Journal du CNRS (Printemps 2014)

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LE JOURNAL

Trimestriel n° 275 HIVER 2014

De l’économie à la science :

l’héritage de 14-18

Le graphène, nouvelle star de la recherche

OUI,

le CNRS soutient les recherches sur le Jenreɋ

Les trous noirs sortent de l’ombre



ÉDITORIAL

LE JOURNAL RĂŠdaction : 3, rue Michel-Ange – 75794 Paris Cedex 16 TĂŠlĂŠphone : b E-mail : journal-du-cnrs@cnrs-dir.fr Le site Internet : https://lejournal.cnrs.fr Anciens numĂŠros : https://lejournal.cnrs.fr/numeros-papiers Directeur de la publication : Alain Fuchs Directrice de la rĂŠdaction : Brigitte Perucca Directeur adjoint de la rĂŠdaction : Fabrice ImpĂŠriali RĂŠdacteur en chef : Matthieu Ravaud Chefs de rubrique : Fabrice Demarthon, Charline Zeitoun RĂŠdacteurs : Claire DebĂ´ves, Yaroslav Pigenet Assistante de la rĂŠdaction et fabrication : Laurence Winter Ont participĂŠ Ă ce numĂŠro : StĂŠphanie Arc, Kheira Bettayeb, Julien Bourdet, Jean-Philippe Braly, Laure Cailloce, Simon CastĂŠran, 'HQLV 'HOEHFT /DXULDQQH *HÎ?UR\ Sylvain Guilbaud, Denis Guthleben, AurĂŠlie Sobocinski, Philippe Testard-Vaillant, ClĂŠmentine Wallace SecrĂŠtaire de rĂŠdaction : Isabelle Grandrieux Conception graphique : CĂŠline Hein Iconographes : Anne-Emmanuelle HĂŠry, Marie Mabrouk, Audrey Diguet, Nathalie Lambert Impression : Groupe Morault, Imprimerie de Compiègne – 2, avenue Berthelot – Zac de Mercières – BP 60524 – 60205 Compiègne Cedex Ζ661 $Ζ3 DĂŠpĂ´t lĂŠgal : Ă parution Photos CNRS disponibles Ă : phototheque@cnrs-bellevue.fr ; http://phototheque.cnrs.fr La reproduction intĂŠgrale ou partielle des textes et des illustrations doit faire obligatoirement l’objet d’une demande auprès de la rĂŠdaction.

 A

près plusieurs mois d’absence, CNRS Le journal revient. Entièrement repensĂŠ et rĂŠnovĂŠ, enrichi de plus de vingt pages, avec une maquette sobre et ĂŠlĂŠgante organisĂŠe en quatre rubriques, ce QRXYHDX SURMHW HVW SOXV DPELWLHX[ DXVVL PDLV QH VDFULČ´H ULHQ ¢ FH TXL IDLW OȇLQWÂŤUÂŹW GȇXQ PDJD]LQH GDQV OHTXHO OHV VFLHQWLČ´TXHV YRQW MH OȇHVpère, se reconnaĂŽtre : un traitement de l’information qui cherche plus ¢ ÂŤFODLUHU HW ¢ FRQWH[WXDOLVHU TXȇ¢ HQMROLYHU Cette refonte de votre magazine accompagne l’arrivĂŠe d’un nouveau mĂŠdia lancĂŠ par la direction de la communication : CNRSlejournal.fr. $YHF OD FUÂŤDWLRQ GH FH VLWH JUDWXLW Č‚ HW FRQIRUPÂŤPHQW ¢ VD PLVVLRQ GH GLÎ?XVLRQ GHV FRQQDLVVDQFHV Č‚ OH &156 VRUW GH VD UÂŤVHUYH SRXU LQYHVWLU OȇXQLYHUV GHV PÂŤGLDV QXPÂŤULTXHV /ȇREMHFWLI HVW FODLUHPHQW DÉ?FKÂŤ partager largement avec les amateurs de science, les professeurs et leurs ĂŠlèves, les ĂŠtudiants et tous les citoyens curieux, des FRQWHQXV TXH QRXV GHVWLQLRQV MXVTXH O¢ ¢ la communautĂŠ des agents du CNRS, chercheurs, ingĂŠnieurs et techniciens, ceux des labos comme ceux des bureaux. Avec ce nouveau site, le CNRS opère une petite rĂŠvolution pour toucher le plus grand nombre : tous nos contenus, articles, dossiers, billets, vidĂŠos, diaporamas et infographies pourront ĂŞtre lus, vus et commentĂŠs sur les rĂŠseaux sociaux. Parce que nous sommes conscients que les recherches sont de plus en plus pointues, que les rĂŠsultats ont besoin d’être replacĂŠs dans un ÂŤ rĂŠcit Âť qui les dĂŠpasse et les englobe, CNRS Le journal, dans sa version numĂŠrique comme dans OH PDJD]LQH YHXW DLGHU ¢ OHV GÂŤFU\SWHU (Q DOHUWH VXU OHV VFLHQFHV ĂŠmergentes, nos journaux entretiendront cette facultĂŠ d’Êmerveillement et cette curiositĂŠ qui guident les chercheurs eux-mĂŞmes, en DFFRUGDQW QRWDPPHQW XQH SODFH SUÂŤSRQGÂŤUDQWH ¢ OȇLPDJH Les citoyens d’aujourd’hui rejettent un scientisme arrogant, mais ont toujours soif de sciences ouvertes sur le monde, sur les questionnements et sur les controverses. C’est pourquoi CNRS Le journal ne se dĂŠrobera pas face aux dĂŠbats qui divisent : qu’il s’agisse du genre ou des gaz de schiste, la sociĂŠtĂŠ a besoin d’informations VFLHQWLČ´TXHV Č´DEOHV /H &156 FUÂŤGLEOH HW QRQ SDUWLVDQ DPELWLRQQH GH GRQQHU GX VHQV ¢ OD VFLHQFH

citoyens “ontLessoif de sciences ouvertes sur le monde.

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Š N. TIGET/CNRS PHOTOTHĂˆQUE

LE JOURNAL

Trimestriel n° 275 HIVER 2014

Par Brigitte Perucca,

De l’Êconomie à la science :

l’hÊritage de 14-18

Le graphène, nouvelle star de la recherche

OUI,

le CNRS soutient les recherches sur le Jenreɋ

Les trous noirs sortent de l’ombre

directrice de la communication du CNRS

En couverture, une modÊlisation numÊrique du graphène. PHOTO : PASIEKA/SPL/COSMOS

HIVER 2014 N° 275

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© CORBIS

SOMMAIRE

GRAND FORMAT

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© S. GODEFROY/CNRS PHOTOTHÈQUE

L’héritage de 14-18 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .18 Quand le laser révèle le passé. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 30 Les promesses du graphène . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36

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EN PERSONNE

Jean-Pierre Bourguignon met le cap sur Bruxelles . . . . . . . . . . . . 6 Pascale Launois, pro de la cristallo . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 8 Rachid Yazami, lauréat du prix Draper 2014 . . . . . . . . . . . . . . . . . . 10 Les maths françaises en force à Séoul . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 11 Un jour avec l’équipe de Curiosity . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12

Georges Chapoutier, le chercheur et la souris

© I. GINZBURG/CCSTI GRENOBLE/INMÉDIATS

© F. MIRABEL/ESA/NASA

EN ACTION Les trous noirs sortent de l’ombre

5

42

/D FXOWXUH VFLHQWLôTXH en pleine mutation

56

41

Les tweets et les SMS passent à la fouille. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44 L’Afrique poursuit le combat contre la méningite . . . . . . . . . . . . 45 GLWLRQ VFLHQWLȴTXHb XQ QRXYHDX FRQWUDW DYHF (OVHYLHU. . . . . . 46 Sur le chantier de la réplique de la grotte Chauvet . . . . . . . . . . 48 Mieux diagnostiquer la schizophrénie. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49 L’illusion tactile, une révolution en marche . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50 Les SHS en renfort des entreprises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52 Les cellules pDC, un nouvel eldorado pour la médecine . . . . 54

LES IDÉES

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Le genre, c’est de la science . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 58 Peut-on échapper au syndrome GH OȇLQQRYDWLRQ SHUPDQHQWHɋ" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 59 Le cancer touche aussi les écosystèmes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 60 Quelles politiques pour mieux évaluer OHV ULVTXHV OL«V ¢ OȇLQQRYDWLRQɋ" . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 61 Michel Wieviorka, un sociologue à l’ère numérique . . . . . . . . . 62

CARNET DE BORD

LA CHRONIQUE DE DENIS GUTHLEBEN

Hervé Le Goff nous raconte un souvenir de recherche . . . . . . . . 64

La cristallographie, de Platon à nos jours . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .66

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CNRS LE JOURNAL


EN PERSONNE

: Û˄Á â§Û˄ × Â ªÛ Û˄ ˄»ʯ§É ç×˄ɼ˄: ˄ Ô × Éç×Û˄ ʯç ˄ תÛâ »»É¡× Ô§ ˄ɼ˄eÂ˄µÉç×˄ ò ˄»ʯ ÖçªÔ ˄ ˄ çתÉÛªâù˄ɼ˄" Éס Û˄ Chapouthier, le chercheur et la souris ILLUSTRATION : S. ROY-COLAGENE.COM, POUR CNRS LE JOURNAL

HIVER 2014 N° 275

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EN PERSONNE

Le mathĂŠmaticien

Jean-Pierre Bourguignon met le cap sur Bruxelles PAR JEAN-PHILIPPE BRALY

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in dĂŠcembre 2013, Stanford. Depuis la cĂŠlèbre universitĂŠ californienne oĂš il donne une sĂŠrie de confĂŠrences, Jean-Pierre Bourguignon jongle entre le tĂŠlĂŠphone et un dĂŠluge de courriels envoyĂŠs des quatre coins du monde. Objet de toute cette agitation : sa nomination Ă la tĂŞte du Conseil europĂŠen de la recherche (ERC), OȇDJHQFH EUX[HOORLVH GH Č´QDQFHPHQW GH OD UHFKHUFKH ‚ bDQV FȇHVW GRQF XQ PDWKÂŤPDWLFLHQ IUDQŠDLV TXL VXFcède Ă la sociologue autrichienne Helga Nowotny : ÂŤ Je me rĂŠjouis de cet excellent choix, a rĂŠagi cette dernière. Avec VRQ SURČ´O DFDGÂŤPLTXH LQWHUQDWLRQDO et de grand renom, le professeur Jean-Pierre Bourguignon sera en mesure de poursuivre le travail accompli jusqu’à prĂŠsent. Âť CrĂŠĂŠ en 2007, l’ERC comptabilise DXMRXUGȇKXL SOXV GH É‹ bFDQGLGDWXUHV UHŠXHV SRXU É‹ bSURMHWV UHWHnus, huit Prix Nobel et trois mĂŠdaillĂŠs )LHOGV SDUPL OHV FKHUFKHXUV Č´QDQFÂŤVČ? HW GHV FLWDWLRQV GDQV É‹ bSXblications de revues prestigieuses. La stratĂŠgie de l’agence est clairement DÉ?FKÂŤH OD TXDOLWÂŤ GHV SURMHWV ÂŤWDQW le principal critère de sĂŠlec tion, les chercheurs peuvent proposer ce qu’ils souhaitent, et notamment des projets permettant d’explorer de nouveaux champs. C’est donc d’une DJHQFH HQ SOHLQ HVVRU IRUWH GH SUÂŞV GH bHPSOR\ÂŤV et d’un budget annuel de 1,7 milliard d’euros, dont ÂŤ hĂŠrite Âť le nouveau prĂŠsident de l’ERC.

Nomination. Ancien directeur de l’Institut des hautes WXGHV VFLHQWLȴTXHV (IHÉS), Jean-Pierre Bourguignon vient d’être nommÊ prÊsident du Conseil europÊen de la recherche (ERC).

6SÂŤFLDOLVWH GH JÂŤRPÂŤWULH GLÎ?ÂŤUHQWLHOOH IngĂŠnieur de l’École polytechnique et docteur en mathĂŠmatiques, Jean-Pierre Bourguignon dĂŠmarre sa carrière HQ DX &156Č? TXȇLO QH TXLWWHUD SOXVb ÂŤ Grâce Ă cet HPSORL VWDEOH GÂŤFURFKÂŤ ¢ Oȇ¤JH GH bDQV MȇDL SX WRXW GH VXLWH PȇDWWHOHU ¢ GHV TXHVWLRQV VFLHQWLČ´TXHV GLÉ?FLOHV SOXtĂ´t que de devoir courir d’un job Ă l’autre. Âť Autre annĂŠe marquante : 1972, qu’il passe aux États-Unis. m (Q )UDQFH je n’Êtais pas considĂŠrĂŠ comme un vrai mathĂŠmaticien, car je ne faisais pas de gĂŠomĂŠtrie algĂŠbrique ni de thĂŠorie des nombres, raconte-t-il. Alors qu’aux États-Unis, de grands mathĂŠmaticiens se sont intĂŠressĂŠs Ă mes 6

CNRS LE JOURNAL

travaux. Âť &HWWH FRQČ´DQFH FRQWULEXHUD V½UHPHQW ¢ VRQ VWDWXW DFWXHO GH JUDQG VSÂŤFLDOLVWH GH JÂŤRPÂŤWULH GLÎ?ÂŤUHQtielle. Jean-Pierre Bourguignon s’installera deux autres fois Ă l’Êtranger : Ă Bonn, en Allemagne, en 1976-1977, avant de se voir attribuer la mĂŠdaille de bronze du CNRS, puis en 1980, aux États-Unis, Ă Princeton et Ă Stanford. Globe-trotter des mathĂŠmatiques C’est alors qu’il est ĂŠlu prĂŠsident de la Commission de mathĂŠmatiques du ComitĂŠ national du CNRS, Ă tout juste bDQV ÂŤ Je devais dĂŠfendre les maths face Ă d’autres disciplines reprĂŠsentĂŠes par des acadĂŠmiciens quinTXDJÂŤQDLUHVČ? &H IXW WUÂŞV IRUPDWHXUÉ‹ } se souvient-il. Cette expĂŠrience rĂŠussie lui ouvrira les portes de nombreux DXWUHV SRVWHV ¢ UHVSRQVDELOLWÂŤV DX Č´O GH VD FDUULÂŞUH SUÂŤ VLGHQFHV GHV 6RFLÂŤWÂŤV PDWKÂŤPDWLTXHV IUDQŠDLVH et europĂŠenne, du ComitĂŠ d’Êthique du CNRS, participation ¢ OD FUÂŤDWLRQ GH OȇRUJDQLVDWLRQ GH VFLHQWLČ´TXHV (XUR6FLHQFH ¢ GH QRPEUHX[ FRQVHLOV GX &156 VFLHQWLČ´TXH SROLWLTXH europĂŠenne et internationale)‌ Puis, dès 1986 (et durant YLQJW VL[ DQV LO HQVHLJQHUD ¢ Oȇ‹FROH SRO\WHFKQLTXHb m J’y ai ĂŠtĂŠ le tuteur de nombreux ĂŠlèves venus de Chine, pays TXH MȇDL GÂŤM¢ YLVLWÂŤ bIRLV GHSXLV HW MȇDL GHV FRQWDFWV rĂŠguliers avec diverses institutions lĂ -bas. Âť (Q LO UHŠRLW OH SUL[ 3DXO /DQJHYLQ GH Oȇ$FDGÂŤPLH des sciences de Paris. Mais l’autre grand tournant de sa carrière aura lieu en 1994 : il est nommĂŠ directeur de OȇΖQVWLWXW GHV KDXWHV ÂŤWXGHV VFLHQWLČ´TXHV SRVWH TXȇLO QH TXLWWHUD TXȇHQ XQ UHFRUG GH ORQJÂŤYLWÂŤÉ‹ %DVÂŤ GDQV l’Essonne, l’IHÉS se veut l’homologue europĂŠen du cĂŠlèbre

6RQ SDUFRXUV HQ GDWHV 1947 NaÎt à Lyon 1969 Entre au CNRS 1994 Devient directeur de l’Institut GHV KDXWHV WXGHV VFLHQWLȴTXHV 2007 Est nommÊ à la prÊsidence GX &RPLW GȇWKLTXH GX &156 2014 Devient prÊsident du Conseil europÊen de la recherche


EN PERSONNE

Comment il voit ses nouvelles responsabilitĂŠs 4XHOOH HVW YRWUH PLVVLRQ SUHPLÂŞUH ¢ OD WÂŹWH GH Oȇ(5&É‹" -HDQ 3LHUUH %RXUJXLJQRQ Les moyens Č´QDQFLHUV HW PDWÂŤULHOV VRQW GÂŤM¢ DFTXLV HW substantiels pour la pĂŠriode 2014-2020. Ainsi, ma première tâche consiste surtout ¢ PȇDVVXUHU TXH OH IDQWDVWLTXH VXFFÂŞV GH Oȇ(5& VH SRXUVXLYH VXU OH SODQ GH OD TXDOLWÂŤ VFLHQWLČ´TXH -H YHLOOHUDL QRWDPPHQW ¢ FH TXH OHV PHLOOHXUV FKHUFKHXUV HXURSÂŤHQV continuent Ă candidater pour obtenir nos Č´QDQFHPHQWV DYHF XQH DWWHQWLRQ WRXWH SDUWLFXOLÂŞUH DX FRPEOHPHQW GX GÂŤČ´FLW DFWXHO GH FDQGLGDWXUHV IÂŤPLQLQHV

Š M. SABAH

&RPPHQW YR\H] YRXV YRWUH IRQFWLRQ GH SUÂŤVLGHQWÉ‹"

Institute for Advanced Study de Princeton. ImmĂŠdiatement, JeanPierre Bourguignon se montre très RÎ?HQVLI SRXU \ DWWLUHU OHV PHLOOHXUV chercheurs : rĂŠnovation des infrastructures, lancement de collaborations europĂŠennes et surtout crĂŠation d’un vĂŠritable savoir-faire pour collecter des fonds aux quatre coins du monde. m -ȇDL G½ SDVVHU SOXV GH É‹ bIRLV SDU 5RLVV\É‹ } lance l’ancien directeur sans frontières, que le physicien Nikita Nekrasov dĂŠcrit comme ÂŤ un phĂŠnomène quantique : beaucoup d’Ênergie et d’impulsion, et complètement dĂŠlocalisĂŠ Âť. En 1997, son dynamisme est rĂŠcompensĂŠ par le prix du Rayonnement franŠDLV SRXU OHV VFLHQFHV SK\VLTXHV HW PDWKÂŤPDWLTXHV Cette rĂŠussite Ă la tĂŞte de l’IHÉS aura donc sans doute beaucoup pesĂŠ dans la balance face aux trente autres candidats en lice pour prĂŠsider l’ERC. Pour Michèle Leduc, qui lui a succĂŠdĂŠ en 2011 Ă la prĂŠsidence du ComitĂŠ d’Êthique du CNRS, ÂŤ cette nomination est une excellente QRXYHOOH OH SUHVWLJH GH FH VFLHQWLČ´TXH GH WUÂŞV KDXW YRO ses jugements rigoureux et son respect des valeurs ĂŠthiques vont encore renforcer et amĂŠliorer l’ERC Âť. II

“

En entrant au CNRS Ă 21 ans, j’ai pu tout de suite m’atteler Ă des questions scientiďŹ ques difficiles.

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- 3 % Je vois dans ce poste une responVDELOLWÂŤ ¢ ORQJ WHUPH SRXU LGHQWLČ´HU OHV ĂŠvolutions possibles et imaginer une orgaQLVDWLRQ IXWXUH GH OD UHFKHUFKH ¢ OȇFKHOOH HXURSÂŤHQQH -H VRXKDLWHUDLV TXH SXLVVHQW VȇHQJDJHU GHV GLVFXVVLRQV VXU FH VXMHW DYHF OHV VWUXFWXUHV QDWLRQDOHV TXL Č´QDQFHQW la recherche et emploient les chercheurs. 2Q QH SHXW SDV FRXULU OH ULVTXH GH SHUGUH une gĂŠnĂŠration de chercheurs en Europe.

(Q TXRL OD IRQFWLRQ GX SUÂŤVLGHQW GH Oȇ(5& D W HOOH ÂŤYROXÂŤÉ‹" - 3 % Par rapport Ă mes prĂŠdĂŠcesVHXUV MH UHPSOLV ¢ OD IRLV OH SRVWH GH chairman du conseil et de secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral HQ LQWHUIDFH DYHF OȇDJHQFH H[ÂŤFXWLYH GH Oȇ(5& HW MH YDLV ÂŹWUH FRQVHLOOHU VSÂŤFLDO GH la commissaire europĂŠenne et rĂŠsider Ă %UX[HOOHV &HWWH QRXYHOOH RUJDQLVDWLRQ LQGLTXH TXH Oȇ(5& IDLW YUDLPHQW SDUWLH LQtĂŠgrante de la stratĂŠgie globale de la Commission europĂŠenne en matière de recherche : il est un des piliers du programme Horizon 2020. Il demeure indisSHQVDEOH TXH OH &RQVHLO VFLHQWLČ´TXH GH l’ERC, et donc son prĂŠsident, garde toute l’indĂŠpendance de dĂŠcision nĂŠcessaire.

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EN PERSONNE

Pascale Launois,

pro de la cristallo CRISTALLOGRAPHIE

Science qui ĂŠtudie l’organisation des atomes dans la matière pour en comprendre et en utiliser les propriĂŠtĂŠs.

J’avais envie d’une physique qui se pratique Ă ĂŠchelle humaine. Âť C’est pour cette raison que Pascale Launois s’est tournĂŠe, dans les DQQÂŤHVb YHUV OD SK\VLTXH GHV VROLGHV HW la É‹FULVWDOORJUDSKLH É‹ Et qu’on la retrouve aujourd’hui très engagĂŠe dans l’AnnĂŠe internationale qui vient de dĂŠmarrer, consacrĂŠe Ă cette GHUQLÂŞUH GLVFLSOLQH ‚ bDQV GLUHFWULFH GH UHFKHU FKH DXb&156 HOOH FRGLULJH XQH ÂŤTXLSH d’une trentaine de personnes au Laboratoire GH SK\VLTXH GHV VROLGHV /36 1, Ă Orsay. D’une discipline Ă l’autre m $SUÂŞV XQb'($ GH SK\VLTXH WKÂŤRULTXH FHQWUÂŤ sur la physique des particules, j’ai rĂŠalisĂŠ que les expĂŠriences engagent tellement de monde qu’il PH VHUDLW GLÉ?FLOH GȇHQ DYRLU XQH YLVLRQ JOREDOH FRQČ´H W HOOH Je me suis donc tournĂŠe vers la phyVLTXH GHV VROLGHV 1RV H[SÂŤULHQFHV VH IRQW DYHF quelques personnes, et nous pouvons, sans ĂŞtre thĂŠoriciens, interprĂŠter nos rĂŠsultats de manière DSSURIRQGLH } Pascale Launois achève sa thèse HQb DX /DERUDWRLUH /ÂŤRQ %ULOORXLQ //% 2 , ¢ 6DFOD\ TXȇHOOH LQWÂŞJUH FRPPH FKHUFKHXVH DXb &156 TXHOTXHV PRLV SOXV WDUG 6HV SUHPLHUV travaux et sa thèse seront rĂŠcompensĂŠs par la PÂŤGDLOOH GH EURQ]H GX &156 HQb &ȇHVW ORUV GȇXQ VWDJH SRVWGRFWRUDO DXb/36 RÂť HOOH HVW PDLQWHQDQW LQVWDOOÂŤH GHSXLV TXȇHOOH FRPPHQFH Ă s’intĂŠresser Ă la cristallographie et aux quasicristaux, une nouvelle organisation de la matière condensĂŠe, dans laquelle les atomes sont RUGRQQÂŤV PDLV ¢ OD GLÎ?ÂŤUHQFH GHV FULVWDX[ GH manière non pĂŠriodique. ÂŤ Ă€ vrai dire, je ne suis pas cristallographe au sens strict : je n’ai jamais suivi de cours de cristallographie ni dĂŠterminĂŠ une structure cristalline. Mais je me suis intĂŠressĂŠe aux outils de la cristallographie pour ĂŠtudier la structure de la matière, ordonnĂŠe ou dĂŠsordonnĂŠe, et les relations entre structure, organisation et propriĂŠtĂŠs physiques Âť, explique-t-elle, avant d’ajouter avec enthousiasme : ÂŤ Au laboratoire, nous avons le plus grand SDUF GH GLÎ?UDFWRPÂŞWUHV ¢ UD\RQVb; GH )UDQFH } Après les quasi-cristaux, la chercheuse s’est WRXUQÂŤH YHUV OHV IXOOHUÂŞQHV GHV DVVHPEODJHV

CNRS LE JOURNAL

de carbone qui ressemblent à des ballons de IRRWEDOO 3XLV GHSXLV XQH GRX]DLQH GȇDQQHV vers les nanotubes de carbone, des tuyaux XOWUD ȴQV DX[ SURSULWV PXOWLSOHV m 'HSXLV WURLV DQV MȇWXGLH OȇHDX FRQȴQH GDQV FHV QDQRWXEHV indique-t-elle. (OOH SHXW \ JOLVVHU VDQV IURWWHment, ce qui pourrait avoir des applications pour la dÊsalinisation de l’eau.  Avec son Êquipe de recherche, elle travaille Êgalement sur les imogolites, des nanotubes à EDVH GH JHUPDQLXP RX GH VLOLFLXP HW GȇDOXPLnium qui, contrairement aux nanotubes de carbone, existent dans la nature, dans les sols volcaniques.  Ils sont dotÊs de propriÊtÊs

Š ILLUTSRATION : D. VIGNAUX-COLAGENE.COM, D’APRĂˆS PHOTOS : C. FRESILLON/CNRS PHOTOTHEQUE ; J. SEE/CNRS PHOTOTHEQUE ; A. LOISEAU/CNRS PHOTOTHEQUE ; P. PIERANSKI/LPS/CNRS PHOTOTHEQUE

PAR DENIS DELBECQ


La goĂťt de la transmission AnimĂŠe par la passion de transmettre, la chercheuse consacre beaucoup d’Ênergie Ă l’organiVDWLRQ FÂśWÂŤ IUDQŠDLV GH Oȇ$QQÂŤH LQWHUQDWLRQDOH GH la cristallographie. Elle en gère le site Web, avec OȇDLGH GȇXQ FROOÂŞJXH GX &156 0DUF %ODQFKDUG GH l’IMPMC3 ¢ 3DULV HW VȇHVW PÂŹPH PLVH ¢ mbWZHHWHUb} pour l’occasion : m 1RXV YRXORQV PRQWUHU DX[ ÂŤWXdiants et au grand public la richesse et la diversitĂŠ de notre science et comme elle est vivante. Âť En ce moment, elle prĂŠpare par ailleurs, ÂŤ un SHX SDU IÂŤPLQLVPH } SODLVDQWH W HOOH XQH FRQIÂŤUHQFH GH YXOJDULVDWLRQ VXU 5RVDOLQG )UDQNOLQ ÂŤ cette chercheuse britannique qui a grandement contribuĂŠ Ă la dĂŠcouverte de la structure de Oȇ$'1 } Également très impliquĂŠe avec ses ĂŠtudiants, m 3DVFDOH /DXQRLV GÂŤIHQG VRQ ÂŤTXLSH HW sait toujours se rendre disponible, UDFRQWH (UZDQ 3DLQHDX GHYHQX FKDUJÂŤ GH UHFKHUFKH DX /36 après trois annĂŠes de postdoctorat, dont deux passĂŠes Ă ses cĂ´tĂŠs. 3DUIRLV RQ DXUDLW HQYLH GH OXL dire de prendre plus de temps pour elle. Âť La chercheuse ne cède pourtant pas sur ses passions : karatĂŠ, randonnĂŠes, voyages lointains et lectures. Ainsi, il y a trois ans, elle est partie en )LQODQGH DYHF VRQ PDUL HW OȇXQH GH VHV GHX[ Č´OOHVb m 1RXV DYRQV FDPSÂŤ XQH QXLW SDU Č‚b r& MȇHQ DL gardĂŠ un souvenir extraordinaire. J’ai toujours eu XQH YÂŤULWDEOH IDVFLQDWLRQ SRXU OH *UDQG 1RUG } Une attirance que l’on retrouve dans son goĂťt pour les polars de l’Islandais Arnaldur Indridason, TXL IRQW SDUWLH GH VHV OLYUHV GH FKHYHW II 1. UnitĂŠ CNRS/Univ. Paris-Sud. 2. UnitĂŠ CNRS/CEA. 3. Institut de minĂŠralogie, de physique des matĂŠriaux et de cosmochimie (CNRS/UPMC/IRD/MNHN).

L

ors du Conseil des ministres du 26 fĂŠvrier, Alain Fuchs a ĂŠtĂŠ nommĂŠ prĂŠsident du CNRS pour un second mandat de quatre ans. Ce chimiste a consacrĂŠ ses travaux de recherche Ă la modĂŠlisation et Ă la simulation molĂŠculaire des ĂľXLGHV FRQĂ´QŠV ,O D ŠWŠ SURIHVVHXU Ă l’universitĂŠ Pierre-et-Marie-Curie et directeur de recherche au CNRS. Jusqu’en 2010, il a dirigĂŠ l’École nationale supĂŠrieure de FKLPLH GH 3DULV ,O D ŠJDOHPHQW IRQGŠ le Laboratoire de chimie physique d’Orsay. Chevalier des Palmes acadĂŠmiques, il a ĂŠtĂŠ nommĂŠ chevalier de la LĂŠgion d’honneur. Durant son premier mandat, Alain Fuchs a rapprochĂŠ le CNRS des universitĂŠs et des grandes ĂŠcoles pour concevoir une politique de recherche commune et participer Ă l’Êmergence des grands

sites universitaires de demain ; il a ĂŠgalement fortement positionnĂŠ l’organisme comme un acteur incontournable du programme des ,QYHVWLVVHPHQWV GĂ—DYHQLU 3RXU FHWWH nouvelle mandature, Alain Fuchs s’est donnĂŠ trois principaux objectifs : renforcer la prĂŠsence et la visibilitĂŠ de la recherche française Ă l’international, crĂŠer les conditions du renouvellement des thĂŠmatiques de recherche via l’interdisciplinaritĂŠ, promouvoir et renforcer le transfert des rĂŠsultats de la recherche. Très respectueux de la FRQĂ´DQFH TXH OD VRFLŠWŠ SRUWH DX &156 Alain Fuchs souhaite conforter la pĂŠrennitĂŠ d’une institution dont les valeurs sont reconnues par le grand public : la recherche fondamentale dĂŠsintĂŠressĂŠe au service de l’accroissement des connaissances et de la prospĂŠritĂŠ du pays.

Ă€ lȇaÉ?che

'eSuis le 6bManYier, 0arie +ÂŤlÂŞne %eauYais est Girectrice Ge caEinet Gu SrÂŤsiGent Gu CNRS, $lain )uchs. $uSaraYant Girectrice GÂŤlÂŤJuÂŤe Ge la communication Gu CNRS, elle a ÂŤtÂŤ enb2012 charJÂŤe Ge mission au sein Gu caEinet Ge la ministre Ge la Recherche *eneYiÂŞYe )ioraso.

/e laEoratoire Ceisam, GiriJÂŤ Sar %runo %uMoli, a reŠu en ManYier le troShÂŤe InSi Ge lȇinnoYation 2013. Ce laEoratoire Ge chimie molÂŤculaire est ¢ lȇoriJine Gu GÂŤSÂśt Ge Tuator]e Iamilles Ge EreYets et Ge la crÂŤation Ge trois entreSrises.

