Mémoire Rémi Bistoquet - L'URBANISME TRANSITOIRE

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Mémoire-Master 2 2017-2018 Présenté par BISTOQUET Rémi 24 Janvier 2017

« COMPOSER AVEC L’INCERTITUDE » L’ URBANISME TRANSITOIRE De l’occupation temporaire alternative à une tendance institutionnalisée; de la marge au « mainstream »; véritable fabrique urbaine partagée ou optimisation foncière des bâtiments vacants dans la Métropole du Grand Paris?

Membres du Jury :
 M. Éric WATIER : Artiste, professeur ATR à l'ENSAM, directeur d'étude.
 M. Gui JOURDAN : Architecte, maître assistant TPCAU à l'ENSAM. M. Frédéric SAINT-CRICQ : Architecte, maître assistant TPCAU à l'ENSAM.
 M. Patrick Perry : Enseignant en histoire de l'art à l'ESBAMA.

Sous la direction d’Éric WATIER


« La ville est pourtant ce qui compte le plus, qui doit compter le plus parce que rien n'est plus nous-même que ça. Quand elle change, c'est nous qui la faisons changer. Elle est notre ouvrage, quand même. Apprends toi dans la ville. Fais de la ville Ta chose. Si quoi que ce soit peut être ta chose, qui ne soit pas le mouvement lui-même, ta fuite avec l'entourage dans le mouvement. Quand on regarde dans la ville, tout, presque tout, est rectangle ou carré. Lorsqu'on l'écoute, ce n'est pourtant, toujours, que roulements. Tournent des toupies à n'en jamais finir1 »

1 Eugène Guillevic, « La ville est pourtant », Ed. gallimard, paris, 1969.

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SOMMAIRE - INTRODUCTION

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- I // HIER

p.4

1 / « L’INTERSTICE » COMME RAISON D’ÊTRE

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. A - CONTEXTE D'ÉMERGENCE . B - UNE TEMPORALITÉ PARTICULIÈRE . C - UNE MISE À L’ÉCART ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE

2 / DES PRATIQUES ILLÉGALES COMME PREMIÈRE APPROCHE

p.6

. A - JEUX OU NÉCESSITÉ . B - L’ART COMME VECTEUR D’APPROPRIATION DES ESPACES

3 / OCCUPATION TEMPORAIRE CITOYENNE COMME ORIGINE

p.9

. A - CRÉATION DE LIEUX DE PARTAGE . B - ESPACE D’EXPÉRIMENTATIONS

- II // AUJOURD’HUI

p.13

1 / UNE PRISE DE CONSCIENCE DES PROPRIÉTAIRES DE FONCIER

p.13

. A - L’OCCUPATION TEMPORAIRE, UNE NOUVELLE SOURCE D’INTÉRÊT . B - RENDRE VISIBLE LE FONCIER POUR LE VALORISER . C - UN PROCESSUS ORGANISATIONNEL ET PROFESSIONNEL

2 / D’UNE « MARGE » À UN « COURANT DOMINANT »

p.16

. A - TENDANCE EN PLEIN ESSORT . B - DES COLLECTIFS PLANIFICATEURS INSTITUTIONNALISÉS POUR UNE GOUVERNANCE ENCADRÉE . C - UNE MÉDIATISATION IMPORTANTE

3 / LES GRANDS VOISINS « SUPER STAR »

p.21

. A - L’ESPACE D’UNE TRANSITION . B - UN PROJET SOCIAL AVANT TOUT . C - UNE DIVERSITÉ D’ACTIVITÉS . D - DES PROJETS COLLECTIFS MULTIPLES

- III // DEMAIN

p.29

1 / ET APRES ?

p.29

. A - L’INFLUENCE DE L’ÉPHÉMÈRE SUR LE PÉRENNE . B - UNE PRATIQUE DE PLUS EN PLUS SYSTÉMATIQUE

2 / « C’EST FINI, TOUT LE MONDE DEHORS ! »

p.31

- CONCLUSION

p.33

- BIBLIOGRAPHIE

p.36

- ANNEXES

p.38

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INTRODUCTION Depuis longtemps des délaissés urbains sont générés par la transformation incessante de nos villes. Ces espaces résiduels sont nombreux et marquent la planification de nos métropoles contemporaines. « non-lieux », « interstice », bâtiments abandonnés, friches industrielles, de multiples termes existent pour désigner ces espaces vides, inoccupés, négligés, créant un intervalle de temps et d'espace. Ces lieux semblent invisibles, ignorés et agir selon leurs codes. Cependant, ils sont relatifs à la ville, elle ne peut s'en défaire. Ces espaces constituent le décor urbain de notre quotidien. De ce fait, il arrive parfois qu’ils deviennent le support d'une forme d’appropriation marginale et illégale, questionnant alors la valeur d'usage qu'offre ces délaissés. Les citoyens l'ont bien compris, car depuis ces dernières années, certains s’approprient ces « non-lieux » ,devenant le support de nouveaux usages. Ces projets d’occupation temporaire sont porteurs d’une réelle dynamique sociale, favorisant des espaces de rencontre et de pratique. Autrefois mis de coté, ces interstices apportent dorénavant une véritable valeur ajoutée à un quartier dans lequel ils se trouvent. A la vu d'un tel engouement des citoyens et ayant perçu les valeurs ajoutées possibles aux espaces vacants, les grands propriétaires de foncier public s'accaparent du sujet. En effet, le phénomène présente de réelles opportunités pour les institutions. Is faut donc qu'ils trouvent le moyen de reproduire le schéma d'occupation temporaire tout en contrôlant l'opération. C'est l'arrivée de l'urbanisme transitoire. Cette nouvelle pratique fait évoluer le regard porté sur les délaissés urbains. Eux aussi favorisent une nouvelle expérimentation pour les usagers mais cette fois dans un carde établi par les institutions et coordonné par un nouveau genre de collectif dit planificateur. De plus, une forte médiatisation par tout type de médias permet de rendre ce principe d'urbanisme visible par tous et de créer une nouvelle tendance. L’enjeux de cet exercice consiste donc à préciser l’évolution des formes d’occupations temporaires marginales que les interstices engendrent, afin de déterminer les origines de « l’urbanisme transitoire ». Mais surtout de comprendre pourquoi et comment l’urbanisme transitoire s’est approprié des procédés marginaux, pour ensuite analyser comment il les retranscrit aujourd’hui, faisant de lui une « tendance actuelle ». Pour finir, au vu de la temporalité courte qui régie ces projets, il convient de s’interroger sur le devenir de ces derniers, ainsi que sur le réel impact qu’ils ont sur leur environnement urbain. En d'autres termes : De l’occupation temporaire alternative à une tendance institutionnalisée ; de la marge au « mainstream » ; l'Urbanisme Transitoire, véritable fabrique urbaine partagée ou optimisation foncière des bâtiments vacants dans la Métropole du Grand Paris? Nous tenterons de répondre à ce questionnement au travers d'une chronologie, visant dans un premier temps à déceler les pratiques marginales dans les délaissés urbains. Dans un second temps, nous mettrons en avant le phénomène de l'urbanisme transitoire et son influence. Pour finir, nous tenterons de préciser l'après-projet par son impact sur la ville et ses anciens occupants.

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1 / « L’INTERSTICE » COMME RAISON D’ÊTRE 1 / A - CONTEXTE D’ÉMERGENCE Au même titre que les déchets générés par nos sociétés, l’urbanisation produit des espaces abandonnés. Depuis la fin des années 60 ces espaces se manifestent un peu partout dans la ville post-industrielle. Mais c'est dans les années 90 que le phénomène se développe dans un espace urbain de plus en plus engorgé, où l’évolution des villes engendre l’excès d’urbanisation, la privatisation de l'espace public, des problèmes environnementaux et un milieu urbain de plus en plus artificiel. Cette rapide croissance des métropoles a crée, à ses dépens, des perturbations territoriales qui se matérialisent par des espaces délaissés, des vides urbains et des zones d’abandon qui ont pour cause première l’aspect économique; puisque c’est l’absence de rendement monétaire de ces espaces qui conduit à leur « inutilisation ». À cela s’ajoute des fractures sociales et économiques influençant des mouvements de protestations, des actions urbaines et des mobilités des populations. « Aujourd'hui, plus de 70% des citoyens européens vivent en zone urbaine. Les villes représentent des lieux stratégiques pour accroître la compétitivité et créer des emplois plus nombreux et de meilleure qualité. Toutefois, elles offrent autant d’opportunités qu’elles recèlent de difficultés, dont l’exclusion sociale, la montée du chômage et la dégradation de l’environnement2 ». En marge d’un contrôle de planification urbain, des « anomalies urbaines » émergent, ces espaces sont qualifiés d’« interstices urbains3 » par Marc Hatzfeld, Hélène Hatzfeld et Nadja Ringart. Du latin « inter - star », qui signifie « se situer entre », l’interstice insinue la notion d’ « entre deux », un « Espace situé entre les éléments d’un tout4 », mais aussi un « Intervalle de temps5 », qui semble se soustraire à une planification gérée par les détenteurs du pouvoir urbanistique, autorités municipales ou supérieures. Ces espaces semblent alors suivre une organisation parallèle, différente de celle que l’on peut constater par le biais de l’espace public et que l’on perçoit dans le reste de la ville, comme étant « oublié des politiques urbaines 6 ». Cependant, il s’agit d’espaces relatifs à la ville, qui n’agissent pas selon ses codes, mais dont celle-ci ne peut se défaire, même si elle à tendance à exclure le phénomène. On pourrait donc faire émerger la notion de « non-lieux7 », défini par Marc Augé. En effet, il ne suffit pas d’être quelque part pour être en un lieu. Les lieux au sens où on l’entend ici ne sont pas de simples portions d’espaces (endroits, positions, places). Les lieux sont produits, et parfois même institués même s’ils ne suivent pas les règles établies par les politiques de la ville. Ils se vivent et se disent inséparables de l’espace social où ils ne se juxtaposent pas simplement à d’autres, mais s’interposent, se composent, se superposent et, parfois, se heurtent, suivant des normes ou pas. Car « Si un lieu peut se définir comme identitaire, relationnel et historique, un espace qui ne peut se définir ni comme identitaire, ni comme relationnel, ni comme historique définira un non-lieu. L'hypothèse ici défendue est que la surmodernité est productrice de non lieux, c'est à dire d'espaces qui ne sont pas en eux-mêmes des lieux anthropologiques et qui, contrairement à la modernité baudelairienne n'intègre pas les lieux anciens... Les non-lieux sont la mesure de l'époque 8 ». Ces espaces participant au décor de la ville ont des statuts confus venus des défaillances politiques et/ou foncières dans les cohérences d’aménagements urbains; ils se livrent sous différentes formes; de dimensions variables
 2 Livre vert sur la cohésion territoriale: faire de la diversité territoriale un atout. Communication de la Commission au Conseil, au Parlement

européen, au Comité des régions et au Comité économique et social européen du 6 octobre 2008.

3 Marc Hatzfeld, Hélène Hatzfeld, Nasja Ringart, Quand la marge est créatrice - les interstices urbains initiateurs d’emploi, Ed. de L’aube, 1998. 4 http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/ définition/interstice/. 5 Emile Littré, Dictionnaire de la langue française, Tome 4, Ed. chapitre, 1864. 6 Marc Hatzfeld, Hélène Hatzfeld, Nasja Ringart, Quand la marge est créatrice - les interstices urbains initiateurs d’emploi, Ed. de L’aube, 1998. 7 Marc Augé, Non-Lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Ed. Seuil, 1992. 8 Marc Augé, Non-Lieux, Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Ed. Seuil, 1992.

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I // HIER

allant de quelques m2 à plusieurs hectares; et d’états multiples. Mais incontestablement, ils ont en commun une sousutilisation et un délaissement. Ils se cachent dans la ville et vont jusqu’à franchir les limites de celle-ci. Tous les jours, en tant que citadins, nous côtoyons ces entités du paysage urbain, sans même y faire attention car faisant parti de notre quotidien et puis « Pour qu’il y ait interstice, il faut qu’il y ait frontière, une coupure entre l’espace vivant et l’interstice agonisant 9», écho d’une crise ou d’un changement sociétal brutal. Espaces mineurs fracturés aux espaces majeurs, « les interstices représentent ce qui résiste encore dans les métropoles, ce qui résiste aux emprises normatives et réglementaires, ce qui résiste à l’homogénéisation et à l’appropriation. Ils constituent en quelque sorte la réserve de disponibilité de la ville10 ».

1 / B - UNE TEMPORALITÉ PARTICULIÈRE Ces espaces progressent dans une temporalité particulière. Ils se soustraient à celle de la ville linéaire et cyclique. Ces lieux résultent d’abandon ou de démolition, demeurant sans rôle octroyé par la ville, en attente d’un futur possible comme l’énonce Patrick Bouchain : « En secteur urbain, ils correspondent à des terrains en attente d’affectation ou en attente d’exécution de projets suspendus aux approvisionnements budgétaires, aux décisions politiques11 ». De cette façon, ces « non-lieux » restent délaissés durant une période indéterminé, engendrant des doutes quant à leurs insertions dans l’espace urbain, au vu de ce statut provisoire par rapport à une fabrication de la ville bien plus longue. De multiples phases sont inévitables en amont du chantier, de l’étape de conception à la validation des décideurs. Entreprendre un projet d’édifice neuf, quel qu’il soit, résulte d’une démarche longue et complexe. Ce temps fluctuant est donc conditionné par les délais engendrés par l’abandon ou la démolition d’un projet jusqu’à l’amorce du chantier de l’intention future. Il faut ajouter à cela les complications de financements, handicapant la réalisation de multiples projets et provoquant occasionnellement leur résignation faute de moyens obtenus. Pour finir, il ne faudrait pas oublier les propriétaires voulant céder leurs parcelles qu’au « juste prix », « les propriétaires gardent en tête les prix fonciers les plus hauts de la bulle spéculative, et ne souhaitent aliéner leur bien qu'à ce prix. Ils patientent donc jusqu'à une hypothétique reprise pour céder leur foncier, créant des situations d'attente qui peuvent s’éterniser12 ». Autant de temps écoulé pendant lequel le délaissé reste un « intervalle » de temps et d’espace et vu qu’il relève d’un détenteur privé ou d’une institution publique faisant l’objet d’un projet en cours, il demeure donc inoccupé, résolu à être fermé voir inaccessible. Il réside comme un espace hors du temps. « Du point de vue temporel, les interstices renvoient au fait que la ville est en mouvement perpétuel, qu’elle évolue de façon plastique dans le temps. Des zones auxquelles était à une époque affectée une fonction précise perdent cette fonction à l’occasion de transformations économiques et sociales et deviennent tout à coup des endroits inutiles de la ville, et donc des poches qui favorisent l’apparition d’activités marginales13 »

9 Quentin Roux, Pratiques interstitielles dans la ville contemporaine, Citadiavision, 2015, http://www.citadiavision.com/2015/09/pratiques-

interstitielles-dans-les-villes-contemporaines-de-quoi-parle-t-on/.

