N° 22
Les fascicules
Comment accompagner ensemble la jeunesse à être actrice d'un développement humain et solidaire ? Synthèse des 5èmes Rencontres Internationales de l'éducation citoyenne
Zagora (Maroc) - 29 octobre au 3 novembre 2012
Ouvrage Collectif, sous la direction d'Anouk Renaud
Prix : 5 euros 1
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Remerciements Nous remercions vivement la Fondation de France, la Communauté d’agglomération de Saint Quentin en Yvelines (CASQY), la Fondation Beija Flor et l’Office Franco-Québécois pour la jeunesse (OFQJ) pour leurs soutiens et leurs encouragements dans l’organisation et la tenue des cinquièmes Rencontres Internationales de l’Éducation Citoyenne. Nous remercions notre partenaire le Réseau associatif de développement et de citoyenneté de Zagora (RADEC), co-organisateur de l’événement ainsi que leurs partenaires spécifiques comme la Ville de Zagora et la Province de la Vallée du Drâa. Nous remercions tous-tes les participant-e-s de cette cinquième édition qui par leur présence et leurs échanges ont donné vie et chair à ces journées, alimentant les espérances de chacun. Grâce à la participation de chacun-e, nous continuons à être redynamisé-e-s et motivé-e-s pour construire le changement social, globalement et localement. Nous remercions particulièrement ceux-elles qui se sont mobilisé-e-s pour la préparation des différentes activités comme les ateliers. Nous remercions également tous-tes les volontaires pour les divers comptes rendus réalisés et qui nous ont permis de nourrir cette synthèse. Ainsi que tous-tes les porteur-euse-s de paroles, les rédacteur-rice-s d’articles, les butineur-euse-s, les photographes… dont le travail nous a également beaucoup aidé pour la construction de ce fascicule. Enfin, nous remercions tous-tes les bénévoles qui se sont mobilisé-e-s avant, pendant et après les Rencontres de part et d’autre de la Méditerranée. Nous leur témoignons ici toute notre gratitude pour leur implication vive, riche et généreuse dans la construction de ces rencontres participatives, si chères à notre réseau. Cette synthèse, écrite à plusieurs mains est bien le fruit d’une démarche de construction collective. Nous remercions toutes les personnes qui y ont contribué, et en particulier Anouk RENAUD, Camille PERONNET, Tito GALLI, Marie-France OSINSKI, Laure FORESTER, Pauline MERCURI, Erika LAROUZE, Didier MINOT et Samuel BONVOISIN.
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Introduction Ce document rend compte des échanges réalisés au cours des 5èmes Rencontres Internationales de l'éducation citoyenne, qui se sont déroulées du 29 octobre au 3 novembre 2012 à Zagora (Maroc). Ces 5èmes Rencontres ont rassemblé environ 300 participants, venant de quinze pays, autour de la question : « Comment accompagner ensemble la jeunesse à être actrice d'un développement humain et solidaire ? ». Les participants étaient majoritairement des jeunes et des acteurs de terrain 1. Cette richesse d'expériences a donné un tour très particulier aux échanges en ateliers : échanges de pratiques et réflexion à partir de l'expérience vécue. Une grande convivialité aussi. Beaucoup de participants en ont retiré un sentiment de force collective et de sens retrouvé. Les 5èmes Rencontres de Zagora ont marqué une étape importante dans l’histoire de RECit, et ce à plusieurs titres. Par le fait qu’elles ont été organisées au Maroc d’abord, ces Rencontres donnent une nouvelle dimension à la composante interculturelle du Réseau ; par le fait que le thème central ait été la jeunesse ensuite, elles nous amènent à nous réapproprier la question de l’éducation sous l’angle du lien bien particulier entre « éducateur » et « éduqué ». Au final, loin d’être un énième projet d’éducation « à » (à la citoyenneté, à l’environnement, à la solidarité internationale, etc...), notre projet est celui d’une « co-éducation vers ». D’une co-éducation vers la liberté, vers l’égalité, vers la paix pour construire ensemble le chemin sur lequel nous nous engageons !
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Plus de la moitié des participants étaient âgés de 12 à 25 ans. Environ 150 étaient porteurs d'une expérience ou animateurs de réseau, et appartenaient à 60 associations locales et 30 organisations régionales ou nationales. 5
Présentation des Rencontres RECit et l'international Dès sa naissance en marge du Forum Social Mondial de Porto Alegre de 2002, RECit s'est fortement imprégné d'une atmosphère et d'une dynamique internationale. Lors des premières rencontres de l'éducation citoyenne de Lille de 2004, la participation de membres internationaux était déjà marquante. (Et d’ailleurs) Cette première édition insistait déjà sur l’importance des échanges internationaux. Depuis, cette dimension n'a cessé de croître. Au fil des années, plusieurs personnes et organismes provenant de continents et d’horizons différents ont participé aux rencontres, aux universités d'été et réciproquement : des membres de RECit ont représenté l’association dans différents réseaux internationaux et lors de manifestations à l'étranger. De nombreux liens se sont ainsi tissés d'années en années, permettant ainsi à chacun d’apprendre à s'estimer dans un rapport de réciprocité. Les prémisses d'un partenariat Il y a un peu moins de deux ans, des marocains proches de membres de RECit, ont participé à la création, au Maroc, du Réseau d’Association pour le Développement et l’Éducation Citoyenne (RADEC). Cette association située à Zagora (vallée du Drâa) dans le sud-est du Maroc, aux portes du désert, a eu comme objectif de départ de dynamiser la région et ses alentours. En effet, cette région, fortement rurale, est l’une des plus enclavées du pays. Oubliée des politiques publiques, la vallée du Draa se retrouve aujourd’hui face à de nombreux problèmes, tels qu’un taux de chômage élevé, une forte émigration, un phénomène de désertification… RADEC souhaitait organiser en 2012 des rencontres sur le thème de « la participation citoyenne des jeunes », enjeu fort au Maroc - les jeunes qui ont moins de 25 ans représentent pas loin de la moitié de la population -. Tout naturellement, les personnes de RADEC ont eu le réflexe de demander la collaboration de RECit. Et c'est progressivement que l'idée initiale de RADEC a évolué et qu'un partenariat RECit/RADEC a pris forme autour du projet d'organiser à Zagora les Cinquièmes Rencontres de l'Éducation
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Citoyenne sur le thème : « Comment accompagner ensemble la jeunesse à être actrice d’un développement humain et solidaire ? » Le partenariat en action La décision de RECit et RADEC de s’engager dans ce partenariat a projeté les deux associations dans un projet particulier et innovant. En effet, organiser un grand événement en France, en étant en même temps maître d’œuvre et maître d'ouvrage est une chose. Mais co-organiser le même type d'événement à distance et à l'étranger, dans le cadre d’un partenariat entre deux associations, avec un historique différent, une culture différente, des enjeux différents, un rayonnement différent, tout en étant chacun et simultanément maître d’œuvre et maître d'ouvrage est une configuration autre. Cela a demandé un long et minutieux travail de préparation. Un an de réunions par téléconférence (téléphone, skype), communications par courrier électronique, avec des fonctionnements différents, des temporalités différentes, des actualités différentes. Ce travail de synchronisation progressive ne s'est pas fait sans frictions, heurts, incompréhensions mais il s'est fait parce que la volonté de donner corps au partenariat et de réaliser le projet était plus forte et qu’elle a eu raison des différences et des difficultés. Un voyage de l'équipe d'organisation a eu lieu en juin 2012 à Zagora et a permis d'avancer dans ce travail de partenariat ainsi que dans le projet. La mobilisation d'un réseau En ce qui concerne la mobilisation au niveau national, l’équipe RECit a sillonné la France en organisant des rendez-vous citoyens et est allée à la rencontre de jeunes dans différentes régions. Ce tour de France des régions a eu un double résultat. Tout d'abord, il a permis à des groupes de jeunes et à leurs accompagnateurs d'aller au bout de la démarche en se mobilisant, puis en participant aux rencontres, avec des objectifs spécifiques. Une grande partie des participants aux Rencontres a constitué pour RECit un apport nouveau car ils étaient issus de quartiers de grandes villes peu présentes auparavant dans le réseau. En deuxième lieu, cette tournée, par les nombreuses prises de contact que l'équipe a effectuées, a fait prendre conscience que notre langage parfois jargonneux n'était pas adapté aux cultures des jeunes que nous rencontrions. Cela nous a permis d’amorcer une réflexion pour préciser certains de nos schémas de pensée et de communication. 7
Les objectifs initiaux Concernant les objectifs liés à cet événement nous retrouvons les objectifs traditionnels fixés par RECit quand il propose ce type d'initiatives : - favoriser la rencontre et les échanges entre personnes et organismes d'horizons différents, - favoriser la réflexion commune sur les thèmes de fond de l'éducation citoyenne, - consolider les liens entre RECit et les membres de son réseau, - développer et expérimenter les outils de l'animation participative et émancipatrice, - permettre la découverte et la mutualisation d’expériences alternatives. Les objectifs émergents Cependant ces cinquièmes rencontres, en raison de trois éléments nouveaux, ont fait émerger d'autres objectifs. Les éléments spécifiques de cette 5e édition sont la réalisation de l'événement en partenariat avec une autre association, dans un autre pays et la participation massive de jeunes. Les objectifs qui en ont découlé sont : - créer et faire vivre dans la continuité un partenariat opérationnel à distance, - adapter notre langage et notre style d'animation aux jeunes et très jeunes, - adopter la culture du pays accueillant comme culture de référence. Cet effort d'adoption et d'adaptation s'est poursuivi tous les jours pendant la préparation, pendant le temps des rencontres, pendant le temps du bilan et c'est un effort qui va accompagner chacun dans le travail et la vie de tous les jours.
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Construire des Rencontres Participatives Les Rencontres de l’éducation citoyenne organisées tous les deux ans par RECit se veulent, avant tout, participatives. La démarche du réseau inspirée de la pensée de Paolo Freire et de son ouvrage sur la Pédagogie des opprimées2 , se base sur le fondement de relations humaines constructives. C’est en ce sens que notre méthode de construction des Rencontres se veut la plus collective possible afin que chacun puisse trouver et y trouve sa place. RECit offre alors un cadre de rencontres, un espace d’échanges dont chaque participant peut et est vivement encouragé à leur donner une dimension globale collective. L’investissement du participant peut prendre corps dans deux temps distincts mais liés. Tout d’abord, chaque individu doit être acteur durant de l’événement en partageant ses propres expériences, ses idées, ses méthodes et outils, etc. durant les temps formels proposés et les rencontres interpersonnelles. Cet investissement est évidement essentiel, toutefois doit être couplé à une préparation au préalable de la tenue des Rencontres. La construction participative d’un événement est garant de sa richesse mais peut également être la cause d’un contenu parfois insuffisamment travaillé voire « bancal » car encourager chaque participant à s’impliquer dans le développement du contenu de l’événement n’est pas aisé. Cela demande d’adopter une posture adaptée à chaque contributeur et surtout d’accepter de ne pas tout maîtriser. Chaque temps était au service des participants et pouvait être complètement bouleversé en fonction d' une demande prioritaire. Toutefois, certains temps étaient nécessairement plus dédiés que d’autres à un investissement massif des participants tels que : • Les ateliers thématiques Les ateliers thématiques, invariants des Rencontres de RECit dont ils sont le cœur, sont des ateliers de réflexion autour d’un thème donné. Chaque atelier fait l’objet de trois séances de travail de deux heures (le jeudi après-midi, le 2
Paulo Freire : Pédagogie des opprimés, Ed La Découverte 9
vendredi matin et après-midi) et ont rassemblé entre huit et une trentaine de participants La liste des ateliers est entièrement formée et s’établit au gré des propositions des participants. Par la suite, la construction de la problématique et du déroulement de l’atelier est, dans l’idéal, réalisée au préalable de la tenue des Rencontres et ceci, de manière collégiale, avec les personnes inscrites en amont. Cette démarche de co-construction garantit une meilleure adaptation de l’atelier à l’ensemble des participants et un enrichissement certain de son contenu. Pour les cinquièmes Rencontres, ils étaient répartis en quatre grands thèmes : participation à la vie publique, mode de vies et de consommation responsables et solidaires, respect des droits, fraternité et apprentissage du vivre ensemble, éducation émancipatrice. Liste des ateliers LA PARTICIPATION A LA VIE PUBLIQUE A1 Du local au global : les voies d’engagement citoyen de jeunes, animé par Sanaa Saitouli (ASSFAM) et Philippe Jesus Vanseslaus (Maison des Associations de Roubaix) A2 La place de la jeunesse dans la lutte pour le droit à la ville, animé par l’UNMP A3 L’art comme moyen d’expression collective, animé par Natalia Rivas, Pueblo hace cultura MODE DE VIES ET DE CONSOMMATION RESPONSABLES ET SOLIDAIRES B1 Pour une citoyenneté axée sur l’environnement, animé par Véronique Lecomte et Etienne Lecomte B2 Renforcement des capacités des jeunes ruraux à amorcer un développement local, durable et solidaire, animé par Cindy Chevillot (MRJC France) et Didier Minot (RECit) B3 Monnaie locale et complémentaire, animé par Baudouin Kola (APES Togo) B4 Le tourisme social comme agent de développement local, animé par Fabrice Hatt (Entreprise Azote)
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RESPECT DES DROITS, FRATERNITE ET APPRENTISSAGE DU VIVRE ENSEMBLE C1 L’émancipation des femmes dans un contexte international, animé par Erika Larouze (RECit) C2 La place de la famille dans l’éducation de l’enfant migrant, animé par Robert Fopa (Association Internationale Cultures sans frontière) C3 Délinquance et violence juvénile, animé par Catherine Beau-Sadorge C5 Comment peut-on parvenir à définir et à faire respecter les droits de l’enfant au niveau mondial, tout en tenant compte des différents contextes politiques, sociétaux et culturels ?, animé par Emmanuel Gerlin, Fatima El-Qobbi, Thai Cuon Nguyen (Jeunes Unicef Toulouse) UNE EDUCATION EMANCIPATRICE D1 Internet et nouvelles technologies : un bien commun privatisable ? animé par Romain Rouyer (Petits débrouillards) D2 Que m’apprend le récit de mon histoire pour construire demain ? Prendre la parole, c’est exister, animé par Agnès Legrix (Traces d’avenir) D3 Éducation à la citoyenneté : des pratiques locales aux échanges internationaux, animé par Pascal Jeanne (CCFD – Terre Solidaire) et Willy Lavastre (BatukaVI) •
Les espaces d’initiations
Les espaces d’initiation sont des temps de deux heures, durant lequel son animateur fait découvrir, partager, expérimenter, tester des outils et des méthodes divers et variés. Chaque activité résulte d’une proposition d’un ou de plusieurs participants. Neuf espaces d’initiations ont eu lieu : Danse conscience : le corps est notre sanctuaire, par Marie-Anne Embo (Image-in) Jeux coopératifs : comment jouer autrement ?, par la MJC Coluche Livron L’arbre à palabre mauritanien : initiation aux contes, par Ahmed Youmbaba Ciné-débat : « Le film, un outil de médiation, d’échange, de formation ? », par Yacine Mamouni, du Point Info Jeunesse
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Comment construire une conférence gesticulée ? Parler de ce qui vous tient à cœur en utilisant votre expérience personnelle, par Etienne Lecomte Enrichissons ensemble un projet de développement local en cours d'élaboration au Sénégal, par Lamine Diop et Saloum Ndiaye de Développement Inventif Sénégal et Adbou Aidara de Y’en a Marre La médiation par l’écoute bienvaillante, par Daniela Schwendener Initiation aux « Porteurs de parole », par Anaïs Moores (Petits débrouillards Paris)
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Pourquoi ce fascicule ? Ce fascicule a pour objectif de rendre compte des divers échanges qui ont eu lieu ainsi que des débats qui ont pu émerger durant les six jours de Rencontres et plus particulièrement durant le temps IN. Nous essayerons également d’analyser et de réfléchir aux grands enjeux charnières (ceux de la jeunesse et du territoire) soulevés par cette 5ème édition des Rencontres Internationales de l’Éducation Citoyenne. Afin de réaliser ce travail, nous nous sommes appuyés sur le contenu des ateliers thématiques et des conférences interactives à partir des différents comptes rendus réalisés. Mais pas seulement. Nous avons aussi travaillé à partir des paroles des participant-e-s, du souk aux idées, ou encore à partir des diverses initiatives mises en œuvre sur place, ainsi que sur les regards portés par les participants sur l’événement. Nous avons donc fait une lecture transversale de toute cette matière afin de mettre en exergue les principaux enjeux, au-delà d’approches thématiques variées. Nous avons aussi voulu mettre en avant quelques expériences, certaines portées par des acteurs locaux, d’autres par des participant-e-s. Cette synthèse n’a aucune prétention à l’exhaustivité, mais tend avant tout à mettre en lumière les grands enjeux, débattus, décortiqués, analysés… lors des 5e Rencontres Internationales de l’Education Citoyenne. En fait, ces Rencontres ont permis avant tout de soulever des questions. Cette synthèse servira donc à revenir sur la problématique de certains débats, dont les réponses restent encore à développer. Parce que les 5e Rencontre ne travaillent pas uniquement pour ceux et celles qui y étaient, la démarche de capitalisation de ce fascicule nous semble très importante quant au contenu de l’événement et également quant à sa méthode de construction. La restitution et la capitalisation des 5 e Rencontres Internationales de l’Education Citoyenne est loin d’être circonscrite à ce fascicule ! En effet, treize jeunes Marocains et Français du Point Information Jeunesse d’Aubervilliers et de l’Institut Cinématographique de Ouarzazate, ont réalisé un film durant et sur les Rencontres (http://www.recit.net/? Video-Le-15-decouvrez-le-court). Les Petits Débrouillards ont également réalisé une vidéo : http://www.recit.net/?Les-Ptits-Deb-au-Maroc. Enfin, après l’événement une dizaine de soirées de restitution ont été organisées partout en France. 13
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Première partie : Quelques éléments de contexte
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1. La place des jeunes dans la société Qu’est-ce qu’un jeune aujourd’hui ? Voit-on l’émergence d’une génération repliée sur elle-même, qui s’enferme devant Facebook pour échapper aux craintes légitimes que l’état d’un monde en crise lui fait redouter ? Ou les nouvelles générations s’annoncent-t-elles au contraire comme plus que jamais ouvertes sur le monde et désireuses de donner toutes leurs énergies pour contribuer à le construire meilleur qu’il n’est ? Dans les lignes qui suivent, une tentative de réponses à ces questions va prendre forme. Elle est nourrie par les témoignages de nombreux participants aux Rencontres, notamment dans les espaces suivants : Souk aux idées, Porteur de paroles, Conférence interactive n°1 portant sur l’engagement des jeunes à la vie publique. Les porteurs de paroles (outil utilisé par Les Petit Débrouillards IDF. Extraits de paroles de citoyens récoltées le 3 Novembre 2012 au jardin public de Zagora). « C’est étrange, on se promène tranquillement un samedi matin. Le temps est doux, le soleil joue à cache-cache avec les palmiers, les oiseaux piaillent ? Quelques mots effacés par erreur ...je ne les comprenait pas et j'ai du mal à comprendre la suite sur le linge sale, sur les tracts ... Du linge sale dans un lieu public, « c’est un scandale ! » me direz-vous. Pas tout à fait… Seriez-vous prêt à vous interroger sur la place de la jeunesse dans notre société ? Et puis d’abord, c’est qui « les jeunes » ? Ces énergumènes mal flanqués qui nous réveillent la nuit avec leur musique ? A la réflexion, moi aussi je me sens jeune malgré mes 66 ans... et il est vrai que nous allons leur laisser la planète dans le mauvais état que nous connaissons…. mais comment les impliquer ? Ce serait surtout à eux de se bouger pour prendre une place, non ? Certains disent pourtant ne pas être assez accompagnés, ou encore que les vieux prennent trop le pouvoir au détriment des jeunes, quelle idée ! Mais revenons à mon fil à linge, sur une grosse pancarte est écrit : « quelle est la place des jeunes dans la construction de la société ?
