Regards croisés sur le changement agile

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REGARDS CROISÉS SUR LE CHANGEMENT AGILE Soufyane Frimousse, Jean-Marie Peretti EMS Editions | « Question(s) de management » 2015/2 n° 10 | pages 107 à 123 ISSN 2262-7030 Article disponible en ligne à l'adresse : -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------https://www.cairn.info/revue-questions-de-management-2015-2-page-107.htm --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------

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Regards croisés sur le changement agile

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« Question(s) de Management » a proposé à des praticiens, experts et universitaires de répondre à ces questions sur le thème du « management agile »: « En quoi le mode agile constitue-t-il une innovation en management et en changement ? Pourquoi le mode agile prend-t-il tant d’importance aujourd’hui et comment s’inscrit-il comme un facteur de performance durable ? » David ALIS, Eric BACHELLEREAU, Céline BAREIL, Laila BENRAISS-NOAILLES, Pascal BERNARDON, Mireille BLAESS, Maria-Giuseppina BRUNA, Roland BONNEPART, Adriana BURLEA-SCHIOPOIU, Laurent CHOAIN, David DESTOC, Jean-Yves DUYCK, Corinne FORASACCO, Jean-Michel GARRIGUES, Pascale GENTIL, Alexandre GUILLARD, Bernard GUILLON, Kevin J. JOHNSON, Michel JORAS, Hubert LANDIER, Jean-Pierre LE CAM, Dhiba LHAJJI, Peggy LOUPPE, Nathalie MONTARGOT, JeanMichel MOUTOT, Yvon PESQUEUX, Vincent PINLOCHE, Pierre PIRE-LECHALARD, Patrick PLEIN, Hervé SAINT-AUBERT, Xavier SAVIGNY, Anne-Marie de VAIVRE, Delphine VAN HOOREBEKE et Zahir YANAT ont apporté des réponses d’une grande diversité. La richesse des trente regards croisés d’universitaires et de praticiens rassemblés témoigne de l’intérêt croissant pour le changement en mode agile au sein des organisations. Selon David ALIS et Pascale GENTIL, l’agilité consiste à ne plus manager l’incertitude engendrée par les changements mais à l’épouser, l’englober et s’organiser pour elle. Pour Eric BACHELLEREAU, l’agilité réclame l’anticipation. Le mode agile est à l’opposé des schémas didactiques classiques. Céline BAREIL insiste sur l’importance de la co-construction du changement. Laïla BENRAISS-NOAILLES et Dhiba LHAJJI soulignent l’adaptation des méthodes « agiles » au monde du digital. Selon Mireille BLAESS, avec l’augmentation des normes, l’agilité de l’organisation devient essentielle. Roland BONNEPART présente les conditions de réussite d’un processus de changement au sein de la SNCF. Maria Giuseppina BRUNA invite à repenser la triangulation entre l’évolutivité contrainte des normes, la flexibilité relative des procédures et les capacités prospectives et réactives de l’entreprise. Pour Adriana BURLEA SCHIOPOIU et Pascal BERNARDON, l’agilité accélère l’entrée dans l’économie de la relation et de la contribution. Selon Laurent CHOAIN, l’agilité permet de compenser le danger inhérent à l’alignement stratégique. David DESTOC insiste sur le mode agile comportemental. Jean-Yves DUYCK s’interroge sur la pertinence et l’efficacité de l’agilité. Corinne FORASACCO associe le développement de l’agilité au développement de nouvelles approches de formation. Jean-Michel GARRIGUES souligne les défis liés au big data. Alexandre GUILLARD présente les composantes clefs de l’agilité chez COVEA. Bernard GUILLON met en relation veille agile et risque concurrentiel. Pour Kevin JOHNSON, le mode collaboratif, l’apprentissage expérientiel et les technologies digitales s’allient dans une optique de développement de capacités à changer durables et collectives. Michel JORAS propose le concept d’intelligence agile dans un cybermonde. Selon Hubert LANDIER, les mutations constantes de l’environnement, amènent l’entreprise à favoriser les circuits de décision courts et à valoriser la prise de risque à tous les niveaux. Jean-Pierre LE CAM présente les © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N° 10 / Septembre 2015 / 107

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Soufyane FRIMOUSSE, Rédacteur en chef adjoint Jean-Marie PERETTI, Rédacteur en chef de « Question(s) de management »


REGARDS CROISÉS

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108 / Question(s) de Management ? / N° 10 / Septembre 2015

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ateliers participatifs digitaux qui doivent faciliter un management participatif, agile et digital. Nathalie MONTARGOT insiste sur les liens entre agilité et résistance au changement. Selon Jean-Michel MOUTOT, l’hyper volatilité du business et la maîtrise de la compétence digitale rendent incontournable l’agilité managériale. Yvon PESQUEUX s’interroge sur la mise à l’épreuve de l’agilité en ouvrant la question de son fondement. Vincent PINLOCHE revient sur les principes fondamentaux de l’agilité : anticipation, coopération et innovation. Pierre PIRE-LECHALARD et Delphine VAN HOOREBEKE insistent sur l’état d’esprit « agile » à adopter. Pour Patrick PLEIN, travailler en mode agile implique un mode de management basé sur la maximisation des interrelations entre les membres d’une équipe. Peggy LOUPPE présente le coaching d’organisation comme une réponse particulièrement cohérente à la gestion de projets en mode agile. Hervé SAINT-AUBERT insiste sur le principe de décision itératif. Selon Xavier SAVIGNY, les entreprises agiles ont une gouvernance visionnaire, une culture d’entreprise forte et favorisent l’empowerment. Anne-Marie de VAIVRE s’intéresse aux nouveaux défis de la GPEC face à l’agilité. Pour Zahir YANAT, le mode agile est une circulation entre l’ordre et le désordre. Quelques convictions se dégagent de l’ensemble de ces trente regards, au-delà de leur diversité. Les entreprises attendent des talents une capacité décisionnelle et d’action élevée dans les situations nouvelles et urgentes. Il s’agit d’agilité face à des évènements exogènes. Les comportements valorisés par l’organisation dans un contexte dynamique sont le développement de nouvelles compétences, la créativité, le savoir interagir avec autrui, l’adaptation à de nouveaux contextes. Ces comportements agiles sont considérés comme cruciaux dans l’atteinte des objectifs organisationnels. Développer les comportements agiles conditionne la compétitivité des entreprises. Il est donc essentiel de connaître les facteurs qui les déterminent pour pouvoir les favoriser. Le comportement agile implique : - une capacité à s’ajuster facilement et rapidement à de nouveaux événements et à prendre des décisions malgré l’incertitude et l’ambiguïté inhérentes à ces situations ; - une capacité de réaction pour éviter un danger, une situation de crise, ou traiter une urgence de façon appropriée ; - une capacité à trouver des solutions et à développer des approches créatives face à des situations atypiques ou complexes ; - une capacité proactive vis-à-vis de leur développement personnel ; - une capacité d’ajustement des comportements interpersonnels et interculturels ; - une capacité à travailler dans des environnements difficiles ; - une capacité à avoir des comportements extra-rôle.


L’agilité au service de la performance soutenable David ALIS, Professeur, Université de Rennes 1, IGR-IAE de Rennes, CREM CNRS Pascale GENTIL, Directrice des ressources humaines, animatrice au sein du réseau GERME Qu’est-ce que l’agilité ? Comme développer son agilité dans un monde en mouvement ? Pourquoi l’agilité est-elle devenue si importante ? Définissons d’abord l’agilité. L’agilité modifie le paradigme de l’adaptation au changement. En effet, les stratégies d’entreprise face au changement, ont consisté à l’anticiper, le maîtriser et l’accompagner. L’agilité est différente : elle consiste «à faire différemment », c’est-à-dire, « à ne plus manager l’incertitude engendrée par les changements mais à l’épouser, l’englober et s’organiser pour elle. » selon Nijssen et Paauwe (2012). L’agilité est donc la traduction d’un changement de paradigme où l’incertitude et le changement ne sont plus des contraintes exogènes auxquelles l’organisme tente de réagir mais des opportunités issues de la synergie entre environnement extérieur et capacités internes. Comment développer l’agilité d’une organisation ? Le modèle de référence des capacités dynamiques de Teece (2007) pour développer l’innovation et la performance dans un environnement incertain propose trois étapes clés : 1) être capable de lire le marché (« sensing »), c’est-à-dire coupler analyse et intuition, sentir le marché en sollicitant la R&D, les fournisseurs, les besoins et innovations des clients. 2) être capable de saisir les opportunités (« seizing »), c’est-à-dire sélectionner les modèles d’affaires, et favoriser l’engagement et la loyauté des parties prenantes. 3) être capable de reconfigurer en continu aussi bien les actifs tangibles et intangibles de l’entreprise (mode de gouvernance, mécanismes de prise de décision, management des connaissances…) dans le cadre de dynamique collaborative. Pourquoi est-ce si important de développer les capacités dynamiques et l’agilité ? Au début des années 90, les crises et ruptures économiques ont renforcé de besoin d’innovation, de créativité, et de réactivité tout en favorisant une dégradation des conditions du travail liée à l’intensification. La notion d’agilité vise à favoriser un modèle soutenable en contexte incertain : les pratiques agiles, fondées sur l’interaction et l’échange social répondent à une double finalité de développement de la performance et du bien-être au travail des collaborateurs. Le développement des capacités dynamiques favorise les pratiques agiles basées sur les mécanismes de communication, de facilitation, de gestion collective et de collaboration avec les clients. Ces valeurs de performance et de bien-être sont par exemple au cœur du « manifeste pour l’agilité » développé dans le secteur informatique. Aujourd’hui, les organisations publiques et privées ont intérêt à gagner en agilité dans un monde en mouvement et à développer ces capacités dynamiques nécessaires. Leur survie et leur développement soutenable en dépend.

