lesRECIDiVISTES N5

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Art, Culture & Société - www.lesrecidivistes.com

N°5 MARS 13


N°5 MARS 13 06 22 32 42 62 74

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Société Dakar à hauteur de rollers Le Milieu DACAR Art Plastique Abdoulaye Diallo En UNE Buzz Lab Art Graphique Paul Sika Texte Dinaw Mengetsu, How to read the Air

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EN UNE: BUZZLAB Studio Photographiés par Jean Baptiste Joire, Idée de Mohamed Sidy Kandji

RECIDiVE PUBLISHING. REDACTEUR EN CHEF Mamadou Diallo. RESPONSABLE DE LA CRÉATION Manden



EDITORIAL

Mamadou Diallo

La vérité des enturbannés. Ce jour-là, les chancelleries du monde libre avaient lancé une alerte à la bombe. D’aucuns, la couardise est humaine, tressaillirent à chacun des cinq appels à la prière. Sur les coups de deux heures, en passant du côté des mamelles, je vis ce que jamais Dakar ne m’avait montré : des hommes sur le rebord de la route alignés, menottés, vivement questionnés et leurs poches visitées par des policiers. Quelques semaines plus tôt, François Hollande s’était décidé à sauver le Mali : le pauvre Mali, occupé et, de force, converti à l’observance stricte des règles coraniques : L’enfer, ou le paradis, selon le parti. Loin étaient les jeunes gens élégants et guillerets qu’avait photographiés Malick Sidibé, à leurs places défilaient des ombres courbées sous le joug des enturbannés. S’en était trop; en selle sur son destrier, François avait dit : « qui m’aime me suive » et notre président, et ses collègues de la sous-région, avaient eu le courage de le suivre. Très vite, François conquière et, bon seigneur, rétrocède à Bamako pour s’en aller plus avant, vers le Nord, défoncer ce qu’il y reste d’enturbannés. Et ceux-ci, jusque-là intrépides, font alors beaucoup moins les malins, décédés ou en fuites qu’ils sont, maintenant que François est là. Comment ne pas penser, alors que Flamby leur fait des misères, à ce que d’autres guerriers d’outre Méditerranée, plus énergiques, Astérix et Obélix par exemple, eurent infligé comme correction aux enturbannés. Pendant ce temps-là, Macky Sall, dans une adresse à la nation sénégalaise, évoqua les enturbannés qui viennent nous visiter pour prêcher leur rigueur ; vilipender notre syncrétisme et nos chefs

religieux, qu’ils tiennent pour incultes de la vraie religion tout comme ils voient dans la démocratie un complot maçonnique (thèse qu’ils ont en partage avec d’autres artefacts prémodernes et fascisant, ceux-là européens). Derrière son pupitre, le Président traita du sujet dit de l’islamisme qu’il présenta comme la menace sérieuse qu’elle est. Je notes, moi, que le projet islamiste, s’il effraie parce qu’il présage d’un futur d’où Pape Thiopet et Viviane Ndour seront absents, n’en est pas moins, pour peu qu’on l’examine froidement et qu’on le mette en rapport avec ce que publiquement nous confessons croire (la validité en tout temps et en tout lieu, universelle, du texte coranique), la conclusion nécessaire à des prémices que la communauté des croyants a en partage. La vérité des enturbannés, qui est celle de l’orthodoxie, a la littéralité des textes de son côté. Heureusement pour le showbizz et la duplicité, au Sénégal, on a beau confesser son orthodoxie, on ne va pas la vivre pour autant… sauf si, bien sûr, elle nous permet de prendre une quatrième épouse. Conservateurs, sur le plan des convictions, cela arrive qu’on le soit, quoi qu’assez rarement, dans l’ordre du discours on l’est toujours et dans l’agir, seulement quand cela nous arrange. Les faux dévots sont légion, notamment chez les politiciens, quant aux sceptiques, les seuls bien souvent qui ont des arguments, leur tord est de se taire. La dernière voix progressiste qui ait eu le courage de sa subversion, celle d’Ousmane Sembene, s’est éteinte, quelque peu fatigué il est vraie, mais cohérente jusqu’au bout, il y a plus d’une décennie. Il en faudrait d’autres, parce que si François peut nous débarrasser des enturbannés, du règne de leur vérité, il ne saurait nous sauver. \\



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Photographie Jean Baptiste Joire


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EASY ROLLER

Dakar à hauteur de rollers Pendant qu’on se traînent dans les bouchons, en car soit disant rapides, il arrive qu’émergent, graciles et vives, des silhouettes juchés sur des rollers. On a à peine le temps de les contempler qu’elles disparaissent, cependant qu’on continue soi-même à se traîner, en car soit disant rapide.

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On s’est demandé qui ils sont, ces jeunes gens qui, sur leurs patins à roulette, se permettent d’aller vite, d’avoir la classe, alors que le grand nombre, bien que motorisé, impuissant, attend que la file de voitures veuillent bien avancer d’un cran ? L’on a retrouvés quelques-uns d’entre eux, aux abords de l’immense bâtisse blanche posée en bordure de l’autoroute pour abriter un centre commercial. Ils arrivaient seuls, les uns après les autres, s’engouffraient dans une salle comme creusé au flanc de la bâtisse. Sur les lieux, pour toile de fonds sonore, l’une de ces rythmiques débridées sur lesquelles des jamaïcains fantasques scandent des textes le plus souvent vulgaires, mais imagés et entraînant. Plusieurs fois dans la semaine, au crépuscule, après une journée de travail ou de cours, ils se retrouvent là. Certains arrivent juchés sur leurs patins à roulettes; d’autres les enfiles une fois sur place. Parmi eux, on trouve aussi bien un jeune coiffeur, un rappeur, une lycéenne, un champion et une championne du Sénégal, qu’un médecin, tous venu slalomer au rythme du dancehall, prendre à vive

allure une rampe et, quelques instants, s’envoler. La présence de filles, alors qu’on s’étonne encore, au Sénégal, de voir des femmes sur un vélo, est une surprise plaisante. Amadou Korka Diallo, 21 ans, a, vissé sur la tête, une casquette à l’envers et, sur le torse, un T-shirt dont l’inscription indique: ”ZERO PEUR”. Au premier abord, l’on se dit, “tiens, encore un fanfaron” et puis on apprend que face à nous se dresse le champion du Sénégal, on ne révise pas son jugement mais on le complète par: “qui a des titres à fanfaronner.” Amadou est originaire de Thiaroye, a découvert les rollers au début des années 2000, par le biais d’un camarade qui lui prêtait sa paire. Depuis, rouler sur l’asphalte, parcourir des km en roller, est devenu pour lui une seconde nature. Dès lors qu’il ne travaille pas dans son salon de coiffure, il enfourche ses patins et ses soucis ne lui pèsent plus. Aujourd’hui, il fait partie des moniteurs de l’association Accro Roller, fait du street marketing à l’occasion et espère pouvoir se frotter à des compétiteurs sur la scène internationale. \\


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A l’occasion de la journée mondiale de la femme, les Pikinois d’Africulturban, dépositaires et promoteurs à la fois érudits et dévoués de la culture Hip Hop, ont organisé un débat qui posait la question de la place des femmes dans le Hip Hop. Ont donc été rassemblés, pour traiter du sujet, Mme Diop, Professionnelle de la Santé, Fatou Kande Senghor, cinéaste, Soda Thiam et Bigué Bopp, toutes deux journalistes, la première à radio oxygène et la seconde à l’Enquête.