10 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007. 11 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 12 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 13 Marc Hatzfeld, Hélène Hatzfeld, Nasja Ringart, Quand la marge est créatrice - les interstices urbains initiateurs d’emploi, Ed. de L’aube, 1998.

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I // HIER 1 / C - UNE MISE À L’ÉCART ÉCONOMIQUE ET POLITIQUE L’interstice résulte d’un mécanisme compliqué dans lequel des temporalités et des logiques variées interagissent. « Entre l’histoire longue de l’urbanisation marquée par la mainmise de l’Etat depuis 1950 puis par son désengagement, l’histoire, encore plus longue, de la mutation économique post-industrielle, et celle, plus courte, des crises immobilières, les sols urbains ont été soumis à des tensions de forces et de directions inégales14 ». Ces espaces dévalorisés sont d’un désintérêt pour les propriétaires et les collectivités. Là où la nature a repris ses droits, où les bâtiments ne sont plus aux normes, où il est maintenant difficile d’accéder, leur taux foncier est énormément diminué par les budgets de remise en état qui se verraient beaucoup trop onéreux. La valeur foncière est donc bien au coeur du problème car c’est bien « le manque de rentabilité de ces terrains dans les cycles courts de l'immobilier qui semble justifier leur état15 », accentué par les aménageurs et autres promoteurs immobiliers favorisant le déploiement des villes au lieu de leur densification. « Selon les principes de l'économie de marché, de la juste allocation des lieux et des capitaux, si ces terrains sont abandonnés, « c'est qu'ils ne valent pas le coup »16 ». De plus, les aspects juridiques et administratifs de ces espaces sont inexistants. Sans doute parce que, jusqu’à il n’y a pas si longtemps, le délaissé urbain n'avait fait l'objet d'aucune mise en valeur. Il n'existait pratiquement pas, ni pour l’administration ni pour le juge. « L'ensemble du système économique et juridique de production de terrains urbanisés et d'équipement du territoire conduit indubitablement à créer toujours plus de vides, sans utilité économique apparente pour le marché. Dans un sens, la dimension techniciste de l'urbanisme, qui a dominé le champs de la discipline, privilégiant une idéologie du progrès et de la modernité aux dépens du sens et souvent de l'homme, a fait un choix, celui de la forme réticulaire du territoire et du zoning à petite échelle. Avec son corollaire, l'abandon de pans entiers du territoire. A l'heure actuelle, quoique les discours des professionnels vantent les mérites de la mixité, refusent le zoning, les pratiques restent souvent cantonnées aux dérives anciennes, ne serait-ce que parce que les lois adoptées à une autre époque, celle de la Croissance, rendent obligatoires ces pratiques. Et plus encore, les logiques institutionnelles renforcent aujourd'hui la dégradation de la situation. Les aménageurs publics qui ont acquis des terrains à des prix élevés, persuadés qu'ils seraient rentables, peuvent difficilement avouer des pertes alors qu'il leur suffit d'attendre une hypothétique hausse des prix17 » S'ils sont, ou bien si on conserve ces espaces, à l'abandon, est-ce parce qu'ils ont usé tout potentiel ? La question ne peut pas être considérée que sous l'angle du filon économique, car c’est dans ces contextes qu’émergent généralement des scènes d’actions «alternatives», insinuées par un cadre non institutionnel.

2 / DES PRATIQUES ILLÉGALES COMME PREMIÈRE APPROCHE 2 / A - JEUX OU NÉCESSITÉ Les « non-lieux deviennent donc support d’usages alternatifs, contestant l'autorité ou profitant du statut juridique évasif de ces espaces en marge. En passant outre les clôtures d’avertissement, beaucoup violent les règles établies. Leurs objectifs diffèrent selon les usagers. Certains voudront juste assouvir leur désir d’exploration du lieu. Une visite de l'abandonné, du vide, qui constitue le paysage quotidien du riverain, lui permettant alors d’observer et de saisir la ville dans son ensemble, au-delà de ce qui leur est donné à contempler. D’autres interviendront par des interventions 14 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 15 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 16 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 17 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000.

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I // HIER amplifiant l’aspect marginal de ces espaces. Les graffitis, les tags et autres formes d'expression murale recouvrent les bâtiments, servant alors de terrains de jeux et d’expérimentations picturales et prenant par à la pensée négative que l’on se fait de ces territoires abandonnés. Les interstices donnent aussi l’opportunité à des espaces de refuge, nécessaires pour les plus démunis, d’exister. Du fait du statut ambiguë qui spécifie ces « vides » urbains, ils sont des « points de chutes » pour des individus mis à l’écart par les dirigeants de l’espace majeur, au même titre que l’espace mineur en lui-même. Migrants, réfugiés, population sans domicile fixe et autres personnes dans l’irrégularité cherchent en ces lieux un refuge éphémère. Le contexte dans lequel ces personnes vivent, ainsi que l’occultation des institutions qui les rendent invisibles et muets, de manière à les soustraire au reguard des citoyens, révolte Philippe Vasset : « Je ne trouvais qu’une misère odieuse et anachronique, un bidonville caché aux portes de Paris18 ». En dépit de leurs conditions fragiles, des organisations indépendantes sont élaborées par des groupes d’individus, provoquant l’entraide nécessaire au contexte d’installation. « Puis la lumière décroît brutalement, et on bute contre des palettes disposées en quinconce pour contrarier la progression.[…] Les allées et venues sont très surveillées, et les visiteurs, même accompagnés, sont régulièrement arrêtés et questionnés.[…] Derrière le désordre apparent, on pressent une organisation méticuleuse, presque maniaque 19 ». C'est par nécessité et non par envie que ces personnes demeurent dans ce modèle d’espace. Étant vacant, ils rendent possible un type d'aménagement marginal autonome et une répression plus limité des forces de l’ordre, « Alors un groupe d'humains mettent en commun leurs efforts pour réaliser leurs désirs mutuels - soit pour bien manger, trinquer, danser, converser, y compris le plaisir érotique; soit pour créer une oeuvre commune, une entraide mutuelle20 ». Le fait que des organisations alternatives se mettent en place pour survivre à travers ces espaces montre que ces territoires délaissés permettent d'abriter des processus indépendants du système classique. Pouvant offrir, à diverses pratiques, un cadre non institutionnel.

2 / B - L’ART COMME VECTEUR D’APPROPRIATION DES ESPACES « Au début des années 80, sur Paris, un groupe d’artistes ouvrent un squat occupé par des clochards, c’est la naissance d’Art-Cloche. Dans cette même période, un autre mouvement est apparu, Palikao. C'est de là qu’est né le mouvement des squats artistiques, rebelles à tous dogmes, endoctrinement, ne pouvant obéir à aucune règle stable du fait de son instabilité originelle d’occupation illégale21 » Pour les artistes, ces lieux ré-interrogent leur rôle et leur place dans l’élaboration d’une « ville de substitution » qui invente, intensifie et restitue d’une manière critique ces formes de ré-appropriation de l’espace urbain, « Oublié… hors champ, parce que trop sale, trop craignos, trop marginal … Vraiment pas récupérable. Et pourtant il y a là, une ampleur, une intensité, une radicalité créatives qui valent bien celles de la fameuse « bohème » des années 30. Il y a là, à portée de

18 Philippe Vasset, un livre blanc, Ed. Fayard, 2007. 19 Philippe Vasset, un livre blanc, Ed. Fayard, 2007. 20 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 21 Thibaud Grand, Squ’art : Paris 1989-1996, Artension N°7, Sept./Oct.2002.

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I // HIER main, une riche matière à réflexion, d’innombrables sujets d’analyses qui se situaient bien dans le champ d’une véritable critique historique et sociologique de l’art actuel22 » Ces espaces renferment la possibilité d'utiliser les bâtiments vacants comme terrains d'expérimentations, permettant à leurs envies créatives de s’épanouir, « une position confortable permettant un recul favorable à l’observation et absolument nécessaire à celui qui craint l’enfermement dans une pratique ou dans une communauté23 », ces lieux deviennent les « nouveaux territoires de l’art 24 » où la seule loi est celle de la liberté, « certains types d’« enclaves libres » sont non seulement possible à notre époque, mais existent déjà25 ». Le caractère indistinct des lieux vacants, et ici plus particulièrement des friches, leur confère une double qualité : un statut vierge, donc fabuleusement adaptable et un volume d’espaces bâtis important, pouvant alors recevoir un large panel de production artistique. Et ce, permettant aux artistes de propager leur art en corrélation avec l’espace qu’ils investissent. « Dans les sociétés très normalisées qui étouffent sous le consensus, relèveront de l’art, […], les créations qui instillent dans la mécanique du contrôle une figure d’indiscipline, d’irréductibilité à la normalisation. La poésie doit être transformative26 » Les pouvoirs publics ont du mal à distinguer et qualifier ces lieux culturels. On parlera, selon les cas, de « lieux alternatifs », « émergents » ou « intermédiaires », ou alors de « squats artistiques », sans avoir réellement d'accord sur la formule à utiliser et d’attention sur ce que les divergentes expressions déterminent. On pourrait donc considérer ces espaces comme des « zones autonomes temporaires27 », car s’est précisément dans cette marge d’erreur que le phénomène peut exister, même si le créateur du terme, Hakim Bey, s'est « délibérément interdit de définir ce therme28 », car censée être « autoexplicite29 ». Il ajoute que si l'expression devenait courante « elle serait comprise sans difficulté... comprise dans l’action30 ». L'existence de ces lieux culturels révèle une inadéquation entre ce qui existe et les désirs des initiateurs de projet. « Des collectifs d’artistes cherchent alors à inventer des espaces permettant de favoriser l'expression de nouvelles pratiques négligées dans les équipements culturels, de rendre visible l'ensemble du processus artistique, d’appréhender toutes les étapes du travail, ne valorisant pas seulement l'exposition de l'œuvre, d'ouvrir leurs expériences sur l’extérieur, se positionnant ainsi clairement comme acteurs de la cité31 ». La liste est longue, si l’on doit aussi parler des lieux, de leurs existences éphémères, des artistes, qui ont fait exister ces espaces de liberté, de création et de rencontre. Mais tout au long de ces occupations temporaires, des artistes, de toutes générations, d’horizons sociaux différents, de tous les continents et de toutes tendances confondues sont venus s’y greffer, créant ensemble une unité esthétique avec des œuvres individuelles et collectives, « face à un système culturel corrompu, créé de toutes pièces, s’animant par auto-congratulations et par prostitution autant intellectuelle que physique32 ».C’est en cela que réside la richesse des squats, les nombreuses rencontres et les actions artistiques collectives concertées et conceptualisées, représentant pour certains artistes leur seul lien d’existence artistique.

22 Pierre Souchaud, Squats et critique d’art, Intervention, Été 1998. 23 Thibaud Grand, Squ’art : Paris 1989-1996, Artension N°7, Sept./Oct.2002. 24 Fabrice Lextrait, Friches, laboratoires, fabriques, squats, projets pluridisciplinaires : une nouvelle époque de l’action culturelle, Rapport d’état,

2001.

25 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 26 Paul Ardenne, art international de proximité, Mouvement n°50, janvier-mars 2009. 27 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 28 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 29 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 30 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 31 Emmanuelle Maunaye, Culture & Musées n°4 - Friches, squats et autres lieux : les nouveaux territoires de l'art ?, Ed. Acte Sud, 2004. 32 Thibaud Grand, Squ’art : Paris 1989-1996, Artension N°7, Sept./Oct.2002.

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I // HIER Le squat artistique est envahi par le social, il nage en plein dedans, « dans certain milieu, on mange du caviar à la louche, dans les squats artistiques on est engrossé de social à la louche et bien profond. Le squat artistique est un outil propice à la Sculpture Sociale 33 ». Cependant il ne faut pas oublié qu’au sein de ces occupations, « il existait une ambiance destructrice, latente, venant autant de l’intérieur que de l’extérieur des squats. Mais au combien créative !34 ». Ces initiatives questionnent ainsi les métamorphoses que subit notre société en faisant le choix d’abandonner une grand nombre de territoires présumés inutiles ou obsolètes. Les paramètres de « détournement » et d’appropriation donnent donc lieu à de nouvelles pratiques culturelles interrogeant ces espaces et la société contemporaine, « comme une insurrection sans engagement direct contre l'État, une opération de guérilla qui libère une zone (de terrain, de temps, d'imagination) puis se dissout, avant que l'État ne l'écrase, pour se reformer ailleurs dans le temps ou l’espace35 ».

3 / OCCUPATION TEMPORAIRE CITOYENNE COMME ORIGINE 3 / A - CRÉATION DE LIEU DE PARTAGE Les occupations temporaires sont le fruit d'initiatives de la société civile ou artistique, plus ou moins spontanées. Se mobilisant en associations ou faisant appel à des structures déjà existantes, généralement spécialisées. Elles peuvent aussi parfois être issues du volontarisme politique de certains acteurs, mais se faisant encore rares. « La plupart de ce type de projets est localisé dans des villes. Un peu plus de la moitié doit leur naissance à des artistes. Un tiers est impulsé par des opérateurs culturels et des membres de la société civile. Moins d'un cinquième sont lancés par une ou plusieurs collectivités locales. Le profil des équipes qui initient de tels projets est difficile à appréhender. Beaucoup de statuts coexistent, presque toutes les disciplines artistiques sont représentées, les parcours de formation sont des plus divers36 » Les espaces, souvent en prévision de futures opérations immobilières, ou tout simplement abandonnés, peuvent bénéficier d’un statut d’espace collectif provisoire, mais flexible. Il est décerné par les acteurs publics, permettant l’intervention grâce à l’Autorisation d’Occupation Temporaire du domaine public, l’AOT où par une Convention d’Occupation Temporaire, la COT. Mais en réalité, ce certificat est destiné, de base, qu'aux manifestations événementielles. De ce fait, les choses ne sont pas toujours faciles, « Nous sommes à cheval entre les procédures liées à l'événementiel et celles des bâtiments permanents, et les temporalités se chevauchent parfois difficilement37 ».Les occupations fonctionnent alors souvent sur la base d’autogestion et de « programmation » temporaire et réversible. Dans la continuité des « nouveaux territoires de l’art38 », cette démarche figure de nouvelles formes de vivre ensemble. Loin des espaces formels, l’action prend place dans des espaces délaissés, « une expérience interstitielle39 ». Elle réinvestit ces lieux par l’action collaborative, et donne place à des espaces de rencontre, de culture, d’échange et de pratique collaborative. Renforçant l’appartenance des habitants à un même quartier, ou plus largement, à un même 33 Thibaud Grand, Squ’art : Paris 1989-1996, Artension N°7, Sept./Oct.2002. 34 Pierre Souchaud, Squats et critique d’art, Intervention, Été 1998. 35 Hakim Bey, TAZ - Zone Autonome Temporaire, Ed. L’éclat, 1991. 36 Thierry Paquot, Yvette Masson-Zanussi, Marco Stathopoulos, Alter Architectures Manifecto - Observatoire des processus architecturaux et urbains

innovants en Europe, Ed. Étérotopia ; Infolio, 2012.

