PROJET DE LOI POUR L’ACCES AU LOGEMENT ET UN URBANISME RENOVÉ (ALUR)

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PROJET DE LOI POUR L’ACCES AU LOGEMENT ET UN URBANISME RENOVÉ (ALUR) :

IL Y A LOIN DE LA COUPE AUX LEVRES ! ROBERT SPIZZICHINO, Ingénieur urbaniste, co-animateur du Front de Gauche thématique Ville-Habitat-Solidarités Urbaines


Alors, la grande loi Duflot, une vraie loi de gauche ou de la poudre aux yeux ? Au moment où ces lignes sont écrites, le projet de loi est toujours en discussion à l’Assemblée Nationale et près de 1300 amendements font l’objet de débats ; la concertation entreprise depuis le début de l’été a permis d’apporter des améliorations au projet initial ; elle a aussi permis aux lobbies les mieux organisés (ceux liés aux professions immobilières en particulier) de peser de tout leur poids sur le gouvernement pour tenter de contrer les mesures dérangeantes. Une certaine incertitude règne encore sur le contenu final de la loi, mais on peut déjà identifier les points les plus critiques et formuler un jugement sur les enjeux politiques sous-jacents. Compte tenu de l’étendue des thèmes traités qui vont de l’habitat indigne à l’urbanisme commercial (4 titres, 84 articles), nous avons sélectionné 4 d’entre eux fortement sujets à controverse pour tenter de nous forger une opinion. Nous intégrons forcément dans notre démarche deux éléments structurels de contexte qui pèsent lourdement de manière négative sur le contenu de la loi : Les difficultés des finances publiques et les choix (malheureux) faits par le gouvernement pour les réduire ainsi que les options de l’Acte III de la décentralisation.

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Revoir les rapports entre bailleurs et locataires pour favoriser l’accès à un logement digne et abordable et rendre le logement moins cher Points plutôt positifs • La reconnaissance que le logement n’est pas un bien comme un autre et qu’il doit être protégé des mécanismes marchands via des systèmes de régulation, en particulier sur les loyers • Le principe d’une garantie universelle des loyers (GUL) pour sécuriser le locatif privé et mettre fin au cautionnement et favoriser l’accès au logement des populations fragiles. Discussions en cours sur le ciblage ou l’universalité. • Le nécessaire respect d’un bail-type et d’un état des lieux type définis par décret en Conseil d’Etat • Des facilités accordées aux femmes victimes de violences conjugales pour accéder à un logement • L’utilisation possible des fonds issus du supplément de loyer de solidarité pour venir en aide aux locataires en difficulté (mais modalités incertaines) • Plusieurs améliorations techniques concernant le DALO (Droit Au Logement Opposable)

Points plutôt négatifs • Aucun progrès substantiel pour revoir les rapports bailleurs-locataires tant dans le secteur social (pas renforcement implication des locataires dans la gestion) que dans le secteur privé (ni renforcement de la prudhommie locative, ni mise à l’étude d’une juridiction spécialisée pour régler les conflits). Rien de sérieux sur le contrôle des charges. • Pas d’abrogation de la loi Boutin et de ses principales dispositions favorisant la marchandisation du logement social : Surloyers, Conventions d’Utilité Sociale, plafonds de ressources, …) • Une GUL n’intervenant qu’en 2016, avec aucune réponse immédiate aux difficultés sociales liées à la crise • Un dispositif d’encadrement des loyers dans 30 agglomérations très insuffisant pour entraîner une baisse massive des loyers

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Faciliter la construction de logements abordables de qualité

Points plutôt positifs • Reconnaissance du statut d’habitat participatif (coopératif et en auto-promotion) et prise en compte de toutes les formes d’habitat (y compris youtres et habitat léger) face à la diversité des besoins et aux impératifs écologiques • Dispositif d’aide financière aux maires bâtisseurs en Ile de France par redistribution des droits de mutation • Création de nouveaux Etablissements Publics Fonciers d’Etat et renforcement des actions des EPF locaux ; à mettre en relation avec des améliorations apportées par ailleurs par une loi ad hoc sur la mise à disposition du foncier public • Un ensemble de mesures techniques permettant de faciliter les opérations d’aménagement publiques et privées afin de générer du foncier constructible dans de bonnes conditions

Points plutôt négatifs • Aucune avancée dans le domaine du financement du logement ; lourde ponction de la collecte du livret A faite au profit des banques sans contrepartie. Poursuite des aides fiscales au logement locatif privé (le « Duflot »), sans rechercher à faire pression sur les investisseurs institutionnels ; poursuite des ponctions sur la Participation des Employeurs à l’Effort de Construction (PEEC) • Aucune avancée majeure en matière de législation et de fiscalité foncières pour décourager la spéculation et encourager la municipalisation des sols • Grand flou sur les évolutions du dispositif de gouvernance du logement social : Rattachement des Offices Publics de l’Habitat aux EPCI, création de l’Agence Nationale de Contrôle du Logement Social (ANCOLS) pour satisfaire aux exigences européennes, modalités de délégation des aides à la pierre • Pas de disposition significative pour réduire les ségrégations territoriales en matière de logement dans les métropoles, et notamment en Ile de France.