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PHOTO, JOIRE JEAN BAPTISTE

Des femmes dans le Hip Hop

Les femmes sénégalaises, Objets plutôt que sujets hip-hop

Positive Black Soul, Pee Froiss, Daara J, Wa BMG, Bat’haillons BlinD... On a beau égrener les noms de ceux qui ont fait l’histoire du rap au Sénégal, fredonner les quelques tubes qui l’ont ponctué ces 20 dernières années, on ne rencontre pas une seule personnalité ni voix féminine. Par contre, il est beaucoup question de femmes dans le rap au Sénégal, surtout comme objets du discours des rappeurs. Discours assez souvent péjoratifs, sauf quand il est ques-

tion des mères. Songeons ici, par exemple, au morceau Fifi, qui évoquait une jeune fille aux mœurs « légères » et qui eut un succès notable au début des années 2000. Morceau amusant et grivois, mais dont on ne peut s’empêcher de penser que loin d’être dans la subversion il ne fait que reproduire un discours moralisateur et accusateur de la femme, bien souvent prise pour seule responsable « de l’affaissement des valeurs morales » que nos médias ne cessent de diagnostiquer. Quelques noms émergent quand on creuse un peu, mais le fait est qu’aucune


voix féminine, qui a un propos, comme fou malade a un propos, ne s’est faite véritablement entendre en usant du médium qu’est le rap. Nombreuses dans la danse hip-hop, beaucoup moins dans le graffiti et le Deejaying ou on les comptes sur les doigts d’une main, c’est surtout la très faible visibilité des femmes sur la scène rap nationale qui pose question.

Les femmes peuvent-elles parler ?

Notons d’abord que partout où la culture hip-hop est vivante, partout où le rap est une musique populaire, les femmes MC ont moins de renom que leurs

homologues masculins. Pour une Missy Elliot, combien de Nas, de Common, de Kanye et de Gucci Mane ? Laissons hors de cette discussion Foxy Brown, Lil Kim et Nicky Minaj, leur descendante, qui toutes n’ont pas de propos autre que leur plastique. En France, l’on compte Casey, rappeuse qui a de choses à dire et peut-être Keny Arkana. Cette faible présence des femmes dans le rap, ici au Sénégal, pose question parce que, ces dernières années, cette musique a joué un rôle majeur et pas seulement comme musique. Le rap a été le véhicule dans lequel une jeunesse avide de dire s’est embarquée. Le rap, par lesRĒCIDiVISTES.com


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qu’elle affilie à la culture Hip Hop et dans le graffiti, Zeinix. Pour Fatou Kande Senghor, qui suit le mouvement hip-hop sénégalais depuis ses prémices « le milieu n’a pas de femmes ; elles n’ont pas de productions fortes ou même intéressantes. » Ce qui fonde cet état de fait est à rechercher dans la société sénégalaise dans laquelle « la fille, élevée à prendre une place bien définie dans la société, ne développe pas les facultés, le tempérament nécessaire à cette culture. » La question de fond finalement, derrière celle du rap ou même du Hip Hop, est celle de la prise de parole publique et de l’expression, par les femmes sénégalaises, de propos qui leurs sont propres et qui ne consistent pas en la répétition de ceux de leurs grands-mères. Les femmes sénégalaises s’expriment depuis longtemps déjà et plutôt librement en littérature, manière de dire pour l’heure encore élitiste dans sa production et sa diffusion, qui ne concerne donc qu’une minorité et la subversion en cercle restreint cela n’en est pas vraiment. À quand l’avènement d’une rappeuse qui, comme ses homologues rappeurs, serait libre de ton, prononcerait, avec un flow impressionnant et sur la base de son vécu de femme, une parole à même de scandaliser les nombreux réacs de la place ? \\

PHOTO, JOIRE JEAN BAPTISTE

son accessibilité, a été comme une scène dressée et ouverte à tous ceux qui voulaient bien consentir aux efforts nécessaires pour y accéder. Des dizaines de jeunes Sénégalais ont, durant les années 90 et cela continue aujourd’hui, dit par ce biais et de manière frontale ce que leur société, qui a tout de même produit les concepts de Masla et de soutoura, n’avait pas l’habitude d’entendre. Un boulevard s’est ouvert ; aux formes de critiques policées et élitistes des lettrés et intellectuels qui seules avaient courts, ce sont ajoutées celles retentissantes et surtout d’origine populaire des rappeurs. Le rap a donc porté sur la place publique des discours qui ne trouvait pas auparavant de médium pour y parvenir. Il aura cependant laissé inouïe la parole féminine. Bigue Bopp, journaliste qui dans la presse nationale a fini, à force d’écrire sur les acteurs du mouvement hip-hop, d’être identifiée comme La journaliste du rap, ne cite que « 2 seules femmes, Sista Fa et Queen Bizz. » Qu’il suffit d’écouter un peu pour voir qu’elles ne proposent pas grand-chose en termes de flows, de punchlines et que les instrumentaux sur lesquelles elles posent leurs voix n’ont pas grand-chose avoir avec le Hip Hop. D’ailleurs, pour Bigué Bop, dans le rap, aucune femme « n’émerge vraiment du lot. » Dans des disciplines comme la mode, elle cite Selly Raby Kane,


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LE MILIEU 22


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LE MILIEU

CULTURE

Oumar NDao

Le DACAR: un projet global de développement culturel .

Une vie culturelle foisonnante, dynamique et inclusive n’est pas source que de divertissements, de mondanités et de cocktails où se bousculent les notables. Des acteurs culturels entreprenants sont en mesure de valoriser le patrimoine bâti, d’insuffler à celui-ci une nouvelle vie et de créer en son sein des espaces de vies qui soient communs ; des artistes talentueux, par leurs œuvres, fournissent des expériences collectives, participent à la constitution d’un sentiment d’appartenance à la ville qui est à la fois bénéfique au climat social, à la qualité du débat publique tout comme il est source de dynamisme urbain. La mairie de Dakar, celle d’une grande ville, a le souci du dynamisme culturel de son territoire et ce souci s’incarne dans l’ambitieux projet du DACAR.

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Dans l’Édito de la 4e RÉCIDIVE, nous évoquions, par souci de transparence, l’appui de la mairie de Dakar dont les récidivistes ont bénéficié. Plus encore que la subvention, que nous l’ayons obtenue sur la seule base du projet soumis nous a agréablement surpris, remettant en cause la perception, finalement caricaturale, que nous avions de nos institutions. Il nous a semblé alors qu’il nous fallait communiquer autour des actions culturelles de la commune pour que d’autres initiatives, d’autres projets, puissent à leur tour en bénéficier. En nous rapprochant de la DCT (Direction de la Culture et du Tourisme), nous avons découvert l’ampleur significative des efforts consentis par la municipalité et surtout, nous avons pris connaissance du DACAR, un projet enthousiasmant qui mériterait d’être soutenu par l’ensemble des dakarois. Les pages qui suivent, l’entretien et les encarts qui les constituent s’adressent tout particulièrement aux porteurs de projets culturels dakarois. Ceux-ci, pourvus de compétences, d’idées et d’énergies ne sont pas dans la seule position d’être appuyés, assistés, ils peuvent aussi contribuer aux efforts

culturels de la mairie. Les autorités ne sont pas toutes puissantes, leurs moyens sont limités et la participation des acteurs privés à la réalisation de projets d’intérêt général peut déterminer l’avènement ou non de ceux-ci. Oumar Ndao, Professeur de Littérature comparée, homme de théâtre et auteur notamment du beau livre, Dakar L’ineffable, édité par les éditions Vives Voix, est en charge de la politique culturelle de la ville. Il nous a reçus pour parler de son action, ses ambitions pour sa ville et, plus spécifiquement, du DACAR(voir encadré) Bonjour M Ndao, vous pilotez le DACAR, un projet culturel pour notre ville. Quelle est sa genèse ? Disons que ce projet a eu plusieurs vies, plusieurs moutures, plusieurs formes. D’abord, j’ai eu le plaisir de diriger, pendant quelques années, un syndicat national des acteurs culturels. De cette position me parvenaient énormément d’informations et de plaintes qui m’ont permis de cerner les attentes du secteur. Ensuite, j’étais moi-même acteur culturel, souvent impliqué dans la mise en scène de spectacles en son et


lumière, position qui m’amenait à côtoyer des techniciens, des comédiens, des chanteurs, des danseurs et plusieurs autres corps de métier. De là aussi, j’entendais les clameurs. Enfin, une demande précise, une sorte de commande, à l’approche des élections, m’avait été adressée par M le Maire (Khalifa Sall) qui voulait, pour chaque domaine de compé-

tence, disposer d’une feuille de route. C’est l’ensemble de ses documents qu’il a mis en discussion avec les populations. Quand il a été élu maire par le conseil municipal, il m’a demandé de venir appliquer ce plan culturel que je lui avais soumis. Voilà un peu l’odyssée, la trajectoire de ce document. Quand on parcourt le projet du DACAR, l’on est frappé

par les nombreuses références à la politique culturelle de Senghor. Êtes-vous un nostalgique de la politique culturelle du poète-président ? Nous avons la chance, dans ce pays, de n’avoir pas à réinventer les choses. Elles on été dites, installées et malheureusement détruites. Il faudrait peut-être rééditer ce qui jadis lesRĒCIDiVISTES.com