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Ça alors, encore des manifestants qui viennent squatter un lieu calme pour distribuer des tracts… Et ces papiers de couleurs, qu’est-ce donc ? ». « Les jeunes ont tous le droit à une place. La question est : comment amener les jeunes qui ne s’engagent pas à avoir les outils pour prendre position ? La société doit valoriser la place des jeunes ! Le danger est que les adultes parlent au nom des jeunes sans les avoir consultés. » Leïla & Geneviève, 24 & 27 ans, Québec. « Ils sont actifs, ils donnent de nouvelles idées, ils réalisent des projets pour les jeunes (conseil de jeunes citoyens, ambassadeurs de jeunes etc…). » Omar, 25 ans, Maroc « Il est important d’aider les jeunes. Les jeunes peuvent être participants, être volontaires. Ils peuvent être intermédiaires entre les associations et les quartiers de jeunes. » Fatima & Jamila, 16 & 24 ans, Maroc « Ils peuvent travailler et apporter des idées nouvelles, mais il y a un manque de confiance de la part des adultes. » Hind & Ibtissam, 14 & 15 ans, Maroc « Les jeunes ne sont pas nécessairement un groupe monolithique ou homogène dans la société. On doit éviter leur discrimination, ils participent un peu partout et n’ont pas nécessairement de place particulière. » Marie-Michèle, 27 ans, Québec. « Au Maroc, les jeunes ne sont pas pris en compte dans les grandes décisions politiques, alors qu’ils sont très nombreux dans les mouvements associatifs. Il existe des possibilités de financement de projet pour les jeunes depuis mars 2005 par « Initiative Nationale du Développement Humain » mais il manque de la formation sur la méthodologie de projet. » Tarik, 33 ans, Maroc. « Ils contribuent au même titre que les autres et donc on doit avoir une construction égale de chacun pour un bien vivre ensemble où chacun peut trouver sa place. Il est important de faire confiance et de leur laisser la place. » Gwendoline, 27 ans, France.
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« Une place TRES SUPERIEURE ! Les jeunes ont des idées magnifiques ! Ils sont actifs. » Abdouleilat, 14 ans, Maroc. « Il faudrait peut-être une éducation politique dès le plus jeune âge pour qu’on nous apprenne à nous gérer. Des conseils de jeunes existent déjà mais pourquoi ne pas intégrer des jeunes au Parlement ? On a beaucoup d’idées, on est moins pessimistes mais peut-être qu’on voit moins les problèmes aussi ? Il nous faut un mélange de lucidité des d’adultes et d’envie et de motivation des jeunes. Rien que le service civique, ça fait avancer les choses, alors que d’autres ne se sentent pas concernés. » Marie, 18 ans, France. « Il faut que les jeunes proposent des modes de gouvernance différents, les mettent en pratique pour montrer l’exemple dans les associations. » François, 32 ans, France. « Ils n’ont pas assez de place. Cette place, il faut la mériter ! Il faut que les jeunes soient crédibles et légitimes. Dans mon pays (Togo), ils ne sont pas légitimes car ils sont politisés mais sans l’envie d’agir. Les autres restent les bras croisés. Il faut qu’ils aient envie de se rééduquer aux problèmes du monde, ça doit venir de l’intérieur ! » Bandouin, 25 ans, Togo. « C’est nécessaire qu’ils aient une place ! Mais attention… les jeunes sont capables d’être actifs. En général, ils sont soit actifs, soit inconscients. Ils n’ont pas l’humilité et l’expérience nécessaires pour savoir où aller et comment utiliser leur énergie. Ils ont besoin du soutien de l’entourage. Ils ne devraient pas avoir trop de place parce qu’ils peuvent déployer beaucoup d’énergie dans de mauvaises directions. » Nicolas, 22 ans, France. « La place des jeunes est primordiale car ce seront eux les acteurs du changement de la société ! A condition de les éduquer et d’être franc avec eux, car pour le moment les adultes imaginent l’avenir sans prendre en compte l’évolution culturelle et technologique poussée par les jeunes. On se sent donc exclus et n’avons pas les moyens de partager nos idées. » Romain, 24 ans, France.
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« Drôle de manif ! Encore une idée de jeunes, j’en suis sûr… quoique plusieurs avis sont intéressants. Ça me rappelle ma jeunesse ! Allez, il est temps de rentrer chez nous ma pauvre Lucette, nous verrons bien comment tourne le monde à l’avenir ». Extraits de texte rédigé par Anaïs Moores. Des paroles ! Et après ? Les mouvements que la jeunesse lance et les initiatives dont elle est porteuse et motrice prouvent sa capacité à être responsable et à s’investir dans nos sociétés. A travers le monde, de nombreux jeunes sont engagés dans des projets de territoire, des associations (cf. la 3 e partie de ce fascicule, où quelques-unes sont présentées). Certains restent à l'écart mais quels que soient les scénarios, avec leurs énergies et leurs espoirs, tous ces jeunes représentent une force collective puissante pour refuser l'injustice sociale et imaginer le futur. La jeunesse est véritablement actrice de transformation sociale au même titre que ses aînés. Demandons-nous alors comment les jeunes peuvent-ils entraîner les adultes et toute la société vers un développement humain et solidaire ? A quoi ressemblerait une société faisant confiance à sa jeunesse et qui concentrerait toute son énergie pour permettre sa mobilisation ? Quelles attitudes les adultes doivent-ils adopter pour laisser les jeunes s’emparer de leur avenir ? Deux exemples au Maroc : une association étudiante à Agadir née d’un groupe Facebook organise des conférences et ateliers pour les étudiant-e-s ; les Chantiers Sociaux Marocains (CSM) présents à travers tout le Maroc, ils organisent et participent à des chantiers nationaux et internationaux ainsi qu’à des conférences et ateliers. L’accent est mis sur les échanges culturels. Les participants Marocains semblent dire que le rôle d’un cadre institutionnel pré-établi est très important au Maroc. Aussi les jeunes Marocains montent des projets généralement au sein de programmes destinés à cet effet. Certains jeunes ne parviennent pas à se saisir des espaces d’expression et de création qui sont mis à leur disposition. Se prendre en main, réaliser des projets n’est pas une possibilité pour tous les jeunes. Aussi serait- il important que chacun puisse acquérir des capacités, pour ensuite les exercer. Une confiance mutuelle, un dialogue, une écoute active, déterminent souvent la place que les adultes sont prêts à donner aux projets des jeunes. 19
L’accompagnement mutuel permet aussi de rendre les jeunes plus actifs à travers la transmission de l’expérience des adultes. Au Chili, lorsque l’on cherche à définir « la jeunesse », ce sont les autorités qui définissent les critères en fonction des responsabilités qu’ils attribuent aux tranches d’âge : « enfance », « jeunesse », « adulte ». Cependant, ces critères de définition ne correspondent pas à la réalité vécue par les jeunes. La jeunesse est hétérogène voire fragmentée. Il est nécessaire que tous les jeunes soient conscients de l’ensemble des enjeux qui touchent ces différentes jeunesses afin d’adopter un positionnement large et des revendications dépassant cette hétérogénéité. Dans cette optique, le rôle du langage et notamment d’un langage commun est très important. Au Québec les revendications du Printemps érable (grève étudiante Québécoise, du 12 février 2012 au 7 septembre 2012) ont conduit à la mobilisation de l’ensemble de la société . A partir de mouvements circonscrits au cercle étudiant, (car ) les revendications se sont élargies bien au-delà des thématiques abordées et de la question des frais d’inscription. De la parole à l’action De tout temps, la jeunesse, souvent la première concernée par les injustices, s’est posée en première ligne dans la contestation de l’ordre établi. (et) Paradoxalement elle y a forgé une expérience du pouvoir qui a fréquemment amené certains des contestataires d’hier, à devenir les leaders politiques d’aujourd’hui. Pourtant, cette découverte de l’engagement politique qui souvent commence par des revendications corporatistes ou matérielles, fonctionne comme une initiation à la conscience citoyenne et à l’idée que chacun peut prendre part un jour à la marche du Monde. Pour les jeunes qui y engagent leurs forces et toute leur âme, sans calcul ni arrière-pensées, le moment le plus dur est celui de l’arrêt du mouvement, de la négociation ou de la défaite, du passage de relais aux Politiques. Que faire alors de cette énergie accumulée, de cette envie désormais inextinguible de changer le Monde ? Trois témoignages issus de la conférence interactive sur « La participation des jeunes à la vie publique : de la contestation à un engagement durable de la jeunesse. » Abdou est artiste rappeur, co-fondateur du mouvement ‘Y’en a marre’ au Sénégal, mouvement de jeunes citoyens. 20
Le mouvement ‘Y’en a marre’ est né autour d’une discussion entre journalistes et rappeurs après une énième coupure d’électricité. Les journalistes critiquaient les artistes et réciproquement : vous ne faites rien pour que ça change ! Au Sénégal, une crise énergétique, politique, économique, qui est aussi une crise des valeurs, paralyse le pays. Les sénégalais « vomissent » la politique, en ont assez de l’hypocrisie et du fatalisme. Ils ont le désir de créer quelque chose de différent d’un parti politique, un mouvement d’alerte, de veille. Le nom ‘Y’en a marre’ symbolise l’état d’esprit des Sénégalais qui baissent les bras. Tout au long de l'année 2011, des manifestations sont organisées, « foires aux problèmes » et sitting sur la place de l'Obélisque à Dakar. Le 19 mars 2011 un grand rassemblement se déroule pour une « fête de l’alternance ». Un appel à toute la population – jeunes et moins jeunes – est lancé : résultat, la place fût noire de monde ! Les NTS (Nouveau type Sénégal) en ont assez des politiciens qui font des promesses et qui ne les tiennent pas assez, d’eux-mêmes qui ne respectent pas l’environnement, assez de la surcharge des transports en commun, assez des déchets, assez de la perte du patriotisme avec le président Wade. Il y a un fort désir de se débarrasser des vieilles habitudes. En avril 2011, au moment de l’inscription sur les listes électorales, environ 2.500.000 jeunes n’avaient pas de carte électorale (seuls 12% des 18-22 ans sont inscrits sur les listes). Les rappeurs ont lancé une vaste campagne à travers tout le pays : créé des morceaux de musique, organisés des concerts dits pédagogiques, mis en place des antennes du mouvement dans tout le pays, organisé des assemblées générales pour discuter de tous les problèmes. Résultat : les bureaux d’inscriptions se sont remplis et plus de 1.500.000 personnes se sont inscrites sur les listes électorales. En juin 2011, une grande réunion de ‘Y’en a marre’ cherche à contrecarrer Wade souhaitant modifier la Constitution afin qu’il soit autorisé à un troisième mandat : les manifestants se dirigent vers la place de l’Indépendance, la police charge à coups de gaz. Les sénégalais très touchés et choqués par la situation ont largement rejoints le Mouvement du 23 juin (M23). Suite à de nombreuses manifestations et émeutes, la loi pour modification de la constitution n’a pas été votée.
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Les jeunes du mouvement ‘Y’ en a marre’ étaient contre le système et ont refusé de rentrer au sein du nouveau gouvernement (alors qu’il leur avait été proposé des postes !). Ils souhaitaient faire bouger les choses en dehors de la politique par des mouvements locaux souvent plus efficaces qu’au niveau de l’Etat. Marie-Michelle a participé au Printemps érable au Québec en 2012. Le Printemps érable est un mouvement étudiant qui s’est étendu du 12 février 2012 au 7 septembre 2012. Son symbole est le carré rouge. Son nom est choisi en clin d'œil aux Printemps arabes. Selon Marie-Michelle, la politique intéresse de moins en moins les jeunes au Québec. On constate que les 18/25 ans ont un taux de participation très faible aux élections. En conséquence, les politiques élaborent peu de propositions en direction de cette partie de la population. Lorsque le mouvement commence, Jean Charest est premier ministre au pouvoir depuis neuf ans. Accusé depuis plusieurs mois de corruption - fait très présent dans les médias-, le gouvernement a donc besoin de détourner l'attention des électeurs, pour tenter de remporter les prochaines élections en août 2012. En février 2012, une loi est proposée par le gouvernement Charest : elle consiste à augmenter les frais d'inscription à l'université de 75% en 5 ans. Cela déclenche immédiatement la mobilisation L'augmentation est injustifiée à leurs yeux.
des
étudiants.
