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LE MOMENT PHILO

GOETHE DIT

«Celui qui imite ses idoles en devient une pâle copie»

Pour aspirer à une personnalité épanouie, il faut oser affirmer son individualité. Celui qui nous assure cela n’est nul autre que Johann Wolfgang von Goethe, le prince des poètes allemands, dans notre interview fictive avec le philosophe allemand Christoph Quarch.

the red bulletin: Beaucoup de jeunes sont actuellement à la recherche de repères. Ils choisissent souvent des modèles au parcours exceptionnel comme le sportif Fabio Wibmer, par exemple. Qu’en pensez-vous? johann wolfgang von goethe:

Excusez-moi, mais je ne le connais pas. Je vous l’accorde, mais cette personnalité ne se construit pas grâce à un modèle. Souvenez-vous de mon jeune Werther. Les jeunes gens de l’époque l’ont pris comme exemple et comme ma fgure romantique, ils se sont tiré une balle dans la tête. Ce n’était pas mon intention. Je voulais encourager les gens à embrasser leurs passions, pas à prendre Werther au pied de la lettre. Comprenez-moi: si les jeunes imitent leurs idoles, ils deviendront au mieux une pâle copie. Ce qui nous permet d’avancer, c’est d’engager la conversation avec quelqu’un, pas de l’imiter.

Qu’entendez-vous par là?

Apprendre, c’est observer le monde, vérifer l’exactitude des choses et se demander: quels sont les enseignements que m’apporte cette personne, quels sont ceux qui manquent? Cela exige autant de calme que de patience.

Mais voyez-vous, les gens de votre monde ne prennent plus le temps nécessaire. Aujourd’hui on prend ce modèle, demain, c’en sera un autre.

Je me demande bien ce que j’ai fait pour que l’on s’intéresse encore à moi…

C’est probablement parce que vous avez encore beaucoup de choses à nous dire.

Vraiment? alors c’est très bien. Écoutez donc ceci: ne cherchez pas de modèles mais faites preuve de patience et soyez attentifs à ce que peut vous apprendre le monde. Appropriez-vous le monde! Vous développerez alors une personnalité unique, individuelle. Et vous serez peut-être interviewé deux cents ans après votre mort…

Pardon, j’oubliais. Fabio Wibmer est un trialiste autrichien qui réa-

lise des vidéos. Il a une énorme «Apprendre, c’est communauté de fans au niveau mondial. observer le monde Respect! Mais voyez-vous, ce n’est et se demander: pas là où je voulais en venir. Je ne parle pas de monsieur Wibmer en qu’est-ce que cela tant que personne, mais du fait que m’apporte?» je ne le connais pas, de la même manière que je ne connais personne. Je ne le connais pas assez bien pour le prendre comme modèle. Les gens sont des individus complexes et pour cette raison, ils sont rarement de bons modèles.

Mais, cher Maître, il y a beaucoup de gens qui vous ont pris comme modèle, vous aussi.

Très juste, mais cela mérite-t-il notre bénédiction? Rares sont celles qui se féliciteront que leurs maris m’aient pris pour modèle. Mais passons et venons-en au fait: imiter les autres, qu’ils soient sportifs ou princes ou poètes, me paraît inapproprié pour la JOHANN WOLFGANG VON GOETHE (1749-1832) est considéré simple et bonne raison que cela empêche les gens de comme le plus grand poète allemand. Avec son premier roman, construire leur propre individualité. L’éducation est le véritable chemin vers une personnalité épanouie, Les souffrances du jeune Werther, il a donné naissance à une figure romanesque porteuse d’une nouvelle façon d’aborder l’existence. Naturaliste, artiste, homme politique et citoyen pas l’imitation. du monde, Goethe est lui-même devenu un modèle pour de

nombreuses personnes. Mais c’est justement pour cela que les gens vous CHRISTOPH QUARCH, 56 ans, est un philosophe allemand, trouvent fascinant: parce que vous avez une forte théologien, coach en entreprise et auteur de nombreux personnalité. ouvrages philosophiques.

«Ces photos donnent des ailes à mon imagination»

La créativité passe par l’inspiration. Fabio Wibmer a réuni les photos qui le touchent le plus en un album privé. Voici l’histoire qu’elles racontent.

Texte ANDREAS WOLLINGER

L’ouest sauvage

Nils Ohlendorf, Moab, Utah, USA

Le festival GGBY (Gobble Gobble Bitch Yeah!), un évènement légendaire dans un cadre de rêve. Spécialiste de sauts extrêmes, Andy Lewis réalise cet exploit en 2016 devant un magnifique coucher de soleil. «Un pur moment de grâce en apesanteur», se réjouit le photographe Ohlendorf.

Les sentiers de la gloire

Ross Bell, Llandegla, Pays de Galle

Les chemins boisés de son pays natal permettent au jeune Britannique Kade Edwards, 21 ans, d’exprimer à merveille son style typiquement agressif. Le photographe Ross Bell y voit «un contraste magnifique entre la vivacité des couleurs et l’ambiance d’une journée estivale particulièrement humide ».

Battle créatif

Daniel Bernstål, Ljusdal, Suède

Le regard est tellement accroché par la composition de l’image que le talent du skateur et snowboardeur Nils Arvidsson passe au second plan. «C’est un combat créatif avec moi-même, déclare Daniel Bernstål, l’auteur de la photo. Comment donner à mes photos un caractère unique?»

Vif comme l’éclair

Jean-Baptiste Liautard, différents emplacements

Trois bikers pour une cause commune: l’élégance du saut. «J’utilise souvent un flash derrière mes sujets, cela donne une touche dramatique à mes images tout en faisant ressortir les particules de poussière», précise le photographe. Centre: Angel Suarez, Ponte de Lima, Portugal. En haut: Thomas Genon, Salavas, France. En bas: Hugo Frixtalon, Colombie britannique, Canada.

À la fraîche

Vegard Breie, Numedal, Norvège

C’est l’histoire d‘un mec qui fait du freestyle dans une piscine municipale. Une bonne blague au départ, une photo burlesque et iconoclaste à l’arrivée. «Anders Backe a toujours des idées complètement dingues, explique le photographe. Le premier essai n’était pas très concluant mais là, dans la piscine d’une ancienne école, on a enfin obtenu l’effet désiré. »

En apesanteur

Bartek Wolinski, Salavas, France

Thomas «Fritte» Genon, coureur professionnel belge en pleine séance de sauts en France. Quand on a son niveau de maîtrise, la liberté n’est jamais loin.

Une nuit à l’opéra

Roman Neimann, Tallinn, Estonie

Neimann assistait à Pinocchio à l’opéra de Tallinn avec ses enfants quand il est tombé en admiration devant le décor de la séance d‘ouverture. «Après six mois de négociations, j’ai enfin obtenu quelques minutes pour le shooting. Ils on tout démonté juste après.»

Vous me recevez?

Lorenz Holder, Raisting, Allemagne

Cette antenne parabolique, un ancien transmetteur pour les satellites de communication, est aujourd’hui classée monument historique. Holder s’en est servi pour réaliser cette photo devenue culte, raflant du même coup le premier prix du concours photo Red Bull Illume 2013.

Courage, sautons

Sergey Shakuto, Aerograd Kolomna, Russie

«C’est l’une des premières photos que j’ai réalisées en chute libre, se souvient Sergey Shakuto, qui a dû s’armer de courage: lorsqu’Eugene Tarakhomin lui a proposé le shooting, Sergey venait tout juste de débuter sa carrière. Je me suis préparé un mois entier pour ces dix photos prises au cours de deux sauts pendant un coucher de soleil.»

Les feux de la rampe

Jay French, The Vale, Nouvelle-Zélande

Une entreprise de vêtements a lancé le défi suivant: mettre en valeur les réflecteurs d’un prototype de combinaison unique équipé de capteurs. «Billy Meacham (photo) et moi, on a passé plusieurs nuits et autant d’heures sur cette exposition longue durée, mais vu le résultat final, on ne regrette rien», raconte French, le photographe.

«La sincérité a une énergie particulière»

Enfant, Naomi était déjà une personnalité à part. Elle a connu le succès en tant que footballeuse professionnelle. Mais c’est dans la musique qu’elle a trouvé sa véritable vocation. Audience privée avec la reine Naomi, 27 ans.

Texte SABRINA LUTTENBERGER

Un jour, Naomi a cessé d’aimer son nom de famille. Bruderer ne lui semblait pas assez évocateur. Elle a donc décidé de trouver un nom en accord avec son statut d’artiste. De préférence quelque chose de français pour faire honneur à ses racines sénégalaises. «La reine» lui est venu à l’esprit. Même sa mère en a été surprise. Cela pouvait sembler arrogant. «Pour moi, être reine signife être un modèle pour les autres. Forte et indépendante. Je ne dis pas que je suis la reine du R’n’B ou meilleure que tous les autres. Tout ce que je veux, c’est être une source d’inspiration», explique-t-elle avec assurance.

