L’avenir est renouvelable ! Le journal en ligne de l’alliance « Non au nucléaire » édition 02/2011
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Actualités énergie
Catastrophe au Japon
Vers la fin de l’ère atomique en Suisse ?
Les évènements survenus au Japon montrent de manière tragique que même les sociétés jouissant des dernières avancées technologiques ne sont pas à l’abri d’un accident dans leurs centrales nucléaires.
Les évènements survenus au Japon ont relancé le débat concernant l’avenir de l’énergie nucléaire en Suisse. Les alternatives énergétiques sont de plus en plus au centre de tous les intérêts.
Vingt-cinq ans après la catastrophe de Tchernobyl, l’année 2011 fera partie des années sombres de notre histoire : le 11 mars 2011, un séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter et le tsunami qui l’a suivi ont causé © istockphoto.com/adventtr des dégâts catastrophiques dans le nord-est du Japon. Outre la souffrance et les destructions engendrées par la catastrophe naturelle, la population est également frappée par un accident nucléaire majeur. Depuis des semaines, les employés de la centrale nucléaire de Fukushima-Daiichi essayent, au péril de leur vie, de prévenir la fusion des cœurs des réacteurs. Des dizaines de milliers de personnes ont été évacuées et les chiffres de la contamination radioactive sont en permanence revus à la hausse. Entre-temps, celle-ci a aussi touché la chaîne alimentaire. « A présent, nous avons affaire à une catastrophe majeure », a déclaré dans un communiqué Sebastian Pflugbeil, président de la Gesellschaft für Strahlenschutz (une société allemande pour la radioprotection). « On peut sérieusement commencer à comparer cet accident à celui de Tchernobyl ».
Selon un récent sondage d’ISOPUBLIC, 75 % de la population suisse se prononce en faveur d’un approvisionnement énergétique futur sans nouvelles centrales nucléaires. Les partis suisses du centre-droit, © RTS Radio Télévision Suisse tels que le PDC, le PBD et le PLR, pensent tout haut à l’abandon de l’énergie nucléaire. La ministre de l’énergie, Doris Leuthard, a suspendu les procédures concernant les demandes d’autorisation générale jusqu’à nouvel ordre et a ordonné l’examen de scénarios visant à abandonner l’énergie nucléaire. Lors de la session d’été 2011, le Parlement veut se consacrer aux questions urgentes concernant l’énergie nucléaire en Suisse. Les parlementaires pourront alors déjà poser les bases visant à abandonner l’énergie nucléaire. Les militants auront pour la dexième fois la possibilité d’exprimer leur désapprobation lors du grand rassemblement pacifique « Sortons du nucléaire » prévu le 22 mai prochain.
Greenpeace Suisse suit les évènements au Japon Analyse de la contamination par la Société allemande pour la radioprotection (en allemand)
Rassemblement pacifique « Sortons du nucléaire » le 22 mai 2011 Position de l’alliance « Non au nucléaire » Emission Infrarouge « Nucléaire : par où la sortie ? »
Electricité solaire pour la Suisse Alors que le plafond sur la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC) bloque la transition vers un avenir énergétique durable en Suisse, la production d’électricité solaire en Allemagne ne cesse de croître. En Allemagne, l’industrie du photovoltaïque (PV) a connu de nouveaux records en 2010. Au total, 7,25 gigawatts supplémentaires ont été installés, soit une © SSES augmentation de 91 % par rapport à l’année précédente. Avec des conditions politiques favorables, l’électricité photovoltaïque pourrait largement contribuer, en Suisse aussi, à remplacer les centrales nucléaires existantes. Swissolar, l’Association suisse des professionnels de l’énergie solaire, présentera une proposition de solution lors du Congrès Photovoltaïque Suisse qui se tiendra les 13 et 14 avril prochains : 20 % d’électricité solaire en Suisse d’ici 2025. Année record pour le marché allemand du photovoltaïque (en allemand) Congrès Photovoltaïque Suisse, les 13 et 14 avril 2011, à Fribourg
Prises de position sur la question nucléaire Alors que le canton de Neuchâtel s’est prononcé, fin mars, contre les projets de construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse, les cantons de Vaud et du Jura n’auront provisoirement pas à se prononcer sur la question. Dans le canton de Vaud, le vote sur la première étape du plan sectoriel « Dépôts en couches géologiques profondes » est quant à lui maintenu le 15 mai.