Š J.-F. DARS/CNRS PHOTOTHĂˆQUE

DQWL V WDWLTXHV Č‚bTXL DYDLHQW ÂŤWÂŤ WUÂŞV ÂŤWXGLÂŤHV SDU .RGDN SRXU OHV SHOOLFXOHV SKRWRbČ‚ SHXYHQW piĂŠger des mĂŠtaux lourds dans les sols, et pourraient stocker de l’eau, prĂŠcise Pascale Launois. $YHF OȇTXLSH GH 6WÂŤSKDQH 5ROV GH OȇΖQVWLWXW Laue-Langevin, Ă Grenoble, nous ĂŠtudions, HQWUH DXWUHV OD VWUXFWXUH GH OȇHDX FRQČ´QÂŤH GDQV ces nanotubes, la manière dont elle y pĂŠnètre et leur dynamique. Âť

reconduit Ă la prĂŠsidence du CNRS RS

Š LABORATOIRE CEISAM

5HWURXYH] 3DVFDOH /DXQRLV VXU 7ZLWWHU @PascaleLaunois

Alain Fuchs

Š DÉLÉGATION PMA

Le site de l’AnnÊe de la cristallographie www.aicr2014.fr

Š ILLUSTRATION : FALLING WALLS FOUNDATION

EN PERSONNE

4uator]e scientiČ´Tues Gu CNRS, Gont .atell %erthelot, Iont Sartie Ges laurÂŤatsb2013 Ges ConsoliGator *rants, ce Tui en Iait lȇorJanisme le Slus rÂŤcomSensÂŤ Sar lȇ(RC lors Ge cet aSSel, et mÂŹme lors Gu eb3CR' Gans son ensemEle. HIVER 2014 N° 275


EN PERSONNE

250

articles publiés dans des revues à comité de lecture, chapitres de livres et comptes rendus consacrés aux batteries rechargeables, à leurs composants et leurs performances

500 000 $ le montant qu’il partagera avec ses corécipiendaires du prix Draper 2014, les Japonais Akira Yoshino et Yoshio Nishi et l’Américain John Goodenough

29 ans

7

de carrière au CNRS

distinctions VFLHQWLôTXHV internationales décernées depuis 1999

Dont

16

Dont

2

comme directeur de recherche

lauréat du prix Draper 2014

En détachement à la Nanyang Technological University de Singapour, ce directeur de recherche au CNRS vient de se voir décerner le prix Charles Stark Draper 2014 par la National Academy of Engineering. Considérée comme le prix Nobel des ingénieurs, cette distinction récompense notamment son invention en 1980 des anodes lithium-graphite. Celles-ci permettront plus tard la fabrication des batteries rechargeables lithium-ion que l’on retrouve aujourd’hui dans la plupart des téléphones et autres appareils nomades. PAR YAROSLAV PIGENET

6RXUFHV 1DWLRQDO $FDGHP\ RI (QJLQHHULQJɋ :RUOG ΖQWHOOHFWXDO 3URSHUW\ $VVRFLDWLRQɋ 2ɝFH HXURS«HQ GHV EUHYHWVɋ *RRJOH 6FKRODUɋ &156

10

CNRS LE JOURNAL

Plus de

50

Dont

familles de brevets déposés comme inventeur ou co-inventeur dans le domaine des batteries

37

pour le CNRS

15

milliards de $ de chiffre d’affaires annuel pour le marché des batteries lithium-ion

© TERRAN TANG/NAE

Rachid Yazami,

remises par la Nasa


EN PERSONNE

Les maths françaises en force à SÊoul /b

e prochain Congrès international des mathĂŠmaticiens (ICM), qui se tiendra Ă SĂŠoul du 13 au 21 aoĂťt, a choisi des Français pour donner trois des vingt et unes très prisĂŠes confĂŠrences SOÂŤQLÂŞUHV -HDQ )UDQŠRLV /Hb*DOO )UDQN 0HUOH HW BenoĂŽt Perthame. Ce rendez-vous incontournable de milliers de chercheurs s’annonce donc comme un très bon cru pour la France, d’autant que, parmi les orateurs des sessions thĂŠmatiques, près d’un sur cinq est rattachĂŠ Ă l’Êcole française, et notamment au CNRS. Cette dĂŠlĂŠJDWLRQ GH b FRQIÂŤUHQFLHUV SOÂŤQLHUV HW b GDQV OHV VHVVLRQV WKÂŤPDWLTXHV OD SOXV

nombreuse après celle des États-Unis, illustre la vitalitĂŠ de la recherche tricolore dans cette discipline. Quant aux futurs laurĂŠats des mĂŠdailles Fields, souvent considĂŠrĂŠes comme les prix Nobel des mathĂŠmatiques et toujours dĂŠcernĂŠes au dĂŠbut du Congrès, le suspense reste entier. Seuls les mathĂŠmaticiens de moins GH bDQV RUDWHXUV RX QRQ ¢ OȇΖ&0 VRQW HQ OLFH De deux Ă quatre mĂŠdailles sont attribuĂŠes Ă chaque ĂŠdition du Congrès, qui se tient tous les quatre ans seulement. En 2010, la France avait ĂŠtĂŠ honorĂŠe par celles de CĂŠdric Villani et de NgĂ´ BĂĄo Châu. II

PAR CHARLINE ZEITOUN

FRANK MERLE 51 ANS

SpĂŠcialiste des ĂŠquations aux dĂŠrivĂŠes partielles, il mène des travaux d’un fort impact sur la rĂŠsolution des problèmes ondulatoires en physique. Professeur au Laboratoire analyse, gĂŠomĂŠtrie, modĂŠlisation2 et Ă l’Institut des hautes ĂŠtudes scientiČ´ques, il a reçu en 2005 la mĂŠdaille d’argent du CNRS et le BĂ´cher Memorial Prize of the American Mathematical Society. ÂŤ Très honorĂŠ Âť d’avoir ĂŠtĂŠ choisi pour une confĂŠrence plĂŠnière, il est ravi de ÂŤ s’adresser Ă l’ensemble de la communautĂŠ des mathĂŠmaticiens Âť, et non aux seuls spĂŠcialistes de son domaine, ÂŤ ce qui relève en soi d’une certaine forme de vulgarisation scientiČ´que Âť.

Š ILLUSTRATION : S. JARNOT - D’APRĂˆS PHOTOS : B. RAJAU/CNRS PHOTOTHĂˆQUE, DR

JEAN-FRANÇOIS LE GALL 54 ANS

Probabiliste, passionnĂŠ par le mouvement brownien (connu pour dĂŠcrire le dĂŠplacement erratique d’une particule dans un Čľuide , il est professeur au Laboratoire de mathĂŠmatiques d’Orsay1. LaurĂŠat du prix Loève en 1997, mĂŠdaillĂŠ d’argent du CNRS en 2009, il est ÂŤ très heureux d’avoir la chance de parler de ses travaux Ă une si vaste audience lors de l’ICM Âť. Ses pronostics pour la mĂŠdaille )ieldsÉ‹" ÂŤ Les statistiques semblent favorables Ă mes compatriotes : six chercheurs français ont ĂŠtĂŠ laurĂŠats lors des cinq dernières ĂŠditions. Âť

BENOĂŽT PERTHAME 54 ANS

Il se consacre aux mathĂŠmatiques appliquĂŠes, en particulier aux mĂŠthodes utilisables en biologie, pour modĂŠliser par exemple le dĂŠveloppement des tumeurs et leur traitement, ou l’Êvolution darwinienne. Directeur du Laboratoire Jacques-Louis-Lions3, professeur Ă l’UPMC, il a reçu la mĂŠdaille d’argent du CNRS en 1994 et le prix *.bSacchi Landriani en 1997. ÂŤ Donner cette confĂŠrence plĂŠnière Ă l’ICM est une reconnaissance au niveau international qui me donne envie, plus que jamais, de m’investir avec mes collaborateurs dans nos recherches. Âť

1. UnitÊ CNRS/Univ. Paris-Sud. 2. UnitÊ CNRS/Univ. de Cergy-Pontoise. 3. UnitÊ CNRS/UPMC/Univ. Paris-Diderot. HIVER 2014 N° 275

11


EN PERSONNE

l’équipe de Curiosity Astrophysique. Reportage au Fimoc, à Toulouse, l’un des centres de contrôle du rover martien Curiosity. /HV VFLHQWLȴTXHV \ UH©RLYHQW les données recueillies par les instruments SAM GC et ChemCam et y élaborent OHV LQVWUXFWLRQV TXL OHXU seront envoyées. PAR SIMON CASTÉRAN

ɋ+ DÉBUT DE JOURNÉE AU FIMOC 6L FHUWDLQV VRQJHQW G«M¢ ¢ OD ȴQ GH MRXUQ«H FH QȇHVW SDV OH FDV GH OD GL]DLQH GȇLQJ«QLHXUV HW GH FKHUFKHXUV GX )LPRF OH FHQWUH GȇRS«UDWLRQ GHV LQVWUXPHQWV IUDQ©DLV GH OD PLVVLRQ 0DUV 6FLHQFH /DERUDWRU\ 06/ LQVWDOO« DX &QHV ¢ 7RXORXVH (W SRXU FDXVH m &RPPH QRXV WUDYDLOORQV HQ SDUWHQDULDW DYHF OH -HW 3URSXOVLRQ /DERUDWRU\ -3/ GH 3DVDGHQD HQ &DOLIRUQLH WRXWH Oȇ«TXLSH HVW ¢ OȇKHXUH DP«ULFDLQHɋ LQGLTXH OH SODQ«WRORJXH 2OLYLHU )RUQL GH OȇΖQVWLWXW GH UHFKHUFKH HQ DVWURSK\VLTXH HW SODQ«WRORJLH ΖUDS WRXW SURFKH GX &QHV /ȇDYDQWDJH FȇHVW TXH ORUVTXȇLO HVW KHXUHV GX PDWLQ ¢ 3DVDGHQD FȇHVW G«M¢ OȇDSUªV PLGL ¢ 7RXORXVH 1RXV SRXYRQV GRQF FRPPHQFHU ¢ WUDYDLOOHU VXU OHV GRQQ«HV DYDQW OH G«EXW GH OD MRXUQ«H RɝFLHOOH } OHXU DUULY«H OHV VFLHQWLȴTXHV G«FRX Y UHQW OHV LQIRUPDWLRQV TXH &XULRVLW\ D HQYR\«HV DX[ VDWHOOLWHV 052 HW 2G\VVH\ HQ RUELWH DXWRXU GH 0DUV DX FRXUV GH OHXUV GHX[ ¢ WURLV SDVVDJHV TXRWLGLHQV DX GHVVXV GX URYHU TXȇLOV RQW HQVXLWH UHQYR\«HV HQ GLUHFWLRQ GH OD 7HUUH $X )LPRF FKDTXH MRXUQ«H FRPPHQFH SDU XQ EULHȴQJ GH VDQW« m 2Q FKHUFKH QRWDPPHQW ¢ VDYRLU VL OHV LQVWUXPHQWV 1. Unité CNRS/UPMC/UVSQ.

12

CNRS /( -2851$/

Le rover Curiosity (ici à l’écran) envoie des informations quotidiennes sur la planète 0DUV DX[ VFLHQWLôTXHV GX )LPRF

RQW IRQFWLRQQ« QRUPDOHPHQW RX VL XQH DFWLYLW« QȇD SDV GXU« SOXV ORQJWHPSV TXH SU«YX } H[SOLTXH &KDUOHV <DQD OȇXQ GHV LQJ«QLHXUV UHVSRQVDEOHV GHV RS«UDWLRQV SRXU &KHP&DP ɋ+ ANALYSE DES DONNÉES RECUEILLIES /HV VFLHQWLȴTXHV U«XQLV HQ JURXSHV WK«PDWLTXHV PLQ«UDORJLH J«RORJLH HQYLURQQHPHQW PDUWLHQ FRPPHQFHQW ¢ WUDYDLOOHU VXU OHV GRQQ«HV UH©XHV HQ IRQFWLRQ GHV SDQRUDPDV SKRWRJUDSKLTXHV DFTXLV OD YHLOOH RX TXHOTXHV MRXUV DXSDUDYDQW LOV LGHQWLȴHQW OHV URFKHV VXU OHVTXHOOHV LO VHUD OH SOXV LQW«UHVVDQW GH WLUHU DYHF OH ODVHU GH &KHP&DP /HV U«VXOWDWV UHFXHLOOLV SDU OHV DXWUHV LQVWUXPHQWV FRPPH 6$0b*& TXL DQDO\VH OD FRPSRVLWLRQ GX VRO PDUWLHQ VRQW H[DPLQ«V ¢ OD ORXSH 0DLV SDUIRLV OHV LQIRUPDWLRQV VRQW LQFRPSOªWHV &RPPH OH SU«FLVH 'DYLG &RVFLD PHPEUH GX /DERUDWRLUH DWPRVSKªUHV PLOLHX[ REVHUYDWLRQV VSDWLDOHV1 et responsable GH 6$0b*& m OD TXDQWLW« GH GRQQ«HV HQYR\«HV YHUV OH VDWHOOLWH UHODLV «WDQW OLPLW«H OHV LQIRUPDWLRQV VRQW FODVV«HV VHORQ XQ RUGUH GH SULRULW« $LQVL LO DUULYH TXȇRQ UH©RLYH GHV GRQQ«HV TXL QRXV GLVHQW TXH OȇLQVWUXPHQW G«PDUUH TXH

© E. GRIMAULT/CNES

Un jour avec


/H VLWH GH OD PLVVLRQ 06/ http://smsc.cnes.fr/MSL/Fr/

WRXW VH SDVVH ELHQ HW TXDQG LO FRPPHQFH ¢ WUDQVPHWWUH VHV UÂŤVXOWDWV WRXW VȇDUUÂŹWH RQ QȇD SOXV ULHQÉ‹ ΖO IDXW GRQF DWWHQGUH OH SDVVDJH VXLYDQW GH OȇRUELWHXU OH OHQGHPDLQ PDWLQ SRXU REWHQLU OD VXLWHČ? } É‹+ RÉUNION AU SOMMET &ȇHVW OH GÂŤEXW GH OD SUHPLÂŞUH UÂŤXQLRQ GX MRXU DYHF 3DVDGHQD m &ȇHVW DXVVL OD SOXV LPSRUWDQWH OH 6RZJ 6FLHQFH 2SHUDWLRQV :RUNLQJ *URXS &ȇHVW ¢ FH PRPHQW TXH OHV VFLHQWLČ´TXHV VÂŤOHFWLRQQHQW OHV DFWLYLWÂŤV TXH OH URYHU DFFRPSOLUD OH OHQGHPDLQ SRXUVXLW &KDUOHV <DQD &RPPH OH WHPSV LPSDUWL SRXU OȇXWLOLVDWLRQ GHV LQVWUXPHQWV HVW DVVH] UHVWUHLQW RQ QH SHXW SDV WRXW IDLUH ΖO IDXW GRQF SURFÂŤGHU ¢ GHV DUELWUD JHV SULYLOÂŤJLHU XQH DFWLYLWÂŤ SDU UDSSRUW ¢ XQH DXWUH $ORUV ELHQ V½U FKDFXQ HVVDLH GH SRXVVHU ¢ OȇXWLOLVDWLRQ GH OȇLQVWUXPHQW GRQW LO VȇRFFXSH PDLV LO Qȇ\ D SDV SRXU DXWDQW GH JXHUUH HQWUH OHV VFLHQWLČ´TXHV 1RWUH SKLORVRSKLH FȇHVW GH FRQVLGÂŤUHU TXH VL XQH DFWLYLWÂŤ D ÂŤWÂŤ FKRLVLH SDU UDSSRUW ¢ XQH DXWUH FȇHVW TXȇHOOH ÂŤWDLW SOXV LQWÂŤUHVVDQWH SRXU OD PLVVLRQ }

Š NASA/JPL - CALTECH

É‹+ VALIDATION DES ACTIVITÉS $SUÂŞV OH 6RZJ XQH GHX[LÂŞPH UÂŤXQLRQ FRPPHQFH SUHVTXH DXVVLWÂśW /HV FKHUFKHXUV GÂŤČ´QLVVHQW OHV SDUDPÂŞWUHV TXL VHURQW HQYR\ÂŤV DX[ LQVWUXPHQWV HW YDOLGHQW OHV DFWLYLWÂŤV TXL RQW ÂŤWÂŤ GÂŤFLGÂŤHV DX FRXUV GH OD UÂŤXQLRQ SUÂŤFÂŤGHQWH 3OXV SRQFWXHOOHPHQW GHV V\QWKÂŞVHV VRQW ÂŤJDOHPHQW SUÂŤVHQWÂŤHV ¢ OȇHQVHPEOH GH OȇTXLSH m 3DU H[HPSOH XQH IRLV SDU VHPDLQH RQ SUÂŤVHQWH OHV GRQQÂŤHV TXL RQW ÂŤWÂŤ UDVVHPEOÂŤHV SDU &KHP&DP ORUV GH OD VHPDLQH SUÂŤFÂŤGHQWH } H[SOLTXH 2OLYLHU )RUQL /HV LQJÂŤQLHXUV QH VRQW

SDV HQ UHVWH m 6L GHV DFWLYLWÂŤV VRQW SUÂŤYXHV SRXU &KHP&DP RQ UHVWH SRXU OD QXLW VLQRQ RQ UHQWUH FKH] QRXVČ? } m 0DLV FHOD DUULYH UDUHPHQW DMRXWH &KDUOHV <DQD 2Q VH SUÂŤSDUH WRXMRXUV ¢ UHVWHU XQ SHX SOXV ORQJWHPSV +HXUHXVH PHQW QRXV SDUWDJHRQV QRV DFWLYLWÂŤV DYHF OH /DERUDWRLUH QDWLRQDO GH /RV $ODPRV /$1/ 1RXYHDX 0H[LTXH XQH VHPDLQH FH VRQW OHV )UDQŠDLV TXL SUÂŤSDUHQW OHV FRPPDQGHV HW DQDO\VHQW OHV GRQQÂŤHV OD VXLYDQWH FH VRQW OHV $PÂŤULFDLQV DX /$1/ /HV YHQGUHGLV VRLU VRQW DVVH] LQWHQVHV FDU RQ \ SURJUDPPH OHV WURLV SURFKDLQV MRXUV GȇDFWLYLWÂŤV } É‹+ CODAGE DES INSTRUCTIONS /HV LQJÂŤQLHXUV FRPPHQFHQW HQVXLWH ¢ FRGHU OHV LQVWUXFWLRQV GHVWLQÂŤHV DX URYHU /HV VÂŤTXHQFHV GH FRPPDQGHV VRQW HQYR\ÂŤHV DX -3/ HW YDOLGÂŤHV VXU SODFH WDQGLV TXȇDX )LPRF GȇDXWUHV UÂŤXQLRQV DXURQW OLHX DX FRXUV GH OD QXLW SRXU YÂŤULČ´HU TXH OHV UÂŞJOHV GȇXWLOLVDWLRQ GH OȇLQVWUXPHQW RQW ELHQ ÂŤWÂŤ UHVSHFWÂŤHV m 3OXV TXH OD SURJUDPPDWLRQ FH VRQW OHV YDOLGDWLRQV TXL SUHQQHQW GX WHPSV VRXOLJQH &KDUOHV <DQD FDU LO IDXW VȇDVVXUHU SDU H[HPSOH TXH OH EUDV GX URYHU QH VH WURXYH SDV O¢ RÂť RQ YD WLUHUÉ‹ } ΖPSRVVLEOH GH FRQWUÂśOHU OH URYHU HQ WHPSV UÂŤHO $LQVL FRPPH OH UHFRQQD°W OȇLQJÂŤQLHXU m LO \ D WRXMRXUV XQ SHX GH VWUHVV ¢ HQYR\HU OHV FRPPDQGHV FDU LO QRXV IDXW DWWHQGUH ¢ FKDTXH IRLV XQ RX GHX[ MRXUV SRXU VDYRLU VL OHV DFWLYLWÂŤV VH VRQW ELHQ SDVVÂŤHVČ? } 9HUV RX KHXUHV GX PDWLQ HQČ´Q OD MRXUQÂŤH GH WUDYDLO VȇDFKÂŞYH OHV FRPPDQGHV VRQW WUDQVPLVHV DX -3/ TXL OHV UHQYRLH LPPÂŤGLDWHPHQW YHUV &XULRVLW\ RX XQ VDWHOOLWH UHODLV 8QH QRXYHOOH MRXUQÂŤH GH WUDYDLO FRPPHQFHČ? FHWWH IRLV FL VXU 0DUVÉ‹ II

L’instrument ChemCam du rover Curiosity effectue des WLUV ODVHU DôQ d’analyser la composition GX VRO PDUWLHQ

DR

Lire l’intÊgralitÊ de l’article sur lejournal.cnrs.fr

JEAN-FRANÇOIS STÉPHAN NOUS A QUITTÉS Directeur de l’Institut national des sciences de l’Univers (Insu) du CNRS depuis juin 2010, Jean-François StĂŠphan est dĂŠcĂŠdĂŠ le 21 dĂŠcembre 2013 Ă l’¤ge de 64bans. Ce gĂŠologue ĂŠminent ĂŠtait un spĂŠcialiste de la tectonique et a ĂŠtudiĂŠ plus prĂŠcisĂŠment l’architecture et les mĂŠcanismes de formation des chaĂŽnes de montagnes et des structures sous-marines rĂŠcentes, c’est-Ă -dire datĂŠes de quelques dizaines de millions d’annĂŠes. Inlassable globe-trotter, il a menĂŠ ses recherches en parcourant de nombreuses rĂŠgions de la planète. C’est en 1977 qu’il entame sa carrière de chercheur au CNRS, d’abord Ă l’universitĂŠ Paris-VI, puis Ă Brest, au laboratoire OcĂŠanologie et gĂŠodynamique de l’universitĂŠ de Bretagne occidentale. (nb1985, Jean-François StĂŠphan reçoit la mĂŠdaille de bronze du CNRS, puis devient, enb1989, professeur en sciences de la Terre Ă l’universitĂŠ de Nice SophiaAntipolis et directeur du laboratoire GĂŠodynamique, qui deviendra l’unitĂŠ GĂŠoazur. En juillet 2006, il est nommĂŠ directeur scientiČ´que du dĂŠpartement Environnement, planète-univers, espace au ministère de l’Enseignement supĂŠrieur et de la Recherche, avant de devenir directeur de l’Insu enb2010. Pour Alain Fuchs, prĂŠsident du CNRS, ÂŤ nous perdons un collègue de très grande qualitĂŠ. Nous garderons le souvenir d’un homme profondĂŠment humain et bienveillant, exigeant sur la qualitĂŠ de la science et très attachĂŠ Ă notre organisme. Âť Le CNRS rend ĂŠgalement hommage Ă Zohra Ouassyoun, dĂŠcĂŠdĂŠe le 14 janvier. Elle ĂŠtait depuis douze ans l’assistante des diÎ?ĂŠrents directeurs de l’Insu qui se sont succĂŠdĂŠ, dont Jean-François StĂŠphan. +Ζ9(5 N° 275

13


EN PERSONNE

Georges Chapouthier,

le chercheur et la souris PROPOS RECUEILLIS PAR STÉPHANIE ARC

Biologie. Comment peut-on Ă la fois mener des expĂŠriences VXU OHV DQLPDX[ HQ WDQW TXH FKHUFKHXU HW GÂŤIHQGUH OHXUV GURLWVÉ‹" C’est le grand paradoxe auquel a ĂŠtĂŠ confrontĂŠ tout au long de sa carrière Georges Chapouthier1, neurobiologiste et philosophe, et qu’il ĂŠvoque longuement dans son dernier ouvrage Le Chercheur et la Souris.

Vous venez de publier, Č´n 2013, avec Françoise Tristani-Potteaux, Le Chercheur et la Souris, un ouvrage qui retrace votre carrière de biologiste, mais qui ĂŠvoque aussi votre implication dans la dĂŠfense des droits des animaux. Pourquoi ce livreÉ‹" Georges Chapouthier : 'ȇDERUG SDUYHQX ¢ OD Č´Q GH PD carrière, j’ai eu envie de rĂŠaliser une sorte de bilan en UHYHQDQW FKURQRORJLTXHPHQW VXU PHV WUDYDX[ HW VXU OHV OLHQV HQWUH PÂŤPRLUH DQ[LÂŤWÂŤ HW ÂŤSLOHSVLH 0DLV MȇDL DXVVL HX HQYLH GȇYRTXHU OȇYROXWLRQ GH PRQ UDSSRUW DX[ DQLPDX[ GHSXLV OȇHQIDQFH MXVTXȇ¢ PRQ HQJDJHPHQW ¢ OD )RQGDWLRQ 'URLW DQLPDO ÂŤWKLTXH HW VFLHQFH (QVXLWH MȇDL VRXKDLWÂŤ SDUOHU GH PRQ GRXEOH SDUFRXUV GH ELRORJLVWH HW GH SKLORVRSKH SDUFH TXȇLO PȇD SHUPLV GH UȾFKLU VXU XQ SDUDGR[H FRPPHQW SHXW RQ ¢ OD IRLV PHQHU GHV H[SÂŤULHQFHV VXU OHV DQLPDX[ HQ WDQW TXH QHXURELRORJLVWH HW GÂŤIHQGUH OHXUV GURLWVÉ‹" ΖO PȇD SDUX LPSRUWDQW GH UHODWHU PRQ YÂŤFX VXU FH VXMHW Comment vous ÂŹtes-vous intĂŠressĂŠ Ă la cause des animauxÉ‹" G. C. : -ȇDL WRXMRXUV ÂŤWÂŤ DWWLUÂŤ SDU OH UÂŞJQH DQLPDO (W FHWWH V\PSDWKLH QH PȇD MDPDLV TXLWWÂŤ (QIDQW MH FRQVLGÂŤUDLV OHV DQLPDX[ FRPPH GHV SHUVRQQHV 3XLV FRPPH QRWUH VRFLÂŤWÂŤ YDORULVH OH VDYRLU FHWWH V\PSDWKLH VȇHVW GÂŞV OD FODVVH GH 6e WUDQVIRUPÂŤH HQ SDVVLRQ SRXU OHV VFLHQFHV QDWXUHOOHV 2U SDUWRXW RQ PȇHQVHLJQDLW TXȇLO \ D XQH FRXSXUH HQWUH OȇKRPPH ÂŹWUH GH OXPLÂŞUH HW OȇDQLPDO REMHW 'X FRXS MȇDL DGRSWÂŤ FH PRGÂŞOH $SUÂŞV DYRLU IDLW Oȇ‹FROH QRUPDOH VXSÂŤULHXUH MH VXLV HQWUÂŤ HQ DX &156 FRPPH FKHUFKHXU

HQ QHXURELRORJLH -H FRQVLGÂŤUDLV DORUV OȇDQLPDO FRPPH XQ V\VWÂŞPH XWLOH SRXU OH GÂŤYHORSSHPHQW GH OD UHFKHUFKH HQ PHWWDQW GH FÂśWÂŤ OD TXHVWLRQ PRUDOH GH VRQ WUDLWHPHQW 0DLV SHX ¢ SHX MH VXLV UHYHQX ¢ PHV SUHPLHUV VHQWLPHQWV (W MȇDL HX OD FKDQFH GH UHQFRQWUHU -HDQ &ODXGH 1RX­W XQ KLVWRORJLVWH YLFH GR\HQ GH OD 3LWLÂŤ 6DOSÂŹWULÂŞUH TXL DYDLW FRIRQGÂŤ HQ OD /LJXH IUDQŠDLVH GHV GURLWV GH OȇDQLPDO /)'$ -ȇDL DLQVL UȾFKL VXU OD FRQGLWLRQ DQLPDOH GȇDERUG HQ IDLVDQW XQH WKÂŞVH Gȇ‹WDW HQ SKLORVRSKLH VRXV OD GLUHFWLRQ GH )UDQŠRLV 'DJRJQHW SXLV HQ SXEOLDQW QRWDPPHQW $X ERQ YRXORLU GH OȇKRPPH OȇDQLPDO HQ OH WRXW SUHPLHU OLYUH HQ )UDQFH VXU OHV GURLWV GH OȇDQLPDO Et en vous engageant au sein de la LFDA, vous ÂŹtes donc devenu militantÉ‹" G. C. : 1RQ MH QH GLUDLV SDV PLOLWDQW 0DLV RXL MH PH VXLV WUÂŞV YLWH LQYHVWL ¢ OD /)'$ DXMRXUGȇKXL )RQGDWLRQ 'URLW DQLPDO ÂŤWKLTXH HW VFLHQFH SUÂŤVLGÂŤH SDU /RXLV 6FKZHLW]HU J’en ai ĂŠtĂŠ le secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral de 1999 Ă 2002, puis le viceSUÂŤVLGHQW GH ¢ (W MH VXLV DFWXHOOHPHQW WRXMRXUV PHPEUH GX FRQVHLO GȇDGPLQLVWUDWLRQ &HOD GLW OȇDFWLRQ GH FHWWH IRQGDWLRQ FRPSRVÂŤH GȇXQLYHUVLWDLUHV GH SKLORVRSKHV GȇDUWLVWHV GH MXULVWHV VH VLWXH XQLTXHPHQW VXU OH SODQ GH OD SHQVÂŤH QRXV SXEOLRQV GHV OLYUHV HW GHV DUWLFOHV QRXV RUJDQLVRQV GHV GÂŤEDWV HW GHV FROORTXHV FRPPH FHOXL GH OȇDQ GHUQLHU VXU OHV FDSDFLWÂŤV GH VRXÎ?UDQFH GH OȇDQLPDO et nous avons, en 2012, interrogĂŠ les candidats Ă l’Êlection SUÂŤVLGHQWLHOOH VXU OH VWDWXW GH OȇDQLPDO 1RWUH IRQGDWLRQ YLVH ¢ DGRSWHU XQH SRVLWLRQ UDLVRQQDEOH HQ QH WRPEDQW QL GDQV XQ H[WUÂŹPH QL GDQV OȇDXWUH

1. Georges Chapouthier est directeur de recherche ÊmÊrite au CNRS au Centre Êmotion-remÊdiation et rÊalitÊ virtuelle (unitÊ CNRS/UPMC/APHP PitiÊ-Salpêtrière/CRICM).