«J’étais mal dans ma peau»

Quand Naomi était enfant, sa famille a souvent déménagé car son père, Martin Bruderer, était hockeyeur sur glace professionnel. Mais le fait qu’elle ne se sentait nulle part vraiment chez elle était surtout dû à ses camarades de classe. Naomi était victime de harcèlement, on se moquait de son apparence, tous les jours.

«J’étais très peu sûre de moi à l’époque. J’étais maigrichonne et je ne me trouvais pas belle. J’étais confuse à propos de ma sexualité. Je n’étais pas à l’aise dans mon corps.» Si on se moquait d’elle, Naomi ripostait. Avec ses poings. Régulièrement. C’était toujours contre les garçons. Jusqu’à ce qu’elle se replie de plus en plus sur elle-même. Ce n’est que lorsqu’une amie l’a emmenée à un entraînement de football que Naomi s’est, pour la première fois, sentie à sa place. Le fait que Naomi Lareine soit aujourd’hui une chanteuse et non une athlète de haut niveau est purement accidentel.

Le foot est devenu un exutoire

Naomi a joué pour le Grasshopper Club Zurich, un club à la longue histoire, pendant sept ans, et a même été championne. Elle a participé à quatre matches de l’équipe nationale suisse des moins de 19 ans ainsi qu’aux qualifcations du Championnat d’Europe en 2011.

Naomi était vraiment douée pour les coups de pied. Elle s’est liée d’amitié avec les flles de l’équipe et a découvert ce qu’était le sentiment d’appartenance. Des attaques? Il y en avait encore. Mais elles étaient d’un autre genre: en tant qu’arrière, elle s’améliorait et arrêtait les attaquantes adverses. Elle s’est réconciliée avec son corps et a soudain été fère de ce dont il était capable.

«Je me suis de plus en plus trouvée dans le foot. J’ai réalisé que j’étais quelqu’un qui pouvait accomplir des choses. J’avais énormément besoin du football pendant cette période.»

La musique l’a également soutenue. Naomi a toujours été douée dans ce domaine – quand elle n’était pas à l’entraînement, elle chantait. Elle a pris des cours de chant pendant de nombreuses années et a joué dans des comédies musicales.

À 15 ans, elle a appris à jouer du piano, comme ça, pour pouvoir s’accompagner elle-même. Plus elle grandissait, plus la musique prenait de l’importance dans sa vie. «J’ai progressivement laissé tomber le football. Grâce à lui, j’ai pris confance en moi. J’ai soudainement su qui j’étais, et à quoi j’appartenais. Mais j’ai senti que je n’en avais plus besoin – mais de musique par contre, ça oui. C’est comme mon âme, elle fait partie de moi.»

Naomi Lareine a ressenti la sortie de sa première chanson comme un couronnement. «Après la sortie, j’ai su que j’étais arrivée. Je me suis sentie, pour la première fois, comme une véritable artiste.»

Cela fait presque trois ans maintenant. Depuis lors, la presse spécialisée ne tarit pas d’éloges sur Naomi. Hana Gadze, l’une des rédactrices musicales les plus connues de SRF, a ainsi déclaré que Naomi proposait non seulement un mélange très explosif de néo-soul, de R’n’B et d’électro-pop, mais qu’elle avait aussi une voix incroyablement douce. Très proche de certaines de ses idoles.

Naomi vénère la chanteuse de soul américaine, Alicia Keys, et la légende du R’n’B, Aaliyah. Si vous écoutez les chansons qu’elle a enregistrées jusqu’ici - son premier single Sweet Latina ou Issa Vibe – vous y retrouverez les héroïnes de Naomi. Par exemple dans la façon dont elle pose sa voix rauque sur des rythmes nonchalants. Plus important encore, les chansons qu’elle écrit révèlent beaucoup de sa personnalité.

«Je n’ai pas peur de nager à contrecourant.»

Pleine d’assurance, Naomi fait son entrée sur la scène musicale.

Prometteuse

Naomi Lareine puise dans ses racines la force d’être une artiste accomplie.

Naomi Lareine, 27 ans, s’appelle en réalité Naomi Bruderer et vit à Zurich. Ses racines sont suisses, sénégalaises et mauritaniennes mais elle a grandi à Berne. Elle a joué au foot pro, notamment dans l’équipe nationale U19 jusqu’à l’âge de 19 ans. Elle est aujourd’hui l’une des jeunes chanteuses les plus prometteuses de Suisse. Sa première chanson, Sweet Latina, est sortie en 2018, suivie de l’EP Unchained en 2019. La même année, elle a remporté le Newcomer-Preis (le prix jeune talent) de la station de radio SRF3.

La musique l’a prise

Dans son EP Unchained par exemple, elle traite de la rupture avec sa petite amie. Une peine de cœur en sept actes. Avec des paroles très personnelles et donc touchantes. Qui a déjà vécu un chagrin amoureux comprendra ce que chante Naomi. C’est une reine proche du peuple, qui partage sa vie à travers la musique.

Révéler ouvertement ses sentiments, c’est aussi exposer sa vulnérabilité. Mais contrairement à ce qui se passait auparavant, lorsque les enfants exploitaient chaque signe de vulnérabilité pour lui faire davantage de mal, Naomi est maintenant saluée comme le plus grand talent R’n’B du pays, grâce justement à la sincérité de ses émotions. La preuve: l’année dernière, elle a été nominée dans la catégorie «best talent» aux Swiss Music Awards.

«Les artistes que j’aime sont sincères eux aussi. L’authenticité possède une énergie particulière. Je veux que mes fans ressentent ce que je ressens.» Prenez par exemple la douleur liée à la rupture sur Unchained. On le sait: quand on est triste, on préfère écouter de la musique triste. Heureusement, Naomi sait aussi composer des chansons qui font du bien: «Je ne veux pas que les gens pleurent chaque fois qu’ils m’entendent.»

Lorsqu’elle s’est soudainement retrouvée avec beaucoup de temps devant elle pour travailler sur de nouvelles chansons en 2020, l’un de ses objectifs était de réaliser une musique qui soit belle. Par cela, elle veut dire: une musique intemporelle. Que l’on peut écouter encore et encore parce que les ans n’ont pas de prise sur elle. Quelque chose comme Don’t Stop Me Now de Queen, que son père aimait lui faire écouter.

En solo, mais pas seule

Naomi Lareine n’est pas si solitaire après tout. Que serait une reine sans sa cour? Même une guerrière solitaire comme elle a besoin de quelqu’un pour la soutenir. Ou pour lui donner le coup de pouce nécessaire. La superstar albanaise Noizy est cette personne, dit-elle: «Noizy est le premier artiste qui m’a remarquée et qui m’a dit que j’étais douée. Cela m’a donné du courage. J’en avais besoin.» Noizy l’a découverte sur Instagram en 2017 et l’a contactée. Selon nos sources, son message ne disait rien de plus que «Parlons affaires.» – «Qui est ce type?» s’est demandé Naomi. Mais lorsque le rappeur l’a emmenée en avion en Albanie et s’est assuré, par un appel à ses propres fans, qu’elle atteigne le seuil des 10000 followers sur Instagram, Naomi a su.

Le rappeur suisse Stress est également un ami de Naomi. Une âme sœur, dit-elle. Un fan aussi, semblet-il. On peut entendre Naomi pas moins de trois fois sur son album Sincèrement, et il l’a également invitée à partager la scène avec lui lors de sa tournée. 2020 aurait pu être son année. Elle voulait profter de l’engouement autour de sa personne et de sa nomination aux Swiss Awards pour élever son profl de quelques crans. Puis est arrivé le virus du corona et avec lui, les doutes.

Les opportunités manquées se présenteront-elles à nouveau? Et si celles-ci ne revenaient pas? Et si elle se retrouvait sur la touche comme avant? Mais au lieu de se replier sur ces interrogations, Naomi a pris son envol.

Elle a profté de cette pause pour travailler sur de nouvelles chansons. Elle a notamment composé Limitless qui fait désormais partie d’une vaste campagne publicitaire en Suisse pour la marque de glaces Magnum. Elle y chante avec assurance: «Je n’ai pas peur de nager à contre-courant. Je relève le déf, je n’ai pas peur de me battre pour ce que j’aime.»

Un engagement à rester fdèle à soi-même. Pour défendre les choses qui sont importantes pour vous… Et oser les mener à bien. Tout simplement s’auto-proclamer reine.

«Je ne veux pas que les gens pleurent chaque fois qu’ils m’entendent.»

Instagram : @ naomi_lareine

«Abloh a créé quelque chose d’unique»

Tout ce que Virgil Abloh, 40 ans, touche se transforme en or: le designer américain a un sens aigu des tendances. C’est aussi l’un des plus grands héros de Fabio.