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Nous avons la chance, dans ce pays, de n’avoir pas à réinventer les choses. Elles on été dites, installées et malheureusement détruites.

a marché. Pour sortir un peu du domaine de la culture, cette direction (la DCT) était primitivement celle de l’éducation et de la culture. Au titre de l’éducation, nous avons mené des projets comme le lait à l’école, la santé à l’école, les jardins potagers à l’école, les fournitures, les uniformes, les bourses scolaires, etc. Nous ne cherchions pas, en faisant cela, à faire l’école nouvelle, mais bien l’école à l’ancienne que ceux de ma génération ont connue. Dans le domaine de la culture, effectivement, il y a eu cette poussée impressionnante que le président Senghor a donnée à ce pays. En développant la culture, il développait l’attractivité du pays, celui-ci devenait charmant et aimé et intéressant sur le plan touristique. Dans la vision du chef de l’état de l’époque, qui disait tourisme disait hôtellerie et dès lors que l’on songe à l’hôtellerie, on pense aussi à la restauration qui elle développe le maraichage dans la zone des Niayes. Le petit commerce, l’artisanat, le transport sont aussi stimulés par ce biais. Il avait eu cette intelligence de faire de la culture une locomotive. Alors oui, nous n’avions 26

pas atteint à l’époque des seuils de développement fulgurant, mais le pays se portait beaucoup mieux. Donc, refaire ce que le président Senghor avait fait, oui, mais en ayant aussi l’intuition de la bonne direction. Qu’entendez-vous par bonne direction ? J’ai personnellement commis un article où je comparais ce que, terme à terme, le président Wade avait emprunté au Président Senghor. Senghor a fait l’obélisque, Wade le monument de la Renaissance africaine. Senghor a fait l’hymne du Sénégal, Wade l’hymne à l’Afrique. Senghor a fait le festival mondial des Arts Nègre, Wade l’a réédité. Senghor a fait un aménagement de la corniche, Wade a fait un aménagement de la corniche et puis Senghor a fait Sorano, Wade, le Grand Théâtre. Mais le résultat n’est pas bon, parce que, justement il [Wade] n’a pas eu l’intelligence de la situation. Aucun des programmes de Senghor n’était dû au hasard ni à la gloriole personnelle. Le festival mondial des arts nègres, lorsqu’il a été déclaré, par le congrès des écrivains noirs, en 1959,

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comme objectif, a tout de suite été mis en perspective. Ont été pris en charge les infrastructures et les hommes. C’est dans cette perspective que Sorano, de même que le musée dynamique, ont été édifiés.Les hommes eux ont été formés à travers l’école nationale des Arts. Ce que nous avons voulu faire pour le DACAR s’inscrit dans le même esprit: placer la culture comme une des locomotives du développement, parce qu’elle génère des emplois, des revenus et une belle énergie dans une ville. Si nous arrivons à implanter ce projet, nous espérons, par cette énergie, favoriser l’attractivité de Dakar et ainsi développer le tourisme. Alors, oui, absolument oui, refaire ce que Senghor avait fait, mais dans des contextes qui ont évidemment changé. Le contexte économique n’est plus le même, l’État n’a plus les mêmes moyens, la désenghorisation a trop avancé dans ce pays pour que l’on puisse revenir à ce qui avait été fait à l’époque. Le DACAR est un projet ambitieux dont la réalisation implique l’édification et


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La "désenghorisation" a trop avancé dans ce pays pour que l’on puisse revenir à ce qui avait été fait à l'époque.

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l’équipement de plusieurs infrastructures dans Dakar. Comment comptez-vous le financer ? Déjà, nous avons lancé le fonds d’appui aux initiatives culturelles. Son fonctionnement est confié à un jury privé, indépendant, qui reçoit les demandes et délibère, sélectionne et oriente la proclamation publique. L’ensemble de ces jurys se réunit en public, à l’hôtel de ville, pour proclamer les résultats avec les montants affectés à chaque projet. La transparence est un aspect essentiel de cette initiative. Ce fonds d’appui, qui s’élève à 150 000 000 FCFA, est intégralement financé par la mairie de Dakar. Pour la formation, nous ne l’avons pas encore démarrée, mais nous avons financé des programmes de formation privés, qui étaient portés au fond d’appui, ont été examinés et retenus. Nous faisons donc par ce biais de la formation. Reste le gros noeud des infrastructures. Sous le magistère du Maire Mamadou Diop, de 1992 à 2003, 17 centres ont été érigés. Le projet est de les reprendre en main. Aujourd’hui, ce sont des lieux de nuisance sonore, le social y a largement pris le pas sur le culturel et nous entendons les requalifier en pôles de développement

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culturels spécialisés. 5 pôles, 5 disciplines réparties dans les centres (voir encadré). Pour l’information, cette année 2013, nous allons débuter les travaux. Depuis trois ans que nous en parlons, il était temps que nous démariions quelque chose.

Qu’est-ce qui explique que les travaux ne débutent que maintenant, alors que le projet est défini depuis plusieurs années et que l’équipe qui le porte est en fonction depuis 2009 ? Nous avons eu énormément de difficultés. Beaucoup ne le savent pas, mais les fonds financiers des collectivités locales ne sont pas directement gérés par les collectivités elles-mêmes, mais par le receveur percepteur municipal qui dépend du ministère des Finances et qui convoie les fonds vers le guichet unique. Il a fallu naviguer entre ces difficultés, rehaussées par le contexte politique qui faisait de la mairie de Dakar une mairie d’opposition. Quelles sont les infrastructures dont la construction débutera en 2013 ? Comme projets pilotes, nous expérimentons un pôle majeur et un pôle mineur. Le Cinéma, pôle majeur, va voir le jour sur

le site de l’ex cinéma El Mansour. Le pôle mineur, ce sera celui des arts plastiques dans la cour de l’école Malick Sy. Ce projet mineur arts plastiques sera sur deux niveaux. L’appel d’offres a été lancé, le marché a été remporté donc les travaux vont commencer dans les mois qui suivent. C’est sur un financement exclusif de la ville de Dakar. Pour le Cinéma El Mansour(qui sera nommé Ousmane Sembène) qui est sur 4 niveaux, plusieurs schémas et modalités sont envisagés pour un partenariat public/privé. L’un des principaux volets du DACAR, l’un des plus ambitieux aussi, porte sur la formation. Pourquoi la mairie de Dakar s’est-elle saisie de la question de la formation des acteurs culturels ? On a remarqué qu’au Sénégal il n’existe qu’une seule école de formation aux arts. Celle-ci, au vu de la demande, forme très peu de monde. Et puis il s’agit d’une formation qui réclame un diplôme scolaire, or, le champ culturel est animé par des personnes qui n’ont pas fait beaucoup d’études. C’est une aberration du système colonial. On nous dit francophones alors que nous sommes 20 à 25 % de locuteurs francophones et nous excluons 75 % de la population des projets de


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L’actuelle mairie place son mandat sous le signe de la transparence, mais surtout de la participation. formation et autres opportunités d’accomplissement des potentialités humaines. Les écoles de formation du DACAR auront la particularité de ne pas requérir de leurs apprenants qu’ils soient titulaires d’un diplôme à l’entrée. Il sera par compte requis un minimum d’expérience dans le domaine d’apprentissage. L’idée est d’accueillir un personnel issu des cultures populaires afin de le doter de capacités techniques pour relever le plateau. Parce que, quoi qu’on en dise, au Sénégal, nous avons régressé sur le plan des capacités artistiques. Quand on va dans les grands rendez-vous internationaux, le Sénégal est souvent absent. Au regard des capacités, du potentiel qui existe dans ce pays, c’est malheureux que l’on ne soit pas en mesure de citer des centaines d’artistes qui aient une stature internationale. Ce que l’on voit, à la télévision notamment, en danse, en théâtre, ce n’est pas de la qualité, ce n’est pas professionnel. Quand pensez-vous que Dakar sera doté de l’ensemble des promesses que compte le DACAR ? Je suis un optimiste de nature, mais surtout je suis un réaliste. Je vous ai dit que le

