our little factories of the immaterial. Seen through the productivist prism, the office is the privileged theater of the fabrication of complexity and the structuration of information (the latter itself a soldier in the service of the economy and smooth functioning of institutions). The office: an architectural machine for producing or catalyzing the production of value added. Testing this hypothesis, we’ll set down several orders of magnitude as related to the production of activity per unit of space and, attempting a global energy consolidation, the quantity of energy necessary for the production of one unit of economic activity. The question may thus be summarized as follows:

? INFORMATION PRODUCTIVITY = ENERGY

Entre Dogville et Holy Motors : le « Modulor-automobile » appliqué au bureau (ou comment un archétype de mobilité individuelle fonde les invariants géométriques d’un archétype architectural).

Dans un second temps, après avoir évoqué le changement climatique et ses conséquences énergétiques pour nos bureaux, nous tâcherons de questionner l’horizon d’une neutralité énergétique globale, puis d’interroger, en conclusion, la définition de paramètres de design en matière de rénovation et de construction neuve des bureaux.

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This paper will also be testing an analogy between the tertiary sector and the automobile industry: don’t they share similar procedures for the development of prototypes? We will see how this transposition is also linked to questions of climatic comfort, just as it is to those of hygrothermal well-being. Of more coincidental and, perhaps, superficial interest, let us note that the surface area of a car is not far from that of an enclosed office, and that the famous 1.35 meter grid frame – the benchmark measure for the office of today – descended from a blueprint for a parking space... Next, after a consideration of climate change and its energy-related consequences for our offices, we will probe the potential for global energy neutrality and, in conclusion, the definition of design parameters with regard to office renovation as well as new construction.

Productivity prototypes

Des usines compactes Un espace intense Sur les quelque 700 000 heures que compte une existence humaine typique3, un sixième de ce temps se déroule dans des bureaux (pour celles et ceux qui exercent leur profession dans ce type d’espace). En contrepoint à cette densité temporelle, l’emprise spatiale semble a contrario bien plus faible : elle correspond à moins de 10 % de nos habités foisonnés4 (. Ceci est très fortement lié au fait que la densité d’usage au bureau est peu ou prou le tiers de celle de l’habitat. De façon préliminaire (et franchement imparfaite), essayons-nous à rendre compte du répartitif de nos occupations spatiales selon nos différents moments de vie. Le collage ci-dessous constitue un brouillon de représentation de nos densités d’occupation annuelle par type programmatique. Lors du pic d’intensité du bureau (soit, pendant notre vie active), le taux de présence moyen annuel est proche de 30 %5.

An intense space

4 Weighted average of our spatial situation over one life.

5 / About 220 days at 10 hours a day, or around 2,200 hours of the 8,760 hours in a year. 6 / Architects, engineers, landscape architects, acousticians… 7 / The turnover per employee is 50 000 to 200 000 euros a year for one surface of 10 to 20 m2 per person.

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Archétypes de rendement

Compact factories 3 / Based on an average life span of 80 years.

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In the 700,000 or so hours that a typical human life numbers,3 a sixth of this time is spent in offices (for those who exercise their profession in this kind of space). In counterpoint to this temporal density, the spatial grip of offices on our lives is much weaker, adding up to 10% of our lived-in spaces.4 This is very much due to the fact that the density of office usage is more or less a third of that of dwellings. As a way of beginning (and a clearly imperfect one), let’s see if we can put together an account of the spatial distribution our occupancies assume through the different stages of life The collage below sketches out the densities of our occupancies over a year by program type. At peak office intensity (meaning, during our working life), the average rate of presence is close to 30 %.5

The information factory Ever a place where social ties are developed, the office is also a factory. Neither transforming nor assembling materials, it essentially produces information. Our dozen pro persona square meters is the quantum of our workspace. Space, time, energy. Translated into economic terms, how much activity does one square meter of functional office space generate in a year? For our field, that of designers and project managers,6 let’s first allow that one surface unit generates between 5,000 and 20 000 euros of annual activity per functional square meter.7 Is this comparable to the surface productivity of a factory or a farm?

Histogramme du mix programmatique des usages en fonction des âges de vie. Collage de l’auteur.

3 / Fondée sur une espérance de vie d’environ 80 ans.

4 / Moyenne pondérée de nos emprises spatiales au cours d’une vie.

5 / Environ 220 jours à 10 h/j, soit environ 2 200 heures sur les 8 760 heures que compte une année.


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The ergonomics of economics Making the brain available

8 / This empirical law has the number of transistors on a chip doubling every two years.

As if caught in its own natural history narrative, the office has marked out optimum routes, the competition between different typological species, and convergence towards several global prototypes. Indeed, as efforts to optimize logistics and ergonomics in the factory proceed, the office certainly warrants similar attention. And to extend the computer analogy, the circuit paths in a microchip may also leave nothing to chance, optimizing the speed of information circulation without overheating the microprocessor. This design ambition is the Holy Grail as long as the Moore law applies.8 Transposing cybernetic theories into the realm of the office works perfectly. In fact, the high-tech movement in architecture – along with the diverse flock of its offspring – clearly saw itself in this world of “value added clinicians” and “profit interns.” The workspace was therefore in keeping: sober, neat, prophylactic, aseptic. One has only to think of the settings recently filmed in “The Company Men” and “Margin Call” which recruited their illustrious set decorators out of major English and American architectural agencies.

Planned obsolescence 9 / “Les designers, les vrais, sont des masochistes,” Télérama, 30 January 2011.

10 / Lucien Kroll, “Changement climatique – actions globales. Des réponses humanistes aidées par les basses technologies,” La Revue, no. 5, May 2011 (www.lrdb.fr).