37 Nicolas Détrie, Des occupations temporaires comme espaces d’expérience collective, L’Observatoire n°48, 2016. 38 Emmanuelle Maunaye, Culture & Musées n°4 - Friches, squats et autres lieux : les nouveaux territoires de l'art ?, Ed. Acte Sud, 2004. 39 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007.

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I // HIER territoire. « l’expérience interstitielle représente la parfaite métaphore de ce que peut être le mouvement de l’antagonisme et de la contradiction dans la ville post fordiste : un mouvement qui s’affirme au fur et à mesure de ce qu’il expérimente, qui monte en intensité grâce aux modalités de vie et de désir qu’il libère, qui s’oppose à la hauteur de ce qu’il est susceptible d’inventer et de créer 40 ». Il en ressort donc une volonté de partage. Partager d'autres formes de socialité, l’envie d’une réflexion sur les espaces publics et urbains. Mais chaque occupation est « unique » car elle se base sur des contextes politiques, esthétiques, intellectuels, sociaux et affectifs variés, ainsi que des espaces singuliers. De plus, L’intérêt porté au contexte local est un facteur essentiel et constitutif de ce type d’actions alternatives. Territorialisées, elles investissent un espace géographique et mental, en relation avec son contexte local, et avec les habitants à l’initiative, ou pas , du projet. Ces démarches qui aspirent à créer de nouveaux « morceaux de ville » font écho au contexte de décentralisation, de territorialisation. En effet, aujourd’hui, on parle de plus en plus de politiques locales, de projets territorialisés. « La territorialisation présente deux objectifs qui sont d’ordre administratif et politique. Il s’agit premièrement d’améliorer les politiques municipales par le biais d’une plus forte présence des services publics dans les quartiers, et de favoriser la proximité. Le deuxième objectif de la territorialisation est celui de l’élaboration des politiques municipales à partir des quartiers notamment via la participation des habitants41 ». Au travers du livre « L’invention du quotidien », Michel de Certeau nous invite à « déplacer le regard, à le renverser ou à le détourner. Par un travail interstitiel, par un mouvement de rupture, par des chemins de traverse, cette multiplicité de devenirs, parfois niés, méprisés, délaissés, impose leur perspective42 ». L’occupation temporaire, exprime une des opportunités pour se réconcilier avec ces situations et leurs devenirs mis de coté par l’économie de marché. Elle conduit à nous questionner sur de multiples enjeux urbains et sociaux : la place de l’espace public, la place des habitants, l’organisation collective et la démocratie participative. « Ces lieux tentent de faire rupture avec l’ordonnancement classique de la ville. Mais il affronte également ses propres contraintes quotidiennes ; l’expérience intègre des rythmes et des rituels, des habitudes et des familiarités. (…) L’expérience interstitielle est donc avant tout une mise en questionnement43 ». Il ne s'agit pas seulement de les investir et d'y investir parce qu'ils sont là, mais parce qu’on y a intérêt. Ces formes de résistance, ne parvenant pas à se poursuivre et à se renforcer, soulèvent très vite des questions globales, parce qu'elles se soucient de créer des formes de communauté et de vie inédites. Elles se retrouvent dans l'obligation de faire face à des problèmes absolus, touchant à la vie et à l'existence. Elles font alors appel à l’énergie propre : leur capacité à initier, à embrayer, à amorcer. « Les expériences interstitielles sont emblématiques d'une politique des singularités, à savoir une politique qui tire sa force de sa mobilité et de ses intensités, de sa faculté d'expérimentation et de la "qualité" de ses agencements, de son ouverture aux questionnements et de son rapport "banalisé" et immédiat aux problèmes « absolus » , problème du « comment » : comment coopérer, créer, éduquer, penser ?44 »

40 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007. 41 Alberto Magnaghi, Le projet local, Ed. Mardaga, 2003. 42 Michel De Certeau, L’Invention du quotidien, Ed. Gallimard, Coll. « Folio », 1990. 43 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007. 44 Marc Hatzfeld, Hélène Hatzfeld, Nasja Ringart, Quand la marge est créatrice - les interstices urbains initiateurs d’emploi, Ed. de L’aube, 1998.

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I // HIER 3 / B - ESPACE D’EXPÉRIMENTATIONS L’occupation temporaire peut proposer une forme de « laboratoire » de nouvelles pratiques culturelles, sociales et urbaines, où le temporaire aspire à influer le pérenne, tentant de réaliser de nouveaux « territoire de bien commun45 ». Où l’expérimentation de nouvelles logiques et de nouveaux principes économiques, permettrait en même temps la manifestation de différentes populations et l’apparition d’autres processus urbains, comme de nouvelles formes de relations sociales et d’activités économiques. « Elles sont faiblement communicables, difficilement transposables. Par contre, chacune d'entre elles atteint, du seul fait de sa dynamique, un fort degré d'expérimentation et de création et une grande intensité dans l'élaboration et l'exploration de ses agencements46 ». Il faut cependant rester mesuré sur le terme « laboratoire », il est dans un aucun cas question d’expérimenter dans ces espaces des choses se répercutant grandeur nature à côté, et encore de croire que ce qui s’y passe est forcement rationnel. Ces interventions sont singulières, c’est d’ailleurs une des caractéristiques majeure de l’occupation temporaire. Cette singularité est provoquée par le fait que chaque « lieu » est unique, chaque besoins sont différents ainsi que les individus qui accompagnent le projet. Il n’y a donc aucune « recette », excepté une d’envie de partage et d’ « agir urbain47 ». Toutefois, une particularité dominante peut être associée à ces occupations : l’idée de « détournement », de reconversion, de ré-appropriation, qui, enracinée dans la réalité urbaine et sociale, donne lieu à des initiatives innovantes de pratique, de quotidien ou encore de mentalité. Questionnant ainsi le délaissé urbain et la société contemporaine. « Du fait de leur statut provisoire et incertain, ces espaces laissent deviner ou entrevoir un autre processus de fabrication de la ville, ouvert et collaboratif, réactif et transversal. Ils nous rappellent que la société ne coïncide jamais parfaitement avec elle-même et que son développement laisse en arrière plan nombre d’hypothèses non encore investies. L’interstice constitue certainement un des espaces privilégiés où des questions refoulées continuent à se faire entendre, où certaines hypothèses récusées par le modèle dominant affirment leur actualité, où nombre de devenirs minoritaires entravés, bloqués, prouvent leur vitalité48 » En enquêtant sur « la disponibilité » de la ville, et en trouvant des formes de dispositifs urbains issus d’une dynamique spontanée et des pratiques quotidiennes, les agencements temporaires créent de nouveaux types de projet. Le « temporaire » peut ainsi devenir un principe fondamental, car il peut permettre par exemple d’alléger la structure d’un projet, de dépasser les interdictions. La transgression des fonctionnalités « données » d’un espace est peut-être possible du fait de ce statut temporaire. « Cela correspond à une façon de regarder le monde, plutôt de biais que de face, à partir de ses recoins cachés, comme révélateurs de l’ensemble, plutôt que de tenter des approches globales dont on sait d’une part qu’elles sont largement traitées par d’autres, et d’autre part qu’elles se révèlent souvent un peu décevantes. C’est cette idée qui nous a incité à travailler à la marge.49 » Les acteurs de ce processus, qu’ils soient artistes, acteurs culturels, habitants, par leur manière de s’emparer des « nonlieux », de créer à partir de l’existant et des moyens dérisoires, de nouveaux espaces, de questionner les parcours formatés pour les déjouer, expriment leur opposition à une société du « tout économique50 ». Pascal Nicolas-Le Strat appel cela « les arts de la ruse 51 ». 45 Alberto Magnaghi, Le projet local, Ed. Mardaga, 2003. 46 Michel De Certeau, L’Invention du quotidien, Ed. Gallimard, Coll. « Folio », 1990. 47 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007. 48 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007. 49 Marc Hatzfeld, Hélène Hatzfeld, Nasja Ringart, Quand la marge est créatrice - les interstices urbains initiateurs d’emploi, Ed. de L’aube, 1998. 50 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 51 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007.

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I // HIER Des projets impliquant le questionnement, « cela se constitue donc à un niveau politique ; il tente de faire rupture avec l’ordonnancement classique de la ville. Mais il affronte également ses propres contraintes quotidiennes ; l’expérience intègre des rythmes et des rituels, des habitudes et des familiarités. […] c’est donc avant tout une mise en questionnement52 » Ils s’épanouissent dans les « ruses », visant à déjouer le système dominant. Ils résistent en produisant du lien social dans des zones marginalisées. Mais le but est, non pas seulement de s’émanciper dans ces espaces délaissés, mais aussi et surtout de d’exercer un rapport à d’autres espaces, vers les espaces « dominants ». L’occupation temporaire pourrait alors constituer cet « entre-deux », cet espace où les questions sont posées, où les stéréotypes sont remis en question, où l’on se dégage d’un circuit établi pour déployer de nouvelles perspectives, et d’appréhender certains mythes sur lesquels notre société se façonne et s’enferme de plus en plus. Mais ces projets, aux origines fragiles, sont mis en place sur des temporalités instables. Ils sont donc amenés à se transformer ou bien à disparaître. Là est peut être leur condition, d’ailleurs. Le territoire pourra-t-il alors subvenir aux besoins de demain? La ville doit revoir son processus de fabrication et les « grands propriétaires » de foncier semblent en avoir pris conscience.

52 Pascal Nicolas-Le Strat, Multiplicité interstitielle ,Multitudes n°31, Ed. Association Multitudes, 2007.

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II // AUJOURD’HUI 1 / UNE PRISE DE CONSCIENCE DES PROPRIÉTAIRES DE FONCIER 1 / A - L’OCCUPATION TEMPORAIRE, UNE NOUVELLE SOURCE D’INTÉRÊT Il faut bien préciser que c’est au sein du patrimoine de « grands « propriétaires, pour la plus part « publics », que les occupations temporaires prennent majoritairement place. Ces administrations et opérateurs publics représentent les plus grands propriétaires immobilier et foncier. Jouant avec l’acquisition et la cession de multiples biens, cela fait aussi d’eux d’importantes agences immobilières. « Entre réformes néo-managériales et politiques d’austérité, ces administrations et ces opérateurs réduisent leurs stocks immobiliers. Sans qu’elle soit exclusive dans le gouvernement de leurs propriétés, ils adoptent une gestion dite « active », c’est-à-dire suivant des critères financiers et des logiques budgétaires53 ». Ainsi, d’un point de vue fonctionnel, leur capital n’est plus simplement identifié comme la base de leurs activités. De plus, entre : l’entretien du site (« Le propriétaire souhaitant préserver la valorisation future de son bien le protégera des intrusions et des dégradations éventuelles. Il s'agit d'éviter la dépréciation du bien qui n'est donc pas sans valeur54 »), les frais de gardiennage obligatoire (« Les coûts de clôture et de gardiennage sont à prendre en compte, particulièrement lorsque la friche s'étale sur un temps long55 »), les coûts de portage (« un terrain délaissé et immobilisé que l'on souhaite concéder à un aménageur fait perdre de l'argent à son propriétaire qui, s'il le vendait tout de suite, pourrait investir ailleurs56 ») et la fiscalité (« Si ce n'est pas toujours une somme élevée, la fiscalité peut être un argument mobilisant les propriétaires, parce qu'elle représente un coût net, et qu'elle est traditionnellement mal perçue57 »), ces espaces sont envisagés comme une source de dépense. Mais par la location, sous le principe de baux temporaires, de conventions d’occupation, ou encore, de permis de faire; ces territoires se révèlent être une opportunité rapportant potentiellement un bénéfice au propriétaire. Le fait d’effectuer de l’attribution apparait comme une opportunité pour les occupations temporaires, se positionnant dans l’intervalle allant de la désaffectation jusqu’à la réaffectation d’un site. L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul, avec le projet des Grands Voisins (voir annexe 4 p.42) dont nous parlerons plus amplement par la suite, en constitue un bon exemple. Cette structure, bien de l’assistance publique des hôpitaux de Paris, à était cédée à la ville de Paris, souhaitant le reconvertir en un programme mixte, dominé par le logement. Plusieurs collectifs spécialisés et autorisés, à travers une convention d’occupation précaire, prennent en main l’organisation transitoire pendant les deux ans de conception du projet d’aménagement. Les associations ainsi que les administrations et les opérateurs publics établissent des relations, favorisant l’ouverture et l’expansion du marché à l’occupation temporaire légale. Cette acte peut s’expliquer par des disponibilités et des opportunités concernant l’offre : les réaménagements urbains, dans les zones centrales et périphériques de la région parisienne, ayant déjà consommés la plupart des friches industrielles, où il persisterait surtout des emprises publiques. « Onze des seize grands projets d’aménagement urbain dans la commune de Paris s’opèrent sur des emprises hospitalières, ferroviaires et militaires

53 Félix Adisson, De l’aménagement du territoire au réaménagement des terrains de l’État : Politiques et projets de reconversion urbaine du

domaine ferroviaire en France et en Italie, thèse, université Paris-Est et Politecnico di Milano, 2015.

54 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 55 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 56 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000. 57 Patrick Bouchain, L’atelier - La forêt des délaissés, Catalogue de l’exposition à l’Institut Français d’Architecture, 2000.

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II // AUJOURD’HUI (hors secteurs de grands projets de renouvellement urbain et projets d’infrastructures)58 ». Concernant la demande, les occupants considèrent justifier de revendiquer et négocier l’appropriation de ces propriétés, perçues comme espaces publics ou « communs ». Cependant, il faut aussi considérer probable que les grands propriétaires seraient en fait disposés aux occupations temporaires, au point de les déclencher, « allant jusqu’à une forme de « bienveillance » à l’égard des occupations temporaires59 ». Chose paraissant logique vu les bénéfices à en tirer. Comme la plus part du temps, les institutions s’approprient l’action citoyenne. C’est à ce moment là, qu’à mon sens, on ne parle plus d’occupation temporaire mais d’urbanisation transitoire (voir annexe 1 p.39) .

