Rébellion 62

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BIMESTRIEL

DE L’ORGANISATION SOCIALISTE RÉVOLUTIONNAIRE EUROPÉENNE


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2014

P04 EDITORIAL Sur le front de la quatrième guerre mondiale P06 IN MEMORIAM COSTANZO PREVE P07 POLEMIQUE Nouvelle Inquisition/ Les bûchers se rallument ! P13 CHRONIQUE Affaire Dekhar/ Que devient le rêve, quand le rêve est fini ? P14 INTERNATIONAL Lampedusa. L'immoralisme occidental /Anthologie des discours de Thomas Sankara P18 ALTERNATIVES La barbarie au coeur du système P20 Pistes de réflexions. Pour des communautés politiques, autonomes et offensives ! P 24 Végétarisme. Le Végétarisme comme éthique de vie P27 Orientations politiques de l'osre. P30 CULTURE Chroniques livres/ Les démons du Bien d'Alain de Benoist/ Krisis. Sciences ?/

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BIMESTRIEL

DE L’ORGANISATION SOCIALISTE RÉVOLUTIONNAIRE EUROPÉENNE

Directeur de la publication  O. Gnutti Adresse postale  « Pour la renaissance du socialisme européen » c/o Rébellion BP 62124 31020 Toulouse cedex 2 rebellion_larevue@yahoo.fr

rebellion.hautetfort.com facebook.com/rebellion.osre ©Tous droits de reproduction réservés pour tous pays. Reproduction, de quelque manière que ce soit,interdite sauf accord écrit préalable de la direction. ISSN 1761-7669


L

a dernière traduction et parution en français d’un livre de Costanzo Preve a coïncidé avec la disparition de l’auteur. Au delà de la perte d’un ami nous voilà privés de la contribution d’un philosophe pour lequel la réflexion se nourrissait d’une confrontation avec les enjeux politiques de notre temps, ce dont témoigne l’ouvrage « La Quatrième Guerre Mondiale»(1) paru en Italie en 2008, véritable essai historico-philosophique sur la trajectoire du capitalisme moderne depuis la période de la première guerre mondiale jusqu’à nos jours. En effet, l’intérêt du livre réside dans la démarche de l’auteur consistant à se demander où nous en sommes et ce que nous pouvons faire, si l’on considère notre temps comme celui où dans un monde «post-bourgeois» et «postprolétarien», domine «le capitalisme absolu». Cette nouvelle ère s’est ouverte lors de la disparition de l’URSS en 1991 mettant fin à la troisième guerre mondiale (guerre froide), laissant place à la quatrième guerre mondiale conduite par les Etats-Unis et ses alliés contre «le terrorisme international», c’est-à-dire contre tout ce qui n’est pas eux... Constanzo Preve interprète librement le mot de Pou-

tine selon lequel cette disparition fut «la plus grande tragédie de l’histoire du 20° siècle». Il faut caractériser chacune des grandes guerres ayant émaillé les cent dernières années de l’histoire du capitalisme. La spécificité de l’analyse du philosophe turinois repose, en grande partie, sur la lecture géopolitique qu’il fait de celle-ci. Cette lecture n’est pas un modèle parmi d’autres possibles, choisi arbitrairement afin d’attirer l’attention d’un public universitaire. En réalité, elle nous apparaît comme étant nécessaire à la compréhension du déploiement du capitalisme. La «globalisation» de celui-ci est le renforcement extensif/intensif du rapport social initialement analysé par Marx ( reproduction élargie du capital, procès croissant de valorisation). Si Lénine pouvait parler de l’impérialisme comme étant son stade suprême de développement, il pouvait légitimement, selon nous, le définir ainsi à son époque puisque les nations capitalistes dominantes en étaient arrivées dans la course au partage du marché mondial, à la situation où allait éclater l’oecumène capitaliste d’alors ; en l’occurrence, le rapport de forces géopolitique européen (dominant la géopolitique mondiale) s’instaurant au détriment des empires austro-hongrois et ottoman

éliminés en tant que tels avec à la clef un nouveau partage des colonies, des débouchés commerciaux et stratégiques et un nouveau redécoupage des frontières étatiques européennes. A partir de là, les Etats-Unis prennent le devant de la scène en devenant l’acteur principal de la réorganisation géopolitique du système capitaliste. Sans entrer dans les détails de l’ouvrage riche en enseignements de cet ordre, tirons la leçon selon laquelle les Etats-Unis ont unifié le monde occidental et ses dépendances sous le modèle atlantiste (deuxième guerre mondiale avec élimination des prétentions impérialistes des puissances de l’Axe, occupation économique et stratégique de l’Europe occidentale et d’une partie de l’Asie). Il s’agit là d’un basculement dans l’équilibre des impérialismes avec l’effacement de la domination des nations impérialistes plus anciennes se mettant de gré ou de force à la remorque de l’oncle Sam. La mystification démocratique s’impose militairement et idéologiquement alors en se cristallisant autour de la question de la guerre froide (troisième guerre mondiale) bipolarisée et perdue comme on le sait par l’URSS et ses alliés. A ce moment-là, la course au triomphe des forces atlanto-sionistes s’accélère et se tradui-


ra, entre autre, par l’agression contre l’Irak et l’ex-Yougoslavie et la tentative de démantèlement de la puissance eurasienne russe fort heureusement contrariée par le sursaut de celle-ci. En conséquence, le stade suprême du capitalisme est bien l’impérialisme se réalisant géopolitiquement pour atteindre actuellement au «capitalisme absolu» (concept de Preve). Ce stade suprême ne saurait être un achèvement définitif de sa nature, dans le temps ni dans l’espace (fantasme idéologique illusoire) mais un effort d’emprise, de domination expansionniste messianique sur le monde, s’exerçant par la course à la suppression de toutes limites quelle qu’en soit leur nature (économiques, politiques, morales, sociétales etc.). C’est le cœur de la quatrième guerre mondiale. Pour simplifier la question, il est possible d’insister sur un premier axe d’explication visible par tous mais qui néanmoins n’apparaît pas clairement dans les consciences pour ce qu’il est. C’est la domination géopolitique des Etats-Unis sur le reste du monde par des moyens militaires utilisés directement par eux ou par leurs alliés, en particulier les forces euratlantistes (la France en fait partie). Cet usage de la force entraîne le monde toujours plus près de situations conflictuelles potentiellement fort explosives et capables de dégénérer en des guerres de grande ampleur (Syrie, Iran, par exemple). Chine et Russie ne sont plus disposées à assister en spectatrices au triomphe unipolaire de l’Empire global. Cela impose aux européens de trancher au sein de l’alternative euratlantisme/eurasisme. «L’euratlantisme par lequel les EtatsUnis tiennent l’Europe dans leur orbite n’est qu’un élément d’une stratégie géopolitique globale plus vaste, complexe et articulée.»(2). Partout, en effet, la superpuissance impérialiste utilise les instruments adéquats afin d’attiser le chaos dans le monde afin d’asseoir ses objectifs(3). La question pratique, pour nous, est de savoir comment nous pourrions renverser ce rapport de force sur notre continent en donnant corps à l’orientation eurasiste. Nous avons souvent insisté sur

le fait qu’il est nécessaire de faire le lien entre les aventures impérialistes et les soubresauts inhérents aux contradictions du mode de production capitaliste. L’enchaînement des travailleurs aliénés, à celui-ci, relève du même processus conduisant à la lutte impérialiste pour la domination mondiale, aux positionnements géostratégiques et géoéconomiques (mise à disposition totale des ressources de la planète afin de perpétuer le capital sur un mode de reproduction toujours plus élargie). Le second axe d’analyse réside en «son aspect idéologique et culturel»(4). Preve reprend à son compte la définition marxienne de l’idéologie comme fausse conscience/ légitimation de la réalité inversée dans son mode d’apparition avec, néanmoins, cette précision d’ordre historique selon laquelle le mensonge utilisé afin de couvrir l’entreprise de domination est devenu dans le contexte de la quatrième guerre mondiale, un mensonge manifeste sans même un quelconque effort pour le crédibiliser comme cela était encore le cas par le passé. L’agression de l’Irak, de l’ex-Yougoslavie, de la Libye etc., se justifia par des motifs véritablement incroyables qui furent données d’emblée comme relevant de vérités indiscutables (de fait militairement imparables). L’aspect culturel de la question, quant à lui, est fondamental. Le philosophe transalpin le définit d’une façon assez large comme «le fait d’imposer une unique grammaire ‘standardisée’ des formes de vie, qui s’accompagne d’une colonisation générale progressive, comme ‘par capillarité’, de la vie quotidienne.»(5). Cette hégémonie culturelle propre au capitalisme absolu est représentée par une caste intellectuelle se posant, grâce au cirque médiatique, en modèle de ce qu’il est convenu de penser et de faire(6). A ce stade de la réflexion, il est nécessaire de penser adéquatement la spécificité de la quatrième guerre mondiale sachant que «le projet hégémonique du nouvel empire américain se fonde sur une homogénéisation oligarchique et plébéienne de l’humanité toute entière.»(7). Au sommet, en prenant le modèle d’un cône,

des oligarchies culturellement unifiées et communiant dans les valeurs libérales, exhibant spectaculairement leur turpitude ; «au milieu, une new global middle class elle-même unifiée par les styles de consommation touristique alimentaire et musicale ; et en bas une immense plèbe...»(8). Pour résister au triomphe de ce scénario post-bourgeois et post-prolétarien, l’auteur affirme avec raison qu’il faut abandonner le clivage périmé Droite/Gauche au profit du clivage euratatlantisme/eurasisme. Néanmoins, «les conditions de ‘réorientation gestaltique’ de masse» vers cette prise de conscience ne sont pas encore mûres. Le problème nous est clairement posé : nous savons ce qu’il ne faut pas faire et ce qu’il est urgent de dénoncer. C’est déjà un grand pas que d’échapper aux mystifications. La difficulté pratique est de savoir comment donner corps et force à l’eurasisme et à la perspective multipolaire. Costanzo Preve nous invite à ne pas «chipoter», à être géopolitiquement derrière Poutine, par exemple. Nous lui accorderons volontiers cela. Pour aller plus loin, nous n’en savons pas plus que lui quant à l’issue de cette confrontation planétaire. Par contre, nous pensons qu’un des fronts - et pas le moins essentiel - de cette guerre mondiale, se situe dans la guerre sociale que les travailleurs conduisent encore trop modestement sur le front de classe. Le prolétariat traditionnel ne renaîtra, certes pas, de ses cendres mais la majorité des salariés exploités/aliénés n’a aucun avenir supportable dans le système capitaliste. Effectivement, l’oligarchie dominante sait jouer de la bassesse de certaines passions humaines afin de maintenir la plèbe à sa place. Alors, suscitons le rejet de la marchandise, de la valeur et du salariat, et la passion pour la réalisation de la communauté humaine. RÉBELLION

NOTES 1>Editions Astrée 2013. 216 p. 22,50 euros. www.editions-astree.fr 2>p. 194. 3>Nous pensons en particulier aux ingérences plus ou moins indirectes, suscitées


par les Etats-Unis et leurs alliés, dans les pays qu’il s’agit de faire basculer dans l’orbite atlantiste. Au nom de la démocratie, de véritables coups d’Etat sont appuyés soit en armant directement des bandes rebelles soit en finançant et organisant des pseudo révolutions. C’est le cas depuis quelques semaines en Ukraine où l’Occident soutient les exactions commises par des factieux d’extrême droite présentées par les medias comme étant des démocrates européistes aspirant à vivre dans le giron paradisiaque de l’UE. Au mieux, le reste des manifestants est constitué de naïfs imbéciles croyant aux sornettes euratlantistes. Mais le prolétariat ukrainien ne suit pas... 4>Ibid. p. 195. 5>Ibid. p. 196. 6>Ceux que Preve appelle «les bouffons de cour de l’aristocratie impériale» et «les euLe philosophe Cosnuques du Palais» ont euturinois récemment l’occatanzo Preve s'estde nuisance éteint sion de manifester leur pouvoir le 23 novembre à sioniste l'âgeà de mis au service de l’extrémisme soixante-dix C'est aul’occasion de l’affaire ans. Dieudonné. Toutun peut thentique communiste, parêtre objet de dérision de nos jours, un y compris fait connaisseur mouvement dans les termes les plusdu obscènes dont ne se ouvrier et plus largement de la privent pas d’user les pitoyables humoristes philosophie, un homme à l'esde la scène médiatique, hormis le tabou prit toujours en éveil, capable faisant l’objet du nouveau culte planétaire, le de remettre en question les mysterium tremendum contemporain(a). Celui dogmes désuets dont se nourrit qui fait figure de profanateur est alors désiune époque devenue incapable gné comme bouc émissaire sur lequel peut de penser, qui nous quitte. Cosse déverser l’ire dupris vulgum pecus, procédé tanzo avait contact, il y a initiant une catharsis nécessaire quelques années, avecauledéchaîcominement violence symbolique ou réelle afin té de de rédaction de notre revue de purger les passions humaines aliénées Rébellion. Il s'était déclaré enau règne de la marchandise, de lade monnaie thousiaste à la lecture celleet duetsalariat. renforcéacci avaitAccessoirement bien vouluestnous mécaniquement caractère intangible corder un le entretien dans denos colonnes. Nous-mêmes avila politique sioniste. Sur la scène contempoons-nous été des profondément inraine libertarienne, mesures liberticides téressés démarche, concernant lapar libertésa d’expression ont étépar quelques uns par del’appareil ses d’Etat textes diligemment imposées qu'ils nous faisaient parvenir capitaliste. Le ridicule de telles gesticulations et parestlanéanmoins traduction franétatiques perçu deen mieux en çais de son "Histoire critique mieux par de nombreux citoyens. La queneldu marxisme" que par son lophobie atteignit desainsi sommets himalayens, "Eloge du communautarisme" mettant d’ailleurs en danger la gastronomie dont nous avions rendu compte. française ; imaginons un maître queux créatif Capable de s'abstraire de la diproposant à son menu de l’ananas chaud à chotomie gauche-droite ainsi la quenelle, son lynchage serait assuré! Le que du marxisme fossilisé, Cosprogramme de rééducation esprits et de tenzo Preve était undes penseur d’imposition du Novlangue imaginé Orwell la communauté humainepar réunidans «1984» se réalise sous nos yeux. fiée (Gemeinwesen chez Marx). a> Deuxàrègles essentiellesde pourcette nous : idée preC'est la lumière mièrement une théorie scientifique qu'il évaluait l'histoire dedoit laêtre phifalsifiable, c’est-à-dire ouverte,particulière par le langage losophie et la place qu’elle adopte, à ladu critique et à des effortsréla et originale mouvement contredisant pour la renverser très volutionnaire au sein(c’est de lecelle-