Je suis fasciné depuis le début par la façon dont il a réussi à se démarquer de tous les autres avec sa marque Off-White. Lorsque tu vois quelqu’un porter du Off-White, tu le reconnais immédiatement, et pas seulement grâce au logo iconique. Abloh a en fait réussi à créer quelque chose d’unique, quelque chose qui n’a jamais été vu auparavant dans le monde de la mode.

Note de la rédaction: Pour ceux qui ne savent pas qui est Virgil Abloh, cet Américain de 40 ans, originaire du Ghana, est actuellement considéré comme l’un des designers les plus infuents au monde. Et pas seulement dans le domaine de la mode où il est à la tête de la ligne pour homme chez Louis Vuitton en plus de sa propre marque, Off-White. Il a aussi collaboré avec Ikea et Vitra, et a révolutionné le monde des baskets pour Nike. La chanteuse Rihanna l’a qualifé de GOAT: Greatest Of All Time, soit le meilleur de tous les temps. Ce que j’ai retenu de sa façon de travailler, c’est la nécessité d’être ouvert, de chercher son inspiration tous azimuts – tout simplement de parcourir le monde, l’œil ouvert et à l’affût.

Mais j’ai aussi réalisé que les signes jouent un rôle très important. Pour être reconnu, tout simplement. C’est pourquoi ma nouvelle marque, Nineyard, affche une bande rouge sur chaque pièce – sur les tee-shirts, les pantalons, partout – très subtile pour ne pas nuire au style mais néanmoins présente.

L’objectif de ma nouvelle marque est de fusionner sport et style. Mes vêtements doivent convenir au bikepark autant qu’au bar ou au nightclub. Virgil Abloh est connu pour sa célèbre règle des trois pour cent: «Prends quelque chose que tu connais, modife-le de trois pour cent et tu obtiendras quelque chose de nouveau.»

Je ne veux pas me comparer à Virgil Abloh, je ne suis pas si présomptueux. Mais traduit dans mon univers, cela signife que j’ai intégré une petite poche zippée dans mon tee-shirt Nineyard, où tu peux par exemple ranger ton ticket de bikepark – après tout, tu veux prendre le moins de matos possible avec toi. Mon intérêt pour la mode a commencé il y a cinq ou six ans. C’est à ce moment-là que j’ai conçu mon premier maillot VTT. L’évolution s’est faite progressivement puis j’y suis allé à fond – j’ai lancé ma marque Sick et découvert ce qui pouvait être fait. Au cours des deux ou trois dernières années, j’ai pris la décision d’en faire davantage. Pour deux raisons: j’aime que les gens portent mes vêtements. Et j’ai réalisé qu’il y avait un certain nombre de choses que je voulais et qui n’existaient pas. J’ai donc décidé avec mon équipe de les concevoir moi-même. C’est la raison d’être de Nineyard – un mélange de style cycliste pratique et de streetwear élégant.

De plus, nous ferons aussi des drops, comme Nike et Abloh l’ont fait avec leurs baskets. Nous allons lancer douze nouvelles pièces cette année. Au fait, ma copine m’a offert un sweat Off-White il y a un an et demi. Je l’aime toujours autant. Pour moi, c’est un signe indéniable de qualité: aimer porter un vêtement encore et encore, sans s’en lasser.

nineyard.world

Fabio se lance dans le business du vélo

La seconde idée business de Fabio rappelle la diversité d’Abloh. Il s’agit d’une plateforme de ventes online où les particuliers et les vendeurs professionnels pourront proposer des pièces et des vélos. Sur Bikeflip, tu trouveras des produits neufs et aussi une foule d’articles d’occasion – des vélos pour enfants aux modèles de descente. Si le développement de Bikeflip a constitué un véritable défi, l’idée elle-même est née assez facilement: «Nous ne savions pas nous-mêmes où l’on pouvait vendre un vélo en ligne. Même après quelques recherches, il s’est avéré qu’il n’existait aucune plateforme conviviale et spécialisée. C’est pourquoi nous avons pris les choses en main», explique Fabio.

bikeflip.com

«Être ouvert à la nouveauté, c’est important.»

Fabio parle de son héros, le designer américain Virgil Abloh.

Au bout de soi-même

Florian Gomet, ancien prof de maths, s’est lancé des défs inspirés de Mike Horn, et a réalisé, à sa plus grande surprise, qu’il n’y a pas d’autres limites que celles que nous nous imposons, physiquement et mentalement.

Texte CLAIRE SCHIEFFER Photo HERVÉ DESCHAMPS

À 36 ans, Florian Gomet se voit comme un «aventurier-explorateur du corps humain», qu’il considère comme le territoire le plus fascinant de l’univers. Après avoir mené de longues expéditions dans le Nord américain sans moyen motorisé puis sans manger, il décide l’an dernier, en pleine pandémie, de traverser l’Europe jusqu’à la mer Noire, en partant de chez lui (en Saône-et-Loire) sans argent, sans papiers, avec pour seul équipement une petite caméra, un canif, une feuille expliquant son projet (dans les langues des pays traversés) et une mini-trousse de toilette. Au final, 3500 km parcourus pieds nus le long de l’EuroVélo 6, à frapper aux portes pour demander l’hospitalité en trouvant sa nourriture sur le chemin. Un voyage presque initiatique qui lui a appris à faire confiance aux autres et à écouter son corps.

the red bulletin: Votre dernier projet, Eurotopia, est l’aboutissement de plusieurs années de réflexion sur la confiance que l’on peut avoir dans son corps et la vie.

florian gomet: La société ne me faisait pas rêver. J’ai toujours ressenti, depuis l’enfance, une attirance pour la nature sauvage, je sentais qu’elle allait me donner des réponses, me soigner, me guérir. J’avais envie d’être à son contact et de devenir explorateur. À l’époque, j’étais encore prof de maths.

Comment passe-t-on de l’éducation nationale aux voyages initiatiques?

L’idée de America Extrema, mon premier périple, m’est venue en lisant les livres d’un aventurier que j’adore: Mike Horn. Je me suis dit que s’il était capable de faire tous ces trucs, alors moi aussi! J’ai donc démissionné de l’éducation nationale et suis devenu bûcheron-sylviculteur, un métier qui m’a permis de me forger un physique apte à être endurant par tous les temps. Je me suis préparé pendant cinq ans à ce projet, en auto-financement.

Vous décidez, en parallèle de vos périples, d’explorer le corps humain.

Après les 12000 km d’America Extrema, je ne voyais pas ce que je pouvais faire de mieux: c’était une première mondiale, et j’avais besoin de me renouveler. Or, la découverte de nouvelles pratiques allait me permettre d’explorer non pas des territoires inconnus, mais plutôt les capacités du corps humain. Moi qui voulais explorer l’univers et devenir astrophysicien, je me suis dit que j’allais explorer les limites de mon corps.

Et comme laboratoire, vous choisissez l’un des endroits les plus reculés du continent américain: les monts Mackenzie, au Canada.

En voulant pratiquer le jeûne, je me suis aperçu que j’avais trop de tentations chez moi. J’ai alors pensé aux monts Mackenzie: c’est ainsi que La Marche sans Faim est née. Je suis parti sur le Canol Heritage Trail, l’un des plus durs au monde, pendant 14 jours et 360 km, en ne consommant que l’eau des rivières et des lacs.

C’est cela qui vous a donné confiance pour réaliser Eurotopia?

Après cette aventure au Canada, je savais que je pouvais tenir deux semaines sans manger. Je me suis ensuite entraîné à courir pieds nus, et petit à petit, le projet a pris forme: traverser l’Europe pieds nus, sans argent, sans papiers, sans équipement, en ne mangeant que des fruits et des légumes crus. Ce voyage n’était pas un défi de survie, mais un acte de foi en l’humain, en la vie.

Comment ça se passe quand on est en totale incertitude et dépendance vis-à-vis des autres?

Je pouvais me procurer ma nourriture en chemin, sur les arbres le long des routes ou en demandant aux gens, et en général, je n’en manquais pas. Mais trouver un hébergement chaque soir, ça me stressait parce qu’après avoir couru mon marathon dans la journée, je passais des heures à chercher un endroit où dormir. Dans ces moments-là, je me disais: «Si on te refuse dans un endroit, c’est parce que tu es attendu ailleurs.»

Quelle leçon tirez-vous de ces expériences?

J’ai appris que si je conserve ma paix intérieure, je trouverai toutes les ressources dont j’ai besoin. Cela m’a aussi montré que notre corps est un miracle. C’est ce que j’essaie de transmettre via mes livres et mes films.

floriangomet.com

«Moi qui voulais explorer l’univers, je me suis dit que j’allais explorer les capacités du corps humain.»