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CNRS /( -2851$/


EN PERSONNE

Le Chercheur et la Souris, Georges Chapouthier et Françoise Tristani-Potteaux, CNRS Éditions, 2013 SouÎ?raQce aQiPale Ge la scieQce au droit. Colloque iQterQatioQal, Thierry $uÎ?ret 9an 'er .ePp et Martine Lachance (dir.), Éditions Yvon Blais, 2013

Š S. GODEFROY/CNRS PHOTOTHĂˆQUE

.aQt et le ChiPSaQ]. Essai sur l’être huPaiQ, la Porale et l’art, Georges Chapouthier, Belin, coll.  Pour la science , 2009

Le fait d’avoir d½ recourir Ă l’expĂŠrimentation animale ne vous a-t-il jamais fait douter de votre activitĂŠ de chercheurÉ‹" G. C. : 1RQ SDV UÂŤHOOHPHQWČ? &HUWHV FȇHVW FXOSDELOLVDQW ORUVTXH SDU H[HPSOH SRXU DPÂŤOLRUHU GHV PÂŤGLFDPHQWV FRQWUH OȇSLOHSVLH RQ GRLW GÂŤFOHQFKHU GHV FULVHV FKH] GHV URQJHXUV 0DLV MH PH VXLV WRXMRXUV GLW TXH GȇDXWUHV IHUDLHQW OHV H[SÂŤULHQFHV GH WRXWH IDŠRQ HW SHXW ÂŹWUH DYHF PRLQV GH UHVSHFW &HOD PȇD VXUWRXW SRXVVÂŤ ¢ GÂŤIHQGUH OD FDXVH GHV DQLPDX[ -ȇDL DLQVL GÂŤYHORSSÂŤ ¢ FH VXMHW XQH SRVLWLRQ GȇHQWUH GHX[ GÂŤOLFDWH ¢ WHQLU PDLV TXL HVW ¢ PRQ DYLV OD VHXOH SRVVLEOH VL OȇRQ YHXW FRQFLOLHU UHFKHUFKH VFLHQWLČ´TXH HW UHVSHFW GH OȇDQLPDO &H VHUDLW FHUWHV PHUYHLOOHXVHPHQW PRUDO GH SURVFULUH WRXWH H[SÂŤULHQFH 0DLV OD UHFKHUFKH VFLHQWLČ´TXH HW PÂŤGLFDOH QH SHXW PDOKHXUHXVHPHQW SDV VȇHQ SDVVHU WRWDOHPHQW DXMRXUGȇKXL /RUVTXȇXQH TXHVWLRQ FRQFHUQH OH FRUSV GDQV VD WRWDOLWÂŤ SDU H[HPSOH TXDQG RQ FKHUFKH ¢ SURGXLUH XQH PROÂŤFXOH TXL IDLW GRUPLU RX TXL DQHVWKÂŤVLH DXFXQ DXWUH PRGÂŞOH QH SHUPHW HQFRUH Gȇ\ UÂŤSRQGUH (Q WDQW TXȇWUHV KXPDLQV FȇHVW ¢ GLUH HQ WDQW TXȇWUHV PRUDX[ QRXV DYRQV WRXWHIRLV OH GHYRLU GH SURWÂŤJHU OHV DQLPDX[ FRQWUH OHV GRXOHXUV TXH QRXV SRXUULRQV OHXU FDXVHU 'ȇDERUG SDUFH TXȇLOV VRQW QRV FRXVLQV YX TXH QRXV VRPPHV GHV FKLPSDQ]ÂŤV PRGLČ´ÂŤV FȇHVW ¢ GLUH GRWÂŤV GȇXQ m VXSHU FHUYHDX } HQVXLWH SDUFH TXH QRXV GHYRQV SURWÂŤJHU WRXW ÂŹWUH TXL SRXUUDLW VRXIIULU /D UHFKHUFKH QH GRLW ÂŹWUH ÂŤWKLTXH TXH SDUFH TXȇHOOH HVW SUDWLTXÂŤH SDU GHV ÂŹWUHV TXL VH YHXOHQW ÂŤWKLTXHV Mais alors comment protĂŠger les animaux dans la rechercheÉ‹" G. C. : 7RXW GȇDERUG HQ DSSOLTXDQW OD IDPHXVH UÂŞJOH GLWH GHV WURLV m 5 } SRXU 5ÂŤGXLUH 5DÉ?QHU 5HPSODFHU 2Q SHXW HW RQ GRLW WHQWHU GH UHVWUHLQGUH DX PLQLPXP OH UHFRXUV ¢ +Ζ9(5 N° 275

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EN PERSONNE

Š S. GODEFROY/CNRS PHOTOTHĂˆQUE

WUÂŞV QRPEUHXVHV GLVSRVLWLRQV SHXYHQW HQFRUH ÂŹWUH SULVHV VXU OH SODQ SUDWLTXH GDQV OHV DQLPDOHULHV PDLV DXVVL ORUV GH OD FRQGXLWH PÂŹPH GHV H[SÂŤULHQFHV 4XDQW ¢ OD IRUPDWLRQ PRUDOH GHV FKHUFKHXUV HW GHV DQLPDOLHUV FHUWHV HVTXLV VÂŤH DXMRXUGȇKXL HOOH HVW HQFRUH LQVXÉ?VDQWH HW GRLW ÂŹWUH DSSURIRQGLH 0DLV WRXW FHOD YD GDQV OH ERQ VHQVÉ‹

OȇH[SÂŤULPHQWDWLRQ HQ UÂŤGXLVDQW OH QRPEUH GȇDQLPDX[ XWLOLVÂŤV ΖO IDXW UDÉ?QHU OHV SURWRFROHV H[SÂŤULPHQWDX[ GDQV FH EXW HW TXDQG FȇHVW SRVVLEOH UHPSODFHU FH UHFRXUV SDU GȇDXWUHV PÂŤWKRGHV GȇDQDO\VH IRXUQLHV SDU OD WHFKQRORJLH FXOWXUHV FHOOXODLUHV PRGÂŞOHV LQIRUPDWLTXHV HWF Avez-vous constatĂŠ une ĂŠvolution favorable de leur statutÉ‹" G. C. : 2XL LO VȇHVW FRQVLGÂŤUDEOHPHQW DPÂŤOLRUÂŤ SDU UDSSRUW ¢ PHV GÂŤEXWV RÂť OHV FKHUFKHXUV ÂŤWDLHQW OLEUHV GH IDLUH FH TXȇLOV YRXODLHQW (W FHOD SRXU GHX[ W\SHV GH UDLVRQV 'ȇDERUG GHV UDLVRQV DGPLQLVWUDWLYHV 'HV ORLV2, qui nous sont souYHQW VRXɞHV SDU Oȇ(XURSH GX 1RUG SOXV VHQVLEOH ¢ OD TXHVWLRQ GX UHVSHFW DQLPDO TXH Oȇ(XURSH GX 6XG HQFDGUHQW VWULFWHPHQW OȇH[SÂŤULPHQWDWLRQ HQ )UDQFH /D TXDOLWÂŤ GHV DQLPDOHULHV HVW FRQWUÂśOÂŤH /H FKHUFKHXU TXL VRXKDLWH PHQHU GHV H[SÂŤULHQFHV DYHF GHV DQLPDX[ GRLW REWHQLU XQH habilitation qui, depuis quelques annĂŠes, suppose des FRQQDLVVDQFHV GȇWKLTXH 'HV FRPLWÂŤV GȇWKLTXH VH PHWWHQW HQ SODFH GDQV OHV FHQWUHV GH UHFKHUFKH TXL YÂŤULČ´HQW OD FRQIRUPLWÂŤ GHV H[SÂŤULHQFHV DX[ UÂŞJOHPHQWV (QVXLWH HW FȇHVW IRQGDPHQWDO OHV HVSULWV RQW ÂŤYROXÂŤ 0ÂŹPH VL FHUWDLQV FKHUFKHXUV QH VȇLQWÂŤUHVVHQW SDV VSÂŤFLDOHPHQW ¢ OȇDQLPDO FH WKÂŞPH HVW SULV DX VÂŤULHX[ 3RXU DPÂŤOLRUHU OHV FKRVHV GH

Vous avez ĂŠcrit ce livre avec Françoise TristaniPotteaux, philosophe et docteur en sciences de la communication. 4ue vous a apportĂŠ cette collaborationÉ‹" G. C. : &HOD D ÂŤWÂŤ WUÂŞV IUXFWXHX[ )UDQŠRLVH VȇLQWÂŤUHVVH GH près Ă la neurobiologie et elle est sensibilisĂŠe Ă la cause DQLPDOH 1RXV ÂŤWLRQV GRQF HQ SKDVH VXU OH IRQG KRUPLV quelques divergences sur Descartes, dont elle est une IHUYHQWH OHFWULFH 6HORQ PRL SDU H[HPSOH FȇHVW QRWDPPHQW OD FRQFHSWLRQ SRVWFDUWÂŤVLHQQH OȇDQLPDO PDFKLQH TXL D DXWRULVÂŤ OHV VFLHQWLČ´TXHV ¢ FRQVLGÂŤUHU OHV DQLPDX[ FRPPH GH VLPSOHV REMHWV GȇH[SÂŤULHQFH 3DU DLOOHXUV FȇHVW GÂŤOLFDW GȇFULUH VHXO VXU VRL PÂŹPH )UDQŠRLVH PȇD DSSRUWÂŤ XQH GLVWDQFH SUÂŤFLHXVH SDUIRLV FULWLTXH HW PȇD DXVVL SHUPLV GH FKDQJHU PRQ UHJDUG VXU PD SURSUH YLH 3DU H[HPSOH MH PH WURXYDLV FRQIRUPLVWH GDQV PHV YLUDJHV SURIHVVLRQQHOV HOOH PH YR\DLW DX FRQWUDLUH DOOXPÂŤ LPSXOVLI (QČ´Q VD PDÂąHXWLTXH Č‚ VD PDQLÂŞUH GH PȇLQWHUURJHU Č‚ PȇD SHUPLV GH UHWURXYHU GHV IUDJPHQWV GH PÂŤPRLUH HQIRXLV QRWDPPHQW GH PRQ HQIDQFH II

On peut et on doit tenter de “restreindre au minimum le recours Ă l’expĂŠrimentation en rĂŠduisant le nombre d’animaux utilisĂŠs.

2. Voir notamment le dĂŠcret n° 2001-486 du 6 juin 2001 portant publication de la Convention europĂŠenne sur la protection GHV DQLPDX[ YHUWÂŤEUÂŤV XWLOLVÂŤV ¢ GHV Č´QV H[SÂŤULPHQWDOHV RX ¢ GȇDXWUHV Č´QV VFLHQWLČ´TXHV

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CNRS LE JOURNAL

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ENQUÊTE

L’héritage de 14-18

UNE ENQUÊTE RÉALISÉE PAR PHILIPPE TESTARD-VAILLANT ET DENIS GUTHLEBEN

© CORBIS

/H QRYHPEUH DSUªV ɋ MRXUV GH FRPEDW OD *UDQGH *XHUUH VȇDUU¬WH HQȴQ (OOH D FKDQJ« G«ȴQLWLYHPHQW OD IDFH GX PRQGH GHV J«Q«UDWLRQV HQWLªUHV RQW «W« IDXFK«HV Oȇ«FRQRPLH HVW ¢ JHQRX[ OHV «TXLOLEUHV J«RSROLWLTXHV VRQW ERXOHYHUV«V /ȇRQGH GH FKRF GH OD JXHUUH DXUD DXVVL GH SURIRQGHV U«SHUFXVVLRQV VRFLDOHV HW FXOWXUHOOHV HW P¬PH VFLHQWLȴTXHV FDU OD UHFKHUFKH D SULV XQH SDUW DFWLYH DX FRQȵLW (QTX¬WH VXU OH WUªV ORXUG K«ULWDJH GH

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La guerre a tout changé, que ce soit sur le plan démographique, géopolitique, économique, social ou culturel.

© AKG-IMAGES

Lb

3KRWR FRORULV«H GH VROGDWV ORUV GȇXQH WU¬YH GDQV XQH WUDQFK«H ¢ 9HUGXQ HQ

/D VLWXDWLRQ «FRQRPLTXH HW ȴQDQFLªUH QȇHVW SDV PRLQV SU«RFFXSDQWH 3DU GHO¢ OHV VWLJPDWHV PDW«ULHOV WUªV VSHF WDFXODLUHV HQ )UDQFH OH FRQȵLW D UXLQ« GHV FHQWDLQHV GH PLOOLHUV GH E¤WLPHQWV G«YDVW« bPLOOLRQV GȇKHFWDUHV GH WHUUHV DJULFROHV HW G«WUXLW SOXV GH ɋ bNLORPªWUHV GH URXWHV OH 9LHX[ &RQWLQHQW VRUW WUªV DSSDXYUL GH OȇKRU ULEOH P¬O«H GHV DQQ«HVb &HUWHV Oȇ«SUHXYH D UHQIRUF« FHUWDLQV VHFWHXUV LQGXVWULHOV FRPPH OȇD«URQDX WLTXH OD FKLPLH HW OȇDXWRPRELOH 0DLV HOOH D EDOD\« OH V\V WªPH «WDORQ RU HW DYHF OXL OD VWDELOLW« GHV PRQQDLHV /H 9LHX[ &RQWLQHQW HQ SOHLQH G«E¤FOH ȴQDQFLªUH &ȇHVW TXH m WRXV OHV SD\V RQW IDLW OD JXHUUH ¢ FU«GLW JU¤FH ¢ GHV HPSUXQWV LQW«ULHXUV HW DXVVL ODUJHPHQW H[W«ULHXUV SRXU OD )UDQFH H[SOLTXH ΖVDEHOOH 'DYLRQ PHPEUH GX ODERUDWRLUH ΖGHQWLW«V UHODWLRQV LQWHUQDWLRQDOHV HW FLYLOLVDWLRQV GH Oȇ(X rope1 4XH FH VRLW SRXU FRQGXLUH OȇH΍RUW GH JXHUUH RX SRXU UHPERXUVHU OHV GHWWHV ȴQDQFHU OD UHFRQVWUXFWLRQ YHUVHU GHV LQGHPQLW«V DX[ VLQLVWU«V HW GHV SHQVLRQV DX[ YLFWLPHV HW ELHQ V½U SD\HU OHV U«SDUDWLRQV GDQV OH FDV GH Oȇ$OOHPDJQH OHV SD\V HXURS«HQV GRQW OHV U«VHUYHV GȇRU VRQW «SXLV«HV RQW IDLW HW IRQW PDUFKHU OD SODQFKH ¢ ELOOHWV ΖOV LPSULPHQW XQH PRQQDLH TXL QȇD SUDWLTXHPHQW DXFXQH YDOHXU LQWULQVªTXH HW UHSRVH VXU OD FRQȴDQFH GHV DJHQWV «FRQRPLTXHV TXL OȇXWL OLVHQW } /ȇLQȵDWLRQ TXL VRXɞH VXU Oȇ(XURSH HW HQȵH DX ȴO GHV PRLV SUHQG XQH IRUPH SDUR[\VWLTXH GDQV Oȇ$OOHPDJQH YDLQ FXH R» HQ QRYHPEUHb bGROODU FRWH ɋ PLOOLDUGV GH

1. Unité CNRS/Univ. Paris-Sorbonne/Univ. Paris-I. 2. (Q UHIXVDQW GH UDWLȴHU OH WUDLW« GH 9HUVDLOOHV HQ PDUV OH 6«QDW DP«ULFDLQ HPS¬FKH OHV WDWV 8QLV GH VL«JHU ¢ OD 6RFL«W« GHV QDWLRQV

CNRS LE JOURNAL


ENQUÊTE

Belgique 40 000

Royaume-Uni 900 000

Canada 65 000 Terre-Neuve 1 200

Empire allemand 2 000 000

Empire russe 1 800 000 Royaume de Roumanie 250 000

France 1 400 000 Portugal 7 200

États-Unis 116 000

Royaume d’Italie 600 000 Monténégro 3 000

Empire austrohongrois 1 100 000

Bulgarie 87 500

Japon 300 Empire ottoman 800 000

Royaume de Grèce 26 000

Royaume de Serbie 280 000

&HWWH DɝFKH DSSHOOH OHV )UDQ©DLV ¢ SDUWLFLSHU ȴQDQFLªUHPHQW ¢ OȇH΍RUW GH JXHUUH

Indes britanniques 74 000

Union d’Afrique du Sud 9 500

Australie 62 000 Nouvelle-Zélande 18 000

Estimation des effectifs militaires tués par nation Puissances alliées Près de 6 millions de morts

Empires centraux Plus de 4 millions de morts © AKG-IMAGES

k :('2'$7$ 3285 &156/(-2851$/ )5

Près de 10 millions de soldats tués

&+Ζ))5(6 'ȇ$35 6 -$< :Ζ17(5 THE GREAT WAR AND THE BRITISH PEOPLE &Ζ7 '$16 (1&<&/23 'Ζ( '( /$ *5$1'( *8(55( )$<$5'

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HIVER 2014 N° 275


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© PA ARCHIVE/ROGER-VIOLLET

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3. 8QLW« &156 8QLY Gȇ$YLJQRQ (+(66 $L[ 0DUVHLOOH 8QLY Unité CNRS/Univ. Paris-I/EHESS.

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ENQUĂŠTE

Š AKG-IMAGES

Š M.-L. BRANGER/ROGER-VIOLLET

Un long travail de deuil

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Si la Seconde “Guerre mondiale a ĂŠclatĂŠ, c’est parce qu’on a dĂŠtruit l’Europe de Versailles.

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Sortir de la guerre ne consiste pas uniquement Ă dĂŠposer les armes, nĂŠgocier des traitĂŠs et reprendre des activitĂŠs du temps de paix. C’est aussi se dĂŠsengager mentalement du conČľit. Un intense processus de deuil, amorcĂŠ dès les annĂŠes de guerre, se dĂŠploie en France entre 1920 et 1930. Cimetières pour rassembler les morts au combat, ĂŠdiČ´cation de mĂŠmoriaux nationaux et de monuments aux morts (on dĂŠnombre 38É‹000bmonuments aux morts de la Grande Guerre en France), plaques commĂŠmoratives apposĂŠes dans les entreprises et les bâtiments publics, rues rebaptisĂŠes du nom des batailles et des combattants, etc. : les initiatives vouĂŠes Ă perpĂŠtuer le souvenir du conČľit et pallier l’absence des corps sont lĂŠgion. Le 11 novembre devient un jour fĂŠriĂŠ enb1922, et la Čľamme est allumĂŠe pour la première fois sous l’arc de triomphe de la place de l’Étoile Ă Paris, qui abrite la tombe du Soldat inconnu, le 11 novembreb1923. Les associations d’anciens combattants, dont certaines ont vu le jour pendant la guerre, sont Ă la pointe de cet activisme mĂŠmoriel. Ă€ la Č´n des annĂŠesb1920, la ConfĂŠdĂŠration nationale des anciens combattants et victimes de la guerre, qui englobe les plus importantes associations, dont l’Union fĂŠdĂŠrale des mutilĂŠs, plutĂ´t Ă gauche, et l’Union nationale des combattants, plutĂ´t Ă droite, regroupent plus de trois millions de membres. Exaltant pour certains la fraternitĂŠ des tranchĂŠes et se reconnaissant dans une gĂŠnĂŠration du feu, ÂŤ les anciens combattants revendiquent d’abord le droit de parler au nom des morts, souligne Élise Julien, de l’Institut de recherches historiques du Septentrion1. Par ailleurs, pour que cette guerre soit la der des ders, ils s’assignent pour mission civique de diÎ?user un message paciČ´ste dans l’ensemble de la population. Ils s’adressent en particulier aux jeunes, qui reprĂŠsentent l’avenir, pour leur faire connaĂŽtre les horreurs de la guerre et en ĂŠviter ainsi le retour Âť. Ce qui explique que, au-delĂ des clivages politiques, la plupart des anciens combattants soutiendront la signature des accords de Munich, conclus enb1938 entre Hitler, Mussolini, le Britannique Chamberlain et le Français Daladier, dans le but de clore la crise des Sudètes et d’empĂŞcher la guerre. 1. 8QLWÂŤ &156 /LOOH ΖΖΖ 8QLY

HIVER 2014 N° 275


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Le jeudi 24 octobre 1929, Wall Street, dont les cours atteignent des sommets spĂŠculatifs sans rapport avec la situation de l’Êconomie rĂŠelle, vacille, puis s’eÎ?ondre. Le mal gagne très vite toute la planète. Une lointaine ÂŤ rĂŠplique Âť de la Grande GuerreÉ‹" ÂŤ La crise de 1929 est issue d’un faisceau de facteurs qui, combinĂŠs, provoquent un ralentissement souterrain des ĂŠconomies europĂŠennes, auquel la Bourse de New York rĂŠagit la première, rappelle l’historienne Isabelle Davion. Si l’on peut considĂŠrer qu’il s’agit avant tout d’une crise propre Ă l’adaptation du capitalisme Ă la production de masse, certaines causes profondes sont indirectement liĂŠes Ă la guerre de 14-18, qui fait de Wall Street la première Bourse mondiale, alors qu’elle peine encore Ă rĂŠguler le système monĂŠtaire international. Âť

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Le souvenir du conit ne cesse d’être commÊmorÊ, Êcrit et rÊÊcrit, dans l’Hexagone.

L’Êmergence de l’Art moderne 4XLG GH OD FXOWXUH GDQV WRXW FHODÉ‹" /H FRQČľLW TXH ERQ QRPEUH GH FUÂŤDWHXUV SUÂŤFLSLWÂŤV GDQV OȇSRXYDQWH GHV WUDQ FKÂŤHV RQW SD\ÂŤ GH OHXU FKDLU RX GH OHXU YLH &KDUOHV 3ÂŤJX\ /RXLV 3HUJDXG OȇDXWHXU GH /D *XHUUH GHV ERXWRQV $ODLQ )RXUQLHU OȇDXWHXU GX *UDQG 0HDXOQHVČ? HVW SDU DLOOHXUV ¢ OȇRULJLQH GȇXQH PXOWLWXGH GȇĕXYUHV DX FRQWHQX VRXYHQW SDFLČ´VWH GȇFULYDLQV GH SHLQWUHV HW GH FLQÂŤDVWHV GHV )UDQŠDLV 'RUJHOÂŞV %DUEXVVH *HQHYRL[ $UDJRQ 'XI\ *LRQR 'ULHX /D 5RFKHOOH *DQFH 9DOORWWRQ 5HQRLU DX 5XVVH 0DUF &KDJDOO HQ SDVVDQW SDU Oȇ$QJODLV - 5 5 7RONLHQ OȇΖUODQGDLV *HRUJH %HUQDUG 6KDZ OHV

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La guerre à l’origine de la crise de 29 ?

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ENQUÊTE

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La Grande Guerre expliquée en images, $.ɋProst, Seuil, coll. « Beaux livres », 2013 La Grande Guerre. Carnet du centenaire, $.ɋLoe] et N.ɋ2΍enstadt, $lEin Michel, 2013 Tous unis dans la tranchéeɋ" , les intellectuels rencontrent le peuple, N.ɋMariot, Seuil, coll. « Lȇunivers historiTue », 2013 © BETTMANN/CORBIS

Les Femmes au temps de la guerre de , F.ɋTh«Eaud, Petite BiEliothªTue Payot, 2013

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HIVER 2014 N° 275


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CNRS LE JOURNAL


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ENQUÊTE

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GRAND FORMAT

/HV ODERUDWRLUHV HQ SUHPLªUH OLJQH ΖO QȇHPS¬FKH TXH SDUWRXW GDQV OH SD\V OHV ODERUDWRLUHV SDVVHQW SHX ¢ SHX ¢ OȇKHXUH GH OD JXHUUH 4XHOTXHV H[HPSOHVɋ" Oȇ FROH VXS«ULHXUH GH SK\VLTXH HW GH FKLPLH LQGXVWULHOOHV GH OD YLOOH GH 3DULV 3DXO /DQJHYLQ VȇLQW«UHVVH ¢ OD G«WHFWLRQ GHV VRXV PDULQV DOOHPDQGV /HV UHGRXWDEOHV 8 %RRW VªPHQW OD SDQLTXH SDUPL OHV ȵRWWHV DOOL«HV TXL QH GLVSRVHQW TXH GH TXHOTXHV K\GURSKRQHV UXGLPHQWDLUHV SRXU IDLUH IDFH ¢ OD PHQDFH ORUVTXH OȇDSSDUHLO FDSWH HQȴQ OH EUXLW GH OD PDFKLQHULH GX VXEPHUVLEOH OHV SUHPLHUV VLO ODJHV GH WRUSLOOHV DSSDUDLVVHQW G«M¢ VXU OHV ȵRWV HWȐ LO HVW VRXYHQW WURS WDUGɋ 3OXW¶W TXH GH VH FRQFHQWUHU VXU OHV IU«TXHQFHV DXGLEOHV 3DXO /DQJHYLQ VXJJªUH GH G«YHORSSHU XQ V\VWªPH Gȇ«FRXWH XOWUDVRQRUH XWLOLVDQW OHV SURSUL«W«V SL«]R «OHFWULTXHV GX TXDUW] OHV RQGHV VRQW WUDQVIRUP«HV HQ RVFLOODWLRQV «OHFWULTXHV HOOHV P¬PHV DPSOLȴ«HV GDQV GHV «FRXWHXUV /ȇLG«H RULJLQDOH GȇXQ WHO GLVSRVLWLI TXL SU« ȴJXUH OH VRQDU HVW DQW«ULHXUH DX G«FOHQFKH PHQW GH OD JXHUUH 'DQV OHV UDSSRUWV TXȇLO UHPHW ¢ OD 0DULQH 3DXO /DQJHYLQ VLJQDOH TXH OH SURF«G« D FRPPHQF« ¢ ¬WUH «WXGL« DX OHQ GHPDLQ GȇXQH DXWUH WUDJ«GLH TXȇLO DXUDLW SHXW ¬WUH SHUPLV Gȇ«YLWHU OH QDXIUDJH GX 7LWDQLF GDQV OD QXLW GX DX DYULOb Ȑ 'DQV OH ODERUDWRLUH GH SK\VLTXH GH Oȇ FROH QRUPDOH $LP« &RWWRQ PªQH TXDQW ¢ OXL GHV WUDYDX[ VXU OH UHS«UDJH DFRXVWLTXH GHV FDQRQV HQQHPLV ΖO HVW UHMRLQW SDU 3LHUUH :HLVV TXL Q« ¢ 0XOKRXVH HQb VH PRQWUH WUªV VHQVLEOH ¢ WRXW FH TXL SRXUUDLW SHUPHWWUH ¢ OD )UDQFH GH IUDQFKLU ¢ QRXYHDX OD OLJQH EOHXH GHV 9RVJHVȐ 'H OHXU FROODERUDWLRQ QD°W OȇLQJ«QLHX[ V\VWªPH &RWWRQ :HLVV OD SOXV JUDQGH VDWLVIDFWLRQ GH 3LHUUH :HLVV LO HVW H[S«ULPHQW« SRXU OD SUHPLªUH IRLV HQ $OVDFH HQb HW SHUPHW DX[ EDWWHULHV IUDQ©DLVHV Gȇ\ RS«UHU GȇHɝFDFHV WLUV GH FRQWUH DUWLOOHULH (W OȇRQ SRXUUDLW DLQVL «WDEOLU XQH ORQJXH

La recherche n’a pas seulement payé un lourd tribut à la guerre : elle a aussi vu son avenir hypothéqué…

CNRS LE JOURNAL

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3ªUH IRQGDWHXU GX &156 -HDQ 3HUULQ VH PRELOLVH DSUªV OD JXHUUH SRXU PHWWUH HQ SODFH XQH FRRUGLQDWLRQ QDWLRQDOH GH OD UHFKHUFKH

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ENQUÊTE

k &156 3+2727+ 48( )21'6 +Ζ6725Ζ48(

Le Sabre et l’Éprouvette. L’invention d’une science de guerre, , '.ɋ$uEin et P.ɋBret (dir.), $gnªs 9i«not Éditions, 2003

([S«ULHQFH GH VSHFWURVFRSLH ¢ OȇDLGH GX JUDQG «OHFWUR DLPDQW FRQVWUXLW VRXV OD GLUHFWLRQ Gȇ$LP« &RWWRQ HW DFKHY« HQ

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Rêves de Savants. Étonnantes inventions de l’entre deux guerres, '.ɋGuthleEen, $rPand Colin, 2011 Histoire du CNRS de ¢ nos Mours. 8ne ambition nationale pour la science, '.ɋGuthleEen, $rPand Colin, 2013 'e la science ¢ la défense nationale, P.ɋPainlev«, CalPann-L«vy, 1931

VWLPXOHU OH SURJUªV GHV FRQQDLVVDQFHV HQ PDJQ«WLVPH HW HQ PDJQ«WR RSWLTXH PDLV TXL IDXWH GH PR\HQV QH YRLW OH MRXU TXȇHQ JU¤FH ¢ XQH VRXVFULSWLRQ SXEOLTXH XQH VRUWH Gȇm «OHFWUR DLPDQWKRQ } TXL UHQFRQWUH XQ «WRQQDQW VXFFªV GDQV FHV DQQ«HV m IROOHV } 5HVWH OȇRUJDQLVDWLRQ GH OD UHFKHUFKH 'DQV FH GRPDLQH OD )UDQFH D W HOOH DX PRLQV WLU« OHV OH©RQV GH OD JUDQGH ERX FKHULHɋ" 5LHQ QȇHVW PRLQV V½U &DU FHWWH RUJDQLVDWLRQ TXL DYDLW IDLW VL FUXHOOHPHQW G«IDXW HQ DR½Wb Qȇ\ JDJQH ULHQ 7RXW DX SOXV OD 'LUHFWLRQ GHV LQYHQWLRQV TXL DYDLW «W« FU««H GDQV OȇRGHXU GH OD SRXGUH HVW HOOH WUDQVIRUP«H HQ XQ 2ɝFH QDWLRQDO GHV UHFKHUFKHV VFLHQWLȴTXHV HW LQGXVWULHOOHV HW GHV LQYHQWLRQV 6RX΍UDQW OXL DXVVL GX PDQTXH FKURQLTXH GH PR\HQV ODLVV« VDQV FHVVH VXU OH ȴO GX UDVRLU PDOJU« VHV LQLWLDWLYHV HW VHV U«DOLVDWLRQV LO FRQQD°W XQ OHQW G«FOLQ GªV OD ȴQ GHV DQQ«HVb ΖO IDXW WRXWH OD G«WHUPLQDWLRQ GH -HDQ 3HUULQ SRXU TXH DX P¬PH PRPHQW FRPPHQFH ¢ VH PHWWUH HQ SODFH XQ G«EXW GH FRRUGLQDWLRQ DX QLYHDX QDWLRQDO (W LO IDXW GL[ DQQ«HV VXSSO«PHQWDLUHV DLQVL TXȇXQH QRXYHOOH G«ȵDJUDWLRQ PRQGLDOH SRXU OH YRLU DERXWLU OH RFWR EUHb VL[ VHPDLQHV DSUªV OȇHQWU«H HQ JXHUUH GH OD )UDQFH FRQWUH OH 5HLFK QD]L OH &156 YRLW OH MRXUȐ II ' ɋ*

$UWLFOHV YLG«RV LQIRJUDSKLHV ELOOHWVȐ 5HWURXYH] QRWUH GRVVLHU FRPSOHW VXU OD JXHUUH GH VXU lejournal.cnrs.fr

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© C. LEBEDINSKY/CNRS PHOTOTHÈQUE

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PORTFOLIO

Quand le laser révèle le passé Patrimoine. La spectroscopie Raman est une technique qui utilise un rayon laser pour analyser des objets patrimoniaux et des œuvres d’art. Depuis plusieurs années, des chercheurs étudient ainsi des peintures rupestres, des pièces de musée et des vitraux sans les détériorer. TEXTE AUDREY DIGUET ET CYRIL FRÉSILLON/ PHOTOS CYRIL FRÉSILLON, CHRISTOPHE LEBEDINSKY ET LUC RONAT-CNRS PHOTOTHÈQUE

1. L’équipe du laboratoire Monaris (CNRS/UPMC, ex-Ladir) discute du choix des zones à analyser sur les vitraux de la Sainte-Chapelle, datant du XIIIe siècle, sur l’île de la Cité, à Paris.

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2. La composition des verres est analysée grâce au spectromètre 5DPDQ DȴQ GȇLGHQWLȴHU OHV SLªFHV de vitraux datant du Moyen Âge qui ont été remplacées ou restaurées au cours du XIXe siècle. 3. Le laser du spectromètre (point vert lumineux), placé cette fois à l’extérieur, analyse les vitraux de la rosace.

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k / 521$7 &156 3+2727+Š48(ɋ & /(%('Ζ16.< &156 3+2727+Š48(

PORTFOLIO 4. Les montagnes uKhahlambaDrakensberg du parc national de Giant’s Castle, en Afrique du Sud, abritent de nombreuses peintures rupestres du peuple San, vieilles GH ¢ É‹ bDQV ΖFL OD WÂŹWH de mesure du spectromètre focalise le laser sur une peinture reprĂŠsentant un lion en train de sauter. Le laser n’abĂŽme pas les Ĺ“uvres analysĂŠes. 5. Grâce au spectromètre Raman portable, les chercheurs ont pu dĂŠterminer l’Êtat de conservation et la composition des pigments de ces peintures San sur grès.