La grève est déclenchée le 12 février 2012. Le gouvernement décide alors de l'ignorer. Le 22 mars 2012, une grande manifestation est organisée de nuit dans les rues de Québec. Elle rassemble plus de 200.000 personnes. Les actions menées par le mouvement sont très préparées. Elles sont pacifistes et créatives. Quelques exemples d'actions menées : - Marche funèbre, enterrement des droits des étudiants ; - Manifestations de riches -sur un ton ironique, défilé de personnes déguisées en riches et scandant des slogans en faveur de la hausse des frais de scolarité- ; - Manifestations : défilé de manifestants nus, inscrivant parfois sur leur peau le carré rouge symbole de cette mobilisation ; 22
- Barrage de routes et de ponts ; - Occupations de ministères et administrations... Malgré la démultiplication des actions et l'ampleur de la mobilisation, le gouvernement refuse de négocier. Cela est tout à fait exceptionnel au Québec, le gouvernement étant traditionnellement ouvert aux échanges avec les partenaires sociaux et les citoyens. Au lieu de cela, les représentants délivrent un discours paternaliste : « Les étudiants ont bien crié dans les rues, ils ont fait parler d'eux, ils doivent maintenant retourner en cours ». Le gouvernement laisse entendre qu'il ne les prend pas au sérieux. Par ailleurs, la réponse faite aux étudiants par les politiques consistait à dire que le gouvernement est élu et qu'il est de fait légitime. Si les jeunes sont mécontents des politiques menées, ils doivent aller voter. La réponse des membres du mouvement face à cette critique était simple : la démocratie ne se fait pas que par le vote, elle se fait tous les jours. Le premier refus de négociation amène la poursuite de la grève. Entre avril et juin, le conflit s'intensifie. Durant cette période, une première tentative de négociation échoue. En réaction à cela, les manifestations deviennent un peu plus violentes. Elles ont lieu tous les soirs pendant un certain temps. Des confrontations ont lieu sur les campus. En mai, une nouvelle négociation est lancée mais c'est de nouveau un échec. Le ministère de l'éducation démissionne. Le gouvernement fait alors passer une nouvelle loi concernant les rassemblements dans l'espace public. Les manifestations doivent dorénavant être annoncées en avance aux autorités. Cette loi a pour but d'empêcher les rassemblements spontanés. Cet événement va mener à la création du Mouvement des casseroles. Il consiste à sortir dans la rue, les jardins, aux fenêtres ou sur les balcons, à une heure précise en soirée et de se faire entendre en tapant sur des casseroles. Cette action de désobéissance civile sera menée par un grand nombre de citoyens, en soutien aux étudiants : personnes âgée, familles etc.. Le 1er août 2012, des élections ont lieu. Le parti libéral en place perd et le nouveau gouvernement élu annule la loi sur l'augmentation des frais d'inscription. Cependant, au cours de cette élection, le sujet des jeunes a encore été trop peu présent.
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La mobilisation a été très médiatisée et a fait la une de l'actualité pendant toute sa durée. Les débats autour de cette loi ont été suivis de près par les citoyens, grâce à Facebook, Twitter, ou encore « See You Tv » (chaîne de télévision en ligne, faite par des étudiants pour un suivi en direct des manifestations. Elle a même supplanté les médias traditionnels lors de cet événement.) Il faut noter qu'une partie des actions menées par les étudiants s'est inspirée d'autres mouvements : •
Les manifestations de nuit : elles s'inspirent d'actions menées à Berlin avant la chute du mur en 1989 ;
•
Le mouvement des casseroles : il s'inspire d'actions menées au Chili sous Pinochet.
Jeune marocain (souhaitant garder l’anonymat), acteur du Mouvement du 20 février ou M20 au Maroc. Le Mouvement du 20 février a été créé au Maroc durant les Printemps arabes de 2011 (Tunisie, Égypte). Il militait pour l'obtention de plus de libertés individuelles. Cependant, il n'a pas eu beaucoup d'importance. En effet, les extrêmes de tous bords se sont vite intégrés au mouvement, ce qui a dissuadé la population de le suivre. Il faut tout de même noter que pour la première fois, sous la pression des citoyens, la Constitution a été modifiée et le roi Mohammed VI a été amené à prendre la parole publiquement en dehors des jours officiels alors que les politiques corrompues étaient contre ce changement de loi. Il serait souhaitable de donner une information importante et pourtant absente des livres d'Histoire au Maroc. Au cours de l'année 2002, le gouvernement avait fait une proposition de loi afin que les notes pour l'obtention du bac soient réparties sur trois années de scolarité. En réaction à cela, une mobilisation est née. Les lycéens ont entamé une grève qui a duré dix jours et au terme de laquelle le projet a été retiré. Cette mobilisation était tout à fait exceptionnelle au Maroc et mériterait d'être mentionnée, d'autant plus qu'elle a porté ses fruits. Le principal problème au Maroc réside dans l'implication des politiques et dans la démocratie interne - énorme absentéisme au parlement...-. La démocratie interne dans les partis politiques entrave la participation politique des jeunes. L'intervenant souligne l'effort fait par Mohammed VI 24
qui, en réponse à la pression de la rue, a imposé plus de jeunes au gouvernement. Selon lui, Mohammed VI est le seul à l'avoir fait. De plus, les incohérences dans la gestion de l'argent public au Maroc sont nombreuses. Par exemple, il a récemment été décidé de construire une ligne TGV (Tanger/Casablanca). Ce projet a été très coûteux et semble inadapté compte tenu du fait que certaines localités ne disposent même pas d'un puits. Les jeunes refusent majoritairement de participer, que ce soit en politique ou dans les associations, principalement à cause de la corruption. Ils n'ont de toute façon pas de capacité de dénonciation : ils risquent sinon la prison, l'acharnement des autorités etc… Au sein de l'éducation nationale, certains retraités bénéficient encore d'avantages matériels -voiture, logement...-. alors qu'ils ne travaillent plus pour le gouvernement Il s'agit là encore d'un problème dans la gestion de l'argent public. La base démographique au Maroc est jeune, ce qui devrait faire bouger les choses mais la jeunesse n’est pas suffisamment encouragée par l’État à participer à la vie citoyenne ni pour tenter de changer ce qui ne va pas. La plupart des jeunes militants sont en prison pour faits de contestations. Actuellement une personne peut être condamnée jusqu’à douze ans de prison pour avoir participé à une manifestation. Les marocains se sentent souvent déchus de toute citoyenneté, à cause d’une trop grande corruption au gouvernement. La parole des jeunes porteuse d’action et d’alternative Au Québec, le retour à la vie étudiante s’est fait dans la morosité mais aussi dans une envie de s’engager. Au Sénégal ,qui est un des seuls pays africains n'ayant jamais vécu de gros coup d'éclat politique ou citoyen, le mouvement lancé a déclenché une vive émotion chez de nombreux citoyens. Au Chili, les manifestations récentes des étudiants pour l’accès aux études pour tous, montrent que la question principale dépasse les seules préoccupations des étudiants. Elles s'ouvrent sur le pointage des individus et des collectifs qui gèrent le champ de l’éducation dans le pays. Tous ces mouvements démontrent et révèlent que les préoccupations vont au-delà des questions d’appareil politique et aussi qu’il y a plusieurs façons de s’organiser et se mobiliser. Par ailleurs, il y a un large échantillon de sorties possibles pour ceux qui ont participé au mouvement : de l'activisme
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effréné à la carrière politique en passant par l’humanitaire, l’aventure de l’entreprise, la réussite en affaires... Il est parfois invoqué le fait que pour mobiliser les jeunes, il faut avoir un projet clair, porté par un tuteur et avec des garanties de réussite. Sans cela, il est difficile de pousser à l'implication. Pourtant, Mizaël (Québec) nous précise qu’être « citoyen, ce n’est pas être sujet d’un roi mais décideur de son propre avenir ». Et aussi : « la corrélation internationale est importante pour changer les choses et créer des mouvements forts » nous dira Cuong (Vietnam). Un relâchement se produit souvent chez les personnes ayant participé à une mobilisation. Il est à relier à l’intensité du mouvement qui se termine, le retour à la vie normale, aux études, etc. C'est à ce moment généralement que la répression s'abat ou que les récupérateurs arrivent. Ce qui reste en question : «qu’est-ce que cela signifie d’être citoyen ? » La nature de la mobilisation de la jeunesse se modifie dans l'action. La jeunesse participe mais elle ne devrait pas être la seule à le faire car la fracture entre les jeunes et le politique existe et elle est importante. Par ailleurs l'utilisation du bulletin de vote n'est pas suffisante. L’engagement quotidien doit pouvoir être maintenu à tout prix par un encouragement de la jeunesse et des différents mouvements de contestation afin de pousser à l'élargissement pour aller sur les champs sociaux, économiques, et cela de façon globale. Dans notre choix d’aborder la question de la jeunesse lors des 5èmes Rencontres, nous souhaitions insister sur la question de la jeunesse et de la citoyenneté des jeunes mais la citoyenneté n’est évidemment pas une question d’âge. La citoyenneté, bien que singulière, apparaît néanmoins émerger et se construire lors d’un certain contexte, faisant suite à une impulsion initiale et résultant parfois d’un sentiment d’urgence, peut être propre à la jeunesse. Mais comment objectiver la notion de jeunesse ? Comment prendre en compte toutes ses virtualités et ses potentiels, ses différentes modalités selon les sociétés ? »
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2. Où en est le développement de la vallée du Draa ? Dans le cadre des 5e Rencontres de Zagora, voici une synthèse des éléments récoltés, issus de questionnements et réflexions préalables aux Rencontres, qui nous ont semblé se poser en lien avec la problématique de la désertification de la vallée du Drâa. On trouvera ainsi des informations collectées avant, et au cours du voyage, qui, loin de donner une vision exhaustive de la complexité et des richesses des réalités matérielles, humaines et scientifiques de cet environnement, nous ont permis de cerner les enjeux majeurs du territoire. Ce parcours de la vallée du Drâa permettra à nos lecteurs de bénéficier d'un support pour envisager la province sous divers aspects qui singularisent la région.
Introduction La Vallée du Drâa comprend six palmeraies (ou oasis) le long d’un axe de 250 km de long et abrite une population d’environ 300 000 personnes. Entre l’Atlas et le Sahara, les oasis marocaines ont pu se développer au fil du travail humain. Les oasis sont des écosystèmes artificiels dépendants de l’action de l’homme qui a pu mettre en culture (dans tous les sens du terme), cet espace au beau milieu du désert grâce à la présence d’eau. Véritable carrefour de routes commerciales empruntées par les caravanes, la région a joué un rôle politique et économique et culturel important dans l’histoire marocaine. Elle regorge encore d’un patrimoine inestimable : kasbahs, ksours, peintures rupestres…. Les origines de la population se sont diversifiées suite aux occupations successives et au passage des caravanes. Depuis des siècles, cette population vivait en équilibre avec les ressources naturelles grâce à une forte cohésion sociale, une discipline collective rigoureuse et des techniques très élaborées. Les oasis sont basées sur un mode d’exploitation traditionnel, durable et performant. Ils constituent à la fois des écosystèmes fragiles situés aux portes du désert, une société ouverte aux échanges et un patrimoine ancestral. Aujourd’hui plus que jamais ils
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sont aussi un laboratoire de techniques pour l’avenir car leur rénovation est porteuse d’un enseignement pour l’habitabilité de la terre de demain. Depuis une vingtaine d’années, les conférences internationales ne sont pas parvenues à engendrer une dynamique suffisante d’engagements concrets en faveur du développement durable tel qu’il avait été défini au sommet de Rio de Janeiro en 1992. Le Rapport du Sommet mondial pour le développement durable de Johannesburg en 2002 a inscrit quant à lui à sa liste de mesures : « l’appui aux efforts que déploient les pays en développement pour protéger les oasis de l’ensablement, de la dégradation des sols et de l’accroissement de la salinité en fournissant l’assistance technique et financière appropriée. »3 Mais parallèlement, dans le cadre de l’OMC ou du G8, les accords sur la liberté du commerce ne prennent plus en compte les droits humains, sociaux et environnementaux pourtant reconnus par l’ONU et la déclaration universelle des droits de l’homme. Ainsi les menaces qui pèsent sur les oasis marocaines s’accroissent de plus en plus.
1. Une société en crise La crise de la palmeraie Depuis des siècles, une configuration sociale harmonieuse caractérisait les oasis. Mais durant les dernières décennies, un développement inadapté a perturbé cet équilibre. Au Xxème siècle, la surface couverte par les palmeraies a été réduite de moitié. Les causes de cette perte immense sont nombreuses : diminution des ressources en eau, attaques de bayoud 4, et autre conséquences géologiques de la désertification. 5 La diminution des ressources en eau est d’abord la conséquence des sécheresses successives qu’a connues le Maroc depuis 1970. Il en a résulté une baisse des nappes phréatiques, quelque soit le système d’exhaure (khettara, puits ou forages). Mais un mauvais entretien du dispositif d’alimentation en eau des 3
http://www.francophonie.org/IMG/pdf/Johannesburg.pdf
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Maladie cryptogamique du palmier dattier, causée par un champignon du sol (Fusarium oxysporum f. sp.albedinis). Elle se traduit pas un dessèchement progressif. 5 (Érosion éolienne, ensablement, salinité des sols et de l’eau).
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palmeraies et en particulier des khettaras 6 a accentué ce phénomène. Le problème est dû également à la gestion sociale des droits d’eau. Ces droits ont été fixés il y a plusieurs centaines d’années en fonction du travail investi par chaque famille dans la construction de la khettara. Les partages successifs entre héritiers ont entraîné un morcellement et une complexification de ces droits et ont contraint certains agriculteurs à abandonner l’irrigation de leurs parcelles faute de droits d’eau suffisants. Ainsi la salinisation des sols est fréquemment observée dans les oasis situées les plus au sud, là où l’aridité est plus forte et les eaux d’irrigation plus chargées en sel. Cette salinisation peut se faire suivant deux voies, la voie saline neutre et la voie alcaline. Quand la salinisation se fait par la voie saline neutre, il s’agit d’une dégradation des sols réversible. C’est ce que les agriculteurs savent bien lorsqu’ils déclarent « qu’il suffit de bien irriguer, d'apporter du fumier et de bien travailler le sol pour cultiver à nouveau les terres salées ». Ce qu’il faut souligner, c’est que la salinisation des sols est une conséquence du déclin des oasis plus qu’une cause. Car c’est l’abandon de la culture et donc de l’irrigation des palmeraies qui entraîne la salinisation des sols. Le bayoud serait à l’origine de la disparition de plus de 10 % des palmiers dattiers du Maroc et en particulier des variétés les plus appréciées des consommateurs (Mehjoul, Deglet Nour). Ce champignon se propage dans le sol et pénètre dans les vaisseaux conducteurs de la sève du palmier entraînant son dessèchement progressif et sa mort. Les spores de ce champignon se disséminent très facilement (via l’eau, les outils, le vent etc.). Il en résulte que ce sont les palmeraies les mieux entretenues qui sont malgré tout les plus menacées. L’introduction de variétés plus ou moins résistantes au bayoud est le seul remède contre ce fléau. La cochenille blanche est un autre problème phytosanitaire qui altère le métabolisme du palmier, tout comme la pyrale de la datte. Les œufs que ce petit papillon pond dans les dattes se transforment en chenilles qui déprécient considérablement la qualité de celles-ci. A toutes ces causes s'ajoute un entretien des palmeraies insatisfaisant. La prolifération des rejets affecte la vigueur des pieds-mères.
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Ces canalisations souterraines construites il y a plusieurs siècles, pour drainer l’eau des nappes phréatiques en amont et l’acheminer par gravité jusqu'à la palmeraie, sont des dispositifs fragiles, qui nécessitent d’être régulièrement entretenus.
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Une rupture de l'équilibre ancestral d'une société Cependant, la principale cause des difficultés vécues aujourd’hui n'est pas liée à des facteurs naturels mais à l'évolution de la société. L'accroissement de la pression démographique. La première cause : la pression démographique a augmenté de 50 % en 25 ans. Abdellah Najib nous précise, lors de la conférence interactive portant sur le thème de la « Désertification, exode rural et développement de la vallée du Drâa »7 qu’en « matière de démographie, le Maroc est passé d'une espérance de vie de 47 ans en 1962, à 74 ans, 50 ans plus tard. En près d’un demi-siècle, les Marocains ont acquis un gain d’espérance de vie de 28 ans. On est aussi passé de 6,5 enfants à 2,4 par femme, avec la perspective de descendre à 1,9 en 2020. Cela signifie que la population est encore jeune, mais va vieillir progressivement comme en Europe. » La conjugaison de l'accroissement de la population et de la baisse des ressources agricoles génère un exode rural important, qui est d'abord le fait des hommes jeunes, et notamment des plus instruits. Beaucoup partent chercher du travail à l’étranger ou dans les villes du nord du Maroc. Ce déséquilibre joue à la fois sur l'économie agricole, la répartition traditionnelle du travail entre les hommes et femmes, la vie sociale et la culture. Cette émigration massive qui s’est accélérée depuis les années 70 est à l’origine d’un manque de main d’œuvre qui explique l’entretien déficient de nombreuses palmeraies. Mais ce sont aussi des savoirs et savoir-faire nécessaires à la gestion des palmeraies qui disparaissent ; que ce soit en matière de sélection des pieds ou de pollinisation. Or ces savoir-faire sont fondamentaux, comme nous le rappelle Henryane de Chaponay : il est très important de partir de la valorisation des savoirs anciens (notamment en ce qui concerne le système d'irrigation). En effet, on a souvent tendance à oublier que les savoirs peuvent être redécouverts, voire « redynamisés ». D’autant que cela permet de valoriser ce qu’a été l’histoire de la population.