11 See Cosima Dannoritzer’s documentary film “Prêt à jeter” (2010).

In a recent interview9 given shortly before he died, the designer Roger Talon held that, in the field of automotive creation, stylism had definitively replaced design. At a time when stock premiums and the wow effect are praised to the skies while the SUV and its “crossover” cousin reign like end-of-the-chain predators (anointed by planetary marketing campaigns) over the automotive fauna, an important part of contemporary architectural production would seem to be following in the footsteps of this disturbing trend.10

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L’usine informative Lieu évident de création de liens sociaux, le bureau est aussi une usine. Il ne transforme ni n’assemble des matières : il produit pour l’essentiel de l’information. Notre douzaine de mètres carrés pro personna est le quantum de notre espace de travail. De l’espace, du temps, de l’énergie. Traduits en termes économiques, quelle activité un mètre carré utile de bureau génère-t-il annuellement ? Pour notre champ professionnel – celui des concepteurs et des maîtres d’œuvre6 –, considérons en toute première approche qu’une unité de surface génère entre 5 000 et 20 000 euros d’activité par an par mètre carré utile7. Est-ce comparable au rendement surfacique d’une usine ou d’une exploitation agricole ?

6 / Architectes, ingénieurs, paysagistes, acousticiens… 7 / Le CA/pers est compris entre 50 000 et 200 000 euros par an pour une surface par personne comprise entre 10 et 20 m2.

L’ergonomie de l’économie Rendre le cerveau disponible Comme entraîné dans sa propre histoire naturelle, le bureau a défini ses trajectoires d’optimisation, la compétition entre différentes espèces typologiques et la convergence vers quelques archétypes globaux. En effet, à l’instar des efforts continus d’optimisation logistique et ergonomique dans une usine, le bureau réclame une attention au moins équivalente. En prolongeant l’analogie informatique, les tracés des circuits au sein d’une puce électronique ne doivent eux aussi rien laisser au hasard : optimiser la vitesse de circulation de l’information tout en limitant l’échauffement du microprocesseur. Cette ambition de conception constitue le Graal pour ne pas faire mentir la loi de Moore8.

In the kingdom of architecture, the “office genus” does not of course escape this paradigm. On the contrary, our tertiary spaces would seem to find themselves meekly shuffled to the side and reduced to has-been status much more easily than other architectural programs... all of which allows us to complete our parallel with the automobile industry: • An analogical convergence of prototypes. In the same genus, one species of typology becomes clearly dominant. Consider the predatory capacity of the traditional new office: it must meet marketing standards at least as constrictive as those inflicted on our famous multi-purpose vehicles or regular compacts (Mégane, Golf...) were faced with: optimal comfort for everyone and a safe design that troubles no one. • Going therefore against this objective, stubborn determination and the setting forth of design principles ultimately anchored in the basic needs and profile of the user. • And, to conclude, an equivalent measure of planned obsolescence. It is simply primordial to maintain the economic growth of these sectors so crucial to our national economies...11

Mad Men, fin des années 1960 : les Madison Men en cours de rationalisation de leur espace de production dédié à la créativité.

8 / Cette loi empirique montre que le nombre de transistors sur une puce informatique double tous les deux ans.


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12 / Donella Meadows, Dennis Meadows, Jorgen Randers and William Behrens The Limits To Growth, Universe Books, New York 1972.

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“If the average life span of each product circulating in the human economy could be multiplied by two, if we could recycle two times as much material, if we could manage with half of what we mobilize to manufacture a product, we could reduce the flow of material by a factor of eight.”12

Comfort transitivity The office, avatar of the car?

13 / Which is to say almost none.

This comparison with the automobile doesn’t stop here. Let’s test another hypothesis: have we not lived for too long in the interior climate offered by our cars? Has not our body become too accustomed to their ventilation ducts? Might not our hygrothermal comfort reflexes be alienated by this subversive, ever creeping, climatic culture of the car? The appearance of control, the multitude of dials, the adjustable louvers, the hot and cold levels at our fingertips: would not the modern office wish us to have a like “climate kit” and all its profusion of gadgets? The same humming air, the same pleasure fiddling with thermostats and electronic shutters? Several options to spice up our choices: can I afford automatic air conditioning? Would a double skin façade crash my budget? The second half of the wonderful film “Wall-e” challenges us with regard to the mirages of illusionary comfort, as well as the excesses of our coddling civilization and its underlying decadence. Making due allowances, an enclosed office is not far from offering us the windowed surface of a large monospace and the thermal inertia that goes with it.13

Work atmosphere A singular species 14 / Just as a factory depends on its production equipment. 15 / Simulation carried out on the ClimElioth® which corresponds to an enclosed office space of two grid frames built in accordance with current regulatory standards. Office facing southeast, featuring two meters of glazing height with a solar factor of 15 %.

Our tertiary spaces are also noteworthy for their great sensitivity to the exterior climate as well as technological evolutions,14 with the latter influencing interior conditions to a certain extent, for example, by the quantity of heat office equipment gives off. The following diagrams juxtapose demands for more heat or cold with changes in the outside temperature.15 In each graphic, the internal heat gain is given in increments of 10 W/m², starting with a value of 10 W/m² and rising to 40 W/m². Let us recall that the value usually settled upon for a thermal dynamic simulation is on the order of 30 to 35 W/m² for an office. First observation: the more the interior provision of heat rises, the higher the intensity of demand for cooling and the greater the quantity (number of dots per hour). The plume of blue dots grows.

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La transposition des théories de la cybernétique à l’univers du bureau fonctionne à merveille. D’ailleurs, le mouvement high-tech en architecture – et sa large descendance diversifiée – s’est amplement reconnu dans cet univers dédié aux « cliniciens de la valeur ajoutée » et aux « internes du profit ». L’espace est donc à l’avenant : sobre, épuré, prophylactique, aseptisé. Rappelons-nous les univers récemment filmés dans The Company Men ou dans Margin Call, qui ont pour illustres scénographes les grandes agences d’architecture anglo-saxonnes actuelles.