1 / B -RENDRE VISIBLE LE FONCIER POUR LE VALORISER Le principe de revenu foncier sous-entend que l’urbanisme transitoire peut faire fructifier le capital économique d’un bien, transposant la valeur d’usage amenée par le collectif occupant en une valeur commerciale au moment de la vente du bien. Les collectifs détiennent, en effet, des aptitudes pour mettre en visibilité un lieu. Même une structure hospitalière comme Saint-Vincent-de-Paul se transforme en un espace attractif, valorisé, singulier, grâce au travail et à l’ingéniosité d’aménagement et d’activités culturelles des associations appelés « planificateur » ou encore « facilitateur » (voir annexe 3 p.41). En organisant des événements (ateliers, soirées, expositions), ces associations ramènent des populations externes aux quartiers concernés et qui, autrement, ne les fréquenteraient pas. Cependant, l’écart socio-économique pouvant exister entre riverains et usagers peut parfois provoquer des altercations. De plus, une valorisation des espaces s’exerce dans le périmètre du site occupé, mais pas seulement, on pourrait supposer qu’elle a aussi des effets sur son environnement. Dans le cas du « 6b », la structure et son animation prennent de l’ampleur. Ainsi « Brémond », propriétaire du bâtiment, vend les logements qu’il édifie sur les terrains voisins en mettant en avant « un nouvel art de vivre60 », dans « un patrimoine valorisé par la présence d’artistes61 ». Cette utilisation, par les entreprises, de l’occupation artistique à des fins de gentrification est ici une nouvelle manière de faire des profits au moyen de la rente foncière. Provoquant la production de « survaleur62 », une création de plus-value sur un actif matériel. Lors de la vente du bien, cela provoquera une « création de richesses matérielles à partir d’actifs immatériels63 », emmagasinés lors de l’occupation transitoire.

58 Mairie de Paris, Projets d’aménagements urbains, Urbanisme et équipements publiques, 2017, https://www.paris.fr/services-et-infos-pratiques/

urbanisme-et-equipements-publics/projets-d-amenagements-urbains.

59 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Plateau urbain dans Jouer avec l’incertitude : Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses,

2017.

60 Robin D’Angelo, Au 6b, la gentrification heureuse , Street Press, 27 août 2014, www.streetpress.com/sujet/130284-au-6b-la-gentrification-

heureuse.

61 Robin D’Angelo, Au 6b, la gentrification heureuse , Street Press, 27 août 2014, www.streetpress.com/sujet/130284-au-6b-la-gentrification-

heureuse.

62 Jaime Lerner, Acupuncture urbaine,Ed. L’harmattan, 2007. 63 Jaime Lerner, Acupuncture urbaine,Ed. L’harmattan, 2007.

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II // AUJOURD’HUI 1 / C - UN PROCESSUS ORGANISATIONNEL ET PROFESSIONNEL La nouvelle inspiration des détenteurs de patrimoine demeure dans des démarches organisationnelles et professionnelles. Un processus constaté par Juliette Pinard, au sein de la direction du patrimoine de la SNCF. « Si l’occupation temporaire, qu’elle soit légale ou illégale, n’est pas un sujet inédit pour le deuxième propriétaire foncier français, sa direction immobilière a depuis peu mis en avant la gestion transitoire de ses sites64 ». En effet « la SNCF a entrepris un appel à manifestation d’intérêt sur plusieurs sites à l’échelle nationale65 ». Cette action fut blâmée par le Comité des Artistes-Auteurs Plasticiens, lançant aussi tôt une « action judiciaire ainsi qu’une pétition contestant l’appel au travail gratuit des artistes pour valoriser le patrimoine de la SNCF66 », afin de dénoncer la pratique de rente foncière. Ces accusations ont déconcerté la direction de l’immobilier dont l’intention n’avait, soit disant, pas la hausse du prix des biens pour but, mais plus la recherche de « bonne action67 » impliquant une certaine reconnaissance. En mettant en avant ces actions alternatives, outre le bénéfice d’images apportées à l’entreprise, SNCF Immobilier désire afficher au x autres auteurs de l’immobilier et aux citoyens qu’elle a engagé « une réflexion sur la valorisation des friches68 ». Autrement dit, elle cherchait à exister autrement dans l’esprit collectif. Pour résumer, c’est autant l’enjeu financier que la perception collective de l’entreprise qui éclaircissent la position de la SNCF dans le modèle de gouvernance transitoire de son territoire. Les « grands propriétaires » utilisent donc cette gouvernance pour accentuer leur intégration dans l’économie politique de production et de reproduction des espaces urbains. Faisant de ce principe d’occupation, une pratique désirable et légitime, tendant à être adopté par tous. Cette pratique s’étend de manière croissante dans la liste d’action d’un bon nombre d’entreprises publiques et privées et de collectivités territoriales. Car « En bénéficiant de collectif spécialisés prenant en charge leurs espaces vacants en attente et mis en concurrence lors d’appels d’offres, les grands propriétaires hiérarchisent et sélectionnent, les occupants potentiels et, par conséquent, en excluent certains69 », établissant alors des « gagnants » et des « perdants ». Les gagnants serait les propriétaires et les associations spécialisés dans cette activité, faisant de l’occupation temporaire une norme dans la conduite transitoire d’espaces vacants. Les perdants pouvant être les squatteurs qui se retrouve, eux, expulsés et mis de coté dans leurs formes de positions plus radicales.

64 Juliette Pinard, Des pratiques alternatives aux pratiques immobilières, l’occupation temporaire des espaces vacants au service des acteurs de

l’immobilier, Thèse, Université Paris-Est, 2017.

65 Félix Addison, Choisir ses occupants, Métropolitiques.eu, 2017, http://www.metropolitiques.eu/Choisir-ses-occupants.html#nh3. 66 Comité des Artistes-Auteurs Plasticiens, Dénoncez le concours « Appel à Manifestation d'Intérêt de la SNCF », 2015,CAAP, http://caap.asso.fr/

spip.php?article363%C2%A0.

67 Juliette Pinard, Des pratiques alternatives aux pratiques immobilières, l’occupation temporaire des espaces vacants au service des acteurs de

l’immobilier, Thèse, Université Paris-Est, 2017.

Juliette Pinard , Culture et créativité au service d’un urbanisme transitoire : SNCF Immobilier, nouvel acteur de l’innovation urbaine ?, Mémoire de master, École d’urbanisme de Paris, 2016. 68

69 Félix Addison, Choisir ses occupants, Métropolitiques.eu, 2017, http://www.metropolitiques.eu/Choisir-ses-occupants.html#nh3.

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II // AUJOURD’HUI 2 / D’UNE « MARGE » À UN « COURANT DOMINANT » 2 / A - TENDANCE EN PLEIN ESSORT Nous progressons dans un contexte global néolibéral où les villes désirent toujours plus d'attractivité et sont soucieuses de l'image qu'elles renvoient. Or, l'investissement des structures publiques ne suffis plus à être compétitif. L’espace urbain se voit confronté aux mutations de ce début de XXIe siècle. De ce fait, depuis le milieu des années 2000, et intensément depuis 2010, des projets d’urbanisme transitoire se développent. En effet, la foisonnement de pratiques temporaires de l’espace marque la période actuelle. Un procédé qui semble concluant, puisque depuis 2012, on peut constater pas moins de 62 projets en Île-de-France (voir annexe 2 p.40), administrés dans une logique politique. Politique qui, par le biais de Chantal Jouanno, vice-présidente de la région Ile-de-France, « lance un appel à manifestations d’intérêt doté de 4 millions d’euros pour aider les collectivités locales à lancer des opérations transitoires70 ». Hier, les squatteurs et autres occupations temporaires citoyennes s’installaient dans les friches et autres espaces bâtis inoccupés. Finissant le plus souvent par se faire chassés, ou parfois occupant définitivement le site, à l’instar des artistes des « Frigos » dans la ZAC Paris Rive-Gauche. Aujourd’hui, les occupations temporaires s’institutionnalisent. Elles se développent dans la légalité, s’organisent, se professionnalisent. « « Exit » les squats et autres démarches citoyennes71 », place aux projets d’urbanisme transitoire, appelé aussi « urbanisme temporaire ». On notera d’ailleurs que le terme « occupation », pouvant symboliser une forme de marginalité, a été remplacé par le terme « urbanisme » qui, lui, fait plus référence à l’institution publique. Cette pratique se distingue en effet des occupations temporaires, militantes et illégales d’hier. En négociant les conditions d’installation en amont, les collectivités territoriales et les propriétaires n’ont pas à gérer de situation ambiguë. Ces occupations sont autorisées et planifiées. « De ce fait, la régularité étant un élément d’entrée, il ne s’agit plus de « gouverner les illégalismes72 »,mais de tirer parti d’occupations temporaires légales73 ». Pour cela, la mise en avant d’« émergence de nouvelles pratiques » de conception la ville, réalisées par l’occupation transitoire, est de vigueur. Mais, comme nous avons pur le voir en amont, l'investissement temporaire d'espaces vacants, notamment par des activités culturelles, repose en réalité sur des pratiques bien plus anciennes. De tout temps, il a participé à l’optimisation de l’espace urbain, sous des formes diverses, allant de l’habitat informel à l’évènementiel. Cependant, l’urbanisme temporaire contribuent, lui aussi, à transformer la perception du territoire. Prenant le contre-pied de l’urbanisme dominant, planificateur et structurant, qui s’inscrit dans le temps long de la ville. À l’inverse, il aménage et fait rayonner des lieux sur une durée réduite, allant d’une poignée de semaines, de mois jusqu’à quelques années. Ce qui était marginal devient donc moteur dans la métropole parisienne. Comme il est souvent dit, la norme commence toujours dans la marge. La volonté d'intégrer le temporaire, aujourd’hui, est comme un nouveau levier d'action pour les acteurs de l’immobilier et autres institutions de l’aménagement urbain. « En Ile-de-France ceux sont plus de 4 millions de m2 d’espaces vacants des immeubles de seconde main, soit l’équivalent de 44 tours Montparnasse vides et 140 ha de friches industrielles 74 ». Trouver un repreneur, concevoir et instruire un nouveau 70 https://www.plateau-urbain.com. 71 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 72 Thomas Aguilera, Gouverner les illégalismes. Les politiques urbaines face aux squats à Paris, Gouvernement et Action publique n° 3, Été 2012. 73 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 74https://www.plateau-urbain.com.

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II // AUJOURD’HUI projet pérenne sur ces sites de grande ampleur génère un temps de latence. Le gardiennage de ces lieux, sur cette période est une solution coûteuse sans être créatrice de valeur pour le propriétaire. L’occupation temporaire apparaît alors comme une alternative pertinente, prenant place sous deux formes. Soit, « la programmation du projet futur est déjà établie, et l’urbanisme transitoire permet d’occuper l’espace pour éviter toutes formes de squat75 » et mettre en valeur le patrimoine. Soit « la programmation reste à déterminer, et l’usage temporaire sert d’outil d'expérimentation sur le foncier76 », pouvant alors influencer la réflexion sur le futur projet. Mais, dans les deux cas, à des fin économique dissimulant une politique d’embellissement et de marchandisation. Cependant ces sites d’occupation transitoire, comme les pratiques observées par le passé, développent une manière de fabriquer la ville, donnant plus de place à la concertation, aux usages et aux usagers. De ce fait, vu la hausse des prix de l’immobilier de ces dernières années, certains acteurs exclus du marché par faute de moyens, comme les entreprises de l’économie sociale et solidaire, les associations artistiques et culturelles ou encore les start-up, sont tout naturellement devenus adeptes de ces lieux qui « proposent des mètres carrés de locaux tertiaires à moindre coût, c’est à dire trois fois moins chère que le prix du marché77 ». Mais il est aussi envisageable, et surtout attendu, que les habitants de la ville participent à l’occupation des lieux, soit par l’action sous forme de bénévolat, ou simplement en profitant de l‘espace et des usages mis à sa disposition. Dans ce cadre, se met en place une véritable diversité d’initiatives, riche tant en nombre d’action, qu’en types de sites (entrepôts, hôpitaux, immeubles de bureaux), ou encore par la multitude de thématiques abordées (bureaux, espaces artistiques, logements de personnes précaires, agriculture). Par une logique de probabilité à court terme, ils apportent des réponses à des besoins non couverts par le reste de l’espace urbain. Ces projets ont néanmoins plusieurs points communs qui esquissent les contours de l’urbanisme temporaire. Ils se développent sur un temps court et borné, qui agit comme un catalyseur d’énergies et aboutit à des réalisations concrètes rapides. Portées par un fort engagement associatif et souvent bénévole, des équipes jeunes dédiées à leur projet autour duquel elles font émerger de véritables communautés. « Ils sont ancrés dans leur territoire et ouvert aux visiteurs nombreux78 ». Ces initiatives sont des génératrices de valeur pour les usagers, pour le propriétaire et pour le territoire, « l’urbanisme transitoire participe à valoriser le territoire en y attirant visiteurs, artistes, et médias, voire futurs acquéreurs79 ». Mais aussi l’occasion d’expérimenter une ville différente, « bien-veillante » et à taille humaine. L’hôpital Saint-Vincent-de-Paul dans le 14e à Paris, le pavillon du Dr. Pierre à Nanterre, et le 6b à Saint Denis en sont de bons exemples. La diffusion de ces pratiques, au sein de la sphère immobilière et politique, a conduit à un changement dans la nature de ces occupations, des opérateurs et des modes opératoires, participant à l'évolution globale des pratiques liées à l'occupation temporaire. Ainsi, l'émergence et la structuration de nouveaux professionnels de l'occupation temporaire font leur apparition, à l’instar de Plateau urbain. Des collectifs spécialisés dans l’évolution des usages et des montages opérationnels, en lien avec l'émergence de nouveaux modèles économiques.

75 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 76 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 77 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017. 78 Thierry Paquot, Yvette Masson-Zanussi, Marco Stathopoulos, Alter Architectures Manifecto - Observatoire des processus architecturaux et urbains

innovants en europe, Ed. Étérotopia ; Infolio, 2012.

79 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017.

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II // AUJOURD’HUI 2 / B - DES COLLECTIFS PLANIFICATEURS INSTITUTIONNALISÉS POUR UNE GOUVERNANCE ENCADRÉE De plus en plus, les jeunes professionnels de l’urbanisme et de l’architecture se confrontent à un marché de l’emploi saturé qui leur offre peu de perspectives. De manière croissante ils optent donc pour une voie alternative, s’engageant dans ce nouveau champ d’interventions qui leur offre la possibilité « d’exprimer leur originalité et leurs propositions innovantes80 » face aux défis urbains actuels. « Ça répondait à un besoin pour nous tous d’être utiles. Une réponse aux questions « A quoi je sers ? Comment agir quand on ne veut pas faire de la politique à la papa ? »81 », nous livre Paul Citron, Président de l’association Plateau urbain. Les planificateurs ont un impact au niveau des organisations impliquées. Ils contribuent à ouvrir le jeu d’acteurs, interagissant avec les instances publiques et les acteurs de l’aménagement, ainsi qu’avec des acteurs de la nouvelle économie, des experts, les habitants eux-mêmes. Et comme l’annonce Simon Laisney, Directeur général de l’association Plateau urbain, « la confiance est essentielle entre les porteurs de projets, les élus et les acteurs privés82 »,« On connaît les codes et les contraintes83 », complète Paul Citron. Et poursuit avec, « On sait leur parler avec nos mots et nos tableurs ». Les rassurer aussi sur le fait que la date prévue pour la fin du bail sera respectée, « un enjeu majeur sur lequel ils sont ultra flippés84 ». Une fois cette confiance établie, les collectifs amènent les parties prenantes « à évoluer dans leurs méthodes, à développer à travers des projets concrets une plus grande transversalité85 », à mener le projet du point de vue technique et commercial. Du fait de leur engagement institutionnel , il est intéressant d’observer que les acteurs de l’urbanisme temporaire sont actuellement intégrés dans plusieurs groupements de candidats à des appels à projets urbains innovants (Réinventer la Seine, Inventer la Métropole, Réinventer Paris 2) ou des projets d’aménagements d’ampleur. « Outre une professionnalisation évidente, cette tendance illustre une certaine porosité entre urbanisme temporaire et urbanisme pérenne 86». Ces collectifs ayant trouvé un filon économique certain, Il n’est pas question de minorer leur rôle, « l’occupation est une co-construction entre ces derniers, les collectivités territoriales et les propriétaires87 ». En témoigne la proposition que l’association Plateau urbain fait à ses « membres bienfaiteurs88 », entreprises du secteur immobilier et institutions publiques, de produire des diagnostics de leurs bâtiments et de réaliser des montages financiers « en vue de leur mise à disposition89 » et en échange d’« une adhésion annuelle de 10 000 euros90 ».