Loi sur l’énergie applicable dans le canton de Berne Le 15 mai 2011, Berne votera sur la révision de la loi cantonale sur l’énergie (LCEn). Les citoyens et citoyennes ont l’opportunité de prendre des mesures concrètes pour promouvoir l’efficacité énergétique et les énergies renouvelables. La LCEn révisée contient des mesures visant à couvrir les besoins en chaleur et en électricité du canton avec des énergies renouvelables le plus neutres possibles © iStockphoto.com/MARIA TOUTOUDAKI en CO2. Parmi ces mesures, il y a l’introduction d’un certificat énergétique cantonal des bâtiments (CECB) et la redevance promotionnelle sur la consommation d’électricité destinée à financer l’assainissement énergétique des bâtiments. Seront soumis à votation le projet du Grand Conseil et une contre-proposition : le projet populaire. Ce dernier poursuit le même objectif, mais sans redevance promotionnelle ni CECB et avec moins de mesures applicables. L’un des projets devra obtenir au minimum 50 % des voix pour que la loi de 1981 ne reste pas en vigueur. Message relatif à la votation populaire pour les deux projets (PDF) Prises de position des ONG de protection de l'environnement (en allemand) La discussion relative à la LCEn sur la plate-forme Politnetz.ch (en allemand)
Des emplois grâce aux énergies renouvelables En 2010, une étude menée par Infras et par TNC a révélé qu’investir dans les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique apportait une importante valeur ajoutée. Le groupe technologique bernois Meyer Burger en est un parfait exemple.
Le plan sectoriel « Dépôts en couches géologiques profondes » définit le procédé visant à sélectionner les sites adaptés pour le stockage de déchets radioactifs en Suisse. La Fondation suisse de l’énergie (SES) émet des critiques quant au fait que la sélection de ces sites soit pratiquée dans la première étape avant même que des études géologiques plus précises n’aient été effectuées sur tous les sites. Cette procédure pourrait déboucher sur une impasse, car certains sites sélectionnés pourraient se révéler non adaptés par la suite. Dans le canton de Vaud, un comité interpartis largement soutenu a recommandé de rejeter le projet instituant la procédure de plan sectoriel. Le Conseil fédéral prendra position à ce sujet en automne prochain.
© Meyer Burger, aufbereitet durch Investis Flife AG Le bilan que la société Meyer Burger Technology SA a présenté fin mars 2011 éveille l’attention. En 2010, le chiffre d’affaires net du groupe Meyer Burger a presque doublé par rapport à celui de l’année précédente, atteignant 826 millions de francs suisses. Cette hausse s’explique par une forte croissance du chiffre d’affaires lié à l’équipement photovoltaïque destiné à l’industrie solaire, notamment en Asie, où Meyer Burger a une grande partie de sa clientèle, et par la fusion du groupe avec la société 3S Swiss Solar Systems SA. Le nombre d’emplois proposés par la société est passé de 700 à 1500 ; une hausse qui a également profité à sa succursale de Thoune. « A Thoune, nous sommes au complet », a déclaré le président du conseil d’administration Peter Wagner à la Handelszeitung.
Neuchâtel s’oppose aux nouvelles centrales nucléaires Projet de votation dans le canton de Vaud « Avenir sans nucléaire » recommande de rejeter le projet Communiqué de presse de la Fondation suisse de l’énergie (SES) du 28 mars 2011
Communiqué de presse du groupe Meyer Burger du 21 mars 2011 (en allemand) Etude d’INFRAS et de TNC : « Efficacité électrique et énergies renouvelables – une alternative rentable aux grandes centrales »
© Juergen Siegmann/Greenpeace
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Point fort
Politique énergétique de la Suisse: il faut agir La catastrophe nucléaire au Japon va marque de son sceau le débat dur l’énergie en Suisse. Les hommes politiques, qu’ils soient de droite ou de gauche, discutent de scénarii de sortie du nucléaire et remettent la question de l’approvisionnement énergétique sur la table. Cette sortie n’est pas une nouveauté en soi. De nombreuses études et recherches se sont penchées sur la question. Selon les perspectives énergétiques de la Confédération datant de 2007, les centrales nucléaires de Mühleberg, de Beznau I et de Beznau II devront être désaccordées du réseau au plus tard dans les années 2019-2022 pour des raisons de vétusté. Cela offre une opportunité permettant de concevoir une politique énergétique sans nouvelle centrale. C’est ce qu’indiquait déjà le scénario IV «renouvelable»1 de l’Office fédéral de l’énergie (OFEN) formulé de manière prudente la même année. Le scénario IV «renouvelable», élaboré parmi quatre autres, prévoyait que les trois centrales nucléaires les plus anciennes seraient remplacées, dans un premier temps, par des énergies renouvelables et efficaces, et donc qu’aucune nouvelle centrale nucléaire ne serait nécessaire. Pour y parvenir, des mesures ont été proposées pour réduire la consommation d’énergie, parmi lesquelles, les taxes sur les carburants, sur les combustibles, et sur l’électricité, ainsi que des normes plus strictes concernant les bâtiments, les appareils ménagers et les véhicules. Cela devrait permettre de réduire la consommation d’énergie d’ici à 2035 et de baisser, du même coup, de 50% les émissions de CO2. Après l’accident nucléaire de la centrale nucléaire japonaise de Fukushima-Daiich, le Conseil fédéral a fait élaborer plusieurs scénarii de politique énergétique. Les variantes d’offres en électricité doivent être analysées par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC)2, parmi elles, deux prévoyaient le retrait de l’énergie nucléaire.