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Nous citerons plusieurs fois la conférence interactive portant sur le thème de la « Désertification, exode rural et développement de la vallée du Drâa », qui a eu lieu à Zagora, lors des 5emes rencontres internationales de l’éducation citoyenne (1/11/2012)
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D'importantes transformations sociales Il en résulte des changements sociaux importants. Le rôle des femmes dans le fonctionnement de certaines oasis est alors renforcé. Elles s’emparent de tâches autrefois exclusivement masculines : comme le laboure ou la pollinisation. Dans certaines oasis du Sud, la pénurie de main d’œuvre qualifiée a modifié sensiblement les rapports entre propriétaires (souvent absentéistes) et khammes8. Cependant, de nouvelles perspectives apparaissent avec le développement du tourisme : à la fois source de revenus complémentaires et source de nouveaux déséquilibres. Dans le sillage du tourisme, le développement de l'artisanat est également une source de rentrées monétaires importantes.
3. L’action des Pouvoirs publics Le déclin des palmeraies du Sud du Maroc a suscité, depuis l'indépendance du Maroc en 1956, des actions successives de la part des pouvoirs publics et de la société civile. Il serait nécessaire d'en faire l'historique, tout au plus peut-on tracer ici quelques jalons. Animation rurale Dès la fin des années 50, des actions d'animation rurale ont été mises en place pour réduire la distance entre les villes et les campagnes. Lors de la Conférence interactive « Désertification, exode rural et développement de la vallée du Drâa », Henryane de Chaponay, qui s'est impliquée toute sa vie dans l'éducation populaire au Maroc et en Amérique du Sud, explique ce qu’a été l’animation rurale au Maroc à cette époque : « L’animation rurale a démarré à Marrakech en 1955 avec le premier gouvernement marocain de l’indépendance ». En effet la population marocaine de l’époque était alors « très animée par le désir de l’éducation ». Mais il y eu aussi un chantier capital, impulsé par Mehdi Ben Barka, nommé « la route de l'unité ». Lancée en 1957, il s’agit de la construction d’une voie terrestre de 60 km pour relier les deux parties du Maroc libre : la partie espagnole et la partie française. 11 000 jeunes, venant de toutes les régions du Maroc et de toutes les communautés, sont 8
Le khamessat (khamsa = 5), rapport de métayage traditionnel, laisse 1/5 des récolte à celui qui travaille la terre, 4/5 revenant au propriétaire. Le paysan engagé dans une telle relation s'appelle le khammes, terme analogue à serf au Moyen Âge en France. Ces derniers de plus en plus sollicités, exigent désormais une rémunération de leur travail égal au 1/4 ou au 1/3 de la récolte contre 1/5 auparavant et certains demandent d’être payés à la tâche
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sélectionnés. L’objectif, est d’unifier le pays, mais aussi par la construction de cette route symbolique, allier pour les jeunes travail physique et formation civique. Pour des milliers de jeunes, ce chantier a été l’occasion de « travailler mais aussi de se connaître, de s’alphabétiser et de se pencher sur des questions de culture ». L’animation rurale s'est construite à partir de là pour Henryane de Chaponay. Elle précise comment cette forme d’éducation populaire s’est organisée en proposant « des visites pour connaître les différentes formes de cultures, au sens agricole du terme, les sentiers d’épierrage c’est-à-dire les espaces pour cultiver, des petits barrages. » Et devant le succès du programme, d'autres provinces s’en sont emparées. De plus, toujours en s’inspirant de l’expérience marocaine, l'animation rurale a démarré dans d’autres pays d’Afrique, notamment au Sénégal, sous l'impulsion de Mamamou Dia. Autres actions dans les années 1970-2000 Plusieurs plans, stratégies et programmes ont vu le jour après le sommet de Rio (1992). Parmi ces plans et stratégies on peut citer : − La politique de l’eau fixant la mobilisation des ressources en eau comme prioritaire ; − Le Programme National d’Irrigation (PNI) visant l’irrigation de 1.200.000 ha ; − La stratégie de mise en valeur des terres bour visant le développement agricole − La stratégie 2020 de Développement Rural qui propose l’adoption d’une approche avec différents niveaux de cohérence territoriale pour permettre d’associer les populations locales aux décisions, et conditions de réalisation de ces programmes. •
Le Programme d’Action National de Lutte Contre la Désertification : le PAN-LCD
Une stratégie d’envergure : le PAN-LCD A l’issue du sommet de Rio, une commission au sujet d’une convention des Nations Unies sur la Lutte Contre la Désertification avait travaillé pour élaborer le projet, que le Maroc a ratifié en 1996. L’objectif est de privilégier les mesures relatives aux programmes sectoriels existants, de promouvoir une dynamique de développement rural basée sur l’intégration, la territorialisation, et l’approche participative. Les interventions ont touché particulièrement à la mobilisation de l’eau ; une centaine de barrages destinés à l’irrigation et l’eau potable ont vu le jour. Le plan vert9 9
Cf : http://www.ormva-ouarzazate.ma/plan-maroc-vert/
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•En avril 2008 le Gouvernement marocain a adopté le « Plan Maroc Vert » visant à relancer le secteur agricole. Cette action politique a pour objectifs l’amélioration les revenus des agriculteurs, de garantir la sécurité alimentaire de 30 millions de Marocains, d’intégrer l’agriculture marocaine au marché national et international, mais aussi de protéger les des ressources naturelles de différentes régions. Il s’agit de favoriser les investissements dans le secteur agricole et d’augmenter de façon spectaculaire les niveaux de productions de certaines cultures (olives, les agrumes, fruits). Afin de veiller à la bonne mise en œuvre du PLV, le gouvernement a même créée l’Agence de Développement Agricole (ADA), dévolue à l’exécution du plan. Les deux volets de ce plan sont d’une part, le développement d’une agriculture moderne à haute productivité, visant à répondre aux règles du marché. D’autre part, le plan vert œuvre aussi à « l’accompagnement solidaire de la petite agriculture », et la valorisation de produits de terroirs, notamment dans les zones enclavées. Globalement il s’agit d’encourager les projets de production intensive, tout en formant mieux la population. Mais la question de l’eau est centrale, et une politique de gestion volontariste de la demande, est mise en place. Un plan national de restructuration et de développement des palmeraies Au début des années 2000, un « plan national de restructuration et de développement des palmeraies » a été lancé par le gouvernement. Ce plan a prévu différents types d’actions pour relancer la production et améliorer les revenus des agriculteurs, en augmentant la qualité et la quantité de la production de dattes et pour étendre les superficies cultivées. Le projet de régionalisation avancée Un projet de régionalisation avancée est mené depuis 2010 afin de transférer des pouvoirs du centre vers la périphérie et multiplier les centres de décision 10. Il s'agit de mieux prendre en compte le développement des territoires en leur permettant d’élaborer leurs propres projets de développement, dans une optique de développement
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Voir le projet complet http://www.google.fr/#hl=fr&sclient=psy-ab&q=r %C3%A9gionalisation+avanc%C3%A9e+maroc+pdf&oq=r %C3%A9gionalisation+avanc %C3%A9e&gs_l=hp.1.1.0l4.0.0.1.50.0.0.0.0.0.0.0.0..0.0...0.0...1c.7g92_-uv PLo&pbx=1&bav=on.2,or.r_gc.r_pw.r_qf.&fp=612e1ed9f957909d&bpcl=3 5277026&biw=696&bih=643
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humain intégré (comme le renforcement de la participation des femmes à la gestion des actions régionales par exemple). Les Conseils régionaux coordonneront les autres administrations territoriales. Ce projet sera soumis à référendum. La vallée du Drâa et le Tafilalet constituent l'une des 12 régions. La mise en place de la régionalisation avancée devrait se traduire par des possibilités nouvelles offertes aux associations regroupées pour faire avancer leurs projets avec plus d'autonomie des territoires, et permettre de se doter de moyens institutionnels de dialogue avec les autorités. Le chemin à parcourir reste long, si l'on en juge par les délais de mise en place de la décentralisation en France à partir des années 80. Abdellah Najib nous donne son point de vue sur ce projet ; il en souligne ses lacunes, dont la dimension inégalitaire « les régions riches avec les autres régions riches, et les plus pauvres avec les autres régions pauvres. Cela rend impossible toute péréquation au sein d'une région de ne va pas dans le sens de la solidarité » Selon lui : « le territoire marocain est toujours divisé de la même façon qu’à l’époque du protectorat »11. Peut-être faudrait-il mettre davantage l’accent sur le développement des infrastructures. On peut penser à la création nécessaire d’un nouvel Hôpital à Zagora, l’ancien n’étant plus du tout configuré à la taille de la population de Zagora aujourd'hui.
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Intervention lors de la Conférence interactive « Désertification, exode rural et développement de la vallée du Drâa » des 5emes rencontres internationales de l’éducation citoyenne (1/11/2012)
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3. La mobilisation locale Une des caractéristiques des oasis est le degré élevé de conscience et de participation des populations à leur propre avenir. Cela résulte de caractéristiques historiques et géographiques. Jamal Akchbab12 lors de son intervention à la conférence interactive « Désertification, exode rural et développement de la vallée du Drâa » souligne combien dans la région de Zagora, les initiatives sont plus développées du fait d’un contexte d’isolement, « qui favorise le développement de ces initiatives ». Ainsi « les premières initiatives de la société civile à Zagora remontent à la dernière décennie du siècle dernier. »
De multiples acteurs locaux qui se sont regroupés De multiples associations locales et coopératives Depuis 15 ans, un travail de diagnostic et d’études a permis de mieux cerner les besoins de la région avec la participation active des acteurs locaux, essentielle aux yeux de l’ADEDRA et de RADEC. Le milieu associatif est fortement développé, principalement autour des associations d'usagers des eaux agricoles. Les associations et coopératives de producteurs, de jeunes et de femmes, sont très actives. Elles constituent donc des acteurs clés du développement de la région. On rappellera que les associations marocaines correspondent à l'initiative des habitants pour assurer les besoins essentiels en l'absence d'État-providence. Elles se rapprochent des associations d'entraides et des coopératives ouvrières du XIXe siècle en France ou en Angleterre. Mais de ce fait, l'intérêt public et l'intérêt privé sont moins nettement séparés qu’en France. Une forte prédominance des associations d'usagers des eaux agricoles Les structures sociales traditionnelles sont en pleine mutation, tout en restant toujours fortes. Par exemple, pour la gestion des systèmes d’irrigation, les villageois sont organisés en Associations des Utilisateurs d’Eau Agricole. Créées sous l’impulsion de l’Etat marocain, ces associations sont en fait issues des groupements traditionnels, appelées
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Président de l’association « Les amis de l’environnement et RADEC (réseau de développement et d'éducation citoyenne) et membre de l'exécutif de RADEC.
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kbila. Elles suivent donc encore des règles ancestrales complexes qui régissent depuis des siècles la gestion de l’eau. Les coopératives agricoles de la Vallée du Draa Coopératives agricoles13
Nombre de coopérativ es 8 4 4 2 4 1
Nombre adhérents
Approvisionnement 969 Henné 556 Dattes 1.740 Laitière 112 Elevage 158 Utilisation du matériel 12 agricole TOTAL 23 3.547 Les associations agricoles de la vallée du Draa Associations agricoles Associations des Usagers des Eaux Agricoles Fédérations des AUEA Unions des fédérations Associations Féminines Associations à objectifs agricoles Total
Nombre d’associations 91
Nombre d’adhérents 23.779
6 1 6 5
85 AUEA 6 FAUEA 238 108
109
24.125+ 85 AUEA+ 6 FAUEA Les Associations d’Utilisateurs d’Eau Agricole (AUEA) sont aujourd’hui les structures officielles responsables de la gestion de l’eau au niveau local. Pour soutenir ces associations, des locaux ont été aménagés et des formations sont dispensées aux membres portant sur la gestion associative et les systèmes d’irrigation.
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http://www.ormva-ouarzazate.ma/fileadmin/medias/rapports/monographie/Monogr aphie_Agricole_de_la_province_de_Zagora.pdf
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Plusieurs regroupements d'associations …autour de l’ADEDRA 14
En 1996, un groupe d’agriculteurs, de cadres, d’étudiants et de représentants de comités de développement local se sont réunis pour créer l’ADEDRA. L’Association de Développement de la vallée du Draâ s'est fixée pour objectif de contribuer au développement durable de la province de Zagora (sud-est marocain), par la formation, l’appui à la création d’entreprises et aux actions concrètes. Globalement, la stratégie de travail de l’ADEDRA est motivée par deux éléments : la sensibilisation de la population aux dangers de la désertification et la mise en place d’actions de lutte contre la dégradation des ressources naturelles. Une réelle portée démocratique a singularisé les projets de l’ADEDRA, car les actions retenues ont été celles proposées par la population lors des « ateliers de planification participative ». De RADZED Un second regroupement, RADZED, a vu le jour en 2005 et semble regrouper des organisations proches de la puissance publique. Il sert de support à l’initiative nationale pour le développement humain (INDH) qui draine de nombreux crédits gouvernementaux d’aide au développement 15. Mais comment voir à ce stade quelle part active les associations locales prennent à ce regroupement, qui n'a pas participé aux rencontres de l'éducation citoyenne ? De RADEC En 2011, une soixantaine d'associations ont créé RADEC (réseau associatif de développement et d'éducation citoyenne) pour promouvoir un développement participatif, durable et solidaire. C'est avec RADEC que RECIT a organisé les 5èmes Rencontres de l'éducation citoyenne à Zagora. Les échanges développés au cours des 5èmes Rencontres de l'Education Citoyenne ont montré qu'il serait souhaitable de rapprocher les différents regroupements autour d'un même projet de développement, en lien avec les collectivités et avec l'administration royale de la province. Le RADEC a pour cela défini un « programme d'action à tous les niveaux, en regroupant beaucoup d'associations, celles de défense de l'environnement, d'organisation des femmes, d'action culturelle, de jeunesse, etc. » RADEC s’est donné trois axes de travail majeurs pour enrayer les questions environnementales : « la lutte contre la désertification avec la 14 15
http://www.adedra.741.com/html/presentation.htm
http://indhzagora.com/ 37
plantation d'une parcelle expérimentale de 600 palmiers à haut rendement, un travail sur l'énergie renouvelable et le solaire, et un travail sur la biodiversité. » De plus, l'association forme des jeunes paysans à des techniques d’agriculture durable.
L’action des O.N.G. De nombreuses structures étrangères travaillent sur des projets locaux. Citons en particulier la coopération technique belge, allemande, organisation gouvernementale, l'université agronomique de Gembloux, le CNEARC de Montpellier, Agrisud, etc. En particulier, un programme de formation a été réalisé, en collaboration avec la Fondation Allemande du Développement International (DSE) et l’Agence Allemande de Coopération Technique (GTZ) permet de renforcer et mettre en valeur la qualification des acteurs du développement local. Certaines de ces actions sont présentées dans la suite de ce document En résumé, il est nécessaire de prendre en compte l’interaction ces systèmes enchâssés :traditionnel, administratif, associatif, politique, communautaires, claniques.., parfois peu visibles, dont les interrelations sont difficiles à décoder. Cette multiplicité se traduit, comme ailleurs, par des problèmes de formation, de motivation, d’équipements, d’autorité, de changement dans les méthodes de travail, remises en question.
4. Précisions sur les principaux domaines d’action La préservation des écosystèmes et des sociétés oasiennes Les oasis constituent des sociétés ouvertes aux échanges, avec un patrimoine ancestral, et des écosystèmes fragiles, situés aux portes du désert. De nombreux programmes d'action ont été menés dans ce sens par les associations locales ou des O.N.G., le plus souvent en collaboration de la direction des administrations publiques et des collectivités.