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Š 6-7-8-9 : C. FRÉSILLON/CNRS PHOTOTHĂˆQUE

PORTFOLIO

6. Analyse par spectroscopie des SHUOHV GH YHUUH GH OD FRLÎ?H GȇXQH cape Tupinamba provenant du BrĂŠsil. Celle-ci, conservĂŠe au musĂŠe du quai Branly, date du XVIe siècle. 7. Cette analyse va permettre de savoir quand et comment les perles ont ĂŠtĂŠ ĂŠlaborĂŠes et si elles ont ĂŠtĂŠ ou non rajoutĂŠes après la fabrication de la cape. 8. La cape a ĂŠtĂŠ fabriquĂŠe Ă partir de SOXPHV GH FRWRQ HW GH Č´EUHV YÂŤJÂŤWDOHV 9. L’analyse par spectroscopie Raman de la patine et des traces de corrosion GX SLÂŤGHVWDO HQ ČľHXU GH ORWXV GX grand bouddha Amida a permis d’en savoir plus sur l’Êtat de conservation et les techniques d’Êlaboration de cet objet. Cette statue en bronze du XVIIe-XVIIIe siècle provenant du Japon est conservĂŠe au musĂŠe Cernuschi.

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Les promesses du graphène UNE ENQUĂŠTE DE SYLVAIN GUILBAUD

Bientôt roi de l’Êlectronique  ? Un matÊriau isolÊ il y a dix ans 3+2726 8 0217$1 7+( 12%(/ )281'$7Ζ21

En 2004, Ă l’aide de ruban adhĂŠsif, les physiciens AndrĂŠ Geim (Ă gauche) et Konstantin Novoselov arrachent des couches successives d’un morceau de graphite, principal constituant des mines de crayon. *U¤FH ¢ FHW HÎ?HXLOODJH ils isolent une seule ĂŠpaisseur d’atomes de carbone organisĂŠs en KH[DJRQHVb OH JUDSKÂŞQH Il s’agit du premier cristal Ă deux dimensions jamais fabriquĂŠ.

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O HVW ČľH[LEOH OÂŤJHU XOWUDUÂŤVLVWDQW WUDQVSDUHQW HW VXUWRXW H[FHOOHQW FRQGXFWHXU /D OLVWH GHV TXDOLWÂŤV GX JUDSKÂŞQH IHXLOOHW GȇXQH VHXOH ÂŤSDLVVHXU GȇDWRPHV GH FDUERQH RUJDQLVÂŤV HQ QLGV GȇDEHLOOHV HVW LPSUHVVLRQQDQWH &H PDWÂŤULDX LVROÂŤ HQ SRXUUDLW UÂŤYROXWLRQQHU OD WHFKQRORJLH ÂŤOHFWURQLTXH GH GHPDLQ ‹FUDQV VRXSOHV ÂŤOHFWURQLTXH KDXWH IUÂŤTXHQFH QDQRÂŤOHFWURQLTXH mbOHV PXOWLSOHV YRLHV GH UHFKHUFKH RÎ?HUWHV SDU OH JUDSKÂŞQH IDVFLQHQWb} VH UÂŤMRXLW %HUQDUG 3ODŠDLV GX ODERUDWRLUH 3LHUUH $LJUDLQ GH Oȇ‹FROH QRUPDOH VXSÂŤULHXUH1

DĂŠjĂ des prototypes d’Êcrans souples /H JUDSKÂŞQH YD VDQV GRXWH FRPPHQFHU SDU FKDQJHU OD IDFH GH QRV VPDUWSKRQHV JU¤FH ¢ VHV VXUSUHQDQWHV SURSULÂŤWÂŤV mb&H QȇHVW QL XQ PÂŤWDO QL XQ VHPL FRQGXFWHXU 1RXV DYRQV OD OLEHUWÂŤ GH OXL GRQQHU OHV SURSULÂŤWÂŤV TXH OȇRQ YHXWb}

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ENQUĂŠTE

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Plus rapide que le silicium %LHQ TXH OHV ÂŤOHFWURQV SDUFRXUHQW OD PÂŹPH GLVWDQFH FHQW IRLV SOXV UDSLGHPHQW GDQV OH JUDSKÂŞQH TXH GDQV OH VLOLFLXP OȇDFWXHO URL GHV PLFURSURFHVVHXUV QȇHVW SDV HQFRUH SUÂŹW GȇWUH GÂŤWUÂśQÂŤ GDQV OHV WUDQVLVWRUV GH QRV RUGLQDWHXUV &HX[ FL IRQFWLRQQHQW HQ HÎ?HW FRPPH GHV URELQHWV RXYHUWV RX IHUPÂŤV SRXU OH FRXUDQW 2U LO HVW GLÉ?FLOH GH mbIHUPHU OH URELQHWb} DYHF OH JUDSKÂŞQH FDU LO QH SRVVÂŞGH SDV GH JDS FHWWH EDQGH LQWHUGLWH GHV VHPL FRQGXFWHXUV RÂť OHV ÂŤOHFWURQV QH SHXYHQW FLUFXOHU &ȇHVW SOXWÂśW OH GRPDLQH GH OȇOHFWURQLTXH UDSLGH TXH OH JUDSKÂŞQH SRXUUDLW UÂŤYROXWLRQQHU mbΖO FRUUHVSRQG DX[ KDXWHV IUÂŤTXHQFHV DX GHO¢ GX JLJDKHUW] *+] HW FRQFHUQH OHV DSSOLFDWLRQV VDQV Č´O OHV WÂŤOÂŤFRPPXQLFDWLRQV OH QXPÂŤULTXH KDXW GÂŤELW OHV FRPPXQLFDWLRQV VDWHOOLWHV OHV UDGDUV FRXUWH HW ORQJXH SRUWÂŤHV HW HQČ´Q OH GRPDLQH WÂŤUDKHUW] DYHF SDU H[HPSOH OD SKRWRGÂŤWHFWLRQ SRXU OȇDVWURSK\VLTXHb} ÂŤQXPÂŞUH %HUQDUG 3ODŠDLV (Q SUDWLTXH OHV FKHUFKHXUV GH OȇXQLYHUVLWÂŤ GH &DOLIRUQLH RQW UÂŤDOLVÂŤ XQ WUDQVLVWRU ¢ b*+] FH TXL FRUUHVSRQG DX[ RQGHV UDGDUV ΖO SRXUUDLW ÂŹWUH XWLOLVÂŤ SRXU OHV V\VWÂŞPHV GH GÂŤWHFWLRQ QRWDPPHQW FHX[ GHV SDUH FKRFV GH YRLWXUH GÂŤGLÂŤV DX UHVSHFW DXWRPDWLTXH GHV GLVWDQFHV GH VÂŤFXULWÂŤ /ȇDYDQWDJH SULQFLSDO GX JUDSKÂŞQH FȇHVW OD PRELOLWÂŤ GHV ÂŤOHFWURQVb LOV Vȇ\ SURSDJHQW HQ VXELVVDQW WUÂŞV SHX GH FROOLVLRQV 'HV FRPSRVDQWV DXVVL UDSLGHV TXH FHX[ GRQW RQ VH VHUW DFWXHOOHPHQW PDLV SOXV JUDQGV GRQF SOXV IDFLOHV HW PRLQV FKHUV ¢ IDEULTXHU VRQW DORUV HQYLVDJHDEOHV 0DLV OD PLQLDWXULVDWLRQ HVW DXVVL ¢ OD SRUWÂŤH GH FHWWH PROÂŤFXOH 8QH FROODERUDWLRQ LQWHUQDWLRQDOH FRPSUHQDQW QRWDPPHQW *HRUJLD 7HFK DX[ ‹WDWV 8QLV OȇΖQVWLWXW 1ÂŤHO GX &156 HQ )UDQFH HW OȇXQLYHUVLWÂŤ GH /HLEQL] HQ $OOHPDJQH YLHQW GȇODERUHU GHV UXEDQV GH JUDSKÂŞQH GH PRLQV GH 1. 8QLWÂŤ &156 (16 830& 8QLY 3DULV 'LGHURW 2. 8QLWÂŤ &156 8-) Ζ13 *UHQREOH

L’Europe investit un milliard d’euros ÂŤbAprès des annĂŠes de recherche acadĂŠmique pure, nous sommes aujourd’hui dans une pĂŠriode charnière oÂť chercheurs et industriels doivent joindre leurs eÎ?orts pour travailler main dans la mainbÂť, commente Bernard Plaçais, du laboratoire Pierre-Aigrain de l’École normale supĂŠrieure. C’est la raison d’être du Flagship Graphène, oÉ?cialisĂŠ en 2013, programme phare europĂŠen de recherche et dĂŠveloppement sur cette thĂŠmatique, prĂŠvu sur dix ans pour un investissement total d’un milliard d’euros. En tout, 75bĂŠquipes de recherche acadĂŠmiques et industrielles de 17bpays diÎ?ĂŠrents participent Ă l’initiative. La France est le premier partenaire avec 15bĂŠquipes venant du CNRS, des universitĂŠs, de l’Onera, du CEA ou d’entreprises comme Thalès, entre autres. ÂŤbSi, au niveau mondial, l’Union europĂŠenne est deuxième en termes de citations de publications sur le graphène, elle a un gros retard en termes de brevets par rapport Ă la Chine ou aux États-Unis et Ă la CorĂŠe du Sud notammentbÂť, note Giancarlo Faini, directeur adjoint scientiČ´que de l’Institut de physique du CNRS. Le Flagship veut donc encourager les applications et cela passe par la rĂŠalisation de la chaĂŽne de fabrication complète, depuis l’Êlaboration du matĂŠriau jusqu’au produit Č´ni.

Š NOKIA

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8Q WŠOŠSKRQH ĂľH[LEOH DYHF XQ ŠFUDQ FRXYHUW GH JUDSK¨QH " &H VHUD SHXW ÂŞWUH OH .LQHWLF GH 1RNLD PÂŞPH VL FH QĂ—HVW HQFRUH TXĂ—XQ SURMHW GH UHFKHUFKH HIVER 2014 N° 275


GRAND FORMAT

Un ingrĂŠdient pour les matĂŠriaux du futur

bQDQRPÂŞWUHV GH ODUJH GDQV OHVTXHOV OHV ÂŤOHFWURQV IXVHQW FRPPH GHV EDOOHV 3 mb&HV UXEDQV SHUPHWWHQW GȇLPDJLQHU XQH ÂŤOHFWURQLTXH KDXWH IUÂŤTXHQFH SHUIRUPDQWH HW UÂŤDOLVDEOH VXU OH SODQ LQGXVWULHOb} LQGLTXH &ODLUH %HUJHU FKHUFKHXVH ¢ OȇΖQVWLWXW 1ÂŤHO TXL WUDYDLOOH VXU FH VXMHW GHSXLV OHV GÂŤEXWV GH OD UÂŤYROXWLRQ JUDSKÂŞQH

SUPRACONDUCTEUR

0DWULDX SUVHQWDQW une rÊsistance Êlectrique nulle en dessous d’une certaine tempÊrature.

Un pas vers la spintronique $YHF FHV IHXLOOHWV GH FDUERQH OHV VFLHQWLČ´TXHV QȇHQYLVDJHQW SDV VHXOHPHQW GH UHYLVLWHU RX GȇDPÂŤOLRUHU OD WHFKQRORJLH H[LVWDQWH 3RXU /DHWLWLD 0DUW\ mbOȇLQWÂŤUÂŹW HVW ÂŤJDOHPHQW GH FKDQJHU OD IDŠRQ GH YRLU OHV FKRVHV DČ´Q GH WLUHU SDUWL GHV SDUWLFXODULWÂŤV GX JUDSKÂŞQHb} /ȇXQH GȇHOOHV HVW OD SRVVLELOLWÂŤ GH FUÂŤHU GHV GLVSRVLWLIV K\EULGHV (Q LQWÂŤJUDQW SDU H[HPSOH GHV SDUWLFXOHV GȇWDLQ VXU GX JUDSKÂŞQH OHV FKHUFKHXUV GH OȇΖQVWLWXW 1ÂŤHO IDEULTXHQW GHV WUDQVLVWRUV TXL GHYLHQQHQW É‹VXSUDFRQGXFWHXUVÉ‹ HQ DSSOLTXDQW XQH VLPSOH WHQVLRQ ÂŤOHFWULTXH /H FRXUDQW VH GÂŤSODFH DORUV VDQV SHUWH ‚ ORQJ WHUPH LOV SRXUUDLHQW VHUYLU OH GRPDLQH GH OȇLQIRUPDWLRQ TXDQWLTXH &H FKDPS GH UHFKHUFKH EÂŤQÂŤČ´FLHUD VDQV GRXWH DXVVL GHV DSSRUWV GH OD VSLQWURQLTXH &RQWUDLUHPHQW ¢ OȇOHFWURQLTXH WUDGLWLRQQHOOH TXL XWLOLVH OD FKDUJH ÂŤOHFWULTXH OD VSLQWURQLTXH PHW ¢ SURČ´W OȇDLPDQWDWLRQ

k 21(5$

Meilleur conducteur que le cuivre, deux cents fois plus rĂŠsistant que l’acier mais six fois plus lĂŠger, le graphène pourrait contribuer Ă la construction d’avions moins lourds et donc moins gourmands en carburant. Les scientiČ´ques veulent en eÎ?et mĂŠlanger ce cristal Ă la rĂŠsine des matĂŠriaux composites aujourd’hui utilisĂŠs dans l’aĂŠronautique. PourquoiÉ‹" Ces composites, très lĂŠgers et rĂŠsistants, se sont substituĂŠs en partie aux mĂŠtaux dans le fuselage des avions. Mais ils sont très mauvais conducteurs d’ÊlectricitĂŠ. Or un avion de ligne est touchĂŠ par la foudre une fois par an en moyenne. Pour l’instant, les constructeurs ajoutent une protection mĂŠtallique sur le composite pour qu’il ĂŠvacue correctement le courant. Mais les scientiČ´ques travaillent plutĂ´t Ă doper la conductivitĂŠ des composites avec du graphène. Bien s½r, il ne suÉ?t pas d’en ajouter une pincĂŠe pour obtenir la recette idĂŠale. Il faut trouver la bonne architecture et le bon dosage. ÂŤbPour cela, la dĂŠmarche est encore empiriquebÂť, souligne Brigitte Attal-TrĂŠtout, de l’Onera. Des simulations seront donc nĂŠcessaires. Les chercheurs de l’Onera possèdent dĂŠjĂ un banc de test de rĂŠsistance Ă la foudre avec un gĂŠnĂŠrateur de 40bkilovolts capable de produire des arcs ĂŠlectriques semblables aux ĂŠclairs. Ils examinent Ă l’heure actuelle des composites classiques et commenceront bientĂ´t des expĂŠriences avec des matĂŠriaux dopĂŠs au graphène. ÂŤbNous espĂŠrons avoir des rĂŠsultats d’ici trois ou quatre ansbÂť, commente Philippe Lalande, expert foudre Ă l’Onera. Et il conclutb: ÂŤbCependant, il faudra attendre au moins quinze ans avant que des avions soient construits avec du graphène.bÂť

7HVW GH UŠVLVWDQFH  OD IRXGUH VXU XQ SDQQHDX GĂ—DYLRQ /H JUDSK¨QH SRXUUDLW HQ DPŠOLRUHU OD FRQGXFWLYLWŠ SRXU ŠYDFXHU OH FRXUDQW

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3. Travaux publiĂŠs en ligne dans Nature le 5 fĂŠvrier. 4. 8QLWÂŤ &156 7KDOÂŞV DVVRFLÂŤH ¢ OȇXQLY 3DULV 6XG 5. 8QLWÂŤ &156 2QHUD

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CNRS LE JOURNAL


ENQUÊTE

Le graphène pour mieux stocker l’énergie… H JUDSKªQH SDUWLFLSH DXVVL DX G«YHORSSHPHQW GH VRXUFHV Gȇ«QHUJLH SOXV SURSUHV *U¤FH ¢ VD WUDQVSDUHQFH VD ȵH[LELOLW« HW VRQ H[FHOOHQWH FRQGXFWLYLW« LO SRXUUDLW GȇLFL WURLV ¢ FLQT DQV UHPSODFHU OȇR[\GH GȇLQGLXP «WDLQ IUDJLOH UDUH HW WR[LTXH GDQV OD IDEULFDWLRQ GHV «OHFWURGHV GHV FHOOXOHV VRODLUHV 3OXVLHXUV ODERUDWRLUHV HQ )UDQFH \ WUDYDLOOHQW mb/HV SURSUL«W«V «OHFWULTXHV H[WUDRUGL QDLUHV GX JUDSKªQH IRQW TXH OD SUHPLªUH VWUDW«JLH GȇXWLOLVDWLRQ HVW GȇHVVD\HU GȇHQ PHWWUH GDQV WRXW GLVSRVLWLI GHVWLQ« ¢ FRQGXLUH GX FRXUDQW HQ UHPSODFHPHQW GX F DUERQH XWLOLV« MXVTXȇLFL SRXU DVVXUHU FHWWH IRQFWLRQb} H[SOLTXH WLHQQH 4XHVQHO GX &($ /LWHQ TXL FRRUGRQQH OD WK«PDWLTXH «QHUJLH GX )ODJVKLS HXURS«HQ VXU OH JUDSKªQH OLUH OȇHQFDGU« S Améliorer les performances des batteries… 2Q WURXYH GX FDUERQH SDU H[HPSOH GDQV OHV EDWWHULHV OLWKLXP LRQ TXL DOLPHQWHQW OD SOXSDUW GH QRV DSSDUHLOV «OHFWURQLTXHV 3RXU UHQGUH FRQGXFWULFHV OHV «OHFWURGHV GH FHV EDWWHULHV RQ OHV WUHPSH GDQV XQ PDW«ULDX FDUERQ« 6L RQ OȇHQULFKLW GH JUDSKªQH OD FRQGXFWLYLW« GHV «OHFWURGHV HVW ERRVW«H $XWUH SRLQWb OHV EDWWHULHV FODVVLTXHV VWRFNHQW OHV LRQV OLWKLXP GDQV GHV VWUXFWXUHV HQ JUDSKLWH GRQW OD FDSDFLW« HVW OLPLW«H 'HV VFLHQWLȴTXHV GX &($ ΖQDF HW GH OȇΖQVWLWXW GHV PDW«ULDX[ GH 1DQWHV1 RQW U«DOLV« DYHF GX JUDSKªQH XQH VWUXFWXUH SRUHXVH VHPEODEOH ¢ XQH «SRQJH GDQV ODTXHOOH LOV RQW LQV«U« GHV QDQRSDUWLFXOHV GH VLOLFLXP &HV GHUQLªUHV VWRFNHQW OHV LRQV OLWKLXP WDQGLV TXH OH JUDSKªQH DVVXUH OD VWDELOLW« P«FDQLTXH HW OD FRQQH[LRQ «OHFWULTXH DYHF Oȇ«OHFWURGH /HV FKHUFKHXUV RQW DLQVL PXOWLSOL« SDU GL[ OD TXDQWLW« Gȇ«QHUJLH HPPDJDVLQ«H /D UREXVWHVVH P«FDQLTXH GH FH FULVWDO SHUPHWWUD DXVVL GȇDXJPHQWHU OD GXU«H GH YLH GH OD EDWWHULH TXL SRXUUDLW SDVVHU GH PLOOH ¢ GL[ PLOOH F\FOHV GH FKDUJH G«FKDUJH … des chargeurs instantanés… 6L OHV EDWWHULHV VWRFNHQW GH Oȇ«QHUJLH VXU OH ORQJ WHUPH OHV VXSHUFRQGHQVDWHXUV SRXUUDLHQW HX[ UHFKDUJHU XQ W«O«SKRQH SRUWDEOH HQ TXHOTXHV VHFRQGHV ΖOV VRQW FRQVW WX«V GH GHX[ «OHFWURGHV V«SDU«HV SDU XQ OLTXLGH DSSHO« «OHFWURO\WH R» FLUFXOHQW GHV LRQV &HX[ FL VH ȴ[HQW SXLV VH G«WDFKHQW GH OD VXUIDFH SRUHXVH GHV «OHFWURGHV DX JU« GHV FKDUJHV HW GHV G«FKDUJHV &HV VXUIDFHV SRUHXVHV VRQW DFWXHOOHPHQW IDLWHV GH FKDUERQ HQ SRXGUH /HV U«DOLVHU DYHF GHV QDQRIHXLOOHWV GH JUDSKªQH SHUPHWWUDLW 1. 8QLW« &156 8QLY GH 1DQWHV

GȇDXJPHQWHU OD VXUIDFH GH FRQWDFW DYHF Oȇ«OHFWURO\WH HW GȇREWHQLU XQH SOXV JUDQGH FDSDFLW« GH VWRFNDJH GHV LRQV … et des piles à combustible SOXV ORQJ WHUPH OHV SLOHV ¢ FRPEXVWLEOH VRQW DXVVL GDQV OH YLVHXU /H SULQFLSHb IDEULTXHU GH Oȇ«OHFWULFLW« JU¤FH ¢ OȇR[\GDWLRQ GH OȇK\GURJªQH GȇXQ F¶W« FRXSO«H ¢ OD U«GXFWLRQ GH OȇR[\JªQH GH OȇDLU GH OȇDXWUH 3RXU GLVVRFLHU OȇK\GURJªQH LO IDXW XWLOLVHU GX SODWLQH FRPPH FDWDO\VHXU 2U VRQ FR½W HVW WUªV «OHY« 0DLV VWUXFWXUHU Oȇ«OHFWURGH DYHF GX JUDSKªQH ¢ Oȇ«FKHOOH PLFURVFRSLTXH DXJPHQWHUDLW OH WDX[ GȇXWLOLVDWLRQ GX SODWLQH HW LQ ȴQH OH UHQGHPHQW GH OD FDWDO\VH (QȴQ OHV VFLHQWLȴTXHV HQYLVDJHQW P¬PH OH VWRFNDJH GH OȇK\GURJªQH OXL P¬PH DYHF FHV IHXLOOHWV GH FDUERQH SOXW¶W TXH GH OȇHPPDJDVLQHU GDQV GHV ERPERQQHV TXL Q«FHVVLWHQW DFWXHOOHPHQW XQH FR½WHXVH PLVH VRXV SUHVVLRQ ΖO IDXGUD FHSHQGDQW DWWHQGUH XQH GL]DLQH GȇDQQ«HV SRXU OD PLVH HQ SUDWLTXH GH FHWWH DSSOLFDWLRQ

Les chercheurs ont multiplié par dix la quantité d’énergie emmagasinée dans des batteries.

k :Ζ/(< 9&+ 9(5/$* *0%+ &2 .*$$ :(Ζ1+(Ζ0

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100 nm

'HV IHXLOOHWV GH JUDSK¨QH GLVSHUV©V SDUPL OHV DJU©JDWV GH VLOLFLXP ERRVWHQW OD FRQGXFWLYLW© GH FHWWH ©OHFWURGH YXH DX PLFURVFRSH HIVER 2014 N° 275

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GRAND FORMAT

… dessaler l’eau de mer et cibler les cancers & b Détecter une molécule parmi un milliard )HXLOOHW DXVVL ȴQ TXȇXQ DWRPH OH JUDSKªQH R΍UH XQH ODUJH VXUIDFH GH FRQWDFW ΖO HVW GRQF WUªV HɝFDFH SRXU G«WHFWHU OD SU«VHQFH GHV JD] 'H SOXV LO D XQH WUªV JUDQGH FRQGXFWLYLW« «OHFWULTXH 8Q G«WHFWHXU HQ JUDSKªQH U«DJLW DLQVL ¢ OD SU«VHQFH GȇXQH VHXOH PRO«FXOH GH JD] SROOXDQWV SDUPL XQ PLOOLDUG GȇDXWUHV mb'ȇDXWUHV WHFKQLTXHV VRQW HQFRUH SOXV VHQVLEOHV 0DLV OH Y«ULWDEOH DYDQWDJH GHV FDSWHXUV ¢ EDVH GH JUDSKªQH HVW TXȇLOV IRQFWLRQQHQW ¢ WHPS«UDWXUH DPELDQWH HW TXȇLOV SHXYHQW ¬WUH SRUWDEOHVb} G«WDLOOH <DQQ %DWWLH GX ODERUDWRLUH /&3 $ 0& GH OȇXQLYHUVLW« GH /RUUDLQH &HOD SHUPHW GȇHQYLVDJHU GHV XWLOLVDWLRQV HQ SOHLQ DLU SRXU PHVXUHU OD SROOXWLRQ XUEDLQH RX GDQV OȇD«URQDXWLTXH SRXU DQDO\VHU OHV SROOXDQWV GLUHFWHPHQW HQ VRUWLH GHV WXUELQHV GȇDYLRQ /HV PLOLWDLUHV Vȇ\ LQW«UHVVHQW DXVVL GH SUªV SRXU OD G«WHFWLRQ GȇDJHQWV QHXURWR[LTXHV /HV G«WHFWHXUV ¢ EDVH GH JUDSKªQH HQ SKDVH GH G«YHORSSHPHQW DX /&3 $ 0& HW ¢ Oȇ2QHUD SRXUUDLHQW ¬WUH FRPPHUFLDOLV«V GȇLFL GL[ DQV ΖOV SRXUUDLHQW «JDOHPHQW ¬WUH XWLOLV«V HQ P«GHFLQH R» OȇDQDO\VH GH OȇDLU H[SLU« SHUPHW OH GLDJQRVWLF GH FHUWDLQHV PDODGLHV FRPPH OH FDQFHU GHV SRXPRQV

Retrouvez des experts du CNRS à la table ronde intitulée «bLe graphène, la nouvelle génération de matériaux innovantsb», au forum Futurapolis, du 15 au 17 mai, à Toulouse.

www.futurapolis.fr/futurapolis-2014/

1. 8QLW« &156 8QLY /\RQ Ζ

CNRS LE JOURNAL

Vers des thérapies ciblées /H GRPDLQH ELRP«GLFDO HVW GȇDLOOHXUV WUªV SRUWHXU mb/H JUDSKªQH SRVVªGH OD IDFXOW« GH VȇDFFXPXOHU GDQV OHV WXPHXUVb } H[SOLTXH $OEHUWR %LDQFR GH OȇXQLW« &156 ΖPPXQRSDWKRORJLH HW &KLPLH WK«UDSHXWLTXH *UH΍HU GHV QDQRSDUWLFXOHV GȇRU VXU GX JUDSKªQH SHUPHWWUDLW SDU H[HPSOH GH UHQGUH OHV FHOOXOHV FDQF«UHXVHV YLVLEOHV SDU LPDJHULH SKRWRDFRXVWLTXH 'H SOXV TXDQG HOOHV UH©RLYHQW GH OD

OXPLªUH FHV QDQRSDUWLFXOHV SHXYHQW FKDX΍HU VXɝVDPPHQW SRXU G«WUXLUH OD FHOOXOH PDODGH HW SDV VHV YRLVLQHV &ȇHVW GRQF XQ RXWLO FDSDEOH VLPXOWDQ«PHQW GH GLDJQRVWLTXHU HW GH VRLJQHU GH PDQLªUH FLEO«H

'X JUDSK¨QH SRXU GHVVDOHU O×HDX GH PHU OHV PRO©FXOHV G×HDX SDVVHQW GDQV OHV WURXV PDLV SDV OHV LRQV LVVXV GHV FULVWDX[ GH VHO

k 1$785( 1$127(&+12/2*< 92/ 6(37 %< 3(50Ζ66Ζ21 )520 0$&0Ζ//$1 38%/Ζ6+(56 /7'

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$P«OLRUHU OD ȴOWUDWLRQ GH OȇHDX GH PHU /H JUDSKªQH SRXUUDLW DXVVL U«YROXWLRQQHU OD G«VDOLQLVDWLRQ GH OȇHDX GH PHU mb/D WHFKQLTXH GH OȇRVPRVH LQYHUVH FRQVLVWH ¢ IRUFHU OH SDVVDJH GH OȇHDX GH PHU ¢ WUDYHUV OHV WURXV PLQXVFXOHV GȇXQH PHPEUDQHb HOOH ODLVVH SDVVHU OȇHDX PDLV SDV OHV LRQV TXL IRUPHQW OHV FULVWDX[ GH VHOb} H[SOLTXH /\G«ULF %RFTXHW GH OȇΖQVWLWXW /XPLªUH 0DWLªUH Ζ/0 1 ¢ /\RQ 8QH PHPEUDQH IDLWH GH JUDSKªQH SHUPHWWUDLW GȇDP«OLRUHU OH UHQGHPHQW GH FHWWH WHFKQLTXH 3OXVLHXUV JURXSHV QRWDPPHQW ¢ OȇΖ/0 \ WUDYDLOOHQW &RPPH SRXU OHV DXWUHV QDQRWHFKQRORJLHV OHV FKHUFKHXUV VH PRELOLVHQW DXVVL SRXU TXDQWLȴHU OHV GDQJHUV SRWHQWLHOV SRXU OD VDQW« $OEHUWR %LDQFR HVW SOXW¶W RSWLPLVWH 6HORQ OXL OH JUDSKªQH HVW EHDXFRXS PLHX[ WRO«U« SDU OȇRUJDQLVPH TXH VHV SU«G«FHVVHXUV OHV QDQRWXEHV GH FDUERQH /HV ULVTXHV «YHQWXHOV VRQW Q«DQPRLQV SULV DX V«ULHX[ HW OH FKHUFKHXU FRRUGRQQH XQ YROHW GX )ODJVKLS *UDSKªQH VS«FLDOHPHQW G«GL« ¢ OHXU «YDOXDWLRQ II


EN ACTION

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EN ACTION

Les trous noirs sortent de l’ombre PAR JULIEN BOURDET

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Astronomie. 'HV REVHUYDWLRQV U«FHQWHV «FODLUHQW OHV DVWURQRPHV VXU OHV WURXV QRLUV FHV DVWUHV P\VW«ULHX[ GRQW OD JUDYLW« HVW VL LQWHQVH TXH ULHQ QH VȇHQ «FKDSSH

1. Unité CNRS/Univ. de Strasbourg. 2. Unité CNRS/Univ. d’Orléans. 3. Unité CNRS/UPMC.

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CNRS LE JOURNAL

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EN ACTION

Lire l’intégralité de l’article sur lejournal.cnrs.fr

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© F. MIRABEL/ESA/NASA

Vue d’artiste montrant une étoile proche d’un trou noir dans la Voie lactée.

OȇLQWHQVH FKDPS PDJQ«WLTXH SU«VHQW GDQV FH JD] HPS¬FKHUDLW OD PDWLªUH GH WRPEHU GDQV VD ERXFKH $XWUH TXHVWLRQ RXYHUWH FHOOH GH OD IRUPDWLRQ GH FHV REMHWV FRVPLTXHV 2Q VDLW TXH OHV WURXV QRLUV GLWV GH W\SH VWHOODLUH EHDXFRXS SOXV SHWLWV TXH OHXUV KRPRORJXHV VXSHUPDVVLIV HW GRQW XQH YLQJWDLQH VRQW UHFHQV«V GDQV OD 9RLH ODFW«H QDLVVHQW GH OȇH[SORVLRQ Gȇ«WRLOHV PDVVLYHV HQ VXSHUQRY¨ /HV FRXFKHV H[WHUQHV GH Oȇ«WRLOH VRQW DORUV «MHFW«HV GDQV OȇHVSDFH WDQGLV TXH VRQ FĕXU VH FRQWUDFWH VRXV VRQ SURSUH SRLGV IRUPDQW XQ DVWUH GȇXQH GHQVLW« H[WU¬PH OH WURX QRLU $LQVL XQ WURX QRLU GH OD WDLOOH GH 3DULV D XQH PDVVH «TXLYDOHQWH ¢ WURLV 6ROHLOVɋ 3RXU OHV WURXV QRLUV VXSHUPDVVLIV HQ UHYDQFKH OHV DVWURQRPHV RQW GȇDERUG FUX TXȇLOV VH VHUDLHQW IRUP«V SDU OD FURLVVDQFH GȇXQ WURX QRLU VWHOODLUH GXUDQW GHV PLOOLDUGV GȇDQQ«HV 3UREOªPHb FHV WURXV QRLUV J«DQWV H[LVWDLHQW G«M¢ WUªV W¶W DSUªV OH %LJ %DQJ m 0¬PH HQ VXSSRVDQW TXȇLOV DLHQW

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PULSAR

Astre issu de l’explosion d’une étoile massive émettant deux puissants faisceaux d’ondes radio depuis ses pôles magnétiques.