Obsolescence programmée Au cours d’une interview récente9, donnée peu de temps avant sa disparition, le designer Roger Talon énonçait qu’en matière de création automobile, le stylisme avait définitivement supplanté le design. En ces temps où le premium et le waouh effect sont portés au pinacle, où le sport utility vehicle et le crossover règnent comme prédateurs finaux de notre faune automobile (adoubés par un marketing devenu planétaire), une partie importante de la production architecturale contemporaine semble parfois emboîter le pas à cette dérangeante tendance de fond10. Au sein du règne architectural, le « genre bureau » n’échappe évidemment pas à ce paradigme. A fortiori, nos espaces tertiaires semblent subir une facilité de mise au rebut, une capacité à devenir has been bien supérieures à d’autres programmes architecturaux. En cela, nous pouvons achever notre parallèle avec l’industrie automobile : • Une convergence analogue des archétypes de gamme. Au sein d’un même genre, une espèce typologique devient largement prédominante. Pensons à la force de prédation du bureau neuf traditionnel : il doit correspondre à des critères marketing au moins aussi contraignants que ceux infligés au fameux segment C ou M1 de l’automobile, celui de nos compacts (Mégane, Golf...) : le confort optimal pour tout le monde, un design prudent afin de ne heurter personne. • À rebours donc de cet objectif, la force de l’opiniocratie et la tendance à énoncer des critères de design à partir des attentes moyennées et profilées de l’utilisateur final. • Et, pour finir, une obsolescence programmée sans doute équivalente. Il est absolument primordial de maintenir la croissance économique de ces activités cruciales pour nos économies nationales11...

« Si la durée de vie moyenne de chaque produit circulant dans l’économie humaine pouvait être multipliée par deux, si l’on pouvait recycler deux fois plus de matériaux, si on avait besoin de mobiliser moitié moins de matière pour fabriquer un produit, on pourrait diviser le flux de matière par huit12. »

9 / « Les designers, les vrais, sont des masochistes », Télérama, 30 janvier 2011.

10 / Lucien Kroll, « Changement climatique – actions globales. Des réponses humanistes aidées par les basses technologies », La Revue Revue, n° 5, mai 2011 (www.lrdb.fr).

11 / Revoir le film documentaire Prêt à jeter de Cosima Dannoritzer (2010).

12 / Donella Meadows, Dennis Meadows et Jorgen Randers, Les Limites à la croissance (dans un monde fini) [2004], Paris, Rue de l’échiquier, 2012.


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Tentative de généalogie comparée entre typologie des bureaux (en partie haute) et typologie des automobiles. La partie centrale correspond à un entremêlement fictif des arbres phylogénétiques de chaque espèce (une forme de symbiose avec échanges de gènes de design) : la convergence des archétypes contemporains du bureau R+5 et de la berline du segment M1. La suite de l’article pose l’émergence nécessaire et urgente de nouveaux types.

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Thermal instability

16 / For example, the m2/pers. 17 / Charge of artificial light. 18 / Average strength of Information and Communication Technology (ICT) present in this office.

These charts highlight the thin range of outside temperatures allowing the interior space a relatively stable climate. It’s an interval corresponding to exterior climatic situations during which the office is making no active provision of cold or hot; from a thermal standpoint, the office is “cruising” in the structure’s passive zone. In this way, the office fluctuates unendingly between a need for heat and need for cooling in order to maintain an interior temperature between 21 and 25° C. This is partially the fault of weak internal inertia: for a great portion of offices, constructive inertia is masked by drop ceilings and false floors. Here, once more, we have an analogy to the weak thermal inertia of the car interior: discomfort may result from inconsistency. With these four diagrams, we also see a gradual movement of the stable temperature: at 15 °C during limited use (10 W/m²), it nears 5 °C when the internal heat gain rises. Superpositioning the two clouds of dots ultimately reveals the extreme dependence of climatic behavior on usage,16 but also on building17 and furniture18 technology. To conclude, let us note that the dispersion of dots indicates strong dependence on the sum of solar rays coming through the plate glass windows.

Controlling the envelope It is therefore crucial that the office be contextualized with regard to climate. How many contemporary offices flout any effort to adapt design features to their façade’s aspect? How many times has transparency been held up as the ultimate marketing credo? The following map underlines the absurdity of promoting the same architectural prototypes from Moscow to Kuala Lumpur (but also, on a national scale, from Brest to Strasbourg and Toulouse to Dunkirk). The histogram below shows, moreover, the inequalities caused by climate while demonstrating the theorem positing the foolishness of international style and contemporary generic prototypes.

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19 / The Resilis research program. For more information, see http://www.resilis.fr/ et http://elioth.com/ fr/2010/09/resilis/.

We must immediately cease planning architecture simply for what it will be on delivery, and better concern ourselves with its well-being as an adult. This would follow for our visual renderings – project managers calling for perspectives simulating buildings twenty years hence would provide a great excuse for a serious public debate regarding future prospects – as well as our thermodynamic

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Transitivité du confort Le bureau, avatar de la voiture ? Ce comparatif automobile ne s’arrête pas là. Testons une autre hypothèse : n’avons-nous pas vécu trop longtemps le climat intérieur proposé par nos automobiles ? Notre corps ne s’est-il pas exagérément habitué à leurs buses de ventilation ? Nos réflexes de confort hygrothermique ne seraient-ils pas aliénés à cette rampante et subversive culture climatique automobile ? L’apparence du contrôle, la multitude des réglages, les ouïes orientables, le rhéostat de chaud et de froid à portée de main : le « kit climatique » du bureau contemporain ne souhaite-t-il pas nous offrir une similaire profusion de gadgets ? Même feulement de la climatisation, même plaisir de la manipulation des thermostats et des stores asservis électriquement. Quelques options aussi pour pimenter le choix : puis-je m’offrir la climatisation automatique ? Une double-peau rentre-t-elle dans mon budget ? La deuxième partie du merveilleux Wall-e nous interpelle sur ces mirages de l’illusion du confort, des excès d’une civilisation ultra-assistée et de sa décadence sous-jacente. Toutes proportions gardées, un bureau encloisonné n’est pas loin d’offrir la surface vitrée d’un grand monospace et une inertie thermique à l’avenant13.