L’appel des oasis (2002) En 2002, une rencontre à eu lieu à l'initiative du RADDO, (Réseau Associatif de Développement Durable des Oasis) 16 à Goulmim, pour 16
Né en novembre 2001, le RADDO est un réseau d’associations actives au Maghreb pour la sauvegarde des Oasis et pour la promotion du développement durable en milieu oasien. Site :
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développer et finaliser un programme d'actions concrètes et à préparer la participation du RADDO au Sommet Mondial du Développement Durable à Johannesburg. C’est dans ce cadre et pour faire entendre la situation précaire des oasis que La déclaration des Oasis a été rédigée 17. La déclaration revendique entre autres : la reconnaissance de la spécificité des ressources naturelles ( écosystèmes du palmier dattier), la classification du palmier dattier comme espèce protégée, la mise en œuvre de conventions sur la biodiversité, le changement climatique et la lutte contre la désertification, un tourisme fondé sur la base du développement durable (respectueux de l’écosystème et générateur de revenu localement), la mise sur pied d’agendas 21 locaux spécifiques aux oasis, l’implantation de sources d’énergies renouvelables, et enfin la transmission de la culture et des savoir-faire oasiens. Le RADDO, en collaboration avec le CCFD ou encore le CARI, engendre des projets de vaste envergure comme « Le Programme d'Actions Concertées des Oasis au Maghreb « (PACO)18.
Les actions physiques menées par l’ADEDRA pour la gestion concertée des terroirs Les actions réalisées dans le cadre de l’aménagement du territoire oasien portent sur le développement de l’utilisation des eaux de ruissellement (21 tabias ou bassins de retenue), l’augmentation des disponibilités en eau des secteurs irrigués (24 barrages de déviation des eaux ), le revêtement des seguias (6830ml), l’aménagement des khettaras, la construction de dix vidanges, le déblayage des berges des seguias, la mise en place de systèmes de drainage des eaux (2km de drains) , la fixation des dunes de sable (10 ha), le désensablement des champs agraires (100 ha) , la vente de 432 foyers améliorés et la construction de trois fours à pain collectif. Par ailleurs, l’ADEDRA note le fait que la gestion des terroirs anime de plus en plus les programmes d’actions des associations locales qui planifient désormais http://cari.asso.free.fr/jeucadre/animrese/raddo.html 17
doc.abhatoo.net.ma/doc/IMG/pdf/RADDO.pdf
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L’association le CARI, membre fondateur du RADDO, est le porteur du PACO auprès de l’Agence Française de Développement. Le PACO : projet à multi-acteurs associatifs oasiens, prévu pour une période de trois ans. Il vise entre autres, à développer des pratiques et des techniques de gestion durable de l'eau, à inclure des jeunes dans une agriculture « motivante » : fondée sur l'agro-écologie. Il s’agit dans l’ensemble de valoriser les potentialités économiques des ressources oasiennes. Mais les financements insuffisants n’ont pas permis à certains axes d’aboutir.
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une utilisation raisonnée des terres afin de sauvegarder ce fragile écosystème ; l’oasis. La lutte contre la désertification et les ressources en eau Le projet GEDINDRA et les oasis de la vallée du Draa au Maroc 19 Le projet GEDINDRA (Gestion de l’Eau et Développement Intégré dans la vallée du DRAa) résulte d’un partenariat entre l’Office Régional de Mise en Valeur Agricole de la Région de Ouarzazate (ORMVAO) et la Coopération belge au développement. L’objectif principal de ce projet est de rechercher le meilleur équilibre entre le développement économique de la région et la préservation et la bonne gestion des écosystèmes oasiens. La clef du projet GEDINDRA est l’implication des AUEA. La mobilisation des ressources en eau des nappes locales Les difficultés croissantes rencontrées pour mobiliser de l’eau en quantité suffisante dans les palmeraies ont conduit un certain nombre d’agriculteurs à s’affranchir des systèmes collectifs de distribution de l’eau et à créer leur propre jardin alimenté en eau par un puits individuel avec une moto-pompe. Cette individualisation des systèmes de production oasiens se développe soit sur des parties abandonnées de la palmeraie soit à la périphérie de la palmeraie traditionnelle. Mais la création de ces jardins individuels nécessite un investissement important qui n’est à la portée que d’une minorité d’agriculteurs. C’est pourquoi des actions collectives sont organisées pour à aider des groupements d’agriculteurs à créer des puits ou des forages. Ces actions peuvent prendre diverses formes : équipement d’un forage préexistant, mise en place d'une station de pompage, création d’une nouvelle palmeraie où la distribution de l’eau, gérée par une coopérative, ne se fait pas suivant des droits préexistants mais à la demande et contre rémunération, creusement d’un puits collectif etc. Ces nouveaux systèmes d’exhaure et de distribution de l’eau permettent une réhabilitation des palmeraies abandonnées et assurent également une distribution de l’eau plus démocratique. La régénération des palmeraies passe aussi par la réhabilitation des anciens systèmes : curage des khettaras, mise en place de bassins d’accumulation, bétonnage des séguias principales etc. 19
Source :
http://blogcooperation.be/2008/07/21/les-oasis-de-la-vallee-du-draa-au-mar oc-des-ecosystemes-en-danger%E2%80%A6/ 40
Ces quelques éléments montrent qu’il est possible de mobiliser de nouvelles ressources en eau et que le déclin des palmeraies n’est pas une fatalité. Mais la construction du barrage de Ouarzazate a perturbé la gestion traditionnelle de l’eau d’irrigation. Aujourd’hui, on ne voit couler l’eau du Draa que trois à quatre fois par an pour des périodes de deux ou trois semaines.20 Ce problème de concurrence et de besoins en eau nous renvoie au débat stratégique sur les ressources en eau dans le monde.
La lutte contre la désertification Elle consiste entre autre à fixer les dunes de sable, désensabler les champs, déblayer les berges des canaux d’irrigation. Il y a différentes méthodes. D’abord la lutte « mécanique », telle que la mise en place de palissades. La palissade agit comme un obstacle opposé aux vents dominants et limite ainsi l’érosion éolienne. Elle est souvent formée de matériaux d'origine végétale (feuilles et palmes, les branchages de Tamaris etc.). Lorsque l’on tisse un réseau de palissades disposées en échiquier pour plus de performance, on parle de « quadrillage lozangique ». On peut aussi recouvrir les dunes, de façon végétale : (avec les pailles de riz, les résidus de tournesol) de façon à constituer des nattes. La couverture peut aussi s’effectuer par mortier de terre à paille. Parfois des produits chimiques et autres résidus de produits pétroliers peuvent être utilisés afin d’alourdir la surface de la dune de façon plus longue. Le désensablement est une autre technique, qui consiste en la construction d'un ouvrage de forme trapézoidale situé aux abords de la chaussée pour que le vent s'engouffre et prenne une vitesse importante à la sortie facilitant ainsi la circulation du sable. D’autre part, une « lutte biologique » contre l’érosion est mise en place (le « reboisement » ou le « semi » sont très efficaces et durables).
Productions végétales Le pays est riche d’une grande diversité de plantes aux vertus médicinales, exploitées depuis l’antiquité. Les différentes conditions écologiques et la diversité du climat font que le Maroc abrite plus de 4 200 espèces de plantes. Parmi elles, plus de 280 plantes sont exploitées.
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Voir à ce sujet, le documentaire O’ Racines, de Cécile Couraud, projeté lors des 5èmes Rencontres Internationales de l’Education Citoyenne.
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L’éco tourisme er
Du 29 mars au 1er avril 2013 à Zagora a eu lieu le 1 forum du tourisme durable pour le développement local21, rappelant l’importance du secteur touristique pour le développement économique des régions, mais soulignant surtout une volonté de placer le questionnement écologique au cœur des enjeux du secteur touristique22. Ces 4 jours de réflexion ont réuni associations, professionnels du tourisme, ONG et pouvoirs publics, dans le cadre d’une « Vision 2020 ». Le tourisme durable : un passage obligé Une croissance infinie n’est plus envisageable compte tenu du caractère fini des ressources environnementales. Dans la vallée du Drâa, combiner tourisme et protection du patrimoine devient urgent. Depuis les années 90, cette région présaharienne attire des touristes avides d’excursions sur les dunes de sable ou d’expédition en 4x4. Dès lors, comment créer un équilibre entre l’arrivée massive de touristes et la préservation de la biodiversité de la vallée du Draa ? « Aujourd'hui, la population locale a le sentiment de perdre beaucoup par rapport à ce qu'elle gagne », a précisé Aziz Bentaleb, chercheur à l'IRCAM lors du Forum international du tourisme durable et du développement local, (29 / 03/2012). Ce forum a donc permis de dégager une réflexion pour valoriser le potentiel touristique durable principalement dans les vallées du Maidr et du Drâa ; étant particulièrement touchées par les conséquences néfastes du tourisme de masse (investissements hôteliers destructeurs, surconsommation d’eau des touristes par rapport à celle des populations locales, dégradation du patrimoine historique et culturel, destruction de la biodiversité, etc.). Le président de l’Association des guides touristiques dans les oasis marocaines ; Najib Abdelwahab, regrette le manque de réglementation du secteur. Après le passage des touristes, de nombreux déchets sont laissés sur le site. Il est aussi anormal qu’un touriste consomme 400 litres d’eau lors de son séjour, contre 60 pour un habitant de la région. De même, l’installation de bivouacs doit être réglementée. «Certains ne sont distants que de 50 mètres », regrette le docteur Mtir Abdellah. Selon lui, « Le produit touristique désertique risque d’en souffrir 21
Ce forum a été organisé par la wilaya du Souss-Massa-Drâa (SMD), la province de Zagora, la commune urbaine de Zagora, le Conseil provincial du tourisme (CPT) de Zagora, l’association de développement de la vallée du Drâa (ADEDRA) et l’agence nationale pour le développement des zones oasiennes et de l’arganier (ANDZOA). Source :
http://www.tourisme-durable.org/ 22
D’ailleurs cette même année, le Maroc accueillera le forum International du Tourisme Solidaire et Développement Durable, dans la province de Taroudant (du 19 au 23 octobre 2012).
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à long terme ». Il déplore aussi l'absence d'un cadre juridique adéquat et manque de réglementation au niveau des prix23. La situation du développement touristique dans la vallée du Drâa est entravée par des dégâts écologiques, mais aussi sociétaux. En véhiculant la société de consommation et ses idéaux, le tourisme de masse a pour autre conséquence l’oubli de savoir-faire participant à la conservation du milieu naturel. Ainsi le développement touristique de ces régions coûte plus que ce qu’il rapporte à cause des dégâts engendrés. Les participants, faisant le constat de l’impact socio-environnemental du tourisme, se sont demandés comment agir face à cette situation. Pour Abdellah Mtir24, il faut se demander quel genre de tourisme veut-on mettre en place. Et quel espace touristique veut-on offrir aux touristes ? Ce Forum a donc posé la question de l’impact des activités touristiques sur l’environnement et mis en exergue la complexité de l’équation entre la préservation de l’environnement et le développement économique. Les travaux du forum international du tourisme et du développement durable ont déterminé une « feuille de route » pour le développement du tourisme durable dans la vallée de Draâ. Les recommandations contenues dans cette « Déclaration de Zagora », portent sur huit axes : « la préservation du patrimoine culturel et naturel et la protection de l’environnement, la promotion et qualification du capital humain, du volet institutionnel, économique et social, des infrastructures, la gouvernance, ainsi que sur le droit au développement. » Le tourisme durable : un intérêt économique Egalement baptisé tourisme alternatif, vert ou éco-tourisme, ce type de voyage est en vogue pour de nombreux touristes en partance d’Europe ou des États-Unis : «68 % des Français sont prêts à payer plus pour un tourisme écologique», selon le docteur Mter Abdellah. L’écotourisme a pour objectif initial de faire découvrir à un large public l’environnement, la faune et la flore. De plus, quelques structures pratiquant cette forme de tourisme sont engagées dans des programmes d’aides à la protection de l’environnement. L’écotourisme peut donc aussi être considéré comme un moyen pour sensibiliser les voyageurs à la nécessité de protéger la faune et la flore. Le tourisme responsable est donc une prise de conscience collective nécessaire. La difficulté vient du fait que le Maroc 23
http://www.libe.ma/Dans-les-vallees-de-Draa-et-Maidr-le-secteur-nuit-a-l a-biodiversite-Le-tourisme-coute-plus-qu-il-ne-rapporte_a26291.html 24
Chercheur en développement territorial dans les oasis marocaines.
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mise principalement sur le tourisme de masse pour drainer des devises : « Le pouvoir central néglige le tourisme durable, d’où la nécessité de renforcer les capacités des populations locales», affirme Aziz Bentaleb. Ainsi, les expériences de tourisme alternatif comme la maison d'hôtes « Riad Tabhirte » : au cœur d’une palmeraie, proche de Zagora, se développent. Elle est un outil de développement intégré ayant réussi à conjuguer : valorisation du patrimoine, création d’emploi, développement local, mise en place d’un jardin biologique, création d’une association de développement pour l’implication des populations locales dans plusieurs projets.25 La valorisation du patrimoine local Le patrimoine local, les qsour, Kasbahs, gravures rupestres, arts traditionnels, etc., font l’objet d’une dégradation avancée. Consciente de ce problème, l’ADEDRA a mis en place un programme visant d’abord la sauvegarde des gravures rupestres et des arts traditionnels. En ce qui concerne le patrimoine culturel, l’ADEDRA a réalisé des actions faisant suite au projet de développement du tourisme au Sahara à travers la promotion des chants et danses traditionnels de la vallée du Drâa soutenu par l'Unesco dans le cadre du projet «Sahara des cultures et des peuples». Un centre de documentation sera aussi équipé et enrichi : des poèmes seront recueillis, transcrits et analysés avec enregistrement des danses et chants … et ses retombées sur l’écotourisme Ces initiatives ont eu des conséquences non négligeables pour l’écotourisme : d'une part l'intégration des chants et danses dans la gamme des produits touristiques présentés par l'Association des caravaniers pour un tourisme écologique durable (ACTECOD) dès 2005. D'autre part, un accord de partenariat entre cette association et le Conseil provincial du tourisme (CPT) a été ratifié en février 2005 portant sur l'appui organisationnel, la formation, le développement de nouveaux produits liés au tourisme culturel. « L'animation des soirées a permis aux troupes artistiques de générer des revenus de l'ordre de 189 000 DH, soit une moyenne de 1 000 DH par jour et par troupe. De même, une trentaine de troupes artistiques locales et régionales a pris part au Festival des chants et danses des oasis qui a eu lieu en novembre 2005 à Zagora», explique Ahmed Taoufik Zainabi, membre fondateur de l'ADEDRA. 26 25
http://www.riadtabhirte.com/projets-solidaires.html
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http://fishandrelax.voila.net/rp8.htm 44
L’artisanat La poterie La poterie est l’une des principales activités artisanales de la vallée du Drâa. Elle remonte à des temps anciens et l’on peut y sentir l’influence des grandes villes comme Fès et Marrakech. Dans la région de Zagora, sa fabrication nécessite des techniques ancestrales avec des fours traditionnels. Ce type de poterie rurale reste très sobre. On y trouvera deux formes principales : la poterie à émail vert et la poterie blanche. La poterie à email vert, que l’on trouve dans les environs de Tamgroute (province de Zagora), est liée à l’histoire d’une confrérie religieuse soufie : la Zaouia naciria, fondée durant la 2ème moitié du XVIème siècle. Cette confrérie a joué un rôle principal dans la constitution du patrimoine artisanal de la vallée du Drâa. Les fondateurs de la Zaouia projetaient d’élever le village de Tamgroute au rang d’une médina. Pour cela, ils avaient rassemblé des commerçants et des artisans, menuisiers, forgerons, et potiers. La poterie constitue aujourd’hui la principale composante du patrimoine culturel et artistique de Tamgroute. La poterie blanche quant à elle est très enracinée dans la région. Les six grands ateliers de poterie blanche d’Astour, dateraient de six générations. Aux alentours de Zagora, les traces d’anciens fours et chantiers potiers abandonnés sont encore reconnaissables. Le tapis Cet objet d’utilité fondamentale sous la tente des nomades, occupe toujours une place symbolique. Il s’agit d’une activité familiale très ancienne. Il symbolise aussi la protection et le bonheur. Les tapis d’origine berbère associent surtout l'art de tissage à la broderie. Les motifs de broderie émanent donc de signification et motifs propre à chaque tribu et à chaque famille. Les Bijoux Les bijoux de la vallée du Drâa étaient en argent ou en corail. L’or n’a eu sa place que récemment. On trouve de larges boucles d’oreilles décorées avec des grands anneaux : les « khors ». Les bracelets sont utilisés selon l’âge de la femme. On trouve aussi le « Dblej », qui s’enfile autour du poignet, le « N’bala » le bracelet des femmes jeunes, ou encore les bagues, « khatem », faites d’argent.