dejeses sonquelques égard, etuns dont ne textes pourci. On jugera de l'abjection de nous faisaient parverai qu'ils jamais m’acquitter, pour notre temps à l'aune des criparCostanzo la traduction en toutnirceetque m’a entiques et réactions défavofrançais sonannées "Histoire seigné dansdeles oùcrije rables dont son œuvre fut gradu marxisme" ainsi que l’ai tique connu. A lui s’applique ce tifiée de la part de l'extrême "Elogede duChartres, commuqu’aparditson Bernard gauche du capital. Cela fait resnautarisme" dont nous aviau XIIe siècle : « ….nos esse sortir d'autant plus la valeur de ons nanos, rendu compte. Capable quasi gigantium huson propos alors que les chiens de s'abstraire dichotomeris insidentes,de ut lapossimus de garde du système ne se primie gauche-droite ainsi que plura eis et remotiora videre, vèrent pas d'attaques ad hodu marxisme fossilisé, Cosnon utique proprii visus acuminem. De ces gens, Costantenzo Preve était un penseur mine, aut eminentia corporis, zo nous confiait qu'ils avaient de la communauté humaine sedréunifiée quia in (Gemeinwesen altum subvenimur peur de leur propre ombre. Ils chez et Marx). extollimur n'en ont guère que la consisC'estmagnitudine à la lumière gide gantea. » (…que sommes tance et c'est pour cette raison cette idée qu'ilnous évaluait l'hiscomme deslanains juchésetsur que l'œuvre du révolutionnaire toire de philosophie la les place épaules de géants |[les Anturinois n'en est pas égratignée particulière et originale ciens], telle sorterévolutionque nous et qu'elle continuera son chedu de mouvement puissions de choses min, qui est le bon, en féconnaire auvoir seinplus de celle-ci. On et de plusdeéloignées n’en dant les esprits irréductibles au jugera l'abjectionque de notre derniers. Et cela, philosophe turinois temps ces à l'aune des critiques capital. Le Nous essaierons tou-Cos-voyaient tanzo Preve s'est éteint le 23nonetpoint parce que notre dont vue réactions défavorables jours de nous en inspirer ainsi à l'âge de poussoixante-serait sonpuissante œuvre futou gratifiée la notre de taille que denovembre ses conseils nous ans. C'estthéoriqueun authen-avantageuse, part de l'extrême gaucheque du mais parce sant àdix approfondir tique communiste, un déparfaitnous capital. sommes portés et exment nos positions et à les connaisseur du mouvement haussés par la haute stature de velopper dans notre revue. ouvrier et plus largement deces géants.) Cela fait ressortir d'autant la philosophie, un homme plus la valeur de son propos Costanzo Preve symbolise le à l'esprit toujours en éveil, caalors que les chiens garde Les quelques-uns quide comme mieux ce que peut signifier de pable de remettre en ques-nous, du en système ne se privèrent Italie, ont eu le prinos jours vivre d'une façon aution les dogmes désuets dont pas d’avoir d'attaques vilège unadtelhominem. Maître, thentiquement philosophique, se nourrit une époque deveDe ces gens, Costanzo nous d’avoir joui du trésor inestiun chemin de vie fait d'enganue incapable de penser, qui confiait qu'ils avaient peur de mable de ses enseignements, gements militants nous quitte. réfléchis Costanzo et avait leur propre ombre. Ils n'en savent bien comme, juché sur de théorie pris vivante contact, s'alimentant il y a quelques ont guère que la consistance épaules des géants, on peut à cetteannées, praxis toujours mise en avec le comité de ré-les et c'est pour cette raison que regarder plus avant, et apertensiondaction critique. de notre revue Rébell'œuvre du révolutionnaire tulointains des Nouslion. adressons sincères Il s'étaitnos déclaré enthou-cevoir rinoisdans n'en les est pas égratignée temps nouveaux, et une condoléances famille à siaste ààlasalecture deetcelle-ci et qu'elle continuera son nouchevelle société humaine. ….. » ses proches. Costanzo Preve ne acet avait bien voulu nous min, qui est le bon, en fécontropirréductibles courte senous quittera plus. corder un entretien dans nos Pendant dant lesune esprits maine d’avril 2010, j’ai eu l’honJEAN GALIÉ POUR L'ÉQUIPE colonnes. au capital. neur d’être en quelque sorte la DE LA REVUE RÉBELLION de Costanzo Preve à PaNous-mêmes avions-nouscanne Nous essaierons toujours été profondément intéres-ris, de nous que lors de en soninspirer dernierainsi voyage sés par sa démarche, par de ses conseils nous poussant en ce monde. Je dis « sa Les funérailles de Costanà approfondir théoriquement canne », tout simplement parce zo Preve ont été célébrées à les dévelopqu’ilnos nepositions pouvaitetdéjà presque le jeudi 28 novembre, à 10 per dans notre revue. Costanplus marcher sans aide. Nous heures, dans l’église palibéral Popper qui l’écrivait). Depuis quand zo Preve symbolise le avions déjà correspondumieux par roissiale de la Bienheureuse la validité de l’histoire en tant que science ce que signifier de nos; lettres, et peut je l’avais traduit Vierge des Grâces de Turin, est-elle évaluée par une cohorte de politiciens vivre mais d'uneaprès façoncette auj’ai jours continué, Corso Einaudi, selon le rite incompétents en la matière? Toute l’histoire thentiquement philosophique, semaine de 2010, et jusqu’à la orthodoxe grec, comme il chemin de vie fait d'engahumaine a été parcourue de tragédies, la fin,un nous nous appelions au tél’avait demandé. gements militants réfléchis et modernité capitaliste leur a apportées sa léphone, en moyenne, deux ou Le 30 novembre, Eugenio de théorie vivante s'alimenpuissancem’a et sa barbarie Deuxiètrois fois par mois. Orso écrit technique. « C’est une tant à cette praxis toujours mement, c’est le bouleversementpour et la dispa-le Je peux donc m’associer enperte irrémédiable mise en tension critique. rition du rapport social capitaliste qui rendrade tièrement et fraternellement à monde de l’anticapitalisme, Nous adressons nos sincères impossible toutecommunautaire, légitimité à l’impérialisme et ce que m’a écrit Eugenio Orso. l’éthique condoléances à sa famille et à sioniste (et quelque impérialisme que ce Sesses paroles, je me permets de pour le àmonde de la philosoproches. Costanzo Preve les ne faire miennes. soit) et jusqu’à son existence même. de la phie, et non seulement nous quittera plus. Adieu, Costanzo . de la 7>Ibid. p. 203. sociale. philosophie JEANcher GALIÉ pour l'équipe revue RÉBELLION YVES BRANCA J’aip.204-05. une dette inépuisable à 8>Ibid.

IN MEMORIAM COSTANZO PREVE


L

e 13 décembre dernier restera dans l’histoire des lettres françaises comme un jour à marquer d’une pierre noire. C’est en effet la date à laquelle est entrée en vigueur quelque chose que l’on espérait ne plus revoir en démocratie, une mesure de censure à l’encontre de cinq ouvrages publiés par les éditions Kontre-Kulture. Cinq auteurs d’hier et d’aujourd’hui mis soudainement au

pilori à l’instigation d’un lobby qu’il faut bien qualifier de liberticide : Léon Bloy, Edouard Drumont, Henry Ford, Douglas Reed, Paul-Eric Blanrue. La question qui m’intéresse ici n’est pas de savoir ce qu’il convient de penser de ces auteurs et de ces œuvres – je suis d’ailleurs horripilé par cette expression « il convient de penser », très à la mode en ces temps de pudibonderie intellectuelle mais qui sent trop le catéchisme à mon goût ! La question qui m’intéresse, disais-je, n’est pas celle des idées mais celle des principes, ce qui est plus fondamental. Les principes transcendent les idées comme la liberté d’opinion transcende les opinions et doit valoir pour toutes, indépendamment du jugement subjectif que chacun peut y porter. Saisir des livres ou les brûler – car cela revient, dans les effets, rigoureusement au même – c’est franchir


la ligne rouge qui sépare le règne d’un relatif pluralisme du règne de l’arbitraire pur et dur. Mais nous y sommes déjà depuis un bon moment dans ce règne-là, me direz-vous ! Eh bien il est plus que jamais temps de renverser la vapeur et de reconquérir ce qui n’a pas été acquis durablement. Répétons-le en lettres capitales : UN PAYS CIVILISE NE BRULE PAS LES LIVRES ! Ce principe n’est pas négociable, en aucun cas. Ceux qui ont fait pression sur les tribunaux pour obtenir cette interdiction, exceptionnelle dans l’histoire littéraire française contemporaine, auraient été mieux inspirés d’ouvrir le débat et de considérer ces livres qui leur déplaisent comme une occasion d’affronter leurs contradicteurs, loyalement et selon les usages en vigueur dans le monde des penseurs ouverts au dialogue. Mais ce monde, ils n’en font plus partie depuis longtemps. Le journaliste Camille Desmoulins, alors que sa gazette, Le Vieux Cordelier, avait été saisie durant la Révolution française, s’était exclamé à l’adresse de ses censeurs : « Brûler n’est pas répondre ! » Deux siècles après, il n’aurait sans douté trouvé pour toute réponse que la menace adressée par Maître Thierry Lévy à Dieudonné : « Après l’injure il y a la loi, et après la loi il y a les coups. »(1) Ou alors celle du ministre Moscovici, faisant les gros yeux à Eric Naulleau (coupable de défendre les vertus du dialogue) et déclarant, sentencieux : « On ne dialogue pas impunément. »(2) Ou pire : il aurait été stigmatisé nommément par le ministre Valls en plein meeting ! Cela s’est vu… On ne dialogue pas impunément ! La franchise des puissants est parfois désarmante et toute dictature rêverait de graver cette règle dans le marbre de sa constitution !

Naulleau, justement, parlons-en. J’ai toujours eu de la sympathie pour ce type, passionné de littérature, lecteur exigeant, chroniqueur sans concession, pataud et bonnard comme un ours dans une chambre d’enfant mais capable de se faire grizzli une fois

mis en présence d’un sous-romancier germano-pratin, représentant cet insipide mélange de « tout-à-l’égoût et de tout-à-l’égo »(3) auquel il est fondamentalement allergique. Bien sûr, le gaillard connaît les limites à ne pas franchir, il sait jusqu’où ne pas aller trop loin, mais après tout, un modéré qui sait durer et qui n’hésite pas à placer une pique de temps en temps là où il faut est-il vraiment moins efficace qu’un kamikaze qui ne tire qu’une fois ? « Quand tu deviens père, la défenestration cesse d’être une option »(4) se défend-il. Pourtant, cette fois, il a peut-être tiré un peu fort… En publiant Dialogues Désaccordés, échange de courriers avec Alain Soral sur divers sujets (l’affaire DSK, le scandale Cahuzac, la guerre en Syrie, le chavisme, le mouvement Cinq Etoiles, les Indignés et bien d’autres), il s’est peut-être mis en fâcheuse posture. Soral l’avait pourtant prévenu : « Tu as beaucoup à perdre à me suivre sur ce terrain-là ! »(5) Et il y est allé tout de même, le bougre ! Une partie de leur débat, qui reste

(relativement) courtois mais où on sent l’agressivité monter crescendo, porte justement sur la question du risque lié à l’engagement. Naulleau évite de répondre à certaines questions ; Soral suspend lui aussi quelquefois sa réflexion en rappelant qu’une guillotine – la loi Gayssot – est tenue au dessus de leurs têtes en permanence comme une épée de Damoclès. Ceux qui leur reprochent cette prudence feraient bien de s’examiner eux-mêmes et de voir quels risques concrets eux ont pris ces dernières années ! « Chez moi, c’est la connaissance qui guide la morale, pas la pseudo-morale qui interdit la connaissance »(6) explique le président d’Egalité & Réconciliation. Des deux écrivains, c’est incontestablement lui qui mène l’existence la plus dangereuse – il en explique d’ailleurs lui-même la raison : il ne se contente pas de dénoncer des mécanismes à l’œuvre mais il met des noms dessus et identifie les individus qui les manœuvrent ou les incarnent – mais Naulleau n’en reste pas moins à mes yeux un homme respectable et une personne


de goût, ce qui ne gâche rien. Les journaleux qui le vouent aux gémonies parce qu’il a osé débattre librement avec un outsider sont bien évidemment de tristes sbires (je pense notamment à un papier dégueulasse de Christophe Nobili dans Le Canard Enchaîné du 23 octobre dernier ou à un autre de Christophe Conte dans les Inrocks du 18 novembre(7)), mais les puristes “dissidents” qui commentent l’actualité bien au chaud derrière leur écran et qui reprochent au critique littéralo-footballistique de faire dans la demi-mesure sont parfois tout aussi désolants. Un Naulleau qui dérape (déraper, encore un mot de la novlangue !), c’est un Naulleau qu’on ne verra plus dans les médias. Or, il nous faudrait non pas moins de Naulleau à la télévision mais davantage ! Qu’estce que vous préféreriez ? Qu’il laisse sa place à une Sophia Aram ou à un Aymeric Caron ? Ah, non merci !