80 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017. 81 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 82 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017. 83 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017. 84 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017. 85 Thierry Paquot, Yvette Masson-Zanussi, Marco Stathopoulos, Alter Architectures Manifecto - Observatoire des processus architecturaux et urbains

innovants en europe, Ed. Étérotopia ; Infolio, 2012.

86 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 87 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 88 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 89 https://www.plateau-urbain.com. 90 https://www.plateau-urbain.com.

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II // AUJOURD’HUI Ainsi, les collectifs aident les propriétaires à négocier un ensemble d’enjeux (gestionnaires, financiers, politiques, professionnels) qui apparaissent lors de la transformation de leur foncier et à élaborer une charte et dictent des règles de vie. S’ils ne forment pas un groupe professionnel homogène en termes de compétences et d’activités, et partagent un savoir faire qui touche spécifiquement à la gestion transitoire de sites inoccupés. Les planificateurs utilisent généralement le modèle de Convention d’Occupation Temporaire (COT) dont la durée est limitée à deux ans. « Elle lie un propriétaire à un planificateur qui sert de tiers de confiance entre le propriétaire et les divers occupants du site, souvent nombreux. Néanmoins, ce format n’est pas le plus flexible ni le plus adapté au mode de gouvernance inclusif qui caractérise ces projets. Pour les projets d’une certaine ampleur, la création d’une Société Coopérative d’Intérêt Collectif (SCIC) apparaît comme un format potentiellement plus approprié91 ». D’autres formats sont aussi utilisés, comme la convention de prêt à usage, qui peut être renouvelée indéfiniment sur une base annuelle. Concernant le modèle de gouvernance, au sein des projets, il montre une grande responsabilisation des acteurs associatifs qui gèrent leurs sites en quasi-totale autonomie, sans oublier quand même de respecter le cadre établi par les planificateurs et les propriétaires. La gestion au quotidien se fait, il paraîtrait, de manière collégiale entre les différents occupants qui co-construisent le projet de manière progressive. « Assemblées générales, ateliers thématiques, plusieurs outils sont développés par les occupants pour décider », soit disant, « ensemble de la vie du site, de sa programmation et de son évolution en s’appuyant sur l’intelligence collective 92». Ce principe est déterminant dans la capacité des occupants à créer du lien avec le territoire et à proposer une programmation répondant aussi aux attentes des riverains. Cette liberté de programmation, dans un cadre juridique pourtant contraint, s’explique par une confiance importante entre les acteurs (propriétaires, occupants, puissances publiques) et un soutien politique souvent fort et déterminant. Cette confiance accordée aux occupants vient de la crédibilité des collectifs, construite par l’expérience et la professionnalisation de leurs actions. Ainsi, « un des acteurs apporte la caution financière et de réputation, tandis qu’un autre apporte la capacité à mener le projet du point de vue technique et commercial93 ». Le soutien politique permet de fluidifier les démarches administratives, élément essentiel dans les délais cours de ces occupations. Les pouvoirs publics peuvent aussi soutenir en partie l’activité par des subventions de fonctionnement. L’occupant coordinateur du site perçoit de la part des occupants une contribution aux charges qui permet de couvrir les frais d’électricité, de chauffage et d’eau. La masse salariale et les investissements dépensés pour l’aménagement et la gestion du lieu sont couverts, de manière précaire, par des recettes commerciales et évènementielles (locations, débit de boissons, restauration). Le secteur de l’urbanisme temporaire étant encore jeune, les associations jouent alors sur le principe de la médiatisation pour aider l’émergence d’un plus grand nombre de projets et de partenaires. Passant par le biais de conférences, de magazines spécialisés, d’interviews, de dossiers de presse , jusqu’aux réseaux sociaux. Plateau urbain est également à l’origine d’une plateforme internet recensant les immeubles vacants signalés par les propriétaires et permettant de lancer des appels à projets d’occupants mis en concurrence, pour des projets transitoires. « Une sorte d’AirBnb de l’occupation temporaire94 », comme pourrait l’annoncer le Directeur général de l’association, Simon Laisney. 91 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 92 Thierry Paquot, Yvette Masson-Zanussi, Marco Stathopoulos, Alter Architectures Manifecto - Observatoire des processus architecturaux et urbains

innovants en Europe, Ed. Étérotopia ; Infolio, 2012.

93 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 94 https://www.plateau-urbain.com

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II // AUJOURD’HUI 2 / C - UNE MÉDIATISATION IMPORTANTE Dans un premier temps, l’outil de conférence et un bon moyen pour toucher les professionnels liés au sujet d’urbanisme transitoire. Il amène un certain caractère intellectuel, faisant écho a un professionnalisme. De ce fait, le 24 novembre 2016 se tenait la conférence « Meet-up. Urbanisme temporaire » organisée par la mairie de Paris et l’association Plateau urbain au Pavillon de l’Arsenal, haut lieu de l’urbanisme dans la capitale. Leur objectif était de promouvoir la gestion de bâtiments et de terrains, par des collectifs spécialisés dans l’occupation de lieux désaffectés, de façon transitoire. Par cette démarche, c’est l’importance de l’enjeu ainsi que les spécificités des modes d’actions et de relations des nouveaux lieux qui doivent être connues et comprises par les acteurs professionnels. Mais elle engage aussi une certaine forme de reconnaissance attendue par les collectifs, « reconnaissance parfois très formelle et « vide de sens »95 ». La diffusion de ces indicateurs et des bonnes pratiques doit permettre de partager largement la connaissance, de démystifier ces initiatives, et inciter toutes les parties prenantes à prendre leur part dans la réussite des projets. « Valoriser le portage de ce type de projets peut encourager les administrations à identifier les situations de sous-exploitations de locaux et les propriétaires à minimiser au maximum les bâtiments vides96 ». Il s’agit alors d’avoir toujours un coup d’avance. Une occupation transitoire commence à s’envisager, dans l’idéal, au même moment que le déménagement de l’occupant. Plus le temps de latence avant l’arrivée de l’occupation temporaire est important, plus les risques de dégradation sont élevés, augmentant le temps et le coût de réhabilitation ainsi que les surfaces non exploitables. Une telle logique de médiation pour la médiatisation permet donc de ne pas perdre de temps. Dans un second temps, la médiatisation est utilisée pour agir et créer l’occupation transitoire rapidement. Car dans la pratique temporaire, le temps manque. De ce fait, une fois le potentiel du délaissé identifié, sa mise en état a nécessité la mobilisation d’un grand nombre de bénévoles ainsi qu’une forte communication et visibilité du projet. Pour répondre à ce besoin, les collectifs communiquent auprès de leur réseau afin de mobiliser le plus de bénévoles pour entreprendre divers travaux (déblayage, peinture, construction). Dans un deuxième temps, les associations diffusent sur les réseaux et médias un appel à projet en définissant des espaces de résidence. Les résidents sont sélectionnés après une rencontre individuelle visant à déterminer leur capacité à s’impliquer dans l’animation et l’évolution du lieu de manière collective, afin de générer une osmose entre les résidents pour créer la dynamique du lieu. De plus, les collectifs s’appuient sur une communication digitale importante leur permettant de promouvoir leurs actions au sein du public, à un coût quasi-nul. C’est par le biais de la presse numérique qu’ils obtiennent une forte communication et visibilité du projet. Une forme de « propagande » afin de toucher « tout un chacun ». « La visibilité permet d'amener un public afin de générer des espaces d’interactions et créer du lien entre les riverains et des personnes extérieures au quartier, qui ne seraient peut être pas venus sans l’intervention temporaire97 ». Il suffit juste, par exemple, de taper « Grands Voisins », ou encore « urbanisme temporaire » pour tomber sur un nombre ahurissant d’articles vantant les mérites de ces occupations transitoires. « Le Monde », « Le Parisien », « Open Minded », « Télérama », « StreetPresse », « LaCroix », « le Bonbon » et j’en passe. Tout ces articles, qui racontent la même chose, incitant les gens à venir découvrir le monde fantastique qu’est le milieu de l’occupation temporaire et son univers alternatif éphémère. Pas très vrai, sachant que la plus par des occupants des sites en transition ne font pas cela par choix existentiel mais plus par nécessité économique, préférant trouver des espaces pérennes au lieu de devoir déménager fréquemment.

95 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017. 96 Barbara Kiraly, L’urbanisme transitoire appelé à durer, Le Moniteur n°5929, Juillet 2017. 97 Isabel Diaz, Clémence Champenois, Jouer avec l’incertitude - Palmarès des jeunes urbanistes 2016-2017, Ed. Parenthèses, 2017.

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II // AUJOURD’HUI Pour finir, c’est par le biais des réseaux sociaux qu’ils attirent les foules. Permettant aux gens de s’informer instantanément sur les événements prévus et les potentiels d’aménagements de site. De Nanterre à Saint-Denis, les sites d’urbanisme transitoire attirent tant les riverains locaux que les jeunes populations parisiennes « branchées ». « Les quatre coins de la France » et « Le tout Paris » se bouscule pour assister et participer à la « scène alternative » parisienne.

3 / LES GRANDS VOISINS « SUPER STAR » Installé dans l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul depuis octobre 2015, le projet des Grands Voisins se veut être LE symbole de l’urbanisme transitoire de la Métropole du Grand Paris. Par cette étude de cas, il est envisagé de tenter de comprendre ce qui en fait un projet si particulier, aux retombées médiatiques importantes. « Entré, c’est ouvert »!

3 / A - L’ESPACE D’UNE TRANSITION Au sein de l’ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul du 14° arrondissement, le projet consiste à mettre en valeur des usages nouveaux, ainsi q’une expérience urbaine et sociale, en attendant le début du chantier d’un futur écoquartier. Cet espace aurait pu être muré, oublié le temps des études urbaines. Au lieu de cela, il devient le terrain d’« expression de multiples réponses aux enjeux de notre époque, par l’accueil d’activités et de personnes variées et l’élaboration de projets communs98 ». 98 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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II // AUJOURD’HUI Depuis 2011, les hôpitaux de Paris qui occupaient le lieu, ont progressivement déplacé certains de leurs services. À ce moment-là, les bâtiments disponibles ont été confiés, par la mairie de Paris, à l’association Aurore. Cette association « spécialisée dans la lutte contre l’exclusion par l’accueil, le soin et l’insertion par le travail99 », se retrouve alors à prendre place sur le site pour y créer des centres d’hébergement. C’est le premier pas vers l’aventure des Grands Voisins. En 2014, l’hôpital cesse définitivement son activité. L’association déjà présente sur place et les institutions s’accordent sur la nécessité d’occuper au mieux le site en y développant à la fois des activités d’insertion et une diversité d’usages ouverts à tous. Elles font alors appel aux compétences de nouveaux partenaires. Deux collectifs sont alors retenus. Le premier se trouve être Plateau Urbain. « Spécialisée dans le montage d’occupations temporaires de locaux vacants et la mise en relation entre gestionnaires et porteurs de projets100 », l’association se voit ainsi confier le soin de « coordonner la remise en état des bâtiments et la mobilisation de porteurs de projets pour occuper les locaux101 ». Le second est Yes We Camp, association pluridisciplinaire, explorant « les possibilités de construire, habiter et utiliser des espaces partagés102 ». Le collectif obtient la charge de « la conception, l’aménagement et la gestion des espaces communs103 », ainsi que « la mise en place et l’animation de temps de partage et de convivialité, favorisant l’émergence d’usages nouveaux et inclusifs104 ». En 2015, le projet des Grands Voisins débute. Une multitude d'individus prend par au projet, sous formes différentes. Nous avons les collectifs de coordination Aurore, Yes We Camp et Plateau urbain. Les personnes hébergées sur place, les « Résidents ». Et les individus bénéficiants de locaux professionnels, les « Occupants ». Cependant tous répondent sous le même nom, les « Voisins ».

3 / B - UN PROJET SOCIAL AVANT TOUT Le projet d’hébergement et d’accompagnement social vise à faire évoluer les moyens de lutter contre l’exclusion, en posant un nouveau rapport entre la ville et l’hébergement et l’insertion des plus démunis. On peut compter cinq services d’hébergement de l’association Aurore ainsi qu’un foyer de travailleurs étrangers, accueillant en tout « 600 personnes résidentes105 ». Le premier service à été nommé l’« Horizon », c’est un centre d’hébergement d’urgence de « 110 résidents106 », leur permettant de sortir de la rue. De plus, chaque personne hébergée dispose d’« un suivi avec un travailleur social pour une réorientation dès que possible vers une structure pérenne107 ».