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Nijssen M., Paauwe J., « HRM In Turbulent Times : how to achieve organizationnal agility ? » in The International Journal of Human Resource Management, Vol 23, n° 16, September 2012 : 3315-3335. Teece D.J. « Explicating dynamic capability: the nature and micro foundations of (sustainable) enterprise performance », Strategic Management. Journal., 28: 1319–1350 (2007).

Demain est déjà un autre monde … Eric BACHELLEREAU, Directeur adjoint des Ressources Humaines Groupe, Veolia Ce n’est pas que dans le processus ou la méthode que se situe le secret du mode agile, mais dans ce qui l’entoure, et en particulier dans l’anticipation des besoins en prenant en compte les évolutions de l’environnement et des utilisateurs finaux plutôt que les outils qui les soutiennent. Cette anticipation nécessite une vision claire des attendus, une gouvernance adaptée pour faire évoluer les systèmes et les organisations, une exemplarité du management dans la mise en œuvre de politiques Core-Flex, des processus partagés et construits avec les personnes concernées, des ressources suffisantes pour aboutir, et enfin des plans d’action itératifs et incrémentaux. Le mode agile est à l’opposé des schémas didactiques classiques de type enseignant-enseigné, il fait exploser les statuts et les hiérarchies, et permet d’aborder tout type de projet dès lors qu’on est dans le respect de l’autre, la pédagogie et la transparence. Il s’inscrit dans la société d’aujourd’hui, ou les systèmes sont ouverts au profit de concepts souples, évolutifs, combinés. Les jeunes générations sont déjà multitâches, polyvalentes, protéiformes et en attente de modes innovants et de projets agiles dans lesquels elles se sentiront impliquées. Demain est déjà un autre monde, de large autonomie, d’implication et de missions partagées. © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 109

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RÉFÉRENCES


REGARDS CROISÉS

Conduite du changement ou co-construction du changement en mode agile ? Céline BAREIL, Professeure titulaire, CETO, Pôle Santé, HEC Montréal Le mode agile inspiré de la gestion de projets se transfère graduellement au management et à la conduite du changement. Pourtant, ce courant nouveau est loin d’être isolé et sans conséquence. En fait, j’ai souvent eu l’impression que les boites à outils en conduite/gestion/pilotage/accompagnement du changement, qui sont principalement utilisées par les spécialistes pour ensuite être transférées aux cadres, ont trop souvent pour but d’imposer le point de vue d’un promoteur ou de la direction à un ensemble d’employés. Par toutes sortes de moyens, on tente de communiquer, convaincre et faire adhérer le personnel aux nouveaux comportements prescrits. Le mode agile apporte une toute autre philosophie : celle du « faire avec », de la co-construction du changement au fur et à mesure qu’il se dessine. Autissier et Moutot (2015) parlent ainsi de cycles de pilotage et d’ateliers participatifs où enfin (!) les destinataires/bénéficiaires et parties prenantes/communautés peuvent réellement collaborer, expérimenter, tester, innover et inventer les comportements les plus appropriés pour répondre à un objectif stratégique et aux bénéfices du changement. Le mode agile apparait au même moment où l’approche plus dialogique du développement organisationnel (mettant l’emphase sur le dialogue plutôt que sur l’approche plus traditionnelle de résolution de problèmes) avec des outils tels que la recherche du futur (Future Search) pointe le nez et que la psychologie positive marque sa place en changement comme par exemple avec l’enquête/démarche appréciative où le changement se construit « avec » les membres de l’organisation. Le rôle de la direction en tant que stratège et le rôle de tous les acteurs en tant que co-créateurs de l’organisation deviendront des incontournables pour créer des organisations flexibles et performantes dans un environnement sans cesse turbulent. Autissier, D., Moutot, J.-M. (2015). Le changement agile. Paris : Dunod.

Un regard « agile » pour réussir l’innovation

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Les entreprises évoluent dans un marché caractérisé par une diversité des offres technologiques, une instabilité de la demande et une réduction des délais de mise sur le marché. Parallèlement, le numérique est en train de transformer la façon d’échanger avec le client, la façon de travailler, d’innover et même de manager. Les médias sociaux et collaboratifs ont transformé les pratiques de management, avec des échanges plus intenses, plus fluides et une mobilisation de l’intelligence collective pour partager les connaissances et être plus efficace pour… innover. Les entreprises s’inspirent ainsi, de plus en plus, des approches « agile » pour innover dans leurs pratiques managériales : elles favorisent l’apprentissage collectif et la co-création. Ceci exige des organisations de se mettre dans un état d’esprit d’apprentissage permanent. L’appropriation de cette nouvelle culture, passe par la formation et l’adaptation permanente au contexte. Elle se nourrit de la créativité des personnes : il s’agit là d’une innovation « agile ». Celle-ci se diffuse à toutes les strates de l’organisation, décloisonnant, créant de la proximité et fédérant toutes les ressources de l’entreprise. Plus concrètement, le management peut devenir innovant par la mise en place d’une méthode de type scrum (la mêlée, au rugby), qui se définit comme une méthode d’organisation pour développer, notamment en informatique, des produits complexes. Les méthodes « agiles » sont particulièrement adaptées au monde du digital où la rapidité d’exécution, en temps réel, et l’adaptation au changement sont des facteurs compétitifs clés. Temps réel et Web 2.0, riment avec dialogue continu avec les différents publics (clients, équipes virtuelles géographiquement éloignées…), intégration continue des feedbacks des utilisateurs, adaptation constante des objectifs et des stratégies de l’organisation. L’agilité, qui place l’utilisateur au cœur de sa méthodologie, privilégie l’opérationnel sur la documentation, favorise l’échange et la collaboration avec l’écosystème et prône la réactivité permanente plutôt que le suivi strict d’un plan, prend tout son sens dans ce contexte. Plusieurs entreprises comme Amazon, Apple, Microsoft, Google, IBM et bien d’autres remettent sans cesse en cause leurs modèles de fonctionnement de façon à proposer de nouveaux produits, repousser leurs limites et offrir des services et produits innovants. 110 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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Laïla BENRAISS-NOAILLES et Dhiba LHAJJI, Maîtres de conférences, IAE, Université de Bordeaux


Ces entreprises mobilisent des équipes agiles à haute performance en animant des communautés en ligne pour co-créer en temps réel et toujours veiller à satisfaire le client. Dans cet environnement de plus en plus digitalisé, les cycles d’innovation sont désormais ultrarapides, avec un extrême raccourcissement des délais de mise sur le marché (par exemple, l’iPad a été produit en plusieurs versions depuis sa sortie). Contrairement à des cycles projet plus traditionnels, la prise de risques, l’incertitude et les changements ne sont plus craints mais intégrés au processus, et envisagés comme de nouvelles opportunités de progrès. En somme, les processus « agile » exploitent le changement pour donner un avantage compétitif au client grâce à un mix « coûts maîtrisés-valeur créée ».