Puisque je viens de faire référence au Canard Enchaîné, arrêtons-nousy quelques instants, le temps d’ouvrir le numéro spécial qu’il a consacré en octobre à ce qu’il appelle “les nouveaux réacs”. Sous cette étiquette improbable, on trouve rangés côte à côte, ici un militant révolutionnaire, ici un catho intégriste, ici un politicard sarkozyste, ici un rappeur musulman, ici un écolo radical… Le panorama est large, « de Frigide Bardot (sic !) à François Fillon, de Dieudonné à Batskin » nous prévient Erik Emptaz dès l’édito (p.5). Ca fait tout de même un peu foutraque comme collection de papillons ! Mais le célèbre gallinacé doit savoir ce qu’il fait en dressant ses listes noires puisqu’il s’appuie, au fil des pages, sur des autorités intellectuelles aussi incontestables que Clémentine Autain (féministe obsessionnelle de la gauche bourgeoise), Eric Fassin (“américanologue” et défenseur de la théorie du genre)(8) ou Vincent Cespedes (“philosophe” habitué des plateaux télé et tenant lui aussi de l’indifférenciation des sexes). Ah, avec des experts de ce calibre, les lecteurs du Cafard sont

entre de bonnes mains ! Après s’être alarmé du « rajeunissement du mouvement [de la manif pour tous] et [de] sa déringardisation » (p.5), ledit Cafard s’inquiète de trouver des gens qu’il n’aimerait pas voir dans ces manifs : des socialistes (la Gauche pour le Mariage Républicain), des musulmans (les Fils de France) et même… des homosexuels (l’association Plus Gay Sans Mariage) ! Si les gens se mettent à se mélanger et à sortir de leurs cases pour aller s’encanailler dans celles des autres, ça ne va plus être possible ! Au tour des Veilleurs ensuite de subir les coin-coin du gallinacé. Celui-ci ricane en nous traçant le portrait de ces jeunes gens « avec leurs petites bougies et leurs sages lectures – Péguy, Dostoïewski » (p.16) Sages lectures ? Disons que c’est autre chose que la prose de Fassin comme livre de chevet… Mais on comprend assez vite qu’au comité de rédaction du Cafard on n’aime pas trop les jeunes qui lisent et qui se cultivent, qu’on préférerait qu’ils se contentent des œuvres complètes de Cabu, c’est moins tendancieux et moins préjudiciable à l’ordre social. Raison pour laquelle plusieurs pages sont consacrées à pointer du doigt ces infâmes nationaux-républicains qui critiquent l’école contemporaine et voudraient la réformer pour faire monter le niveau et viser l’excellence ! Il ne manquerait plus qu’on leur apprenne à écrire, tiens, tant qu’on y est ! Que des auteurs aussi brillants et aussi indépendants d’esprit que Péguy ou Dostoïewski se fassent traiter de “sages” (c’est-àdire de gentillets) par les porte-voix du conformisme le plus chloroformé, voilà bien ce qu’on peut appeler un cas d’inversion pathologique ! L’inversion, on l’a vu, le Cafard est plutôt pour, surtout sous sa forme légalisée du mariage, de même qu’il est pour le néo-féminisme de ces Ukrainiennes dépoitraillées qui se font appeler Femen. En toute logique, il est donc vivement opposé à ceux – et surtout à celles – qui s’opposent à ces aboyeuses téléguidées. Un papier sur les Antigones donc, « ces jeunes filles au teint diaphane » qui, rappelons-le

quelques lignes plus loin, ont « le teint clair » (p.20). Etrange, cette insistance sur la peau blanche, non ? La leucodermie serait-elle devenue une tare rédhibitoire ? Les Femen ont bien le droit d’être blondes, elles… Daffy Duck appelle à sa rescousse Mme Aude Thuin, présidente du Women’s Forum, qui n’aime pas qu’on marche sur ses plates-bandes privatisées et qui nous dit tout net ce qu’elle pense des Antigones : « Ces minettes font joujou avec un sujet profond. C’est grave car elles portent des valeurs perverses qui font du tort à celles qui travaillent vraiment pour l’émancipation. » (p.20) La défense de la mixité sexuelle, de la famille et de l’écologie, des valeurs perverses ? Je n’ai pas eu l’impression de me retrouver face une succube cet été lorsque j’ai rencontré Iseul Turan, la très avenante pasionaria des Antigones(9), mais bien au contraire face à une jeune femme sérieuse et déterminée à ne pas laisser n’importe quelle allumée castratrice parler au nom de toute une moitié de l’humanité. Il faut croire que la vieille rombière du féminisme institutionnalisé qu’est allé repêcher le drôle d’oiseau n’a aucune envie que des jeunettes – des “minettes” comme elle dit – ne viennent se mêler des affaires de condition féminine, affaires qu’il convient de laisser aux personnes responsables, c’est-à-dire aux militantes ménopausées et aux “réfugiées” de Kiev qui font l’honneur des timbres de la République.

La galerie de portraits continue. Lorant Deutsch ? Un historien « mal inspiré » (p.93) par sa passion pour Céline ; d’ailleurs on pense pis que pendre de ses recherches, « d’où s’exhale un délicat parfum, mélange de Vichy et de Versailles » (p.92). Dieudonné ? « L’homme remplit les salles sans faillir. On ne rit plus. » (p.55) Ah si, justement, on rit beaucoup et on est d’ailleurs de plus en plus nombreux à rigoler ! Soral ? Il évolue « au sein de la mouvance rouge-brun prônant l’alliance objective de tous les extrêmes et de tous les souverainistes » (p.58) et a commis ce fa-


meux « “Comprendre l’Empire”, gloubi-boulga à prétention géopolitique » (p.55). Elisabeth Lévy ? Une « virago » (p.82) – attention, on frôle la misogynie ! – « ni facho ni vraiment de droite » (p.83) mais très suspecte tout de même car « Charles Maurras parlait déjà du “pays réel” » (p.83) et l’effrontée emploie aussi cette expression ! Le Groupement de Recherche et d’Etudes pour la Civilisation Européenne (GRECE) ? un « think tank de droite tendance extrême » (p.79). Le soutien de Jean-Pierre Chevènement à Eric Zemmour lors de son procès ? « Solidarité de souverainistes » (p.84) – ce qui est censé faire office de réquisitoire, inutile d’en dire davantage. Le rap ? « Un discours fleurant bon le pétainisme » (p.94) et qui ne fait rien qu’à critiquer les homos et les bourgeois. D’ailleurs, note finement le Cafard, « entre le rap et Civitas, il n’y a parfois qu’un riff » (p.95). Un riff ou un RIF(10) ? Ca sent le lapsus. Quoiqu’il en soit, la volaille enchaînée aurait mieux fait de s’informer un peu sur le sujet, par exemple en lisant mon papier à ce propos dans le n°61 de Rébellion, ça lui aurait évité de cancaner autant d’inepties(11). Robert Ménard ? Un « toutou en laisse » (p.80) et un « crypto-mariniste » (p.86) dont le goût pour la liberté d’expression est franchement problématique : « Dommage que cette légitime volonté de promouvoir le débat ne s’exprime pas à l’égard des défenseurs du mariage pour tous et des Femen. Sûrement un manque d’occasions. » (p.81) C’est vrai que les défenseurs du mariage pour tous et les Femen, personne ne leur donne la parole dans les médias et les pauvres sont tellement muselés qu’ils ne trouvent aucune tribune nulle part… Hum. Mais l’article le plus farfelu, le plus totalement déconnecté de toute analyse un tant soit peu consistante, est celui que le cancaneur libéré consacre à l’écologie. Pour faire bref, la décroissance, l’antiproductivisme, et même le slow tech, c’est potentiellement réac, donc à éviter. « Va-t-on finir par indexer la décroissance sur la croissance des fachos ? » (p.79) se demande le palmipède, atterré par « l’embarrassante concupiscence

de l’extrême droite » (p.79) à l’égard de ces nouvelles idées à la mode. C’est bien sûr Alain de Benoist qui est dans le viseur, ce « maître dans l’art de brouiller les pistes » (p.79), auteur d’un livre qui a marqué les esprits, Demain la Décroissance ? (Edite, 2007). Commentant avec ce qui semble être un ersatz d’ironie le soustitre de l’ouvrage en question – Penser l’écologie jusqu’au bout – le folliculaire ajoute, roublard : « Au bout de l’échiquier politique, surtout ! » (p.79) Mouais. Le plus drôle, c’est qu’il a voulu savoir ce qu’en pensait Serge Latouche, l’auteur le plus écouté en matière de décroissance (à gauche y compris), et que celui-ci a répondu simplement : « Dois-je interdire à Alain de Benoist de se revendiquer de la décroissance sous prétexte qu’il est classé à droite ? » (p.79) On ne saurait mieux dire. Mais notre inquisiteur plumé ne se satisfait pas de cette réponse et bougonne : « De la part d’un pilier de la pensée décroissante en France, voilà qui n’aide pas à la clarté. » (p.79) Eternelle obsession de mettre les gens dans des cases… Bref, la France va mal telle que vue par les yeux du Cafard, et le problème de la “réaction” (ou de tout ce qu’on voudra bien mettre sous cette étiquette), c’est que malgré les censures, les diabolisations et les mises à l’index, elle marche du tonnerre ! Il serait temps de penser à saisir le Ministère de la Défense « où l’on s’inquiète de cette “parole libérée qui n’annonce jamais rien de bon” » (p.34) Ben tiens… Sans parler du succès bien connu des spectacles de Dieudonné et de l’épidémie de quenelles qui frappe une grande partie de la francophonie, le gallinacé remarque (et déplore) que « la littérature réac a le vent (mauvais) en poupe. » (p.91) Encore un coup des mânes de Péguy et Dostoïevski ? « Face à ce mouvement de fond réactionnaire, les éditeurs sont tiraillés. D’un côté il y a les chiffres de vente. De l’autre les idées et discours que, dans leur grande majorité, ils apprécient peu. » (p.91) On est bien d’accord : se préoccuper des attentes du public, pour un éditeur, ne peut que révéler chez lui de bas ins-

tincts motivés par le lucre et des visées sournoisement commerciales, et chacun sait qu’un éditeur intègre, dégagé des contingences matérielles et délivré de la tyrannie de l’opinion, se fait fort d’éditer des auteurs que personne ne lit, surtout pas le commun des mortels ! J’en parlais justement il y a quelques semaines avec un de ces démagogues sans scrupule, un des collaborateurs des éditions Kontre-Kulture, qui me racontait, avec un sourire décomplexé (mais ces gens ont-ils une âme ?), qu’entre le moment où la justice avait prononcé la censure des cinq ouvrages évoqués plus haut et celui où le verdict définitif devait tomber (l’éditeur ayant fait appel), la maison recevait jusqu’à 650 commandes de livres par jour ! Merde, quand même ! (comme dirait un ministre “socialiste”).

Une qui se fait souvent asticoter par les chasseurs d’hérétiques et qui y trouve un certain plaisir (ce que je peux comprendre), c’est Elisabeth Lévy(12), la “virago” citée plus haut, accessoirement rédactrice-en-chef de la revue Causeur dans laquelle on trouve pas mal de plumes intéressantes et plutôt détonnantes par rapport à ce qui se fait ailleurs (pas autant qu’ici bien sûr mais c’est déjà pas mal). Dans un livre paru l’an passé, La Gauche contre le Réel, elle revient sur quelques campagnes de diabolisation dont elle et plusieurs autres (notamment Eric Zemmour et Ivan Rioufol) ont été victimes et prend le parti de s’en amuser. Jouant avec les formules flamboyantes trouvées en son temps par Philippe Muray – “délit de réel”, “le peuple ne passera pas”, “les phobes sont lâchés”, etc. – elle s’exclame : « A choisir, je préfère être embastillée avec les accusés que reine de Paris avec les juges ! »(13) Car de la cabale médiatique on peut passer, de plus en plus souvent hélas, aux persécutions judiciaires. « Les pit-bulls sont soulagés. Désormais, toute réalité déplaisante pourra être écartée au nom des bonnes manières républicaines. Le Tribunal de la pensée pourra ou non, selon les cas, s’adjoindre les services du tribunal


tout court. »(14) Il s’agit donc de parer les coups et de se défendre contre les nouveaux inquisiteurs et « leur esprit de sérieux qui n’a d’égal que le peu de sérieux des productions de leur esprit. »(15) Et puisqu’on parle d’Elisabeth Lévy, on peut dire un mot de son grand ami Alain Finkielkraut, un auteur qui est tout de même plus proche de la figure du notable que de celle du révolutionnaire. Et pourtant, aux yeux de certains “vigilants”, même le bon bourgeois Finkielkraut est trop canaille, même lui va trop loin, dépasse les bornes, dérape dangereusement ! Son dernier livre L’Identité Malheureuse (Stock, 2013) est plutôt mal passé auprès des bisounours aux dents longues (encore de grands esprits qui préfèrent la lecture de Fassin à celle de Péguy sans doute !) et suivant la méthode bien connue des chasseurs d’hérétiques, ils ont préféré pointer du doigt certaines de ses références intellectuelles plutôt que de débattre sur le fond. Dans Le Matin Dimanche (hebdomadaire romand), l’écrivain explique : « Je cite Renaud Camus à mes risques et périls. Aujourd’hui, se référer à lui est devenu très dangereux, et cela m’a valu d’ailleurs un article vengeur dans Le Monde. [...] Je refuse de me laisser intimider par le délire idéologique d’une certaine caste intellectuelle pour qui le simple fait de citer cet écrivain serait une étape qui mènerait nécessairement

à Marine Le Pen et à Hitler. [...] Je lis donc Renaud Camus. Et je le lis avec profit. »(16) Les journaleux vont commencer à regretter les Veilleurs et leurs “sages lectures”…

Un jeune écrivain de talent, Charles Robin, qu’on a pu lire quelquefois dans Rébellion(17), a lui aussi subi récemment une cabale digne des grandes heures de la Kommandantur. Ayant contribué à un ouvrage collectif intitulé Radicalité : 20 Penseurs Vraiment Critiques (L’Echappée, 2013), ouvrage dans lequel il a rédigé un texte présentant la pensée et l’œuvre de l’excellent Jean-Claude Michéa, il a vu son éditeur se retourner contre lui suite à une “alerte” lancée par quelques sites parmi les plus dogmatiques et intolérants de l’extrême gauche estudiantine. S’en est suivi un “appel à la vigilance” (que ces expressions peuvent sentir le flic !) dans lequel l’éditeur, tout désolé d’avoir déplu aux arbitres du bon goût idéologique, effectue un mea culpa d’anthologie et écrit : « Notre erreur a été de ne pas suffisamment nous renseigner sur Charles Robin (nous ne l’avons même pas googlisé !), et la teneur de son texte ne pouvait en rien laisser présager de ses fréquentations politiques. »(18) Ainsi, ce n’était donc même pas son texte qui posait problème mais ses fréquentations !