99 http://aurore.asso.fr/ 100 https://www.plateau-urbain.com 101 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 102 http://yeswecamp.org/. 103 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 104 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 105 http://aurore.asso.fr/ 106 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 107 http://aurore.asso.fr/

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II // AUJOURD’HUI Le second est appelé « Pierre Petit », et représente de l’hébergement de stabilisation pour « 112 résidents108 », hommes et femmes, très précarisés et sans enfants. Un suivi leur est apporté par « Une équipe multidisciplinaire le temps d’élaborer des parcours adaptés au vécu de chacun109 ». Le troisième prend le nom d’ « Albert 1er ». Lui aussi effectue de l’hébergement de stabilisation, cette fois-ci pour « 45 hommes et femmes de 18 à 30 ans110 ». Cet espace leur offre un temps de stabilisation autour d’« un projet social personnalisé111 », mis en oeuvre et accompagné par « Une équipe Socio-éducative112 ». Le quatrième, « Le Hameau », est comme ces deux prédécesseurs, un espace d’hébergement de stabilisation, mais cette fois, pour « 25 femmes isolées113 » ayant « un projet professionnel ». Elles profitent d’« une large autonomie au sein d’appartements partagés114 ». Et enfin, le cinquième s’appelle « Pangea ». Il représente l’hébergement de « 30 jeunes migrants isolés115 » et les accompagne jusqu’à « 11mois116 » dans leur « démarche d’insertion et de professionnalisation117 », tout en veillant au quotidien à leur « soutien éducatif, sanitaire, social et psychologique118 ». Pour finir, le foyer s’intitule « Pinard ». Il loge « 240 travailleurs étrangers119 », le temps de la réhabilitation des deux foyers parisiens où ils habitent. S’organisant au sein du site en prenant place dans différents bâtiments, la diversité des services d’hébergement permet de faire face à de multiples aspects de l’exclusion, en multipliant les modes d’interventions et les publics accueillis. Ces personnes, ne font pas qu’être hébergées dans l’enceinte de l’ancien hôpital. Par une démarche de programmation participative, ils sont aussi actrices de projet d’équipements mutualisés aux services du site. C’est le cas de la « Maison des Médecin », un espace polyvalent pouvant accueillir des activités diverses et variées comme une salle de sport, un studio de musique, une cuisine partagée, des cours de français, des moments festifs et de détentes, et dont l’aménagement a été pensé et réalisé par les usagers. Cependant, cet espace est interdit au public, permettant de « conservé une part d’entre soi120 ». Afin d’encourager la participation au projet collectif des résidents, une monnaie locale a été élaboré, le « Troc Shop ». Ce dispositif a pour objectif de « faciliter l’échange de biens, de services ou de compétences contre du temps121 », annonce un membre de Yes We Camp. Et il poursuit avec, « Un simple tableau a d’abord permis aux Voisins de proposer ou demander des échanges mais depuis le Troc Shop s’est matérialisé par des billets allant de 15 minutes à 1 heure122 »,

108 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 109 http://aurore.asso.fr/ 110 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 111 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 112 http://aurore.asso.fr/ 113 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 114 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 115 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 116 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 117 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 118 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 119 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 120 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 121 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 122 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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II // AUJOURD’HUI valorisant des échanges directs entre « Voisins » ainsi qu’au café associatif appelé « la Lingerie » ou encore à la boutique partenaire nommée « La Ressourcerie Créative ». D’autres images du travail social sont réalisées au Grands Voisins. Des équipes mobiles, par le biais d’Aurore, sont chargées de créer des liens avec les gens vivants dans la rue. De plus, un programme appelé « Un chez Soi d’Abord », expérimente une nouvelle forme de « prise en charge des sans-abri ayant des problèmes mentaux sévères123 », en leur proposant un logement durable en contre parti d’actions sociales. L’acte social se fait dans un second temps par les activités. Elles sont un levier pour l’insertion, elles permettent de renouer avec le chemin de l’autonomie. Une diversité de programme est mise en oeuvre, pour accompagner les individus tout en offrant des services aux usagers du site.

De plus, la « Conciergerie Solidaire », un service proposant des contrats de travail adaptés aux personnes en situations d’exclusion, et mis en place ainsi que financé par la mairie de Paris. « Il s’agit d’une première étape vers le retour de l’emploi124 ». Les salariés travaillent quelques heures par semaine, avec des contrats flexibles permettant de faire évoluer la charge de travail avec le temps, avant d’intégrer une formation qualifiante. En plus de cela, ils bénéficient d’« un accompagnement socio-professionnel global comportant, l’ouverture de droits, l’aide au logement et à l’insertion professionnelle125 » pendant toute la durée du dispositif, soit un maximum d’un an. Les prestations sont adaptées à ces personnes, et évolutives selon la capacité de chacun à s’investir. Pour finir, le bénévolat est une ressource importante pour cette occupation transitoire. Pour les occupants, être bénévole est l’occasion de s’impliquer dans un projet et d’y « faire valoir leurs talents ». « Plus de 700 personnes ont manifesté leur volonté de participer d’une manière ou d’une autre à la vie du site126 ». Quelle que soit leurs activités, formations, propositions d’activités et d’animations, participations aux chantiers ou quelques heures derrière le comptoir du café; par leur énergie et leur personnalité, ces volontaires enrichissent le projet global.

123 http://aurore.asso.fr/ 124 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 125 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 126 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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II // AUJOURD’HUI 3 / C - UNE DIVERSITÉ D’ACTIVITÉ Une stratégie est mis en place, celle d’offrir des espaces de travail à moindre coût pour des acteurs divers, permettant de réaliser la volonté de diversifier les occupants et les publics sur le site, tout en inventant de nouvelles synergies. « 140 structures diverses ont leurs locaux aux Grands Voisins, soit plus de 1000 actifs et 6 600 m2de locaux127 ». Pour cela, les associations planificatrices ont défini un prix unique pour tous les espaces de travail mis à disposition. Un montant de 200€ au m2 à l’année. Ces loyers permettent d’équilibrer les dépenses engagées par les associations pour la réalisation et l’évolution du projet jusqu’à la fin de l’opération temporaire. « Il correspond environ à la moitié des prix constatés pour des bureaux dans le quartier128 ». L’objectif est de permettre au plus grand nombre de structures de rejoindre le projet, en particulier celles disposant de peu de moyens : entreprises en création, artisans, artistes et acteurs de l’économie sociale et solidaire et ainsi permettre à ces occupants de faire évoluer leur entreprise. Le choix des structures résidentes a combiné plusieurs critères. Le besoin d’espace de locaux et la capacité à pouvoir payer ont été pris en compte. Mais également l’apport de la diversité des activités sur le site et la volonté des candidats à s’intégrer dans le projet des Grands Voisins, en proposant par exemple des activités avec les résidents du site.

127 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 128 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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II // AUJOURD’HUI Cependant, la remise en état du site était indispensable pour accueillir de nouveaux usages. Des entreprises spécialisées, coordonnées par Plateau Urbain, ont procédé à l’adaptation de la sécurité incendie, la remise à niveau des installations électriques et internet, de chauffage central et d’eau, ou encore à l’évacuation des encombrants et la lutte contre les nuisibles. « 5 salariés sont mobilisés pour permettre l’occupation d’un site aux nombreux défis techniques129 ». Les investissements ont dû être mesurés, déterminés par les difficultés des travaux et par la durée d’occupation du site. « Le bâtiment « Lelong », trop dégradé par les intempéries et des squats ponctuels, a été déclaré inoccupable pour sa plus grande partie130 ».

Les locaux n’ont en revanche pas été remis à neuf car le principe est d’offrir des espaces « facilement appropriables par leurs usagers131 », sans procéder à des travaux coûteux qui ne correspondent pas aux besoins différents d’un artiste, d’une association ou d’une start-up. À son arrivée, chaque structure peut donc aménager l’espace de travail comme il lui convient. Au quotidien, la gestion des espaces communs est partagée entre occupants, « chaque étage fonctionne comme une colocation d’activités où s’élaborent les aménagements et les activités collectives132 ».

La collaboration est surement le facteur essentiel au bon déroulement de cette occupation transitoire. Elle permet de tisser des liens dès le début du projet, et de les approfondir au « fût et à mesure » de l’avancé de l’occupation. Elle participe à une dynamique collective, permettant une multiplication d’initiatives, que les associations planificatrices encouragent et soutiennent, tout en fixant leurs règles. La participation des « Voisins » peut aussi s’adresser aux personnes hébergées sur site, sous forme de cours de français, de musique ou de théâtre. « Les occupants contribuent tous, en fonction de leurs capacités et de leurs moyens, à répondre aux besoins collectifs, aboutissant à des projets de toutes sortes et à moindre coût133 ». 129 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 130 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 131 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 132 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 133 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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II // AUJOURD’HUI 3 / D - DES PROJETS COLLECTIFS MULTIPLES La gouvernance de projet passe par une réunion mensuelle, le « Conseil des Voisins ». « Autour de tables rondes, les usagers impliqués dans les Grands Voisins échangent sur l’avancée des projets engagés, et la manière d’en amorcer de nouveaux134 ». Les thèmes abordés correspondent aux grands axes du projet, c’est a dire le travail social, la programmation culturelle et évènementielle, l’aménagement des espaces, l’extérieur, l’agriculture urbaine et la communication entre acteurs. Les associations de planification encouragent l’implication de tous les acteurs du site et les incitent à participer aux projets communs. Cet objectif impose une vision ouverte à la participation. L’occupation transitoire se réalise par le foisonnement des initiatives de chacun; qu’Aurore, Yes We Camp et Plateau Urbain coordonnent au quotidien. Par cette démarche, « des valeurs d’ouvertures, de partage et d’accueil sont au coeur du projet des « Grands Voisins »135 ». Afin de les réaliser, l’ancien hôpital est devenu un espace public qui se veut d’un genre nouveau, avec des espaces partagés et des activités pédagogiques, culturelles et sportives, ouvert aux résidents comme aux riverains et aux touristes. Le café associatif au coeur du site, est le lieu emblématique de cette volonté de partage et de diversité. Aménagée et gérée par Yes We Camp, cet espace est aussi un bar permettant aux Voisins comme aux visiteurs de s’installer au sein d’une « ambiance alternative » et de nombreuses activités se manifestent sur le site. En effet, la scène dont l’espace dispose accueille une programmation musicale et de spectacle variée, mais aussi des privatisations pour des particuliers, associations, entreprises, ou acteurs publics désirant y tenir leurs événements. « Vivante toute la journée, elle est aussi bien fréquentée par une population jeune que par des familles lors du brunch dominical. S’y croisent discussions d’affaire, résidents, touristes136 ».

Toujours dans cette volonté d’échange, « Les Ateliers partagés » situés dans le bâtiment « Le Long », sont conçus comme des lieux de création et de partage. Ils sont investis par des artistes en résidence dans une volonté de mutualisation des espaces, des outils de production, d’images et d’objets. Ils sont ouverts à tous les « Voisins » ainsi qu’au public, pour des ateliers d’initiation et des stages. De nombreux domaines d’activités sont représentés comme le travail du bois et du métal, la peinture, la sérigraphie ainsi que le montage vidéo. 134 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 135 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 136 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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II // AUJOURD’HUI C’est aussi par la programmation événementielle, que « les Grands Voisins » cultivent des moments de partage et de « vivre ensemble » entre les résidents des services d’hébergement, les structures installées sur le site et le public extérieur. Elle se construit avec pour objectif de créer des espaces de rencontre à travers diverses pratiques artistiques et culturelles. Toutes ces animations sont gratuites et accessibles à tous. « Les propositions programmatiques, sont participatives et généreuses, imaginées en étroite collaboration avec les structures installées sur le site et des partenaires venus de l’extérieur137 ».

Mais c’est bien les espaces extérieurs du site qui sont le support de multiples initiatives de projets collectifs. Un important travail de signalétique a été mis en place pour permettre de se repérer dans le site, et de « constituer une identité généreuse et immédiatement sensible pour les usagers des Grands Voisins138 ». Elle permet aussi de faire « partager un message de bienveillance et de « vivre-ensemble » à tous les usagers139 ». Des aménagements permettent de rendre le site plus confortable et adapté aux attentes de tous les pratiquants. La végétalisation des espaces et le mobilier urbain, réalisés lors de chantiers participatifs ou à l’initiative des occupants des lieux, transforme un espace fonctionnel en un lieu de vie et de détente. Ces travaux sont l’opportunité de mobiliser les habitants et de mettre au premier plan leurs « savoir-faire ». Dans ce parc urbain d’un genre nouveau, de nouvelles pratiques sont expérimentées, mettant l’accent sur l’agriculture urbaine, la culture, le sport, le bien-être et, surtout, l’accueil et la rencontre d’autrui.

Après avoir constaté l’ampleur socio-culturelle du projet des Grands Voisins, plusieurs questions sont à soulever. Notamment sur le moment où cette opération transitoire se termine. À ce moment là, que vont devenir toutes ces personnes qui se sont autant investies dans ce projet commun? Où vont aller les personnes résidents sur le site? Les occupants trouveront-ils de nouveaux locaux standards à des prix abordables? Ou seront-ils toujours contraints économiquement d’utiliser le « transitoire » et de ce fait de déménager à chaque fois? Et toute cette matière dépensée pour réaliser les diverses installations, où va-t-elle partir? Dans une déchetterie? Quand l’urbanisme transitoire produit un certain attachement au lieu, comment être certain qu’il restera éphémère? Comment la puissance publique peut-elle accompagner la suite? Comment peut il influencer le pérenne?

137 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 138 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org. 139 Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http://lesgrandsvoisins.org.

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III // DEMAIN 1 / ET APRÈS ? 1 / A - L’INFLUENCE DE L’ÉPHÉMÈRE SUR LE PÉRENNE Depuis deux ans, l'ancien hôpital Saint-Vincent-de-Paul est devenu un véritable morceau de ville dans la ville, un laboratoire où performances artistiques, animations, hébergements, jeunes entreprises et associations s'entremêlent. Le 31 Décembre 2017, l'occupation du site cède sa place à un nouveau quartier qui accueillera prochainement 600 logements. En effet, cela faisait parti des thermes du contrat, d’où son nom d’urbanisme transitoire, et ce malgré son influence positive sur le territoire. On peut se demander si la vocation de nourrir l'aménagement futur des pratiques éphémères est réellement exploitée, ou si on assistera simplement à une urbanisation standardisée. Mais l’occupation temporaire aura cependant « portée ses fruits », le projet futur tiendra compte de l'impact des Grands Voisins sur le quartier et ses habitants ainsi que des enseignements apportés à l'échelle sociale et économique sur les deux années passées. La ville de Paris, la mairie du 14ème arrondissement et Paris Batignolles Aménagement qui s’occupe de la future opération, ont également pris la décision de prolonger cette occupation temporaire pendant les vingt-six mois du chantier du futur projet. Selon le directeur général de Paris Batignolles Aménagement, Jean-François Danon, « Dans certaines opérations urbaines, il peut se passer deux ou trois ans pendant lesquelles les parcelles sont immobilisées. Il y a un risque de squat, des frais de gardiennage élevés… Nous préférons donner la possibilité d’exister à des structures qui ne peuvent pas se permettre des loyers parisiens, avec une dimension d’expérimentation. Avec les Grands Voisins, un nouveau morceau de ville a émergé. La mixité et l’intensité de l’activité urbaine qui s’y sont développées ont favorisé un écosystème qui va bien au-delà d’une occupation de friche dont nous voulons garder l’ADN140 ». Dans le cas du projet des Grands Voisins, l'influence des installations et de ses planificateurs a donc permis de réduire le programme initial du projet futur de logements à 5000 m2 pour permettre l'installation de commerces et autres activités « trier sur le volet ». Permettant de favoriser la mixité des usages, avec à la fois des activités associatives, productives et marchandes. L'aménageur Jean-François Danon développe cet aspect, « La seconde phase des Grands Voisins reposera sur un véritable partenariat. Cette occupation bouscule notre métier d’aménageur, elle enrichit le projet. Nous souhaitons que les planificateurs participent à la préfiguration. Nous allons tester la vie du quartier, penser son agencement avec eux. Notre but est que certaines associations, start-up et artisans sélectionnés participant à la préfiguration puissent prendre place dans le quartier à la fin141 ». Un Laboratoire urbain où, une fois testés durant l'occupation transitoire, certains acteurs et certaines démarches sélectionnés, pourront perdurer dans le temps en s'installant définitivement dans les futurs aménagements opérés par les institutions. Pour les autres, aillant pourtant eux aussi contribué et amélioré l’image du quartier, aucune contre parti n’est envisagée. Ils sont contraints de partir, pour la plupart sans pouvoir se permettre la location de locaux classiques afin de pérenniser leurs activités; se voyant dans l’attente de nouvelles occupations transitoires, les forçant à déménager sans cesse pour pouvoir continuer à exercer leur pratique.

