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Le créancier

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proportion considérable, de cette somme, en cherchant toujours à me débarrasser le plus vite possible de mon numéraire : en payant au comptant, et même s'il le faut, en payant d'avance.

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Payer d'avance ! Au premier abord, cela semble ridicule, mais au fond, ce n'est que l'inverse des anciennes habitudes. Auparavant, la marchandise précédait, et l'argent suivait ; maintenant, d'abord l'argent, puis la marchandise. Le paiement anticipé oblige le débiteur à livrer de la marchandise, du travail — donc, des choses dont il dispose immédiatement. Le paiement retardé engage le débiteur à fournir de l'argent — donc une chose qu'il ne peut se procurer qu'indirectement. Il est donc plus avantageux et plus sûr pour les deux parties de faire précéder l'argent et de faire suivre la marchandise, que d'agir inversement comme cela s'est fait jusqu'aujourd'hui.

Payer d'avance : que faut-il de plus pour combler les travailleurs, et pour les pourvoir tous d'un fonds d'exploitation ? Si l'artisan n'avait pas dû livrer à crédit, il aurait eu bien moins de peine à se mesurer avec les trusts.

Le caissier.

À l'introduction de la monnaie franche, on nous plaignait généralement, nous, les caissiers. On nous prédisait un travail terrible, des erreurs fréquentes et considérables, et que sais-je encore. Et que dois-je dire ? En raison du manque de travail, on a commencé par réduire nos heures de prestation. Au lieu de 10 heures, je ne travaille plus que 6 heures. Ensuite le nombre des employés fut réduit, progressivement ; les plus âgés furent pensionnés, et les plus jeunes remerciés. Mais cela ne suffisait pas : la plupart des entreprises bancaires ont dû être supprimées.

Au fait, on aurait dû s'attendre à de pareilles conséquences, mais les banques étaient tellement persuadées de leur indispensabilité I Les transactions par traites et chèques, providence (Brotherren) des caissiers, ont pour ainsi dire disparu. D'après les documents de l'office monétaire, la quantité totale de la monnaie en circulation n'atteint même pas le tiers de l'émission de jadis et cela parce que la nouvelle monnaie circule trois fois plus vite que l'ancienne. À peine 1 % des anciens montants passe encore entre les mains des banquiers. La monnaie reste toujours en circulation ; sur le marché, entre les mains des acheteurs, des commerçants, des entrepreneurs. Elle va de mains en mains sans interruption ; elle n'a absolument pas le temps de s'accumuler dans les banques. La monnaie n'est plus un banc de repos, où le producteur vient reprendre haleine, se reposer des fatigues de la vente, et attendre en toute quiétude que ses besoins personnels le rappellent à l'échange du numéraire. Le banc de repos dans les échanges des marchandises est désormais la marchandise elle-même : non pas nos propres produits, mais bien entendu, ceux des autres. La monnaie chasse et pour-

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chasse son détenteur, exactement comme jadis le producteur était chassé et pourchassé par ses marchandises, jusqu'à ce qu'il eût trouvé preneur. D'où viennent les noms de « banque » et de « banquier » ? Des «bancs » sur lesquels étaient tranquillement assis les détenteurs d'argent, tandis que les possesseurs de marchandises se pressaient autour, ou couraient inquiets de-ci de-là. Aujourd'hui, grâce à l'affranchissement de la monnaie, ce sont les détenteurs d'argent qui courent, et les vendeurs de marchandises qui sont assis sur les bancs.

Et comme la monnaie est devenue très mobile, comme chacun s'empresse de payer, plus personne n'a besoin de se servir de traites ; l'argent comptant a remplacé celles-ci. Plus personne n'a besoin de provisions de monnaie : la régularité de la circulation monétaire dispense des réserves. La source a remplacé le réservoir rigide, la stagnation.