On ne lui pardonne pas de vendre ses livres(19) sur le site de KontreKulture ni d’avoir rencontré Alain de Benoist, d’avoir été interviewé dans Eléments(20) ou d’écrire dans Rébellion… Etrange époque où ceux qui se proclament intellectuels préfèrent dresser des listes noires que philosopher et lire ce qui s’écrit… On ne saurait finir ce petit tour d’horizon de la nouvelle inquisition sans rendre l’hommage qui lui est dû au titre de presse français le plus résolument collabo, le plus “engagé” dans sa populophobie et dans son rapport schizophrénique au pouvoir, j’ai nommé bien entendu Charlie Hebdo(21). La ligne de cet hebdomadaire a le mérite, depuis les années Philippe Val, d’une certaine cohérence : elle se positionne systématiquement et, pourraiton dire, pavloviquement, contre tout ce qui vient du peuple et contre tout ce qui est potentiellement dissident. Des manifs pour tous au mouvement des bonnets rouges, toute velléité de contestation du système est passée à la moulinette de leur fiel pour en faire autant d’épouvantails propres à effrayer les bobos. Dans le numéro du 4 décembre dernier, l’éditorialiste Bernard Maris (qui n’est pourtant pas le pire de la bande, il lui arrive d’écrire des choses assez censées, notamment sur l’économie et sur la question du patriotisme populaire) crache allégrement sur les Bretons en lutte contre le gouvernement et écrit : « En


Bretagne naît un social-régionalisme aigri qui commence à sentir la Ligue du Nord… »(22) On leur doit aussi, entre autres délicatesses, quelques jours après le suicide de Dominique Venner, l’image charmante de l’auteur du Siècle de 1914, rachitique et dénudé, empalé sur la pointe du toit de NotreDame-de-Paris… Les Antigones sont caricaturées chaque semaine dans une bande dessinée de Luz où on les présente comme des saintes nitouches catholiques courtisées par des skinheads monozygotes, et tout le reste est à l’avenant, pure expression d’un néo-conservatisme qui mêle culpabilité hargneuse d’anciens gauchistes, islamophobie progressiste (au nom des Lumières bien sûr), anticléricalisme anachronique, ultraféminisme vociférant, le tout enrobé dans un double discours bancal sur la liberté d’expression. Double discours qui les a amenés(23) à s’indigner de la réédition d’œuvres de Rebatet et à s’étrangler de rage en apprenant que des gens lisent encore Louis-Ferdinand Céline et Ernst Von Salomon et se permettent de bouder Sartre !(24) Bien sûr, il se trouvera des godelureaux pour me dire : ainsi, vous défendez tout à la fois et sans distinction Eric Naulleau, les Antigones, les rappeurs, Alain Soral, Elisabeth Lévy et Charles Robin ? C’est un peu fort de café tout de même, quitte à faire dans le non-conformisme ayez au moins l’élégance de choisir votre chapelle ! Ah non merci, sans façon, les chapelles sont des lieux parfaits pour s’isoler mais l’atmosphère y est bien trop humide, et quant aux catacombes je me les garde pour la bonne bouche et pour les temps de clandestinité. Les idées sont de fort belles choses (il m’arrive même d’en avoir quelques unes) mais les principes sont primordiaux. La liberté d’expression n’est pas une idée, c’est un principe. Ceux qui luttent pour ce principe, ceux qui, de ce fait, ont à subir les malveillances des petits Torquemada de notre postmodernité, ceux-là sont forcément à mes yeux des gens qui valent la peine qu’on les lise. Lisez donc, chers amis, lisez jusqu’à plus soif, et songez que chaque livre en sûreté dans votre bibliothèque, ce sera toujours un de

moins pour leurs autodafés ! Note de dernière minute : J’apprends, au moment d’envoyer mon article, deux événements qui, hélas, confirment ce que j’écrivais sur la tendance répressive et liberticide actuellement à l’œuvre : d’une part à Paris, la librairie Facta a été attaquée (vitres brisées et peinture rouge projetée à l’intérieur sur les livres) par des individus dont je ne sais rien mais que je serais tenté, au vu de leur attitude, de qualifier de fascistes ; par ailleurs, à Genève, deux pompiers s’étant photographiés en train d’effectuer une quenelle ont été mis à pied par leur hiérarchie suite aux délations et aux pressions d’un site communautaire. Comme quoi rien n’est jamais acquis : nos libertés sont plus chères que tout et doivent être défendues pied à pied. DAVID L’EPÉE

NOTES 1>Dans l’émission Ce Soir ou Jamais de Frédéric Taddei le 8 mars 2010 2>Dans l’émission Salut les Terriens de Thierry Ardisson du 19 octobre 2013 3>Eric Naulleau, Dialogues Désaccordés, Blanche/Hugo & Cie, 2013, p.17 4>Ibid, p.225 5>Alain Soral, Dialogues Désaccordés, Blanche/Hugo & Cie, 2013, p.135 6>Ibid, p.158 7>Un extrait de la prose du petit monsieur pour vous donner une idée du niveau de la critique, du degré d’intolérance et de la bile vaseuse qui prédomine chez ces gens-là : « C’est quoi, sinon, la prochaine étape ? Un tennis avec Richard Millet ? Un hammam avec Renaud Camus ? Une belote avec Dieudonné et Faurisson où tu pourrais inviter Zemmour pour faire le quatrième ? Va plutôt aux putes, crois-moi, tu choperas moins de maladies ! » 8>Eric Fassin a ainsi préfacé la traduction française de Trouble dans le Genre : le Féminisme et la Subversion de l’Identité de la théoricienne américaine Judith Butler, texte fondateur des études genre (La Découverte, 2006) et il est l’auteur de quelques pépites comme celle-ci : « Il nous faut essayer de penser un monde où l’hétérosexualité ne serait pas normale – sinon, probablement, au sens statistique. » (Hommes, Femmes, quelle différence ?, dialogue avec la dominicaine Véronique Margron, Salvator, 2011, p.105) 9>Les personnes intéressées peuvent se

reporter au dernier numéro de Rébellion qui consacre un article aux Antigones ainsi qu’à l’entretien audio que m’a accordé Iseul Turan sur mon site www.davidlepee. com. 10>RIF : rock identitaire français 11>David L’Epée, Un vent de politiquement incorrect souffle sur le rap (Rébellion n°61, septembre-octobre 2013) et Rap et business : qui veut sa part du ghetto ? (Rébellion n°58, mars-avril 2013) 11>Les lecteurs de Rébellion se souviennent peut-être qu’elle a été interviewée dans nos pages (Le premier pouvoir et les médias, n°30, mai-juin 2008) 12>Elisabeth Lévy, La Gauche contre le Réel, Fayard, 2012, p.121 13>Ibid, p.178 14>Ibid, p.99 15>Alain Finkielkraut, interviewé par Le Matin Dimanche, 27 octobre 2013 16>Entre autres les articles suivants : Penser le libéralisme (n°56, novembredécembre 2012), La triple transformation libérale (n°58, mars-avril 2013) et Non à la gauche, oui au socialisme ! (n°60, septembre-octobre 2013). On peut lire également un article à son propos, Charles Robin démonte l’idéologie libérale, dans le n°55 (juillet-août 2012). 18>L’Echappée, Les éditions L’Echappée appellent à la vigilance, 16 novembre 2013 19>Le Libéralisme comme Volonté et comme Représentation (The Book Edition, 2012) et Penser le Libéralisme (The Book Edition, 2013) 20>L’impasse idéologique de l’extrême gauche (Eléments n°149, octobredécembre 2013) 21>que mon ami le metteur en scène Dominique Ziegler avait joliment renommé Yankee Hebdo dans le texte de Patria Grande, sa pièce corrosive sur Ingrid Betancourt. 22>Charlie Hebdo, 4 décembre 2013 23>dans les numéros du 28 novembre 2012 et du 20 février 2013 24>« Reste à comprendre pourquoi la gauche intellectuelle va se vautrer dans le plaisir de ces lectures immondes. [...] La fascination du crade et du sanglant, évidemment, le goût de la vomissure que l’homme partage avec le chien, disait Bloy. [...] Sartre même n’a jamais ce côté crade et canaille. Et toute la critique unanime louera Morand, Rebatet ou Céline, et daubera ce pauvre auteur des Chemins de la Liberté. » (Bernard Maris, éditorial du 20 février 2013)


Il y a des événements qui font resurgir une époque révolue de la même manière que si vous croisiez un fantôme. L’équipée d’Abdelhakim Dekhar en novembre 2013 a ravivé notre mémoire. Loin de vouloir faire l’apologie du couple Maupin-Rey, je suis obligé de reconnaître que leur équipée sanglante dans une France endormie m’a fasciné, par de nombreux aspects, à l’époque. Il faut se rappeler ces années de glaciation de la guerre sociale. Suite à l’effondrement du Bloc de l’Est et la trahison du peuple par une Gauche avide de prendre sa part dans l’âge d’or du turbo-capitaliste, rien ne semblait remettre en cause la domination du capitalisme en pleine phase de globalisation. Surtout pas une «Extrême-Gauche» en phase de décomposition accélérée et de débilité anti-fasciste. Evoluant dans cette ambiance (ils furent proches de la CNT et du SCALP, et de la « mouvance autonome » parisienne de l’époque), le couple fut happé dans cette spirale d’échecs, incarnée par Abdelhakim Dekhar. Son cas est d’ailleurs symptomatique de toutes les pathologies que les mouvements dissidents peuvent attirer ou produire. A la fois « gourou » de la pseudo radicalité, mythomane et probablement indic de la Police, il porte probablement un part importante dans un passage à l’acte stupide qui devait se terminer place de la Nation pour Maupin et dans le box des assises pour Rey. Pour avoir voulu vivre la révolution et non la mimer comme beaucoup, ce couple s’est engagé dans la voie sans retour de l’action violente. Ils ont voulu que la vie réelle triomphe de la survie au quotidien dans la « société du spectacle ». Ils se sont trompé

de cible, en visant des valets du système et non la tête de Big Brother. Complètement isolés (le fameux Abdelhakim Dekhar avait foutu le camp avant la fusillade), leur révolte n’effraya le bourgeois que le temps d’une nuit (c’est toujours cela de gagné pourrez-vous dire...) et fut sans lendemain. A l’époque, il fallait ne pas être dupe de l’image que les médias à la solde du système ont voulu donner de Florence Rey et Audry Maupin pour comprendre cela. Les journalistes avaient mis en scène l’affaire pour en faire un remake du film «Tueursnés» en évacuant l’aspect de contestation sociale. Les médias ont rejoué le même scénario avec la cavale du «tueur fou» . Certes Dekhar est un paumé bien utile pour décrédibiliser toute contestation anti-capitaliste. Voir nos médias et hommes politiques faire semblant de ne pas comprendre pourquoi un journal aussi dégoutant que Libération ou le centre d’affaire de la Défense pouvaient devenir des cibles légitimes de la colère ambiante est révélateur du cynisme de l’Oligarchie. Le système sait qu’il va devoir faire face à une montée désordonnée de la contestation sociale, il s’y prépare et va préparer l’opinion dès maintenant. L’affaire Rey-Maupin nous avait juste donné un exemple auquel nous devions réfléchir pour ne pas commettre les mêmes erreurs. Nous avons appris qu’il fallait éliminer les éléments nuisibles du style de Dekhar. Que les débiles, les provocateurs ou les fous pouvaient être aussi dangereux que les lâches pour une organisation révolutionnaire. Les «travailleurs de la nuit» ont encore beaucoup de travail avant le petit matin de la Révolution ...