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Maire Mamadou Diop, pour construire 19 centres sociaux culturels, il lui a fallut trouver le foncier, le financement pour ériger, équiper les infrastructures et recruter les agents. En 11 ans, il a pu en construire 20. Aujourd’hui, le personnel existe, nous n’aurons pas besoin de trouver du foncier, il nous suffira de requalifier les centres existants. Par exemple, sur le Centre de Sacré Coeur, nous n’aurons pas besoin de détruire, mais d’aménager légèrement et de construire une salle. Sur ce même centre, nous avançons avec des acteurs des cultures urbaines pour qu’il soit spécialisé dans tout ce qui relève des cultures urbaines. C’est là une illustration de ce que nous entendons par partenariats publics/privés. N’y a t’il pas un défaut de communication autour des projets culturels de la Mairie de Dakar ? Il faut reconnaître que c’est un de nos plus gros problèmes et nous en sommes conscients. La première raison c’est que très souvent nous tardons à mettre en place les budgets. L’on sécurise en priorité la programmation. L’an dernier, par exemple, nous avons fait venir les tambours du Burundi. Au bout du compte, nous ne faisons pas plus de trois jours de

communication. La deuxième difficulté, c’est que notre parti pris est de ne communiquer que sur les choses existantes et tangibles. Un projet aussi ambitieux que le DACAR, même s’il n’est pour l’heure qu’un projet, ne bénéficierait-il pas d’une plus large adhésion des dakarois et donc d’une communication plus ample à son sujet ? Je vous rappelle que ce projet a été mis en discussion avec les acteurs culturels et que l’actuelle mairie place son mandat sous le signe de la transparence, mais surtout de la participation. Les acteurs culturels ont été invités à débattre de ce projet. Nous comptions sur une vingtaine de participants, finalement, une centaine de personnes ont pris part aux discussions. Ce document a été exposé, amendé et validé avant que nous n’entamions sa mise en oeuvre. Il y’a donc cette politique d’association des populations à l’accomplissement des projets, mais je dois reconnaître que ce n’est pas encore suffisamment fait. C’est une lacune que nous devons combler. \\

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Le DACAR

Développement animation culturel et artistique de DaKar Le DACAR consiste en l’implantation, dans Dakar, de 5 pôles répartis sur le territoire communal (voir la carte du Maillage Culturel du Territoire Communal de Dakar), chacun dévolu à une discipline artistique (la danse, le théâtre, le cinéma, la musique, les arts plastiques). A chacune de ces disciplines correspond un pôle majeur et trois pôles mineurs, de sortes qu’une zone de Dakar abritera à la fois un pôle majeur et plusieurs pôles mineurs dans d’autres disciplines. Ainsi, la zone Ngor, Yoff, Ouakam sera le siège du pôle majeur Danse, d’un pôle mineur Musique à Ouakam,d’un pôle mineur Théâtre à Yoff, et d’un pôle mineur Cinéma à Ngor.

Qu’est-ce qu’un pôle ? Chaque pôle, qu’il soit majeur ou mineur, est investi d’une discipline et consiste à la fois en une infrastructure et des ressources humaines. Son rôle est de former des artistes, des techniciens, de produire des œuvres, d’abriter la diffusion et d’accueillir le public dakarois pour qu’il puisse en jouir. Chacun des pôles accueillera tous les ans des apprenants et l’ensemble

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de la communauté pédagogique sera soumise à des obligations de création et de diffusion dans la commune.

Le 13eme Penc Le 13eme Penc sera comme la clé de voute de l’ensemble infrastructurel du DACAR. Complexe multifonctionnel, pourvu d’un théâtre, d’une salle de cinéma multiplex, de boutiques des arts, d’un écomusée (voir encadré), il abritera le RIBIDION annuel, participera au rayonnement des talents dakarois et offrira à la communauté artistique un lieu de rencontre et d’échange entretenu par la municipalité. Le coût global du projet, qu’il s’agisse de l’édification des infrastructures comme des formations, a été évalué à 12 378 033 820 FCFA, ce qui, si l’on songe que le budget prévisionnel de la mairie, en 2012, s’est élevé à 53Milliards, semble être dans les moyens de la collectivité dakaroise. Tout autant que les finances, l’intérêt des administrés, leur suivi du projet et l’implication des acteurs culturels pourrait jouer un rôle moteur dans la réalisation de cette vision pour Dakar. \\

Quelques projets culturels que la Mairie de Dakar appuie La Mairie de Dakar, plutôt que de se substituer aux acteurs privés, s’associe à eux et appuie leurs initiatives, dans la mesure de ses moyens et dès lors que ceux-ci ont fait la preuve de leur utilité sociale et culturelle. CI-DESSOUS, une liste non exhaustive des projets appuyés par la municipalité. L’écomusée Il s’agit d’un musée ethnologique, fruit d’une initiative de l’EMAD(entente des mouvements associatifs pour le développement) qui donnera à voir le patrimoine culturel des lébou (habitants historiques de la presqu’île du Cap Vert) à travers de la vidéo, du son, des objets et des reconstitutions architecturales. Mobiciné www.mobicine.org Le Cinéma populaire avait disparu de Dakar, depuis que les nombreuses salles de quartier, autrefois propriétés de l’État sont passés, dans les années 90 et sous l’impulsion des politiques d’ajustement structurelles, aux mains de privées pour finalement tomber en déshérence. Mobiciné y remédie un peu, en apportant le cinéma « au cœur des quartiers populaires et des écoles. » Les nuits spirituelles de Dakar (anciennement nuits du Zikr) Anciennement les nuits du Zikr, concerts de chants religieux musulmans, elles sont aujourd’hui devenues, sous l’impulsion de la mairie, les nuits spirituelles de Dakar et donnent aussi à entendre des chants religieux chrétiens. Lire en Afrique http://www.lireenafrique.org L’association, depuis 20 ans, travaille à rendre accessibles aux élèves et plus largement aux Sénégalais, les livres. Elle a mis en place 50 bibliothèques et fourni plus de 250 000 livres à un rythme de 15 000 à 35 000 ouvrages par an. Dans la Ville de Dakar, on lui doit deux bibliothèques, l’une située au point E et l’autre à Ouakam.


Maillage culturel prévu du territoire communal de dakar PÔLE DANSE *Ngor : Majeur Danse *Yoff : mineur Théâtre *Ouakam : mineur Musique *Site à créer : mineur Cinéma ÎLE

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PÔLE MUSIQUE *P. Assainies : Majeur Musique *Grand Yoff : mineur Cinéma *Patte d’oie : mineur Danse *Cambéréne : mineur Arts Plastiques

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PÔLE ART PLASTIQUE *Grand Dakar : Majeur Cinéma * HLM : mineur Arts Plastiques *Fann Point-E : mineur Théâtre *Biscuitérie : mineur Cinéma

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EINES

PÔLE ART PLASTIQUE *Plateau : Majeur Arts Plastiques *Gorée : mineur Danse *Fass Col.G-T : mineur Cinéma *Medina : mineur Théâtre

Configuration des C O Npôles FIG U R ATIO N D ES P O LES M USIQUE

THEATRE

1 salle de spectacle de 1.000 places

1 salle de spectacle de 100 à 500 personnes

1 théâtre verdure

1studio d’enregistrement

1

grande

salle

de

1 salle

2studios d’enregistrement 3 salles de cours 1 salle de conférence de 300 places 1 restaurant

1

CINEM A salles modulables

1 studio d’enregistrement 4 salles de cours

1 salle de conférence de 300 places

1 théâtre de verdure 1 salle conférence de 300 places

1 restaurant 1 médiathèque 1 salle de maintenance

1 bibliothèque

1 cafétéria

50 chambres 1 magasin

1 cafétéria

1 restaurant

1 magasin

1 cafétéria

1 audio instruments/support

1 espace atelier costumes et décors

1 espace atelier :

chambres

:

2 studios montage

4 salles de cours avec plancher/cage de scène

1 médiathèque

DANSE

2 magasins

ARTS PLASTIQUES

1salle de spectacles

2salles 4 salles de cours

1 théâtre de verdure

1 salle de rencontre de 200 places

1 salle

1 restaurant

1 studio d’enregistrement

1 chambres

4 salles de cours

1 salle de conférence de 300 places 1 restaurant

de

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Fournis par la Direction de la culture et du tourisme

1 médiathèque 1 magasin approvisionnement

1 médiathèque

1 cafétéria 2 magasins

chambres

:

1 espace atelier costumes et décors chambres

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ART PLASTIQUE 32


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ART PLASTIQUE

PEINTURE

Abdoulaye Diallo

Le peintre sur l’île Sur l’une des plages de l’île de Ngor, quelque peu cachée à la vue par des palmiers, se dresse une maison couleur d’ocre rouge, de toute part ouverte à la lumière et, depuis un an, devenue l’atelier d’un peintre qui s’y est découvert. Ici, au large, Abdoulaye Diallo, qui sur le continent est ingénieur en télécom, s’est astreint à une autre vie, celle de peintre

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C’est ainsi, un peu comme un jeu, qu’Abdoulaye Diallo peint sa première...

L’atelier insulaire et éphémère du Maître Kré Mbaye

Depuis le début des années 2000, se tient sur l’île de Ngor une rencontre artistique pluridisciplaire : le festival Jokko. Abdoulaye Diallo, soixante ans, est l’un de ceux qui ont été à l’initiative de cette rencontre. Lors de son avant dernière édition, sa maison accueillait le peintre Kre Mbaye, reconnu comme l’un des plus grands peintres sénégalais de sa génération. Ce qui ne l’empêche pas pour autant, quand ses élèves l’appellent Maître, de leur répondre « Kilomètre. Il faut aller plus loin !! » Installé à la Medina, « grand Kre », comme l’appel Abdoulaye Diallo, a notamment peint une série de portraits, dans un style qui lui est propre, de femmes en foulards et inspirées d’une griotte aux toilettes recherchées. Dans ses pans les plus abstraits, l’œuvre de Kre Mbaye s’inspire notamment de la cosmogonie Dogon. Cette œuvre un temps valorisée par le marché de l’art, a pâti, sur le seul plan marchand, de la grande productivité du peintre de la Medina et l’habitude qu’il a prise de céder, pour presque rien, ses toiles. Kre, cet artiste renommé et atypique, une après-midi, « était là, assis devant la porte de la maison et on lui avait donné trois ou quatre toiles. Il avait ses couleurs, son petit matériel et il peignait. » Abdoulaye Diallo le regardait faire. Le maître était tout à son ouvrage et ne s’en

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détournait que pour demander à ce que des couleurs lui soient apportées. Il vint alors à l’hôte de l’artiste, qui sur l’île a tout du notable, l’envie d’entamer, lui aussi, une toile en imitant le maître. C’est ainsi, un peu comme un jeu, qu’Abdoulaye Diallo peint sa première toile après avoir, des années durant, fréquenté des artistes et vue de nombreuses expositions.

L’Art, les livres et la politique

En 1970, le jeune Abdoulaye s’apprête à aller poursuivre ses études en France. Ses ressources financières, contrairement à celles intellectuelles, sont limitées, et c’est donc du port et sur un bateau qu’il s’en ira. Ousmane Sow, qui deviendra le sculpteur mondialement connu, est celui qui viendra le chercher chez lui pour le faire embarquer sur un navire à destination de Marseille. Quelques années plus tard, diplômé d’une école d’ingénieur parisienne, cadre dans les télécoms, il voyage beaucoup et la presse sénégalaise qui alors avait une pratique curieuse, pour ne pas dire ridicule, tenait une rubrique intitulée, « ils sont partis, ils sont revenus ». De régulièrement figurer là, valut à Abdoulaye Diallo d’être invité, un peu comme aux mondanités que sont aussi les vernissages, à voir le travail des artistes qui exposaient à Dakar. Cette fréquentation soutenue des vernissages, la confrontation avec les œuvres qu’elle suscita, finit lesRĒCIDiVISTES.com


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Avec Me Babacar Niang, nous passions de longues heures en lecture et écriture : c’est ce qui a fait ma formation.

par nourrir chez l’ingénieur un intérêt et un goût pour l’art. La première fois que nous l’avons rencontré, assis sur la terrasse de sa maison, l’homme, au fil de la conversation, nous a marqués par l’éclectisme, mais aussi l’ampleur de sa culture, qui porte ses discussions tantôt vers la poésie de Senghor, des versets coraniques ou encore la philosophie de Pascal. Sa maison, retraite idéale de l’honnête homme — au sens que le XVIIe siècle donnait à l’expression — est aussi une bibliothèque où partout des étagères croulent sous le poids des ouvrages. S’y côtoient des essais politiques, des livres d’histoire, d’art ou encore de science. Ainsi, en la parcourant brièvement, sommes-nous tombés sur l’ouvrage classique et polémique de Martin Bernal, Black Athena, mais aussi la thèse de Mamadou Diouf, sur le Kajoor au XIXe siècle. Une bibliothèque d’érudite et militante. Un personnage joua un rôle important dans la vie d’Abdoulaye Diallo, Me Babacar Niang, avocat et homme politique dont les combats se sont confondus avec ceux de deux partis qui, dans l’histoire du Sénégal, ante et post indépendance, ont incarnés la contestation radicale du statu quo: le PAI et le RND. Dans les dernières années de sa vie, cet ancien membre de la feanf (Féderation des étudiants africains en France) avait perdu la vue et son beau-fils, Abdoulaye Diallo, devint ses yeux et sa plume. « Avec Me 40

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Babacar Niang, nous passions de longues heures en lecture et écriture: c’est ce qui a fait ma formation. » De ce compagnonnage est née la première publication d’Abdoulaye Diallo, un hommage à Babacar Niang, mais aussi une série de textes formant une chronique raisonnée de l’histoire politique du Sénégal. Au seuil du troisième âge, Abdoulaye Diallo se lance un défi, celui de devenir peintre et de réaliser, pour ses soixante ans, autant de toiles. Il s’arrange alors pour avoir du temps libre, délègue des responsabilités professionnelles et se consacre à la peinture. Tôt le matin, il embarque dans l’une des pirogues qui relient Dakar à l’île de Ngor, la ville à son atelier où il passe désormais l’essentiel de son temps. Il prépare ses toiles, se familiarise, peu à peu, avec l’univers matériel du peintre et se livre à de longs tête-à-tête avec son œuvre en gestation. Se dresse, face à la toile nue, une personnalité déjà façonnée par de multiples expériences, des lieux et des êtres et pourtant, c’est un dialogue qui se noue et l’œuvre est, au final, le résultat de l’action réciproque du peintre sur la toile et de celle-ci sur lui. Au terme d’une année de travail, la maison n’est plus seulement le siège d’une bibliothèque, mais aussi d’une galerie dont les murs portent l’empreinte picturale d’un peintre qui y est né à son art. \\


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A LA BISCUITERIE MéDINA


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BUZZLAB 44

Photographie Jean Baptiste Joire


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EN

UNE Buzzlab

en marge du showbizz, numéro 1 dans la street Depuis bientôt deux ans, un groupe de « twenty something », en marge et dans son studio retranché, produit certainement quelques-uns des morceaux hip-hop les plus écoutés au Sénégal. Il suffit, pour s’en convaincre, de parcourir la région de Dakar et même le Sénégal, de prêter l’oreille à ce qui çà et là résonne, d’interroger les jeunes, de 18 à 25 ans, sur la musique qu’ils emportent dans leurs baladeurs. Derrière ce succès, vraiment retentissant et qui se traduit par un vaste public, on ne trouve ni mécènes, ni tapage médiatique, mais seulement la détermination, l’envie et le talent d’une bande de jeunes fédérés autour d’un rêve commun.