Forecast uncertainties The durability of our offices should also be gauged in relation to the issue of climate change. In a French National Research Agency study, we assessed the fundamental consequences of climate evolution on a building’s need of hot and cold. Our investigation revealed a drastic increase over the next century in the demand for cold to maintain the usual recommended temperatures.19 By virtue of the intensity of their utilization, tertiary spaces will be particularly sensitive to this relentless trend. In the framework of inquiries into the outlook for the future by the Elioth team, we also produced a summary of this trend on a global scale. In the vast majority of geographical locations, the demand for cold (and therefore the final consumption of energy associated with this demand) is soaring. Not immediately incorporating this fact into office programs means barreling fullspeed towards some very unpleasant surprises, both in the area of consumption as well as that of managing demand peak levels in our energy networks.

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Fantasme climatique

13 / C’est-à-dire quasi nulle.


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simulations; indeed, we must develop models of a building’s behavior in its real climatic context, meaning the environment of its adulthood rather than the one preceding its gestation.

Energy intensities A bit of thermodynamics in the office Energy in the catchment Let’s put the climate economy equation to rest for a moment and have a look at the office’s energy metabolism. What in fact is its energy input? Electricity, heat or cold delivered by energy networks, gas, geothermic exchanges, even integrated renewable energy: our by-the-book number crunching has the accounting mechanics running smoothly indeed. But let’s expand the limits of this count by first adding specific electricity to it, and then the different end uses that find themselves outside the sphere of these by-the-book calculations. Next, let’s add the metabolical consumption of energy by users as well as a share of their travel. If this consolidation integrates people as well as their mobility, then the noon meal should also be counted (in general consumed within the built-up perimeter of the office) along with the energy balance of the average 1,000 or so kilocalories that a person takes in during work day. To this should be added half the energy consumed by the home-to-job trip (as a first hypothesis of consolidation). Following this, professional travel will need to be factored in, (which makes the analysis even more complex). 20 / “Ignis Mutat Res, Penser l’architecture, la ville et les paysages au prisme de l’énergie,” interministerial research program conducted by the Ministry of Culture, the Ministry of Ecologie and the Atelier International du Grand Paris. 21 / [Re][For][Me] Team – (Représentations de l’énergie, Formalisations mathématiques et Mécanismes économiques): Raphaël Ménard (science), Maurizio Brocato (institutions), Paolo Ciucarelli, Yves Cochet, Alain Dervieux, and Jian Zhuo.

With the Ignis Mutat Res program,20 our team – [Re][For][Me]21 – is working on the question of energy catchment areas: what are the geographical origins of our different energy inputs? In the course of this investigation, we also plan to explore the question on a local level as it applies to architecture. For today’s offices, what is the typical location for energy collection? If the current is delivered via our national network, then the roots of our computers and printers would be reaching all the way to the uranium mines of Niger… In the hopes of compensating this dilution in our collection efforts, there are several morphological approaches that we might test in order to reduce our footprint and evaluate the maximum densities compatible with this goal. The office that supplies itself, that compensates for the expenditure of its embodied energy, that covers 50 % of the home-work trip’s energy needs and produces the necessary nourishment for its occupants five times a week... might such an office be more than a dream? What would the consequences for energy intensity in our metropolitan areas accommodating a large portion of our offices be? In an even more global approach, it would also be necessary to take into account the costs of embodied energy – renovation and replacement of carpets, furniture, and all the consumables connected to office life... By buying an ink cartridge, we draw into the office’s perimeter a charge of embodied energy, its utilization leading to amortization and depreciation of its value. This additional line will be added as charges to the energy balance sheet shown below.

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Ambiances de travail Une espèce à part Nos espaces tertiaires se caractérisent aussi par leur grande sensibilité au climat extérieur comme aux évolutions technologiques14. Ces dernières requalifient pour partie les apports internes, soit la quantité de chaleur dégagée par nos équipements de bureautique. Les diagrammes ci-après mettent en relation les demandes thermiques froides et chaudes vis-à-vis de la température extérieure15. À chaque graphique, les apports internes sont incrémentés de 10 W/m², à partir d’une valeur de 10 W/m², jusqu’à 40 W/m². Rappelons que la valeur habituellement retenue pour une simulation thermique dynamique est de l’ordre de 30 à 35 W/m² pour un bureau. Premier constat : plus la charge de chaleur interne augmente, plus la demande de froid croît en intensité (puissance appelée) comme en quantité (nombre de points horaires) : le panache de points bleus grandit.

14 / Au même titre qu’une usine est dépendante de ses outils de production. 15 / Simulation réalisée sur le ClimElioth® qui correspond à un espace de bureau encloisonné de deux trames construit selon les standards réglementaires en vigueur. Bureau exposé sud-est, disposant de 2 mètres de hauteur de clair de vitrage avec un facteur solaire de 15 %.

Résultats de simulations climatiques sur un bureau encloisonné archétypique situé à Paris.


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© Elioth, groupe Egis, 2010

Instabilité thermique

Histogramme des demandes climatiques du bureau en fonction de différentes situations géographiques. La pyramide de gauche exhibe à la fois la demande froide (en bleu) et la demande chaude (en rouge). La pyramide centrale agrège les deux demandes climatiques. La couleur de chaque barre est associée à la latitude du site : le beige correspond aux latitudes proches de l’équateur tandis que le bleu correspond aux latitudes se rapprochant des pôles. Les villes situées à proximité de l’équateur sont globalement défavorisées. Enfin, la pyramide de droite correspond au pourcentage de passivité du bâti, c’est-à-dire au ratio de temps d’utilisation pendant lequel l’édifice ne réclame ni chaleur ni fraîcheur pour maintenir les températures de consigne.