Le mode agile, une tendance lourde du management pour les entreprises performantes? Mireille BLAESS, DRH OCP

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Mode agile et amélioration continue progressent ensemble et se nourrissent mutuellement Roland BONNEPART, Directeur SNCF des TER HN et BN de 2008 à fin 2014 SNCF développe apprenance et excellence opérationnelle dans plusieurs business units. Lean et learn avancent de pair. Depuis 2009, la BU TER Hte Normandie (CA : 100 ME) a initialisé des réseaux apprenants inter-métiers, centrés sur la satisfaction client et l’efficacité. Confiance, droit à l’erreur, lâcher prise, autonomie, responsabilité, construction collectivité, se concrétisent dans des dizaines de groupes, qui vivent et se renouvellent. La hiérarchie se positionne en appui. Le comité de direction de la BU prend une posture de sponsor, ouvert et facilitant : il fait confiance et aide. Les résultats de l’intelligence collective sont au rendez-vous et dans la durée : 1er TER de France en ponctualité des trains et en satisfaction clients en 2011 et 2012, et toujours dans le trio de tête depuis 2010, cette BU a, dans la durée, un résultat économique net supérieur à l’objectif. La satisfaction des 1 000 collaborateurs est en progrès continu dans le baromètre annuel. Ils prennent des initiatives, co-construisent, se réalisent et sont plus heureux au travail. Les ruptures les plus fortes : la CONFIANCE. Le manager qui passe de la position d’autorité à celui de faciliteur et même de coach. Le CODIR qui devient ressource et sponsor. Une triple exigence : accepter de se donner du temps (on ne fait pas pousser l’herbe en tirant dessus), avoir une gouvernance adaptée et des hiérarchiques sponsors, et ne pas donner de contre signes ou revenir en arrière : la confiance est à ce prix : elle ne se construit que pas à pas. © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 111

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L’évolution des technologies et la connectivité immédiate à travers le monde ont profondément modifié les modes de relations. Rapidité voire instantanéité des réponses, accès rapide à de l’information, à de la connaissance accélèrent la vie au sein des entreprises. Dans le même temps, ces mêmes entreprises deviennent plus mondiales, globales. Elles sont de fait soumises soit par leur actionnariat ou d’autres parties prenantes à des processus iso, des règles SOX ou de compliance qui rythment les modes opératoires dans l’organisation. Ceci crée des formes d’automatismes systématiques de régulation des entreprises. Ces dernières sont sur des rails de fonctionnement pour délivrer une performance optimale. Cette performance de l’entreprise nécessite de plus en plus la bonne exécution à tous les niveaux de ces modes opératoires. Loin de l’agilité direz-vous ! Et pourtant c’est parce que les fonctionnements sont de plus en plus normés que l’agilité de l’organisation devient essentielle. C’est la différence, la capacité à réagir plus vite, qui deviennent clé. Les approches lean management ont raccourci aussi la ligne hiérarchique. Plus courte, plus flexible plus agile. Alors que les processus précédemment évoqués parcellisent et renvoient à un « Taylor des temps modernes ! », c’est dans le même temps un mouvement inverse qui s’opère remettant l’humain au cœur du dispositif. Car quand les automatismes sont à leur comble, c’est la différence opérée par les individus qui va faire la différence. Un espoir pour le XXIe siècle ?


REGARDS CROISÉS

Manœuvrer dans le labyrinthe de la complexité, une contribution ariostesque au changement agile ?

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Face à un environnement macro-économique et géopolitique de plus en plus instable, le modèle de l’agilité se configure comme une posture stratégique reflétant une vision renouvelée de l’entreprise, de sa vocation et de son rôle dans l’écosystème. Ainsi inspire-t-il et alimente-t-il des modes d’organisation originaux, cherchant à alléger la lourdeur des structures et la rigidité des routines (reliquats d’une pensée taylorienne ou d’une conception bureaucratique du monde) au profit de la légèreté et de la porosité des réseaux, à dépasser le formalisme du contrôle a priori au profit d’un modèle d’autonomie et de responsabilisation des salariés, à rejeter une pratique autocratique, aristocratique ou oligopolistique du pouvoir au profit d’une praxis managériale plus démocratique, partenariale et participative. Visant à libérer les acteurs au travail, le modèle de l’agilité propose de dépasser le fixisme des modèles descendants au profil de solutions plus souples, contextualisées, ajustées aux réalités de terrain et aux faits de conjoncture. Prônant une mise en réseaux des salariés sur des bases plurielles, parallèles et souvent éphémères (fonctionnelles, thématiques, sectorielles, géographiques, affinitaires…), il plaide en faveur d’une horizontalité vivante comme mode privilégié de coordination au travail. Stimulus à la co-opération (dynamique d’échange d’informations, d’appuis techniques et de soutien collaboratif) et au partage des savoirs (processus consultatifs), la gouvernance réticulaire (organisation en réseau) favorise une socialisation professionnelle élargie, à même de conjuguer « moment communautaire » et « logique complémentaire », « solidarité organique » et « solidarité mécanique ». Laboratoire d’un nouveau modèle de management, antichambre d’une révolution organisationnelle en cours, le développement des employees’ networks accouche de nouveaux mécanismes d’interaction, de dotation de sens et de création de valeur (économique et sociale) et se fait prélude d’une fluidification des interactions au travail. A l’encontre de routines lithiques et d’une effervescence permanente (tendant paradoxalement à provoquer une « routine des modes »), le modèle de l’agilité pousse les collaborateurs à se déployer en réseau, à se faire « intrapreneurs créatifs », ambassadeurs du changement et gestionnaires avisés de leur propre carrière. En découle un mouvement transformationnel au tracé non-linéaire : souvent haché, il est itératif et récursif. Ce qui est rendu nécessaire par un environnement de plus en plus turbulent, de plus en plus multidimensionnel, connecté et interdépendant. A la manière d’un roseau dont la souplesse permet de mieux résister aux vents et donc de durer, une organisation doit ériger l’agilité à propriété stratégique. Inassimilable à l’agitation et irréductible aux ajustements tacticiens et opérationnels, la notion d’agilité invite à repenser la triangulation entre l’évolutivité contrainte des normes, la flexibilité relative des process et les capacités prospectives (anticipation et proactivité) et réactives de l’entreprise. Contre le ballet carnavalesque des éphémères, la pantomime du superficiel, la ronde des nouveautés et la bacchanale des modes managériales, le modèle du changement agile se doit de contempler les limites de l’agilité. Autrement dit, analyser les tensions entre « l’adaptabilité » (valeur de l’homme moderne et a fortiori post-moderne) et les risques de « la trahison » (de soi, des autres, des valeurs, du sens...) inhérents à un changement incessant. Nous retrouvons là la sagesse de l’Arioste qui, dans une autre ère de chamboulements (géopolitiques, socio-économiques et culturels), incitait ses contemporains à accepter le soir de l’univers chevaleresque et à accueillir avec lucidité l’aube d’un monde nouveau, aux promesses multiples. Leçon d’humanisme qui, pour mieux émanciper l’homme des doctrines d’autorité, des totems d’ordre et du carcan des statuts, appelait à faire preuve de souplesse, d’esprit et de ruse, à manœuvrer entre les contraintes, à naviguer entre les contradictions, à se défaire de certains usages et de certaines convenances, sans pour autant perdre le cap. Et, en poursuivant sa voie, par des chemins gondolés, hachés et incertains, à s’accommoder du labyrinthe de la complexité.

112 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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Maria Giuseppina BRUNA, ISTEC Paris, Chaire « Management & Diversité » de l’Université Paris-Dauphine


Le mode agile : un défi ou une conséquence de l’évolution technologique ? Adriana BURLEA SCHIOPOIU, Professeur, Université de Craiova, Roumanie Pascal BERNARDON, Expert en organisation collaborative et gestion des savoirs Le mode agile apporte une souplesse dans la réalisation d’une œuvre collective. Il favorise les comportements collaboratifs et modifie les relations entre les parties prenantes quel que soit le niveau hiérarchique. Le mode agile constitue une innovation en management et en changement à deux niveaux : - Au niveau des employées qui connaissent l’objectif à atteindre parce qu’il est clairement défini et partagé par toute l’équipe. En conséquence, les étapes du processus sont généralement courtes et se terminent par une réalisation immédiatement opérationnelle et les contributions des employées sont clairement identifiables et mesurables, ce qui favorise la performance. - Au niveau du management, parce que le manager doit agir en coach plus qu’en responsable hiérarchique. La démarche agile implique une organisation et une évaluation des tâches et des acteurs différentes. Elle impacte également les unités d’œuvre et les livrables de la réalisation. Les changements ne s’improvisent pas, l’agilité se construit par la prise en compte du contexte et de la culture de la communauté concernée. Les méthodes agiles connues apportent un cadre et l’accompagnent au changement des postures des acteurs qui favorise l’appropriation de cette nouvelle façon d’appréhender et de réaliser une œuvre collective. Nous sommes rentrés dans l’économie de la relation et de la contribution. Ces deux évolutions majeures sont favorisées par l’apport des technologies. Le connectivisme, la serendipidite et la synchronicité amplifient les comportements stigmergiques. Les nouveaux usages (UBER, AIRB’N B, BLABLACAR, etc.) mis en œuvre par des nouveaux acteurs du marché modifient en profondeur les processus métiers. Les méthodes traditionnelles ne sont plus adaptées dans cette révolution en marche, l’agilité n’est pas un effet de mode, c’est un changement de modèle inéluctable, durable pour les années à venir. L’agilité nous fait prendre conscience d’une voie différente, pragmatique et adaptée aux besoins exprimés par les clients. Elle replace le client au centre du processus et engage les fournisseurs de services dans une démarche de conception itérative répondant aux évolutions des besoins en quasi temps réel.