Florian Gomet, explorateur de ses propres limites corporelles.

Les médias sociaux, « The Rock », l’art de se maquiller de la main gauche, les paparazzi, les touristes à New York et le poster dans sa chambre : Fabio Wibmer souhaitait rencontrer la légende du ski Lindsey Vonn. Voici l’entretien.

«Lindsey, ton nom t’aide-t-il ou est-il un fardeau? »

Fabio Wibmer

Modération WERNER JESSNER Photos KONSTANTIN REYER et ALYSSA GREENBER / CONDÉ NAST

«Il m’aide à mettre un pied dans la porte.»

Lindsey Vonn

Fabio wibmer: Je suis vraiment heureux de pouvoir te rencontrer. Quand j’étais petit, je regardais les compétitions de ski avec mes parents et tu étais ma favorite. Je te suis sur Instagram et vois les choses intéressantes que tu fais depuis que tu as mis fn à ta carrière sportive, et à quel point tu es toujours en forme. Tu fais encore beaucoup de ski?

lindsey vonn: Pas une seule fois pendant l’année qui a suivi ma retraite. Je n’ai fait que passer à Kitzbühel. J’ai regardé la descente Hommes et rencontré Aksel Lund Svindal. Cet hiver, j’en ai fait un peu et je suis allée sur les pistes avec des amis. Nous étions presque seuls à cause de la pandémie.

Est-ce que prendre ta retraite a été diffcile émotionnellement parlant?

La transition n’a pas été facile, mais mon corps m’a fait réaliser que cela n’était plus possible. J’aurais continué éternellement si j’avais senti que je pouvais encore lutter pour la première place! J’ai dû me persuader que j’avais besoin du reste de mon corps pour mener une vie raisonnable comprenant un minimum d’activités physiques. Le fait d’avoir toujours des projets en cours, en arrière-plan, m’a aidée à me tenir occupée. La course elle-même est ce qui me manque le plus. L’adrénaline, les victoires. Et puis les coéquipiers. Je suis de toute façon toujours en contact régulier avec certains d’entre eux. La première année, je n’ai pas pu regarder une seule course à la télé. Cela m’aurait trop fait mal.

Combien de blessures as-tu subies au cours de ta carrière?

Si je ne compte que celles qui ont nécessité une opération, neuf.

Laquelle a été la pire?

La fracture de l’humérus a été pire que tout ce qui est arrivé à mes genoux. Après l’opération, je n’avais plus de sensation dans la main. Rien. Je ne savais pas si mon système nerveux allait se réparer. On peut réparer un os ou un ligament, mais les nerfs? Personne ne peut vous prédire si ça va revenir. J’avais peur. Aujourd’hui encore, j’ai une plaque avec dix-huit vis dans le haut de mon bras droit. Cela explique que je sois nulle aux pompes!

Comment se sent-on avec un bras fracturé?

Mal! Je pouvais soulever le haut du bras, mais le reste pendait librement. Et ça fait un mal de chien! Ils ont dû me gifer pour que je ne m’évanouisse pas. Quelques semaines après l’opération, les nerfs ont commencé à se développer. Des mois plus tard, je n’arrivais toujours pas à tenir correctement mon bâton de ski de la main droite. C’est aussi la raison pour laquelle j’ai perdu la pole position aux Championnats du monde de SaintMoritz en 2017: il faisait trop froid, je ne sentais plus ma main. Alors j’ai scotché le bâton à mon gant mais la FIS a voulu me disqualifer pour cela.

Dément. J’imagine qu’au quotidien, une main droite insensible n’est pas très pratique non plus.

Signer, c’est compliqué! Ou se maquiller avec la main gauche! J’étais affreuse. Mais ça va maintenant. Je me suis coupé le pouce une fois. Aucun chirurgien normal ne voulait y toucher. Mon spécialiste du genou l’a recousu. Un type bien!

«Avec les années et les blessures, est-ce plus difficile de trouver la motivation?» Fabio

«Tu tiens, mais tu sais que ça ne va pas fort quand tu finis par appeler tout le personnel de l’hôpital par son prénom!» Lindsey

FABIO WIBMER, 25 ANS

Notre rédacteur en chef en herbe invité s’essayé à l’exercice des questionsréponses avec son idole américaine.

LINDSEY VONN, 36 ANS

Très ouverte et sans détour, elle assure à Fabio qu’elle préfère voir ses vidéos à lui que d’essayer elle de monter sur un vélo.

Je suis enfn de retour sur la moto suite à un accident de motocross en novembre, après presque six mois d’absence. C’est dur. Comment as-tu géré tes blessures mentalement?

À l’hôpital, j’ai demandé combien de temps cela prendrait. Puis j’ai essayé de le réduire en me fxant chaque jour de petits objectifs pour le lendemain, afn d’avoir le sentiment que les choses avançaient dans la bonne direction.

Avec les années et les blessures, est-ce plus diffcile de trouver la motivation?

Au cours de ma dernière année d’activité, j’ai subi trois interventions chirurgi-

cales. Tu tiens, mais tu sais que ça ne va pas fort quand tu fnis par appeler tout le personnel de l’hôpital par son prénom!

Ton corps semble avoir vraiment écopé. Avec le recul, est-ce que tout cela en valait la peine?

Tout le monde paie le prix de la réussite, quoi qu’on fasse. J’ai payé avec mon corps. Les douleurs aux genoux ne disparaîtront pas. Quand je skie, ça va, mais lorsque je promène mes chiens, ça fait vraiment mal. Les pauvres bêtes ne font pas assez d’exercice par ma faute!

Je connais ça! Je n’ai pas mal quand je suis sur mon vélo, mais dès que j’en descends, ça m’élance. Sans transition: je me suis toujours demandé pourquoi tu parles si bien l’allemand.

À l’âge de neuf ans, je suis allée en Autriche pour la première fois. Je ne pouvais parler à personne dans mon groupe de ski! C’est ainsi que ça a commencé. Mon père prétendait parler allemand, mais j’ai réalisé que ça n’allait pas très loin. À l’école, je l’ai appris correctement. Mais c’est la période durant laquelle je me suis entraînée à Salzbourg qui m’a le plus aidée. Entre les séances d’entraînement, je travaillais avec un professeur privé.

J’ai toujours admiré la façon dont tu réponds en allemand lors des interviews devant la caméra. Pourtant, ce n’est pas une langue facile.

Merci. Je pense que peu importe la langue que tu apprends, c’est toujours diffcile. Et il faut continuer. Pratiquer. Je m’en rends compte maintenant que je ne suis plus autant en Autriche. Mon allemand commence à rouiller.

As-tu un mot préféré?

Schmarrn (conneries, ndlr)! Et d’autres que je préfère ne pas dire ici.

Où t’es-tu entraînée à Salzbourg? Principalement au Red Bull Arena. Les gars étaient dehors sur le terrain de foot et j’avais le gymnase pour moi toute seule.

Tu t’es souvent entraînée avec des hommes, non?

Oui, surtout avec Aksel et les autres Norvégiens.

C’est de là que vient l’idée de vouloir descendre avec les hommes?

Plus je m’entraînais avec des hommes, plus je voyais à quel point mes temps étaient proches des leurs. Je ne prenais

«Est-ce que tout cela en valait la peine?» Fabio

«Tout le monde paie le prix de la réussite, quoi qu’on fasse. J’ai payé avec mon corps.» Lindsey

UNE QUESTION DE PERSPECTIVE

Fabio lance actuellement sa ligne de mode Nineyard, et démarre une plateforme internet pour les vélos neufs et d’occasion.

«J’ai mentionné mon envie de prendre le départ de la course Hommes, j’en ai aussi parlé à la FIS.» Lindsey

«Dommage que cela n’ait pas marché.» Fabio

L’APPORT DE LINDSEY

Elle est à la tête d’une société de production, conçoit des lunettes de soleil, et soutient les enfants et les jeunes avec sa fondation.

du retard qu’entre le départ et la première porte parce que je ne pouvais pas me propulser avec autant de force au départ. En fait de vitesse pure, il n’y avait pratiquement pas de différences. J’ai donc mentionné aux médias mon envie de prendre le départ de la course Hommes et j’en ai aussi parlé à la FIS, mais ils ont immédiatement refusé. Ils étaient prêts à m’accepter si je faisais ma descente juste avant celles des hommes, mais cela ne me convenait pas du tout. Je voulais faire partie de la course.

Dommage que cela n’ait pas marché.

Oui, dommage pour le sport. Mais c’était agréable de voir combien d’hommes soutenaient mon idée – les Norvégiens autour d’Aksel surtout.

Est-il fréquent que les hommes et les femmes s’entraînent sur la même piste ou étais-tu un cas isolé?