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La province de Zagora illustre comment l’artisanat est aussi une précieuse mémoire des cultures. En effet, à Amzrou, ville jouxtant Zagora, une boutique propose des objets fabriqués par des artisans juifs. Les juifs ont en effet quitté la vallée du Drâa après 1956, date de l'indépendance du Maroc. Ainsi on voit comment l’artisanat d’une région nous rappellent que le pays, alors protectorat français, comptait 204 000 juifs en 1947, soit 2,3 % de la population marocaine, et vivait en bonne entente avec la population musulmane.27
L'éducation, l'organisation des femmes et la santé La scolarisation Les progrès dans la scolarisation des enfants, notamment des filles ont fortement progressé depuis 20 ans, avec un problème de poursuite de la scolarité pour les filles, qui réussissent bien, après la fin du collège ou du lycée par ce que « cela n'est pas dans les habitudes ». Très peu de filles accédaient au collège il y a trente ans, souligne Abdellah Najib, lors de la conférence. L’ADEDRA développé en 1998 un programme d’éducation non formelle en étroite collaboration avec le ministère de l’Education Nationale. Objectif principal : la réintégration des enfants non scolarisés. L'évolution de la démographie Ces progrès dans la scolarisation ont entraîné une baisse spectaculaire de la fécondité des femmes, comme partout au Maroc où on est passé de 6 à 2,4 enfants par femme, et bientôt moins de 2. La croissance démographique a entraîné l’émigration des jeunes hommes. De ce fait, les femmes restées aux villages ont vu leurs tâches et responsabilités augmenter, mais leurs droits et leurs libertés restent limités. Seule une faible partie d’entre elles sont scolarisées. L’amélioration des conditions de santé L’ADEDRA a axé son programme « sanitaire » sur la sensibilisation en matière des MST, de la santé reproductive, de l’alimentation équilibrée, de la planification familiale (6778 personnes/92 villages), des risques de grossesse, de l’allaitement naturel et de la formation en matière d’hygiène 27
Source :
Le
point.
http://www.lepoint.fr/monde/l-artisanat-juif-de-la-vallee-du-draa-tombe-dan s-l-oubli46
(2061 personne/31 villages). Aussi, afin d’atténuer le taux de mortalité lors des accouchements dans les villages lointains, l'ADEDRA en collaboration avec le service de la santé à Zagora a organisé plusieurs sessions de formation au profit de 67 accoucheuses traditionnelles appartenant à une cinquantaine de villages. L’organisation des femmes Pour l’ADEDRA, « la situation de la femme locale est plus que précaire. Elle est frappée par le chômage, l’analphabétisme et la mortalité maternelle. Sa participation au développement est limitée, sa scolarisation faible, sa santé omise et l’accès aux services de soins négligé. ». Pour y remédier, l’ADEDRA a mis en place en 1997 un programme de lutte contre l’analphabétisme : 6057 femmes entre 16 et 45 ans ont bénéficié de cours de droit civique et de comptabilité, ainsi qu’une initiation aux petits métiers générateurs de revenus. Des séances de planification familiale incitent désormais les femmes à se protéger des MST et à réduire le nombre d’enfants par couple. Ces associations organisent également l'accès à des activités génératrices de revenu permettant aux femmes de devenir des actrices à part entière du développement de leur région. Appui aux associations de handicapés Outre le chômage et l’analphabétisme, les handicapés de la région de Zagora souffrent essentiellement du problème d’accessibilité aux différents services, et centres de soins. Grâce à un recensement des différents handicaps, des aides adaptées sont mises en place. Séances de psychomotricité et cours d’alphabétisation leur sont désormais proposés. La troisième partie de fascicule, reviendra sur l’association marocaine APHZ, militant pour la scolarisation des enfants handicapés. Ainsi une prise de conscience des problématiques liées à la désertification suscite une volonté d’agir, mais la population reste confrontée à certains obstacles. Selon certains membres de RADEC, le changement au sein d’un territoire dépend d’une interaction entre différents acteurs. Dans la vallée du Drâa, la population avait, selon eux, perdu confiance dans les capacités d'action des forces organisées. Mais il y a encore une forte volonté de continuer à vivre, malgré l'ampleur des problèmes qui parfois les dépasse. La mise en place d’un tourisme écologique et solidaire serait une des solutions, ajoutée à une lutte contre la désertification par la participation de tous, ainsi qu’à une éducation citoyenne des jeunes. Mais si le tourisme de masse n’est pas enrayé, la région et ses habitants seront considérés comme un service de main-d’œuvre pour les grandes villes, et deviendra un territoire en déclin. Il faudra aussi remercier aux problèmes liés à la 47
disparition des palmiers, à la désertification qui fait disparaître sous le sable le territoire un peu plus chaque année, sans oublier les problèmes environnementaux tels que la pollution liée à l’extraction minière, et enfin relever le défi des nombreux problèmes liés à l’eau et à sa raréfaction. La question posée lors de la conférence interactive (op.cit) fait face aux enjeux majeurs d’un tel territoire : « Comment monter un projet durable qui réponde au développement des axes culturels, environnementaux, économiques et écologiques, en prenant en charge les besoins des générations actuelles et des générations futures ? ». Abdellah Najib, lors de la conférence, témoigne du fait que ses habitants se sont demandé : « comment défendre le tissu rural qui existe, lui donner les moyens d'une économie complète, d'un mieux vivre : tourisme solidaire, filatures, tissage ? Comment protéger les savoir-faire existant ? Comment lutter contre la culture du jetable, contre les emballages en plastique ? » Cela renvoie à la création d’une chaîne d’économie complète, permettant de sauvegarder la population sur place et le mieux-vivre. Et la mutualisation et l'échange des expériences à travers les 5èmes Rencontres de l’Education Citoyenne est une première étape. Enfin, Abdellah Najib 28 nous propose peut-être la solution : « Je propose quelque chose de concret : instaurer un crime de manque d’imagination ! »
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Géographe, militant associatif qui a vécu une expérience de plus de 30 ans en France, intervenu lors de la Lors de la conférence interactive « Désertification, exode rural et développement de la vallée du Drâa » des 5emes (1/11/2012)
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Deuxième partie : Synthèse des ateliers thématiques et des conférences interactives
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Introduction Cette 2e partie a été réalisée à partir des comptes rendu effectués pour chaque temps d’ateliers thématiques, où y figuraient les idées principales, les analyses des enjeux ainsi que des propositions d’action.
1. Qu'est ce qu'être citoyen-ne ? a. Identité sociale et politique. De l’individu au/à la/ citoyen/ne. On ne naît pas femme, on le devient. A l’instar de cette célèbre citation de S. De Beauvoir, il semble qu’on ne naisse pas citoyen-ne mais qu’on le devienne. Tout individu étant un citoyen en puissance et l’actualisation de cette potentialité (qui est la citoyenneté), est en Le résultat d’un processus d’émancipation. Identité sociale et identité politique sont donc toutes deux le fruit d’un processus de construction (et donc d’éducation). Toutefois, cette dichotomie peut paraître significative, dans la mesure où le plein exercice de sa citoyenneté (l’accomplissement de la nature humaine, selon H. Arendt) suppose, parfois, une émancipation vis-à-vis des identités sociales, qui donnent une vision parcellaire de l’espace social ou autrement dit qui rangent les individus dans des cases. Nous le verrons dans la 3 e partie sur l’éducation citoyenne, dont l’objectif premier est bien de se libérer de ce formatage et de faire en sorte que l’individu devienne un homme -une femme- libre. L’Homme serait ainsi avant tout un « animal politique » et donc l’individu un citoyen, c’est-à-dire un individu libre et émancipé qui n’est pas un simple sujet mais devient un acteur de la cité. Lors de la conférence sur L’engagement de jeunes dans la vie publique, un des intervenants a précisé qu’ « être citoyen ce n’est pas être sujet d’un roi mais décideur de son propre avenir ». La notion de citoyenneté semble donc être intimement liée à celle de l’action (le fait d’agir) et de la participation à la chose publique. Afin de définir la citoyenneté, les participant-e-s de l’atelier A1 –Du local au 50
global : les voies d’engagement des jeunes- ont choisi, en autre, les termes suivant : « La participation aux affaires publiques », « participation dans l’intérêt public », « droits et devoirs politiques ». Toutefois, il faut bien souligner, comme il a été dit durant les 5e Rencontres, que l’exercice de la citoyenneté ne se limite en aucun cas à un bulletin de vote dans une urne, mais concerne la vie quotidienne. Une des définitions proposée par les participant-e-s de l’atelier A1 fut également un « engagement personnel pour le collectif ». Cette dialectique entre individualité et collectivité est aussi au cœur de la notion de citoyenneté. En effet, nous l’avons dit, un individu libre, émancipé et responsable agit au nom de valeurs collectives supérieures pour « le bien être » de la cité. L’inverse est également vrai, dans la mesure où les transformations sociales permettent l’émancipation individuelle. L'atelier B1, Une citoyenneté axée sur l’environnement, l’atelier B1, peut être un bon exemple à cet égard, dans la mesure où les réflexions qui y sont ressorties montrent bien l’articulation et l’interaction entre diverses échelles (personnelle, locale et mondiale). Et ainsi la nécessite « d’agir individuellement pour entrer dans une démarche collective ». La citoyenneté c’est donc être un acteur (un individu libre, émancipé et responsable) de sa propre vie (échelle individuelle) et citoyen (animal politique participant à la chose publique) du monde (échelle collective). La question du genre, abordée par l’atelier C1, reste une des grilles d’analyse (parmi tant d’autres !) de la citoyenneté en la mettant notamment en tension avec le concept d’égalité. Comment les femmes peuvent participer, au même titre que les hommes à la vie publique ? Comment être réellement égaux malgré nos différences ? C’est bien la question de l’équité qui est enjeu ici, puisqu’il s’agit de prendre en compte les différentes appartenances de chacun-e. Appartenances, qu’elles soient sexuées ou ethniques. Ce qui nous amène également à remettre en question le modèle d’intégration « à la française » à la lumière notamment du multiculturalisme. Est-ce que la question de l’âge, de la génération, est une entrée pertinente pour ce qui a trait à la citoyenneté ? Le fait d’être jeune implique-t-il des différences en ce qui concerne la citoyenneté ? b. Etre jeune et citoyen-ne 51
A l’évidence il ne semble pas que l’âge soit un élément structurant et donc potentiellement clivant dans l’exercice de la citoyenneté. Et pourtant si on déplore que les femmes et certaines minorités ethniques ne prennent que peu part à la vie publique (pour se limiter à l’aspect de la citoyenneté le plus institutionnalisé, banalisé et donc visible) ; nous pouvons faire le même constat pour les jeunes générations ! L’angle d’approche « jeunesse » pour traiter de la citoyenneté semblerait donc se justifier par le constat que les jeunes exerceraient moins leur citoyenneté que les autres. Tendance qu’il est nécessaire de changer, dans la mesure où « les acteurs de la citoyenneté de demain sont les jeunes d’aujourd’hui ». Mais outre cette exigence purement temporelle, la question intergénérationnelle semble bien s’appréhender également sous l’angle de la considération des différences de l’autre. Autrement dit, beaucoup reconnaissent aux jeunes une certaine spécificité, qu’il faudrait (re)considérer afin qu’ils deviennent de véritable acteurs de la « marche du monde ». Beaucoup de participant-e-s des 5e Rencontres considèrent que la jeunesse porte, génère, amène du neuf. Certains parlent de modes de gouvernance différents, que les jeunes mettent en pratique au sein de diverses structures, d’autres vont soulever les initiatives dont ils-elles sont porteur-se-s… Un des aspects fréquemment soulevé lors de ces Rencontres fut celui des outils, des instruments que les jeunes mobilisent pour agir. Parmi ceux-ci (et pour souligner la spécificité de la jeunesse en tant que groupe socialement distinct) l’utilisation des nouvelles technologies de l’information de la communication (NTIC), dont l’incontournable réseau internet. Au-delà d’outils, l’atelier A1 parle même de « nouveaux espaces d’engagement » que l’on pourrait extrapoler vers la notion de nouveaux espaces publics. Les avantages liés à internet -que l’atelier D1 a analysé- sont nombreux. Internet est avant tout un moyen de communication dont les contraintes spatio-temporelles sont nettement réduites. De plus, la mise en réseau qu’il permet, donne toute son importance aux échanges et s’avère une ressource très importante pour fédérer et a fortiori mobiliser. Il est désormais admis de considérer les NTIC comme des ressources d’action collective. Preuve en est : le rôle (à ne pas surestimer cependant) que celles-ci ont joué dans différents mouvements de lutte très récents, tels que les printemps arabes. D’ailleurs l’intervenante québécoise de la conférence sur l’engagement de jeunes dans la vie publique, qui a participé au printemps érable, souligne l’importance de ces divers outils dans l’organisation et la mise en place de la contestation. Elle note, en effet, que Facebook a joué un rôle dans 52
l'organisation du mouvement des casseroles via la circulation d’horaires, les lieux de manifestation étaient indiqués sur twitter, des vidéo illustrant les violences policières étaient postées sur you-tube… elle mentionne aussi la nécessité de médias alternatifs (ici, la chaîne de télévision See You TV) pour relayer l’information. Toutefois, il ne faut pas négliger les inconvénients inhérents à internet (également traités dans l’atelier D1) et les revers de médaille en matière d’organisation de mouvements collectifs. Si internet s’apparente à un nouvel espace public, sa gestion et son utilisation relève ainsi du champ de la citoyenneté. D’où la nécessité d’informer sur ce nouvel outil et d’éduquer à des pratiques citoyennes d’internet. Nous l’avons évoqué la citoyenneté est intrinsèquement liée à la notion d’émancipation. Si on reprend le travail d’Hannah Arendt, et les trois étapes qu’elle propose dans le processus d’humanisation, à savoir le travail, l’œuvre et l’action ; la politique apparaît bien comme une fin en soi, contrairement au travail, source d’aliénation. c. « Etre citoyen-ne avant d’être salarié-e » Nous tenterons dans cette partie de revenir sur les rapports entre citoyenneté et emploi, évoqués par l’atelier A1, ainsi que de traiter de façon générale la place de l’économie dans les pratiques citoyennes en esquissant quelques pistes de réflexion. L’atelier A1 s’est donc attelé à cette problématique, qui fait résonnance aux transformations des modes d’engagement, puisque l’on constate, ces dernières décennies, le passage du bénévolat à des formes rémunérées d’engagement (salariat, volontariat…) particulièrement visibles chez les jeunes générations.29 Outre l’avènement de la norme salariale dans le monde associatif, il s’agit de réfléchir ici à la possibilité, la pertinence ou la contradiction de l’action par l’emploi. Les termes du débat posé par l’atelier A1 sont les suivants : « Doit-on attaquer par la citoyenneté pour aller à l’emploi ou faut-il passer par l’emploi pour aller à la citoyenneté ? »
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M. Hély, Le travail « d’utilité sociale » dans le monde associatif, Management et Avenir, 2010/10, n°40, pp.206-217, p.206. Depuis le début des années 1980, le salariat associatif a vu ses effectifs multipliés par trois et enregistré ainsi un taux de croissance annuel deux fois supérieur à celui du salariat dans le secteur marchand.