Le fil à plomb et la mêlée

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Chaque époque économique est caractérisée par des concepts d’organisation qui à la fois reflètent assez sincèrement sa dynamique mais servent aussi sa légende, comme celle de quelques entreprises ou industries emblématiques. La grande industrie dominante de la fin du XXe siècle et du début du XXIe, c’est l’industrie du software et des technologies de l’information. Son ère est passée mais nous vivons encore sur deux concepts dominants qui en sont issus – celui d’alignement et celui d’agilité, deux frères ennemis. L’alignement stratégique et l’agilité constituent ce que Hamel et Prahalad ou Takeuchi et Nonaka popularisèrent au début des années 90 sous le nom de « capacités dynamiques » de l’entreprise, c’està-dire en termes simples l’aptitude acquise d’une organisation à maximiser l’utilisation de ses ressources et compétences clefs. Par exemple, Mazars a depuis 1995 développé une compétence unique dans son industrie à intégrer de nouvelles practices de conseil ou d’audit dans un modèle coopératif mondial ne reposant pas sur le paiement d’un « goodwill » aux associés de ces practices. Une boucle d’apprentissage vertueuse s’est développée au fur et à mesure de ces intégrations, des associés – comptables de formation – sont devenus spécialistes de la négociation et de l’intégration en environnement multiculturel, un système mondial de rémunération équitable et d’évaluation approfondie et régulière des carrières des partners s’est affiné. Pour reprendre une image chère à Gérard Garouste, l’alignement et l’agilité constituent le dialogue entre « le classique et l’indien » qui cohabitent dans toute organisation comme dans tout individu. L’alignement – le « fil à plomb » – l’a d’abord emporté, mécanisant et processant trop des organisations confrontées à des ruptures technologiques et commerciales nombreuses et éphémères. L’agilité est le concept miroir qui permet de compenser le danger inhérent à l’alignement stratégique – à savoir que l’organisation devienne sa propre finalité. L’une des méthodes les plus connues issues du « Manifeste de l’Agilité » s’appelle SCRUM – la mêlée en rugby ; ce furieux désordre apparent répond pourtant à quelques règles complexes connues de ses meilleurs acteurs, et c’est ce qui fait que l’agilité est une capacité dynamique que doivent acquérir les organisations modernes. © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 113

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Laurent CHOAIN, DRH Groupe Mazars


REGARDS CROISÉS

Le mode agile : effet de mode ou équation pérenne ? David DESTOC, Président-fondateur d’Oasys Mobilisation Pourquoi cette nouvelle thématique de l’agilité ? Dans un environnement où montent en puissance la complexité, les interdépendances et l’incertitude, les entreprises cherchent des approches autres que les méthodes traditionnelles d’accompagnement des transformations qui marquent leurs limites. Le mode agile est donc en plein essor et particulièrement depuis le début des années 90. Quatre grandes phases peuvent illustrer cette évolution et se superposer : • 1995 - L’agile manufacturing : « adapter la production » ; • 1997 - L’organisation ou l’entreprise agile : « adapter son organisation » ; • 2001 Méthodes agiles : « développer juste » ; • 2007 - « L’agilité collective : « mieux agir ensemble ». L’aboutissement de ces évolutions, nous amène à associer ensemble l’agilité stratégique, opérationnelle, organisationnelle et comportementale. C’est cette dernière dimension du mode agile qui nous intéresse particulièrement pour parler de mode agile en situation de management des changements permanents. En effet, ce mode agile basé sur les postures et comportements managériaux peut se définir par la capacité à bouger, à manœuvrer avec la bonne intensité, au bon moment, et de manière coordonnées tant en interne qu’en externe. De façon générale ce mode agile « comportemental » met en avant la culture intégrée du changement pour cesser de manager de façon mécaniste le changement. A partir des travaux de Jérôme Barrand, l’agilité comportementale est donc un équilibre bien dosé entre nos capacités d’anticipation, de coopération et d’innovation au service de la prise d’initiatives adaptées au contexte et aux changements. Cette « philosophie de l’agilité » repose sur l’activation de leviers à la fois rationnels et mais aussi relationnels et intuitifs. Cette équation de l’agilité comportementale peut se résumer de la façon suivante : Mode agile = Anticipation + Coopération + Innovation. • Anticipation : prévoir + planifier + intégrer des scénarios alternatifs et considérer les conséquences de ses décisions et actes, • Coopération : travailler ensemble (interne et externe) avec fluidité pour une satisfaction réciproque et une finalité commune, • Innovation : Etre ouvert aux idées nouvelles et bouger à bon escient juste ce qu’il faut. En résumé et conclusion, être en mode agile, au-delà des techniques et outils, c’est avant tout être en situation de penser l’organisation et analyser les relations afin de les rendre fluides et efficaces en fonction du sens partagé. Avec ce partage du sens, les équipes et leurs managers peuvent ainsi se mobiliser de manière efficace et coordonnée grâce à ces postures d’anticipation, de coopération et d’innovation.

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Jean-Yves DUYCK, Professeur émérite, Université de la Rochelle En ces temps d’environnement complexe, incertain et turbulent, l’entreprise se doit d’être agile (1). Pourtant, seul le lapin était agile, les danseurs et les gymnastes aussi, certaines grenouilles sont agiles (dites aussi pisseuses), les Gilles étaient bruxellois, mais pas forcément agiles vu les costumes qu’ils portent. L’entreprise peut-elle être aussi agile ? Ou bien habile ? Ou encore les deux à la fois. L’entité firme peut-elle se comporter comme un humain et la métaphore est-elle adaptée ? En tout cas, elle est souvent adoptée. Intelligente, réactive, souple, amoureuse (pour le travail), agile aussi pour « coacher » une équipe et pour les développements informatiques, elle n’est encore pas leste, mais on ne l’envisage ni gauche, ni lente, ni lourde. La métaphore corporelle et/ou spirituelle est à l’évidence à la mode. Cette courte réflexion montre avant tout que le terme fait l’objet d’un engouement qui ne signifie pas forcément une innovation. La racine grecque elaphros associe agile avec rapide, et légèreté. N’y aurait-il pas là un abus de langage ? Et l’agilité tient-elle autant ses promesses que cela ? Car à y regarder de près, jamais le PIB par heure travaillée n’a été aussi élevé en France et même supérieur à l’Allemagne, les coûts unitaires de main d’œuvre identiques à ceux de notre voisin (OCDE, 2015). Pour autant le suicide apparait en France comme une des premières causes de mortalité au travail (INRS, 2015) parfois qualifiées avec cynisme de « mode » par ses dirigeants (Horn et Tarnero, Les Temps Modernes, n°656, 2009) et près de 22 % des salariés se déclarent subir un comportement hostile dans ce cadre (Dares, Analyses, juin 2014, n°44). Y-a-t-il alors autant de légèreté et d’agilité que cela ? 114 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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L’entreprise agile : de la métaphore corporelle à la métaphore spirituelle


L’usage régulier voire excessif de ce terme ne constitue-t-il pas une simple incantation, un credo idéologique, un hymne à la légèreté qui reste à démontrer. Car au fond, c’est moins le mot lui-même qui apparait important (agile, habile, leste, etc.) que sa sacralisation, qui, symboliquement permet une renaissance (celle des valeurs de l’entreprise), et aussi d’installer l’organisation autour d’un nouveau rituel, lui-même représentatif d’un acte de foi, ou, si l’on préfère d’une forme de cosmogonie (Eliade, Le sacré et le profane, 1965, Folio). 1 Agile : qui manifeste de la promptitude et de l’aisance dans ses mouvements (Trésor de la langue française informatisé, CNRS).