L

’émotion qui a soudain embrasé tous les responsables de l’UE et mené jusqu’à Lampedusa le président de la commission européenne, Manuel Barroso, accompagné du ministre italien de l’intérieur est fort compréhensible, plus de 500 morts par noyade en quatre jours, sans compter ceux qui ont sombré corps et biens au large de Malte. Un certain désarroi gagne et l’on parle dès lors d’augmenter les patrouilles de garde-côtes, et de les doubler par une surveillance aérienne accrue du détroit de Sicile. Certes on sauvera plus de vies humaines, et c’est très bien ainsi, mais cela résoudra-t-

il le problème de fond pour autant ? Certes non ! Comme disait ma vieille grand-mère, ce sera un cataplasme sur une jambe de bois ! De fait, que se passe-t-il ? Une intensification inédite du flux migratoire venu d’Afrique et du Moyen-Orient ? Il est aussi vrai qu’à l’ouest du Maghreb, pendant cette dernière décennie, les flux venus du Maroc s’étaient tant enflés que les autorités espagnoles ont dû installer une double barrière de barbelés à Ceuta. Or, ni les cris d’orfraie et les larmes de crocodile des responsables politiques européens, ni ceux des ONG dans le rôle de pleureuses officieuses avec leurs placebos compassionnels ne


mettent le doigt sur le point nodal du problème ou si l’on préfère ne s’attaquent pas à la nature systémique de ces vagues d’émigrations massives. Pour les comprendre il faut, comme d’habitude lorsqu’on est confronté à de graves problèmes socio-démographiques, revenir à la politique ou plutôt à l’économie politique et, en premier lieu, laisser parler le bon sens. Il convient de partir d’un simple constat : l’Afrique noire est plongée depuis des décennies dans une situation néocoloniale de guerres civiles orchestrées ou radicalisées par des pouvoirs extérieurs agissant sur des sociétés fortement déstructurées par les effets de la mondialisation productive et financière, sociétés traditionnelles dont les liens sociaux déjà entamés par la colonisation se sont défaits comme le prouvent les gigantesques bidonvilles qui entourent les villes. Une telle déstructuration accomplie dans un laps de temps aussi court permet le pillage légal ou illégal des richesses de ces sociétés, richesses minières, pétrolières et agricoles par les multinationales des grandes puissances industrielles et financières occidentales protégées par leurs armées, ou des mercenaires locaux. Un tel état entraîne à l’évidence une paupérisation massive de populations déracinées depuis l’Egypte jusqu’en Angola, de-

puis le Maghreb jusqu’à la Corne de l’Afrique avec en Afrique noire le surcroît des effets ravageurs du SIDA. A ces causes strictement économiques, il convient d’ajouter les stratégies de déstabilisation politique vis-à-vis de gouvernements qui jadis purent être un temps indépendants, et qui, tout en contrôlant des populations hétérogènes d’une main parfois rude, pouvaient leur assurer un niveau de vie correct, un système sanitaire et un enseignement de qualité comme c’était le cas de la Lybie, de la Syrie, de la Somalie sous Siad Barre, de l’Irak de Saddam Hussein, naguère celui du Mali ou de la République Centre-africaine. Il y a aussi les pays où la main de fer du pouvoir ne se compense pas avec un niveau de vie acceptable, comme le Gabon de la famille Bongo par exemple ; il y a d’autres pays comme la Tunisie et le Maroc où si l’on trouve un niveau d’enseignement de très bonne qualité, produisant chaque année des diplômés de valeur (surtout dans les techniques), se trouve devant la contrainte économique de sous-prolétariser au plus bas prix ces jeunes cadres. Il y a enfin toutes les guerres de basse intensité, mais de haute intensité pour ce qui concerne les pertes humaines locales, des guerres

civiles nourries à la fois de l’aveuglement des convoitises locales et des intérêts occidentaux (les guerres civiles de RDC pour des zones de terres rares nécessaires à la fabrication des composés électroniques en sont un bel exemple) qui déstabilisent tous ces États nouveaux et fragiles, et dont la centralisation moderne est toujours menacée par la force centripète des tensions tribales, ethniques et religieuses archaïques rémanentes. On est là devant des sociétés où l’arrivée extrêmement rapide de la modernité techno-financière a engendré des ravages d’une violence telle que le citoyen occidental de base ne la peut pas imaginer, lui qui n’en a plus eu une expérience directe depuis le la fin du XIXe siècle. Encore faut-il souligner que les gens qui s’embarquent sur ces vaisseaux de fortune, trompés par des passeurs le plus souvent crapuleux, ne sont pas les plus pauvres parmi les pauvres. Pour traverser la Méditerranée il leur faut souvent payer quelques milliers d’euros un passage. C’est dire la situation de ceux qui sont contraints à rester au pays, incapables de rassembler les sommes nécessaires. A qui donc la faute de ces naufrages meurtriers. Aux passeurs peu scrupuleux qui embarquent les


gens sur des bateaux déjà en ruine ? Oui, mais ils ne sont que le dernier maillon de la chaîne du drame. Aux États qui ne contrôlent pas les départs depuis leurs ports ? Oui, mais encore eût-il fallu que l’Occident ne déstabilisa point des pays dont les dirigeants contrôlaient assez fermement leurs frontières : l’élimination abjecte de Kadhafi, la pseudo-révolution tunisienne avec l’arrivée au pouvoir des frères musulmans incompétents, les jeux troubles des États-Unis pour renverser Moubarak en Egypte, et last but not least, l’entretien d’une guerre civile d’une barbarie sans équivalent en Syrie, ont eu pour effet quasi immédiat de relâcher tout contrôle des flux migratoires tant ceux venus de l’Afrique sub-saharienne (Mali, Centre-Afrique, Niger), que ceux issus d’une partie du Moyen-Orient déstabilisé, Irak, Syrie, parfois même, au-delà, d’Afghanistan. Politique occidentale qui ne vise qu’à recoloniser des zones riches en pétrole ou en minerais rares qu’il faut impérativement obtenir au plus bas prix pour réaliser une fois le produit transformé les plus values les plus juteuses. En d’autres mots venus du bon sens, l’Afrique et le Moyen-Orient sont tant pillés, tant ravagés par des guerres d’une cruauté indigne que nombre de gens préfèrent encore risquer leur vie et quitter le continent sur de frêles esquifs de fortune plutôt que de tomber entre les mains de forces militaires ou paramilitaires quelconques pour être torturés, amputés, éventrés ou décapités (voir le film, Blood Diamonds). Oui, on l’oublie : ce ne sont plus les boat peoples des régimes communistes de l’Asie du Sud-Est qui déferlent sur nos côtes, mais ceux des néocolonies des démocraties occidentales, des démocraties avec leurs dirigeants de gauche comme de droite qui trompettent à tout bout de champ les louanges de la démocratie et des droits de l’homme ! Avec le recul on peut mesurer que la décolonisation n’a été, sauf une exception, l’Afrique du Sud, qu’illusion cruelle, pis, tragique, une de ces ruses les plus perverses de l’Histoire. Présentement une partie de la violence directe n’est plus exercée par

le garde chiourme blanc, mais par les intermédiaires locaux des pouvoirs occidentaux, les bourgeoisies compradores et leurs instruments de répression. Les gouvernements africains sont là pour maintenir l’ordre souhaité par les grandes entreprises multinationales qui parfois gèrent tout un pays, se partageant les contrats et les exploitations juteux. Les quelques États qui tentèrent une économie postcoloniale au profit de leur population et d’une amélioration du mieuxêtre du pays, ont été à plus ou moins longue échéance balayés par des coups d’État, des guerres civiles suscitées et financées par l’Europe et les États-Unis. C’est la banale histoire de la RDC et de la tragique fin de Patrice Lumumba, du socialiste Nkrumah(1) au Ghana, de celle de Thomas Sankara au Burkina Faso, c’est aussi l’invasion de l’Irak, la destruction de la Lybie, et maintenant de la Syrie (ce qui ne veut pas dire que ces gouvernements étaient démocratiques au sens de l’Occident, mais plutôt de type prussien). Dans le nouveau contexte d’une radicalisation du néo-colonialisme si les gens partent c’est que la vie s’y montre insupportable pour une majorité. C’est donc toute l’économie africaine et en partie moyenne-orientale qu’il convient d’analyser pour la réformer afin de préparer un développement qui profite aux populations locales et non aux firmes occidentales qui laissent quelques miettes aux valets locaux. Or un tel vœu n’est guère envisageable demain quand on constate par exemple que l’intervention de la France au Mali et maintenant en République Centre-africaine sous couvert de lutter contre des groupes terroristes islamistes (et l’on se demande pourquoi quand elle soutient des groupes de même obédience en Syrie), vise à maintenir les privilèges exorbitants accordés aux concessions des mines d’uranium attribuées à Areva, ailleurs, en Lybie par exemple, ce sont des concessions pétrolifères. Ceux qui naïvement crurent (dont beaucoup d’ethnologues et sociologues africanistes) que la fin de la domination coloniale classique en

Afrique devait ouvrir des horizons de «bonheur» aux peuples africains nouvellement indépendants, se sont nourris des illusions superficielles propres à une gauche salonarde et universitaire, oubliant qu’une politique d’indépendance et de dignité nationale passe justement par le contrôle strict des anciennes puissances coloniales devenues impériales. Soumis économiquement aux contraintes d’une monnaie commune (le franc CFA) administrée par l’ancienne puissance coloniale, ou aux «relations privilégiées» avec la Banque d’Angleterre, enchaînés à des accords militaires et de coopération dits de défense, les pays nouvellement indépendants dirigés sauf exception par des élites imposées par les puissances coloniales, élites avides de consommation et donc prêtes à tous les compromis économiques, se sont montrées entièrement disposées à brader les richesses de leur pays en multipliant les bénéfices des multinationales qui dans la banale réalité des faits, ruinent le pays et simultanément paupérisent les populations : le plus bel exemple nous est fourni par le Nigeria dont l’énorme richesse pétrolière gérée par Total laisse néanmoins sur le carreau de la pauvreté des millions de citoyens (Guerre du Biafra naguère, aujourd’hui guerre d’indépendance du Delta, toutes liées aux royalties engendrées par le pétrole où des groupes tribaux locaux sont, selon les moments et les intérêts d’une géopolitique mondiale, soutenus par l’une ou l’autre des anciennes puissances coloniales). Les politiciens de l’UE peuvent donc essuyer leurs grosses larmes hypocrites, parler d’une réforme du droit d’asile, plaider pour un accueil plus humain, il ne s’agit là que des placebos. Ce qu’il faut, et tout le monde le sait car c’est là un secret de polichinelle, c’est changer la politique de développement… mais voilà un programme qui n’est pas du tout à l’ordre du jour de l’impérialisme parce que cela, il ne l’a jamais été.

CLAUDE KARNOOUH

NOTE 1>Mort en exil à Bucarest en 1972.


Belle initiative que la publication par les éditions Kontre Kulture, des discours de Thomas Sankara, officier et révolutionnaire burkinabé, porté au pouvoir par la révolution d’août 1983. Le pays, alors dénommé Haute Volta, héritage du colonialisme, après avoir été secoué par des coups d’Etat, vit le peuple prendre sa destinée en mains et se doter d’un Conseil National de la Révolution, à la tête duquel émergea Thomas Sankara, porte-parole de la radicalisation des classes exploitées. Le dirigeant révolutionnaire eut la lucidité d’expliquer que l’accession à l’indépendance des pays africains au début des années 60 n’avait été qu’un premier pas dans l’émancipation de ces peuples, immédiatement englué dans les compromissions des bourgeoisies locales avec le néo-colonialisme porté par l’impérialisme des grandes puissances. On retiendra l’analyse pertinente que faisait Sankara des rapports de classes au Burkina Faso et sa définition classiste du concept de «peuple» en lutte pour une authentique libération nationale. Sa vision de l’orientation politique du processus révolutionnaire articulé au sein de diverses étapes, témoigne d’une capacité d’analyse rigoureuse et d’une compréhension intelligente de la méthode marxienne. Nécessité d’un pouvoir politique hégémonique révolutionnaire et écoute attentive des aspirations populaires pouvant s’exprimer à tous les échelons de la société, étaient les idées se situant au cœur de cette vision. Son internationalisme se traduisit par un rapprochement avec les pays et les peuples se trouvant à la tête de la résistance à la machine impérialiste (Libye, Cuba, Nicaragua, Palestiniens etc.) et se combina avec un patriotisme de bon aloi. Thomas Sankara trouve sa place d’honneur parmi les combattants de la cause de l’Homme noir retrouvant sa dignité bafouée par la colonisation et les agressions impé-

rialistes. Sa conception reposait sur une totale remise en cause des rapports de production capitalistes et de son cortège d’aliénations : amélioration des conditions matérielles d’existence des déshérités mais sans consumérisme comme finalité, souci des équilibres écologiques fondamentaux, notamment pour sauver le Sahel de la désertification, recentrage culturel de l’Afrique s’appuyant néanmoins sur les acquis universels de la grande culture européenne. Les quatre années qu’il passa au pouvoir ne furent pas de tout repos et témoignent d’un engagement total de sa personne. Ses derniers discours évoquent sincèrement les difficultés rencontrées au cours du processus révolutionnaire, les erreurs toujours possibles et la façon d’y remédier, les trahisons de la part d’hommes opportunistes mais cela toujours analysé de façon très humaine. Il y a quelque chose de poignant à la lecture de ces pages. Le 29 juillet 1987, Thomas Sankara, prononçait un discours courageux à Addis Abeba lors de la conférence au sommet des pays membres de l’OUA. Il y affirmait la nécessité pour les pays africains de secouer le joug de l’esclavage financier, de créer un Front uni afin de refuser de payer la dette entretenue par le néo-colonialisme. Trois mois après, il était assassiné... Un quart de siècle après, l’Afrique souffre toujours des mêmes maux, toujours plus approfondis par l’agressivité impérialiste. Les peuples occidentaux, eux-mêmes, se voient spoliés par la rapacité de l’oligarchie capitaliste. Rappelons-nous des combats passés de tous les damnés de la terre ; ils restent vivants dans nos cœurs et animent notre souffle révolutionnaire. Thomas Sankara est de ceux-là. Anthologie des discours de Thomas Sankara.Ed. Kontre Kulture. Juin 2013. 214 p. 13 euros www.kontrekulture.com