Ces graphiques mettent en relief la mince plage de température extérieure qui permet une relative stabilité climatique de l’espace intérieur. Cet intervalle correspond aux situations climatiques extérieures pendant lesquelles le bureau n’a recours à aucun apport actif, ni de chaud, ni de froid : il « plane » du point de vue de la thermique. Cette zone correspond à l’expression de la passivité du bâti. Ainsi, le bureau oscille perpétuellement entre besoin de chaleur et besoin de fraîcheur pour maintenir une température interne comprise entre 21 et 25 °C. La faute en partie à une inertie interne très faible : pour une grande partie des bureaux, l’inertie constructive est masquée par des faux plafonds et faux planchers. Nous trouvons à nouveau une correspondance avec la très faible inertie thermique des espaces intérieurs automobiles : l’inconfort peut résulter de l’inconstance. Entre ces quatre diagrammes, nous constatons également une migration progressive de la température d’équilibre : de 15 °C à faible intensité d’usage (10 W/m²), elle devient proche de 5 °C lorsque les apports internes augmentent. La superposition des deux nuages de points révèle enfin la très large dépendance du comportement climatique aux usages16, mais également aux technologies immobilières17 et mobilières18. Notons pour finir que la dispersion des points indique une forte dépendance à la charge solaire pénétrant par les baies vitrées.

Contrôler l’enveloppe Il est ainsi crucial que le bureau se contextualise climatiquement. Combien de bureaux contemporains font fi de l’adaptation des caractéristiques de façade selon leur orientation ? Combien de fois la transparence vitrée est énoncée en credo marketing absolu ? La carte ci-après met en exergue l’aberration consistant à proposer les mêmes archétypes architecturaux de Moscou à Kuala Lumpur (mais aussi, à notre échelle nationale, entre Brest et Strasbourg ou entre Toulouse et Dunkerque). L’histogramme ci-dessous montre d’ailleurs l’inégalité engendrée par le climat : il fournit la démonstration du théorème de l’ineptie du style international ou des archétypes génériques contemporains.

16 / Par exemple les m2/pers. 17 / Charge d’éclairage artificiel. 18 / Puissance moyenne de Technologies de l’information et de la communication (TIC) présente dans le bureau.

© Elioth, groupe Egis, 2012

Incertitudes prospectives

Carte d’évolution tendancielle des demandes chaude et froide. On constate de façon globale une évolution drastique de la demande froide (mesurée en évolution probable des degrés-jours unifiés « froids » sur la base d’une température de consigne à 25 °C).

La pérennité de nos bureaux doit aussi être jaugée selon les enjeux du changement climatique. Dans le cadre d’un programme de recherche porté par l’Agence nationale de la recherche, nous avons évalué les conséquences tendancielles de l’évolution du climat sur la demande de chaud et de froid du bâti. Nos études ont permis de constater une évolution drastique, au cours du siècle prochain, de la demande de froid pour garantir nos températures de consigne usuelles19. Du fait de leur intensité d’usage, les espaces tertiaires seront très sensibles à cette tendance inexorable. Dans le cadre des réflexions prospectives au sein d’Elioth, nous avons également résumé cette tendance à l’échelle mondiale. Dans la très grande majorité des situations géographiques, la demande de froid (et donc la consommation d’énergie finale associée à cette demande) explose. Sans prise en compte urgente de ce paramètre dans la programmation des bureaux, nous allons au-devant de mauvaises surprises, tant sur la consommation que sur la maîtrise des pics de demande pour nos réseaux d’énergie.

19 / Programme de recherche Resilis. Pour plus d’informations, voir http://www.resilis.fr/ et http://elioth.com/ fr/2010/09/resilis/.


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The office and the second law After this assessment of energy conservation, let’s move on to the second law of thermodynamics. We should begin by recalling the wonderful, all-embracing definition offered by Judy Davis’s Sally in Woody Allen’s “Husbands and Wives”: “It’s the Second Law of Thermodynamics: sooner or later everything turns to shit.” The second law of thermodynamics does indeed state that the measure of disorder in a closed system increases with time. A broken cup will not repair itself, and there’s no chance of lukewarm water organizing itself into cold and hot subvolumes. In the area of services, we could put forward the following hypothesis: the value added of an undertaking translates as increased order through the provision of information, in the cybernetic sense of the word. Translated into the language of thermodynamics, this would be a negative entropy. This production of information, however, is only possible at the cost of a minimal consumption of energy. In the last century, cybernetic theoreticians – Claude Shannon in particular – examined this question from a theoretical standpoint. On the macroscopic scale of our offices, a “perfect order” capable of producing information while generating an office configuration consuming zero energy is an impossible reach. At best, offices will manage a level of energy autonomy on par with the space they occupy.

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Nous devons instamment cesser de projeter l’architecture à l’horizon de sa livraison pour l’envisager davantage au service de sa vie d’adulte. Ceci est valable pour nos visuels de rendu (les maîtres d’ouvrage réclamant des perspectives de leur commande vingt ans après leur inauguration, cela fournirait un beau prétexte à des débats collectifs de fond sur nos futurs possibles), comme pour nos simulations thermiques dynamiques (modélisons en effet le comportement du bâtiment dans un environnement climatique qui sera celui de son âge adulte plutôt que celui précédant sa gestation...)

Intensités énergétiques Petite thermodynamique du bureau Les bassins versants énergétiques

Energy versus cash The Kaya Identity While waiting for energy nirvana, let’s see how we can measure our indulgences. What does energy intensity measure? On a national scale, it compares the end consumption of energy to gross domestic product, thus allowing evaluation of the economic efficiency of an economy. For France, it’s around .1 ton of oil equivalent (TOE) for 1,000 euros of gross domestic product: that more or less corresponds to consumption of 1 kWh of final energy for 1 euro of gross domestic product. Yoichi Kaya invested this quantity with particular weight in the equation that now carries his name. Indeed, the Japanese professor used everyday language to describe a connection linking the demography, wealth, energy intensity and nature of the energetic mix to anthropic greenhouse gas emissions.

CO2 = POP.

GDP ENERGY CO2 . . POP GDP ENERGY

• population, • GDP by inhabitant, • energy intensity per unit of GDP produced, 22 / The energy economist Yoichi Kaya developed this equation in Environment, Energy, and Economy: Strategies for Sustainability, New Delhi, Bookwell, 1999.