L’entreprise apprenante comme mode de « développement agile » Corinne FORASACCO, Fondatrice d’Alma Alter Consulting, Coach et Enseignant Chercheur

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L’ondulation salvatrice Jean-Michel GARRIGUES, DRH, BLB associés Un ouragan arrache du sol l’entreprise – chêne, imputrescible, puissante, structurée, quand l’entreprise – roseau plie, joue, souffre, mais ne rompt point. Métaphore parfaite d’une contrainte nouvelle : ou tu t’adaptes, ou tu meurs. L’entreprise pérenne ne peut être un dinosaure ou un toltèque, dont les espèces ou les civilisations ont disparu faute d’adaptation à de nouveaux contextes. Voici peu, encore, seuls des prospectivistes fantasques auraient imaginé des systèmes d’information ouverts, des réseaux sociaux internes, des modes d’organisation de travail distants, ou décalés, des structures de projets spontanées, autonomes, en coopération compétitive, et pointe déjà l’exercice partagé, alternatif et simultané du leadership dans une même équipe. Pourtant, non seulement le mouvement est immuable, mais il est aussi irréversible. Aucune entreprise n’aura le choix, les grands groupes s’en trouvent déjà impactés, et leur environnement économique suit le mouvement, y compris les PME sous-traitantes ou partenaires de projets. Ainsi, l’urgence du moment est de tenter d’appréhender les enjeux du big data pour les ressources humaines : on recrute des visibilités (réseaux sociaux, conférences, publications), on se forme tout le temps et partout, on mouline des données pour optimiser cet intarissable flux d’informations, on crée des reportings en temps réel, des prévisions constamment réajustées. Et que prévoir pour demain, puisque 90 % des données mondiales n’existaient pas voici deux ans seulement ?… © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 115

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Sont associés à la transformation des organisations, des enjeux forts de renforcement à la fois de la compétence et de l’engagement des collaborateurs. Seule une action de transformation continue des personnes peut apporter une réelle capacité d’adaptation et de changement agile. L’entreprise se positionne ainsi comme le creuset d’un nouveau mode de « développement agile ». Une impérative évolution des objectifs des structures de développement du talent : Nourris des théories des organisations apprenantes, se développent les « Learning & Development ». Se distinguant de lieux de formation traditionnels, ils se donnent le challenge plus ambitieux de mobiliser savoir, savoir-faire et savoir être des collaborateurs voire de l’ensemble des parties prenantes de l’entreprise pour non seulement produire de l’excellence opérationnelle mais aussi donner du sens et mettre en mouvement permanent ces mêmes organisations. Leur action vise à couvrir le plus grand nombre et à produire un effet de levier s’adressant aux personnes comme aux structures. Une traduction en termes de modalités pédagogiques : Une nécessaire réactivité trouve une première réponse dans l’intégration de la formation multimodale. Celle-ci est une tendance lourde cheminant selon des formes et rythmes variés au sein des entreprises. Se dessine aussi d’ores et déjà au sein de grands groupes internationaux le « 70/20/10 »: 70 % de l’apprentissage issus de challenges professionnels, 20 % de « social Learning » c’est-à-dire produit des d’interactions avec son manager et ses pairs, au sein de communautés, et 10 % d’apprentissages formels. Pour plus d’agilité, la formation n’est plus une succession d’évènements mais un process continu de découvertes, échanges, entraînement, expérimentations dans le cadre opérationnel associé à une réflexion sur les changements comportementaux. Emergent ainsi des « learningscapes » écosystèmes dans lequel les acteurs de l’entreprise se rencontrent, partagent, résolvent des problèmes, conceptualisent et formalisent des bonnes pratiques, apprennent, enseignent, servent leurs clients, innovant et formant des communautés d’intérêts au-delà même de l’organisation. Au cœur de ces nouvelles approches, l’apport du digital s’affirme comme facilitateur d’organisations plus intelligentes et agiles.


REGARDS CROISÉS

L’agilité des organisations et des systèmes d’information : une affaire de personnes !

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Pour faire face aux mutations des marchés, le mode command and control ne fonctionne plus. Le secteur de l’assurance n’échappe pas à cette tendance avec l’irruption du digital et le renforcement des exigences du client. Une partie de la bataille se joue actuellement sur le terrain des systèmes d’information. Technologies et usages sont désormais largement intriqués, si bien que la capacité à combiner les deux pour développer rapidement de nouveaux services et parvenir au fameux « enchantement » du client devient critique. Pour les Directions des Systèmes d’Information (DSI), cela représente un sérieux défi pour être au rendez-vous des exigences des utilisateurs et de la vitesse d’innovation et d’exécution que cela requiert. A l’instar de l’organisation pyramidale, la gestion de projet classique montre ses limites. C’est une des raisons qui a conduit en 2001 à l’émergence aux méthodes dite agiles qui se sont constituées en réaction pour aborder différemment le développement de logiciels. Elles ont connu ensuite un vif engouement et ont été adoptées par la plupart des DSI des grands groupes notamment ceux des services financiers. Malgré leur succès, ces méthodes n’ont pas véritablement remplacé les méthodes classiques et ne constitue pas encore un paradigme alternatif. Expérimentées par de nombreuses grandes organisations, ces applications ont encore une portée limitée et les résultats obtenus ne se sont pas montrés suffisamment convaincants pour que leur usage se généralise. Pourquoi cette situation au moment où le thème de l’agilité est devenu omniprésent dans les stratégies des DSI ? Une des hypothèses que nous proposons est la même qui expliquerait pourquoi l’adoption de démarche Lean reste souvent limitées : une application mécanique, court-termiste et financière ne voyant pas que la véritable transformation n’est pas dans les méthodes, les outils, les processus mais avant tout dans les personnes et l’état d’esprit. A l’instar du fameux Toyota Production System (et de son inspirateur l’ingénieur Taichi Ohno), il est essentiel de revenir aux intentions des fondateurs du « Manifeste pour le développement Agile de logiciels » qui affirmaient : « Les individus et leurs interactions plus que les processus et les outils, des logiciels opérationnels plus qu’une documentation exhaustive, la collaboration avec les clients plus que la négociation contractuelle, L’adaptation au changement plus que le suivi d’un plan ». Chez Covea, nous partageons une même conviction en mettant la qualité relationnelle et l’engagement des personnes, des équipes, y compris avec nos clients sociétaires, comme une des composantes clefs de l’agilité. Notre hypothèse, c’est que l’innovation ne doit pas être seulement technologique mais également managériale, même si elle est plus complexe à mettre en œuvre. Il nous a été permis d’investir depuis plusieurs années dans des démarches comme le codéveloppement, l’amélioration continue apprenante, les démarches collaborative,... qui poursuivent une visée commune qui est de contribuer à développer la capacité à apprendre à apprendre au service de l’agilité et l’ouverture. En clair, nous estimons que la principale ressource est la personne, avec sa souplesse, sa capacité d’apprentissage et de remise en cause. Songeons à une équipe de football : son agilité, c’est sa capacité à faire face en permanence aux situations du match et à renouveler en permanence son style de jeu individuel et collectif. L’agilité se travaille et se développe individuellement chez chaque joueur. Mais, de cette réunion d’individualités émerge une propriété collective qui dès lors échappe à chacun d’eux. Aussi, pour développer l’agilité collective, est-il nécessaire que chacune de ses composantes admette d’apprendre en acceptant de lâcher la pleine maîtrise sur le tout. L’agilité est avant tout une histoire de transformation identitaire.

Risque et agilité Bernard GUILLON, Université de Pau et des pays de l’Adour, cofondateur et administrateur du colloque francophone sur le risque ORIANE Comme l’avait déjà montré Chalus-Sauvannet (2007) lorsqu’elle avait plaidé pour l’intégration des principes de vigilance en vue de contenir le risque, la notion d’agilité a été récemment reprise, notamment par Duizabo (2014) en vue de définir le rapport entre la veille agile et le risque concurrentiel. Rien d’étonnant à ce qu’on la retrouve dans le domaine de l’entrepreneuriat (toujours en 2014) à la suite de travaux intéressants sur le comportement organisationnel (2011). Plus généralement l’étude du risque a permis de mettre en valeur la réactivité liée au concept d’agilité et ses conséquences sur le comportement organisationnel : à l’exemple du travail de Raytcheva et de Tournois (2008) portant sur les anticipations et les scénarios envisageables dans le secteur bancaire, de Hetet et de Moutot (2012) à propos des réactions 116 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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Alexandre GUILLARD, Direction du développement de l’intelligence collective COVEA


mais aussi des anticipations des consommateurs lorsque se produit ou peut être envisagé une innovation (innovation produit ou innovation de services), de Baret (2011) sur les objectifs choisis en matière de modération des risques environnementaux et donc d’anticipation des problèmes écologiques, sans oublier Belet et Schäfer (2014) concernant les manières de favoriser la compréhension pour ne pas dire la pédagogie des risques en se fondant sur les interrelations avec la RSE au sein d’objectifs spécifiques à la formation. Baret P. (2011), « Implémenter une stratégie de gestion des risques environnementaux », Revue français de gestion industrielle, vol. 30, n° 2, p. 17-30. Belet D. & Schäfer P. (2014), « Favoriser la démarche de RSE dans les PME par une pédagogie des risques et des opportunités », Cognitiques, n° 14, p. 23-42. Chalus-Sauvanet M.C. (2007), « Amélioration de la gestion des risques par l?intégration de la vigilance dans le système décisionnel », dans Guillon B. (dir.), Risque : formalisations et applications pour les organisations, Paris, L’Harmattan, coll. Recherche en gestion. Duizabo M. (2014), « Contenir le risque concurrentiel avec une veille agile », Documentaliste-Sciences de l’Information, vol. 51, n° 3, p. 57. Hetet B. & Moutot J.P. (2012), « Le risque de l’implicite sur l’acceptation d’une innovation et sur l’attitude envers la marque : une recherche exploratoire », Management et avenir, n° 57, novembre, p. 177-194. Raytcheva S. & Tournois N. (2008), « L’impact des attitudes individuelles à l’égard du risque sur le comportement des banquiers français et bulgares », Management et sciences sociales, n° 5.