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Nous l’avons souligné : la citoyenneté n’est pas circonscrite aux droits politiques mais se laisse penser et vivre au quotidien. Ainsi, il n’y a pas de raisons que la sphère économique fasse exception à la règle. C’est d’ailleurs ce qui justifierait en partie la raison d’être de l’économie sociale et solidaire (ESS), voulant régir la sphère économique par d’autres critères et d’autres valeurs que ceux véhiculés par le système dominant capitaliste. Or, il semblerait qu’il y ait une différence entre vouloir imposer une nouvelle vision et de nouveaux mécanismes pour l’économie et le fait que l’exercice de sa citoyenneté devienne une source de revenu. D’autant que le travail salarié est pour beaucoup (notamment dans théories marxistes) considéré comme une aliénation (là encore cela fait débat), peu compatible avec le projet politique d’émancipation porté par de nombreuses associations, où le salariat devient un statut de plus en plus répandu. Bien entendu, nous ne prétendons pas ici donner une réponse à cette question qui anime de nombreux et nombreuses militant-e-s salarié-e-s et qui mériterait à elle seul un atelier thématique ! L’atelier B3, sur les monnaies locales et complémentaires implique forcément d’évoquer les liens entre l’humain et l’économie. Comment pouvons-nous aborder l’argent (autrement) ? Il s’agit, à travers la mise en place de système de monnaies complémentaires de dépasser d’une part les logiques actuelles de domination et d’autre part de reconsidérer ce qu’est la richesse et notre manière de la quantifier en redonnant à la monnaie sa valeur d’échange. Le projet de monnaie complémentaire au Togo, présenté dans cet atelier, est intéressant puisqu’il considère que la monnaie peut apporter des réponses aux problèmes auxquels font face les jeunes en bonifiant le peu de moyens financiers dont disposent les jeunes et les associations, en renforçant la cohésion sociale, en favorisant l’insertion professionnelle des jeunes, ainsi qu’en soutenant l’émergence d’une forte autonomie des jeunes et d’un engagement citoyen…. Il nous semblait important dans cette partie sur la place de l’économie dans nos sociétés, de revenir sur l’économie sociale et solidaire et de se poser quelques questions sur les caractéristiques de cette dernière. Dans quelles mesures l’ESS obéit-elle ou contredit-elle les logiques économiques actuellement dominantes ? L’ESS doit-elle seulement venir compléter une offre déjà existante (et donc être une offre alternative) ou devenir une pratique généralisée voire 54
exclusive ? D’ailleurs l’ESS a-t-elle besoin de répondre à une offre, à des attentes des consommateurs pour exister, aAlors que la satisfaction des agents économiques s’avère la base des logiques microéconomiques qui justifient le système capitaliste actuel ? Si « tout n’est pas affaire de prix » mais bien de qualité, de respect de l’Homme, de l’environnement… est-ce que tout est nécessairement affaire de professionnel-le-s ? Quelle place occupe le profit dans le champ de l’ESS ? Ce qui nous renvoie à la question des liens entre le salariat et la citoyenneté… Enfin, quelle est la signification, la connotation des mots utilisés pour évoquer l’ESS ? Est-il vraiment adéquat de parler « d’offre », de « profit » ; alors que ces termes sont loin d’être neutres. (cf. sur la signification des mots III-A) d. Combattre et construire. Parler d’action citoyenne, semblerait à la limite du pléonasme, si l’on considère que l’action est intrinsèque à la citoyenneté. Etre citoyen, c’est avant tout s’engager, se mobiliser. Mais dans quel but ? Pour résister à l’inacceptable ou/et pour espérer changer les choses en imposant d’autres valeurs ? L’atelier A1 a identifié certains facteurs de l’engagement (l’engagement est un champ de sociabilité et de socialisation..) ainsi que ses freins (le temps, la méconnaissance…). Engagement qui peut bien entendu mobiliser divers outils : on l’a vu avec internet, mais l’art, les pratiques culturelles sont également d’excellents cadres pour favoriser l’expression et l’action de chacun-e. Réfléchir à l’action citoyenne est un projet bien vaste. Nous pouvons, toutefois, l’introduire (elle sera développée dans la 3 e partie) en mentionnant deux dialectiques qui la structurent. Premièrement (et très succinctement) l’action locale et l’action globale, dont la différence semble largement à nuancer dans le monde globalisé, qui est le nôtre. De plus, il s’agit de penser l’action locale et globale, en termes horizontaux, c’est-à-dire comme des échelles d’action différentes complémentaires et se nourrissant mutuellement. Deuxièmement, la dialectique entre combattre et construire sur laquelle nous allons un peu plus nous appesantir. Si le but d’une action citoyenne est la construction d’un monde plus humain et solidaire, la nécessité de construire une route vers cette direction semble une première nécessité. 55
Mais comment réagir quand des routes sont construites dans le sens inverse ? Essayons-nous de les stopper ou canalisons-nous nos forces dans la construction de la route qui nous semble plus juste ? La résistance à l’oppression, la lutte contre la construction de mauvaises routes, semblerait être la réponse immédiatement nécessaire. Même si une situation ne nous convient pas, sa dégradation n’est pas pour autant acceptable et nous amène à nous battre contre cette dernière sans remettre forcément en cause la situation initiale en elle-même. La conférence n°1 a beaucoup insisté sur le volet contestataire que revêt bien souvent l’engagement citoyen. En soulignant d’ailleurs le fait que la résistance n’aboutit pas forcément sur un changement, sur la mise en place d’autre chose. Ce non aboutissement s’illustre bien dans le fait que certain-e-s contestataires d’hier, sont bien les garant-e-s aujourd’hui de l’ordre établi. De plus, même si nous verrons que la dialectique construire et résister est loin d’être si immuable; la conférence a pu mentionner que dans certains cas l’absence de parcelles entre la lutte et la création, rend la période post-contestation plus délicate. Cependant, la réalité n’est pas si manichéenne. Résistance et construction s’avèrent dans la plupart des cas indissociables, perméables et complètement entremêlées, si bien qu’il serait vain de vouloir identifier ce qui relève de tel registre ou de l’autre. En effet, la création est bien au cœur de toute résistance et quel meilleur exemple de résistance active que nous offre, en ce moment et depuis plusieurs années déjà, la lutte menée à Notre-Dames-des-Landes. Cette première partie « Qu’est-ce qu’être citoyen-ne ? » a permis d’esquisser quelques pistes de définition de la citoyenneté ainsi que de revenir sur des grilles d’analyses (le genre, la jeunesse, l’économie) par lesquelles elle peut s’appréhender. Tenter de définir la citoyenneté de façon générale, amène forcément à mettre l’accent sur son aspect formel et banalisé qui est les droits civiques. Or, tout est question de citoyenneté, car tout est question de politique ! Outre la nébuleuse citoyenne, une autre difficulté dans cette entreprise de définition est le fait que la citoyenneté reste un mot écrit sur du papier, à travers lequel ne transparaissent pas les différences de vécus, de cultures… qui peuvent réellement en changer le sens. (C’est ce que nous verrons dans la III-A)
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2. Citoyenneté, territoire et démocratie A. Le Territoire : une dimension clé dans la construction du citoyen « Sur un territoire tout se tient, on ne peut pas couper en morceaux les choses. L’économie, l’environnement, les questions sociales… tout va ensemble. » RECit s'est constitué il y a dix ans autour d'une question : « Comment préparer les hommes et les femmes à être acteurs de leur propre vie et citoyens d’un monde solidaire ? ». Dès lors, il est apparu que pour devenir « acteurs » nous avons besoin de prendre appui sur notre environnement. En illustrant la réflexion par l’exemple de la vallée du Drâa, il s'agit de montrer comment la notion de territoire est fondamentale lorsque l'on parle de citoyenneté. On ouvrira en conclusion sur l'interaction inévitable entre les plans personnel, local et global. Partir des besoins d’un territoire, d’une communauté L’objectif du développement, c’est que tous les habitants du territoire puissent y vivre et être heureux. Cela suppose de répondre aux besoins fondamentaux de tous les habitants qui sont là. C’est aussi que les enfants, les habitants de demain puissent vivre de la même manière sur ce territoire. Ce n’est pas une question de croissance économique qui mesure seulement ce qui s’achète et ce qui se vend. Il faut que les habitants puissent s’exprimer sur leur besoin, sur ce qui est essentiel pour eux. La place des associations est donc importante. (Atelier B2) • L'exemple de la vallée du Drâa Un habitant de la vallée du Drâa qui a quitté la région dans sa jeunesse et revient 30 ans après constate que les conditions se sont profondément dégradées : l'eau manque, la palmeraie a fortement régressé, le désert progresse, l'économie agricole ne permet plus à la population de vivre alors qu’elle s’accroît, beaucoup de jeunes s'en vont. Mais il constate aussi que 57
les habitants se sont organisés, avec des groupements de producteurs et des associations locales très actives, une action publique pour le développement, et que la société a en partie su garder ses structures et son organisation. Depuis près de 15 ans, des associations ont défini ensemble un objectif de développement durable de la vallée du Draa. (Conférence n°2) Zagora est passé de 3000 à 40 000 habitants et devrait atteindre 80 000 habitants en 2025. Nous nous sommes demandés : « Comment défendre le tissu rural qui existe, lui donner les moyens d'une économie complète, d'un mieux vivre : tourisme solidaire, filatures, tissage ? Comment protéger les savoir-faire existant ? Comment lutter contre la culture du jetable, contre les emballages en plastique? Cela renvoie à la création d’une chaîne d’économie complète, permettant de sauvegarder la population sur place et le mieux vivre ? Le palmier dattier donne tout : la nourriture, l’abri, les tapis, les paniers… et tout cela de façon entièrement écologique. Avec les noyaux très riches en protéines on peut faire un bon café local. Mais les expériences de développement des dattes, ont été peu fructueuses. Il faudrait une prise de conscience. Il est très important de partir de la valorisation des savoirs anciens, comme par exemple dans l'irrigation. (Abdellah Najib, conférence n°2) Il convient de revenir sur le rôle de la société civile. Les premières initiatives de la société civile à Zagora remontent à la dernière décennie du siècle dernier. Ce sont donc des initiatives récentes. Ces initiatives sont d’autant plus nécessaires que la région a accumulé un très grand retard de développement. Un travail de plaidoyer sur les problèmes auxquels est confrontée la région est indispensable. La société civile à participé avec d'autres partenaires à l'élaboration de réponse à 4 grands défis. - Tout d'abord, Au début du siècle, la palmeraie comptait 5 millions de palmiers. Il n'y en a plus que 2,4 millions aujourd'hui, soit moins de la moitié. - Le 2ème grand problème est celui de la désertification. Nous perdons 100 ha par an. - Le 3 ème problème est celui des déchets des minerais, qui représentent 4 millions de tonnes aux environs de Zagora. Ces déchets sont liés à l'extraction du cuivre, du manganèse et de l'argent.
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- Enfin, 4 ème problème : la raréfaction des ressources en eau, ainsi que la baisse de qualité. Ces problèmes constituent des enjeux environnementaux fondamentaux pour la vallée du Draa. Ils sont communs aux différents territoires du sud et du sud-est du Maroc. (Jamal Akchbab, conférence n°2) •L’action citoyenne au plan personnel / local / mondial Plutôt qu’un cloisonnement des échelles, nous estimons que l'action citoyenne prend son sens dans une articulation des échelles de territoire et une répartition des rôles et responsabilités en fonction du principe de subsidiarité active. Cette vision est valable dans tous les domaines, même s'il semble parfois plus évident encore dans le domaine environnemental : la lutte contre le changement climatique ne pourra être efficace qu'en travaillant à des évolutions à la fois au plan personnel, au plan de l'action locale, et au plan international. (Atelier B1)
B. Nord/Sud, Rural/Urbain : des contextes différents, des problématiques communes et des interactions entre territoires S'il est nécessaire de s'approprier la notion de territoire pour entrer dans une logique de participation et de citoyenneté, il ne faut pas négliger d’apprécier à leur juste mesure les interdépendances entre territoires. Trois aspects méritent d'être soulignés : d’abord les interdépendances liées à l’économie : circuits d’approvisionnement, circuits de commercialisation. L’économie issue du développement local est nécessairement branchée sur les mouvements de l’économie globale. La micro-économie est en interaction avec la macro-économie. Ce sont ensuite les interdépendances liées à la vie quotidienne. Les pionniers du développement local ont certainement minimisé la mobilité, il est vrai, moins importante à leur époque qu’aujourd’hui. La mobilité est
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d’abord celle de la « polarisation » entre le rural et la petite ville ou le bourg centre. Les mouvements pendulaires quotidiens entre le domicile et le travail, la chalandise des administrations, des services et des commerces qui ne sont pas de proximité, les déplacements vers les lieux de loisirs, sont autant de pressions sur les habitants qui n’appartiennent pas à un seul espace, mais à plusieurs. La « rurbanisation » multiplie les constructions, notamment par lotissements, dans les communes rurales, au péril du « mitage ». Les acteurs du développement local mettront un certain temps à mesurer les effets, positifs et négatifs de cette économie résidentielle. La mobilité entraîne une réflexion renouvelée sur la nécessité du « désenclavement ». Les voiries, les transports en commun, la place croissante de la voiture individuelle, entraînent de nouvelles interventions dans le champ du développement local. Au repli identitaire initial succède l’apologie de l’ouverture par les déplacements. Le rêve d’un espace unique d’appartenance prenant en compte toutes les fonctions s’est traduit par une carte des 400 pays autosuffisants qui auraient constitué progressivement le nouveau maillage du pays. Le mouvement n’a pas toujours échappé à la tentation de la « modélisation » et de la « normalisation », dans une démarche qui se voulait rationnelle et écrasait la complexité. Les notions de « territoire à géométrie variable », d’appartenance simultanée à plusieurs territoires, de territoires « pertinents » différents selon le type d’action, « d’interterritorialité » ont eu du mal à émerger dans les milieux du développement local, même si ils sont aujourd’hui admis par tous. Encore aujourd’hui, dans le cadre d’une réforme des collectivités territoriales, il faudra se méfier des impératifs uniformisateurs et laisser au local une marge de manœuvre suffisante pour qu’il puisse s’auto-organiser souplement. Le troisième aspect des interdépendances est financier. Dès le début le mouvement du développement local est conscient que l’autarcie rêvée ne peut pas être financière. Comme le mouvement naît au début dans les territoires les plus pauvres, il fait immédiatement appel à toutes les solidarités. Tous les échelons de collectivités françaises et l’Europe sont mis à contribution.[1] • S'enrichir de nos différences : la nécessité de l'échange à tous les niveaux
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La rencontre interculturelle oblige les personnes à questionner leurs concepts, au-delà des mots : qu'entendons-nous par citoyenneté ? Il faut revisiter nos formes d'expression et de participation, et accepter de partir des pratiques locales. Une synthèse n'est pas toujours possible, mais l'important est souvent la démarche de recherche en elle-même. (Atelier D3). C'est toujours très difficile de lancer une dynamique. Mais une grande énergie peut exister à partir du moment où des initiatives émergent. Or, il existe ici énormément d'initiatives très riches qui sont comme des germes de l'avenir. Il faut que ces initiatives puissent échanger, au niveau local, national et international. On ne peut pas savoir ce que sera l'avenir. Il faut arriver à créer un rapport de forces. Il faut que les citoyens prennent davantage conscience de ces initiatives et en fassent prendre conscience à d'autres. Il faut apprendre aux jeunes à penser par eux-mêmes, à être libre, curieux. Ce qui donne espoir, c'est qu'il existe toutes ces initiatives. On ne les valorise pas ce que le système ne les voie pas et en a peur. (Henryane de Chaponay, conférence n°2).
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3. Au cœur de l'action citoyenne : l'éducation émancipatrice A. Le sens des mots : vous avez dit « éducation citoyenne ?! » Au sens strict, l’éducation se définit comme formation de l’esprit, donc une mise en œuvre de méthodes et de procédés propres à assurer la formation et le développement d’un être humain. L’éducation a donc pour but de conduire l’homme à sa propre humanité. Elle comporte deux facettes qui doivent fonctionner ensemble : une perspective individualiste (le développement des capacités de l’individu) et une perspective politique en tant qu’elle se conçoit comme un cheminement vers la liberté et l’autonomie, lesquelles ne sauraient se concevoir en dehors du cadre de la citoyenneté. Lors du film qui a été tourné au Maroc, la question, « Qu’est-ce que l’éducation citoyenne ? » nous a montré que plusieurs réponses sont possibles car dépendantes de la culture et des moyens d’appropriation que chacun et chacune a mis en œuvre pour construire sa vie et répondre à sa manière aux enjeux auxquels nous sommes confrontés dans notre vie personnelle, sociale et civique.
Une éducation mutuelle « Les échanges d’expérience sont très peu valorisés dans la société d’où je viens, mais force est de constater qu’on grandit en entendant le récit des autres », témoignage de l’Atelier D2 (Que m’apprend le récit de mon histoire pour construire demain ? Prendre la parole, c’est exister). L’expérience, le vécu des autres m’apprend sur moi-même, sur mon propre fonctionnement et cela a d’autant plus de vérité au regard des contextes culturels différents dans lesquels chacun et chacune de nous évoluent. Le partage éloigne la solitude et l’écoute amène à la compréhension. On retrouve ainsi l’un des fondements de l’éducation citoyenne : l’important est d’apprendre à comprendre (Paolo Freire) car l’apprentissage ne visant que sa simple finalité ne permet pas d’accéder à l’autre. Cette façon de penser élude la position du déterminisme qui suppose une prédétermination de nos
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actes, et évince la fatalité par l’espoir qu’un autre monde meilleur est possible si l’on se donne la peine de porter son regard au-delà de soi. On arrive au monde dans une société qui nous préexiste, et pour la comprendre il est nécessaire de saisir le sens des actions que les hommes et les femmes qui nous ont précédés, ont mené. D’où l’importance de transmettre et d’échanger pour amener ainsi à une véritable prise de conscience de notre monde. Dans le cas des combats dits féministes, on retrouve le plus souvent une volonté de développer une conscience citoyenne qui ne peut se consolider que sur la base d’une connaissance des luttes que les femmes ont menées dans l’histoire pour accéder pleinement à cette citoyenneté. Ainsi, parler d’Olympe de Gouges, de Margaret Buber Neumann ou encore de Simone Weil permettrait de changer l’imaginaire social de nombre d’entre nous et donnerait sans doute plus de confiance dans les capacités de chacune à se saisir de ses propres possibilités. Parallèlement, valoriser les apports des différentes cultures qui composent notre monde est nécessaire, et donne les moyens de se saisir de sa propre richesse en comprenant que notre évolution est parvenue là où elle en est par les échanges qui ont traversé nos différents pays, que ce soit au niveau des sciences dites dures (astronomie, mathématiques,….) mais aussi des sciences humaines (philosophie, littérature,…).