Au Colorado, c’est tout à fait normal, au Chili aussi. Il y a une piste et tout le monde la partage. Norvégiens, Français, Slovènes. Chaque fois que j’ai dû me battre pour revenir après une blessure, je les ai rejoints, ce qui était génial. Beaucoup d’entre eux skiaient avec des skis Head comme moi, alors nous pouvions échanger sur notre équipement. J’ai descendu avec des skis d’homme. Pour être honnête, je n’ai pas souvent obtenu de réponses franches de la part des femmes lorsque j’allais dans les détails. C’était plus facile avec les hommes car nous n’étions pas en compétition les uns avec les autres.

Mais tu avais déjà particulièrement bénéfcié de l’entraînement avec les hommes, il me semble.

J’ai probablement été celle qui est allée le plus loin. On peut apprendre quelque chose de tout le monde, mais il faut poser des questions et être ouvert aux infuences différentes. Peu de gens font ça dans le monde du ski.

D’où vient ta motivation à toujours vouloir être la meilleure?

De moi-même. Certes, mon père a aussi fait du ski de compétition, ce qui a certainement aidé, mais plutôt dans le sens où il savait à quelles courses nous devions nous inscrire quand j’étais jeune. Personne ne m’a forcée à skier. Mais les sacrifces que mes parents ont faits pour moi ont été énormes. Ils ont déménagé avec leurs cinq enfants du Minnesota au Colorado pour que l’un d’entre eux – moi – puisse, à douze ans, bénéfcier de bonnes conditions de ski. Aujourd’hui encore, je ne sais pas pourquoi ils ont cru que ça marcherait pour moi.

Y a-t-il eu un événement déclencheur?

J’avais neuf ans quand j’ai rencontré Picabo Street lors d’une séance de signatures dans le Minnesota. Son poster est toujours accroché dans ma chambre. C’est amusant, non? Je voulais être comme elle. Me rendre aux Jeux olympiques…

(Il coupe.) Mon modèle était Danny

MacAskill. J’ai passé des heures et des heures à essayer de copier ses tricks.

… et fnalement, j’y suis arrivée. J’avais à peine 17 ans quand je suis devenue sa coéquipière. Les Jeux olympiques de 2002 à Salt Lake City ont été mes premiers et ses derniers. Aujourd’hui, j’ai une société de production de flms. Nous travaillons en ce moment sur un portrait d’elle et je l’interviewe. La boucle est bouclée.

Aujourd’hui, tu es un modèle à suivre pour de nombreuses personnes. Comment fais-tu face à cette responsabilité? Je me demande parfois: «Est-ce que je peux faire cela? Puis-je dire cela? Comment est-ce que je m’en sors?»

Il n’est pas toujours facile de trouver l’équilibre. Avec la Fondation Lindsey Vonn, j’essaie de donner l’exemple. J’essaie de rester moi-même et de réféchir avant d’agir. Car je sais qu’on m’observe. En fait, je me fche de ce que pensent «les autres». Il y aura toujours des gens qui trouveront à redire sur ce que tu fais. Mais je veux être un bon exemple pour les enfants. Je viens de me souvenir d’une autre skieuse qui était aussi à la séance de signatures dans le Minnesota. Elle se dirigeait vers les toilettes quand je lui ai demandé un autographe. Elle ne me l’a pas accordé. Je m’en souviens encore aujourd’hui.

Comment établir ses limites? On ne peut pas rendre tout le monde heureux de toute façon.

Après les courses, j’étais heureuse d’être là pour tout le monde. Mais avant, il faut laisser aux athlètes la possibilité de se préparer. La plupart des gens le comprennent de toute façon.

Es-tu vraiment aussi connue partout ailleurs que tu l’es ici, en Autriche?

Ton pays est un cas particulier (rires). Aux États-Unis, le ski présente surtout un intérêt pour les Jeux olympiques. Quand on m’aborde dans la rue à New York, il s’agit presque toujours de touristes autrichiens ou allemands. Pour mes compatriotes, je suis plus intéressante en tant que célébrité qu’en tant qu’athlète, ce que je ne trouve pas cool du tout.

Tu as été victime des paparazzi à maintes reprises. T’es-tu déjà retrouvée avec un inconnu à ta porte?

Dieu merci, non. J’ai pris des mesures de sécurité et j’ai trois chiens. Mais c’est assez fippant quand on se fait saisir par un téléobjectif dans la rue et qu’on ne sait pas où était le photographe. Ou quand tu trouves ta propre adresse sur internet.

As-tu des gardes du corps dans ton équipe?

Non.

«Tu es un modèle à suivre. Comment fais-tu face à cette responsabilité? » Fabio

Non, je fais tout ça moi-même. C’est important pour moi d’être authentique. La qualité plutôt que la quantité. Je ne pense pas que les fans retirent quoi que ce soit de la pseudo-authenticité.

Les réseaux sociaux, c’est vraiment du boulot. J’essaie au moins de lire tous les messages. Il est tout simplement impossible de répondre à toutes les questions.

En effet.

As-tu une solution à proposer pour savoir jusqu’où on peut aller, en tant que personne connue du public, dans les questions sociales? Je pense souvent que j’ai quelque chose à dire sur tel ou tel sujet, mais je m’abstiens.

Je ne commente pas la politique, même si, bien sûr, tout est politique d’une manière ou d’une autre. On fait inévitablement face à la haine d’un côté. Je ne suis ni républicaine ni démocrate. S’il y a quelque chose qui te dérange vraiment, je pense que tu peux le dire. Ce que le pilote automobile Lewis Hamilton fait pour Black Lives Matter a toute mon admiration. Il n’y a pas de diversité en Formule1. Nous, les athlètes, disposons de plateformes hors des canaux conventionnels et nous devons les utiliser de manière responsable. Si quelqu’un ne me trouve plus cool parce que j’ai fait telle ou telle déclaration, c’est son problème, pas le mien.

Tu as l’habitude des shitstorms.

Ils font maintenant partie de la donne. Il est évident que certaines personnes me prendront en grippe. Au fl des ans, j’ai développé une carapace face à cela, même si c’est plus facile à dire qu’à faire. Je ne perds pas mon temps avec ces gens animés d’une haine viscérale. J’essaie au moins.

À quoi passes-tu tes journées aujourd’hui?

J’ai une société de flms avec mon amie Claire. Après notre première année d’activité, nous nous en sortons plutôt

«J’essaie de rester moi-même et de réfléchir avant d’agir. Car je sais qu’on m’observe.» Lindsey

bien. Je m’occupe du design des lunettes de ski Yinq. J’aime m’engager dans les entreprises avec lesquelles j’ai travaillé. Mon père a toujours mis un point d’honneur à me préparer à la vie après ma carrière.

Quel flm aimerais-tu produire?

J’aimerais raconter des histoires que personne d’autre ne raconte. Claire a eu une grande infuence sur moi à cet égard. Elle a beaucoup travaillé sur le documentaire de HBO qui m’a été consacré. Personne ne le sait car elle n’est pas mentionnée au générique. Mais c’est ce qui nous a motivées à nous lancer ensemble. Ce qui serait cool: un flm consacré au ski avec Aksel Lund Svindal, Marcel Hirscher et moi. Héliski. L’arrière-pays. Ce serait quelque chose!

Ton nom t’aide-t-il, ou est-il plutôt un fardeau?

Ça m’aide à mettre le pied dans la porte. Une grande partie de la vie consiste à établir des contacts. De bons contacts. J’en ai fait tout au long de ma carrière. Nombre de mes relations professionnelles durent depuis très longtemps: je suis associée à Red Bull depuis l’âge de 19 ans. Je travaille avec Rolex depuis onze ans maintenant, et avec Under Armour depuis dix-huit ans.

À ce sujet, comment as-tu été amenée à travailler avec la star hollywoodienne «The Rock» Johnson?

Super histoire! Le magazine Sports Illustrated a fait une couverture consacrée aux «meilleurs athlètes au monde» et a demandé à Dwayne «The Rock» Johnson si quelqu’un était capable de suivre sa cadence. Et il a répondu: «Peut-être Lindsey.» Under Armour nous a réunis. J’étais surprise qu’il connaisse mon nom. Après qu’il a lancé sa ligne de produits de ftness, l’idée m’est venue que je pouvais faire la même chose pour les femmes. Et il était le seul choix en tant que partenaire.

Quelle est votre relation?

Nous sommes de très bons amis. Je peux l’appeler à toute heure. Il est encore plus gentil dans la vie qu’à l’écran. C’est diffcile à imaginer, mais c’est vrai. Je l’appelle Dwayne, ou DJ.

(Rires) Tu fais du VTT aussi?

Non. Je connais mes forces et mes faiblesses. Je préfère regarder tes vidéos sur YouTube!

La vidéo de l’entretien de Lindsey et de Fabio sur redbulletin.com

VÉLOS FAVORIS

Fabio est ses vélos, c’est une véritable histoire d’amour. Qu’il recherche la puissance ou la vitesse, il affectionne chacun de ces 5 vélos pour des raisons bien précises. Quant à son chouchou, il a même le droit de l’accompagner sous la douche!