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MUSIQUE

Le temps des baggys Phat Pharm

Buzzlab est surtout connu pour être le label de Canabasse, Abdou Basse Dia dans le civil, un grand garçon taciturne, fasciné depuis ses années de lycée par la culture américaine. À l’époque, c’était au tout début des années 2000, dans le très select cours Sainte Marie de Hann, le classeur de l’élève Abdou comportait autant de textes de rap américain que de cours. Le début des années 2000 correspond, à l’échelle du monde, à un âge d’or pour la musique HIP-HOP. Dakar, la Pointe la plus à l’ouest du continent africain est alors traversée par les flux culturels venus d’outre-Atlantique et plus particulièrement par la musique afro-américaine d’alors. Comme le monde entier finalement, la spécificité dakaroise tient surtout à la grande réceptivité de sa jeunesse à cette musique. Tupac et Biggie Smalls disparus en icônes, non sans avoir porté le rap au niveau de genre musical majeur du

point de vue commercial, émergent des pointures tel que Jay-Z et les artistes qui gravitent autour de Dr Dre qui venait de sortir son désormais classique 2001. Dans le même temps, Dakar, où furent produits, durant les années 90, nombre d’albums de raps, s’était affirmé sur la scène globale comme la capitale du rap africain.

Du Bois Sakré sortit Canabasse

C’était donc l’époque du deuxième album de Dr Dre, 2001, des baggy phat pharm ou encore Rocca Wear et celui qui deviendra Canabasse était en plein dedans. En 2002, au sortir d’une salle de cinéma, qui diffusait le biopic 8 Miles : Canabasse est né ; Abdou Basse Dia s’est décidé à rapper. Fata du groupe CBV animait à l’époque une émission sur l’antenne d’envie FM dont les studios se trouvaient non loin du cours Sainte Marie de Hanne. Canabasse avec des amis du lycée y fit, en tant que freestyler,


Discographie Buzzlab Canabasse, Press Play (2010). Canabasse, Ma Ngui gneuw (2012) 4 The Buzz (2012). Omzo Dollar, Pour Mouy clair (2013). Zou Kana, Ya Hassan VS Zou Kana (mars 2013). H-Bomb, Champions League (Avril 2013).

ses premières armes. Quelques années plus tard, un autre personnage, qui se fait appeler 92, qu’on peut aujourd’hui voir sur l’antenne de la TFM dans la série nandités yi, a joué un rôle important dans la carrière du jeune rappeur. 92 a fait le lien entre Canabasse et le Studio Bois Sakré ou sa première mixtape, DK South, fut produite et promue. Ndongo D, dont Canabasse vente “l’oreil musicale” fut à l’origine du choix du single de la mixtape, le morceau DK South qui eut un énorme succès. Depuis, celui que ses fans appelle Basse, a pris en main sa carrière et s’est imposé, non sans quelques altercations avec le milieu, comme l’un des rappeurs les plus en vue de la scène rap nationale. Là où la plupart se veulent chroniqueurs de la société et de ses maux, Canabasse dans ses morceaux parle de lui, de ses aspirations, doutes et envies avec toujours beaucoup d’honnêteté. Il en résulte une musique dont le fond est intimiste, parfois touchant, comme sur le morceau Yaye dédié à sa mère et dans lequel il évalue son parcours et sa valeur comme fils. C’est cette tendance à parler de lui et non à vouloir se faire la voix des sans voix qui fait, à notre sens, son succès et lui vaut l’affection de son public. La jeunesse sénégalaise est composée d’une majorité qu’on pourrait dire de plébéiens occupés à parvenir, n’y renonçant pas, bien que plongés dans un panorama économique quelque peu désolé, et cette

jeunesse ne peut que se reconnaître dans la musique de l’interprète de fly.

Fédérés autour d’un rêve commun

Dès ses débuts, Canabasse a cheminé avec un ami, qui est devenu son manager, JP Gomis. Avec un parisien d’origine sénégalaise, Lockslegl, ils fondent le studio Buzzlab, qu’ils édifient aux Maristes. Petit à petit, avec les ressources qu’ils collectent, et leur force de travail, une bâtisse voit le jour. Un américano-sénégalais, Zou Kana, rappeur plein d’humour et à la personnalité attachante, rejoint le label. Il sera suivi d’Omzo Dollar, originaire de la Sicap, de Young Fresh, rapeur dandy bien connu de la jet set dakaroise et de son acolyte H-Bomb, MC et producteur d’origine gabonaise (voir encadrés). De jeunes producteurs, dont Big Ouz, Y-not et Nino Brown se joignent à l’équipe désormais pourvue de toutes les ressources humaines nécessaires à la production de musique Hip Hop. En 2011 et 2012, Buzzlab a organisé deux tournées nationales, à chaque fois sans aucun sponsor et une dizaine de dates qui ont vu ses membres se produire dans les plus grandes villes du pays, de Dakar à Zinguinchor. Pour 2013, le label prévoit la sortie de plusieurs mixtapes, dont l’une d’un artiste reggae. En attendant et peut être pour bientôt, le premier album de Canabasse.\\ lesRĒCIDiVISTES.com


BUZZLAB 48

Photographie Jean Baptiste Joire


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Photographie Jean Baptiste Joire


Canabasse

Sur cette image, Canabasse est exténué, il vient de passert une semaine particulièrement intense et a performé sur plusieurs scènes dans plusieurs quartiers de Dakar. Ici, il revient de Yoff où les jeunes l'ont acceuilli avec enthousiasme. Canabasse est une célébrité discrète, taciturne dans la vie de tous les jours, dont le nom se répand sur les réseaux sociaux, de son studio des Marystes à Ziguinchor. Entre triomphes sur scène et difficultés quotidiennes de la vie d'artiste au Sénégal, Canabasse trace son sillon, fait murir son art et travaille sur un album dont la sortie fera sans aucun doute l'évènement.

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Zou Kana

À 24 ans il a passé l’essentiel de sa vie aux États-Unis, où il est né, en Caroline du Sud, d’une mère américaine et d’un père sénégalais. Issue d’une famille d’érudits musulman il a parcouru plusieurs pays dans le cadre de son éducation, dont notamment la Lybie et l’Égypte. Il prépare sa mixtape, Zou Kana Vs Ya Hassan, qui doit sortir début mars 2013. On peut l’entendre sur plusieurs productions de Buzzlab dont notamment le morceau Be Hero et, plus récemment, le single Diem ma Comp’.

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Young Fresh

Rappeur Dandy, il débute sa carrière bien avant de rejoindre Buzzlab il y a un peu plus d’un an. Sa mixtape devrait suivre celle de Zou Kana et paraitre courant 2013. Il a récemment collaboré au morceau Le même combat de 242 industries, avec notamment les groupes Still et la rappeuse et tv host Moona. Voir aussi le morceau et le Clip DK dreams, dont un remix accueille un couplet de Booba.

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Omzo vient de sortir sa mixtape, pour mouy clair, composée d’une vingtaine de titres tous sertis de punchlines terribles. N’hésitant pas à employer des termes wolof plutôt crus, ce qu’on lui reproche depuis ses tout premiers morceaux, il assume et récidive volontiers. Dans son dernier single, I’ll be Fine, le MC qui prétend, “ toucher beaucoup de femmes, comme la poésie” , évoque, amère et narquois, toutes ses ex, innombrables pour son jeune âge. Buzzlab, qui prévoit de sortir plusieurs mixtape en 2013 a entamé sa série par pour mouy clair, d’Omzo Dollar.

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Omzo Dollar

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BigOuz BeatMaker

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Photographie Jean Baptiste Joire

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Nino Brown

Le plus jeune membre du label est encore lycéen, et, lorsqu’il ne révise pas pour le bac, on peut le voir, tard le soir, dans la pénombre du studio, travailler ses beats. On peut avoir un aperçu de son travail sur la mixtape d’Omzo Dollar, dans le son rap Galsen. Il apparaît sur les deux derniers clips de Canabasse, khar mou jot, et yakkal sa ma der.

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Photographie Jean Baptiste Joire


JP

Manager de Canabasse depuis ses tous débuts, à l'époque où celui ci sortait Pop a Shit pour le compte du label Bois Sakré, il a suivi le développement de son artiste et a la réputation d'être un âpre négociateur. JP est l'un de ceux qui ont fondé le label et le studio qui l'abrite.