Les premières conclusions sont escomptées pour juin. Mais divers programmes visent le retrait du nucléaire déjà aujourd’hui. Le point de situation suivant, non exhaustif, présente la diversité du catalogue des mesures. Les producteurs d’électricité doivent être soumis à des contraintes Les Verts et le PS prévoient la sortie du nucléaire pour les années 2024 et 2025, respectivement. Le PS demande notamment, dans sa Feuille de route de sortie du nucléaire, que l’on suspende la limitation de la rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC). Cela devrait permettre de lancer, enfin, un grand nombre de projets d’initiatives privées et d’investissements privés, alors que la réglementation actuelle freine ce type d’initiative de manière totalement illogique. Une autre mesure de la Feuille de route concerne les fournisseurs d’électricité. Ceux-ci doivent être soumis à des contraintes par un système de bonus/ malus et satisfaire à leurs obligations d’efficacité «comme les importateurs de véhicules». Ils seraient contraints d’investir chaque année 10% de leurs charges en mesures d’efficacité énergétique. S’ils n’atteignent pas les objectifs, ils devront s’acquitter d’un malus et si, au contraire, ils les dépassent, ils recevront un bonus. Etendre le réseau de transport L’agence A EE des énergies renouvelables et de l’efficacité énergétique propose également, dans sa feuille de route «100 % renouvelable d’ici à 2050»3, des mesures concrètes en vue de sortir du nucléaire. L’infrastructure constitue ici l’axe central : le réseau de distribution du courant suisse est vétuste selon l’A EE et il fonctionne à la limite de ses capacités. Grâce aux nouvelles technologies, le réseau serait plus performant, plus efficace et plus flexible. Dans ces conditions, les énergies renouvelables pourraient fournir une contribution sensible à la production globale d’électricité suisse.
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Exigences légales minimales Le fait que la stratégie de sortie de l’énergie nucléaire soit payante, non seulement du point de vue écologique, mais aussi économique, est démontré par une étude d’Infras et de TNC4. Pour améliorer l’efficacité énergétique et le recours accru aux énergies renouvelables, il faut des conditions politiques appropriées. Il faut créer des incitations en termes d’approvisionnement durable de l’électricité aux niveaux national, cantonal et communal. Des normes optimales pour les appareils électriques, les moteurs et les lampes, des bonus d’économie d’énergie ainsi que des
Contribution de l’efficacité électrique et des énergies renouvelables à la production et à l’économie de 30 TWh d’ici 2035 (ne correspond qu’à une partie du potentiel existant). © WWF
Source: «Les perspectives énergétiques pour 2035 – Tome 2; Scénarios I à IV», OFEN Source: www.news.admin.ch (Confédération suisse 28.03.2011) Vers la Road Map «100 % renouvelable d’ici à 2050» 4 Vers l’étude d’Infras et TNC (Zurich, 2010, PDF) 1 2 3
Point fort
Chronique
tarifs favorisant l’efficacité sont au cœur de la problématique. L’aspect «Smart Metering» est également intéressant: des compteurs intelligents – appelés «Smart Meters» – indiquent la répartition dans le temps de l’utilisation de l’énergie dans les foyers, ce qui permet aux consommateurs d’utiliser l’électricité de manière économique.