HIVER 2014 N° 275

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EN ACTION

Les tweets et les SMS passent à la fouille NumÊrique. Parfois dÊcriÊ mais largement adoptÊ, OH ODQJDJHb606 HVW GVRUPDLV GHYHQX XQ REMHW GȇWXGH pour les linguistes et les informaticiens. PAR YAROSLAV PIGENET

0 b

Š J. ROMMÉ/FOTOLIA.COM

oins de vingt-deux ans après OȇHQYRL GX WRXW SUHPLHU 606 HW huit ans après la crĂŠation de Twitter, ce mode de communication en moins GH bVLJQHV HVW GHYHQX XQ SKÂŤQRmène de sociĂŠtĂŠ. Sa popularitĂŠ est telle que, pour la linguiste Rachel Panckhurst, ÂŤ analyser cette forme VSÂŤFLČ´TXH GH GLVFRXUV ÂŤOHFWURQLTXH est devenu primordial pour les chercheurs en sciences du langage, informatique, information-communication, psychologie, sociologie, etc., pour

mieux comprendre de quelles façons la langue ĂŠvolue, et pour observer d’Êventuelles mutations en cours Ă tous les niveaux de la sociĂŠtĂŠ Âť. Un projet de grande envergure La chercheuse, membre de l’Êquipe Praxiling1, a ainsi coordonnĂŠ le projet Sud4science Languedoc-Roussillon, qui a permis de recueillir plus de É‹ b606 ÂŤPLV HQWUH VHSWHPEUH HW dĂŠcembre 2011. Ce corpus, le plus important jamais collectĂŠ en langue française, sera mis Ă la disposition des chercheurs et du grand public dans OH FRXUDQW GH OȇDQQÂŤHb Sud4science, qui fait partie du proMHW LQWHUQDWLRQDO 606 VFLHQFH SHUPHW dĂŠjĂ d’aborder des problĂŠmatiques linguistiques classiques telles que l’Êtude des mots employĂŠs par les gens pour entrer en contact (salut, hello, FRXFRX HWF RX HQFRUH OȇLGHQWLČ´FDWLRQ des nouvelles formes lexicales (abrĂŠviations, mots phonĂŠtisĂŠs comme 2manD ou 6T, rĂŠpĂŠtitions de lettres comme dans cooooooooool, etc.). Le projet sera ĂŠgalement utile pour amĂŠliorer, voire crĂŠer, des outils informatiques et statistiques capables de traiter automatiquement ce type de corpus et d’en extraire les traces d’Êmotions, de sentiments ou d’opinions politiques. Des informations qui

Retrouvez nos articles, dossiers, vidĂŠos, infographies, billets, diaporamas et audios sur lejournal.cnrs.fr

pourraient servir aux sociologues, aux politistes ou aux spĂŠcialistes en marNHWLQJ ¢ GÂŤWHFWHU LGHQWLČ´HU HW ÂŤYDOXHU en temps rĂŠel les mouvements d’opinion et les tendances. (Q HÎ?HW FRPPH OȇLQGLTXH 0DWKLHX Roche, chercheur en informatique au &LUDG ¢ 0RQWSHOOLHU HW FRSRUWHXU GȇXQ projet pluridisciplinaire HumanitĂŠ0DWKÂŤPDWLTXHV 6FLHQFHV GH OȇLQIRU PDWLRQ +X0DΖQ ODQFÂŤ SDU OH &156 HQb ÂŤ On parvient aujourd’hui, Ă partir d’une analyse informatique du texte, Ă dĂŠtecter de manière automaWLTXH VL XQH FULWLTXH GH Č´OP HVW SRVLWLYH ou nĂŠgative. La question que l’on se pose dĂŠsormais est de savoir si l’on peut arriver au mĂŞme rĂŠsultat avec des WH[WHV FRXUWV GH W\SH 606 HW WZHHW } DĂŠtecter les sentiments Et la tâche se rĂŠvèle complexe, car les DXWHXUV GH WZHHWV HW GH 606 PRGLČ´HQW VRXYHQW OȇRUWKRJUDSKH HW HPploient un lexique crĂŠatif. Les outils conçus pour les textes ÂŤ littĂŠraires Âť RQW DLQVL GH JUDQGHV GLÉ?FXOWÂŤV ¢ OHV traiter correctement. Par exemple, les traces d’Êmotions, habituellement dĂŠtectĂŠes par appariement avec des mots inventoriĂŠs dans les dictionnaires, sont souvent indiquĂŠes, dans les tweets et les 606 SDU GHV IRUPHV QRQ YHUEDOHV (smileys), des rĂŠpĂŠtitions de caracWÂŞUHV \HVVVVV É‹ GHV RQRPDWRSÂŤHV (grrr, heu). Aussi, une fois l’anonymisation du corpus terminĂŠe, les fautes d’orthographe y ont-elles ĂŠtĂŠ corrigĂŠes (sur un ĂŠchantillon du corpus) DČ´Q GȇDSSURIRQGLU OȇDQDO\VH GH FHV donnĂŠes textuelles. Le corpus doit ĂŞtre prochainement mis Ă disposition sur le site d’Huma1XP OD 7UÂŞV JUDQGH LQIUDVWUXFWXUH GH recherche en sciences humaines et VRFLDOHV ODQFÂŤH HQb II

1. UnitĂŠ CNRS/Univ. Paul-ValĂŠry.

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CNRS LE JOURNAL


EN ACTION

Š WHO

Une campagne de vaccination massive contre la mÊningite A a ÊtÊ lancÊe en Afrique. /HV VFLHQWLôTXHV Êtudient son impact sur d’autres souches responsables de cette maladie.

L’Afrique poursuit le combat contre la mÊningite

PAR CLÉMENTINE WALLACE

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/LUH OȇLQWJUDOLW GH OȇDUWLFOH VXU lejournal.cnrs.fr

n vaccin contre la mÊningite à PQLQJRFRTXHV GX VURJURXSHb$ responsable de la plupart des ÊpidÊmies de mÊningite bactÊrienne en $IULTXH HVW GLVSRQLEOH GHSXLV OD ȴQ GH OȇDQQH 8QH DYDQFH SRUteuse d’espoirs pour le continent afriFDLQ GXUHPHQW WRXFK DX FRXUV GH OD GHUQLªUH JUDQGH SLGPLH HQb quatorze pays ont ainsi rapportÊ plus GH ɋ bFDV VXV SHFWV HW SOXV GH ɋ bGFªV /ȇ2UJDQLVDWLRQ PRQGLDOH GH OD VDQW 206 D GRQF ODQF XQ programme de vaccination massive dans les vingt-six pays de la rÊgion africaine la plus touchÊe, dÊnommÊe  la ceinture de la mÊningite , qui s’Êtend du SÊnÊgal jusqu’à l’Éthiopie.

Les premiers rĂŠsultats de cette initiaWLYH VRQW HQFRXUDJHDQWV HQb DXFXQH ÂŤSLGÂŤPLH ¢ 1P$ QȇD ÂŤWÂŤ UHcensĂŠe dans les pays vaccinĂŠs1. Des questions en suspens &HOD VLJQLČ´H W LO TXH OD UÂŤJLRQ VHUD bientĂ´t dĂŠbarrassĂŠe du fardeau des ÂŤSLGÂŤPLHV GH PÂŤQLQJLWHÉ‹" &H QȇHVW SDV si ĂŠvident que cela, d’après HĂŠlène Broutin, ĂŠco-ĂŠpidĂŠmiologiste au &1562b mb&HUWHV OȇDSSDULWLRQ GX YDFcin a ĂŠtĂŠ une rĂŠvolution, mais cela a aussi engendrĂŠ de nouvelles quesWLRQVČ? 8QH WHOOH SUHVVLRQ GH VÂŤOHFtion contre le sĂŠrogroupe dominant libère la niche ĂŠcologique pour d’autres sĂŠrogroupes et d’autres

bactĂŠries pouvant provoquer une mĂŠningite, notamment Streptococcus pneumoniĂŚ. ΖO HVW GRQF LPSÂŤUDWLI d’Êtudier, dès aujourd’hui, l’impact de cette vaccination massive sur OȇFRORJLH HW OD G\QDPLTXH GHV GLÎ?ÂŤrents pathogènes. Âť Une ĂŠtude en cours au SĂŠnĂŠgal C’est dans ce cadre que la chercheuse et ses collègues ont lancĂŠ le projet de recherche intitulĂŠ Thairenga (Transmission et histoire des agents infectieux en milieu rural et environnement au SĂŠnĂŠgal) 3 . Dès cette annĂŠe, des ĂŠco-ĂŠpidĂŠmiologistes, des mĂŠdecins, des climatologues, mais aussi des anthropologues ĂŠtudieront de concert les dĂŠterminants multiples qui contribuent Ă l’Êmergence d’une ĂŠpidĂŠmie de mĂŠningite. Ce projet se rĂŠalise au sein d’une FRPPXQDXWÂŤ UXUDOH GH É‹ bSHUsonnes, Ă Keur SocĂŠ, au SĂŠnĂŠgal. ÂŤ Les GLÎ?ÂŤUHQWV GÂŤWHUPLQDQWV TXL HQWUHQW HQ jeu sont gĂŠnĂŠralement ĂŠtudiĂŠs de manière indĂŠpendante alors qu’ils jouent certainement des rĂ´les comSOÂŤPHQWDLUHV ΖO HVW GRQF FUXFLDO GH travailler ensemble, en mĂŞme temps, sur une mĂŞme population, explique HĂŠlène Broutin. 1RXV HVSÂŤURQV DLQVL que le projet Thairenga fournira des informations utiles aux autoritĂŠs pour les aider Ă optimiser les stratĂŠgies de vaccination dans la rĂŠgion. Âť II

1. OMS, Weekly Epidemiological Report,b b /DERUDWRLUH 0DODGLHV LQIHFWLHXVHV HW YHFWHXUV FRORJLH JQWLTXH YROXWLRQ HW FRQWUœOH &156 Ζ5' 80 80 0HPEUH GX FRPLW VFLHQWLȴTXH GH OȇLQLWLDWLYH GH Oȇ206 0HULW 0HQLQJLWLV 5LVN (QYLURQPHQWDO ΖQIRUPDWLRQ 7HFKQRORJLHV &RGLULJ SDU OH GRFWHXU 5RJHU 7LQH GH Oȇ8FDG 6QJDO

Le puzzle infernal Visionner la vidĂŠo sur lejournal.cnrs.fr

Š CNRS IMAGES

Une prĂŠcieuse inscription latine, brisĂŠe en centaines de fragments de marbre trouvĂŠs Ă Autun (anciennement Augustodunum), rĂŠsiste Ă livrer ses secrets depuis plus d’un siècle. Grâce aux technologies numĂŠriques, les historiens commencent Ă reconstituer ce gigantesque puzzle pour en dĂŠcouvrir le texte. DĂŠcouvrez les explications d’Antony Hostein, du laboratoire Anhima, porteur du projet de recherche sur cette inscription (Digital Epigraphy).

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EN ACTION

‰GLWLRQ VFLHQWLôTXH :

XQ QRXYHDX FRQWUDW DYHF (OVHYLHU

PROPOS RECUEILLIS PAR CLAIRE DEBÔVES

6LJQÂŤ OH MDQYLHU OH FRQWUDW HQWUH OD )UDQFH HW OȇGLWHXU HXU (OVHYLHU LQVWDXUH XQH OLFHQFH QDWLRQDOH GȇDFFÂŞV ¢ OD FWHXU )UHHGRP &ROOHFWLRQ /H SRLQW DYHF 5RJHU *HQHW GLUHFWHXU JÂŤQÂŤUDO GH OD UHFKHUFKH HW GH OȇLQQRYDWLRQ DX PLQLVWÂŞUH UH GH Oȇ(QVHLJQHPHQW VXSÂŤULHXU HW GH OD 5HFKHUFKH

Alors que, depuis plusieurs annĂŠes, la fronde s’accentue contre les grands ĂŠditeurs scientiČ´ques, le contrat 2014-2018 avec Elsevier constitue une avancĂŠe tarifaire et qualitative sans prĂŠcĂŠdent. La Freedom Collection, catalogue de 2É‹200brevues essentielles pour des millions de chercheurs, est dĂŠsormais accessible en ligne en France via une licence nationale. 4uels ĂŠtaient les enjeux de cette nĂŠgociationÉ‹" Roger Genet : L’enjeu ĂŠtait de garantir aux chercheurs travaillant en France le maintien d’une information scienWLČ´TXH DERQGDQWH HW GH TXDOLWÂŤ PDLV ¢ XQ SUL[ FRPSDWLEOH DYHF OH FRQWH[WH GHV Č´QDQFHV SXEOLTXHV /H U\WKPH GȇDXJPHQWDWLRQ GH FH PDUFKÂŤ GH b ¢ b É‹ SDU DQ GHSXLVb

Petit glossaire de l’Open Access GREEN OPEN ACCESS : accès ouvert fourni par l’auteur qui dĂŠpose sa prĂŠpublication ou son article sur un site d’archives institutionnelles ou disciplinaires. Exemples : HAL (archives ouvertes pluridisciplinaires du CNRS), PubMed Central (biologie), ArXiv (physique). GOLD OPEN ACCESS : DFFÂŞV RXYHUW IRXUQL SDU XQ MRXUQDO Č´QDQFÂŤ SDU OȇLQVWLWXWLRQ GH OȇDXWHXU RX GX PÂŤFÂŤQDW VFLHQWLČ´TXH ([HPSOH 6FRDS (partenariat secteurs publics et privĂŠs), Public Library of Science (Plos). PLATINUM OPEN ACCESS : accès ouvert Ă des revues sur une plateforme ¢ Č´QDQFHPHQW SXEOLF HW DXWRČ´QDQFHPHQW SDU GHV VHUYLFHV complĂŠmentaires (notamment bibliographiques) acquis par abonnement des bibliothèques. Exemple : OpenEdition (plateforme du ClĂŠo en sciences humaines et sociales, CNRS).

CNRS LE JOURNAL

QȇWDLW SOXV VXSSRUWDEOH 2U VL Oȇ2SHQ $FFHVV IDLW Č´JXUH GȇDOWHUQDWLYH SRXU OȇDYHQLU VHXOHPHQW É‹ GHV DUWLFOHV VFLHQWLČ´TXHV VRQW OLEUHV GȇDFFÂŞV HQ )UDQFH DXMRXUGȇKXL 2Q QH SHXW SDV EDVFXOHU GX MRXU DX OHQGHPDLQ GȇXQ PRGÂŞOH ¢ OȇDXWUH 'ȇDXWDQW TXH QRXV VRPPHV HQFRUH GDQV XQ V\VWÂŞPH RÂť SXEOLHU GDQV GHV UHYXHV GH UÂŤIÂŤUHQFH FRPPH Cell HQ ELRORJLH RX The Lancet en mĂŠdecine – deux revues (OVHYLHUbČ‚ D XQ LPSDFW FHUWDLQ VXU OȇYDOXDWLRQ HW OH Č´QDQFHPHQW GH OD UHFKHUFKH Qu’apporte la nouvelle licence nationale d’accès aux collections d’ElsevierÉ‹" R.É‹G. : 7RXW GȇDERUG FHWWH OLFHQFH QDWLRQDOH HVW XQH JUDQGH SUHPLÂŞUH GDQV OH PRQGH 'HSXLV MDQYLHU HQ )UDQFH É‹ b FKHUFKHXUV HW HQVHLJQDQWV FKHUFKHXUV RQW DFFÂŞV ¢ OD )UHHGRP &ROOHFWLRQ VXU OD SODWHIRUPH 6FLHQFH'LUHFW VHORQ GHV PRGDOLWÂŤV LGHQWLTXHV TXȇLOV WUDYDLOOHQW GDQV XQH XQLYHUVLWÂŤ XQ RUJDQLVPH GH UHFKHUFKH RX XQH ÂŤFROH GȇLQJÂŤQLHXU &HWWH ÂŤTXLWÂŤ GDQV OȇDFFÂŞV DX[ UHVVRXUFHV HVW XQ SOXV SRXU OD TXDOLWÂŤ GH OD UHFKHUFKH $XWUH SRLQW LPSRUWDQW QRXV DFTXÂŤURQV V\VWÂŤPDWLTXHPHQW OD SURSULÂŤWÂŤ LQWHOOHFWXHOOH GHV FRQWHQXV DX[TXHOV QRXV VRPPHV DERQQÂŤV Qu’en est-il du volet Č´nancier du contratÉ‹" R.É‹G. : 1RXV DYRQV REWHQX TXH OHV SUL[ DQQXHOV QȇDXJPHQWHQW TXDVLPHQW SDV GȇLFL ¢b 8QH GLPLQXWLRQ GH É‹ HVW PÂŹPH SUÂŤYXH SRXU OHV GHX[ SUHPLÂŞUHV DQQÂŤHV VXU XQ FRQWUDW TXL UHSUÂŤVHQWH HQYLURQ PLOOLRQV GȇHXURV SDU DQ 8QH FODXVH GH PDLQWLHQ TXDOLWDWLI GH OD FROOHFWLRQ


EN ACTION

UN LIA À FUKUSHIMA

FȇHVW ¢ GLUH GHV WLWUHV SKDUHV D ÂŤJDOHPHQW ÂŤWÂŤ HQWÂŤULQÂŤH &ȇHVW LQÂŤGLW $XWUH ÂŤYROXWLRQ OD FRQWULEXWLRQ Č´QDQFLÂŞUH GHV ÂŤWDEOLVVHPHQWV DX PDUFKÂŤ VHUD GÂŤVRUPDLV IRQFWLRQ GHV XWLOLVDWHXUV HW GHV VHFWHXUV GLVFLSOLQDLUHV HW QRQ SOXV GH FULWÂŞUHV REVROÂŞWHV FRPPH OȇKLVWRULTXH GHV DERQQHPHQWV SDSLHU DQWÂŤULHXUV Comment la France a-t-elle obtenu ces rĂŠsultatsÉ‹" R.É‹G. : 8Q QÂŤJRFLDWHXU XQLTXH OH FRQVRUWLXP &RXSHULQ D ÂŤWÂŤ PDQGDWÂŤ SDU OD %LEOLRWKÂŞTXH VFLHQWLČ´TXH QXPÂŤULTXH DX QRP GHV ÂŤWDEOLVVHPHQWV XWLOLVDWHXUV XQLYHUVLWÂŤV RUJDQLVPHV GH UHFKHUFKH JUDQGHV ÂŤFROHV ÂŤWDEOLVVHPHQWV KRVSLWDOLHUV HWF 5ÂŤXQLV VRXV FHWWH EDQQLÂŞUH FRPPXQH OH PLQLVWÂŞUH GH Oȇ(QVHLJQHPHQW VXSÂŤULHXU HW Christine Weil-Miko, chargĂŠe de mission nĂŠgociations GH OD 5HFKHUFKH HQ WÂŹWH QRXV DYRQV nationales Ă la Direction de l’information scientiČ´que et technique (Dist) du CNRS prĂŠcise que la plateforme SHVÂŤ GDYDQWDJH YLV ¢ YLV Gȇ(OVHYLHU Quel lien avec la politique nationale en faveur de l’Open AccessÉ‹" R.É‹G. : /ȇGLWHXU VȇHVW HQJDJÂŤ ¢ GÂŤYHORSSHU OHV FRQWHQXV HQ 2SHQ $FFHVV VDQV UÂŤGXLUH FHX[ GLVSRQLEOHV YLD OD )UHHGRP &ROOHFWLRQ 3RXU VD SDUW OH PLQLVWÂŞUH HVW WRXMRXUV WUÂŞV IDYRUDEOH DX *UHHQ 2SHQ $FFHVV 6XU OH WHUUDLQ QRXV ÂŤYROXRQV YHUV XQ V\VWÂŞPH FRPSRVLWH DYHF GX *UHHQ $FFHVV GX *ROG 2SHQ $FFHVV HW GHV IRUPXOHV K\EULGHV ΖO IDXW GRQF IDLUH DWWHQWLRQ ¢ QH SDV DFKHWHU ¢ (OVHYLHU XQ DUWLFOH GÂŤM¢ DFFHVVLEOH SDU OD OLFHQFH QDWLRQDOH 6HFRQGH SUÂŤFDXWLRQ HVVHQWLHOOH OD TXDOLWÂŤ GHV SXEOLFDWLRQV HQ 2SHQ $FFHVV (OOH VXSSRVH TXH OHV FKHUFKHXUV VȇLQYHVWLVVHQW GDQV les comitĂŠs ĂŠditoriaux des sites d’arFKLYHV SXEOLTXHV &H TXL GHYUDLW QRXV DLGHU ¢ UHPHWWUH HQ DYDQW OHV FULWÂŞUHV GH YDOLGLWÂŤ VFLHQWLČ´TXH HW GRQQHU WRXWH OD FUÂŤGLELOLWÂŤ SRVVLEOH ¢ OD VFLHQFH HQ 2SHQ $FFHVV II

nationale d’accès aux archives Panist, dĂŠveloppĂŠe par l’Institut de l’information scientiČ´que et technique (Inist), a jouĂŠ un rĂ´le dans les nĂŠgociations : ÂŤ Grâce Ă cette plateforme, qui a pour but d’hĂŠberger les archives acquises par les membres de l’accord Elsevier 2010-2013, nous pouvions garantir Ă tous les utilisateurs l’accès aux archives 2001-2013 de la Freedom Collection, mĂŞme en cas d’Êchec des nĂŠgociations. Âť

Cell HVW OD UHYXH OD SOXV FLWŠH GDQV OHV DUWLFOHV VFLHQWLĂ´TXHV GĂ—DSU¨V OĂ—,QVWLWXWH IRU 6FLHQWLĂ´F ,QIRUPDWLRQ

Š CELL - C. GARCIA ET E. SMITH

Š C. DUPONT/MESR-DGRI

Le rĂ´le du CNRS dans les nĂŠgociations

/H &156 D FUÂŤÂŤ XQ /DERUDWRLUH LQWHUQDWLRQDO DVVRFLÂŤ /Ζ$ ¢ )XNXVKLPD DX -DSRQ LQWLWXOÂŤ m 3URWHFWLRQ KXPDLQH HW UÂŤSRQVH DX GÂŤVDVWUH } &UÂŤH HQ RFWREUH GHUQLHU HQ SDUWHQDULDW DYHF OH PLQLVWÂŞUH GHV $Î?DLUHV ÂŤWUDQJÂŞUHV 0DLVRQ IUDQFR MDSRQDLVH GH 7RN\R OȇXQLYHUVLWÂŤ /LOOH Ζ OȇXQLYHUVLWÂŤ GH )XNXVKLPD HW OȇXQLYHUVLWÂŤ 'RVKLVKD ¢ .\RWR LO SHUPHW DX[ VSÂŤFLDOLVWHV MDSRQDLV HW IUDQŠDLV GH FRQIURQWHU OHXUV DSSURFKHV VRFLR ÂŤFRQRPLTXHV ÂŤSLVWÂŤPRORJLTXHV HW SROLWLTXHV &H /Ζ$ RXYUH DXVVL OH GLDORJXH YHUV GȇDXWUHV GLVFLSOLQHV WHOOHV TXH OȇLQJÂŤQLHULH OD VDQWÂŤ HW OȇDJURQRPLH ΖO HVW GLULJÂŤ SDU 7KLHUU\ 5LEDXOW FKHUFKHXU DX &HQWUH lillois d’Êtudes et de recherches VRFLRORJLTXHV HW ÂŤFRQRPLTXHV ROSETTA S’EST RÉVEILLÉE

m 6DOXW OH PRQGHÉ‹ } a tweetĂŠ Oȇ$JHQFH VSDWLDOH HXURSÂŤHQQH SRXU annoncer le rĂŠveil de la sonde 5RVHWWD OH MDQYLHU DSUÂŞV bPRLV GH VRPPHLO &HWWH PLVH HQ YHLOOH SURJUDPPÂŤH GH VHV LQVWUXPHQWV OXL D SHUPLV GȇFRQRPLVHU VHV UHVVRXUFHV DORUV TXH VRQ SÂŤULSOH OȇHPPHQDLW WURS ORLQ GX 6ROHLO VD VHXOH VRXUFH GȇQHUJLH 'ÂŞV VRQ UÂŤYHLO DXWRPDWLTXH OD VRQGH D SRLQWÂŤ VRQ DQWHQQH SULQFLSDOH YHUV OD 7HUUH SRXU IDLUH VDYRLU TXȇHOOH DYDLW VXUYÂŤFX ΖO OXL UHVWH HQFRUH bPLOOLRQV GH NLORPÂŞWUHV ¢ SDUFRXULU DYDQW GȇDWWHLQGUH VRQ EXW OD FRPÂŞWH 3 &KXU\XPRY *HUDVLPHQNR RÂť HOOH GHYUDLW VH SRVHU HQ QRYHPEUH 1HXI ODERUDWRLUHV GX &156 HW GȇXQLYHUVLWÂŤV SDUWLFLSHQW ¢ FHWWH PLVVLRQ TXL D GÂŤEXWÂŤ HQb HW TXL GRLW QRUPDOHPHQW VȇDFKHYHU HQ GÂŤFHPEUHb

'HV SDUWLFXOHV HQ OLEUH DFF¨V /H VLWH GH 6FLHQFH'LUHFW www.sciencedirect.com

Le projet Scoap3 sur la publication en libre accès a dĂŠmarrĂŠ le 1er janvier. Son objectif est de permettre un accès sans restriction aux articles de physique des particules parus dans des revues scientiČ´ques, alors que ces articles n’Êtaient jusqu’à prĂŠsent disponibles que via certaines bibliothèques universitaires, et gĂŠnĂŠralement inaccessibles au grand public. LancĂŠe par le Cern enb2006, cette initiative, la plus vaste jamais lancĂŠe en matière de libre accès Ă l’Êchelle planĂŠtaire, s’appuie sur une collaboration internationale de plus d’un millier de partenaires provenant de 24 pays, dont le CNRS par l’intermĂŠdiaire de l’IN2P3, de l’Inist et de l’INP. Scoap3 a ĂŠtĂŠ mis en place en coopĂŠration avec onze ĂŠditeurs de revues scientiČ´ques internationales, notamment Elsevier, IOP Publishing et Springer. HIVER 2014 N° 275


EN ACTION

1É‹

'H QRPEUHX[ VFLHQWLČ´TXHV participent au chantier de OD UÂŤSOLTXH GH OD JURWWH &KDXYHW 3DUPL HX[ OHV JÂŤRPRUSKRORJXHV du laboratoire Edytem se sont DSSX\ÂŤV VXU OH VFDQ HQb ' Ă haute rĂŠsolution pour ĂŠtablir XQH FDUWRJUDSKLH WULGLPHQVLRQQHOOH GH OD JURWWH HW GH VHV SDURLV SHLQWHV

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RELEVÉ GÉOMORPHOLOGIQUE EFFECTUÉ DANS LA GROTTE

2É‹

MODÉLISATION NUMÉRIQUE ANAMORPHIQUE

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/HV UHOHYÂŤV RQW SHUPLV GH UÂŤDOLVHU FHWWH PRGÂŤOLVDWLRQ QXPÂŤULTXH GH OD JURWWH *U¤FH DX SURFÂŤGÂŤ d’anamorphose, les chercheurs RQW UÂŤXVVL ¢ mbUHSOLHUb} OD YUDLH FDYLWÂŤ GDQV XQ HVSDFH GHX[ IRLV moins important, tout en FRQVHUYDQW OȇDSSDUHQFH GHV YROXPHV RULJLQDX[

Sur le chantier de la rÊplique de la grotte Chauvet 3ɋ www.lagrottechauvetpontdarc.org Pour en savoir plus sur ce projet, lisez l’article sur lejournal.cnrs.fr

48

CNRS LE JOURNAL

3DUWDQW GX PRGªOH QXPULTXH une dizaine de corps de mÊtier (sculpteurs, patineurs, peintres) s’est attelÊe à la rÊalisation en bÊton sculptÊ et en rÊsine de OD USOLTXH GH OD JURWWH VRXV OD FRQGXLWH GHV VFQRJUDSKHV DYHF OȇDSSXL GHV VFLHQWLȴTXHV /ȇRXYHUWXUH HVW SUYXH HQ

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RÉPLIQUE SOLIDE DE LA GROTTE


EN ACTION

Mieux diagnostiquer la schizophrĂŠnie

PAR /$85Ζ$11( *())52<

Certaines incohÊrences de langage sont propres aux patients schizophrènes.

k 9$//$1&Ζ(1 %6Ζ3

/H VLWH GX SURMHW 6ODP http://webloria.loria.fr/~amblard/SLAM/

Q

XȇHVW FH TXH OD VFKL]RSKUÂŤQLHÉ‹" /D question fait dĂŠbat Ă chaque mise Ă jour du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux, le cĂŠlèbre DSM publiĂŠ par la SociĂŠtĂŠ amĂŠricaine de psychiatrie. Car, si la schizophrĂŠnie se caractĂŠrise par des ĂŠpisodes associant dĂŠlire, hallucination et trouble du comportement, les spĂŠcialistes ne s’accordent guère sur les signes cliniques qui permettraient de diagnostiquer avec certitude ce WURXEOH PHQWDO TXL WRXFKH É‹ GH OD population mondiale et près de É‹ SHUVRQQHV HQ )UDQFH1. ModĂŠliser des conversations Pour en savoir plus, l’Êquipe du projet Slam (SchizophrĂŠnie et langage : analyse et modĂŠlisation), soutenue par la Maison des sciences de l’homme /RUUDLQH HW OH &156 VȇHVW LQWÂŤUHVVÂŤH aux incohĂŠrences qui apparaissent dans les conversations impliquant des patients schizophrènes. Seulement voilĂ , repĂŠrer et trouver le point commun entre ces diffĂŠrentes incohĂŠrences de langage, dans le but d’en IDLUH GHV LQGLFHV GH GLDJQRVWLF Č´DEOHV est très fastidieux. Aujourd’hui, la modĂŠlisation informatique de la parole proposĂŠe par Maxime Amblard, du

/DERUDWRLUH ORUUDLQ GH UHFKHUFKH HQ informatique et ses applications2 , facilite cette analyse. Et ce projet a d’ores HW GÂŤM¢ SHUPLV GȇLGHQWLČ´HU XQH SDUWLFXlaritĂŠ de langage typique chez les schizophrènes paranoĂŻdes3 . On sait depuis près de dix ans que, dans les discussions avec les schizophrènes paranoĂŻdes, il apparaĂŽt des discontinuitĂŠs dĂŠcisives. Ce sont des ruptures au cours desquelles la conversation devient apparemment incohĂŠUHQWH /H SV\FKROLQJXLVWH 0LFKHO Musiol, du laboratoire Analyse et traitement informatique de la langue française4 , et le philosophe du langage 0DQXHO 5HEXVFKL GX /DERUDWRLUH GȇKLVtoire des sciences et de philosophieArchives Henri-PoincarĂŠ4, les ont rĂŠcemment ĂŠtudiĂŠes en analysant la transcription ĂŠcrite de conversations entre thĂŠrapeutes et patients. Grâce Ă l’approche de Maxime Amblard, qui a rejoint leur projet, l’Êtude a fait un nouveau bond en avant. ÂŤ Je traduis la sĂŠmantique des phrases et le contexte d’une conversation en formules logiques (mathĂŠmatiques), explique-t-il. Cette modĂŠlisation a permis de repĂŠrer Ă quel moment du discours surviennent les fameuses discontinuitĂŠs, mais