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Lockslegl

Rappeur et Ingé son dans le label, Locks est originaire d’Amiens. Outre Buzzlab Dakar, il a participé à la fondation, sur le même modèle, d’un Buzzlab France. Il apparait depuis 2010 sur les productions du label dont les disques de Canabasse et prépare sa mixtape.

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H-Bomb

Originaire de Libreville et installé au Sénégal depuis plusieurs années, H est à la fois producteur et rappeur. Intarissable sur la vilénie du système Bongo, H est un peu la conscience politique du label, son poète aussi. Sa mixtape, Champions League, devrait sortir au mois d’avril.

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Photographie Jean Baptiste Joire


Kool Black

Présent depuis longtemps déjà, aux refrains, sur des productions du label et sur pas mal de morceaux de Canabasse, Kool Black est le premier artiste reggae signé au sein de Buzzlab. Il toast et chante sur des riddims plutôt modernes et parfois dancehall. Il a, ces derniers mois, enregistré plusieurs morceaux qui prendront place dans sa mixtape.

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Puneu Puneu 62

PAUL SIKA


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ART GRAPHIQUE

PHOTOGRAPHIE

Paul Sika,

le photomaker C’est l’Amérique qui, à travers ses grands médias et quelques éminentes figures artistiques, a attiré notre attention sur l’ivoirien Paul Sika. Au rang de ceux qui apprécient son travail, le jeune abidjanais compte le réalisateur Melvyn Van Peeble et le rappeur Kanye West qui, tous deux, lui ont fait de très beaux éloges. Et pour cause : les photographies de l’Abidjanais, fenêtres ouvertes sur un univers surréaliste et coloré, qui emprunte à de nombreuses esthétiques dont celle manga, exercent un irrésistible magnétisme sur l’observateur. Très loin du reportage, exubérantes, les images de Paul Sika savent cependant se saisir du réel par leur symbolisme. Intrigués par le « photomaker » d’Abidjan, l’origine de son inspiration et sa manière d’appréhender la photographie, nous l’avons interrogé et celui-ci, dans ses réponses, a été aussi généreux que sa palette. Entretien.

Votre biographie indique que vous êtes informaticien de formation, et que vous-vous étiez dirigé vers ce métier par envie de concevoir des jeux vidéo. Si c’est vrai, serait-ce que finalement vous avez toujours voulu créer, donner vie à votre univers et le partager ? En effet, j’ai toujours aimé innover, faire de nouvelles choses intéressantes. Je me souviens par exemple que lors de mon passage éclair aux jeux de rôles, j’étais surtout à l’aise dans la position du game master. Je n’oublierai pas le jour ou, développant une histoire improvisée, par l’immersion, j’ai réussi à faire peur aux joueurs alors que nous étions en plein jour. Au lycée Blaise Pascal d’Abidjan, il nous avait été demandé d’avoir des calculatrices scientifiques et celles-ci étaient programmables : de réels petits ordinateurs. C’est ainsi qu’avec passion, détermination, courage et curiosité, un groupe d’amis et moi passions du niveau basique de l’affichage de texte sur l’écran, à la création d’intros animées sans oublier des essais d’intelligence artificielle et le plus grand pour nous qui était la création de jeux originaux et l’adaptation de jeux vidéos connus tels que Zelda et Pokémon. Et nous partagions gratuitement nos programmes. Dans votre dernière série de photographie, Lillian’s Appeal, vous avez représenté une série de personlesRĒCIDiVISTES.com


Marmite Mousso 66

PAUL SIKA



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Avec cet univers que je développe, les grandes questions de la vie sont relatées et discutées.

nages, liés entre eux par des désirs et une intrigue. Qu’avez-vous voulu dire où était-ce là le simple désir de donner forme à un univers, un peu comme un mangaka ou un auteur descience-fiction, qui vous a animé ? L’Appel de Lilian contient 7 histoires qui sont, chronologiquement : Marmite Mousso, Mami Momi, La Barbe d’Alphabet, Dandelia, Puneu Puneu, Mister Tout-Mignon et L’Appel de Lilian. Ces histoires qui évoluent dans un même monde à 7 époques différentes tournent autour de personnages principaux appelés Yelenistes qui, motivés par divers objectifs, entament le grand voyage : la plus grande des quêtes de leurs vies, celle d’atteindre Paisley. Paisley ayant été défini par les Yélénistes comme suit: Paisley c’est ce qu’il y a de plus beau au monde ; Paisley c’est quand on a toutes choses en bon nombre. Avec cet univers que je développe, les grandes questions de la vie sont relatées et discutées. Votre culture, vos références majeures, quelles sont-elles ? Dès le bas âge, les dessins animés ont été des compagnons de route. Et nous voyageons toujours ensemble. En Côte d’Ivoire, sur la Radio Télévision Ivoirienne (RTI) il y avait « Le club des petits », une émission qui passait des séries animées. Chaque jour donc, aux alentours de 18/19H, je regardais avec un énorme plaisir un dessin animé (Kimbo...). Tout petit je pouvais regarder plusieurs fois dans le mois les 68

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mêmes films. Je me souviens notamment d’une Cassette VHS sur laquelle étaient enregistrés American Ninja et Le Jeu de la mort de Bruce Lee que j’ai bien souvent regardé. La découverte de la Nes de Nintendo à 5 ans a certainement influencé la donne pour moi. Mario le plombier, Double Dragon... Pratiquement à la même époque j’ai découvert Dragon Ball. Ainsi se fait remarquer de façon plus consciente à mon niveau, l’influence du japon. Une émission à la télé ivoirienne dont j’ai compris la richesse plus âgée était « Mensonges d’un soir ». Focalisées sur le conte « autour du feu » au village avec tam-tam, les fables qui en sortaient étaient magnifiques. Je me souviens plus de l’émotion que des histoires elles même. Ceci dit, je n’ai pas oublié Akendewa, et Leuk le Lièvre. À ce dernier je voulais ressembler vu qu’il était intelligent et bon. N’est-ce pas là un exemple de comment la culture peut influencer un enfant ? Un livre à citer aussi est celui qui m’a été offert par

mon père: Les contes de la brousse et de la forêt. Comme j’ai aimé ce livre ! Et je crois bien que mon père me doit toujours le deuxième opus :-) De façon pop, j’ai consommé la peinture d’artistes reconnus tels que Da Vinci et Michelangelo; je connais aussi la photographie de David Lachapelle et Jean Paul Goude. Le cinéma m’a conduit à la photographie. Je peux aller au cinéma et regarder 3 films par jours. Et faire cela plusieurs fois dans la semaine. Je le faisais surtout à Londres. La Matrice qui m’avait déjà impressionné au lycée, en son deuxième episode:reloaded a révélé et cristallisé l’envie d’être cinéaste. Aujourd’hui le voyage continue toujours avec ces compagnons. J’aime Naruto, One piece.... Je pense aussi que je vais peut-être passer des heures sur le Google Art Project. Je vais finir en disant qu’au départ et à la fin de mon parcours se trouve la beauté, la magnificence de la Vie de son système.