140 Grégoire Allix, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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141 Grégoire Allix, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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III // DEMAIN De plus, l'espace extérieur central a été doublé à 4000 m2 pour pouvoir y installer des jardins partagés voire une ferme urbaine. D'autre part, 40 logements seront réservés à de l'habitat participatif. Et qu’ils soient sociaux, intermédiaires ou en accès libre, les logements eux-mêmes seront « déstandardisés142 » d'après Paris Batignolles Aménagement qui affirme avoir pour objectif de « sortir de l’offre immobilière standard répondant à une moyenne présupposée des attentes143 ». Il est également prévu de garder 190 des 600 places d’hébergement social, ainsi que le maintien dans le futur écoquartier d’un centre d’accueil d’urgence.

1 / B - UNE PRATIQUE DE PLUS EN PLUS SYSTÉMATIQUE Les Grands Voisins ne laissent pas seulement comme héritage la démarche d’expérimentation urbaine. Il ont aussi créé une valeur ajoutée au quartier, ainsi qu’une popularisation et une institutionnalisation de l’urbanisme transitoire, devenant de ce fait, une véritable tendance plus qu’une pratique alternative. Attrayantes, dynamiques et popularisées, les occupations transitoires se multiplient partout en France. Dans d'autres villes comme Nantes, Marseille, Bordeaux, Lille ou encore Reims, des projets du même type évoluent, avec souvent une dynamique plutôt festive et culturelle. Faisant des occupations transitoires une pratique de plus en plus systématique. D’ailleurs le directeur général délégué de Plateau Urbain, Jean-Baptiste Roussat, met bien en avant cette notion de systématisation avec son analyse, « Nous vivons un moment particulier dans un phénomène ancien, c’est une famille qui s’institutionnalise. L’occupation temporaire fait désormais partie de la caisse à outils des politiques d’urbanisme144 ». Il soulève également un risque, celui de la dimension marketing et définit même l’urbanisme temporaire comme un « marché de consulting145 ». Il apparaît donc très clairement que l'intérêt des investisseurs se veut, à long terme, sur leurs projets futurs. Et ce grâce au projets d'occupations temporaires qui ont permis de sensibiliser les gens à l'urbanisme, de mieux connaître le quartier et de favoriser de nouvelles dynamiques. Certaines questions restent en suspend comme notamment le devenir de toutes ces personnes qui se sont autant investies dans ce projet commun. Où vont aller les résidents sur le site? Les occupants trouveront-ils de nouveaux locaux standard à prix abordable? Ou seront-ils toujours contraints économiquement d’utiliser le « transitoire » et du coup de déménager à chaque fois? Les personnes en insertion sociale trouveront-elles un travail? Un autre hébergement? Délogez-les et l’effervescence créé s’effacera.

142 Grégoire Allix, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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143 Grégoire Allix, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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144 Grégoire Allix, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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145 Grégoire Allix, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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III // DEMAIN 2 / « C’EST FINI, TOUT LE MONDE DEHORS ! » La fluidité du processus de sortie des Grands Voisins sera à observer avec attention. De sa qualité dépendra la pérennisation et l’essor de ces démarches d’urbanisme temporaire. Car en effet ce qui fait vie dans ces espaces, c’est le fait d’avoir réussi à créer un écosystème composé d’acteurs culturels et économiques. Il y a un paradoxe à résoudre entre une société qui valorise le changement constant et les occupants qui ont besoin d’espaces d’ancrage. La nouvelle phase de vingt-six mois de chantier sur le site va être un facteur primordial du bon déroulement du départ de chacun. En effet, elle va permettre à des associations de participer à la vie du futur chantier en occupant les lieux, pour favoriser l'expérience de « laboratoire de l'innovation urbaine ». Cependant, seulement une quarantaines de structures sélectionnées sur les deux cents cinquante sera présente lors de cette phase. Suivant comment cela se passe, une dizaine pourront prendre place de manière pérenne. Les autres se retrouvent dehors, en laissant ce qu'ils ont construit derrière eux. Ils doivent donc se reconstruire ailleurs, soit dans une autre occupation temporaire qui les poussera de multiples fois à déménager, soit dans des lieux pérennes parce qu'ils auront réussi à s'émanciper financièrement pour pouvoir occuper des locaux classiques. Bien qu'avertis, un seul occupant dénonce son « exclusion » à la presse, en considérant qu'il n'est pas juste d'être contraint de quitter les lieux. « Tous les partenaires savaient dès le début qu’ils étaient soumis à un engagement de départ avant la fin de 2017146 », explicite le responsable du site pour l’association Aurore, William Dufourcq. Le projet des Grands Voisins est considéré comme une opportunité de lancement, où contexte social et économique ont permis à de nombreuses structures de s'installer, pour un temps, dans des conditions favorables à leur épanouissement et à bas coût. L'après se résume alors à un simple déménagement, avec pour bagages l'expérience, le réseau et l'économie financière liée à la location de locaux, pour poursuivre l'expérience ailleurs, seuls ou à plusieurs. « 60% des locataires des Grands Voisins désirent de nouveau s’implanter dans un lieu temporaire147 », explique le directeur délégué de Plateau Urbain. Pour les autres, les collectifs planificateurs ont pris les devants en préparant la transition avec des ateliers « formation immobilière148 » pour les aider dans la recherche de local. En effet, « L’écosystème qui s’est créé aux Grands Voisins a été un formidable catalyseur de rencontres, de mises en réseau. Et il nous a permis de nous consolider et de gagner de nouveaux marché149 », déclare Do Huynh, de Carton plein, une association d’insertion qui collecte et recycle des cartons usagés. A titre d'exemple, accompagnée de quatre autres membres actifs des Grands Voisins, elle a trouvé un nouveau local dans Paris où s'installer, pour mettre en place un projet d’accompagnement de personnes en situation précaire, en alliant santé, travail et culture. D'autre, comme Simon Moisière, architecte, s'est installé à son compte avec trois autres architectes dans la ville de Marseille. L'adresse parisienne ainsi que le local à moindre coût rendus possibles grâce aux Grands Voisins leur a permis de se lancer plus sereinement et entourés : « Il y avait un vrai esprit entrepreneurial. Nous avons pu échanger avec d’autres sur

146 Laetitia Van Eekhout, Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins?, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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147 Laetitia Van Eekhout, Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins?, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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148 Laetitia Van Eekhout, Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins?, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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149 Laetitia Van Eekhout, Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins?, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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III // DEMAIN les clés d’une bonne gestion. C’est précieux lorsque l’on se lance. Cela nous a clairement aidés à nous structurer150 », explique Simon Moisière. On parle de tremplin immobilier pour des artistes, des associations, des start-up ou encore des artisans; mais le projet des Grands Voisins a également été un tremplin pour les personnes en réinsertion suivies par l’association Aurore. « Le fait d’avoir quinze cents personnes qui passent, travaillent en permanence sur le site génère des besoins. Or ces besoins sont autant d’opportunités pour les personnes en insertion de mettre la main à la pâte, et de se remettre dans une logique de travail. L’animation du site et son ouverture au public sont en soi un vrai levier de socialisation151 », remarque William Dufourcq, le président de l’association Aurore. En effet, durant les deux années du projet, 53% des personnes suivies par l'association Aurore ont trouvé un emploi et 6% ont pu obtenir une formation. De plus les 600 résidents qui devront retrouver un toit seront seront relogés par l’association Aurore, répartis entre les centres d’hébergements d’urgences et les logements sociaux. Quand à la question du devenir de ce qui a été crée sous forme de mobilité et autres installations. Sont-ils abandonnées, vendus, jetés, recyclés, réemployés ? Doivent-ils tout démonter avant de partir ou laissent-ils le site en l'état? Ces questions restent en suspend, du fait d’un manque de recul sur l’opération pour y répondre. Pour finir, la question des finances investies et de l'engament des acteurs est cependant laissée pour compte, une fois le site fermé. Tout ce qui a été rénové et/ou construit est laissé sur place, on part sans rien. Dans la mesure de la plus-value amenée au site, il faudrait réfléchir à sa juste répartition car les occupants de ces espaces ont donné beaucoup de leur temps pour qu’ils fonctionnent. Demain, les promoteurs pourraient, par exemple, verser une participation pour abonder le budget de fonctionnement du site. En plus d’être en transition, les sites seraient alors réellement participatifs.

150 Laetitia Van Eekhout, Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins?, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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151 Laetitia Van Eekhout, Quel devenir pour les occupants et les résidents des Grands Voisins?, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/

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CONCLUSION La ville se fabrique de temps et d’espaces, à la fois multiples et complexes. Alors que l'espace public semble se « normaliser », émergent dans le tissu urbain, spatial et mental, pour des durées plus ou moins longues, des vides urbains, des « interstices ». Toujours situés en marge, même s’il s’agit d'espaces « intra » urbains, ces lieux se soustraient à une planification gérée par les détenteurs du pouvoir urbanistique. Cependant, il s’agit d’espaces relatifs à la ville, qui n’agissent pas selon ses codes, mais dont celle-ci ne peut se défaire. Ces lieux exercent une temporalité particulière. En effet, ils se retrouvent en attente ou en transition d’accueil de nouveaux programmes prenant place en son sein. Durant cette attente, ces espaces sont un réel ennui économique pour leur propriétaire. En effet, ils coûtent de l’argent mais n’en ramènent pas. De plus, ils doivent faire face à de multiples formes d’appropriation. En effet, les espaces vacants sont les lieux de diverses occupations, pourtant interdites. Sous un principe de parcours, ils se voient utilisés dans un but de compréhension de la ville par certains. Pour d’autres, ils deviennent un terrain de jeu et d’expression illégaux comme le graffitis. Mais ils sont aussi utilisés en tant que squat par des personnes cherchant un lieu pour s’abriter et passer la nuit. Formant une communauté marginale dans la société, les squatters s’approprient les lieux et mettent en place de vrais quartiers dans la ville. De plus, l’interstice est accaparé par les squats artistiques, véritable laboratoire de recherche et d’épanouissement pour des artistes exprimant le refus d’un monde de l’art normalisé. Ils sont un espace d’entraide, de mutualisation, de lien social, mais aussi de débauche. Les circonstances de sociabilité et d'échange permettant à l'individu de prendre part et d'agir sur son environnement se faisant de plus en plus rare, l’interstice se voit aussi approprié par les citoyens, la plupart du temps sous forme d’associations. Ces espaces créent de véritables lieux de partage, permettant le vivre ensemble et une entraide entre participants, par le biais de l’expérimentation citoyenne. Ayant détecté cette engouement alternatif fleurissant dans les interstices, une prise de conscience des politiques mais surtout des propriétaires de foncier public a alors fait son apparition. En effet, le phénomène représente un enjeu particulièrement intéressant et un défi pour les responsables du développement urbain. Devenu une véritable source d’intérêt, au point de les susciter. Par le biais de collectifs planificateurs d’un nouveau genre, prenant en charge leurs espaces vacants en voie de reconversion, les grands propriétaires mettent en concurrence lors d’appels d’offres des occupants potentiels puis les hiérarchisent et les sélectionnent. D’occupation illégale par des personnes qualifiées de marginales, l’occupation temporaire est devenue un espace créatif et occupé temporairement avec un accord légal. L’urbanisme transitoire fait sont apparition. Désormais loin de l’idée d’un squat de punks à chiens sales dans un vieil immeuble délabré, les espaces construisent du positif et du lien social en ouvrant leurs portes aux curieux de passage venus assister à un concert, ou admirer une exposition. Les lieux alternatifs privilégient effectivement l’artistique sur le militantisme. Quoique l’occupation temporaire a toujours été un acte non anodin. L’urbanisme temporaire est aussi l’occasion d’expérimenter une ville différente et à taille humaine. Les projets sont conçus de manière à favoriser les rencontres par une programmation bien-veillante également à taille humaine. Ces espaces deviennent une forme de laboratoire d’expérimentation sociale, culturelle et urbaine communes.

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CONCLUSION A cela s'ajoute l'urbanisation intensive, où la ville est perçue non plus comme un espace commun à habiter mais comme une source d'investissements et de profits pour les bureaux d'études, les promoteurs et autres investigateurs, qui fait disparaître peu à peu les espaces vacants. C'est ainsi que la gentrification des quartiers, amenée par les « bobos et autres formes de hipsters », envahit l'espace urbain. Les populations en marge, en situation de précarité, se retrouvent alors confrontées à des espaces délaissés, où elles trouvaient auparavant refuge, destinés à répondre à une tendance alternative. Les trottoirs deviennent ainsi leur nouvelle ressource. Cette légitimation et ce développement de l’occupation temporaire planifiée posent cependant des question s politiques : quelle place est laissée aux occupants, aux autres formes d’occupations illégales, militantes ou forcées qui possèdent moins de ressources ? De quel « commun » parle-t-on ? Et à quelle fin ? « Ça plaît. Au lieu de cette friche où zonaient des SDF, les carrés bien nets des bacs à légumes bio. Au lieu de ce squat hanté par on ne sait quels fantomatiques anars ou sans-papiers, un collectif d'artistes qui ouvre ses portes deux fois par an. Au lieu de ce camp de Roms, de la pelouse, une estrade et une buvette, des spectacles engagés. Tout est à sa place, on sait qui est où et qui fait quoi, plus une miette d'espace laissé à la marge, plus de rencontres hasardeuses, plus de coins interlopes. La ville est propre. Le prix du mètre carré augmente, la population s'embourgeoise et les édiles s'enorgueillissent du dynamisme associatif de la commune, qu'ils se réjouissent de soutenir par le saupoudrage de subventions qui pompent une partie du budget ainsi maigrement redistribué. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes et démocratiques où chacun est encouragé à agir pour la planète, la culture, l'art et son prochain.152 » La réappropriation de l'espace public se veut participative et collective. Les habitants sont ainsi invités à pratiquer l'auto-gérance de ces parcelles en attente d'être livrées à leurs acquéreurs. Et pour répondre à cette tendance dominante, les plus démunis deviendront le sujet d'expériences de collectifs pour imaginer un habitat qui ne leur sera jamais cédé. Un point de tension majeur apparaît, une grande partie des animateurs d’occupations temporaires sont dans une situation économique difficile. Beaucoup s'engagent dans leurs projets en étant que peu voire pas du tout rémunérés. Mais si les bénévoles effectuent gratuitement le travail social et l'animation du quartier, c'est encore mieux. Dans le même sens, la réappropriation de l'espace public par les habitants passent par un méli-mélo d'associations aux actions docilement contrôlées par la politique de la ville en question. Politique pour laquelle l'association avait pu tant lutter auparavant. Mais ceci ne compte plus. Il faut répondre à des actions ciblées et contrôlées, s'adressant à un public précis pour ne pas causer trop de désagrément. Aujourd'hui, beaucoup de ses associations ressemblent plus à des vitrines de cette tendance alternative, sans aucune action réelle sinon la préservation d'un hangar désaffecté mais qui ne pourra plus être squatté par exemple. La singularité de chacune de ces expériences est déterminante dans leur attrait et surtout leur impact, il y a une véritable utilisation commerciale et événementielle de l'urbanisme temporaire. Les politiques communiquent leur image de laboratoire d’expérimentation au travers de leurs installations et participent à l'esthétisation de l'espace public en contrôlant le temps, le lieu, les acteurs et les actions. En s'appropriant le phénomène alternatif, ils instrumentalisent les procédés associatifs et collectifs. En parallèle, le libéralisme continue de s'encrer : il y a de plus en plus d'individus en situation précaire, de moins en moins d'aides sociales et financières et une fragilité considérable de l'emploi et du logement. « La marchandisation poursuit son avancée totalitaire. Tout est privatisé. S'organiser en collectifs, en associations de défense contre la violence du 152 Juliette Keating, Ce que l’on nous fait faire, Médiapart, Août 2017, https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/240817/ce-que-lon-nous-