Ces réserves de monnaie menaient notre siècle à la pire folie, celle du chèque. Oui, vraiment, je le dis en tant que caissier, le chèque était le pire non-sens. La monnaie est faite pour payer. L'or passait pour le meilleur moyen de paiement imaginable ; alors, pourquoi ne l'employait-on pas dans ce but ? Pourquoi avoir introduit le chèque au lieu de l'argent comptant, alors que les pièces sonnantes et trébuchantes répondaient à toutes les prétentions, ainsi qu'on le disait à la louange de l'or ? En face de l'argent comptant, le chèque n'est, convenons-en, qu'un piètre moyen de paiement. Il est lié à diverses formalités, le paiement a lieu dans un endroit déterminé, et la garantie du paiement dépend de la solvabilité du tireur et de celle de la banque. Et voilà ce que l'on appelait le progrès. On rêvait même d'imiter un jour les Anglais, qui paient leur fiacre avec un chèque. Comme si c'était un honneur ou une faveur pour le cocher. Le chèque idéal (au moins pour qui le touche) n'est-ce pas l'argent comptant ? Ce chèque-là, on peut l'échanger dans n'importe quel magasin, dans n'importe quel hôtel ; il n'impose aucune formalité, aucun lieu de paiement et sa sécurité est hors de doute. Nous étions si fiers de notre belle monnaie d'or, nous croyions avoir atteint par elle la perfection ; nous étions tellement aveuglés que nous ne remarquions pas la contradiction qu'implique l'emploi du chèque. L'or était trop bon pour l'usage ordinaire : nous lui avons cherché un remplaçant ; c'est comme ce monsieur qui sort avec un vieux costume et un parapluie tout neuf ; il ne lui plaît pas d'ouvrir ce parapluie ; c'est pourquoi il le cache sous son veston.

On ne se gênait pas pour nous charger, nous les caissiers, de piles de chèques. Leur somme ne pouvait se calculer qu'en les classant en files interminables, en vue de les pointer et de les additionner un à un. En vérité, un travail effroyable. A côté de. cela, le compte de la monnaie n'est qu'un jeu ; on n'a qu'à compter le nombre de pièces, puisqu'elles sont toutes de même valeur.

Après cela, les chèques devaient être classés par banques, et

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être portés ensuite au débit de leur tiré respectif. Et puis, le calcul de l'intérêt. A la fin du trimestre, il fallait envoyer à chaque client un relevé mentionnant chacun des chèques. Ainsi chaque chèque était comptabilisé vingt fois. Et on appelait cela le progrès I Quel aveuglement ! Le fardeau de l'étalon-or et l'irrégularité de la circulation monétaire rendaient nécessaires les réserves bancaires, et celles-ci imposaient l'emploi du chèque ; mais au lieu de considérer tout cela comme des inconvénients de l'étalonor, on en tirait même vanité.

Et à côté des chèques, les lourds sacs d'or, d'argent, de cuivre, de nickel, et pardessus le marché la monnaie de papier ! Onze sortes de jetons monétaires : 1, 2, 5,10,20 marks ; 1, 2, 5,10, 20, 50 pfennigs ! Rien qu'en monnaie inférieure à un mark, six différentes sortes de pièces, de trois différents métaux ; des chèques par centaines ; 11 sortes de pièces et 10 sortes de billets.

Aujourd'hui avec la monnaie franche, j'ai quatre sortes de billets et je n'ai plus de chèques ; le tout est léger comme une plume, propre, toujours neuf. Jadis la caisse me prenait une heure, aujourd'hui, il ne me faut plus que quelques minutes.

On me demande comment je calcule la taxe périodique sur mon encaisse., C'est la chose la plus simple. À la fin de chaque semaine, le samedi à quatre heures, je fais la caisse, je calcule la différence d'expression monétaire en me basant sur ce que la somme actuelle représentera la semaine prochaine, et je passe cette différence aux dépenses. Dans les banques privées, ces dépenses sont considérées comme des frais généraux que l'on couvre par une réduction correspondante de l'intérêt payé pour les dépôts.

Dans les caisses de l'État la perte n'existe que de nom, puisque la chute périodique est compensée pour l'État par une émission correspondante d'argent frais.

À tout prendre, au point de vue de la technique de la caisse, je ne trouve aucun inconvénient à la monnaie franche. Et la meilleure preuve en est, que les neuf dixièmes des caissiers deviennent inutiles. Une machine qui rend le travailleur superflu ne travaille vraiment pas mal.

L'exportateur.

On avait introduit l'étalon-or, soi-disant pour faciliter le commerce international. Mais, immédiatement, l'adoption de. l'étalon-or provoqua (comme le faisait prévoir la théorie quantitative) une chute prononcée du prix de toutes les marchandises ; aussi l'appel au protectionnisme se fit-il entendre immédiatement.

Et les droits protecteurs élevèrent des murailles aux frontières, pour rendre plus pénible le commerce avec l'étranger. Qui veut la fin veut les moyens.

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