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DOSSIER PRATIQUE Témoignages de patients : leurs vécus de la crise sanitaire liée à l'épidémie de la COVID-19, par Odile Basse et le Dr Daniel Vasmant

TEMOIGNAGES DE PATIENTS : LEURS VECUS DE LA CRISE SANITAIRE LIEE A L'EPIDEMIE DE LA COVID-19

par Odile Basse, présidente France-Rein Ile-de-France et Dr Daniel Vasmant, néphrologue coordinateur Rénif

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On a su très vite que la maladie rénale chronique (MRC) constituait un facteur de risque de forme grave de la Covid-19 et d’ailleurs les patients comme les soignants ont payé un lourd tribu. Des dialysés et de transplantés immunodéprimés ont été touchés, dont beaucoup ont guéri, certain ont fait des formes sévères. Rénif a eu comme objectif d’aider ses adhérents à ne pas interrompre la prise en charge de leur maladie rénale, à renouer le contact avec leurs médecins habituels, via notamment des Vidéo-consultation. Pendant les deux confinements 558 personnes adhérentes au réseau ont été contactées par téléphone et 492 ont pu être jointes pour prendre de leurs nouvelles ; 10 ont déclaré avoir eu la Covid-19 dont 4 sont décédées. 30 ont été mises en dialyse ou transplantées pendant la période. Le ressenti et la prise en charge de la maladie ont été modifiés et souvent altérés, voici quelques témoignages.

Témoignage d'Odile

Patiente dialysée à domicile, je me suis mise en confinement strict depuis le début, en mars 2020. Le plus difficile c’est d’avoir été obligée de ne pas voir ma famille et mes amis proches, sauf par "whatsapp®". Mes livraisons ont bien été assurées et ma seule préoccupation était « pourvu que les livreurs ne soient pas positifs » La désinfection de tous ceux qui entraient chez moi était prioritaire. Le fait de me rendre une fois par mois à l’hôpital ne me rassurait pas. La crainte de l’attraper m’a stressée même avec la pratique des gestes barrières. J’évite de sortir tous les jours et je garde ce rituel à chaque fois que je sors; la 1ère chose que je fais c’est de prendre une douche. Au bout d’un an, comme la plupart des personnes ce mode de vie commence à m’épuiser mais je garde le moral avec la vaccination.

Témoignage de Sandrine

L’arrivée du COVID en France A l’arrivée du COVID en France, je me suis sentie doublement vulnérable. Greffée depuis un an et demi, je rencontrais des problèmes de santé récurrents impactant lourdement mon quotidien, mon moral et ma qualité de vie. Après la sidération des premiers moments, le risque d’attraper une maladie potentiellement mortelle a été un facteur de stress considérable venant s’ajouter comme une strate supplémentaire à mon anxiété. En mars 2020, on était dans l’inconnu et sans moyens réels de protection.

Le confinement J’ai accueilli le premier confinement avec soulagement. Avec 2 chiens à sortir 4 fois par jour, je n’ai pas vraiment souffert de cet enfermement. Au début du confinement, je me suis mise à stocker les médicaments anti-rejet dans la crainte de ruptures de stock en pharmacie. Lors du déconfinement, j’ai continué à porter

régulièrement le masque et à utiliser le gel hydroalcoolique tout en déplorant l’abandon si rapide des gestes barrières dans la rue et dans les commerces comme si rien ne s’était passé.