« La lutte des classes existe, et c’est ma classe, celle des riches, qui mène cette guerre et qui est en train de la remporter ». Warren Buffet, milliardaire américain, 1ère fortune des Etats-Unis « Nous entrons dans la barbarie » écrivait le philosophe marxiste Michel Henry en 1987. Comment ne pas appeler barbarie la froide logique qui anime le capitalisme ? Une barbarie globale et sans limite qui vient saper l’ensemble des choses qui faisaient qu’une vie méritait d’être vécue. Une barbarie qui est au coeur même du système, l’expression froide de l’arraisonnement du monde par sa volonté destructrice. Il cherche le chaos pour se nourrir du désordre et poursuivre sa course folle, sacrifiant l’Homme et la Nature à sa soif de profit. Cette barbarie se déchaîne dans la guerre sociale en cours, c’est une violence qui ne dit jamais son nom. C’est la répression directe mais surtout l’emprise de l’aliénation qui referme son étau sur les esprits. Cette maîtrise totale des cartes d’un jeu truqué qui sape le courage et plonge dans une dépression végétative la plupart de nos contemporains. Cette état prégnant de barbarie qui vise à cultiver une insécurité permanente et créer un

environnement hostile à la nature humaine, associé à la dissolution de toutes les formes de vies communes existantes, c’est le triomphe de la guerre de tous contre tous. La fragilisation de la société se retrouve aussi dans la destruction de toute forme de culture. Balayé par l’industrie du loisir, sacrifié sur l’autel de la médiocrité, le savoir est la première victime de la barbarie. La question est donc posé : «Le Socialisme ou la Barbarie» ? Pour notre part, nous avons fait notre choix. Le choix de redevenir des acteurs de notre vie, de choisir notre destin. Cela nous amène à explorer de nouvelles pistes pour nous détacher du système. Une quête de la perfection tangible et vivante sous la forme d’une tension toujours maintenue par la volonté d’action. Une éthique exigeante de vie qui peut s’exprimer dans une bonté pour toute les formes de vie. Nous rejetons la morale de notre époque car elle n’est que l’expression du cadavre faisandé du monde moderne. Nous sommes intransigeants car nous ne pouvons plus nous permette le luxe des compromis. Nous devons faire la conquête des intelligences et des âmes.


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Rébellion SEPTEMBRE/OCTOBRE 2013|19


“L’Empire ne s’oppose pas à nous comme un sujet qui nous ferait face, mais comme un milieu qui nous est hostile” Tiqqun, Contribution à la guerre en cours.

E

n 2005, sur le plateau des Millevaches, ceux qui seront trois ans plus tard au centre de la fameuse Affaire de Tarnac décident de s’éloigner volontairement du monde moderne afin de recréer, à leur échelle, une microsociété plus conforme à leur idéal. Cette démarche de rupture reproduit un fait politique particulier mais régulier dans les mouvances dites «dissidentes». La corrélation entre un éloignement politique et un éloignement géographique du monde moderne. Comme avant eux les milieux libres et les communautés libertaires de la fin du XIX° siècle, le mouve-

ment artamanen des années 1920, les communautés hippies des années 1960-1970, et plus proche de nous, la lutte autour du plateau du Larzac contre le projet d’agrandissement d’un camp militaire (à partir de 1973), certaines personnes ont associé une discontinuité dans le discours et sa mise en oeuvre(mise en pratique par des moyens de communication spécifiques, des moyens d’action et de revendication en rupture avec les formes institutionnelles...) et une discontinuité dans l’espace (éloignement le plus possible des lieux où s’exprime avec le plus de force la modernité). De fait, les villes ont toujours constitué un bastion du capitalisme, et l’urbanisme n’a toujours été qu’un terme pour désigner la mise au pas de l’environnement dans l’optique des intérêts capitalistes. Jean-François Brient, dans son film De la servitude moderne, déclarait «l’unification de l’espace selon les intérêts de la culture marchande est le grand objectif de notre triste époque. Le monde doit devenir une immense autoroute, rationalisée à l’extrême, pour faciliter le transport des marchandises. Tout obstacle, naturel ou humain doit être détruit». L’importance que constitue l’urbanisme comme axe d’action par le capitalisme n’a que rarement été considéré à juste titre (1), à l’exception de certains milieux anarchistes autonomes (voir à ce sujet l’excellent blog «Laboratoire d’urbanisme insur-


rectionnel»). La même critique se retrouve aussi dans les écrits de certains militants autonomistes ou indépendantistes “régionalistes” qui voyaient bien en quoi les villes étaient les tombeaux des cultures populaires et locales enracinées, au profit de la non-culture de masse mondialisée. De fait, le système, lui, ne s’y trompe pas, et quatre jeunes basques ont récemment écopé de 2 ans de prison ferme chacun (1 an pour la quatrième) pour avoir entarté le 27 octobre 2011, la présidente de la communauté de Navarre, pour s’opposer à un projet de Ligne à Grande Vitesse traversant les Pyrénées. Le mouvement autonomiste occitan Libertat! déclarera, à la suite de l’entartage : «Pour les autorités de la CTP, les Pyrénées ne sont qu’ une barrière et un «goulot d’étranglement» qui entrave les flux de marchandises et les affaires; leur défi recherche de façon permanente un spectaculaire accroissement des trafics et la «perméabilisation des Pyrénées», qui n’est autre chose que de transformer cette cordillère en un gigantesque «gruyère» traversé de part et d’autre par de grandes infrastructures de connexion entre les grands centres d’affaires.» La volonté du capital est d’abolir les distances physique pour accélérer ses rendements, sans souci de la Nature ou des cadres de vie locaux. Partout le système capitaliste appauvrit et uniformise le monde, on assiste à un standardisation des modes

de vie. Les mêmes désirs de possessions se diffusent. La culture matérielle et superficielle nourrit les imaginaires. Les mêmes enseignes de magasins, la même architecture, les mêmes villes se retrouvent d’un pays à l’autre. La quête du bohneur individuel dans un environnement urbain est devenu le modèle universel. Tout le monde rêve des mêmes choses au même moment. Les formes de travail antérieures à l’industralisation sont détruites (artisanat, agriculture rurales, etc) et la dissolution de tous les liens de la vie communautaire (famille, village, quartiers) aboutit à l’atomisation du monde sous le règne du calcul égoïste. Les aspirations s’homogénéisent à mesure que le déracinement et la déculturation se développent. Ce mouvement est-il irréversibles ? Nous ne le pensons pas. Il est certains que certains sont déjà trop lobotomisés pour sans rentre compte. Mais il existe suffisament d’esprits rebelles pour trouver d’autres voies que celle proposée par le système.

Face à ce constat, couplé avec celui de la difficulté (de l’impossibilité ?) de lutter frontalement contre le Capital, en particulier dans les zones qu’il a créées selon ses principes, certains ont choisi de sortir volontaire-

ment dus système et de le combattre de l’extérieur et non plus de l’intérieur. Ce choix a l’avantage de permettre une application concrète nos valeurs et nos idées hors du cadre faussé de la modernité capitaliste. Le socialisme révolutionnaire pose l’idée de communauté et d’autonomie au coeur de sa démarche, alliée à une émanciaption libératrice des capacités humaines enchaînées par le capitalisme. Cette démarche peu exister dès à présent sous de nombreuses formes. L’une d’elles pourrait être justement la formation de Communautés Politiques Autonomes. Une chose doit être claire, ce concept n’a rien avoir avec le survivalisme très à la mode actuellement. La survie individuelle n’est rien si elle ne porte pas un projet de renaissance collectif. Le survivalisme reste marqué par l’époque qui l’a vu naître, c’est un réflexe égoïste issu de la mentalité ultra libérale finissante. Si certains enseignements pratiques peuvent être utiles (être préparé physiquement et mentalement à une situation de crise est une obligation pour un révolutionnaire), l’imaginaire qu’il véhicule est plus qu’invalidant. Le repli survivaliste est le plus sûr moyen de disparaître. Isolés et sans liens, nous serions encore plus vulnérables face à n’importe quelle convulsion. Même suréquipé, l’homme n’est rien isolé. Tout en marquant une rupture avec les principes survivalistes, qui n’agis-


sent que dans l’optique de se préparer au pire, et non au meilleur, il apparaît important de poser la question de la pertinence de ce que l’on pourrait appeler des Communautés Politiques Autonomes. En effet, le fait de pouvoir sortir entièrement du système à l’heure actuelle exige un éloignement géographique des grands centres urbains, mais aussi des pratiques politiques alternatives. Le plus décisif étant un éloignement mental de sa domination idéologique. L’idée de la Communauté Politique Autonome c’est justement d’être un centre de résistance avec une double vocation. Tout d’abord , permettre de mettre en application nos idées et valeurs à l’échelle locale. De retourner vers le terrain, se réapproprier l’espace et être un acteur possitif d’une vie collective. Le but est de se fondre dans l’environnement et de participer à la vie des communautés déjà présentes sur le terrain. C’est nullement un isolement du monde, mais au contraire un réenracinement actif. Dans le même temps, la Communauté Politique Autonome est une base arrière, un pôle de diffusion et un espace de rencontre pour les dissidents. C’est le lieu où la réflexion pourrait être partagée et où des cultures et des traditions nouvelles pourraient naître. C’est un espace de convivialité (concerts, fêtes) mais aussi de lutte. Si l’expérience prenait, un réseau de CPA pourrait recouvrir le territoire.

Un choix par lequel devront passer tous ceux qui se poseront un jour la question de l’exode urbain est bien évidemment celui du lieu où aller. Produire localement, consommer localement, militer localement : c’est possible mais il faut bien choisir le lieu. De fait, les zones peu urbanisées sont le plus souvent les zones montagneuses, ainsi que certaines zones de plaines reculées (malheureusement elles sont aussi le plus souvent les plus chères). Il faut aussi prendre en compte le fait qu’une zone trop accidentée n’est pas propice à la mise

en place d’une agriculture vivrière, et que les difficultés pour se déplacer (neige, petites routes) sont aussi un frein pour effectuer les échanges (de produits agricoles ou artisanaux par exemple) nécessaires pour régler les dépenses, mêmes minimales (impôts), qui ne disparaîtront qu’avec le capitalisme. De même, un accès trop difficile freine le rôle de pôle de résistance. La question de la propriété du lieu est aussi cruciale pour l’avenir de l’expérience. Chaque mètre carré de terrain étant la propriété d’un particulier ou d’une collectivité, se pose la question pour les dissidents de savoir s’il veut acheter un bien immobilier (une fois réglée la question, bien que très problématique, des moyens financiers) et de fait se soumettre jusqu’à un certain point au système (impôts sur le foncier, normes d’habitation, factures d’eau ou d’électricité). La question de l’énergie est aussi importante, l’autosuffisance implique certaines dépenses en entretien et des normes très contraignantes. L’occupation illégale d’ un bien immobilier, avec les risques juridiques que cela comporte, pose elle comme gros problème de ne pouvoir garantir la pérennité de l’expérience. Mais surtout elle compromet les chances d’intégration dans le groupe des habitants traditionnels ou réguliers du lieu. Cars l’enjeu est de créer une symbiose entre la communauté Politique Autonome est son milieux naturel, mais aussi humain. Elle ne vise absolument pas à une marginalisation dans un espace clos à l’extérieur. Au contraire, elle doit se sentir comme un poisson dans l’eau et devenir un acteur de la vie locale. Les habitants des régions rurales les plus préservées

du désastre capitaliste, se caractérisent par un esprit de communauté plus ou moins vécu ou marqué. Sans les idéaliser, les “locaux” seront toujours moins exposés aux valeurs du système. Souvent par leurs origines très différentes (familles traditionnelles enracinées depuis plusieurs siècles ou enfants de hippies vivant dans le même esprit que leur parents, mais aussi bon nombre de néo-ruraux fuyant la misère et l’insécurité des villes), ils sont souvent plus proches de nos idées que nous pouvons le penser. Echafauder un réseau de savoir-faire, travailler sur des projets à l’échelle globale, mettre en place des réseaux de diffusion des productions locales sur le modèle localiste, sauvegarder les techniques et les environnements, défendre les biens communaux : voilà quelques pistes d’actions possibles. Surtout que nous pouvons aussi prendre appui sur une spécificité française : les petites communes. La France compte environ 1000 communes de moins de 50 habitants. Elles se regroupent dans certaines régions de faible densité de population, souvent dans les zones montagneuses, comme l’Ariège, les Pyrénnées Catalanes, le Jura, les Vosges ou les Alpes. L’autonomie locale dans les petites communes renvoie inéluctablement, en géographie sociale, à la notion d’appropriation du territoire par les populations. Dans une petite commune, le conseil municipal peut compter un membre de chaque famille ; les habitants se connaissent tous mutuellement. Les petites communes sont historiquement gérées de manière commuanutaire. Même si l’Etat veut réorganiser ce système par l’intercommunalité, elles savent résister et conserver leur autonomie. Nous avons conscience de n’avoir donné que des grandes lignes d’un projet très vaste, cette démarche demande à être murie et reprise. Nous espérons au moins avoir ouvert un débat qui pourrait voir naître une alternative. Mais si nous devions résumer notre propos, nous garderons ceci : « L’autonomie pour faire vivre la communauté, la communauté pour construire le socialisme révolutionnaire ».