Texte WOLFGANG WIESER Photos NORMAN KONRAD

LA PUISSANCE AU RENDEZVOUS

Je me suis mis au vélo électrique il y a trois ans et je dois dire que c’est très pratique : avec un vélo normal, je ne pourrais pas faire deux fois de suite la même ascension.

Nom: Canyon Spectral:ON, Mullet-Bike (roue avant 29 pouces, roue arrière 27,5 pouces), débattement: 160 mm, cadre carbone pour un poids de 22 kg.

LE COUTEAU SUISSE

Si je devais n’en choisir qu’un, ce serait celui là: conçu pour la ville comme pour le trail, il permet de faire des sauts énormes… et c’est un compagnon idéal pour la pause café!

Nom: Canyon Spectral, même configuration que le modèle électrique, très léger (environ 13 kg).

LA FUSÉE

Rien n’est plus synonyme de vitesse que ce modèle, que ce soit pour tracer dans les sentiers de montagne ou pour dévaler les escaliers en ville.

Nom: Canyon Sender CFR, fourche double couronne pour un débattement maximal (200 mm!) et une stabilité extrême.

LE VÉLO TRIAL

Mon préféré, celui qui a fait de moi ce que je suis. Il me permet d’aborder mon cadre quotidien comme un vrai terrain de jeu.

Grâce à son cadre en carbone, ce vélo trial Canyon (un prototype encore anonyme) pèse moins de dix kilos pour une puissance de freinage impressionnante (plaquettes de frein Magura MT7).

LE FREERIDER

Rapide et passe-partout: l’harmonie absolue en montée, en descente ou pour se lâcher dans un bikepark. Des sensations pures!

Nom: Canyon Torque, débattement 180 mm, récemment disponible dans le modèle Fabio Replica-Bike, soit l’exacte réplique du vélo de Fabio.

Non- stop

La carrière musicale de Lucy Monkman, alias MONKI, fait face à une pause imposée. La DJane et animatrice radio anglaise a dû trouver une alternative afin de canaliser son énergie débordante - et sa vie n’a jamais été aussi agréable.

Grâce à son inébranlable éthique du travail, Monki, 29 ans, est passée de stagiaire dans une station de radio pirate à DJane, podcasteuse et footballeuse accomplie.

«En quittant l’école, j’ai eu le sentiment que je n’avais pas le droit à l’erreur.»

DJane, productrice, fondatrice d’un label et animatrice radio, Lucy Monkman – plus connue sous le nom de Monki – a apporté certaines des sonorités électroniques les plus fraîches et les plus innovantes qui soient aux oreilles britanniques. À 29 ans, Monki est peut-être une version actualisée de qui elle était durant sa jeunesse mais elle n’a rien perdu de l’énergie et de l’ambition d’adolescente passionnée de football et de musique. Elle s’est fait un nom grâce à une émission sur les ondes de Radio 1 de la BBC, au label qu’elle a fondé et à d’innombrables tournées internationales en tant que DJane. Sa notoriété s’est également développée sur le terrain de foot – elle joue en 5e division de football féminin,

pour le Dulwich Hamlet FC Ladies – et en tant que podcasteuse; sa série sur la Coupe du monde féminine de 2019, Football Inside Out, a remporté la catégorie Sport aux British Podcast Awards.

Monki a grandi à Kingston upon Thames, dans la banlieue sud-ouest de Londres. À la maison, elle baignait dans la musique électro, avec les Chemical Brothers, The Prodigy et 808 State sur la chaîne stéréo de sa mère, les tubes garage que son oncle jouait, ainsi que dans le dubstep et la grime qu’elle écoutait sur les radios pirates. «Je me suis vraiment mise à la musique grâce à la radio», explique Monki, en soulignant l’importance des pirates comme Rinse FM et Déjà Vu, qui transmettaient les rythmes et les voix de l’underground vers les jeunes oreilles assoiffées. «Je me souviens de les avoir écoutés tard dans la nuit et d’avoir entendu des musiques de danse que je n’avais jamais entendues auparavant.» Ces stations ont été un espace dans lequel les sonorités produites localement ont pu se développer et se diversifier, à l’écart des redevances, des annonceurs et des organismes de réglementation.

Non contente d’être une fan, Monki a décidé de faire partie de ce monde. Après avoir entendu, un soir, la DJane Annie Mac jouer à la radio le dubstep glacial de Skream, Let’s Get Ravey et le remix de In For The Kill de La Roux, elle a quitté l’école, le lendemain. La jeune fille de 16 ans a réussi à décrocher un stage chez Rinse à une époque charnière où les artistes avec lesquels la station travaillait explosaient. Elle était notamment chargée de l’approvisionnement en champagne quand, en 2010, la station a obtenu un permis d’émettre et est devenue légale. «C’était vraiment passionnant: j’étais entourée de DJs que j’admirais et je me sentais vraiment inspirée d’être là, sur cette station de radio de l’East End.»

Tout comme le fondateur de Rinse, Geeneus, qui a créé sa station à l’âge de 16 ans en connectant ses platines à un émetteur fait maison dans un appartement au 18e étage dans le borough de Tower Hamlets, Monki a réussi à se faire une place dans le monde de la musique grâce à son oreille exceptionnelle, mais aussi à son talent de bricoleuse et à son inébranlable éthique du travail. Elle a utilisé son temps à la station pour affiner ses compétences en ingénierie et en mixage, et pour forger des liens essentiels avec l’industrie. Un soir, après son quart de travail, elle a enregistré un set de vingt minutes qu’elle a envoyé à Annie Mac, une héroïne de son enfance, avec qui elle s’était connectée des années plus tôt via MySpace.

C’est ainsi que Mac a offert à Monki sa toute première date, au KOKO de Camden Town, dans le nord de Londres. En plus de ses passages dans les clubs emblématiques comme le Ministry of Sound ou Fabric, la jeune DJane a obtenu une émission sur Radio 1Xtra à la BBC puis, à 21 ans seulement, une place convoitée sur la chaîne Radio 1, toujours à la BBC. «Quand j’ai quitté l’école, j’ai eu le sentiment que je n’avais pas le droit à l’erreur, dit-elle. Je n’avais pas d’autre choix. C’était donc mon mantra à cet âge,

«J’ai fait le plein pendant dix ans et d’un coup, tout s’est arrêté.»

c’était une sorte de mentalité du tout ou rien. Et ça a marché.» Cette attitude a permis à Monki d’atteindre le sommet de son art en matière de musique.

Elle est aujourd’hui une force majeure dans le domaine de la deep house et de la techno, et une sélectionneuse habile lorsqu’il s’agit de créer des ambiances qui plaisent au public. En plus de jouer de tout, du disco à la soul en passant par l’electronica et le piano house, sur les ondes et dans les clubs, Monki a produit et publié sa propre musique, sortant des EPs avec un riche mélange de producteurs, de MCs et de chanteurs. Elle a sorti un EP live avec Fabric alors qu’elle était encore adolescente, mêlant house, garage britannique et grime. Monki a également son propre label, ZOO Music, et elle a mis son énergie à profit sur la route chaque année, jouant partout dans le monde ou, en Angleterre, aux soirées Monki & Friends, dont elle est l’organisatrice.

Mais la pandémie a frappé. J’ai fait le plein pendant dix ans et tout d’un coup, tout s’est arrêté net», explique Monki. Les clubs ont été fermés, les tournées ont été suspendues et elle s’est retrouvée chez elle sans grand-chose à faire. Pour quelqu’un qui avait toujours eu une vision très claire de l’avenir, même à l’adolescence – «Quand j’ai quitté l’école, je me suis dit: “Voici mon plan sur dix ans, je veux être sur Radio 1 à 26 ans.”» – cela a été un choc sérieux. «Je n’ai jamais été autant à la maison depuis dix ans, dit Monki. Ce que nous avons tous perdu, c’est une connexion avec les gens. Ça a été une perte énorme. Je pensais que je pourrais mieux gérer cela, mais en fait j’étais assez déprimée.»

Toutefois, l’éthique de travail de Monki ne lui a pas permis de ralentir longtemps. Le foot lui a donné un autre objectif, un endroit pour canaliser son énergie. Le «beau jeu» faisait en fait partie de son plan de carrière initial avant de tomber amoureuse de la musique.

Dans le mix: Monki est aussi à l’aise en studio que sur un terrain de foot (page ci-contre), en jouant pour les Dulwich Hamlet FC Ladies.