Le mode Agile, ou le développement de capacités organisationnelles à l’intersection du changement durable et des approches expérientielles et collaboratives

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Deux grandes tendances se sont bien installées à travers les différents domaines de la gestion et du management. Le développement durable devient intrinsèque à la réflexion stratégique suite aux constats quant à l’épuisement ou au non-renouvellement des ressources. L’effet de présence et l’ « expérience optimale » (Csikszentmihalyi, 2004) s’insèrent au cœur des interventions tactiques d’apprentissage, d’innovation et de marketing par les approches expérientielles. Sommes-nous enfin mûrs pour une perspective durable de la conduite des changements ? Où la conduite des projets place l’expérience et le présent au sein de modalités managériales expérientielle et présentielles, où le changé apprend et évolue dans un état d’agent quant à l’objet de changement ? Le mode agile s’impose non seulement comme une nouvelle innovation managériale dans nos marchés, mais comme une réponse adaptative des systèmes qui doivent toujours devenir plus efficients dans un contexte d’épuisement des ressources. Un saut important est perceptible dans l’actualisation tant attendue des modes de conduite des changements. La promesse d’efficience demeure la même au fil des évolutions, mais les moyens rassemblés sont plus complexes et systémiques afin de répondre à des environnements qui le sont tout autant. La planification des changements devient moins théorique, mais co-construite. L’intelligence collective est enfin identifiée comme une ressource majeure à la performance, et les techniques nécessaires sont disponibles à son essor. Le mode collaboratif, l’apprentissage expérientiel et les technologies digitales s’allient dans une optique de développement de capacités à changer durables et collectives.

Sautez et faites sauter les murs des rigidités ! Michel JORAS, Enseignant-chercheur HDR, vice-Président de l’Académie de l’Ethique et de l’IAS Mon premier regard est celui d’un témoin vivant de l’inutilité prétentieuse de la ligne Maginot (j’avais 10 ans) du mur de l’Atlantique, du mur de Berlin et des murs Schengen, contournés ou détruits par l’agilité de leurs opposants. Mon deuxième regard est celui d’un cadre dynamique des « trente glorieuses » © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 117

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Kevin J. JOHNSON, Professeur, HEC Montréal


REGARDS CROISÉS

témoin de l’effondrement des systèmes barbares du XXe siècle (nazisme, soviétique, mao, colonialisme..), de l’affadissement des institutions post-démocratiques (Etat, églises, syndicats, partis…) et l’épuisement des vieilles industries (textiles, métallurgie..). Mon troisième regard est celui, depuis 1990 d’un enseignant universitaire qui constate avec étonnement que les injonctions d’une GRH axée sur l’Etat providence, les exigences du développement durable, de la RSE, d’une éthique de l’intégrité, butent sur les murs et plafonds du vieux monde… Le croisement de ces trois regards m’amène à reconnaître qu’une nouvelle génération de WEB entrepreneurs( Google, Amazon, Microsoft, Uber…) et de jeunes greek/ start up, hors du champ de la vielle économie et fort de l’unité des temps et espaces, construit les fondations d’un système cybermonde encore « volatile, incertain, complexe , ambiguë » aux yeux des rigides conservateurs et intégristes, mais promesse espérée d’une Croissance inclusive (OCDE 2014) et d’une écologie intégrale (François, juin 15), fruit de l’indispensable INTELLIGENCE AGILE de la communauté humaine…

De l’entreprise pachydermique à l’entreprise agile Hubert LANDIER, Ph. D. Professeur associé, PROPEDIA, Groupe IGS

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Manager agile pour changer ensemble Jean-Pierre LE CAM, Directeur du centre de compétences management de projet et conduite du changement Le mode agile rompt avec les modes traditionnels d’animation des équipes ou des projets. La gestion traditionnelle du cycle du changement par les méthodes dites prédictives, en « V », ou « instrumentées », ont constitué des modalités éprouvées de déploiement du changement. Mais elle bénéficiait d’un écosystème relativement « simple » et « rodé » en terme de changement : contexte concurrentiel balisé, stratégies produit/process/SI construites « en central », déploiement « local » au sein d’organisations stables, culture « maison » forte et assez homogène. La « donne » a complètement changé dans un monde devenu complexe, ouvert à de nouveaux concurrents, de nouveaux outils digitaux disruptifs, et de nouvelles cultures générationnelles ou géographiques. Le mode agile permet de faire travailler ensemble le local et le central, les différentes cultures, à la fois sur la mise en œuvre du changement et sur l’objet du changement lui-même. Comme cela est fait à la Société Générale, la démarche peut s’appuyer sur des ateliers participatifs digitaux (« eWorkshops ») afin de faire « vivre le changement », de faciliter un management participatif, agile et digital. En mettant le management dans une situation de co-construction avec les équipes, le mode agile répond à une aspiration très forte des collaborateurs, ce qui explique son développement rapide. Il permet une adhésion forte, ce qui en fait un levier performant de changement durable. 118 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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Je ne sais pas ce que c’est qu’une « entreprise agile ». Je suppose qu’il s’agit d’une entreprise capable de réagir rapidement et efficacement à l’évolution de son environnement économique, commercial et technologique. L’idée d’agilité évoque la nécessité, pour certaines grandes entreprises, de mettre fin à leurs lourdeurs bureaucratiques. Prenons un exemple. Un physicien connu conçoit l’idée de mettre dans une même boîte (une « box », en anglais) un décodeur, un modem et plusieurs autres ingrédients dont je ne me souviens plus afin de faciliter à l’utilisateur sa connexion Internet. Il présente sa box à l’opérateur des télécoms leader sur le marché. On l’envoie balader. Aucun intérêt. Il faudra que l’entreprise concurrente s’y mette pour qu’on s’intéresse enfin, et en urgence, à son invention. Voilà ce que c’est que d’être dépourvu d’agilité. Pourquoi le petit mammifère agile l’a-t-il emporté naguère sur le lourd diplodocus ? Parce que c’est un animal à sang chaud, capable d’agir (vite) quand l’autre a tendance à s’engourdir. Parce que son métabolisme lui permet de se déplacer le soir et la nuit. Et parce que la vision binoculaire lui permet alors de mieux voir dans la pénombre. Dans un environnement incertain, imprévisible et en rapide changement, l’entreprise a besoin de nyctalopes, de circuits de décision courts et d’une valorisation de la prise de risque à tous les niveaux.


Les voies de la confiance et de la reconnaissance pour réellement favoriser l’agilité Nathalie MONTARGOT, Professeur associé, Groupe Sup de Co La Rochelle (France), LR-ReM Le mode agile, porté par un usage intensif des nouvelles technologies, est intervenu au début des années 90 dans un contexte économique hétérogène et turbulent. Depuis, la recherche d’innovation permanente, le travail en mode projet et une motivation rationnelle des Ressources Humaines s’éloignant à marche forcée du modèle taylorien. Il serait toutefois illusoire de croire que l’agilité se décrète, vient d’en haut et s’inscrit sans heurt à la suite d’un modèle rationaliste vieillissant. Deux écueils me semblent tout particulièrement à éviter. Tout d’abord si l’agilité permet de générer de la richesse et d’utiliser au mieux les compétences individuelles et collectives, il faut tenir compte du phénomène classique résistance au changement. Comment des hiérarchies existantes fondées encore sur un modèle top-down peuvent-elles favoriser l’agilité si elles-mêmes se sentent en danger ? De plus, le rapport à l’espace et au temps s’étant radicalement modifié, les travailleurs s’ils sont hyper-connectés et informés (ou surinformés) en temps réel dans leur vie privée se trouvent souvent confrontés à un cloisonnement informationnel de la part des hiérarchies. Or, le partage d’information est une richesse qu’il convient de faire émerger et développer. En conséquence, un encadrement, en position de « marginalsécant » doit pouvoir sans crainte jouer le jeu de l’agilité. De nouvelles pratiques de collaboration et de communication, fondées sur la confiance et la reconnaissance, sont me semble-t-il encore à trouver.

