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L'argent tel qu'il pourrait et devrait être

184 LA MONNAIE MÉTALLIQUE

la vente des marchandises destinées à la production des capitaux réels s'arrête ; ces marchandises représentent une part importante de la production, surtout quand la production s'accroît;

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3. L'augmentation de la production et le bien-être général métamorphosent les monnaies en orfèvrerie, et ce, en quantité d'autant plus importante que l'offre de marchandises augmente (1).

Chacune de ces trois causes suffit à elle seule pour provoquer une crise économique ; leur nature est telle, que si l'une d'elles se trouve contrecarrée (par des découvertes d'or assez abondantes, par exemple), les autres surgissent à sa place. L'activité économique succombe régulièrement sous le poids de l'une ou de l'autre.

Pour que la vie économique puisse s'épanouir à l'abri des crises, il faudrait, sous le régime de l'or, que l'on découvre constamment du métal jaune en quantités extraordinaires. Il faudrait extraire de l'or à un rythme tel, que malgré la consommation qu'en fait l'industrie, les prix augmentent sans cesse au moins de 5 % par an. Une hausse semblable briserait la résistance que la baisse de l'intérêt oppose à la circulation du numéraire ; elle contraindrait la monnaie à circuler. Mais une hausse générale de pareille envergure constituerait la faillite de l'étalon monétaire.

Dès lors, comment empêcher les arrêts de la vie économique ? L'explication des causes des crises économiques nous indique la condition à réaliser pour supprimer le fléau. Cette condition, la voici : Les prix ne pourront jamais baisser, quelles que soient les circonstances.

Comment réaliser cette condition ? Nous y parviendrons : 1. En séparant la monnaie de l'or, et en émettant la monnaie selon les besoins du marché ;

(1) Les Chinois ont coutume de couler en argent l'image de leurs divinités domestiques. C'est paraît-il, le moyen le plus sûr de se recommander à ces esprits protecteurs. D'autre part, le métal blanc constitue, chez les Célestes, le moyen général d'échange. On imagine sans peine les conséquences. Quand, pour une ou l'outre raison, le métal blanc afflue en Chine, son abondance favorise le commerce et l'industrie. Le commerçant qui a fait de bonnes affaires, en rend grâce au Ciel : voilà le dieu d'argent recoulé en plus grand et en plus lourd. Le métal blanc reçu en échange des marchandises, —la cause même de l'activité commerciale — disparaît à tout jamais dans le sanctuaire familial. Si par contre la pénurie de métal argent fait baisser les prix, les affaires périclitent. Le Chinois en conclut que ses pénates sont trop réduites pour assurer sa protection : il sacrifie donc le peu de métal blanc qui lui reste. Faut-il davantage pour expliquer le sommeil millénaire de la Chine ?

Les Européens n'ont nulle raison de se moquer des Chinois. Quand les affaires vont bien, l'Européen se paye une chaîne de montre en or. Cela fait riche. Quand les affaires vont mal, il achète une chaîne encore plus grosse pour inspirer plus de crédit.

Si leurs buts sont différents, l'Européen et le Chinois font la même chose. Ils scient la branche qui les supporte.

LA RÉFORME DE L'ÉMISSION 185

2. En utilisant une monnaie de papier conçue de telle façon qu'en toutes circonstances on offre de l'échanger contre des marchandises, même si l'intérêt du capital (celui de l'argent comme celui des biens réels) baisse ou disparaît.

Les moyens de réalisation sont indiqués dans la partie du présent traité relative à la monnaie franche.

13. La réforme de l'émission.

L'offre et la demande déterminent les prix. La vie économique a besoin d'un niveau stable des prix pour prospérer et pour permettre à la monnaie de rendre tous les services qu'on attend d'elle.

L'ère capitaliste (1) serait depuis longtemps révolue si, durant 3.000 ans, les crises économiques n'avaient pas contraint l'humanité à redescendre chaque fois les degrés péniblement gravis, si la misère dans laquelle les crises plongent les masses ne nous avait pas légué à tous, grands et petits, une âme de gueux. Les ouvriers n'accepteraient pas d'être traités comme ils le sont, par les patrons et par l'État, si la demande de leurs produits se maintenait sur le marché aussi régulièrement que l'offre. Nos grands propriétaires fonciers ne feraient pas état de leurs difficultés pour apitoyer l'opinion publique ; ils ne demanderaient pas aux compagnes émaciées des travailleurs de payer plus de droits sur les céréales, si l'étalon-or ne les avait pas ruinés par la chute des prix.

La faim et les dettes sont mauvaises éducatrices.

Quel niveau la science, la technique, la religion atteindraient-elles aujourd'hui, si la culture que Rome semait avec son or, un or pourtant volé et taché de sang, n'avait pas été annihilée par 500 ans de pénurie monétaire — par une véritable période glaciaire dans l'histoire économique.

Salomon put réaliser des merveilles parce que le métal à monnayer qui lui parvenait d'Ophir favorisait les échanges et la division du travail. Ses œuvres périrent dès que tarit l'afflux du métal précieux.

La baisse des prix a brisé l'élan de toutes les civilisations : le progrès implique une division du travail toujours plus poussée, ce qui équivaut à une offre sans cesse accrue.; cette offre n'engendre pas d'échanges quand la pénurie de numéraire provoque la baisse des prix.

La monnaie et la civilisation progressent et reculent ensemble. Les mercantilistes ne se trompaient pas tellement en considérant l'or

(1) Capitalisme. Situation économique dans laquelle la demande de prêts de numéraire et la demande de biens réels (de capitaux dits réels) dépassent l'offre ; ce qui donne naissance à l'intérêt.

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