6RXUFH 2USKDQHW 8QLW &156 8QLY GH /RUUDLQH ΖQULD )RUPH OD SOXV IUTXHQWH GH VFKL]RSKUQLH FDUDFWULVH SDU GHV SLVRGHV GH GOLUH RX GȇKDOOXFLQDWLRQ 8QLW &156 8QLY GH /RUUDLQH

DXVVL GȇLGHQWLČ´HU OHXU GÂŤFOHQFKHXU } 5ÂŤVXOWDW OHV GÂŤFOHQFKHXUV VRQW GHV mots qui se rĂŠvèlent ambigus selon le contexte, ou bien des mots dont la morphologie elle-mĂŞme peut prĂŞter Ă FRQIXVLRQ /HV SDWLHQWV VFKL]RSKUÂŞQHV peuvent ainsi parler de quelque chose GH m ČľRX } DX VXMHW GH OD PÂŤPRLUH GȇXQ souvenir, puis subitement parler de m ČľRX } DX VXMHW GH TXHOTXH FKRVH TXȇLOV voient mal, ce qui aiguille la conversation dans une direction inattendue. Ou DORUV SDUOHU GH m OD YRLU } VRXV HQWHQGX m YRLU XQH SHUVRQQH } TXL YD VRXGDLQHPHQW VH WUDQVIRUPHU HQ m OȇDYRLU } VRXV HQWHQGX m OD SRVVÂŤGHU } RepĂŠrer les anomalies /HV PRGÂŤOLVDWLRQV GH FRQYHUVDWLRQV rĂŠalisĂŠes par Maxime Amblard ne sont encore que des bribes de programme informatique. Cet informaticien, spĂŠcialisĂŠ en linguistique, utilise un modèle sur lequel il travaillait au dĂŠpart dans le but d’amĂŠliorer la qualitĂŠ des reprĂŠsentations du sens dans les systèmes de traduction automatique sur Internet. Son approche, qui tient compte du contexte du discours, s’est UÂŤYÂŤOÂŤH WUÂŞV HÉ?FDFH SRXU UHSÂŤUHU OHV anomalies dans les conversations des personnes schizophrènes. Dans le cadre du projet Slam, laurĂŠat d’un Peps (Projets exploratoires/ Premier soutien), Maxime Amblard et ses collègues psycholinguiste et philosophe du langage vont poursuivre leurs analyses avec de nouveaux paWLHQWV ΖOV HVSÂŞUHQW LGHQWLČ´HU GȇDXWUHV dysfonctionnements dans le discours des schizophrènes. Ces indices caractĂŠristiques et la modĂŠlisation informatique pourraient alors venir complĂŠter les outils classiques des psychiatres (tests cognitifs, comportementaux, entretiens, etc.) pour aider Ă diagnostiquer la schizophrĂŠnie. II HIVER 2014 N° 275

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EN ACTION

L’illusion tactile,

une révolution en marche

PAR DENIS DELBECQ

Informatique. 3RXUURQV QRXV ELHQW¶W mbWRXFKHUb} OHV REMHWV ¢ GLVWDQFH VXU OHV WDEOHWWHV HW OHV W«O«SKRQHVɋ" 'H QRPEUHXVHV «TXLSHV GH FKHUFKHXUV ĕXYUHQW SRXU TXH OȇLOOXVLRQ WDFWLOH GHYLHQQH U«DOLW«

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ȇH[S«ULHQFH HVW EOX΍DQWH 'DQV VRQ ODERUDWRLUH GH OȇΖQVWLWXW GHV V\VWªPHV LQWHOOLJHQWV HW GH URERWLTXH1 ¢ 3DULV 9LQFHQW +D\ZDUG SURSRVH GH VRXSHVHU XQ WXEH GH SODVWLTXH FUHX[ GRQW VRUW XQ SHWLW ȴO «OHFWULTXH 6XUSULVH GȇDSSDUHQFH O«JªUH OȇREMHW VȇDYªUH SHVDQW GDQV OD PDLQ (W XQH ERXOH VHPEOH URXOHU ¢ OȇLQW«ULHXUȐ 0DLV G«EUDQFKH] OH ȴO UHOL« ¢ XQ GLVSRVLWLI YLEUHXU HW DXVVLW¶W OD U«DOLW« UHSUHQG VHV GURLWV OH WXEH HVW DXVVL YLGH TXH O«JHU %LHQYHQXH GDQV OH PRQGH GHV LOOXVLRQV WDFWLOHVɋ /ȇLQW«U¬W TXȇHOOHV VXVFLWHQW FKH] OHV LQGXVWULHOV HVW «QRUPH FDU HOOHV SRXUUDLHQW QRXV SHUPHWWUH XQ MRXU GH UHVVHQWLU IRUPHV HW UHOLHIV VXU OHV VXUIDFHV WDFWLOHV GH QRV RUGLQDWHXUV WDEOHWWHV HW W«O«SKRQHV m (Q FRPELQDQW OHV VWLPXODWLRQV GH QRV GL΍«UHQWV VHQV WRXW HQ UHVSHFWDQW OHV FRQWUDLQWHV GH IRQFWLRQQHPHQW GX V\VWªPH QHUYHX[ LO HVW SRVVLEOH GȇDP«OLRUHU OHV GLVSRVLWLIV GȇLQWHUDFWLRQ VHQVRULHOOH } FRPPHQWH 9LQFHQW +D\ZDUG « On SHXW LPDJLQHU XQ GLVSRVLWLI SRXU DLGHU OH FKRL[ GȇXQ FRQVRPPDWHXU TXL SHUFHYUDLW OD WH[WXUH GȇXQ WLVVX GHSXLV OH VLWH :HE GȇXQ PDJDVLQ 2X DORUV FH TXL HVW EHDXFRXS SOXV IDFLOH XQ V\VWªPH TXL GRQQH OD VHQVDWLRQ TXȇRQ IHXLOOHWWH VRQ FDUQHW GȇDGUHVVHV } H[SOLTXH %HWW\ 6HPDLO SURIHVVHXU ¢ OȇXQLYHUVLW« /LOOH Ζ FKHUFKHXVH ¢ OȇΖUFLFD2 HW DX /DERUDWRLUH Gȇ«OHFWURWHFKQLTXH HW Gȇ«OHFWURQLTXH GH SXLVVDQFH GH /LOOH

Transformer une table en télécommande 'DQV VRQ ODERUDWRLUH XQ GLVSRVLWLI SHUPHW GH IDLUH YLEUHU XQH SODTXH ¢ WUªV KDXWH IU«TXHQFH ɋ YLEUDWLRQV SDU VHFRQGH VRLW NLORKHUW] &HWWH YLEUDWLRQ FU«H XQ FRXVVLQ GȇDLU HQWUH OD SODTXH HW OH GRLJW TXL IDFLOLWH RX J¬QH OHV G«SODFHPHQWV m ΖO QH VȇDJLW SDV GȇXQ OHXUUH SU«FLVH OD FKHUFKHXVH /H GRLJW VH G«SODFH YUDLPHQW SOXV RX PRLQV IDFLOHPHQW VXU OD VXUIDFH (W FHOD SHUPHW GH UHFU«HU GHV VHQVDWLRQV GH FUHX[ HW GH ERVVHV 1RXV DYRQV DSSOLTX« FH SULQFLSH ¢ XQH VRUWH GH WRXFKSDG DQDORJXH ¢ FHOXL GȇXQ RUGLQDWHXU SRUWDEOH HW ¢ XQH VXUIDFH WUDQVSDUHQWH TXL SRXUUDLW XQ MRXU GHYHQLU FHOOH GȇXQH WDEOHWWH (W QRXV WUDYDLOORQV ¢ U«GXLUH OD FRQVRPPDWLRQ «OHFWULTXH TXL HVW FULWLTXH SRXU OHV WDEOHWWHV HW OHV W«O«SKRQHV } 3RXU OH PRPHQW FRPPH WRXWH OD SODTXH

CNRS LE JOURNAL

Retrouvez l’intégralité de cet article dans notre dossier sur le tactile sur lejournal.cnrs.fr

YLEUH ¢ OȇXQLVVRQ OH V\VWªPH QH SHUPHW SDV GH UHFU«HU GHX[ VHQVDWLRQV GL΍«UHQWHV VXU GHX[ GRLJWV ȂbOH mbPXOWLWRXFKb}bȂ FH TXL SDU H[HPSOH IDYRULVHUDLW XQH PHLOOHXUH DSSU«FLDWLRQ GX UHOLHI %HWW\ 6HPDLO HW VRQ «TXLSH H[S«ULPHQWHQW XQ DXWUH V\VWªPH TXL OXL R΍UH OD SRVVLELOLW« GH IRQFWLRQQHU HQ PXOWLWRXFK &ȇHVW XQ V\VWªPH «OHFWURVWDWLTXH XQH WHQVLRQ «OHFWULTXH GH SOXVLHXUV FHQWDLQHV GH YROWV FU«H ¢ WUDYHUV XQ LVRODQW XQH IRUFH GȇDGK«UHQFH VXU OH GRLJW 6HV YDULDWLRQV PRGLȴHQW OD IRUFH DSSOLTX«H VXU OD SHDX $XWUH DYDQWDJH GH FHWWH WHFKQLTXH ELHQ HQWHQGX LQGRORUHb m /D FRQVRPPDWLRQ «OHFWULTXH HVW SHX «OHY«H VLJQDOH OD FKHUFKHXVH (Q UHYDQFKH OȇLQGXVWULDOLVDWLRQ QȇHVW SDV SRXU WRXW GH VXLWH FDU LO QȇHVW SDV DLV« GH SURGXLUH GHV WHQVLRQV «OHY«HV GDQV GHV DSSDUHLOV SHX


EN ACTION

En vibrant plus ou moins fort, cette surface tactile peut créer une sensation de creux et de bosses.

© IRCICA

«SDLV HW TXL IRQFWLRQQHQW DYHF TXHOTXHV YROWV } QRWHU TXH WRXW FRPPH SRXU OH V\VWªPH GH SODTXH YLEUDQWH OH GRLJW QH SHU©RLW ULHQ WDQW TXȇLO QH VH G«SODFH SDV 0RXVWDSKD +DIH] TXL GLULJH OH ODERUDWRLUH ΖQWHUIDFHV VHQVRULHOOHV HW DPELDQWHV GX &($ ¢ 6DFOD\ VȇLQW«UHVVH DXVVL EHDXFRXS DX WDFWLOH $YHF VRQ «TXLSH LO WUDYDLOOH QRWDPPHQW VXU XQ SURF«G« DFRXVWLTXH FDSDEOH GH G«WHFWHU OD SRVLWLRQ GX GRLJW VXU QȇLPSRUWH TXHOOH VXUIDFH HW SDU H[HPSOH GH WUDQVIRUPHU XQH WDEOH EDVVH GH VDORQ HQ W«O«FRPPDQGH SRXU OH W«O«YLVHXU 8Q DXWUH SULQFLSH «WXGL« DX VHLQ GX ODERUDWRLUH HVW OH UHWRXUQHPHQW WHPSRUHO ΖO VȇDJLW GH IRFDOLVHU XQH YLEUDWLRQ DFRXVWLTXH HQ XQ SRLQW GRQQ« m 2Q SHXW DORUV FDSWHU OD SRVLWLRQ GX GRLJW HW UHVWLWXHU XQH YLEUDWLRQ ORFDOHPHQW SRXU VLJQDOHU ¢ OȇXWLOLVDWHXU TXH VD SUHVVLRQ D «W« SHU©XH 'H P¬PH RQ SHXW IDLUH GX UHWRXU WDFWLOH PXOWLWRXFK SU«FLVH 0RXVWDSKD +DIH] 1RXV WUDYDLOORQV DXVVL VXU XQH WHFKQLTXH Gȇ«OHFWUR YLEUDWLRQ TXL GRQQH XQ UHWRXU WDFWLOH XQH WH[WXUH SDU H[HPSOH ORUVTXH OH GRLJW

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© CEA-LIST

Ce dispositif permet un retour tactile « multitouch » : il crée deux sensations différentes sur deux doigts.

Des technologies bientôt disponibles sur le Web $YHF VRQ «TXLSH OH FKHUFKHXU D GRQF PLV DX SRLQW XQ DOJRULWKPH TXL PRGLȴH OD YLWHVVH GH G«SODFHPHQW GX FXUVHXU YLVLEOH ¢ Oȇ«FUDQ HQ IRQFWLRQ GHV GL΍«UHQWHV ]RQHV GȇXQH LPDJH SRXU GRQQHU XQH LPSUHVVLRQ GH UHOLHI OȇDSSURFKH GȇXQH ERVVH G«WHFW«H GDQV OȇLPDJH JU¤FH ¢ GHV YDULDWLRQV GH FRXOHXU SDU H[HPSOH OH FXUVHXU UDOHQWLW SRXU PDUTXHU OD F¶WH 8QH IRLV GH OȇDXWUH F¶W« GH OD ERVVH OH FXUVHXU DFF«OªUH SRXU VLPXOHU OD GHVFHQWH m &ȇHVW OȇXWLOLVDWHXU TXL FU«H VRQ SURSUH UHWRXU GȇH΍RUW } SU«FLVH OH FKHUFKHXU /H SULQFLSH VH Y«ULȴH VXU OHV LPDJHV m «ODVWLTXHV } TXȇLO D SXEOL«HV VXU ΖQWHUQHW4 (Q OHV WHVWDQW RQ VH VXUSUHQG ¢ FOLTXHU GH SOXV HQ SOXV IRUW VXU VD VRXULV SRXU UHVVHQWLU Oȇ«ODVWLFLW« GHV REMHWV UHSU«VHQW«V «SRQJH VHUYLHWWH EDOOH GH WHQQLV HWF 8QH WHFKQRORJLH TXL GHYUDLW VH UHWURXYHU UDSLGHPHQW VXU OHV VLWHV :HE FU««V DYHF :RUGSUHVV OȇRXWLO SU«I«U« GHV EORJXHXUV /H ODERUDWRLUH GH 9LQFHQW +D\ZDUG D DXVVL U«DOLV« XQH FROOHFWLRQ GȇLQVWUXPHQWV SRXU Oȇ«WXGH VFLHQWLȴTXH GX VHQV GX WRXFKHU 5 $YHF GHV FROOªJXHV GH Oȇ8QLYHUVLW« FDWKROLTXH GH /RXYDLQ OHV FKHUFKHXUV RQW PRQWU« TXȇRQ SHXW SU«GLUH ¢ OȇDLGH GH PHVXUHV SK\VLTXHV OH FDUDFWªUH DJU«DEOH RX G«VDJU«DEOH TXH SU«VHQWH XQH VXUIDFH ORUVTXȇRQ OȇH[SORUH DYHF OH GRLJW 6 m 1RV UHFKHUFKHV GHYUDLHQW DXVVL IDYRULVHU OD FU«DWLRQ GȇRXWLOV GH PHVXUH ȴDEOHV SRXU VRQGHU OHV IRQFWLRQV VHQVRULPRWULFHV GHV SHUVRQQHV D΍HFW«HV SDU GHV G«ȴFLWV DLQVL TXH GH WHFKQLTXHV GH FRPSHQVDWLRQ HW GH U««GXFDWLRQ FRPSOªWH 9LQFHQW +D\ZDUG /H WRXFKHU HVW XQ VHQV IRQGDPHQWDO GDQV Oȇ«WXGH GH OD FRQVFLHQFH TXH OȇRQ D GH QRWUH SURSUH FRUSV } II

1. Unité CNRS/UPMC. 2. Institut de recherche sur les composants logiciels et matériels pour l’information et la communication avancée (CNRS/Univ. Lille-I). 3. Unité CNRS/ENS Cachan/Inria/Insa Rennes/Supélec/Télécom Bretagne/UBS/Univ. de Rennes-I. 4. http://team.inria.fr/hybrid/w3d-project (Télécharger le module Unity 3D Web player en bas de l’écran). 5. V. Hayward, Philosophical Transactions of the Royal Society B, 2011, 366 : 3115-3122. 6. A. Klöcker et al., Plos One, 14 novembre 2013. HIVER 2014 N° 275

51


EN ACTION

Les SHS en renfort des entreprises PAR CLAIRE DEBÔVES

Valorisation. 3RXU WURXYHU GHV USRQVHV DX[ GȴV VRFLWDX[ EHDXFRXS GH JUDQGHV entreprises font aujourd’hui appel aux chercheurs en sciences humaines et sociales.

3 b

Š RENAULT MARKETING 3DCOMMERCE

Des chercheurs ĂŠtudient de près l’imaginaire des utilisateurs de la Renault Twizy.

arce que pour innover il faut changer de perspective, les grandes entreprises font de plus en plus appel aux chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS). /ȇ2SHQ ΖQQRYDWLRQ VXSSRVH HQ HÎ?HW que les organisations s’ouvrent au dĂŠbat pluridisciplinaire et Ă la complexitĂŠ des questions sociĂŠtales. 3DWULFH %RXUGHODLV GLUHFWHXU GH OȇΖQVWLtut des sciences humaines et sociales (INSHS) du CNRS, constate que ÂŤ si les entreprises ont toujours fait appel aux disciplines comme le droit, l’Êconomie et la gestion, ces approches sont

1. UnitĂŠ CNRS/Univ. Bordeaux-Montaigne/Univ. Bordeaux-Segalen.

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CNRS LE JOURNAL

GHYHQXHV LQVXÉ?VDQWHV IDFH ¢ OD JOREDlisation, aux questions de valeur ou de sens. Aujourd’hui, les entreprises s’interrogent sur leur stratĂŠgie Ă moyen terme, sur leur identitĂŠ, leur relation Ă la sociĂŠtĂŠ, ainsi que sur les modèles culturels non europĂŠens qu’elles GRLYHQW PD°WULVHU DČ´Q GȇDVVXUHU OHXU croissance Âť. Des collaborations multiples D’oĂš la multiplication de collaborations, de thèses, mais aussi de cercles de UÂŤČľH[LRQ RX GH m WKLQN WDQNV } DX[TXHOV sociologues, historiens, gĂŠographes ou anthropologues sont associĂŠs. 3RXUYR\HXUV GȇLGÂŤHV HW GȇH[SHUWLVHV ces chercheurs inspirent Ă de grandes entreprises comme Air Liquide, Suez Environnement ou Renault des rĂŠČľH[LRQV VWUDWÂŤJLTXHV WUÂŞV HQ DPRQW GX SURFHVVXV GȇLQQRYDWLRQ 3RXU 3DWULFH %RXUGHODLV FHUWDLQV GH FHV JURXSHV dressent mĂŞme ouvertement un constat d’incapacitĂŠ face Ă la crise ĂŠconomique actuelle. ÂŤ Après avoir eu recours Ă diverses approches pour le moins empiriques, nombreuses sont les grandes entreprises qui tournent leurs regards vers les SHS pour mieux comprendre le prĂŠsent et imaginer leur avenir Âť, prĂŠcise-t-il. En lançant son i-Lab (Innovation Laboratory) en dĂŠcembre 2013, Air

Liquide s’inscrit pleinement dans cette tendance. La structure comprend un WKLQN WDQN SRXU IDLUH ÂŤPHUJHU GHV LGÂŤHV nouvelles et un ÂŤ corporate garage Âť pour les tester sur des outils de prototypage rapide (imprimante et scanner HQb ' GÂŤFRXSH ODVHU 5DWWDFKÂŤ ¢ la direction R & D du groupe, l’i-Lab compte quinze personnes issues d’horizons professionnels et culturels diYHUV 3RXUTXRL XQ WHO GLVSRVLWLI DX VHLQ GȇXQ JURXSH DXVVL SXLVVDQWÉ‹" )UDQŠRLV Darchis, membre du comitĂŠ exĂŠcutif supervisant l’innovation, explique : ÂŤ Nous voulons anticiper l’Êvolution des besoins et des usages liĂŠs Ă nos produits. La pollution des villes, le rĂŠchauffement climatique et les dĂŠsĂŠquilibres dĂŠmographiques sont autant de facteurs qu’il nous faut prendre en compte. Âť C’est lĂ qu’interviennent les chercheurs en sciences humaines et sociales. GrĂŠgory Olocco, directeur de l’i-Lab, ĂŠvoque les premiers travaux du WKLQN WDQN m 3HQGDQW SOXVLHXUV KHXUHV chaque mois, nous mettons nos idĂŠes sous tension avec des mĂŠdecins, gĂŠographes, cinĂŠastes, architectes ainsi TXȇDYHF GHX[ VFLHQWLČ´TXHV GX &156 Nos discussions font ĂŠmerger de nouveaux terrains d’activitĂŠ oĂš Air Liquide serait lĂŠgitime dans trente ans, par exemple sur le thème “Comment UHVSLUHU GDQV OD YLOOHÉ‹"Č‹ }


EN ACTION

Une colle rĂŠvolutionnaire

Dans son tout nouvel i-Lab, Air Liquide invite des chercheurs de GLVFLSOLQHV WU¨V YDULŠHV SRXU UŠþŠFKLU Ă de futurs terrains d’activitĂŠ.

Chez Suez Environnement, ÂŤ on travaille beaucoup pour que l’entreprise crĂŠe de la valeur ĂŠconomique, mais aussi sociale et environnementale Âť, indique HĂŠlène Valade, responsable DĂŠveloppement durable et prospective. Un vaste programme qui se traduit par la participation de scientiČ´TXHV DX[ LQVWDQFHV LQWHUQHV GȇRULHQtation et de prospective. Mais aussi par de la recherche-action avec des gĂŠographes du laboratoire AmĂŠnagement, dĂŠveloppement, environnement, santĂŠ HW VRFLÂŤWÂŤV GH %RUGHDX[1 autour de l’accès Ă l’eau des populations dĂŠfavorisĂŠes. ÂŤ Travail qui a permis d’Êlaborer une cartographie de la prĂŠcaritĂŠ hydrique dans la ville et d’imaginer de nouvelles politiques publiques en direction des populations dĂŠfavorisĂŠes Âť, prĂŠcise HĂŠlène Valade. Un changement de perspective Les SHS jouent ĂŠgalement un rĂ´le stratĂŠgique chez Renault. En tĂŠmoigne l’utilisation des thĂŠories et mĂŠthodes de la conception innovante, dites C-K (Concept-Knowledge Theory), nĂŠes dans le giron de l’École GHV PLQHV GH 3DULV (Q WKÂŞVH DX

&HQWUH GH JHVWLRQ VFLHQWLČ´TXH &*6 /DXUD /Hb'X DQDO\VH OHV ÂŤYROXWLRQV GH l’imaginaire sociotechnique des utilisateurs de Twizy, le vĂŠhicule Ă propulsion ĂŠlectrique de Renault. ÂŤ Étudier les rapports qu’entretiennent les gens avec les objets techniques a pour objectif, pour Renault et ses partenaires, de continuer Ă proposer de futurs objets de mobilitĂŠ Âť, explique-t-elle. Ce dĂŠcloisonnement, vis-Ă -vis des clients comme des DXWUHV HQWUHSULVHV VXSSRVH GH UȾchir en profondeur sur les reprĂŠsentations habituelles. La doctorante proposera donc au constructeur ÂŤ des outils et des mĂŠthodes pour mieux partager les connaissances et dĂŠbattre en interne mais aussi avec des partenaires Âť. Tous ces partenariats avec les SHS tĂŠmoignent, de la part de grands groupes, d’un rĂŠel appĂŠtit pour la prospective. Une question se pose cependant : comment concilier la radicalitĂŠ des changements Ă accomplir dans les modes de fonctionnement des entreSULVHV DYHF OȇXUJHQFH GȇLQQRYHUÉ‹" 3RXU VD SDUW 3DWULFH %RXUGHODLV UHFRPmande la patience, rappelant que ÂŤ les SHS peuvent apporter des explications et dessiner des scĂŠnarios d’Êvolution, mais beaucoup plus rarement des VROX WLRQV SUÂŹWHV ¢ OȇHPSORL } bII

Š A.MARCELLAN/ESPCI/MMC/CNRS PHOTOTHĂˆQUE

Š LE SQUARE POUR AIR LIQUIDE

Grâce Ă une mĂŠthode inĂŠdite, ces morceaux de gel restent parfaitement collĂŠs, y compris dans l’eau.

Une ĂŠquipe dirigĂŠe par Ludwik Leibler rĂŠunissant des chercheurs du laboratoire Matière molle et chimie et du laboratoire Physico-chimie des polymères et milieux dispersĂŠs a inventĂŠ une mĂŠthode simple, HIĂ´FDFH HW ERQ PDUFKŠ SHUPHWWDQW de faire adhĂŠrer rapidement gels et tissus biologiques. En utilisant une solution aqueuse de nanoparticules de silice, un composĂŠ facilement disponible et largement utilisĂŠ dans l’industrie, ils sont parvenus Ă coller durablement des gels de consistances diffĂŠrentes ainsi que des morceaux de foie prĂŠalablement dĂŠcoupĂŠs. Cette dĂŠcouverte pourrait, entre autres, ĂŞtre utilisĂŠe en mĂŠdecine rĂŠgĂŠnĂŠrative, par exemple pour rĂŠparer les organes ayant subi une incision ou une lĂŠsion profonde.

Trois scĂŠnarios pour l’Ênergie L’Alliance nationale de coordination de la recherche pour l’Ênergie $QFUH D SXEOLŠ Ă´Q MDQYLHU XQ rapport d’Êtudes sur trois scĂŠnarios possibles d’Êvolution du système ĂŠnergĂŠtique français Ă l’horizon 2050. Le but : diviser par quatre les ĂŠmissions de gaz Ă effet de serre liĂŠes Ă l’Ênergie par rapport Ă 1990. Le premier scĂŠnario s’appuie VXU XQH ŠYROXWLRQ PDMHXUH GHV comportements individuels et sur le dĂŠveloppement des ĂŠnergies renouvelables. Le deuxième propose d’augmenter la part d’Ênergie consommĂŠe sous forme d’ÊlectricitĂŠ dĂŠcarbonĂŠe (sans ĂŠmission de CO2 (QĂ´Q OH WURLVL¨PH PHW OĂ—DFFHQW VXU OD GLYHUVLĂ´FDWLRQ des sources ĂŠnergĂŠtiques. www.allianceenergie.fr HIVER 2014 N° 275

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EN ACTION

Les cellules pDC :

un nouvel eldorado pour la mĂŠdecine Biologie. La dĂŠcouverte rĂŠcente des cellules dendritiques plasmacytoĂŻdes, dites pDC, pourrait rĂŠvolutionner un jour la prise HQ FKDUJH GH GLÎ?ÂŤUHQWHV PDODGLHV JUDYHV PAR KHEIRA BETTAYEB

V

oilĂ encore quinze ans, l’existence mĂŞme des cellules dendritiques plasmacytoĂŻdes (pDC) ĂŠtait complètement ignorĂŠe des biologistes. DĂŠsormais, ces entitĂŠs invisibles Ă l’œil nu mobilisent pas moins d’une dizaine d’Êquipes du CNRS Ĺ“uvrant aussi bien Ă l’hĂ´pital Necker qu’à l’Institut Pasteur ou Ă l’universitĂŠ Paris-Descartes. Les enjeux pour la mĂŠdecine de demain sont ĂŠnormes.

Š N. SMITH-J.-P. HERBEUVAL/CBNIT

Vue au microscope de cellules pDC cultivĂŠes en prĂŠsence du virus du VIH (points verts).

De prĂŠcieuses sentinelles de l’immunitĂŠ VĂŠritables sentinelles de l’immunitĂŠ, les pDC interviennent en première ligne lors d’une infection. Elles patrouillent un peu partout dans notre corps via le sang. Et, dès qu’elles dĂŠtectent un virus ou une bactĂŠrie (via des molĂŠcules spĂŠciales Ă leur surface : les rĂŠcepteurs Toll-Like), elles dĂŠversent dans le sang de très grandes quantitĂŠs d’une molĂŠcule antivirale très puissante : l’interfĂŠron (IFN). Vital, l’IFN contribue Ă inhiber la prolifĂŠration des microbes dans les cellules. Selon le Suisse Rolf Zinkernagel, Prix Nobel de mĂŠdecine en 1996, sans IFN, nous mourrions de la grippe en KHXUHVÉ‹ 2U OHV S'& SURGXLVHQW MXVTXȇ¢ É‹ bIRLV SOXV GȇΖ)1 TXH OHV autres cellules libĂŠrant aussi cette substance (macrophages, monocytes‌). De plus, elles possèdent une autre arme redoutable Ă leur surface : la molĂŠcule tueuse Trail. Laquelle induit la mort des cellules tumorales ou infectĂŠes, mais aussi celle des cellules saines dans le cas de maladies auto-immunes ou du sida. Vues au microscope, les prĂŠcieuses pDC ressemblent Ă des cellules plus connues : les globules 1. UnitĂŠ CNRS/Univ. Paris-Descartes.