.

22

• intensity of GHG emissions per unit of energy consumption

As for our corner of the economic sector, the last three items certainly concern the area of tertiary constructions. The objective is to maintain the same buying power while all the while drastically reducing the last two items. Attaining a factor of four would mean cutting these two quantities in half.

Laissons un temps l’équation économique et climatique pour interroger le métabolisme énergétique du bureau. Quels sont en effet ses intrants énergétiques ? Électricité, chaleur ou froid délivrés par des réseaux d’énergie, gaz, échanges géothermiques, voire intégration d’énergies renouvelables : nos calculs réglementaires ont huilé cette petite mécanique comptable. Mais élargissons le périmètre de ce comptage, en y intégrant en premier lieu l’électricité spécifique, puis les différents usages finaux non comptabilisés dans le calcul réglementaire. Ajoutons-y ensuite la consommation énergétique métabolique des usagers, ainsi qu’une partie de leurs déplacements. Si la consolidation intègre les hommes et leur mobilité, il y a alors lieu de valoriser le repas du midi (en général consommé dans le périmètre bâti du bureau) et donc de prendre en considération dans le bilan énergétique les quelque 1 000 kcal ingérés en moyenne par individu et par jour de travail ; il faut aussi comptabiliser la moitié de la consommation énergétique associée au déplacement domiciletravail (comme première hypothèse de consolidation). Dans un second temps, il s’agira de prendre en compte les déplacements professionnels (ce qui rend l’analyse franchement complexe). Au sein du programme Ignis Mutat Res20, notre équipe, dénommée [Re][For] [Me]21, travaille sur la question des bassins versants énergétiques des territoires : quelles sont les provenances géographiques de nos différents intrants énergétiques ? Dans le cadre de cette recherche, nous prévoyons aussi de tester cette question de façon locale, à l’échelle de l’architecture. Dans nos bureaux contemporains, quelle est l’aire caractéristique de captation de l’énergie ? Si l’électricité vient du réseau national, alors les dendrites de captage vont jusqu’aux mines d’uranium dans le Niger… En vue de palier cette dilution de nos emprises de captage, il nous faut tester quelques pistes morphologiques permettant de réduire cette empreinte et évaluer

20 / « Ignis Mutat Res, Penser l’architecture, la ville et les paysages au prisme de l’énergie », programme de recherche interministériel piloté par le ministère de la Culture, le ministère de l’Écologie et l’Atelier international du Grand Paris. 21 / Équipe [Re][For][Me] (Représentations de l’énergie, Formalisations mathématiques et Mécanismes économiques) : Raphaël Ménard, responsable scientifique ; Maurizio Brocato, responsable institutionnel ; Paolo Ciucarelli, Yves Cochet, Alain Dervieux, Jian Zhuo.


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It’s clear that industrial processes have an important effect on these measures, depending on the scale (international, European, national) of their energy intensity. Still, the tertiary sector’s role in the end consumption of energy cannot be overlooked. It is therefore high time we began to take responsibility with regard to the last two items of the Kaya equation! We are going to make a humble attempt to measure, on a small scale, the energy intensity of our offices. Will it one day have a place in the CSR (Corporate Social Responsibility) scorecards? Are we seeing the beginnings of tax incentives to favor greater temperance and efficiency among players in the service sector? More generally, we could well imagine a fiscal approach to companies in part correlated to their virtue as regards energy intensity and this, depending on the category of their activity.

Scenario #1: Business as usual

23 / 0.15 x 4 cents ≈ 0.6 % of activity.

For this first hypothesis, we’ll examine the case of an office employee. The economic activities of the firm he works for produce 55,000 euros in turnover per worker. The building he works in is a relatively old one that hasn’t benefitted from energy renovations. To go there, he drives 35 kilometers in a car consuming 7 liters of gas every 100 kilometers. He generally has no job-related trips to make during the day and usually has a hamburger and fries in the cafeteria for lunch. There is significant consumption of power by office materials and the system in place for renewing computer equipment was not developed with an eye to environmental concerns. In this example, annual consolidated consumption is around 1 TOE per employee. Let us recall that in Europe, final energy consumption is around 3.8 TOE per inhabitant. The energy consumption by users is thus 11 000 kWh of primary energy per employee per year, and estimated at 9 000 kWh of final energy. Because of a moderate pro persona economic return and an important per capita consumption of energy, the energy intensity of this office is bad, around .20 kWh per euro of activity.23 If we add 20,000 kilometers of professional excursions by car to that, the intensity worsens even further to reach .85 kWh/€! It’s almost equal to the national average into which the weight of industrial consumption figures. Tertiary and secondary, same fight?

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les densités maximales compatibles avec cette exigence. Le bureau qui s’autoalimente, qui compense l’amortissement de son énergie grise, qui fournit 50 % des besoins énergétiques du trajet domicile-travail et qui produit la nourriture nécessaire à ses occupants cinq midis par semaine est-il dès lors tangible ? Quelles conséquences à terme sur l’intensité énergétique de nos aires métropolitaines (celles-ci hébergeant une grande partie des bureaux) ? Dans une approche plus globale encore, il s’agirait de prendre également en compte les dépenses courantes d’énergie grise : rénovation des moquettes, changement du mobilier, ainsi que tous les consommables de la vie de bureau… En achetant une cartouche d’encre, nous faisons entrer dans le périmètre du bureau un actif d’énergie grise ; son usage conduit à amortir et déprécier sa valeur. Cette ligne supplémentaire s’ajoutera comme charges au compte de résultat énergétique présenté ci-après.

Intrants énergétiques de haute qualité (électricité, hydrocarbures, aliments, objets et matériaux ayant en amont réclamé des intrants énergétiques importants), à comparer aux sortants énergétiques de basse qualité (chaleur fatale) et à la production d’informations (la néguentropie espérée de nos activités professionnelles !)

Compensate?