Le management agile, une obligation de survie

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Le management agile est en passe de devenir une obligation de survie pour les entreprises. Il y a encore quelques années, le débat entre management directif et participatif faisait rage ; ce débat est largement révolu. Les organisations doivent modifier structurellement leurs modalités managériales pour aller vers davantage de participatif et d’agilité, faute de quoi, elles sont condamnées pour au moins 2 raisons exogènes. La première menace qui place sur les entreprises et les oblige à modifier leurs modes de management est celle de l’hyper volatilité du business. Jamais la capacité à prédire l’avenir n’a été aussi faible pour les entreprises ; les défaillances de clients ou de fournisseurs sont omniprésentes ; les ruptures d’habitude des clients sont toujours plus fréquentes. Chaque jour des pans entiers de la déjà ancienne économie basculent sous la force de ce qu’on appelle aujourd’hui l’uberisation de l’économie, c’est à dire un mélange de bascule de la propriété vers l’usage et de plateformes de service permettant un partage et une capacité quasi-infinie, de manière quasi instantanée. Or, qui capte le mieux ces nouvelles tendances ? C’est sans aucun doute au plus près du client, sur le terrain que ces signaux faibles doivent être captés, là-même où l’on ne prend plus le temps d’aller questionner les gens… La seconde, largement liée, est celle de la maîtrise de la compétence digitale, qui loin d’être centralisée, est particulièrement éparse dans l’entreprise et souvent au bas de l’échelle. Seul moyen alors pour capter la valeur de ces compétences : les écouter… Le management participatif n’est plus un choix, il est devenu une obligation pour libérer la parole à tous les niveaux de l’entreprise et permettre l’agilité… L’adaptation organisationnelle et managériale suivra alors naturellement. L’agilité managériale sera alors réalité.

Les métaphores de l’organisation agile Yvon PESQUEUX, Professeur titulaire de la Chaire “ Développement des Systèmes d’Organisation ” du CNAM La question de l’organisation agile s’inscrit d’abord avant tout dans la série des métaphores sympathiques. Comme métaphore, elle pose la question de son contenu : - En quoi une organisation pourraitelle être agile et donc en quoi cette métaphore se différencie-t-elle de ses « sœurs »: l’organisation flexible, l’organisation réactive et, plus généralement, d’un modèle organisationnel du changement ? Au regard de ces trois références, il est quand même difficile d’établir clairement une distinction entre la métaphore de l’agilité et les éléments qui viennent d’être rappelés, un modèle du changement organisationnel possédant d’ailleurs une solidité mise à l’épreuve depuis plusieurs décennies. © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 119

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Jean-Michel MOUTOT, Professeur à Audencia, titulaire de la chaire ERDF


REGARDS CROISÉS

L’agilité ne tiendrait alors que d’un point de vue rhétorique et surtout chronologique dans la mesure où elle apparaît après les deux premières. - D’un point de vue chronologique, l’agilité peut-elle être considérée comme le signe du développement d’une organisation digitale et, à ce titre, la métaphore recouvrirait l’idée d’une intégration des possibilités ouvertes par l’usage contemporain des TIC comme généralisation des différentes modalités du « e » (e-commerce, e-GRH, e-organisation, etc.), prélude d’un mode d’organisation alors. - S’agit d’une reconfiguration du management de projet venant fusionner management DE projet et management PAR projet à l’âge des TIC ? Et cette intégration des deux versants du management de projet peut-il alors être considéré comme une innovation organisationnelle ? - L’agilité peut-elle enfin être considérée comme une métaphore de l’indéfinissable « performance durable », justement parce que cette notion est indéfinissable. Il s’agirait alors d’une sorte de glissement conceptuel dont la solidité dans le temps devra être mise à l’épreuve en ouvrant la question de son fondement non pas comme UN mode organisationnel mais comme UNE mode organisationnelle (comme il y en a eu tant d’autres !).

Agilité : mode, tendance ou réalité ? Vincent PINLOCHE, Manager Accompagnateur, ESSEC MA Agilité, un mot qui fleure bon dans le monde des entreprises. En d’autres termes, comment rendre souple un corps constitué qui répond à des normes, à une organisation existante ? Lorsque je suis une start-up, la notion de « test & learn » est dans son ADN. Lorsque je suis une entreprise sortant du monde de l’industrie (cycle long de production) et qui rentre de plain-pied dans l’univers du service, dans l’excellence au service rendu, je me dois d’inventer une nouvelle manière de réfléchir, d’agir, de vivre pour satisfaire le client tout en étant innovant, voire « immovant » comme le dirait Jérôme Barthelemy. Mais ce mot « agilité », est-il si récent, Jack Welch, ex-président de G.E. ordonnait à l’ensemble des collaborateurs l’impérieuse et absolue nécessité d’une réelle libre circulation des idées intra et interentreprises. Cette libre circulation aura un effet extrêmement positif sur la performance de cette entreprise. Ou l’agilité est-elle liée à un profil dit « Agile » créé par Jérôme Barrand qui lie trois principes fondamentaux : anticipation, coopération et innovation. Qu’importe les tendances, les modes ou les concepts, l’entreprise doit répondre aux besoins de ses clients, mettre en place une stratégie sociale ad hoc pour que ses collaborateurs vivent dans un climat social serein afin de faire émerger une envie individuelle et collective pour développer une qualité de la performance.

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Pierre PIRE-LECHALARD, Enseignant-chercheur, ESC Clermont et Delphine VAN HOOREBEKE, MCF HDR, IAE de Toulon La crise si elle a eu une qualité, c’est celle d’avoir révélé des organisations aux rouages grippés et en total décalage avec leur marché. Face à la complexité et au mouvement perpétuel de l’environnement qu’il soit économique ou naturel, face au paradoxe de l’avènement de l’individualisme libéral et d’un besoin d’interdépendance toujours plus vivant, les organisations et leur membres, managers et collaborateurs, se trouvent dépourvus et imprégnés d’une incertitude pesante. Les structures organisationnelles héritées de la fin du XIXe siècle et des Trente glorieuses, milles fois revisitées, se fissurent de toutes parts, se fracassent sur le mur d’une nouvelle réalité, d’un monde en constante instabilité. Aussi, les organisations du XXIe siècle doivent se munire de nouveaux modèles tels que celui de l’ « Agilité » avancé par Goldman, Preiss, Nagel et Dove dès 1991 auprès du congrès états-unien. Il s’agit d’un modèle qui a pour objectif la reconfiguration permanente, l’innovation ordinaire constante et rapide, et qui s’appuie sur l’intelligence de tous (du bas de la pyramide à la haute sphère managériale) et sur le travail participatif et collaboratif pour y parvenir. C’est un modèle dominé par la flexibilité, la simplicité et la réactivité (voir la proactivité) et qui permet l’épanouissement d’une structure organisationnelle allégée. Mais n’allons pas croire qu’il existe un ideal-type Weberien, une configuration clé en main de l’organisation ou du management agile ! Il y a avant tout un état d’esprit « agile » à adopter, éclairant le manager en direction de la réinvention du travail et de l’entreprise. Si depuis plus de 20 ans, l’agilité organisationnelle intéresse les chercheurs et praticiens en management et gestion, il n’en demeure pas moins, que bien des questions restent en suspend et offrent un large éventail d’investigations. 120 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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L’agilité, une question de principe


Quand le management devient Manag-il-ement ! Patrick PLEIN, Directeur digital working et Academy VINCI chez VINCI Nous vivons une révolution : l’explosion des technologies et l’évolution de nos comportements bouleversent considérablement et durablement nos environnements professionnels, avec une rapidité impressionnante, transformant par ailleurs en profondeur nos façons de travailler. Dans ce contexte, le mode agile devient le facteur clé de succès. Orienté prioritairement autour de la satisfaction du besoin, il se caractérise par la simplicité, la réactivité, l’adaptation permanente et l’amélioration continue, la construction de la solution par itération successive. Conséquence : la révolution devient managériale. Tous les fondamentaux traditionnels sont remis en cause. Travailler en mode agile implique en effet un mode de management basé sur la maximisation des interrelations entre les membres d’une équipe afin de développer la capacité collective de celle-ci. Créer les conditions de l’agilité des esprits, c’est-à-dire impulser une culture du changement, pousser à l’autonomie, motiver, faciliter, faire confiance, voilà ce qui va être désormais demandé au manager. Ainsi, il ne devient plus responsable de l’organisation et de l’affectation des activités pour atteindre un objectif mais des conditions de création de l’efficacité collective de son équipe. Le vrai manager de demain est celui qu’on ne verra pas, ce sont le niveau de savoir-faire et de qualité relationnelle de son équipe qui sera la véritable mesure de sa performance managériale.