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EODQFV SODVPRF\WHV GȇRÂť OH WHUPH SODVPDF\WRÂąGHV (Q HÎ?HW lorsqu’elles ne sont pas activĂŠes, elles sont rondes et JURVVHV GH ¢ bPLFURPÂŞWUHV GH GLDPÂŞWUH FRPPH FHV cellules. Les pDC sont très rares, reprĂŠsentant moins de É‹ GHV JOREXOHV EODQFV WRWDX[ GX VDQJ FH TXL OHV UHQG GLÉ?FLOHV ¢ GÂŤWHFWHU HW ¢ ÂŤWXGLHU 3RXU OHV GÂŤFRXYULU LO D IDOOX DWWHQGUH OD Č´Q GHV DQQÂŤHV ORUVTXH OȇTXLSH DPÂŤULFDLQH GH )UHGHULFN 6LHJDO D HQČ´Q PLV OH GRLJW GHVVXV ORUV de travaux menĂŠs sur les amygdales. 3OXV GH É‹ SXEOLFDWLRQV VXU OH VXMHW Depuis, la recherche sur ces cellules a littĂŠralement exSORVÂŤ (W FH GDQV GLÎ?ÂŤUHQWV GRPDLQHV YLURORJLH FDQFÂŤrologie, immunologie, etc. ÂŤ La dĂŠcouverte des pDC a rĂŠvolutionnĂŠ la connaissance et la recherche sur l’immunitĂŠ, s’enthousiasme Jean-Philippe Herbeuval, du Laboratoire de chimie et biochimie pharmacologiques et toxicologiques1 . 2Q FRPSWH DXMRXUGȇKXL SOXV GH É‹ bSXEOLFDWLRQV VXU OH VXMHW FH TXL HVW ÂŤQRUPH SRXU un seul sous-type de cellules dĂŠcouvert rĂŠcemment. Âť Ă€ mesure que les travaux se sont accumulĂŠs, il est apparu que les pDC intervenaient non seulement dans les infections classiques contre les virus et les bactĂŠries, mais aussi dans le sida, le cancer et les maladies auto-immunes (sclĂŠrose en plaques, lupus‌). ÂŤ Dans certaines maladies FDQFHU GHQJXH KÂŤSDWLWH & OHV S'& RQW XQ HÎ?HW EÂŤQÂŤČ´TXHÉ‹ GDQV GȇDXWUHV VFOÂŤURVH HQ SODTXHV VLGD HOOHV VRQW dĂŠlĂŠtères Âť, rĂŠsume Jean-Philippe Herbeuval. 8QH SLVWH SRXU OH WUDLWHPHQW GH PDODGLHV JUDYHV Dans le cas du virus du sida, le VIH, les pDC semblent avoir une activitĂŠ Ă double tranchant selon le stade de l’infection. Lors de la phase de primo-infection (entre trois et VL[ VHPDLQHV DSUÂŞV OD FRQWDPLQDWLRQ HOOHV RQW XQ HÎ?HW positif en limitant la prolifĂŠration du VIH. En revanche, lors de la phase chronique de la maladie, elles auraient, d’après Jean-Philippe Herbeuval, ÂŤ un rĂ´le plus complexe, probablement dĂŠlĂŠtère Âť : en activant de façon chronique notre immunitĂŠ, elles induiraient la mort de cellules clĂŠs de l’immunitĂŠ, les CD4+, ce qui dĂŠboucherait sur l’apparition de symptĂ´mes du sida. DĂŠsormais, l’un des buts majeurs de la recherche est de mettre au point des mĂŠdicaments capables de moduler l’activitĂŠ des prĂŠcieuses pDC. ÂŤ Si l’on arrive Ă leur faire produire plus d’IFN, cela ouvrira de nouvelles perspectives pour traiter les cancers Âť, illustre Jean-Philippe Herbeuval. 8Q ÂŤQRUPH GÂŤČ´ SRXU OHV GL[ SURFKDLQHV DQQÂŤHV II


LES IDÉES

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LES IDÉES

Inmédiats,

OD FXOWXUH VFLHQWLôTXH en pleine mutation Médiation. /DQF« GDQV OH FDGUH GHV ΖQYHVWLVVHPHQWV GȇDYHQLU OH SURJUDPPH ΖQP«GLDWV UDVVHPEOH VL[ FHQWUHV GH FXOWXUH VFLHQWLȴTXH U«JLRQDX[ 2EMHFWLI PHWWUH OD VFLHQFH ¢ OD SRUW«H GH WRXV JU¤FH DX[ QRXYHOOHV WHFKQRORJLHV PAR LAURE CAILLOCE

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© I. GINZBURG/CCSTI GRENOBLE/INMÉDIATS

ap Sciences à Bordeaux, La &DVHPDWH ¢ *UHQREOH Oȇ(VSDFH GHV VFLHQFHV ¢ 5HQQHV 5HODLV GȇVFLHQFHV ¢ &DHQ 6FLHQFH $QLPDWLRQ ¢ 7RXORXVH 8QLYHUVFLHQFH ¢ 3DULV TXL UHJURXSH OD &LW« GHV VFLHQFHV HW OH 3DODLV GH OD G«FRXYHUWH Ȑ &HV FHQWUHV

Atelier de fabrication d’objets, au fab lab de La Casemate, à l’aide d’une découpeusegraveuse laser connectée.

CNRS LE JOURNAL

GH FXOWXUH VFLHQWLȴTXH HW WHFKQLTXH VRQW XQLV SDU XQ SURMHW FRPPXQ 1RP GH FRGH ΖQP«GLDWV 0LVVLRQ XWLOLVHU OHV QRXYHOOHV WHFKQRORJLHV SRXU GL΍XVHU OD FXOWXUH VFLHQWLȴTXH HW OHV WUDYDX[ GHV FKHUFKHXUV DXSUªV GX JUDQG SXEOLF m 1RXV QH YRXORQV SDV

¬WUH GHV PXV«HV GHV VFLHQFHV ȴJ«V HW SRXV VL«UHX[ VȇHQȵDPPH %HUQDUG $ODX[ OH GLUHFWHXU GH &DS 6FLHQFHV ¢ %RUGHDX[ /ȇREMHFWLI DYHF ΖQP«GLDWV HVW GȇLQWURGXLUH XQ PD[LPXP GȇLQWHUDFWLYLW« DYHF OH SXEOLF } &U«« ¢ OD ȴQ GH OȇDQQ«H OH FRQVRUWLXP FDQGLGDW DX[ ΖQYHVWLV VHPHQWV GȇDYHQLU D G«FURFK« OD VRPPH GH PLOOLRQV GȇHXURV VXU TXDWUH DQV SRXU G«YHORSSHU GHV RXWLOV LQQRYDQWV &LEOH SULRULWDLUH SRXU ΖQP«GLDWV OHV DQV m XQH J«Q«UDWLRQ TXL QH YLHQW SDV VSRQWDQ«PHQW GDQV OHV FHQWUHV GH FXOWXUH VFLHQWLILTXH DX FRQWUDLUH GHV DQV SOXV IDFLOHV ¢ LQW«UHVVHU } VHORQ /DXUHQW &KLFRLQHDX OH GLUHFWHXU GH /Db&DVHPDWH /ȇHQMHX


LES IDÉES

Une carte numérique pour les Fondamentales

Rendre la technique ludique ΖPDJLQ«V DX G«SDUW SDU OH 0DVVD FKXVHWWV ΖQVWLWXWH RI 7HFKQRORJ\ 0Ζ7 OHV IDE ODEV VRQW GHV HQGURLWV R» OȇRQ IDEULTXH GHV REMHWV DYHF GHV PDFKLQHV RXWLOV SLORW«HV SDU RUGLQDWHXU 2EMHFWLI PRQWUHU TXH OD WHFKQLTXH SHXW DXVVL ¬WUH OXGLTXH HQ SHUPHWWDQW DX SXEOLF GH FRQIHFWLRQQHU GHV SURWRW\SHV DYHF OȇDLGH GH GHVLJQHUV 'HV FRXUV VRQW «JDOHPHQW GLVSHQV«V DȴQ GȇDSSUHQGUH ¢ IDLUH IRQFWLRQQHU OHV PDFKLQHV TXL SHXYHQW ¬WUH XWLOLV«HV DXVVL ELHQ SDU GHV O\F«HQV GHV «WXGLDQWV TXH SDU GHV UHWUDLW«V RX P¬PH GHV FU«DWHXUV GȇHQWUHSULVH $X IDE ODE GH *UHQREOH GHX[ MRXUQ«HV VRQW GȇDLOOHXUV U«VHUY«HV DX[ SURIHVVLRQQHOV m &HOD PRQWUH TXH OD FXOWXUH VFLHQWLȴTXH GȇDXMRXUGȇKXL HVW GLUHFWHPHQW FRQQHFW«H DX G«YHORSSHPHQW «FRQRPLTXH } FRPPHQWH /DXUHQW &KLFRLQHDX *U¤FH DX[ OLYLQJ ODEV OHV FKHUFKHXUV HW OHV LQGXVWULHOV SHXYHQW YHQLU WHVWHU OHXUV SURWRW\SHV DXSUªV GHV YLVLWHXUV GHV FHQWUHV GH FXOWXUH VFLHQWLȴTXH /ȇLQW«U¬W HVW GRXEOH SHUPHWWUH DX SXEOLF GH SDUWLFLSHU ¢ OD VFLHQFH HQ WUDLQ GH Vȇ«FULUH HW DX[ SURIHVVLRQQHOV GȇDYRLU DFFªV ¢ GHV PLOOLHUV GȇXWLOLVDWHXUV SRWHQWLHOVɋ 'DQV OH P¬PH HVSULW OHV m SDUFRXUV LQQRYDWLRQ } SURSRV«V ¢

*UHQREOH «WDEOLVVHQW XQ GLDORJXH HQWUH OHV MHXQHV HW OȇHQWUHSULVH $LQVL GRX]H MHXQHV V«OHFWLRQQ«V SDU /Db&DVHPDWH SODQFKHQW VXU m OHV FDSWHXUV GDQV OD YLOOH } XQ WKªPH SURSRV« SDU 6XH] %RX\JXHV HW OH &RPPLVVDULDW ¢ Oȇ«QHUJLH DWRPLTXH HW DX[ «QHUJLHV DOWHUQDWLYHV m &RPSWHXUV GH JD] GȇHDX HW Gȇ«OHFWULFLW« VRQW GH SOXV HQ SOXV LQWHOOLJHQWV HW FRQVWLWXHQW XQ U«VHDX TXL SRXUUDLW ¬WUH XWLOHPHQW PLV ¢ SURȴW QRWH /DXUHQW &KLFRLQHDX /HV MHXQHV PLV ¢ FRQWULEXWLRQ SU«VHQWHURQW OHXUV LG«HV DX[ HQWUHSULVHV VRXV OD IRUPH GH WURLV SURWRW\SHV G«YHORSS«V DYHF OHV P¬PHV P«WKRGHV TXH FHOOHV HPSOR\«HV GDQV OHV JUDQGV JURXSHV } Utiliser les réseaux sociaux $XWUHV SURMHWV DXWUHV DPELWLRQV /ȇREVHUYDWRLUH GHV VHULRXV JDPHV PLV HQ SODFH SDU 8QLYHUVFLHQFH YLVH ¢ UHFHQVHU HW ¢ DQDO\VHU OȇHQVHPEOH GHV MHX[ YLG«R ¢ FDUDFWªUH VFLHQWLȴTXH H[LVWDQW GDQV OH PRQGH WDQGLV TXH 6FLHQFH $QLPDWLRQ ¢ 7RXORXVH WUDYDLOOH ¢ XQ MHX LQ«GLW TXL VHUD SU«VHQW« RɝFLHOOHPHQW DX PRLV GH PDL SURFKDLQ XQH WHUPLWLªUH YLUWXHOOH PRG«OLV«H VHORQ OHV GHUQLªUHV FRQQDLVVDQFHV GH OD ELRORJLH /H EXW TXH OHV MHXQHV WRXW HQ VȇDPXVDQW HQ DSSUHQQHQW GDYDQWDJH VXU FHV LQVHFWHV 3URFKHV GH OȇXQLYHUV GHV VHULRXV JDPHV OHV PRQGHV YLUWXHOV HW OHXUV DYDWDUV FRQVWLWXHQW «JDOHPHQW XQ OLHX U¬Y« SRXU OȇH[S«ULPHQWDWLRQ VFLHQWLȴTXH TXȇH[SORUH ΖQP«GLDWV 'HUQLHU RXWLO GH OD SDQRSOLH GX FRQVRUWLXP OHV U«VHDX[ VRFLDX[ TXL FRPPHQFHQW ¢ SHLQH ¢ OLYUHU WRXWHV OHXUV SRWHQWLDOLW«V /ȇD[H GH WUDYDLO HVW GRXEOH m 8Q SUHPLHU D[H HVW GH U«ȵ«FKLU ¢ OD FU«DWLRQ GH U«VHDX[ VRFLDX[ WHUULWRULDX[ DȴQ GH PHWWUH HQ FRQWDFW OH SXEOLF HW WRXV OHV DFWHXUV GH OD FXOWXUH VFLHQWLȴTXH } G«WDLOOH /DXUHQW

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© CLEVER AGE POUR INMÉDIATS ET CNRS

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C’était une première réussie. À l’occasion des Fondamentales, le forum grand public du CNRS qui a réuni près de 10ɋ000bpersonnes en novembre 2013 à la Sorbonne, Inmédiats a conçu une carte numérique qui a connu un succès certain sur la Toile et les réseaux sociaux. Directement inspirée des univers du médiéval fantastique type Game of Thrones, celle-ci mettait en scène huit continents scientiȴques, soit les huit thèmes des grands débats de la manifestation. Totalement interactive et directement branchée sur les réseaux sociaux, l’interface entre les chercheurs et le public permettait de poser des questions, de poster des commentaires et des vidéos, et de consulter des articles et photos en lien avec les thèmes abordés.

&KLFRLQHDX 6XU FHV SODWHIRUPHV FKDFXQ SRXUUD PHWWUH HQ OLJQH GHV DUWLFOHV REWHQLU GHV LQIRUPDWLRQV VXU OHV «Y«QHPHQWV VFLHQWLȴTXHV ¢ YHQLUȐ 6HFRQG D[H XWLOLVHU OHV U«VHDX[ VRFLDX[ H[LVWDQWV )DFHERRN 7ZLWWHUȐ GDQV GHV GLVSRVLWLIV SOXV YDVWHV ¢ OȇLPDJH GH OȇRS«UDWLRQ m $OSKD QH U«SRQG SOXV } PHQ«H HQ HQ SDUWHQDULDW DYHF OH &156 ¢ *UHQREOH /ȇHQMHX GH FHWWH LQWULJXH SROLFLªUH UHWURXYHU XQ HVSLRQ GLVSDUX DX FRXUV GȇXQH PLVVLRQ ¢ SDUWLU GȇLQIRUPDWLRQV GLVWLOO«HV VXU 7XPEOU /ȇHQTX¬WH HVW PHQ«H DX VHLQ P¬PH GH ORFDX[ GX &156 R» OHV SDUWLFLSDQWV SHXYHQW REWHQLU GH QRXYHDX[ LQGLFHV HQ U«SRQGDQW ¢ GHV TXHVWLRQV VFLHQWLȴTXHV 'HV GLVSRVLWLIV TXL QȇRQW G«FLG«PHQW SOXV JUDQG FKRVH ¢ YRLU DYHF OHV H[SRVLWLRQV GH YXOJDULVDWLRQ WUDGLWLRQQHOOHV HW OHXUV ERQV YLHX[ SDQQHDX[ GȇDɝFKDJHɋ II HIVER 2014 N° 275


LES IDÉES

Le genre, c’est de la science Sandra Laugier DR

3KLORVRSKH GLUHFWULFH DGMRLQWH VFLHQWLȴTXH GH OȇΖQVWLWXW GHV VFLHQFHV KXPDLQHV HW VRFLDOHV GX &156

développées par les sciences humaines HW VRFLD OHV OHV «WXGHV RQW SRLQW« OȇHUUHXU ¢ QH SDV WHQLU FRPSWH GH OD Y DULDEOH mbJHQUHb} GDQV OHV UHFKHUFKHV (OOHV RQW

Oui, le CNRS soutient la recherche sur

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PRQWU« SDU H[HPSOH TXH OH WUDYDLO QH

le genre : depuis longtemps à travers la

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VH U«GXLW SDV ¢ VD GLPHQVLRQ SURIHV

Mission pour la place des femmes et

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des programmes dans ses laboratoires,

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plus récemment avec l’ouverture de

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avec la création du Groupement d’intérêt

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sciences : sous- évaluation et traitements

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pour tenter d’empêcher ce savoir impie

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ment par la Mission interdisciplinarité

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OHV IHPPHV RX ¢ OȇLQYHUVH GH OȇRVW«RSR-

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VHU VXU OHV PDQXHOV GH ELRORJLH GHV

Les études ont pointé l’erreur à ne pas tenir compte de la variable “genre” dans les recherches. &RPPHQW HVW FH SRVVLEOHɋ" /H JHQUH VHUDLW ¢ HQWHQGUH GLYHUVHV FULWLTXHV XQH m WK«RULH } TXL QLH OD GL΍«UHQFH GHV VH[HV HW WHQWH GH VȇLPSRVHU GDQV OHV SURJUDPPHV VFRODLUHV DYHF XQ DJHQGD LG«RORJLTXH VXOIXUHX[ 2U VȇLO QȇH[LVWH SDV 81( m WK«RULH GX JHQUH } GH QRPEUHX[ WUDYDX[ VFLHQWLȴTXHV HQ WK«RULVDQW OH JHQUH VȇDWWDFKHQW à montrer le caractère social des repréVHQWDWLRQV GX PDVFXOLQ HW GX I«PLQLQ HW OHV UDSSRUWV GH SRXYRLU TXL SURGXLVHQW OHV LQ«JDOLW«V HQWUH OHV VH[HV

Une mise en cause du savoir $ ORU V SRXUTXRL FHW WH F DPSDJQH G«QRQ©DQW OD m WK«RULH GX JHQUH } TXL D P¬PH FRQGXLW OH JRXYHUQHPHQW ¢ UHFXOHU VXU GHV SURMHWV GH U«IRUPH XUJHQWVɋ" 58

CNRS LE JOURNAL

élèves un sticker : m /ȇ«YROXWLRQ HVW XQH

Une question très politique

WK«RULH SDV XQH FHUWLWXGH } Ȃ m XQH WK«RULH GH OȇRULJLQH GHV ¬WUHV YLYDQWV TXL doit être approchée avec prudence HW HVSULW FULWLTXH } Jeter le doute sur des connaissances DFTXLVHV FȇHVW OD P«WKRGH GH FHX[ TXL TXDOLȴHQW GH SXUH m WK«RULH } FH TXL UHOªYH GHV IDLWV HW YHXOHQW QLHU Oȇ«YLGHQFH Que nous apprend la science de l’évoluWLRQ VLQRQ TXH OȇKXPDLQ IDLW SDUWLH GHV DQLPDX[ HW QȇD SDV GH SULYLOªJH DX VHLQ GH OD QDWXUH VLQRQ OD SODFH TXȇLO VȇHVW IDLWHɋ" 4XH QRXV DSSUHQG OD VFLHQFH GX JHQUH VLQRQ TXH OD GL΍«UHQFH GHV VH[HV XQH GL΍«UHQFH SDUPL WDQW GȇDXWUHV QH GHYUDLW SDV IDLUH GH GL΍«UHQFH GDQV OH GHVWLQ VRFLDO GHV LQGLYLGXV HW TXH SRXUWDQW HOOH HQWUD°QH SDUWRXW GHV LQ«JDOLW«Vɋ" 2Q YRLW R» VH VLWXH OȇHQMHX TXL HVW GRXEOH GHV DWWDTXHV FRQWUH OHV «WXGHV VXU OH JHQUH (Q SUHPLHU OLHX LO HVW GȇRUGUH VFLHQWLȴTXH /ȇREMHFWLI GX U«DFWLRQQDLUH DQWLJHQUH HVW GH IDLUH FURLUH TXH OHV «WXGHV VXU OH JHQUH QH VRQW SDV GH OD VFLHQFH PDLV m XQH WK«RULH } 2U OD SULVH HQ FRPSWH GX JHQUH HVW DYDQW WRXW XQH D΍DLUH VFLHQWLȴTXH DUWLFXODQW m '(6 WK«RULHV } HW GHV IDLWV FȇHVW DLQVL TXH IRQFWLRQQH OD VFLHQFH SDU GHV HQVHPEOHV H[SOLFDWLIV IRQG«V GDQV OD SUHXYH 'ȇDERUG

(Q VHFRQG OLHX OHV UHFKHUFKHV VXU OH JHQUH GȇDERUG VFLHQWLȴTXHV SRVHQW GHV TXHVWLRQV SROLWLTXHV HOOHV IRQW YRLU XQH U«DOLW« G«VDJU«DEOH FHOOHV GȇLQ«JDOLW«V LQMXVWLILDEOHV GDQV XQ HQVHPEOH GH FLWR\HQV HQ SULQFLSH «JDX[ &ȇHVW OD FDXVH SURIRQGH GHV DWWDTXHV DFWXHOOHV FRQWUH OH JHQUH &HV UHFKHUFKHV HW OHV IDLWV TXȇHOOHV «WDEOLVVHQW TXHVWLRQQHQW OȇRUJDQLVDWLRQ WUDGLWLRQQHOOH GH OD IDPLOOH OD domination masculine et l’hétéronormaWLYLW« OHV LQ«JDOLW«V OL«HV DX VH[H TXL WUDYHUVHQW QRWUH VRFL«W« /H &156 HVW OȇDFWHXU GH OD UHFKHUFKH HW GH OȇHQVHLJQHPHQW VXS«ULHXU OH SOXV DQFLHQQHPHQW HW IRUWHPHQW HQJDJ« HQ IDYHXU GHV UHFKHUFKHV VXU OH JHQUH ΖO OHV VRXWLHQW HQ SUHQDQW HQ FRPSWH OHV HQMHX[ GH OD UHFKHUFKH HW GH Oȇ«JDOLW« FRPPH LQV«SDUDEOHV /HV TXHVWLRQV VFLHQWLȴTXHV VRQW GHV TXHVWLRQV VRFLDOHV Développer la UHFKHUFKH VXU OH JHQUH FȇHVW OXWWHU SRXU OD UHFRQQDLVVDQFH GHV LQ«JDOLW«V HW FRQWUH OHXUV FDXVHV HW DXVVL FRQWUH GHV SU«MXJ«V TXL DWWDTXHQW OD VFLHQFH HOOH P¬PH &ȇHVW OȇHQJDJHPHQW GX &156 HW OH WKªPH GH OD MRXUQ«H GX PDUV TXL VRXV OD EDQQLªUH GHV 1RXYHOOHV VFLHQFHV GX JHQUH U«XQLUD DX &156 GHV FKHUFKHXU H V GH WRXWHV GLVFLSOLQHV II


LES IDÉES

Ă€ voir

Ă€ lire

www.cnrs.fr/solaire

k & )5‹6Ζ//21 &156 3+2727+Š48(

Parce qu’elle pourrait largement couvrir les besoins ĂŠnergĂŠtiques de la planète, l’Ênergie solaire est une Č´lière en plein essor. Le 20ebdossier multimĂŠdia du CNRS de la collection Sagascience en prĂŠsente les deux principales voies d’utilisation : l’Ênergie solaire thermique et l’Ênergie solaire photovoltaÂąque. Cette animation grand public, rĂŠalisĂŠe avec les chercheurs de l’Institut des sciences de l’ingĂŠnierie et des systèmes (Insis) de l’organisme, montre le fonctionnement des centrales thermiques, qu’elles soient ÂŤ Ă tour solaire Âť ou ÂŤ Ă miroirs cylindro-paraboliques Âť. Mais aussi le foisonnement des recherches actuelles sur les cellules photovoltaĂŻques, les carburants solaires et le stockage de chaleur. Une data visualisation interactive complète le dossier par un panorama du poids de l’Ênergie solaire dans la production d’Ênergie mondiale.

Aux antipodes des polĂŠmiques habituelles sur la SĂŠcuritĂŠ sociale, oĂš l’on s’Êtripe au sujet de son fameux ÂŤ trou Âť, la sociologue Colette Bec se penche sur l’intention de ses pères fondateurs, enb1945. Pour ses concepteurs, la SĂŠcuritĂŠ sociale constituait une institution de la dĂŠmocratie Ă venir. Socle de la solidaritĂŠ, elle relevait de choix collectifs engageant le destin commun et l’organisation d’une sociĂŠtĂŠ juste. Ă€ l’aune de cette analyse, la chercheuse interroge ensuite la logique des rĂŠformes, Ă la Č´n des annĂŠesb1970, et l’acheminement vers une approche gestionnaire. La SĂŠcuritĂŠ sociale. Une institution de la dĂŠmocratie Colette Bec, Gallimard, coll. ÂŤ Bibliothèque des sciences humaines Âť

Les trente dernières annĂŠes se sont illustrĂŠes, du moins en Occident, par une rĂŠgression sociale sans prĂŠcĂŠdent : partant de ce constat, les ĂŠconomistes GĂŠrard DumĂŠnil et Dominique LĂŠvy ne se contentent pas dans ce livre d’analyser la dynamique historique qui a conduit Ă cet ĂŠtat de fait, ils proposent ĂŠgalement une grille d’analyse permettant d’inverser cette dynamique. Pour ces deux chercheurs du CNRS, derrière l’Êvolution des inĂŠgalitĂŠs se cache une structure de classe tripolaire, oĂš l’alliance entre capitalistes et cadres, au dĂŠtriment des classes populaires, a assurĂŠ le triomphe du nĂŠolibĂŠralisme. La rĂŠouverture des voies du progrès social passera ainsi, selon eux, par la capacitĂŠ politique d’Êbranler les grands rĂŠseaux Č´nanciers et la connivence entre propriĂŠtaires et managers. La Grande Bifurcation. En Č´nir avec le nĂŠolibĂŠralisme. GĂŠrard DumĂŠnil et Dominique LĂŠvy, La DĂŠcouverte, coll. ÂŤ L’horizon des possibles Âť

Peut-on Êchapper au syndrome de l’innovation permanente ?

/LUH OȇLQWJUDOLW GX ELOOHW VXU lejournal.cnrs.fr

SURGXFWLYLWÂŤ /ȇLQQRYDWLRQ GHYHQXH FHV GHUQLHUV WHPSV m LQQRYDWLRQ SHUPDQHQWH } FȇHVW GRQF WRXMRXUV GX SOXV ¢ FRQVRPPHU HW ¢ SURGXLUH ΖO FRQYLHQW SRXU ÂŤYLWHU OȇSXLVHPHQW OH QÂśWUH FRPPH FHOXL

Michel Blay

GH OD QDWXUH SRXU ÂŤYLWHU QRWUH PRUW TXL QH

3UVLGHQW GX &RPLW SRXU OȇKLVWRLUH GX &156

VHUD SDV GXUDEOH FRPPH OH GÂŤYHORSSHPHQW GH SRUWHU XQ QRXYHDX UHJDUG VXU OH

Dieu, la nature et l’homme. L’OriginalitÊ de l’Occident, Michel Blay, Armand Colin, coll.  Le temps des idÊes 

La course permanente à l’innovation,

DXWUH \ FKDSSHUɋ" /ȇLPSUHVVLRQ TXH OD

PRQGH GH OȇLQQRYDWLRQ WHFKQLTXH SHUPD-

qui implique de relever de multiples

situation est plus ou moins sans issue est

QHQWH XQ QRXYHDX UHJDUG SRXU VRUWLU GX

GÂŤČ´V WHFKQRORJLTXHV GH OD ELRORJLH GH

OLH DX IDLW TXȇLO VHPEOH LPSRVVLEOH GH SHQ-

FHUFOH YLFLHX[ GH OȇLQQRYDWLRQ GH OD IDXVVH

V\QWKÂŞVH DX[ QDQRWHFKQRORJLHV FRQGXLW

VHU DXWUHPHQW TXȇHQ WHUPHV GȇLQQRYDWLRQ

H[LJHQFH WHFKQLTXH TXL Č´[H D SULRUL QRWUH

LQÂŤYLWDEOHPHQW ¢ OȇSXLVHPHQW GHV UHV-

HW GH SURJUÂŞV WHFKQRORJLTXHV

DYHQLU HW QRWUH GHVWLQ VDQV QRXV

VRXUFHV HW ¢ OD SROOXWLRQ (OOH FRQGXLW JD-

5DSSHORQV TXH OH WHUPH m LQQRYD-

4XH VRXKDLWRQV QRXV SRXU QRWUH YLHÉ‹"

OHPHQW ¢ QRWUH SXLVHPHQW FDU QRXV

WLRQ } VDQV FHVVH DJLW DXMRXUGȇKXL GDQV

< D W LO QFHVVLW ¢ LQQRYHU GX FœW GH OD

VRPPHV FRQIURQWV ¢ OD VROLWXGH DX WUDYDLO

OHV GLÎ?ÂŤUHQWHV VSKÂŞUHV GH OD VRFLÂŤWÂŤ GÂŤ-

ELRORJLH GH V\QWKÂŞVH GHV QDQRWHFKQROR-

GDQV OȇRXEOL GX VHQV GHV PWLHUV HW GDQV

VLJQH HQ JÂŤQÂŤUDO GHV LQYHQWLRQV GHVWLQÂŤHV

JLHV RX GX ÂŤQLÂŞPH JDGJHW ÂŤOHFWURQLTXHÉ‹"

OȇDXWRPDWLVDWLRQ QRUPDOLVH GHV JHVWHV

¢ IRXUQLU DX[ FLWR\HQV GHYHQXV FRQVRP-

'ȇDXWUHV FKRL[ QH VȇLPSRVHUDLHQW LOV SDV

&HWWH VLWXDWLRQ VRXYHQW GFULWH SDUD°W

mateurs des services et des appareils

SRXU QRWUH YLH GDQV OH PRQGHÉ‹" (Q XQ PRW

ODUJHPHQW LQÂŤOXFWDEOH RX GX PRLQV OHV

QRXYHDX[ OH SOXV VRXYHQW VHXOHPHQW SDU-

FRPPH OH UDSSHOOH +DQQDK $UHQGW QRXV

rÊponses ne s’imposent pas avec Êvi-

WLHOOHPHQW DPOLRUV /ȇLQQRYDWLRQ FRUUHV-

devons m DVVXPHU VL QRXV OȇDLPRQV DVVH]

GHQFH %LHQ DX FRQWUDLUH 'ȇDQQH HQ

pond aussi Ă la mise au point de mĂŠtho-

DQQÂŤH OHV GLÉ?FXOWÂŤV HQYLURQQHPHQWDOHV

GHV GH SURGXFWLRQ RX GH GLVWULEXWLRQ

RX DXWUHV FURLVVHQW TXRLTXH OHV DSSHOV ¢

FRQGXLVDQW SULQFLSDOHPHQW SDU OȇDXWR

l’innovation se multiplient dans la dÊ-

PDWLVDWLRQ QRUPDOLVH GHV W¤FKHV ¢

SHQVH HW OȇHÎ?HUYHVFHQFH 3RXUTXRL HQ HVW

XQH U ÂŤGXFWLRQ GX WHPSV GH WUDYDLO

LO DLQVL HW SHXW RQ GȇXQH IDŠRQ RX GȇXQH

WRXW HQ JDUDQWLVVDQW XQH SOXV JUDQGH

OD UHVSRQVDELOLWÂŤ GX PRQGH }1 ΖO HVW OH PRQGH GH QRWUH UHVSRQVDELOLWÂŤ 8QH UHVSRQVDELOLWÂŤ TXȇLO FRQYLHQW GH UHSUHQGUH DX QRP GH QRWUH H[LVWHQFH DČ´Q GH SRVHU Č‚bSHXW ÂŹWUH HVW LO GÂŤM¢ WURS WDUGbČ‚ XQ UHJDUG H[WÂŤULHXU VXU FHWWH LGÂŤH GH QDWXUH DVVXMHWWLH ¢ OȇSXLVDQW HW PRUWLIÂŞUH DSSHO ¢ OȇLQQRYDWLRQ SHUPDQHQWH II

+DQQDK $UHQGW /D &ULVH GH OD FXOWXUH m /D FULVH GH OȇGXFDWLRQ } 3DULV *DOOLPDUG S

HIVER 2014 N° 275

59


LES IDÉES

k ) 7+20$6

Le cancer touche aussi les Êcosystèmes

/LUH OȇLQWJUDOLW GX ELOOHW VXU lejournal.cnrs.fr

&HWWH WKÂŤPDWLTXH GH UHFKHUFKH LQH[SOR-

FrĂŠdĂŠric Thomas

UÂŤH ¢ OȇKHXUH DFWXHOOH GHYUD DVVRFLHU

%LRORJLVWH DX ODERUDWRLUH 0LYHJHF

FRORJXHV PGHFLQV YWULQDLUHV YROXWLRQQLVWHV HWF (OOH SHUPHWWUD GȇHQ

Et si nous ĂŠtions passĂŠs Ă cĂ´tĂŠ, dans

QÂŤJOLJÂŤV HQ UDLVRQ GH OHXU UDUHWÂŤ DSSD-

VDYRLU SOXV VXU OHV FRQVÂŤTXHQFHV ÂŤFR

les ĂŠtudes sur les ĂŠcosystèmes, d’une

UHQWH GDQV OD QDWXUH 1RXV QRXV

ORJLTXHV LQVRXSŠRQQHV GX FDQFHU

variable capable GȇLQȾXHQFHU IRUWHPHQW

VRPPHV WURS IRFDOLVÂŤV VXU OHV VWDGHV

PDLV SDV VHXOHPHQW

les aptitudes compĂŠtitrices des individus

DYDQFÂŤV GHV FDQFHUV TXL QH FRQVWLWXHQW

HW GHV HVSªFHVɋ" 'ȇLQȾXHU VXU OHXU YXOQ-

TXH OD SDUWLH PHUJH GH OȇLFHEHUJ

UDELOLWÂŤ DX[ SDUDVLWHV HW DX[ SUÂŤGDWHXUV

$LQVL XQ LQGLYLGX SRUWHXU GȇXQ FDQ-

H VSªFHV VDXYDJHV YLV ¢ YLV GX ULVTXH

RX HQFRUH OHXU FDSDFLWÂŤ ¢ VH GÂŤSODFHUÉ‹"