L’énergie nucléaire peut être économisée et remplacée Jürg Schacher, physicien nucléaire à l’Université de Berne et au CERN à Genève
La politique doit agir Les nombreux scénarii, études et feuilles de route montrent que la Suisse peut renoncer à de nouvelles centrales nucléaires. Ils indiquent également qu’il existe de très nombreuses mesures aboutissant à cet objectif. Il revient maintenant aux politiciens de promouvoir une politique énergétique durable sans nouvelle centrale nucléaire, de trouver le compromis entre toutes ces mesures, qui soit approprié pour la Suisse. © zvg
Rétribution à prix coûtant du courant injecté (RPC) Projets annoncés (Etat: 6 avril 2011) 14000 12000 10000 8000 6000 4000 2000 0 Projets qui ont reçu une décision positive : 2740
Projets figurants sur la liste d’attente : 9 668 Total: 12408
Source: Swissgrid, avril 2011
9 668 projets d’énergie renouvelables figurent actuellement sur la liste d’attente de Swissgrid, l’exploitante du réseau suisse de distribution. 2 740 projets ont reçu une décision positive (état au 6.4.2011).
Comme chacun le sait, une catastrophe nucléaire s’est produite il y a 25 ans en Union soviétique. Encore récemment, on minimisait cet événement atroce en soulignant que d’une part, la technologie du réacteur nucléaire de Tchernobyl était dépassée depuis longtemps et que d’autre part, aucun accident semblable n’était survenu depuis 1986.
Cependant, l’humanité doit soudainement déchanter : le 11 mars, le Japon est secoué par un tremblement de terre si violent qu’une catastrophe nucléaire d’une ampleur inégalée menace, réveillant le souvenir de Tchernobyl. Cette situation est d’autant plus effrayante que les centrales nucléaires japonaises ne sont pas des réacteurs soviétiques désuets, mais des installations qui remplissent les normes de sécurité actuelles les plus élevées… ou, du moins, qui seraient censées le faire. Les partisans du nucléaire, qui ne nourrissent aucune critique à l’encontre de cette technologie et tiennent toujours des propos apaisants, se voient soudainement obligés de fournir des explications; cependant, ils n’ont pas tardé à retrouver leur obstination habituelle, rejetant l’abandon du nucléaire, un projet qu’ils jugent irresponsable. Qu’on me permette ici de soulever quelques questions : après ce qu’il s’est passé au Japon, qui est irresponsable ? Qui prend vraiment au sérieux le désarroi, le deuil et l’impuissance des nombreuses victimes ? Qui essaie vraiment d’apaiser les craintes de la population? On dément qu’il existe encore un risque non évaluable de catastrophe nucléaire. Or, même notre Suisse si « parfaite » n’est pas à l’abri d’une succession d’événements défa-
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vorables. En outre, on est loin d’avoir trouvé une solution consensuelle au problème embarrassant du stockage définitif des déchets radioactifs, actuellement supplanté par l’actualité. Nous avons appris la leçon : sortir du nucléaire de façon réfléchie est incontournable et possible ! Les 40 % d’énergie provenant du nucléaire peuvent être remplacés grâce à l’efficacité énergétique (par ex. appareils de la classe A) et aux sources d’énergie renouvelable. Pour ce faire, une évolution des mentalités et surtout des pratiques est nécessaire : il convient d’arrêter de gaspiller l’énergie (par ex. en s’abstenant de chauffer à plus de 20 °C des locaux commerciaux inoccupés pendant tout le week-end à l’aide de radiateurs électriques) et d’augmenter considérablement l’efficacité énergétique. Les besoins en énergie restants peuvent ensuite être couverts par l’ensemble des sources d’énergie renouvelable disponibles : l’énergie solaire, éolienne et hydraulique ainsi que la bioénergie et la géothermie. En résumé, je constate que malgré une recherche des causes du sinistre à Fukushima, les centrales nucléaires suisses ne deviennent pas plus sûres. Si nous n’abandonnons pas le nucléaire, le risque latent d’un accident susceptible de générer un rayonnement radioactif et de mettre en danger l’homme et la nature demeurera, laissant de nombreuses personnes ayant d’autres priorités que le luxe et l’appât du gain dans une effrayante incertitude. Impressum Rédaction et graphisme: Service Médias Alliance « Non au nucléaire » Falkenplatz 11, Case postale 5815, CH-3001 Berne medias@non-au-nucleaire.ch www.non-au-nucleaire.ch