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Rébellion NOVEMBRE/DéCEMBRE 2013|23


A

lors que nous vivons dans une société où manger de la viande fait partie des mœurs, avec un système encourageant l’élevage industriel apparu au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, et où ce marché rapporta 12,1 milliards d’euros en 2012 (avec les fast-foods s’imposant comme leader en France, avec 34 milliards d’euros de vente en 2012), des personnes au mode de vie différent s’élèvent contre cette culture de la surconsommation et ces industries exploitant le monde animal. Régulièrement secouées par des scandales (crise de la « vache folle », poulet à la dioxine, lait à la mélanine, viande de cheval dans des lasagnes sensées être au bœuf…), le plus gros scandale des industries agro-alimentaires n’est-il pas tout simplement ce-

lui que l’on refuse de voir ? Un milliard d’animaux tués chaque année dans les abattoirs français, environ 90% de la viande consommée provenant de l’élevage industriel, aux conditions atroces: hangars fermés et surpeuplés, animaux nourris aux farines animales, becs des poules et poulets sectionnés à vif, évoluant dans un espace de la taille d’une feuille A4, gavés d’antibiotiques… Le consommateur n’est pas en reste également puisque ces entreprises agro-alimentaires n’hésitent pas à mentir sur les étiquettes, la marchandise… Un système où tout le monde est lésé.

Tout commence il y a 23 000 ans, quand l’Homo Sapiens débute la domestication. La domination de l’Homme sur les animaux (et plus généralement la nature) se trouve appuyée au XVIIème siècle par le philosophe René DESCARTES, affirmant l’idée d’une faune semblable aux machines, objet sans âme à la disposition des humains. Puis, au XIXème siècle, la condition animale ne fait que suivre un monde qui s’industrialise, avec des dérives toujours plus grandes. L’élevage industriel, à la sortie de la Seconde Guerre mondiale, a pour but d’obtenir un maximum de rendement, par tous les moyens. L’Homme se retrouve coupé de la nature dont il est pourtant issu. L’écrivain Paul CLAUDEL, opposé à cette vision


d’animal-machine, déclare dans son Bestiaire spirituel, publié en 1949 : «L’habitant des grandes villes ne voit plus les animaux que sous leur aspect de chair morte qu’on lui vend chez le boucher. La mécanique a tout remplacé. Et bientôt ce sera la même chose dans les campagnes. […] Maintenant une vache est un laboratoire vivant […], le cochon est un produit sélectionné qui fournit une quantité de lard conforme au standard. La poule errante et aventureuse est incarcérée.» Aujourd’hui les animaux continuent à être niés dans la conscience collective d’une société consommatrice, où seul compte la marchandise et le produit fini. Ainsi, on assiste à des manipulations génétiques afin d’obtenir un «produit» plus «rentable», aux destructions des espaces naturels afin de créer des cultures destinées à nourrir les élevages (38% de la forêt

Amazonienne a été détruite dans ce but),… et, bientôt, aux AGM (Animaux Génétiquement Modifiés).

Suite logique d’une société qui, en 1996, donne naissance à la brebis Dolly, premier mammifère cloné (euthanasié sept ans après), la société américaine AquaBounty Technologies risque de commercialiser d’ici fin 2013/début 2014 AquAdvantage®, du saumon deux fois plus gros que la moyenne, modifié génétiquement, et marque déposée. Car, dans un monde où l’argent et le système capitalistes sont rois, et où on créé en 2005 des vaches Génétiquement Modifiées, le but de ces industries et de ces brevets déposés est de contrôler l’alimentation mondiale. Et de toucher des royalties pour la reproduction de

ses animaux «marque déposée». Monde artificiel créé par l’Homme individualiste souhaitant être dieu, avec pour seule spiritualité le profit... Ainsi, l’Homme, en considérant le monde animal comme une machine destinée à le satisfaire, a rompu le lien qui le rattachait à la nature. Une société à mille lieux de celle préconisée par le sceptique Sextus EMPIRIUS, soulignant l’importance pour l’Homme de former une communauté avec les animaux et la nature l’entourant, comme «un esprit qui pénètre à la façon d’une âme, le cosmos tout entier.»

Pourtant, bien loin de ce modèle mortifère prôné aujourd’hui, il existe des sociétés et des choix de vie excluant


l’animal de leur logique de consommation. Différents critères motivent l’adoption d’un autre choix de vie, en plus du respect des animaux. La préservation de l’environnement est une motivation prise en compte. En effet, avec environ 70% des terres mondiales servant à l’élevage et à nourrir le bétail, la disparition des espaces naturels et une consommation d’eau excessive (selon l’indicateur Empreinte eau, calculant le volume d’eau utilisé pour produire un produit ou un service, plus de 15 000 litres d’eau sont nécessaires à la production de 1 Kg de viande de bœuf), et quelques 9 milliards d’humains d’ici 2050, continuer ce mode de consommation amènerait pénuries alimentaires et déficit en eau catastrophique, selon le Stockholm International Water Institut. Quant à l’exploitation des peuples, il est tout aussi inquiétant : ainsi, le système, toujours prompt à donner des grandes leçons sur la faim dans le monde (et par la même occasion, à se donner bonne conscience), n’hésite pas à faire cultiver les céréales destinées au bétail dans des pays qu’il aime tant défendre, les pays du Tiers-Monde. Par exemple, en 1973, alors que l’Ethiopie connaissait une famine dans la région du Wello et dans les provinces du Nord, elle exporta pourtant vers l’Europe 9000 tonnes de céréales pour l’élevage. Préoccupation de l’environnement, respect du monde animal… Le végétarisme, venant du latin vegetus, signifiant sain, frais et vivant se décline sous plusieurs formes : la pratique la plus repandue dans les pays occidentaux consiste à ne pas manger de viande mais inclut les œufs, les produits laitiers et le miel. Le végétarisme Hindou, lié à la pratique de l’Ahimsâ, « l’action ou le fait de ne causer de dommage à personne » exclut les œufs. 40% de la population Hindoue est végétarienne, soit environ 450500 millions de personnes. Le végétalisme exclut tout aliment provenant de l’animal (viande, œuf, lait…). Enfin, le véganisme (néologisme issu de l’anglais vegan) est, selon la Vegan Society, fondée en 1944, « le mode de vie qui cherche à exclure, autant qu’il

est possible et réalisable, toute forme d’exploitation et de cruauté envers les animaux, que ce soit pour se nourrir, s’habiller, ou pour tout autre but. » Même si ces termes et ces choix semblent récents dans le monde occidental, ils ne font que se rapprocher d’une éthique Européenne vieille, de près de 2700 ans…

Les végétariens ne portent ce nom que depuis peu, puisque avant la création de la Vegetarian Society en 1847 ils étaient appelés «Pythagoréens» : le Pythagorisme, en référence au mathématicien PYTHAGORE, et apparu vers la fin de l’époque archaïque, défend l’idée d’une alimentation composée de céréales et végétaux. Ainsi, Ovide, dans ses Métamorphoses, rapporte le discours suivant du mathématicien : «Vous avez les moissons ; vous avez les fruits dont le poids incline les rameaux vers la terre, les raisins suspendus à la vigne, les plantes savoureuses […] ; vous avez le lait des troupeaux, et le miel parfumé de thym ; la terre vous prodigue ses trésors, des mets innocents et purs, qui ne sont pas achetés par le meurtre et le sang. […] Chose horrible ! Des entrailles engloutir des entrailles, un corps s’engraisser d’un autre corps, un être animé vivre de la mort d’un être animé comme lui !» Ainsi, selon Pythagore, les dons fournis par la nature sont suffisants pour se nourrir, sans devoir recourir à la viande. L’Homme ne mange de la chair animale que par habitude, par facilité, et à cause du premier homme «dont le ventre avide engloutit les mets vivants !» On retrouve cette même préoccupation bien plus tard, chez le philosophe PLUTARQUE (50-120 après J.C.), qui, dans ses Œuvres morales (ensemble de textes traitant de religion, d’éthique, de philosophie…), défendit le choix du mathématicien de ne pas consommer de viande. Ainsi, à la question «Pour quelle raison Pythagore s’abstenait-il de manger de la chair de bête ?», Plutarque rétorque «Quel motif eut celui qui, le premier, consomma de la viande ?». Pour le philosophe, c’est au carnivore

de justifier son choix de consommer de la chair animale, car, tout comme Pythagore, il affirme que les dons de la Terre (légumes, céréales…) sont amplement suffisants pour nourrir l’Homme moderne, et que celui-ci ne tue pas les bêtes par nécessité, mais juste par luxure. Plutarque déclare que les animaux n’ont pas à être considérés comme des êtres inférieurs par l’Homme, qui n’hésite pas à leur ôter la vie pour un plaisir gustatif : «Pour un peu de chair, nous leur ôtons la vie, le soleil, la lumière et le cours d’une vie préfixée par la nature.» Et si la consommation de la viande rend l’Homme insensible à la souffrance des animaux, elle provoque également une agressivité envers ses semblables : «Quel homme se portera jamais à en blesser un autre lorsqu’il sera accoutumé à ménager, à traiter avec bonté les animaux ?». Le végétarisme prôné par l’école Pythagoricienne et défendu par Plutarque pense le destin de chaque être vivant comme interdépendant, et Homme et animaux complémentaires. Ainsi, dans une pensée et tradition Européenne, le végétarisme (ou végétalisme) permet à l’homme de se rapprocher du mythe de l’âge d’or, période faste et heureuse suivant la création de l’Homme par le dieu Chronos, où êtres humains et animaux vivent en harmonie, et où «On ne connaissait ni la colère, ni les armées, ni la guerre ; l’art funeste d’un cruel forgeron n’avait pas inventé le glaive » (Tibulle, Elégies). Age d’or duquel les sociétés modernes s’éloignent, où l’argent roi triomphe sur le principe d’harmonie universelle. Et s’il est urgent que l’Homme abandonne son obsession de maîtrise absolue de la nature et reconnaisse son obligation morale envers elle et le monde animal, les modes de consommation alternatifs et tout ce qui en découle ne sont pas, comme on pourrait le croire, une obsession de «bobos», vrais bourgeois mais faux bohèmes, mais une volonté de s’éloigner d’un monde et d’un système niant la part divine et la part animale de l’Homme, et son implication dans l’univers tout entier. Marie CHANCEL


Notre conception de la Patrie est celui d’une union autour d’un projet collectif commun et orienté vers l’avenir. La France est le fruit de la longue histoire commune des peuples qui la composent. C’est surtout un attachement fort d’un Peuple à sa Patrie et une volonté farouche d’indépendance nationale qui pousse notre pays à toujours faire face à ceux qui veulent l’envahir et le soumettre. Pour nous, l’héritage historique de la Nation n’est pas une fin en soi, il est un point de départ. Il doit nous permettre de poursuivre l’aventure collective qu’est la France, en l’orientant vers une voie spécifique de construc-


éALTERNATIVES qui la constituent. Nous rejetons le nationalisme centralisateur et sa caricature, le micro nationalisme séparatiste servant les intérêts des ennemis mondialistes de l’unité européenne. Une rupture radicale doit être clairement faite, aussi bien, avec les conceptions réactionnaires et bourgeoises de l’idée nationale qu’avec les tenants d’une mondialisation «post nationale» (qu’ils soient des représentants des multinationales, des bobos altermondialistes ou les derniers rejetons des groupuscules gauchistes). L’enjeu est de faire le lien entre la question nationale et la question sociale, c’est-à-dire de poser clairement la priorité de la libération de la France et de l’Europe de la domination capitaliste, ce qui aurait par voie de conséquence une portée internationale essentielle. L’immigration à grande échelle est une tragédie tant pour les peuples européens que pour les immigrés déracinés victimes du Capitalisme mondialiste qui n’a d’autre finalité que son processus de valorisation et de finan­ ciarisation. Partout dans le monde nous soutenons la cause des peuples contre l’homogénéisation et l’exploitation capitalistes dont les Etats-Unis constituent le principal, mais non unique, vecteur.

tion du socialisme à l’échelle d’une Europe libérée du Capitalisme. En pratique, les formes que peuvent prendre la Nation sont appelées à se transformer pour faire face aux défis de notre époque. Les travailleurs en reprenant en mains leur destin, seront amenés à redéfinir le rôle des institutions et à remettre en cause le fonctionnement d’un Etat qui appartenait à ses ennemis de classe depuis l’ori-

gine. Pour cette raison, nous n’avons jamais idéalisé l’ancien modèle républicain jacobin et nous rejetons ses mythes, de même des nationalismes réactionnaires. Nous considérons que l’idée de Patrie n’est compatible qu’avec la reconnaisance de la richesse constituée par les cultures, les traditions et les institutions locales de chaque région

Nous préconisons un socialisme respectueux de l’identité de chaque peuple dans une Europe forte et consciente de sa communauté d’origine et de destin. Nous considérons l’Europe de Bruxelles comme étant une parodie de souveraineté européenne, aux antipodes de l’application réelle du principe de subsidiarité, seul moyen de recréer un véritable lien social. Notre modèle est celui d’une Europe fédérale respectueuse des Nations, des peuples, des régions ; Europe à vocation impériale et non impérialiste.

En Europe, le socialisme peut s’ap-


puyer sur une conception de la communauté, propre à notre civilisation. Des cités grecques aux libres assemblées du monde germanique ou scandinave, des communes libres du Moyen Age au Mir slave, les formes de communauté sont diverses dans notre histoire mais toujours porteuses de cette idée de collectif. Si le capitalisme a tenté dès l’époque moderne de faire disparaître ces systèmes communautaires, ils ont perduré un certain temps et transmis leurs valeurs au monde du travail moderne et furent salués par tous les penseurs du socialisme (de Proudhon à Marx). L’idée de communauté avec la fin du cycle historique de la modernité capitaliste revient naturellement nourrir la réflexion actuelle pour créer une alternative à la faillite du système. Un même individu appartient à plusieurs communautés (dont la première est la famille et qui peut aller jusqu’à la nation) qui interagissent. Des relations qu’il tisse avec d’autres, il construit et partage une vision du monde qui lui permet de dépasser son individualité et le fait tendre vers l’universel. Force créatrice et active, l’authentique communauté n’est pas le «repli communautaire». Dérive de l’individualisme, celui-ci est une des névroses du monde moderne. Dans notre conception, la communauté rassemble des personnes qui participent activement à son existence, elle est ouverte mais réclame pour intégrer de nouveaux membres qu’ils y participent et se reconnaissent dans son projet. Garantissant et défendant la liberté de chacun, la communauté permet la prise en mains directe, par sa population, des leviers de décisions politiques à son échelle. On revient ici à l’idée de Commune, fédération des personnes vivant et travaillant ensemble qui s’organisent selon le principe de la démocratie directe. Des assemblées dont les représentants seraient révocables dans des conditions clairement définies et dont la légitimité repose sur la conformité avec les principes collectifs édictés comme «lois fondamentales».