FHU HVW GX IDLW GH VRQ DÎ?DLEOLVVHPHQW

FDQFUHX[ FRPSRUWHPHQWV GȇYLWH-

&ȇHVW SUREDEOHPHQW OH FDV GX FDQFHU RX

souvent dĂŠvorĂŠ par un prĂŠdateur Ă

ments d’individus porteurs de patho-

SOXWÂśW GX FRQWLQXXP DOODQW GHV OÂŤVLRQV

XQ VWDGH WUÂŞV SUÂŤFRFH GH OD PDODGLH

JÂŞQHV RQFRJÂŞQHV RX GH FDQFHUV FRQWD-

SUÂŤFDQFÂŤUHXVHV DX[ FDQFHUV HQ SKDVH

%LHQ TXH UDUHPHQW REVHUYDEOH DX VWDGH

JLHX[ YLWHPHQWV GȇKDELWDWV ULFKHV HQ

PÂŤWDVWDWLTXH TXL WRXFKHQW OD SOXSDUW

WHUPLQDO OD PDODGLH DXUD DX FRXUV

PXWDJÂŞQHV RX HQFRUH DXWRPÂŤGLFDWLRQ

GHV DQLPDX[ GHSXLV TXH OD PXOWLFHOOXOD-

GH VRQ ÂŤYROXWLRQ DÎ?HFWÂŤ GH QRPEUHX[

'HV FRPSRUWHPHQWV TXL VȇLOV OLPLWHQW OHV

ULWÂŤ HVW DSSDUXH LO \ D SOXV GH PLOOLRQV

WUDLWV ÂŤFRORJLTXHPHQW SHU WLQHQWV

LPSDFWV QÂŤJDWLIV GHV GÂŤYHORSSHPHQWV

GȇDQQHV ‚ OȇLQVWDU GHV SDUDVLWHV TXL

'DQV FH FDGUH OH FDQFHU GRLW ÂŹWUH FRQVL-

RQFRJÂŤQLTXHV QH OHV ÂŤOLPLQHQW SDV &H

IDXWH GȇRXWLOV DSSURSULV SRXU OHV REVHU-

GU FRPPH XQH YDULDEOH ¢ SDUW HQWLªUH

TXL SRXUUDLW SHXW ÂŹWUH H[SOLTXHU SRXU-

YHU HW OHV ÂŤWXGLHU RQW ORQJWHPSV ÂŤWÂŤ

GDQV OH IRQFWLRQQHPHQW GHV ÂŤFRV\V-

TXRL OD VOHFWLRQ QDWXUHOOH QȇHVW SDV SDU-

LJQRUÂŤV SDU OD PDMRULWÂŤ GHV ÂŤFRORJXHV

WªPHV ΖO HVW PPH SRVVLEOH TXȇLO DLW

venue Ă ĂŠliminer le cancer en un demi-

OHV SURFHVVXV RQFRJÂŤQLTXHV RQW ÂŤWÂŤ

IDYR U LVÂŤ OH PDLQWLHQ GH OD ELRGLYHUVLWÂŤ

PLOOLDUG GȇDQQHV II

Parution

Aux sources de la conscience La conscience a t elle une origineÉ‹" Des neurosciences Ă la pleine conscience : une nouvelle approche de l’esprit, Michel Bitbol, Flammarion, coll. ÂŤ Bibliothèque des savoirs Âť

ÂŤ L’introspection est-elle possibleÉ‹" Âť, ÂŤ Quel genre d’unitĂŠ a le moment prĂŠsentÉ‹" Âť ÂŤ Que voudrait dire ČŠvivre sa propre mortČ‹É‹" Âť Autant d’interrogations fondamentales que le philosophe des sciences et de la connaissance Michel Bitbol, directeur de recherche CNRS aux Archives Husserl (École normale supĂŠrieure), approfondit au cours de son enquĂŞte sur la conscience. Tenter de rĂŠpondre Ă la question ÂŤ Qu’est-ce que l’expĂŠrience conscienteÉ‹" Âť s’avère selon lui le dĂŠČ´ ultime de la philosophie. Elle est en eÎ?et ÂŤ exemplairement aporĂŠtique et redoutable Âť au sens oĂš elle nous met nous-mĂŞmes en question. Car ÂŤ l’objet de la recherche s’identiČ´e Ă l’Êtat du chercheur qui se tend vers lui Âť, explique l’auteur. Comment les sciences, savoir de ce qui est objectivable, pourraient-elles rendre raison de ce qui est subjectifÉ‹" Outre un examen critique des thĂŠories neurobiologiques et ĂŠvolutionnistes qui, si ÂŤ elles peuvent ĂŠlucider les fonctions objectivĂŠes de la conscience, comme la mĂŠta-cognition Č‚baptitude Ă savoir que l’on saitbČ‚, ne parviennent pas Ă expliquer comment l’expĂŠrience vĂŠcue est ČŠproduiteČ‹ par un processus physiologique Âť, l’auteur mobilise phĂŠnomĂŠnologie, psychologie cognitive et pratiques de la mĂŠditation pour analyser les thèses sur la conscience Ă l’aune du sujet conscient lui-mĂŞme.

60

CNRS LE JOURNAL

(Q HÎ?HW RQ VRXV HVWLPH SUREDEOHment la palette des adaptations des

Ă€ lire aussi

De l’oracle de Delphes aux agences de notation Č´nancière en passant par la lunette de GalilĂŠe, comment l’accès aux outils censĂŠs leur faire voir le futur a-t-il procurĂŠ aux puissants et aux savants l’autoritĂŠ de mettre en scène l’avenirÉ‹" Enseignant Ă Sciences Po Paris et directeur de recherche au CĂŠri-CNRS, Ariel Colonomos met au jour, dans cet essai, les mĂŠcaniques sociales qui gouvernent les rĂŠcits du futur. ÂŤ Le futur serait-il fabriquĂŠ de toutes pièces Ă des Č´ns inavouablesÉ‹" Âť, s’interroge ce spĂŠcialiste des relations internationales, avant d’arriver Ă la conclusion qu’en ÂŤ faisant le dessein d’un monde qui s’Êcarte assez peu de ses trajectoires linĂŠaires, l’industrie du futur stabilise les croyances dans le statu quo et, de ce fait, ralentit la marche du monde Âť. La Politique des oracles. Raconter le futur aujourd’hui, Ariel Colonomos, Albin Michel, coll. ÂŤ Bibliothèque IdĂŠes Âť


LES IDÉES

pu gagner “plusJ’aurais d’argent ailleurs,

�

Margaret Buckingham, mÊdaille d’or 2013 du CNRS /LUH VRQ SRUWUDLW VXU lejournal.cnrs.fr

ÂŤ Les manifestations de 2012-2013 contre le ČŠmariage pour tousČ‹ ont suscitĂŠ des discussions animĂŠes avec certains de mes collègues >Č?@. L’idĂŠe de cet ouvrage n’aurait pas surgi sans elles Âť, explique Danielle Tartakowsky au dĂŠbut de son ouvrage. Historienne, spĂŠcialiste des manifestations de rue, elle s’attache Ă montrer que les droites françaises sont descendues battre le pavĂŠ plus souvent qu’on ne le croit d’ordinaire. Avec parfois des mouvements d’une ampleur exceptionnelle, comme ce fut le cas des rassemblements catholiques contre le Cartel des gauches en 1924-1925 ou de la manifestation gaulliste du 30 maib1968 Ă Paris. Jusqu’aux derniers chapitres, portant sur les dĂŠČ´lĂŠs enb1984 pour la dĂŠfense de l’ ĂŠcole libre Âť et sur la ÂŤ manif pour tous Âť de l’an dernier, ce livre tĂŠmoigne des liens mouvants que les initiateurs des actions de rue entretiennent avec la droite parlementaire et de la place des catholiques dans cette culture. Les Droites et la Rue. Histoire d’une ambivalence de Ă nos jours, Danielle Tartakowsky, La DĂŠcouverte

Quelles politiques pour mieux Êvaluer les risques liÊs à l’innovation ? Laura Maxim

&KHUFKHXVH ¢ OȇΖQVWLWXW GHV VFLHQFHV GH OD FRPPXQLFDWLRQ GX &156 Ζ6&&

De nombreuses controverses sanitaires et environnementales remettent en cause OȇYDOXDWLRQ GHV ULVTXHV GH FHUWDLQHV LQQRYDWLRQV WHFKQLTXHV

k '5ɋ 2/Ζ(/ %6Ζ3

mais ici [au CNRS], on est libre de choisir sa voie de recherche, sans subir de pression pour en tirer absolument des applications, comme c’est le cas dans beaucoup de pays.

Interdit dans les biberons depuis 2010 en France, le bisphÊnol A sera banni de l’ensemble des contenants alimentaires à partir de 2015.

UFHQ WHV RX SOXV DQFLHQQHV SRXU OD VDQW HW OȇHQYLURQQHPHQW 4XDQG HOOH DUULYH

UÂŤVXOWDWV IDYRUDEOHV DX Č´QDQFHXU HVW

Ȃb FDU HOOH QȇD SDV OLHX V\VWPDWLTXH-

DXMRXUGȇKXL ELHQ GRFXPHQWH GDQV OD

PHQWbȂ FHWWH YDOXDWLRQ HVW WDUGLYH DORUV

OLWWÂŤUDWXUH VFLHQWLČ´TXH 1 3RXUWDQW OHV

TXH GHV LQYHVWLVVHPHQWV SULYÂŤV RX SX-

UÂŤJOHPHQWDWLRQV HXURSÂŤHQQHV VRQW IRQ-

EOLFV LPSRUWDQWV VRQW HQJDJÂŤV HW TXH

dÊes sur l’idÊe d’une neutralitÊ norma-

GHV EÂŤQÂŤČ´FHV ÂŤFRQRPLTXHV VRQW SURPLV

WLYH GH OD SUHXYH RÂť OD UREXVWHVVH VFLHQ-

RX VH VRQW GM¢ FRQFUWLVV 'DQV XQ

WLČ´TXH QH VHUDLW SDV LQČľXHQFÂŤH SDU OH

FDGUH UJOHPHQWDLUH OȇYDOXDWLRQ GHV

ȴQDQFHXU /ȇLGH GȇXQH WD[H YHUVH SDU

ULVTXHV D OLHX MXVWH DYDQW RX ELHQ GHV IRLV

les industriels Ă des structures pu-

DSUÂŞV OD PLVH VXU OH PDUFKÂŤ ORUVTXH OHV

EOLTXHV TXL JÂŤUHUDLHQW OHV ÂŤYDOXDWLRQV

‹WDWV VRQW DPHQÂŤV ¢ VH SURQRQFHU VXU OHV

GHV ULVTXHV VHPEOH GRQF SOXV DGDSWÂŤH

ULVTXHV ÂŤYHQWXHOV /HV SRXYRLUV SXEOLFV VH

PDLV HOOH QȇD SDV IDLW VRQ FKHPLQ

UHWURXYHQW DLQVL ¢ JUHU GHV REMHFWLIV FR-

MXVTXȇDX[ GFLVLRQV SROLWLTXHV

QRPLTXHV HW VDQLWDLUHV FRQWUDGLFWRLUHV

/D GHX[LÂŞPH TXHVWLRQ HVW GLUHFWH-

GDQV XQ FDGUH TXL LQYLWH DX UDSSRUW GH

ment associÊe à la première et concerne

IRUFHV DYHF OH VHFWHXU SULYÂŤ

OD YÂŤULČ´DELOLWÂŤ SDU OHV DJHQFHV VDQLWDLUHV

/D SUHPLÂŞUH TXHVWLRQ TXL VH SRVH

GHV LQIRUPDWLRQV VRXPLVHV SDU OȇLQGXV-

HVW FHOOH GX ȴQDQFHPHQW GH OȇYDOXDWLRQ

WULH 0ÂŹPH VL GHV ERQQHV SUDWLTXHV GH

GHV ULVTXHV ΖQYRTXDQW OH SULQFLSH GH OD

ODERUDWRLUH 2 HW GHV JXLGHVb2&'( RQW ÂŤWÂŤ

UÂŤSDUWLWLRQ ÂŤTXLWDEOH GH OD FKDUJH Č´QDQ-

SURSRVÂŤV LOV QH VRQW SDV GHV JDUDQWV GH

FLÂŞUH GH OD SUHXYH SOXVLHXUV UÂŤJOHPHQ-

TXDOLW VFLHQWLȴTXH %LHQ GȇDXWUHV TXHV-

WDWLRQV GHPDQGHQW DX[ LQGXVWULHOV

WLRQV VH SRVHQW QRWDPPHQW OȇXWLOLVDWLRQ

GȇYDOXHU OHV ULVTXHV GHV SURGXLWV TXȇLOV

GH PÂŤWKRGHV DQFLHQQHV SDUIRLV GHYH-

VRXKDLWHQW PHWWUH RX JDUGHU VXU OH PDU-

QXHV REVROÂŞWHV SRXU ÂŤYDOXHU GHV LQQR-

FKÂŤ &RPPH FHV LQGXVWULHOV WLUHURQW GHV

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EÂŤQÂŤČ´FHV LVVXV GH OD FRPPHUFLDOLVDWLRQ

QRXYHDX[ ULVTXHV 2X HQFRUH OH EXGJHW

LO OHXU UHYLHQGUDLW GH SD\HU ÂŤJDOHPHQW

WUÂŞV OLPLWÂŤ GH OD UHFKHUFKH SXEOLTXH

OHV IUDLV OLÂŤV ¢ OȇYDOXDWLRQ GH VHV ULVTXHV

GDQV OȇYDOXDWLRQ GHV HÎ?HWV VHFRQGDLUHV

6L GȇXQ SRLQW GH YXH ȴQDQFLHU OD VROXWLRQ

GHV LQQRYDWLRQV II

WURXYÂŤH VHPEOH MXVWH HOOH SRVH QÂŤDQPRLQV FHUWDLQV SUREOÂŞPHV /H SOXV LPSRUWDQW HVW FHOXL GH OȇLQIOXHQFH GHV FRQČľLWV GȇLQWÂŤUÂŹWV (Q HÎ?HW OD FRUUÂŤODWLRQ HQWUH OȇRULJLQH GX Č´QDQFHPHQW HW GHV

/LUH OȇLQWJUDOLW GX ELOOHW VXU lejournal.cnrs.fr

0D[LP / $UQROG * m &RPPHQW OHV FRQČľLWV GȇLQWÂŤUÂŹWV SHXYHQW LQČľXHQFHU OD UHFKHUFKH HW OȇH[SHUWLVH } +HUPÂŞV 0\HUV - 3 HW DO m :K\ 3XEOLF +HDOWK $JHQFLHV &DQQRW 'HSHQG RQ *RRG /DERUDWRU\ 3UDFWLFHV DV D &ULWHULRQ IRU 6HOHFWLQJ 'DWD 7KH &DVH RI %LVSKHQRO $ } (QYLURQ +HDOWK 3HUVSHFW PDUV HIVER 2014 N° 275

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LES IDÉES

Michel Wieviorka,

un sociologue Ă l’ère numĂŠrique PAR PHILIPPE TESTARD-VAILLANT

Sociologie. Une analyse des enjeux que soulève l’avènement du numĂŠrique dans le domaine des sciences humaines et sociales, en compagnie de Michel Wieviorka. Vos recherches portent habituellement sur le racisme, le terrorisme, la violence‌ Or votre dernier livre, L’ImpĂŠratif numĂŠrique, explore la montĂŠe en puissance des nouvelles technologies. Pourquoi cet intĂŠrĂŞt pour le numĂŠriqueÉ‹" Michel Wieviorka : Les responsabilitĂŠs que j’exerce Ă la tĂŞte de la Fondation Maison des sciences de l’homme (FMSH) m’amènent Ă cĂ´toyer des sociologues, philosophes ou linguistes qui sont plongĂŠs au cĹ“ur du numĂŠrique. Je rencontre ĂŠgalement des bibliothĂŠcaires dont il bouleverse le travail, des ĂŠditeurs qu’il conduit Ă repenser leur modèle ĂŠconomique, des responsables de systèmes informatiques qui doivent remodeler leur offre en

L’ImpÊratif numÊrique, Michel Wieviorka, CNRS Éditions, coll.  DÊbats , 2013

Que peuvent apporter les Big Data, par exemple, aux SHSÉ‹" M. W. : Ces ĂŠnormes banques de donnĂŠes, dont les plus importantes ne sont pas consultables en Open Access (libre DFFÂŞV RÎ?UHQW XQH PDVVH GȇLQIRUPDWLRQV IDQWDVWLTXH GDQV quantitĂŠ de domaines : politique, santĂŠ, histoire, littĂŠrature, consommation‌ Grâce Ă des outils dont la puissance croĂŽt exponentiellement, on peut connaĂŽtre en quelques clics OȇRFFXUUHQFH GX PRW m 'LHX } GDQV OȇĕXYUH GH 3URXVWÉ‹ /HV Big Data nous mettent aussi en face d’un formidable paradoxe : avec des donnĂŠes gigantesques, il devient possible de mieux comprendre et connaĂŽtre l’expĂŠrience individuelle de chacun. Les Big Data induisent une autre manière de travailler, mais elles permettent, ou permettront bientĂ´t, de prĂŠvoir des comportements d’achat, de calculer la probabilitĂŠ pour une personne d’avoir ou de transmettre une maladie gĂŠnĂŠtique, de connaĂŽtre celle de conduite accidentelle pour des automobilistes, de rĂŠcidive pour des FULPLQHOVČ? &HOD YD PRGLČ´HU WRXWH QRWUH YLH FROOHFWLYH WUDQVIRUPHU SDU H[HPSOH OH GURLW PHWWUH Č´Q DX YRLOH GȇLJQRUDQFH qui permet de traiter les individus comme abstraitement ĂŠgaux. Nous allons vers une individualisation qui doit beaucoup Ă ces immenses ensembles de donnĂŠes. N’est-ce pas inquiĂŠtantÉ‹" M. W. : De tels usages ont de quoi alarmer. Les Big Data ne sont pas Big Brother, mais la protection de donnĂŠes personnelles convoitĂŠes pour leur valeur marchande ou

DR

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permanence‌ Le Collège d’Êtudes mondiales que j’ai crĂŠĂŠ en 2011 comporte par ailleurs deux chaires dĂŠdiĂŠes au dĂŠveloppement des nouvelles technologies de l’information. C’est pour toutes ces raisons que le sociologue plutĂ´t classique que je suis est vĂŠritablement entrĂŠ dans l’ère du numĂŠrique, et que j’ai pris conscience tout Ă la fois des questions majeures que soulèvent ces technologies et des possibilitĂŠs qu’elles ouvrent aux chercheurs en sciences humaines et sociales (SHS).

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stratĂŠgique constitue un enjeu en termes de libertĂŠs. Dans ce contexte, le chercheur en SHS a toute lĂŠgitimitĂŠ Ă apporter des connaissances susceptibles d’Êclairer le dĂŠbat public et d’inspirer la dĂŠcision politique. Encore faut-il qu’il ait accès aux donnĂŠes et qu’il dispose des ressources pour les traiter. La rupture numĂŠrique, par ailleurs, ne risque-t-elle pas de voir la sociologie tomber dans le quantitativismeÉ‹" M. W. : Les milliards de donnĂŠes que gĂŠnèrent les Big Data SRVHQW HÎ?HFWLYHPHQW SUREOÂŞPH &HWWH VXUDERQGDQFH risque de susciter une sorte d’ivresse et une approche exagĂŠrĂŠment quantitative de questions historiques, sociologiques, anthropologiques, d’orienter la recherche vers un appauvrissement thĂŠorique. La technologie numĂŠrique IDFLOLWH SURORQJH GÂŤPXOWLSOLH OD UÂŤČľH[LRQ PDLV HOOH QH SHXW SDV OD UHPSODFHU 3HQVHU OH FRQWUDLUH VHUDLW VDFULČ´HU OD FULWLTXH HW OD ULJXHXU VFLHQWLČ´TXH VXU OȇDXWHO GH OȇLQIRUPDWLTXH SymĂŠtriquement, il est ĂŠgalement possible que des chercheurs bien formĂŠs en SHS soient happĂŠs par les entreprises qui disposent de donnĂŠes, qu’ils y produisent des connaissances, un savoir renouvelĂŠ par de nouveaux paraGLJPHV SDU OD GÂŤČ´QLWLRQ GH QRXYHDX[ REMHWV GH QRXYHDX[ TXHVWLRQQHPHQWV DX SURČ´W GH FHV HQWUHSULVHV HW GHV SRXvoirs politiques auxquels elles sont ĂŠventuellement liĂŠes. Le monde virtuel en tant que tel peut-il constituer un terrain d’enquĂŞte fertile pour les SHSÉ‹" M. W. : Bien sĂťr. Je pense notamment aux travaux de Dana Diminescu, qui dirige le programme TIC-Migrations de la FMSH. Cette sociologue est partie du constat que les migrants du XXIe siècle ÂŤ sont connectĂŠs et se constituent en rĂŠseaux Âť. Elle a construit, avec une vaste ĂŠquipe de chercheurs dissĂŠminĂŠs dans le monde, un atlas qui prĂŠsente une par une les ÂŤ e-diasporas Âť qu’elle a ĂŠtudiĂŠes Ă partir des sites Web de chaque collectivitĂŠ, ce qui ĂŠclaire d’un jour nouveau le phĂŠnomène migratoire. Le numĂŠrique oÎ?re-t-il aux SHS de nouvelles possibilitĂŠs de convivialitĂŠ intellectuelleÉ‹" M. W. : Oui. Beaucoup de chercheurs en SHS mettent dĂŠjĂ en discussion leur travail sur Internet en envoyant, par exemple, un projet d’article Ă des collègues inscrits sur telle ou telle liste. Mais, au lieu de travailler entre pairs et experts d’une mĂŞme niche, rien n’empĂŞche de s’inscrire

Š GOOGLE

LES IDÉES

dans des rĂŠseaux ouverts, y compris au grand public. Un collègue historien a rĂŠcemment trouvĂŠ par ce biais un manuscrit très prĂŠcieux. Le chercheur ne doit donc pas se sentir menacĂŠ ou dĂŠlĂŠgitimĂŠ par le fait que tout un chacun a accès Ă Internet. Pour autant, le dialogue d’Êgal Ă ĂŠgal avec des internautes qui ne sont pas des chercheurs professionnels fait courir le risque d’un manque GH ULJXHXU VFLHQWLČ´TXH RX GȇXQH GLOXWLRQ GH OD UÂŤČľH[LRQ comme le soulignent ceux qui sont le plus hostiles Ă une telle dĂŠmocratisation. Et il va sans dire que le terrain, PÂŹPH GLÉ?FLOHPHQW DFFHVVLEOH GRLW UHVWHU OH IRQGHPHQW de la recherche en SHS.

La technologie numĂŠrique facilite, “prolonge, dĂŠmultiplie la rÊexion, mais elle ne peut pas la remplacer. â€? Que proposent aujourd’hui les grandes universitĂŠs et organismes de recherche Ă de jeunes chercheurs en SHS dĂŠsireux de se servir du numĂŠrique pour dĂŠvelopper leurs projetsÉ‹" M. W. : Aux États-Unis, des universitĂŠs ont crĂŠĂŠ de grands centres de digital humanities (humanitĂŠs numĂŠriques) placĂŠs sous l’autoritĂŠ d’un chercheur en SHS et fĂŠdĂŠrant des ĂŠquipes de recherche pluridisciplinaires. En France, les structures mises en place Ă partir de 2011 dans le cadre la Très grande infrastructure de recherche (TGIR) Huma-Num vont dans ce sens. Ces consortiums tĂŠmoignent d’une conception renouvelĂŠe de la recherche, fondĂŠe sur des formes innovantes de collaboration entre laboratoires et destinĂŠe Ă faciliter le tournant numĂŠrique des SHS.II

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CARNET DE BORD

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CARNET DE BORD

Hervé Le Goff, chercheur au Laboratoire d’océanographie et du climat (Locean)

PROPOS RECUEILLIS PAR CHARLINE ZEITOUN

“Je me souviens… … de mon hiver 2007, pendant la mission arctique de Tara. Sur la photo, je suis avec d’autres membres de l’équipe, à ski sur la banquise par - 30 °C. Nous avons débarqué du bateau pour récolter des données sur l’épaisseur de la banquise. Au loin, derrière, notre goélette est prise dans les glaces. Nous l’avions laissée s’y faire prendre à dessein, un an plus tôt, au large de la Sibérie. Depuis, à son bord, nous dérivions vers le Groenland, portés par une plaque de glace, sous l’action des

vents et des courants marins. Cette dérive transpolaire, l’explorateur norvégien Fridtjof Nansen l’avait prouvée au péril de sa vie, à bord de son voilier Fram, il y a 120 ans. Quant à moi, j’ai passé l’hiver sur Tara, avec dix personnes de toutes nationalités, pour une longue nuit polaire de quatre mois. Même si jamais nos vies n’ont été en danger – contrairement à Nansen, parti vers l’inconnu – cela reste la mission la plus impressionnante de WRXWH PD YLH GH VFLHQWLôTXH HW GH PDULQ Ú

Le site de la mission Tara taraexpeditions.org

PHOTO : V. HILAIRE/TARA EXPÉDITIONS

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de Denis Guthleben, historien au CNRS

Š N. LAMBERT/CNRS IMAGES

LA CHRONIQUE

de Platon à nos jours‌ À

l’initiative de l’AssemblĂŠe gĂŠnĂŠrale des Nations unies, ÂŤ consciente que la comprĂŠhension que l’humanitĂŠ a de la nature matĂŠrielle du monde repose, en particulier, sur la connaissance de la cristallographie Âť, une annĂŠe internationale vient couronner le centenaire de cette discipline qui ĂŠtudie l’organisation des atomes dans la matière. Cent ans : pourquoi se montrer aussi frileux et ne pas augmenter la mise jusqu’à ‌ É‹ bDQVÉ‹ 5HWRXU DX IVe siècle avant notre ère : ÂŤ Ce qu’il me faut essayer maintenant, c’est de vous faire voir la structure et l’origine de chacun de ces ĂŠlĂŠments. Âť L’invitation, formulĂŠe dans /Hb7LPÂŤH de Platon, introduit un sublime exercice de pensĂŠe sur la structure des ĂŠlĂŠments. Une quĂŞte millĂŠnaire La mĂŠditation platonicienne a traversĂŠ les siècles. En ĂŠcrivant les premières lignes très inspirĂŠes des Atomes, SDUX HQb -HDQ 3HUULQ OXL fait encore ĂŠcho : ÂŤ Il y a vingt-cinq siècles peutĂŞtre, sur les bords de la mer divine, oĂš le chant des aèdes venait Ă peine de s’Êteindre, quelques philosophes enseignaient dĂŠjĂ que la matière changeante est faite de grains indestructibles‌ Âť $ORUV GH 3ODWRQ ¢ 3HUULQ PÂŹPH FRPEDWÉ‹" ‹YL demment pas. Mais, Ă ce moment-lĂ , un point commun relie encore le philosophe au physicien : ni l’un ni l’autre n’ont pu distinguer la structure de ces ÂŤ grains Âť. Dans le cas de Platon, RQ OH FRPSUHQGUD DLVÂŤPHQW 3RXU -HDQ 3HUULQ FH QȇHVW HQ UHYDQFKH TXȇXQH DÎ?DLUH GH WHPSV il a ĂŠcrit son ouvrage trop tĂ´t. Le physicien Pierre-Gilles de Gennes l’a constatĂŠ a posteriori : ÂŤ Il y a dans ce livre quelque chose qui se termine comme la vie de MoĂŻse : avant l’entrĂŠe dans OD 7HUUH SURPLVH Âť Les portes du pays de Canaan commencent HQ HÎ?HW ¢ VȇRXYULU HQ (Q $OOHPDJQH 0D[ YRQ /DXH PHW HQ ÂŤYLGHQFH OH IDLW TXH OHV UD\RQVb; VRQW 66

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GLÎ?UDFWÂŤV SDU OHV FULVWDX[ /ȇDQQÂŤH VXLYDQWH HQ $QJOHWHUUH OHV %UDJJ XQ SÂŞUH Č‚b:LOOLDP +HQU\ Č‚ HW VRQ Č´OV Č‚b:LOOLDP /DZUHQFHbČ‚ HQWUHSUHQQHQW OȇH[ploration de certaines structures cristallines telles que le diamant. Leurs travaux dĂŠbouchent sur une loi de mesure des distances entre les plans atomiques, Ă laquelle ils ont laissĂŠ leur nom. La cristallographie moderne prend ainsi son envol, et ses pères connaissent une consĂŠcration immĂŠdiate : le prix Nobel de physique est attribuĂŠ Ă /DXH GÂŞV DX[ %UDJJ HQ Č? HW LOV QH VRQW que les premiers d’une longue liste. 3RXUTXRL XQ WHO HQJRXHPHQWÉ‹" $YDQW WRXW SDUFH TXȇLO VȇDJLW GȇXQH DYDQFÂŤH VFLHQWLČ´TXH DXVVL considĂŠrable que stimulante : en pĂŠnĂŠtrant la structure des matĂŠriaux, la cristallographie a ouvert un champ immense de connaissances. Et ce champ n’a fait que s’Êlargir Ă mesure de l’amĂŠOLRUDWLRQ GHV JÂŤQÂŤUDWHXUV GH UD\RQVb; SXLV GH OD GÂŤFRXYHUWH GH QRXYHOOHV PÂŤWKRGHV Č‚bOHV GLÎ?UDFWLRQV ÂŤOHFWURQLTXH HW QHXWURQLTXHbČ‚ SRXU OȇWXGH de structures toujours plus complexes. De la mĂŠdecine Ă l’histoire 'HSXLV FHQW DQV GHV FKHUFKHXUV GLÎ?UDFWHQW GRQF Ă tire-larigot avec des instruments toujours plus RQÂŤUHX[ (W TXDQG LOV RQW Č´QL ils vont Ă Stockholm toucher OHXU UÂŤFRPSHQVH $KÉ‹ (OOH HVW EHOOH OD FULVWDOORJUDSKLHÉ‹ Eh bien oui, justement, elle est belle. Belle parce qu’elle se prĂŠoccupe de comprendre ce qui se passe MXVTXȇDX[ FRQČ´QV GH OD PDtière, et de rĂŠpondre Ă des questions qui se posaient dĂŠjĂ lorsque rĂŠsonnait le chant des aèdes. Mais belle aussi quand elle tente d’allĂŠger le fardeau qui pèse sur nos ĂŠpaules. Car qui dit cristallographie dit aussi, et de plus en plus au cours des dernières dĂŠcennies, nouveaux matĂŠriaux, environnement, traitements mĂŠdicaux, ĂŠlectronique‌ et mĂŞme connaissance du passĂŠ. Car la cristallographie est ĂŠgalement une prĂŠcieuse ÂŤ auxiliaire Âť de l’histoire – les historiens n’ont MDPDLV IURLG DX[ \HX[ Č‚ HQ RÎ?UDQW SDU H[HPSOH un autre regard sur les dĂŠcouvertes archĂŠologiques. Ne serait-ce que pour cette raison, elle PÂŤULWDLW ELHQ VRQ DQQÂŤH LQWHUQDWLRQDOHÉ‹ II

En pĂŠnĂŠtrant la structure des matĂŠriaux, la cristallographie a ouvert un champ immense de connaissances.



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CONCEPTION GRAPHIQUE : C. HEIN ; © KARANDAEV, TPX - FOTOLIA.COM

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