Le mode agile est en fait pour une grande part la traduction du Lean Management dans la gestion de projets

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En ce sens, on pourrait penser qu’il ne constitue pas une innovation majeure. Mais il porte aussi un message et un principe clef, à savoir de mettre au centre l’utilisateur, les relations, et plus globalement l’humain. De ce point de vue, le mode agile est une innovation, surtout dans les grandes entreprises, qui avaient pour la plupart mis le Lean management au goût des organisations hiérarchiques et pyramidales, et oublié largement dans leur déploiement le sujet des postures managériales et de l’humain, se centrant avant tout sur les outils. Le mode agile, enfin, privilégie la recherche de l’intelligence collective, en rassemblant des populations de profils et de compétences différents sur un même objectif. Par ailleurs, l’accompagnement du changement agile a trouvé également des traductions très innovantes dans le monde de l’entreprise. Aujourd’hui, en effet, le coaching d’organisation est une réponse particulièrement cohérente à la gestion de projets en mode agile. Combinant à plusieurs niveaux d’une même entité du coaching collectif, du coaching d’équipe, du codéveloppement ou du coaching individuel, il porte dans ses fondements les principes du mode agile : utilisateur au centre (ceux qui bénéficient du coaching, ceux qui font, sont ceux qui savent le mieux quelles solutions leur conviennent), logique essai-erreur (le test et l’expérimentation par petits pas propres au coaching et démultipliés dans le cadre d’un coaching d’organisation), etc. Tous ces éléments favorisent l’engagement des salariés, et l’expérimentation de ces nouvelles méthodes montrent d’ailleurs de ce point de vue des résultats intéressants. Nous rappelant simplement que lorsque l’on se donne les moyens d’aller chercher l’énergie de 10 personnes, elle sera toujours plus impactante que celle, même très volontariste, d’une seule personne manageant ces 10 autres mais se privant de leur envie et de leur créativité.

Le cercle vertueux du processus de décision agile Hervé SAINT-AUBERT, Associé Coaching et Consulting international Le mode agile en gestion des transformations se concrétise notamment par un processus de décision itératif positionné au plus proche des problèmes et des acteurs concernés. Dans la complexité et les incertitudes, la capacité à prendre des décisions rapidement, dont les conséquences en réalité éclairent cette complexité, est une bonne pratique. La condition de réussite est de savoir adapter, modifier la décision quand cela est nécessaire au regard des changements qu’elle provoque. C’est également d’accepter le droit à l‘erreur comme faisant partie intégrante du processus. A titre d’exemple, dans une transformation, une décision d’investissement sera structurée en plusieurs phases avec des étapes de © Éditions EMS

Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 121

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Peggy LOUPPE, Directrice Transformation Digitale Interne - Performance Métiers et Expérience Collaborateur, SNCF


REGARDS CROISÉS

« stop or adapt » en fonction de l’évolution des marchés et du positionnement des concurrents. In fine le montant de l’investissement pourra être plus élevé par rapport à l’approche classique mais la capacité d’adaptation permettra un meilleur retour sur investissement. La gestion des risques sera en effet mieux maîtrisée. Cette approche a d’ailleurs inspiré le lean start up dans la conception des offres. L’imprévisibilité de l’environnement ne permet plus la prise de décision du type technocratique, c’est à dire totalement analysée et top down. Le principe de décision itératif est un processus clé qui crée de la performance. Ainsi le droit à l’erreur n’est plus seulement un principe humaniste mais une vraie source de création de valeur. Les entreprises qui refusent ce principe créent de l’inertie et vont à l’encontre du mode agile.

Au 21e siècle, l’entreprise sera agile ou ne sera plus Xavier SAVIGNY, Executive Vice President - Group Human Resources, Bureau VERITAS 100 ans. Bien peu d’entreprises ont atteint cet âge vénérable. Toutes ont survécu aux mutations majeures du siècle dernier, qui a abouti à la société de consommation mondialisée que nous connaissons. Sans prétendre à l’exhaustivité, gageons qu’au cours de cette période toutes ces entreprises ont changé, et à plusieurs reprises, de géographie, de marché, d’organisation et /ou d’activité…Qu’en sera-t-il au 21e siècle ? Nous vivons une accélération technologique sans précédent associée à une réduction drastique de la prédictibilité. D’ores et déjà, des grands noms de la fin du 20e siècle ont disparu et la liste des victimes s’allonge rapidement. Dans ces conditions, l’agilité, « définie comme la capacité d’une organisation à mettre en œuvre des ajustements rapides et efficaces dans un environnement dynamique sans pour autant procéder à des changements intenses et déstabilisants » prend alors tout son sens. Les plus que centenaires en sont la preuve. Comment changer sans changer ? Tel est l’apparent paradoxe auquel l’entreprise est confrontée. Les entreprises agiles y répondent par une gouvernance visionnaire, par une culture d’entreprise forte et par l’empowerment de leurs salariés. Elles sont tout à la fois capables de donner le cap et le plan de vol précis comme le font les plans stratégiques les mieux élaborés tout en ajustant ce plan de vol en permanence en fonction des conditions météorologiques. L’essentiel n’est-il pas d’arriver ? Au regard des bouleversements climatiques à venir, vous en conclurez comme moi qu’au 21e siècle, l’entreprise sera agile ou ne sera plus.

Dans un monde du travail agile, quelle peut être la place de la gestion prévisionnelle des compétences ?

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Dans un monde du travail devenu par nécessité plus agile, voire labile, quelle peut être la place de la gestion prévisionnelle des compétences ? Uberisation galopante de l’économie, mondialisation, développement du numérique, accélération des fonctionnements par chantiers/projets/produits… : le contrat de travail « classique » comme le management et la relation hiérarchique traditionnelle tendent à s’affaiblir (au Royaume Uni, le statut de free-lance commence à devenir majoritaire), au profit de CDD ou de contrats de prestations qui assurent plus de souplesse pour les employeurs, et appellent plus d’agilité de la part des travailleurs. Dans un rythme de travail fait d’accélération des processus et d’extension des chantiers et projets éphémères, quelle peut être la place et l’efficacité d’une gestion prévisionnelle des compétences ? La question est d’autant plus sensible quand on regarde l’exemple de l’Etat et de son Ministère de la Culture : aujourd’hui, le placard, obscur placard pourtant le plus médiatisé de France, où se morfond l’ancienne présidente de l’INA, révoquée pour les motifs que l’on connaît, est précisément étiqueté « gestion prévisionnelle des emplois et compétences ». On peut s’interroger sur l’importance qu’accorde ce ministère à cet enjeu crucial pour la compétitivité de demain et le développement des personnes. Surtout lorsque l’on sait que c’est précisément le Ministère de la Culture qui a aussi en charge les quelques 110 000 intermittents du spectacle, un mode de travail devenu préfigurant… A un moment où les prospectivistes, dont Jacques Attali, prévoient pour demain un fonctionnement et un statut croissant d’« intermittents du travail », il y a urgence à repenser profondément la gestion prévisionnelle des compétences, pour ne pas laisser les individus et les organisations jouer leur avenir à la loterie, ou au seul flair ! 122 / Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015

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Anne-Marie de VAIVRE, associée TITANE ITC WS, Vice-Présidente de l’IAS, Fondatrice du Cercle Entreprises et Santé


Le mode agile : entre ordre et désordre Zahir YANAT, Professeur Senior HDR à KEDGE B S, Président d’honneur de l’IAS

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Question(s) de Management ? / N°10 / Septembre 2015 / 123

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L’interrogation sur « le mode agile » est constitutive de la sociologie du lien social, des rapports sociaux et du management. Notre comportement au quotidien ne peut pas faire l’économie des contraintes de l’environnement quand bien même ces contraintes pourraient être transformées en opportunités. En sociologie Emile Durkheim posait déjà la question de savoir « comment se fait-il que tout en devenant plus autonome, l’individu dépend plus étroitement de la société ? ». En management le concept de la régulation et de l’ordre rend bien compte du rapport de dépendance dans lequel l’individu se situe. Ce qui fut nommé l’organisation scientifique du travail avait pour objectif l’efficacité de l’entreprise définie comme « la somme des performances individuelles ». Aujourd’hui, l’organisation adhocratique permet à l’individu de satisfaire à un besoin de créativité et d’innovation. Dans ce contexte, une politique d’employabilité permettrait au salarié une mobilité géographique ou fonctionnelle susceptible de favoriser des parcours professionnels adaptés. Cet exemple nous montre que le droit du travail, outil de l’ordre, peut aussi être outil de gestion flexible lorsqu’il offre l’opportunité au salarié de construire son projet personnel et à l’employeur d’atteindre ses objectifs de performance collectives durables. Cet exemple nous permettrait aisément de définir le mode agile comme une circulation entre l’ordre et le désordre, pour parler comme Edgar Morin et à proposer, sans avoir à les vérifier ici, deux hypothèses : - Adopter et vivre d’un point de vue opérationnel une démarche humaniste dans le monde normatif de la gestion du travail en entreprise, particulièrement en temps de crise. - Concilier, d’un point de vue épistémologique, approche fonctionnaliste et approche compréhensive.


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