Afin de mettre en oeuvre un socialisme authentique et original, nous rejetons le socialisme bureaucratique d’Etat et soutenons toute forme de démocratie participative, organique et directe dans un Etat de type fédéraliste.

Au cœur de notre réflexion et de notre action, l’idée de la socialisation est à nos yeux la seule solution pour que chacun s’habitue à prendre une part active et consciente au travail qui a toujours une portée collective et cesse d’être instrument ou spectateur passif de la domination capitaliste. La socialisation doit s’appuyer sur des bases «saines» (c’est-à-dire non mercantiles et liées à l’idée de solidarité et d’un minimum de décence morale commune, la «common decency» d’Orwell) que représentent les rapports humains authentiques existant encore dans nos sociétés. Pour cela, les communautés locales constituées par des communes populaires auront un rôle important à jouer. Partisan de la subsidiarité, nous pensons qu’une articulation est possible entre les divers niveaux de compétence. Il s’agit évidemment du fameux principe de subsidiarité évoqué par les instances de l’UE mais qui pour cette dernière est un peu comme l’Arlésienne que l’on attend toujours… Cela n’est d’ailleurs pas si étonnant que cela car ce principe se situe aux antipodes du fonctionnement de la société capitaliste, de ses nécessités fondamentales. La subsidiarité consiste si l’on veut le dire le plus simplement du monde à s’occuper de ce qui nous regarde! Justement, la démocratie représentative si chère au capital contemporain consiste à nous faire croire que l’on s’occupe, grâce à elle, de ce qui nous regarde. Le citoyen y est invité à participer à sa propre mystification et à s’identifier aux décisions inhérentes au fonctionnement optimal du capital dans sa quête illimitée du profit. Restent alors quelques miettes de pouvoir

et de prébendes concédées à ceux qui veulent bien entrer dans le jeu de la politique du système. La subsidiarité, c’est la souveraineté populaire qui contrôle la discussion concernant ce qui semble être le plus pertinent pour telle ou telle instance communautaire existant à telle ou telle échelle. Les communautés plus larges (au sens d’instances de décisions à portée plus large comme la région par rapport à la commune et ainsi de suite) englobant celles du stade inférieur non pour les phagocyter mais pour leur donner les moyens d’exister et de participer dans un monde complexe (par exemple, questions de sécurité nationale, approvisionnements divers, etc.). Sans entrer dans une description de notre futur qui serait utopique, le Socialisme révolutionnaire laisse entrevoir un vaste champ du possible pour faire revivre les collectivités et communautés locales. L’attachement à des cultures enracinées ne sera nullement incompatible avec la participation à cette transformation radicale de la société. Elles trouveront leur place naturellement dans cette nouvelle organisation et permettront une régénération du corps social dans son ensemble. Nous devons préciser qu’une relative centralisation sera toujours nécessaire. Si la relocalisation de l’économie veut être efficace, elle doit être coordonnée au niveau de la France et de l’Europe par une planification intelligente dans le domaine de la production et de la distribution. Cette planification devra viser une recherche d’efficacité, de qualité et de respect des travailleurs et de la Nature. Le Socialisme révolutionnaire se fonde sur l’idée que le bien collectif est au dessus des appétits individuels, que la sortie du Capitalisme se produira, certes, de façon progressive temporellement mais ne peut faire l’économie d’un affrontement frontal avec les forces du capital et d’une rupture radicale avec les fondements du système d’exploitation par une socialisation de la société contre le règne de la valeur.


Dans le fond, dans son dernier livre, A. de Benoist accomplit une véritable descente aux enfers - et c’est son insigne mérite - en s’intéressant aux écrits des nouveaux idéologues (on ne sait s’il faut ici utiliser le masculin!) du genre dont l’intention est d’achever la déconstruction des derniers repères distinguant (masculin/ féminin) que n’a pas encore réussi à éradiquer la Forme Capital (selon la terminologie de l’auteur). Un traité de démonologie contemporaine se doit d’étudier la base humaine à partir de laquelle peuvent être mises à jour les manifestation démoniaques qui s’en nourrissent. Citant Tocqueville, de Benoist évoque les «passions débilitantes» propres aux «siècles démocratiques» dont le schibboleth des droits de l’homme résume toute la portée en fondant la ligne de démarcation en deçà de laquelle tous les moyens sont bons pour moraliser une société dans laquelle les individus déracinés ont droit à livrer leur ego démesuré aux passions hédonistes et au delà de laquelle les récalcitrants sont relégués dans la catégorie des ennemis du genre humain. Dans la première partie du livre, sont étudiés les mécanismes par lesquels

la nouvelle classe dominante entend bien parachever son intention de domestiquer le peuple en normalisant les comportements grâce à une inflation de lois répressives pensées dans l’optique justificatrice du Bien sensé résulter d’un calcul utilitariste de capitalisation optimale de notre existence. Le corps et l’esprit sont perçus sur le modèle de l’entreprise capitaliste que chaque individu doit gérer efficacement (préserver son «capital santé» par exemple!). Le paradoxe veut que tout soit permis pourvu que l’on ne franchisse pas les frontières au sein desquelles se déploie la logique du marché universalisé assaisonné de l’émotivité compassionnelle, substitut d’un authentique lien social. L’Empire du Bien a quelque chose d’orwellien par son désir d’imposer l’uniformité de pensée et de langage rendant impossible toute expression d’une réelle différence comportementale. C’est le triomphe de la Mêmeté dont l’enjeu est dorénavant d’imposer une humanité non genrée, neutralisée sexuellement. Le Capital Absolu a besoin d’une indistinction absolue entre les êtres. Afin de comprendre le processus conduisant à ce cauchemar d’un état final de l’humanité (quasi post-humain) l’auteur remonte aux sources du féminisme dont il apprécie avec justesse la légitimité initiale subvertie par la suite par l’idéologie simplificatrice de la guerre des sexes débouchant sur un délire promouvant aujourd’hui leur négation pure et simple dans un fantasme d’hermaphrodisme généralisé. Le nomadisme sans frontières des particules humaines marchandisées s’incarnerait lors de l’endossement arbitraire de masques désirant, par des personnages sans désir structuré par leur identité sexuelle enracinée. Il s’agirait de nier une généricité naturelle de la sexualité afin d’affirmer sa relativité socioculturelle assumée par des choix individuels préférentiels (hétéro, homo et tutti quanti). On ne voit d’ailleurs pas ce qui pourrait motiver tel ou tel choix si l’on s’abstrait - de façon purement intellectuelle en fait - de tout déterminisme (qui ne saurait, bien entendu, être un absolu). De surcroît, ce féminisme qui n’en est plus un - pourquoi revendiquer quoi que ce soit pour les femmes si elles

n’existent qu’en tant que construction culturelle qu’elles tendraient à nier ? - n’échappe pas à la naturalisation du phénomène social propre à la réification du capital. Refuser toute «essentialisation» de l’humain revient à accepter toute désubstantialisation de celui-ci ; en l’occurrence, on ne saurait mieux acquiescer niaisement à la domination contemporaine du capital, ce dernier apparaissant dès lors, comme étant l’horizon indépassable de l’histoire du genre humain (naturalité du capital!). Un ouvrage précieux, fourmillant d’analyses sur les diverses positions du féminisme contemporain, faisant surgir de façon pertinente les multiples contradictions et incohérences qui l’habitent, tel nous apparaît le plaidoyer d’Alain de Benoist pour une complémentarité qualitative d’êtres humains sexués articulant intelligemment nature et culture.

Le dernier numéro de la revue Krisis passionnera tous ceux qui s’intéressent de près à l’épistémologie - et ils y trouveront de quoi alimenter leur réflexion sur les grandes questions soulevées par les sciences contemporaines - mais également, touchera les lecteurs attentifs à la place de la science dans notre monde, plus particulièrement au pouvoir des technosciences. La science est-elle universelle? Ne constitue-t-elle qu’une approche conventionnaliste du monde? Dans quelle mesure peutelle s’approcher du réel? Autant d’interrogations fondamentales à côté d’approches relevant plus des applications des théories scientifiques et qui donnent lieu à controverse comme le débat sur le nucléaire. Des entretiens avec des auteurs contemporains côtoient des textes essentiels d’auteurs plus anciens comme René Thom ou, plus loin de nous, Henri Poincaré. On lira également avec grand intérêt le texte d’une conférence de Friedrich Georg Jünger sur «Langage et calcul».


Troisième ouvrage pour Alex Porker qui choisit de s’articuler autour du phénomène qualifié par ses soins de l’ «Hyper enfant». A l’ instar de son précédent roman MakeUp Artist, les Demoiselles ont à nouveau pour sujet central la mise en situation de l’ enfance évoluant au sein du théâtre sociétal de la post-modernité. S’ inspirant des présents faits de sociétés liés au consumérisme outrancier ainsi que de leurs impacts civilisationels, l’ histoire se nourrit d’un présent où les lolitas font face aux adulescents, où l’ adultification de plus en plus juvénile ouvre de nouvelles étendues markéting et où l’adulte s’infantilise par des comportements de plus en plus capricieux de jouisseur compulsif. Le roman peut être perçu comme un reflet anticipatoire et cauchemardesque des effets que pourrait engendrer un consumérisme omnipotent sur les distorsions générationnelles. Nous nous situons dans la France des années 20 du nouveau millenium. Les enfants peuvent circuler et vivre de manière totalement indépendante à compter de l’âge de 8 ans. L’hyperprécocité dont ils font preuve leur permet une très grande liberté de mouvement ainsi qu’ une complète autonomie, spécifiquement dans la jeunesse dorée de l’ hyperclasse. La communauté pédophile nettement plus structurée et se faisant désormais appelée (girl lover/ boy lover) milite pour ses droits et la dépénalisation de son statut. L’enfance éternelle semble faire office de nouvelle quête du graal pour une société composée d’ enfants qui n’en sont plus vraiment et d’ adultes qui n’en ont jamais vraiment été. L’ histoire se construit autour d’ un sordide fait d’hiver pour évoluer progressivement vers un terrifiant huitclos hallucinatoire. Le 17 septembre 2025 une équipe de police Parisienne alertée par le voisinage se plaignant de l’ odeur pestilentielle fait irruption dans l’ antre obscur et dantesque d’ un immeuble du XVI° arrondissement. Là, se fera la découverte macabre d’une fillette complètement décharnée et squelettique mais encore vivante. Il s’agit en fait de la petite Ju-

lie Darrieux ayant auparavant disparu lors d’ une visite au musée du Louvre après avoir échappé à la vigilance de ses parents. En explorant les pièces de ce cloaque lugubre aux fenêtres murées, les policiers découvrent les cadavres de 3 autres fillettes ainsi que celui d’un adulte à demi cannibalisé. L’enquête piétinante prendra une autre tournure lorsque l’officier M Jambart sera contacté par Julien De Winter, un agent du service anticyberpédocriminalité de la Brigade de Protection des Mineurs. La piste s’ orientera vers un groupuscule révolutionnaire et pan-juvéniliste développant des thèses politico-sexuelles hors normes. Quelques années plus tard la jeune rescapée Julie Darrieux publiera avec l’ aide d’un journaliste un ouvrage témoin relatant les détails de son calvaire. De sa disparition jusqu’ à l’ appartement emmuré du 5, rue Dickens, nous découvrirons la personnalité de ses geôlières. Un trio de fillettes aussi glamours que sociopathes qui sembleraient sortir tout droit de l’ imagination de Trévors Brown, mené par Cyl une sorte de Maldoror mégalomaniaque en socquettes blanches « C’était un être profondément abstrait et amer et ses grands yeux bleus fanatiques, semblables à des boussoles cassées, ne désignaient plus que les rivages de la mort.» A la croisée d’une version urbaine des démons du maïs et d’un Orange mécanique rose bonbon, les demoiselles drapées d’ une beauté angélique n’ omettent aucun détail quant à la dégradation tant physique que psychique des captifs ; nous faisant délicatement pénétrer dans l’ horreur par un habile glissement, l’auteur réussit à traiter de sujets délicats avec esthétisme et intensité donnant une coloration toxique et une atmosphère plus que particulière au récit. A la lecture de cet ouvrage on pourra s’interroger sur l’ orientation que peuvent nous faire prendre les récentes métamorphoses sociétales engendrées par la mécanique «libérale-libertaire». Après la perspective d’ une abolition de l’ identité psychologique des sexes par la théorie du Gender, après l’annihilation de la biodiversité par le métissage institutionnalisé, on peut aisément imaginer une abolition des frontières tempo

relles de l’âge incarnée par la figure de l’ hyper-enfant. Figure de Peterpan déchu où le narcissisme n’ aurait d’égal que la morbidité. La déstructuration progressive de l’être par le démantèlement de ses diverses composantes intrinsèques et structurelles et ce avec l’ aval et l’approbation du futur bétail uniformisé et dépossédé du «soi» au profit du «je veux avoir», pourrait bien esquisser la silhouette de l’ homme nouveau dans les méandres de cette post-modernité mammonique en gestation . DIAPHANE POLARIS



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