24 / Raphaël Ménard, “Mutations des programmes,” in Architecture = durable, Jacques Ferrier (dir.), Paris, Pavillon de l’Arsenal, Picard, 2008.

Consequently, coming out positive (or at least even on this consolidated balance sheet) calls for on-site production of an equivalent quantity of energy. We should note that this neutrality is not a guarantee of self-sufficiency as far as the uncertain connection between product mix demand and product mix offer is concerned, nor vis-à-vis the temporal co-occurrence of production and consumption. Architecture = durable24 raised the question of positivity asymptotes and sought evidence of the physical invariants providing (or not providing) grounds for energy neutrality in a given program or a particular morphology. In order to compensate – in our dreams! – this energy input, it would be necessary to install over 40 m² of photovoltaic panels per employee. Practically speaking, the equation doesn’t hold up: it would call for more than three roofs per individual. Translating this notion into terms of maximum density, we see the difficulty of creating a wholly neutral neighborhood of offices with more than fifty persons per hectare.

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Bureau et second principe Après ce bilan de conservation de l’énergie, passons à présent au second principe de la thermodynamique. Rappelons la splendide définition synthétique que donne le personnage joué par Diane Keaton dans Annie Hall, de Woody Allen : « De toute façon, d’après le second principe, tout devient merdique. » La deuxième loi de la thermodynamique énonce en effet que la mesure du désordre d’un système clos augmente avec le temps. Impossible qu’une tasse cassée se recompose d’elle-même, aucune chance que de l’eau tiède se compartimente en des sousvolumes chauds et froids. Dans le champ des services, nous pourrions poser l’hypothèse suivante : la valeur ajoutée d’une entreprise se traduit comme un supplément d’ordre, par un apport d’informations au sens cybernétique du terme. Traduit en langage thermodynamique, il s’agirait d’une entropie négative. Cette production d’informations n’est toutefois possible qu’au prix d’une consommation minimale d’énergie. Au cours du siècle précédent, les théoriciens

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Towards another architecture? Heading up Thrift Street

25 / For the end result of these calculations, contact: r.menard@ elioth.fr.

I’d like to venture a somewhat exalted definition here: architecture, thanks to the inspired edifices it has skillfully constructed all around the globe, catalyzes the flowering of man’s genius. Considering the era’s multiplicity of crises and mutations (depletion of natural resources, accelerating climate change, finance capitalism havoc, problematics of agricultural yields, water supply…), this entity warrants a complete redefinition as regards its theoretical models as well as its implementation strategies. In an uncertain economic context, the office must reinvent new prototypes of frugality and this, while going beyond its intrinsic performance in usage density. This demand squares not with austerity, but rather with a new consciousness of the responsibility borne by our builders. To complete the automobile analogy, the office prototype suffers “mutation stress” analogous to that experience by our favorite personal conveyance. Car and office builders continued to produce and perfect prototypes that we now find to be of limited adaptive capacity. From a purely technical-economical viewpoint, automobile manufacturers would be perfectly capable of offering affordable, light, safe and elegant cars that consume less than 2 liters for every 100 kilometers. So what if the office were to do just that, repackaging and marketing itself in terms both visionary and inspirational? It would, in fact, be not at all unreasonable to offer tertiary spaces calling for only 3,000 kWh of final energy per employee and generating an energy intensity below .03 kWh/€. By reducing the portion of energy allotted for transportation, we could create high density neutral areas (able to maintain over 300 users per hectare).25 This flexible resiliency equation should above all be adopted for renovation of the already existent stock of buildings. To do a lot with very limited means once the problem is properly posed... It’s merely a question of putting forward the principles on which the pertinence of an adapted design can be based. Don Draper does nothing less when he’s racking his brains in order to find a good slogan for Sterling-Cooper.

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de la cybernétique – notamment Claude Shannon – ont étudié cette question d’un point de vue théorique. À l’échelle macroscopique de nos bureaux, il est impossible de tendre vers l’« ordinateur parfait » : produire de l’information et engendrer de l’ordonnancement pour une consommation énergétique nulle. Au mieux les bureaux parviendront-ils à un certain niveau d’autonomie énergétique à l’échelle de leur emprise spatiale.

Énergie vs cash L’équation de Kaya Avant le nirvana énergétique, donnons-nous les moyens de mesurer nos indulgences. Qu’est-ce que mesure l’intensité énergétique ? À l’échelle nationale, elle compare la consommation finale d’énergie au produit intérieur brut, permettant ainsi d’évaluer l’efficacité économique d’une économie. Pour la France, elle est de l’ordre de 0,1 tonne d’équivalent pétrole (TEP) pour 1 000 euros de produit intérieur brut : cela correspond à peu près à une consommation de 1 kWh d’énergie finale pour 1 euro de produit intérieur brut. Yoichi Kaya a donné un poids particulier à cette quantité dans l’équation qui porte maintenant son nom. Kaya a en effet écrit de façon triviale une relation liant démographie, richesse, intensité énergétique et nature du mix énergétique avec les émissions anthropiques de gaz à effet de serre.

PIB ÉNERGIE CO2 CO2 = POP. . . POP PIB ÉNERGIE • la population, • le PIB par habitant, • l’intensité énergétique par unité de PIB produite, • l’intensité d’émission de CO2 par unité d’énergie consommée22.

Dans notre secteur de l’espace économique, les trois derniers termes impliquent le domaine de l’immobilier tertiaire. L’objectif est de maintenir un même pouvoir d’achat tout en faisant réduire de façon drastique les deux derniers termes. Tendre vers le facteur quatre supposerait une division par deux de ces termes. Il est certain que les processus industriels ont un poids très important sur les mesures, à différentes échelles spatiales de l’intensité énergétique (mondiale, continentale, nationale). Néanmoins, la part du tertiaire dans la consommation finale d’énergie n’est pas du tout à négliger. Il est donc plus que temps de se responsabiliser sur les deux derniers termes de l’équation de Kaya ! Nous tâcherons modestement d’évaluer à petite échelle l’intensité énergétique de nos bureaux. Deviendra-t-elle un futur indicateur des rapports de RSE (la Responsabilité sociale et environnementale des entreprises) ? Les prémices d’une fiscalité incitative pour encourager sobriété et efficacité des acteurs du tertiaire ? Plus généralement, nous pourrions imaginer une fiscalité des entreprises partiellement corrélée à la vertu de leur intensité énergétique, et ce, selon la catégorie de leur activité.