Mais à 14 ans, elle a découvert que les femmes n’étaient pas payées pour jouer. «Vous pouviez jouer pour Arsenal ou Chelsea, mais ce n’était pas votre gagnepain, dit-elle. À l’époque, les joueuses anglaises devaient payer leur propre équipement! Cela m’a brisé le cœur. Alors je m’en suis détachée. Si je ne peux pas le faire comme je veux, alors je n’ai pas envie de le faire.»

C’est au milieu de la vingtaine, alors que sa carrière musicale battait son plein, que le football est revenu dans la vie de Monki. «Ça a pris du temps, ditelle, mais j’ai réalisé que le sport me manquait vraiment.» Après être revenue au jeu par le biais de matches à cinq contre cinq, Monki a rejoint le Dulwich Hamlet FC Ladies et a commencé à vivre une «double vie», pour reprendre ses mots. «J’ai gardé le football et le sport distincts de la musique. Je ne traînais pas avec mon équipe, je venais juste m’entraîner et jouer. Je n’ai pas dit à tout le monde ce que je faisais. Je voulais juste jouer au football, être traitée comme tout le monde. Mais quand mes coéquipières l’ont découvert, elles n’ont rien changé de leur attitude à mon égard. Nous sommes tous égaux. C’est pour ça que j’aime le sport, tout le monde se fout de ce que vous faites.»

Aujourd’hui, Monki est un pilier du club. «Je suis tellement impliquée avec Dulwich Hamlet. Ma petite amie en est la capitaine, et nous sommes comme des ambassadrices pour le club, dit-elle à propos de son revirement. Je travaille avec elles en participant à des activités communautaires et je gère leurs réseaux sociaux en tant que bénévole. Je suis à fond dedans.» Rebaptisées en 2019 après neuf ans sous le nom d’AFC Phoenix – une équipe qui, pendant une grande partie de cette période, n’avait même pas de tenues coordonnées – les Dulwich Hamlet Ladies se sont retrouvées sur une trajectoire ascendante, attirant des foules plus denses que de nombreux clubs plus haut placés dans la hiérarchie du football. L’année dernière, lors de leur première saison en première division de London & South East, elles étaient en tête du classement lorsque, malheureusement, le championnat a été annulé en raison de la pandémie. Le club est aussi une sorte de famille: les joueuses et les supporteurs se sont mis ensemble pour réunir plus de 10000 livres lorsque leur manager adoré, Farouk Menia, est décédé en 2019; et il apporte un soutien vital à la communauté LGBTQ.

C’est grâce à son amour du sport que Monki a réussi à se libérer de son isolement. Elle a profité de cette période pour renouer avec l’entraînement et aussi pour mettre à profit son nouvel enthousiasme pour la diffusion des sports. Cette envie s’est encore renforcée lorsque Football Inside Out a remporté le British Podcast Award. «Cela m’a ouvert les yeux, dit-elle en parlant de la prise de conscience qu’elle pouvait combiner ses deux mondes. J’adore la radio – le podcasting était quelque chose que je voulais faire de toute façon – mais ça, c’était autre chose, pas de la musique. C’était vraiment intense, mais ça a été une grande expérience.» N’ayant jamais fait les choses à moitié, Monki a depuis présenté The Kick Off – une soirée de la Ligue des champions de l’UEFA en direct présentée par Heineken et Defected – et a travaillé avec la légende du sport Peter Crouch sur BT Sport.

L’inconfortable changement de rythme provoqué par l’apparition de la pandémie est devenu, pour Monki, l’occasion de repenser à l’avenir. «J’en suis lentement arrivée à la conclusion que j’aime participer à des shows, mais que je ne veux pas que cela constitue toute ma vie, dit-elle. Cette année a été consacrée à ce que je veux faire au-delà des tournées et des soirées. Pendant le deuxième confinement, j’ai fait équipe avec un groupe d’autres personnes pour travailler sur des idées en vue d’une plateforme sportive féminine qui, je l’espère, sera lancée cette année.»

La plateforme n’a pas encore de nom, mais elle a une éthique forte: «Il y a quelques grands créateurs de contenus footballistiques et sportifs, mais ce que nous voulons faire, c’est mettre le sport en lui-même un peu de côté pour nous concentrer davantage sur l’encouragement des femmes afin qu’elles puissent évoluer dans n’importe quelle fonction.» Monki cite une étude récente de l’organisme public Sport England, qui a révélé que 39 % des femmes ne sont pas assez actives, les raisons les plus courantes étant la peur du jugement et le manque de confiance en soi. «Tout le monde n’aime pas le sport comme j’aime le football, mais il est tellement important de faire de l’exercice, même si c’est seulement se promener avec ses potes.»

Il était évident que Monki allait mettre son énergie débordante au service d’un projet comme celui-ci, étant donné qu’elle a contribué à la représentation féminine dans plusieurs domaines dominés par les hommes. Elle a notamment réussi dans le monde largement masculin de la musique électronique, devenant la toute première femme d’origine sud-est asiatique à animer une émission sur Radio 1 – «Je n’en ai pris conscience qu’en 2020. Je ne me voyais pas comme cette personne à l’époque. J’aurais aimé le célébrer davantage».

Mais malgré ses projets d’améliorer la santé de nombreuses femmes et le fait que des jeunes filles asiatiques ont contacté Monki pour lui dire combien elle les inspirait, elle ne se considère pas comme une personne dédiée à la cause de l’égalité. Ses efforts pour dépasser les limites sont plus personnels et proviennent uniquement de sa ténacité à faire ce qu’elle aime, malgré les risques et les obstacles. Maintenant, en découvrant l’espace dans le diagramme de Venn où ses passions se chevauchent, elle a trouvé les outils nécessaires pour traverser des moments étranges - et même en ressortir plus forte. «J’ai l’impression d’être plus moi en vivant de cette façon, avec plus d’intégrité, dit-elle. Et c’est ça le but, non? C’est littéralement ça.»

«Il est tellement important de faire de l’exercice.»

SOLIDE COMME L’ACIER

SEULS CEUX QUI S’EN DONNENT LA PEINE TROUVENT LA LÉGÈRETÉ

Comment la vététiste JOLANDA NEFF, 28 ans, a surmonté la plus grande crise de sa vie : elle a créé son propre univers avec « Jolandaland » qui produit du bonheur.

Texte CHRISTOF GERTSCH Photos BRANDON CLIFTON

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orsque Jolanda Neff a participé à sa première course de VTT à l’âge de six ans, le point le plus bas de sa carrière était encore très loin. Toujours, elle gagnait: enfant, elle a remporté soixante compétitions dans la série nationale et le titre cumulatif ne lui a échappé qu’une seule fois en six ans. Après avoir accédé au niveau Espoirs, elle a décroché le titre mondial pour les moins de 23 ans trois fois en trois ans. Et elle a remporté la Coupe du monde en élite dès sa seconde année, devenant la plus jeune vainqueur de l’histoire de la compétition. Cela se passait entre 1999 à 2015. On croyait que cela durerait toujours. Jolanda Neff possédait un immense talent, une volonté inébranlable et elle pratiquait son sport avec un bonheur que rien ne pouvait entamer.

Elle doit son enthousiasme pour le sport à ses parents: son père Markus était cycliste, sa mère Sonja, gymnaste artistique, orienteuse (coureuse) et tireuse. Ils organisaient chaque semaine des après-midis de VTT pour les enfants de la région. Jolanda Neff ne faisait aucune différence entre une excursion et l’observation des cygnes de la réserve naturelle de l’Alter Rhein avec son frère et sa sœur, les deux s’articulant autour du plaisir d’être ensemble au grand air. Cet entrain l’a menée loin. Elle était la grande favorite aux Jeux olympiques de 2016 à Rio de Janeiro. Mais elle n’a pas remporté la médaille d’or. Ni aucune autre médaille. Sixième place. Elle avait pris le départ avec le même sérieux et la même ambition que lors de toutes les courses des années précédentes. Mais soudain, le plaisir avait disparu.

Il n’est pas nécessaire d’expliquer en détail comment elle en est arrivée là. Voici la version courte en trois points: premièrement, lors de sa préparation, Jolanda Neff a fait passer le sport en premier, loin devant elle. Elle s’est refermée sur ellemême parce qu’elle croyait que c’était la seule garantie de succès aux Jeux olympiques. Deuxièmement, malgré un contrat extrêmement lucratif, elle ne se sentait plus à l’aise au sein de son équipe car, contre sa volonté, les dirigeants avaient remercié son père, c’est-à-dire son mécanicien, son entraîneur et son compagnon depuis son enfance. Et troisièmement, elle ne s’est sentie qu’à moitié soutenue par sa fédération à Rio de Janeiro.