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Au départ et à la fin de mon parcours se trouve la beauté, la magnificence de la Vie de son système. Vos images, cela est très visible dans votre première série, At the Heart of Me, ont ceci de particulier qu’elles suggèrent d’abord l’irréalité, le fantastique alors qu’elles recèlent et révèlent à l’œil attentif, un riche discours sur les réalités sociales de la Côte d’Ivoire. D’où vous viens cet attrait et ce talent pour le symbolique, l’allégorique ? Je vais poursuivre en développant la conclusion de la réponse précédente. Je trouve que la vie est fantastique, symbolique et allégorique. Aussi l’irréalité perçue n’est peutêtre qu’une réalité distante de nous, à laquelle nous ne sommes pas habitués. J’ai une curiosité en ce qui concerne la vie qui est très vive. Il est très important pour moi que je comprenne la vie, pas dans sa totalité parce qu’elle est infiniment vaste, mais de comprendre l’essentiel que j’ai à comprendre afin de vivre dans l’harmonie a plus parfaite. Cette recherche, ce questionnement, ces observations se retrouvent dans mon travail en commençant avec At The Heart Of Me qui utilise le langage des réalités de la Côte d’Ivoire pour

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relater des questions et réponses universelles. Cela est encore plus visible et évident dans la nouvelle collection Lilian’s Appeal qui introduit tout un nouvel univers dans lequel nous suivons des histoires de génération en génération. Comme avec un miroir, mon travail se veut être le reflet du fonctionnement essentiel de la vie. L’Appel de Lilian est d’ailleurs paru sous forme de livre illustré avec les photos de la collection. Vous figurez, sur l’une de vos œuvres, la nécessité devant laquelle se trouve la jeunesse africaine qui est de faire face à de grands problèmes avec des moyens modestes. Et finalement, dans votre série At the Heart of me, le dénouement que vous donnez à l’affaire est heureux. Êtes-vous plutôt un optimiste ? Ou est-ce que vous croyez, comme en les vôtres, en les capacités de la jeunesse africaine ? En utilisant les réalités de la Cote d’Ivoire comme lettres et mots visuels, je fais une dissertation sur le potentiel humain et l’Afrique, tout comme l’Australie, sont concernées. Vous êtes humains donc vous pouvez.... Je suis en effet très optimiste lesRĒCIDiVISTES.com


Mami Momi 70

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Je ne serai pas étonné de voir dans le domaine créatif le même type de révolution que la Cote d'Ivoire a connu dans le domaine du football

parce que les problèmes sont des affirmations reformulées. Il n’y a pas de problème sans solution. Là où la vie nous bouscule, c’est qu’elle nous pousse au départ, pour aller chercher des solutions au-delà de notre subjectif et limité domaine de définition. Je crois! Pourriez-vous nous parler un peu du présent de la scène créative abidjanaise, de ce qui y émerge et de votre sentiment en rapport à cet environnement et son dynamisme actuel ? Je trouve que la scène est à une étape embryonnaire. Cependant, une belle croissance accélérée peut être initiée. En effet, tant d’un point de vue socio-économique que qualitatif, je ne serai pas étonné de voir dans le domaine créatif le même type de révolution que la Cote d’Ivoire a connu dans le domaine du football avec la génération de joueurs tels que Didier Drogba, Emmanuel Eboué, Kolo et Yaya Touré. Ce gain de dynamisme sera possible avec la participation active d’acteurs de l’écosystème 72

artistique. C’est donc un plaisir de voir que nous avons des gens tels que le critique et commissaire Franck-Hermann Ekra, lauréat du prix de l’AICA et Cécile de la galerie Cécile Fakhoury qui s’implante avec le concept international du white cube et une programmation déjà établie sur un an et demi. Il y aussi des événements tels que le YCD (Young Creative Digital organisé) par AMN(Africaincorp media network de Frederic Tapé) qui rassemble les jeunes qui se sentent appartenir au monde du YCD. J’y ai moi-même participé. Je crois! Votre travail est désormais salué par des figures influentes ou emblématiques du monde des arts, quand vous avez commencé à créer votre style, votre pratique par vous-même baptisée photomaking, à ébaucher cet univers atypique qui est le vôtre, entrevoyiez-vous un tel succès ? J’ai toujours été focalisé sur l’excellence qui est une cause du succès. Le tout n’était pas de faire, il fallait bien faire et

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je veux encore mieux faire. Une maxime personnelle : mieux vaut une photo excellente que milles photos moyennes. Il y a encore du chemin à parcourir. J’en suis conscient. Le succès d’estime, justement, l’attention médiatique, qu’est-ce que cela a changé dans votre vie quotidienne et artistique ? Mon visage et mon nom attirent plus d’attention. Ma présence dans un lieu est de plus en plus remarquée. Plus de personnes viennent à moi et me font plus confiance quand je parle. De nombreuses personnes découvrent que j’ai des choses à partager et qui pourraient servir l’humain. À plusieurs niveaux, il y a un bel effet boule de neige et comme la neige, je garde la tête froide, l’esprit lucide et continue le voyage. Et je dirai que : Entre les deux quantités, le travail le plus important est celui de la qualité des émotions. Je crois ! Vous avez exposé récemment à la galerie Cécile Fakhoury d’Abidjan, peuton espérer voir un jour votre travail ici, à Dakar ? Et comment ! Ce serait un plaisir de venir à Dakar et de pouvoir accueillir les visiteurs afin de leur donner des visites guidées.\\


Dandelia 3

PAUL SIKA lesRĒCIDiVISTES.com


TEXTES

LITTÉRATURE

How to read the Air

par Dinaw Mengetsu

En 2007, Dinaw Mengetsu marquait ses débuts en littérature par une oeuvre forte, au titre inspiré par Dante, The Beautiful things that heaven bear. Ce premier roman de l’auteur, né en Éthiopie, mais ayant grandi aux États unis, donnait à voir l’émigration africaine à travers l’existence d’un boutiquier éthiopien de la banlieue de Washington, installé là-bas, au pays des billets verts et de l’essence pas cher. L’ouvrage, plein du style à la fois délicat et lyrique de Mengetsu, avait bénéficié d’un beau succès d’estime valant à son auteur de figurer dans la liste établie par le New Yorker des “20 under 40” romanciers. Avec How to read the air, il est toujours question d’immigration et beaucoup, aussi, de l’érosion des rapports amoureux dans une vie de couple. Jonas Woldemariam, narrateur et personnage central du roman, vient de perdre son foyer de même que son mariage, plutôt bref, et se lance dans un road trip. Alors qu’il s’engage sur un parcours que des années plus tôt ses parents 74

avaient effectué, il songe à ceux-ci, aux rapports heurtés qu’ils entretenaient et à ce qui fut son propre mariage, un échec douloureux. Lorsqu’il rencontre sa femme, Jonas est diplômé, depuis quelque temps déjà, de littérature anglaise. Il projette d’écrire une thèse, mais, en attendant de se décider, il vivote en faisant de petits boulots dans la grande Pomme. Ses pérégrinations NewYorkaises et solitaires ne sont d’ailleurs pas sans rappeler celle d’un autre personnage de fiction, celui-ci forgé par Teju Cole dans Open City. À la suite d’un entretien, Jonas est employé, dans un centre pour réfugié, à réécrire les témoignages des demandeurs d’asile. Il y investi tous ses talents littéraires, depuis longtemps laissés en friche et rajoute du pathos aux récits des réfugiés tout comme il en en expurge, lorsqu’il en rencontre, les incohérences. À cette tâche éthiquement douteuse, il prend goût. Dans le cadre de son travail, il rencontre sa femme, Angela, une avocate afro-américaine. C’est elle qui va vers lui, dans une scène que l’auteur peint avec beaucoup de délicatesse et où le jeune homme, un peu looser, est dans un coin, seul, emmuré dans ses pensées, alors qu’autour de lui une fête bat son plein. La relation d’Angela et Jonas bute finalement sur la peur du déclassement de la première et l’absence d’ambition sociale

du second. En miroir de cet échec, celui d’un autre couple, celui que formaient son père et sa mère et qui lui n’a jamais rompu. Ces deux là, son père et sa mère, eurent pour vie commune un mélange de suspicion apprêtée et de haine rentrée lorsqu’elle ne s’exprimait pas violemment. La fin du roman, peut-être la plus intéressante, raconte l’exil du père de Jonas, Yossef, qui fuit, caché dans une boîte, l’Éthiopie de Mengistu. Il y’a, aussi, comme cela semble désormais convenu outre-Atlantique, une méditation postmoderne sur le récit et les limites de la narration qui pose ici la question de la fascination qu’en certaines latitudes le récit catastrophique exerce. How to read the Air est un livre assez déprimant, sur la diaspora africaine en Amérique, les rapports amoureux et leur pourrissement. S’il est de qualité inégale, avec des descriptions dont on peine à voir l’intérêt même stylistique, il ne tombe pas des mains pour autant. C’est que Mengetsu est un observateur méticuleux et sensible de l’individu et sa description de rapports humains heurtés, difficiles ou mieux, gâtés, par leur justesse, frôle le génie. Aussi, How to read the Air est il parti d’une trilogie, sur les diasporas africaines que l’auteur travaille actuellement à achever. Dinaw Mengetsu est aussi reporter, notamment pour Rolling Stone et a beaucoup travaillé sur le continent africain.\\


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