22 / L’économiste de l’énergie Yoichi Kaya a développé cette équation dans Environment, Energy, and Economy : Strategies for Sustainability Sustainability, New Delhi, Bookwell, 1999.


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Scénario #1 : « Business as usual » Pour cette première hypothèse, nous considérons le cas d’un employé de bureau. L’activité économique de l’entreprise dans laquelle il travaille génère 55 000 euros de chiffre d’affaires par salarié. Il travaille dans un bâtiment relativement ancien n’ayant pas bénéficié de rénovation énergétique. Pour s’y rendre, il parcourt 35 kilomètres dans une voiture qui consomme 7 litres aux 100 kilomètres de carburant. Il n’effectue en général aucun déplacement professionnel et mange la plupart du temps un steakfrites à la cantine. La consommation associée à l’usage de la bureautique est importante et la stratégie de renouvellement du parc informatique n’est pas étudiée d’un point de vue environnemental. Dans ce cas de figure, la consommation consolidée annuelle est de l’ordre de 1 TEP par salarié. Rappelons que la consommation en énergie finale par Européen est de l’ordre de 3,8 TEP par habitant. La consommation énergétique par usager est alors de l’ordre de 11 000 kWh d’énergie primaire par salarié et par an, et estimée à 9 000 kWh d’énergie finale. Du fait d’un rendement économique pro persona modéré et d’une importante consommation énergétique par personne, l’intensité énergétique de ce bureau est mauvaise : elle est de l’ordre de 0,20 kWh par euro d’activité23. Si on ajoute à cela 20 000 kilomètres de trajets professionnels en voiture, l’intensité se dégrade considérablement pour tendre vers 0,85 kWh/€ de chiffre d’affaires ! Il s’agit presque de la moyenne nationale qui comprend dans sa contribution le poids de la consommation des industriels. Tertiaire et secondaire, même combat ?

23 / 0,15 x 4 cents ≈ 0,6 % de l’activité.

Compenser ? Dès lors, être positif (ou a minima neutre vis-à-vis de ce bilan consolidé) réclame de produire sur site une quantité équivalente d’énergie. Notons que cette neutralité ne sera pas gage d’autosuffisance, ni dans la très incertaine correspondance entre mix de demande et mix d’offre, ni vis-à-vis de la coïncidence temporelle entre production et consommation. Dans Architecture = durable24, il était question des plafonds de positivité et d’apporter des éléments de preuve des invariants physiques qui rendent possible ou improbable l’attendu de neutralité énergétique vis-à-vis d’un programme et d’une morphologie. Pour tenter – fictivement – de compenser cet intrant énergétique, il serait nécessaire d’implanter plus de 40 m² de panneaux photovoltaïques par salarié. Morphologiquement, l’équation n’est pas tenable : il faudrait plus de trois toitures par individu. Si l’on traduit cette ambition en terme de densité maximale, il est alors difficile de faire naître un quartier de bureau globalement neutre à plus de 50 personnes/hectare.

Compte de résultat énergétique. Hypothèse de l’auteur.

24 / Raphaël Ménard, «Mutations des programmes», in Architecture = durable durable, Jacques Ferrier (dir.), Paris, Pavillon de l’Arsenal, Picard, 2008.


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Vers une autre architecture ? Trajectoire de frugalité

Le bureau et ses métabolismes conjugués.

Tentons une définition exaltée : l’architecture catalyse l’épanouissement du génie humain, grâce à des édifices inspirés et savamment construits sur la surface de notre globe. À l’aune de la diversité de nos crises et de nos mutations (déplétion des ressources naturelles, changement climatique accéléré, crise du capitalisme financier, problématique des rendements agricoles, approvisionnement en eau…), cette essence mérite une redéfinition complète dans ses modèles théoriques comme dans ses stratégies de mise en œuvre. Dans un contexte économique incertain, le bureau doit réinventer des archétypes de frugalité et ce, au-delà de sa performance intrinsèque de densité d’usage. Cette exigence rime non avec austérité, mais au contraire avec une nouvelle prise de conscience de la responsabilité des acteurs du construire. Pour parachever l’analogie avec l’automobile, l’archétype du bureau rencontre un « stress de mutation » analogue à celui de nos vecteurs préférés de mobilité individuelle. Constructeurs automobiles et producteurs du bureau ont en effet trop longtemps produit et optimisé des archétypes désormais bien peu enclins à l’adaptation. D’un strict point de vue technico-économique, les constructeurs automobiles seraient parfaitement capables de proposer des automobiles abordables, légères, sûres et élégantes qui consomment moins de 2 litres aux 100 kilomètres. Et si le bureau faisait de même en reposant les termes adéquats d’un marketing visionnaire et inspiré ? Il serait en effet tangible de proposer des espaces tertiaires ne réclamant que 3 000 kWh d’énergie finale par salarié, susceptibles de générer une intensité énergétique inférieure à 0,03 kWh/€ de chiffre d’affaires. En diminuant la part énergétique allouée aux transports, nous pourrions créer des quartiers neutres à forte densité (pouvant être supérieure à 300 usagers/hectare)25. Cette équation de résilience doit surtout être posée pour la rénovation du parc immobilier existant. Faire beaucoup avec très peu de moyens, une fois le problème bien posé. Il s’agit uniquement de reposer les critères fondant la pertinence d’un design adapté. Don Draper fait exactement la même chose lorsqu’il remue ses méninges pour trouver le bon slogan chez Sterling-Cooper.

25 / Demandez le bout de calcul à cette adresse : r.menard@elioth.fr


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