On tombe tous, même quand ce n’est pas de notre faute. La question est de savoir comment s’en sortir. Jolanda Neff y est parvenue avec le projet le plus fou, mais aussi le plus magique de sa carrière: elle a commencé à créer un monde où seul le bonheur règne. Et c’est là que sa véritable histoire commence. Non pas que tout lui était tombé du ciel auparavant. Au contraire, son assiduité était connue bien au-delà de sa discipline: à l’école, elle obtenait la note maximale et était souvent la meilleure de sa classe. Néanmoins, bien des choses avaient été depuis longtemps décidées pour elle. Elle devait maintenant se réinventer.

Aujourd’hui, le monde qui en a émergé porte le nom de «Jolandaland ». Un soupçon de La La Land, comme on surnomme parfois Hollywood, une pincée d’Alice au pays des merveilles. Aujourd’hui, Jolanda Neff, 28 ans, peut aussi expliquer avec précision à quoi ressemble ce monde. Dans la période qui a suivi la déception de Rio de Janeiro, elle avait plutôt agi de manière intuitive.

Parce qu’elle avait besoin d’un dérivatif, elle a quitté la maison familiale de Thal, un village situé à la frontière entre le canton de Saint-Gall et celui d’Appenzell-Rhodes-Extérieurs, pour s’installer dans une colocation à Zurich. Comme elle cherchait quelque chose qui la stimulerait mentalement, elle s’est inscrite à l’université. Et parce qu’elle ne voulait plus jamais prendre de décisions basées uniquement sur l’argent, elle a refusé huit offres de contrat, y compris des offres bien plus lucratives, et a signé avec Kross, une petite entreprise polonaise.

Ce que Jolanda Neff recherchait, c’était la légèreté de 2014, lorsqu’elle participait déjà à la Coupe du monde en tant qu’espoir du VTT. «Je n’avais aucun rendez-vous avec les médias, aucune obligation liée au sponsoring, rien. Tout ce que j’avais à faire, c’était du vélo », dit-elle. Elle a immédiatement remporté la première épreuve de la Coupe du monde et s’est assurée du titre mondial avant même la dernière épreuve de la saison.

À partir de 2017, tout ce qu’elle a fait visait à recréer cette situation idéale, mais au sein d’une nouvelle réalité: après avoir remporté à deux reprises la Coupe du monde, elle était une tête d’affiche du VTT et sa défaite aux Jeux olympiques n’avait en rien changé la donne. Elle ne voulait plus rien savoir d’une carrière qui inclurait rendez-vous avec les médias, obligations liées au sponsoring et autres activités contraignantes.

Le dévouement et l’humanité manifestés par l’équipe Kross sont arrivés au bon moment, mais aussi le naturel avec lequel on s’est abstenu de lui mettre la pression. C’était l’environnement dont Jolanda Neff avait besoin, loin de la Suisse. Chez Kross, on la laissait tranquille et elle se sentait moins surveillée.

«J’ai réalisé qu’il me fallait autour de moi des gens avec qui je pouvais rigoler. Je n’ai pas besoin d’égoïstes et de petits malins mais bien de vrais coéquipiers. Pas du genre à douter et à freiner ton élan mais plutôt à te booster d’optimisme.

« J’ai réalisé qu’il me fallait autour de moi des gens avec qui je pouvais rigoler. »

BONNE PERDANTE Lors d’une course à Dornbirn, il faisait si froid que Jolanda Neff ne pouvait plus tenir son guidon. Elle a félicité les premiers arrivés via Facebook.

VICTORIEUSE À WATERLOO Jolanda Neff franchit la ligne d’arrivée en vainqueur lors d’une manche de Coupe du monde en 2019.

« Je performe mal quand je ne suis pas heureuse. »

J’ai besoin de gens qui voient le bon côté des choses, qui veulent apprendre au contact des autres et qui se poussent mutuellement vers l’avant. » Elle sait que cela peut sembler un peu banal, «mais n’est-ce pas souvent le cas lors de prises de conscience drastiques »? Ce n’est pas l’entraînement qu’elle a dû changer, ditelle, mais tout ce qui entoure le sport, l’organisation de la vie elle-même.

«Je ne suis pas heureuse si je ne peux pas faire de vélo. Mais je performe mal sur mon vélo si je ne suis pas heureuse. C’est un cycle qui peut me rendre incroyablement forte, mais aussi terriblement faible. »

Début 2017, elle se sentait comme une plante qui, sur le point de se dessécher, a été arrosée à nouveau. Elle voyait des gens toute la journée, s’asseyait dans des amphithéâtres, bossait ferme. À dix heures du soir, elle allait faire du vélo dans l’obscurité sur la montagne locale de Zurich.

Elle se doutait bien que cela n’était pas l’idéal pour ses performances athlétiques immédiates. Seuls les observateurs extérieurs ont été surpris par sa 18e place à la première épreuve de la Coupe du monde. Mais elle savait aussi que cette période était nécessaire afin que Jolandaland se développe. Pendant la pause estivale, elle a rattrapé une partie de l’entraînement qu’elle avait manqué. À l’automne, elle est devenue championne du monde pour la première fois. En hiver, elle a à nouveau abandonné ses études.

Puis elle a eu un entretien avec Swiss Cycling, la fédération suisse de cyclisme. Avec pour résultat qu’elle ne se sent plus aujourd’hui prise à la légère dans l’équipe nationale en tant que femme, mais peut au contraire compter sur un soutien probablement unique au monde. «La fédération a beaucoup investi en nous, les vététistes féminines, depuis Rio. Nous avons maintenant notre propre équipe d’entraîneurs et un camp d’entraînement presque tous les mois », souligne-t-elle.

Jolanda Neff a créé Jolandaland pour elle-même, mais ce n’est pas un monde exclusivement replié sur lui-même. De nombreux chemins y mènent: une chronique sur son site web (jolandaneff.ch). Instagram (@jolandaneff), bien sûr. Et aussi YouTube où elle met en ligne tous les deux mois un nouvel épisode de son vlog exceptionnellement ambitieux, Jolandaland.

Elle a cependant dû suspendre son canal de communication le plus passionnant, Trois Mois, le magazine trimestriel imprimé qu’elle a lancé l’année dernière: «J’aime les mots, j’aime écrire, j’ai adoré travailler sur le magazine, dit-elle, mais j’y passais des heures tous les jours, parfois plus que pour l’entraînement. Je ne pouvais pas me permettre de faire ça pendant une année olympique. »

Lancer un magazine imprimé au XXIe siècle, en tant qu’athlète féminine de surcroît, c’est plutôt vieux jeu, mais aussi très avant-gardiste. Il est clair que cela allait convenir à Jolanda Neff. La vivacité et l’enthousiasme qu’elle dégage, que ce soit quand elle poste un selfie sur Instagram ou qu’elle télécharge sur YouTube une vidéo de douze minutes depuis un sentier en Toscane, sont tellement contagieux, qu’il faudrait être particulièrement résistant pour ne pas être contaminé à son tour.

Elle croit fermement qu’il faut partager le bonheur mais, à l’inverse, elle ne tient pas à raconter des bobards. L’un des messages les plus importants de Jolandaland est que seuls ceux qui s’en donnent la peine trouvent la légèreté. La légèreté de Jolanda Neff sur le vélo, sa façon de voler sur les cimes des montagnes et d’y danser: cela n’arrive que si on le pratique tous les jours pendant vingt ans.

Elle court désormais pour l’équipe américaine Trek, accompagnée à nouveau de son père et de sa mère. «Lorsque je me suis demandé sur qui je pouvais vraiment compter dans ma vie, qui était toujours là pour moi, qui réglait les choses au milieu de la nuit les week-ends de course, j’ai rapidement eu la réponse: mes parents. »

Le cycliste américain Luca Shaw, son compagnon depuis trois ans, fait également partie du cercle rapproché. La lourde chute dont elle a été victime peu de temps avant Noël 2019 et qui lui a valu une rupture de la rate, une côte cassée et un poumon perforé, s’est produite chez lui, dans une zone boisée près d’Asheville, en Caroline du Nord aux États-Unis. Pendant des mois, Jolanda Neff n’a pas su si elle parviendrait à retrouver sa force d’antan. Sans leur report en raison de la pandémie, les Jeux olympiques de Tokyo seraient arrivés trop tôt pour elle.

Cet été, elle peut donc rattraper ce qui a mal tourné il y a cinq ans: s’ils ont lieu, les JO de 2021 sont sa chance de se racheter. Mais elle ne le voit pas de cette façon, pas à Jolandaland. Certes, elle veut l’or et affirme: «Le jour où j’arrêterai de viser la victoire, je mettrai fin à ma carrière. » Mais elle ne veut pas la médaille d’or à tout prix. Elle veut pouvoir se dire, quand elle aura terminé, que le parcours pour y arriver en valait la peine, qu’elle était entourée des bonnes personnes et qu’elle a bien ri en chemin. Elle veut pouvoir regarder en arrière avec la certitude qu’elle referait exactement la même chose.

« Le jour où j’arrêterai de viser la victoire, je mettrai fin à ma carrière. »

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