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Lutter contre l’habitat indigne et le mal logement ; satisfaire aux besoins en matière d’hébergements Points plutôt positifs • Inscription explicite de l’accompagnement des personnes défavorisées parmi les objectifs des programmes départementaux • Relation étroite avec tous les acteurs associatifs du secteur pour mieux les associer à la conduite des politiques territoriales • Accord de principe sur la dessaisonalisation de la programmation des hébergements

Points plutôt négatifs • Rien sur l’arrêt des expulsions sans relogement et la pénalisation des expulsions illégales ; rien sur l’amélioration réglementaire de la réquisition des locaux vacants. Faiblesse des mesures concernant la prévention des expulsions • Pas de traduction législative de l’instruction visant à suspendre l’expulsion des personnes reconnues prioritaires DALO jusqu’à leur relogement. • Pas de confirmation de la création d’un statut unique pour tous les établissements et services de l’accueil, de l’hébergement et de l’accompagnement des personnes sans-abri ou mal logées • Pas d’instauration d’une domiciliation unique, accessible aux personnes quelle que soit leur situation administrative, comme premier élément de l’accès aux droits. • Pas d’affirmation de la participation des personnes accueillies et accompagnées aux politiques qui les concernent via l’inscription dans la loi d’un statut juridique pour les Conseils Consultatifs des Personnes Accueillies (CCPA)

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Moderniser les documents de planification et d’urbanisme, pour « accroître l’effort de construction de logements, tout en freinant l’artificialisation des sols et en luttant contre l’étalement urbain Points plutôt positifs • Mise en évidence de la complémentarité entre densification et lutte contre l’artificialisation des sols et mesures pour freiner le mitage et limiter le « pastillage » (indication de bâtiments agricoles et d’équipements publics) • Vision volontariste de la planification nécessitant une connaissance fine des territoires, une vision globale de l’avenir, une planification stratégique renouvelée et participative qui fasse des politiques sectorielles autant d’outils et de leviers pour le développement durable des territoires. Souhait de dépasser les oppositions ruralurbain au profit d’une vision globale d’aménagement du territoire • Promotion du « SCOT intégrateur » directement compatible avec le SDAGE, les SAGE, les Chartes PNR. En l’absence de SCOT, le PLU est directement compatible avec ces documents de planification avec le SDAGE, le SAGE, Chartes PNR. Renforcement du rôle du SCOT • Concertation introduite en amont au niveau de l’élaboration des projets • Suppression des Coefficients d’Occupation des Sols (COS), qui se sont révélé un outil rigide ne permettant pas de caractériser la morphologie urbaine • Nécessité d’une étude de stratégie foncière couplée à la révision des PLU

Points plutôt négatifs • Pas d’intégration des conclusions du rapport sur l’égalité des territoires • Malgré l’intérêt de principe de la création d’un Plan Local d’Urbanisme Intercommunal (PLUI) tenant lieu à la fois de Programme Local de l’Habitat et de Plan de Déplacement Urbain – les maires conservant l’instruction des PC-, le croisement avec l’Acte III de la décentralisation risque d’aboutir à un dispositif peu efficace générateur de conflits et de dysfonctionnements sources de retards pour de nombreux projets • Rien sur le renforcement de l’ingénierie territoriale publique pour mettre en œuvre les dispositions arrêtées • Les schémas régionaux d’aménagement auraient le même profil que le SDRIF, à savoir qu’ils s’imposeraient aux SCOT. Cette disposition est source d’une planification faite de « consensus mous » peu opératoire.

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Que montrent ces quelques exemples ? Indiscutablement, il y a eu volonté de sortir d’une vision libérale de l’urbanisation et de la politique du logement fondées sur la marchandisation progressive du secteur social, la mise en compétition des territoires, la compassion à l’égard des déshérités, etc. Les intentions affirmées, même si on peut estimer qu’elles demeurent souvent remplies d’un certain flou, peuvent être considérées comme l’affirmation d’une politique de gauche. Seulement voilà, il y a loin de la coupe aux lèvres. Le dispositif législatif, tel qu’il est aujourd’hui discuté au Parlement, ne s’attaque à aucun des facteurs structurels qui génèrent le mal logement, la spéculation foncière et immobilière, la ségrégation spatiale, l’explosion des détresses sociales spatialisées. Ou aurait pu faire des analyses identiques sur les professions immobilières, les copropriétés dégradées, l’urbanisme commercial, etc. Outre le fait que la loi ALUR s’inscrit dans un contexte politique et économique global français et européen qui, de toute façon, en limite les ambitions potentielles, la multiplicité des thèmes traités et leur non hiérarchisation permettent, du fait des lobbies, de se focaliser sur quelques points de débat importants, mais non structurants , et qui constituent autant d’échappatoires aux vrais débats sur les réformes radicales qu’il faut apporter aux politiques d’urbanisme et d’habitat. Le nouveau cadre législatif nécessaire reste à construire.

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