Le suivi de santé Depuis plus d’un an, mes consultations en néphrologie se déroulent par téléphone ce qui est une bonne chose pour limiter les risques de contamination. Cependant j’ai tendance à penser qu’il manque quelque chose dans la relation et l’échange avec le médecin. De plus, la consultation me parait incomplète : pas d’auscultation, pas de prise de tension, pas d’appréciation de la condition physique et de l’état de forme du patient.

santé venaient soulager le personnel en place mais de façon transitoire. J’ai ressenti les hésitations, le manque d’assurance, un temps passé plus long avec les patients lié au manque d’habitude. Pas très rassurée, je vérifiais systématiquement les médicaments que je recevais quotidiennement. Malgré ces aléas, le dévouement d’un grand nombre infirmièr(e)s et d’aidessoignant(e)s ainsi que la gentillesse du personnel s’occupant de la propreté des chambres m’ont été d’un grand réconfort. Les visites n’étant pas autorisées, mon séjour m’a paru particu« Le dévouement d'un grand lièrement long. Heureusement nombre d'infirmièr(e)s et j’avais prévu suffisamment d'aides-soignant(e)s ainsi que d’affaires personnelles et de la gentillesse du personnel gel hydroalcoolique. J’ai eu la chance de sortir de s'occupant de la propreté l’hôpital sans attraper la COVID des chambres m'ont été d'un avec pour conséquence directe grand réconfort. » une chute de mon niveau de Mon vécu à l’hôpital stress. J’ai recommencé à faire Ultra stressée à l’idée d’aller mes courses plus sereinement aux urgences et d’y être conta- dans les commerces de proximinée, j’ai dû me résoudre à m’y rendre en avril mité tout en respectant les gestes barrières. 2020 et à rester hospitalisée pendant 10 jours pour une infection. Le service de néphrologie L’information sur la COVID étant entièrement réservé aux patients COVID, Les chaînes d’informations en continu ont joué j’ai été placée dans un service de chirurgie en un rôle important en relayant des messages urologie. de prévention mais ont contribué à entretenir J’ai pris la mesure du quotidien éprouvant et un climat fortement anxiogène : querelles dégradé d’un service ou le manque de moyens et discours contradictoires des experts et matériels et humains était flagrant : pas de gel scientifiques, polémiques, mise en avant des hydroalcoolique dans les chambres, utilisation incohérences et des changements successifs par les médecins de gel hydroalcoolique péri- de décision de la part des pouvoirs publics… mé, masques mis sous clé pour éviter les vols Agacée, je me suis tournée vers les médias en et distribués au compte-gouttes aux patients ligne et j’ai lu avec beaucoup d’attention les en cas d’examens à faire à d’autres étages. informations et recommandations adressées Stressées, les infirmières du service urologie par France Rein Paris Ile-de-France. J’ai déploré devaient s’adapter sans cesse à différents profils ne recevoir aucune information, ni conseil, ni de patients et pathologies les obligeant à sor- consigne de la part du service de transplantatir de leur cadre habituel de travail. Le manque tion. Quant à mon néphrologue traitant, celuid’effectif venait ajouter à leurs difficultés ci était pleinement mobilisé pour s’occuper des quotidiennes et désorganisait les journées de patients COVID. J’ai continué à effectuer des soins. Des infirmières débutantes ou en prove- bilans en ville et démarré avec lui des consultanance d’autres services ou établissements de tions à distance.

Ma vie professionnelle Le confinement puis l’inscription dans la durée de la crise sanitaire a profondément modifié ma trajectoire professionnelle et a agi comme un révélateur. Déstabilisée par des problèmes de santé inattendus après la greffe, puis par la propagation de l’épidémie, cette période de contraintes et d’enfermement a été bénéfique pour me questionner sur mes choix, prendre du recul et remettre en perspective mes objectifs et priorités. Après un long cheminement de plus d’un an, j’ai décidé de créer mon propre emploi afin de m’adapter aux contraintes de santé et à la crise sanitaire.

Un an après le début de l’épidémie… Aujourd’hui la lassitude a remplacé la peur. Je regarde avec beaucoup plus de recul et de détachement l’actualité sur l’épidémie. Je me concentre davantage sur mes projets, j’arrive à mieux me projeter dans l’avenir. Je continue à effectuer les gestes barrières et je reste optimiste sur une sortie plus ou moins rapide de cette crise sanitaire grâce aux vaccins. Cependant je m’interroge sur leurs potentiels effets indésirables à long terme. 

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