Pixelliser Pour une pragmatique de la disparition Sophie Houdart 1 Textures du numérique. Février 2010
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L’objectif de cet article est de prendre la texture du numérique à revers en considérant comment, dans une agence d’architecture japonaise, le pixel, de concept, devient matière et objet architecturaux. Cherchant à donner forme à une « architecture immatérielle », à « effacer l’architecture », Kuma Kengo se propose, dans ses projets récents, de « pixelliser l’architecture ». « Le pixel », dit-il, « c’est une question de taille ; c’est aussi une question de support. Si le support est trop lourd, il écrase le pixel. Je veux que le pixel flotte1 ». D’un point de vue méthodologique, considérer que le pixel chez Kuma tiendrait de la métaphore serait clore le problème un peu hâtivement. Comme le montre le suivi ethnographique du travail Kengo Kuma, projet pour le FRAC de architectural en agence, pixelliser un bâtiment, Marseille, vue de la façade, effets indésirés © c’est, en fait, énormément de labeur, et les Kengo Kuma questions auxquelles Kuma a à répondre chaque jour sont éminemment techniques. Kuma, en effet, est un architecte qui construit, construit beaucoup, des maisons individuelles et des bâtiments publics : il ne s’agit donc pas d’un architecte du virtuel, qui ne construirait que dans l’espace numérique. D’après lui, il faut faire avec, faire avec la matière, la concrétude, la réalité. Mais à quelles épreuves, à quelles opérations, faut-il soumettre le matériau pour qu’il disparaisse ou soit pris pour autre chose ? Jusqu’à quel point la matière, à force de manipulations, opérations, altérations, réductions, change-t-elle de nature ? Pour répondre à ces questions, les pixels sont soumis, dans l’agence, à un certain nombre d’expérimentations, au fil desquelles ils acquièrent une certaine matérialité et certains modes d’agir. Eprouvés 1
Communication personnelle.
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