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CONCLUSION pouvoir économique et de ses alliés politiques, est maintenant une question de survie pour une part croissante de la population153 ». En effet, ces villes n'ont pas besoin de vitrines associatives reflétant les insistances politiques, mais lutter contre l'industrialisation du phénomène à un prix. Leur gouvernance empiète sur l'espace de liberté d'expression des citoyens, espace totalement sous contrôle pour répondre à une question d'image. « Budget participatif, habitat participatif, démocratie participative où seuls participent les citoyens dont il n'y a rien à craindre du choix raisonnable de la couleur des pots de fleurs et de celui de l'emplacement du boulodrome là où la mairie l'a déjà acté, concours d'occupation des friches remportés par des associations aussi inoffensives que peu actives, domestication des associations et des collectifs contestataires : la paix sociale a un prix, assez bon marché.154 »

153 Juliette Keating, Ce que l’on nous fait faire, Médiapart, Août 2017, https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/240817/ce-que-lon-nous-

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154 Juliette Keating, Ce que l’on nous fait faire, Médiapart, Août 2017, https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/240817/ce-que-lon-nous-

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ALLIX Grégoire, Apres les Grands Voisins , l’urbanisme temporaire s’installe pour durer, Le Monde, Décembre 2017, http://www.lemonde.fr/smart-cities/article/2017/12/29/apres-les-grands-voisins-a-paris-l-urbanisme-temporaire-sinstalle-pour-durer_5235535_4811534.html. Association Aurore, Plateau Urbain, Yes we camp, Les grands voisins, Dossier de presse, Novembre 2016, http:// lesgrandsvoisins.org. KEATING Juliette, Ce que l’on nous fait faire, Médiapart, Août 2017, https://blogs.mediapart.fr/juliette-keating/blog/ 240817/ce-que-lon-nous-fait-faire. http://aurore.asso.fr/. http://www.linternaute.com/dictionnaire/fr/ définition/interstice/. https://www.plateau-urbain.com. http://yeswecamp.org/. Mairie de Paris, Projets d’aménagements urbains, Urbanisme et équipements publiques, 2017, https://www.paris.fr/ services-et-infos-pratiques/urbanisme-et-equipements-publics/projets-d-amenagements-urbains. ROUX Quentin, Pratiques interstitielles dans la villes contemporaines, Citadiavision, 2015, http:// www.citadiavision.com/2015/09/pratiques-interstitielles-dans-les-villes-contemporaines-de-quoi-parle-t-on/.

37


ANNEXE 1

L’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme - Île de France, L’urbanisme transitoire : aménager autrement, Note rapide n°741, www.iau-idf.fr.
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ANNEXE 2

L’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme - Île de France, L’urbanisme transitoire : aménager autrement, Note rapide n°741, www.iau-idf.fr.
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ANNEXE 3

L’Institut d’Aménagement et d’Urbanisme - Île de France, L’urbanisme transitoire : aménager autrement, Note rapide n°741, www.iau-idf.fr.
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ANNEXE 4

Les Grands Voisins Projet d’émancipation urbaine Adresse

Présentation du projet

82, avenue Denfert-Rochereau, 75 014.

« Les Grands Voisins » est le nom de l’occupation temporaire de l’ancien hôpital Saint Vincent de Paul dans l’attente du lancement du chantier de l’écoquartier prévu sur le site. Initiée pour permettre l’hébergement d’urgence de 600 personnes pendant deux ans, le projet s’est progressivement enrichi d’autres fonctions au cours de l’année 2015 et s’étendra au final sur 3 ans. Aujourd’hui, en plus des habitants hébergés, le site accueille au quotidien un millier de résidents travaillant dans plus de 175 structures, auxquels s’ajoutent les visiteurs de passage quand le site est ouvert au public, cinq jours sur sept.

© Margot Canizzo

Le principe phare du lieu est de permettre à chacun de développer son projet ou son autonomie. Les habitants hébergés sont accompagnés vers une réinsertion sociale, les entrepreneurs résidents concrétisent leurs projets et développent leur activité, le grand public est invité à s’investir localement dans sa vie de quartier.

Plan du site des Grands Voisins

Dates clés !"#$-%$!&

%$!!-%$!&

%$!&

Octobre %$!&

Hôpital spécialisé dans les naissances et les soins aux enfants

Départ progressif de l’APHP, gestion par Aurore de plusieurs bâtiments

Cessation définitive de l’activité de l’hôpital

Signature d’une convention d’occupation temporaire du site

Déc. %$!&/Jan. %$!'

Oct./nov. %$!'

Décembre %$!'

Février %$!(

Plateau Urbain et Yes We Camp intègrent le projet

Premier test d'ouverture au public

!" structures résidentes

Réouverture au public, lancement de l’appel à candidature pour les bureaux

Octobre %$!(

Octobre %$!)

#$% structures, &%% habitants, # '%% personnes au quotidien sur le site

Libération du site, début du chantier d’aménagement d’un écoquartier

1930-2014 : Hôpital spécialisé dans les naissances et les soins aux enfants, propriété de l’APHP. 2011-2014 : Départ progressif de l’APHP. Gestion par Aurore 28 d’un puis de trois bâtiments sur le site (foyer de stabilisation et centres d’hébergement hivernal). 2014 : Cessation définitive de l’activité de l’hôpital. Proposition d’Aurore de rester dans le cadre du projet de vente à la ville via l’EPFIF. Accord de principe de l’APHP et de la Ville de Paris. Octobre 2014 : Signature par l’APHP et Aurore d’une convention globale d’occupation temporaire du site. Décembre 2014/janvier 2015 : Plateau Urbain 29 et Yes We Camp 30 rejoignent le projet. Octobre/Novembre 2015 : Premier test d’ouverture au public sur une période de deux mois. Décembre 2015 : 72 structures résidentes.

Février 2016 : Réouverture au public du site et du lieu de restauration, la Lingerie. Lancement par Plateau Urbain de l’appel à candidature ouvert pour l’occupation temporaire de locaux de bureaux. Octobre 2016 : 140 structures résidentes et 600 habitants, 1 500 personnes au quotidien sur le site. Octobre 2017 : Libération du site, début du chantier d’aménagement d’un écoquartier (60 000 m² SDP).

28 - Aurore est une association fondée en 1871. Elle héberge, soigne et accompagne près de 30 000 personnes en situation de précarité ou d’exclusion vers une insertion sociale et professionnelle. http://aurore.asso.fr/ 29 - Plateau Urbain est une assocition qui entend fédérer les réflexions en cours sur le recyclage des bâtiments et les circuits courts. https://www.plateau-urbain.com/ 30 - Depuis 2013, Yes We Camp explore les possibilités de construire, habiter et utiliser les espaces partagés en proposant des équipements temporaires innovants, fonctionnels et inclusifs. https://yeswecamp.org/

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Atelier Parisien d’Urbanisme, La ville autrement, Étude, Juillet 2017, www.apur.org.
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ANNEXE 4 Le projet en chiffres

!

",)

centres

de frais de gardiennage évités

d’hébergement social (CHU ou CHS) gérés par Aurore

+ % %$$ m²

" !$$ personnes

d’espaces de bureau

"#! associations "+$ ETP " foyer

quotidiennement soit %$$ personnes hébergées et &$$ salariés résidents

"! $$$ m²

et start-ups résidentes

d'espaces extérieurs ouverts au public

() emplois d’insertion générés

M */an

et "" services civiques mobilisés au quotidien

%$$ personnes

Coallia (travailleurs migrants)

hébergées Sources : Plateau Urbain, Yes We Camp, Aurore

INSTITUTIONS

Carte des acteurs Propriétaire AP-HP > EPF > PBA Transfert de responsabilité pour la gestion du site

OPÉRATEURS

Achat de prestation

Programmation et assistance à la gestion du site (bâti) Plateau urbain

Financement de l’hébergement d’urgence, suivi régulier du projet

Gestionnaire hébergement social Aurore

Aide à la sélection des structures résidentes, et à la gestion technique globale du site

Appel à candidature

PUBLICS

Facilitation Mairie du %&e, Ville de Paris, Préfecture

Contribution aux charges

Résidents

#"" structures diverses, $"" salariés

Prêt d’espace

Locaux prêtés gratuitement

Vision urbaine et assistance à la gestion du site (ext) Yes we Camp Co-animation du site

Hébergement gratuit

Programmation évènementielle

Habitants

!"" personnes hébergées

Accueil

Achats consos

Visiteurs

Grand public

Aide via bénévolat

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Atelier Parisien d’Urbanisme, La ville autrement, Étude, Juillet 2017, www.apur.org.
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© Alexia Lagorce (Yes We Camp)

ANNEXE 4

La terrasse de la Lingerie aux Grands Voisins

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Atelier Parisien d’Urbanisme, La ville autrement, Étude, Juillet 2017, www.apur.org.
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ANNEXE 4

Modèle économique

Gouvernance

Les structures accueillies ne paient pas de loyer mais une contribution aux charges de 17 €/m²/mois (wifi et électricité compris). Cette offre, moins chère et plus flexible que le marché traditionnel, permet de répondre aux besoins d’un grand nombre de structures qui n’ont pas les moyens d’accéder à l’offre d’immobilier de bureau classique et voient leurs besoins évoluer rapidement. D’après Plateau Urbain, trouver des occupants pour ce type de locaux est 8 fois plus rapide que la moyenne des projets de bureau à Paris.

Pour les grandes orientations et la gestion du quotidien, la gouvernance est assurée par une cogestion des trois structures Aurore/Plateau Urbain/Yes We Camp qui se formalise dans des réunions hebdomadaires et mensuelles thématiques. Le bon fonctionnement de cette gouvernance tient à l’importance du dialogue entre les acteurs. La réunion mensuelle du trio gestionnaire du site est prolongée par une rencontre avec les représentants de la Mairie d’arrondissement et de la Mairie centrale qui veillent au bon déroulement du projet.

Les espaces « capables » sont livrés nus aux occupants qui ont eu une vraie liberté d’expression sur l’aménagement de leurs bureaux et une temporalité réduite qui facilite la projection et les arbitrages de petits investissements.

Un conseil bimestriel des Grands Voisins aide à l’émergence de projets incluant les structures occupantes dans une vision fédératrice du site. Son format évolue avec le projet et les besoins des occupants. Il permet aux acteurs de se rencontrer et de les fédérer autour d’initiatives qui se développent ensuite.

Le bilan consolidé ci-dessus concerne l’exercice 2016. Il est nécessaire de souligner que sur les deux premières années d’occupation, la gestion du site était déficitaire car la mise en occupation de certains bâtiments n’a été possible qu’à partir de 2016 après des réhabilitations parfois lourdes. Un bâtiment de plusieurs milliers de mètres carrés reste encore aujourd’hui quasi-intégralement inoccupé car les travaux de réhabilitations seraient trop coûteux.

Au niveau de leurs unités de vie (le couloir) les porteurs de projets se rassemblent librement pour décider d’activités ou de l’aménagement.

Modèle juridique

Le bilan de l’opération est grevé par des problèmes de gestion des infrastructures rencontrés en début d’expérience (eau, chauffage, électricité) et l’absence d’une subvention qui avait été envisagée à l’origine pour participer à l’activation du lieu.

Les liens entre acteurs sont assurés par plusieurs conventions d’occupations temporaires. Aurore, a signé des COT avec les propriétaires successifs et les résidents sont engagés par un bail précaire de 3 mois renouvelable tacitement jusqu’à 2 ans.

La mobilisation des équipes est importante : • gestion des centres d’hébergement : 75 ETP (dont 5 chefs de service) pour Aurore ; • programmation et gestion du site pour la partie occupants : 3 ETP pour Plateau Urbain (1 de plus en phase montage) ; • vision urbain, animation et développement de projets sur le site pour la partie grand public : 24 ETP salariés et 4 Services Civiques (SC) pour Yes We Camp ; • coordination du site et développement de projets : 11 ETP + 7 SC pour Aurore ; • sécurité du site et médiation : 17 ETP pour Aurore.

Une autre option aurait consisté à créer une société coopérative (SCIC) pour le projet dont tous les occupants du site auraient été sociétaires. Cela aurait permis une gestion financière plus fluide et des arbitrages plus transparents.

Soit un total de 140 ETP et 11 SC.

Bilan consolidé simplifié 2016 Emploi Frais de gestion du site

M€ 2,4

Ressources

M€

Subvention d’État pour création de places d’hébergement

1,2

Contribution des résidents aux charges

1,2

Dépenses du restaurant

0,55

Recettes marchandes

Médiation, Animation du site

0,6

Déficit

1 0,15

Sources : Aurore, Yes We Camp, Plateau urbain

Atelier Parisien d’Urbanisme, La ville autrement, Étude, Juillet 2017, www.apur.org.
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© Apur - David Boureau

© Apur - David Boureau

ANNEXE 4

Sur le site plusieurs endroits sont dédiés à l’agriculture urbaine // Des installations et mobiliers adaptés permettent des appropriations multiples

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Atelier Parisien d’Urbanisme, La ville autrement, Étude, Juillet 2017, www.apur.org.
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L’atelier de la start-up Carton Plein installée aux Grands Voisins // Bureaux d’entreprises dans un batiment du site // La ferme aquaponique installée sur le site et accessible au public

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Atelier Parisien d’Urbanisme, La ville autrement, Étude, Juillet 2017, www.apur.org. 46

© Apur - David Boureau

© Apur - David Boureau

© Apur - David Boureau

ANNEXE 4


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