B. Transformation personnelle et transformation collective Identité sociale, identité politique L’éducation est citoyenne si elle prend en compte le parcours de vie de la personne et lui permet aussi de s’épanouir à travers les particularités et les différences qui composent sa propre identité. Cette dernière est une notion essentielle, car elle est relative à la question que chacun d’entre nous se pose ou s’est posé au moins une fois dans sa vie : Qui suis-je ? Entre culture et norme, comment se construit l’identité personnelle ? Et qu’est ce qui permet à l’individu de se considérer soi-même comme un autre, pour reprendre l’expression de Paul Ricœur, et de partager ainsi cette conscience citoyenne qui compose une société d’hommes et de femmes libres et égaux. Les ateliers qui se sont déroulés au Maroc ont permis de donner quelques pistes qui pourraient être résumés par ce constat fait par E.H Erikson : « La formation de l’identité va bien plus loin que le simple processus 64
d’identification avec les autres. L’identité n’est donc pas simplement la somme des diverses identifications de l’enfance, mais plutôt une combinaison nouvelle de fragments anciens et de fragments nouveaux d’identification. » Dans un contexte international, on retrouve des similitudes même si les réalités sont différentes d’où l’importance de se rencontrer et d’échanger. Trouver sa place dans la société est une question nécessaire pour permettre à l’individu-citoyen de se positionner et de prendre part aussi au débat et cela quel que soit l’endroit où il vit. Cette question de l’identité a ainsi traversé une grande partie des ateliers dans ce sens précis. Que l’on se trouve au Maroc, en France, au Québec,…. il y a un grand nombre de personnes de bonne volonté qui cherchent à accéder à cette cohérence entre leur vie personnelle et ce qu’ils vivent en tant que citoyens. Ce qui nous amène à considérer plus précisément comment vit-on cette citoyenneté en tant qu’homme et en tant que femme ?
Genre et citoyenneté L’approche du genre permet d’appréhender les discriminations que vivent aussi bien les hommes que les femmes et par-delà de considérer l’éducation que l’on transmet aux enfants. La définition proposée par Joan Scott a été la base de la discussion de l’atelier sur le genre : « Relations de pouvoir entre les hommes et les femmes au sein des différentes instances de la société (famille, communauté, Marché, Etat nation, Monde) responsables d’une distribution inégale des ressources, des responsabilités et du pouvoir entre hommes et femmes ». L’intérêt de cette démarche repose sur l’analyse des mécanismes qui mettent en exergue les modes de pensée et d’actions qui reproduisent les comportements générant les inégalités de genre que nous en ayons conscience ou non. L’éducation citoyenne doit se pencher sur une approche telle que celle-ci pour donner à chacun et à chacune les moyens de s’épanouir quel que soit son sexe ou sa sexualité. « L’éducation non genrée implique une éducation vers l’autonomie. Ainsi elle devrait viser l’actualisation des potentialités de chacun et de chacune en fonction de leurs capacités et non en fonction de leur sexe social. » (Atelier C1 « L’émancipation des femmes dans un contexte international »). L’épanouissement suppose donc de laisser à la personne la possibilité d’actualiser ses potentialités en évitant de l’enfermer dans une catégorie sociale sexuée lui intimant un comportement arbitraire basé sur ses seules caractéristiques biologiques. Il s’agit ainsi de déconstruire, de « faire péter les boites », qui nous oppriment plus qu’elles ne nous libèrent.
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Education « à », Education « vers » Ces 5èmes rencontres avaient pour particularité de se dérouler d’une part au Maroc et d’autre part de vouloir impliquer les jeunes de divers pays dans une réflexion sur l’éducation citoyenne. L’enjeu pour RECit était de démontrer que chaque société doit s’appuyer sur cette jeunesse pour pouvoir avancer et construire un monde solidaire et responsable. En cela, nous retrouvons cette conception de l’enfant énoncée par Maria Montessori et qui nous a guidé dans la construction de l’évènement : « L’enfant qui n’a jamais appris à travailler par lui-même, à se fixer des buts pour sa propre action, ou à être maître de lui et de sa volonté est reconnaissable dans l’adulte qui laisse à d’autres le soin de le guider et ressent constamment le besoin d’être approuvé par les autres. »(in « L’Education et la Paix », 1949).
Sensibiliser et former « à », éduquer « pour » L’autonomie passe par une éducation basée sur la responsabilité individuelle et collective, seule apte à faire émerger la solidarité entre les hommes, les femmes et les enfants. C’est un apprentissage tout au long de la vie qui met en œuvre le doute pour développer le sens critique. On peut établir différentes façons de parvenir à cette autonomie en définissant trois étapes : Sensibiliser consiste à rendre une personne réceptive à quelque chose. Former c’est instruire pour constituer un savoir afin de permettre une meilleure maitrise. Eduquer regroupe les deux premières définitions citées ci-dessus mais implique une éthique particulière reposant sur une fonction essentiellement humaine, celle du vivre ensemble. On retrouve l’articulation entre ces trois étapes à travers les ateliers des 5èmes rencontres. Atelier D1 : « Internet et les nouvelles technologies : un bien commun privatisable ? » La nécessité de sensibiliser à la pratique est nécessaire pour éviter certains dangers comme l’addiction entrainant une coupure avec le monde réel par exemple. Il faut d’autre part former à l’utilisation pour en exploiter les différentes potentialités et aussi éduquer, pour en faire un usage citoyen. La question éthique qui apparait alors est celle-ci : Les innovations technologiques comme internet, permettent une véritable révolution de l’information qui circule plus vite, touche plus de monde mais pour autant impliquent elles une meilleure compréhension entre les hommes ? On relève ici la mise en application du sens critique dans sa dimension positive et négative qui seule octroie une vision citoyenne de ce que nous pouvons extraire des nouvelles technologies.
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Pour une citoyenneté axée sur l’environnement La problématique environnementale englobe l’ensemble de l’humanité et donne encore plus de valeur à l’implication des jeunes dans la transformation sociale. En effet, le rapport entre l’homme et la nature a profondément évolué au point que nous sommes en capacité de détruire notre planète non seulement par la force militaire mais aussi par la somme des imprévoyances et des convoitises civiles. Sensibiliser à la nécessité de traiter les déchets, former à une bonne gestion de l’eau et éduquer à une co-responsabilité de l’action individuelle de chacun et de chacune permet à chaque société une meilleure maitrise de son environnement et d’instaurer des conditions de vie meilleures. Ainsi il ne s’agit pas seulement d’agir sur l’environnement mais aussi sur la santé publique, et plus fondamentalement sur la capacité des citoyens à agir individuellement dans un but collectif. « Les actions de sensibilisation dans les écoles permettent de sensibiliser les familles, qui elles-mêmes peuvent aller voir les associations qui font remonter les initiatives au niveau de l’Etat qui a son tour est susceptible de prendre conscience de l’importance du développement d’un tel projet pour l’intérêt collectif et donc de mettre en place des infrastructures et des financements ».
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Troisième partie: ExpÊriences porteuses d'alternatives
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L'association des personnes handicapées de Zagora (APHZ) L’association des personnes handicapées de Zagora APHZ milite pour la scolarisation des enfants en situation de handicap L’objectif de l’association est de rendre possible la scolarisation des enfants en situation de handicap et d’améliorer leurs conditions d’intégration dans les écoles de Zagora. L’APHZ est le relais entre la population et les responsables institutionnels Les actions menées depuis mars 2009 ont pour objectif de promouvoir les droits de l’enfant porteur de handicap dans le cadre d’un projet de société moderne et équitable. - Sensibiliser les acteurs : par la mise en place d’ateliers de sensibilisation auprès des parents, des responsables éducatifs, des acteurs locaux à partir du droit de l’enfant à la scolarisation - Sensibiliser les enfants : dans les écoles, dans les séjours de vacances : pour changer le regard sur le handicap : la peur du handicap « ça s’attrape », la situation de l’enfant handicapé qui reste caché à la maison, et le reste pour le gouvernement. - Recenser le nombre d’enfants porteur de handicap dans la ville de Zagora où il n’existe qu’une CLIS (Classe pour l'Inclusion Scolaire), il en manque 4 pour 56 enfants non scolarisés de 6 à 15 ans, temps pendant lequel l’école est obligatoire. - Créer une association de parents tuteurs d’élèves porteurs de handicap (APTE) qui forme les parents sur le handicap, sur la santé, sur la prise en charge de l’enfant. Elle travaille aussi sur l’habitude de vie de la famille avec l’enfant et sensibilise sur l’importance de l’inscription à l’école. - Réaliser un film documentaire sur l’accessibilité de la cité aux personnes porteuses de handicap - Réaliser la construction de 3 blocs sanitaires dans 3 écoles de Zagora où il y a des enfants handicapés Les difficultés rencontrées par l’association sont de plusieurs types:
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* Faire appliquer les lois : la loi sur l’accessibilité est de 1990, le décret est sorti en janvier 2011 et l’application date d’avril 2012 * Changer les mentalités : beaucoup de « nonchalance » rencontré de la part des responsables et des familles * Former les architectes : les bureaux en classe ne sont pas adaptés aux enfants en fauteuil, les rampes et plans d’accès sont oubliés. * Transport scolaire non adapté. * La pauvreté, le manque de moyens et de couverture sociale empêchent l’accompagnement des enfants à l’école, lorsqu’ils habitent loin de la ville. Le documentaire traduit une partie de la réussite de cette action d’intégration scolaire. Le film montre la joie d’une petite fille en fauteuil électrique qui se rend aux toilettes, seule ; elle entre, tourne et sort, sans aide, du bloc sanitaire. Elle est libre, prête à recevoir les apprentissages scolaires et à vivre avec ses camarades.
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Construire une conférence gesticulée sur l’anecdote et créer un archipel d’images 1- C’est une façon de transmettre des idées formelles. 2- C’est une façon d’engager de façon non sérieuse des gens à une cause sociale, environnementale, syndicale, etc. 3- La conférence gesticulée est un renouveau de l’éducation populaire. 4- L’éveil de la conscience de classe. 5- Capter l’attention du public, par les anecdotes, l’émotion et l’histoire personnelle. L’essentiel de la conférence gesticulée est l’anecdote. Tout commence et se termine par l’anecdote. Si vous ne comprenez pas cette idée, il vous est inutile de continuer à lire ce document, car toute initiative est vouée à devenir une conférence normalisée parmi les autres si l’anecdote n’est pas le terreau de la conférence gesticulée. D’une part, elle permet, de façon pédagogique, une meilleure compréhension des enjeux de notre 21e siècle surchauffant. Cette méthode, inspirée des idées de Frank Lepage, n'est rien d'autre qu'un outil pédagogique servant les intérêts du présentateur. Il est libre de modifications et d'adaptation selon le public ou l'aisance du conférencier. Je vous invite à regarder un exemple de ce type de conférence sur le web afin de valider si ça correspond au format d'atelier que vous souhaitez développer. Elle est gesticulée parce qu’elle est un exercice de vulgarisation et cette méthode possède certaines caractéristiques qui la distinguent des autres. Ce qui caractérise la conférence c'est l'image, la dérision et l’interaction avec le public. Il faut mettre en place une variété de symboles, d'images qui vont donner du caractère à la conférence. Les symboles permettent aux jeunes et moins jeunes de joindre des concepts théoriques à une réalité physique. Ils servent 71
à comprendre la matière difficile à saisir. Plus l'enjeu est universel et plus i l est pertinent de bien définir les concepts par des images. Même si le public est déjà au courant et connaît le sujet. Il s'agit de démystifier des idées acceptées comme vraies, incomprises ou empreintes de préjugées ou inconnues du public. Ensuite, par le biais du rire, le désintérêt d'un public se transforme en quelque chose de beau et c’est ce que nous cherchons à faire. Les sourires et les rires sont gages de réussites et de bonheur pour le conférencier. La compréhension par la dérision d’une réalité Finalement, la participation du public s'insère dans une perspective de démocratisation du savoir. Il s’agit de déglacer l’univers des cours magistraux pour qu’ils deviennent des échanges de connaissances plutôt qu’un savoir unidirectionnel. Voici quelques liens qui pourront vous intéressez, bâtisseurs ou bâtisseuses de conférence : http://www.youtube.com/watch?v=oNJo-E4MEk8 http://www.lesconferenciersgesticulants.com/
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Au Maroc, les espaces libres de débat de l’association junior Al Gharb pour la Protection de l’Environnement A 40 kilomètres de Rabbat, dans la ville de Kinitra, onze jeunes se sont rassemblés en association en 2011 afin de donner la parole aux jeunes. Partant du constat que « les jeunes n’avaient rien à faire » dans la ville dortoir de Kinitra, ils sont désormais 56 à faire vivre l’association et leur ville à travers le club de débat, le concours de débat public, et prochainement grâce au carnaval de la ville, et à leur projet de magazine par et pour les jeunes. Projet phare de l’association, le micro-libre fait parler de lui dans la ville. « On a fait ça pour sortir les conférences des lycées », explique Layla Saligane, présidente de l’association. Une à deux fois par mois, les jeunes organisent des café-débats où un intervenant est invité non pas pour exposer son savoir théorique mais pour écouter les jeunes et leur répondre. Lors des élections législatives, par exemple, un intervenant est venu afin de décrypter avec les jeunes les messages médiatiques. Aspirant à une société sans tabou, les jeunes de l’association ont également organisé un débat avec un sociologue sur l’harcèlement sexuel. « Le café-débat est là pour répondre aux questions auxquelles la société ne leur apporte aucune réponse. », affirme Layla. L’aspect intergénérationnel est également important. Il n’y a aucune limite d’âge lors des micro-libres. Ce qui amène le public, c’est essentiellement leur intérêt pour le sujet, ce qui rend les dialogues plus riches. « Les participants, même s’ils ne sont pas de la même famille, écoutent l’avis d’autres personnes qui ne sont pas de leur âge. La mère de famille entend par exemple les préoccupations de celle qui pourrait être sa fille », témoigne Layla. Action la plus fédératrice, le micro-libre rassemble de nouveaux jeunes, qui, impressionnés par l’activisme des membres de l’association souhaite s’engager auprès d’elle ainsi que dans leur ville. Contact : AGPE Junior - Kinitra Layla Saligane - 0655260816 - Layla.agpej@gmail.com 73
Méthodologie du Grand jeu de clôture Le « grand jeu de clôture » est une animation fondée sur l’improvisation et la construction collective de petits temps scéniques. L’objectif était de clôturer en beauté les 5èmes Rencontres en organisant un grand jeu fédérateur, allant au delà des barrières de langue, d'âge, de culture, etc. Pour cela, nous avons pris exemple sur le jeu monté par la SCOP l'Orage 30 lors de l'université d'été de la solidarité internationale 2012, préparée avec le CRID. Voici comment nous l’avons adapté lors des 5emes Rencontres Internationales de l’Education Citoyenne à Zagora. La salle est divisée en 5 groupes thématiques. Chaque groupe thématique est lui-même divisé en 4 petits groupes par animation.31 Les participants vont donc former des groupes restreints (entre 5 à 10 personnes max.) en vue de monter une saynète de quelques minutes (env. 3min.), orientée uniquement par des consignes spécifiant le thème de leur « impro », ainsi que la façon dont ils peuvent l’aborder : à l’aide d’une consigne d’animation. Ainsi différents groupes ont le même thème mais l’illustrent différemment, car chaque groupe d’un même thème a une consigne d’animation spécifique. Note : Cette « consigne » est plus un cadre rassurant et efficace permettant à chaque groupe de créer dans un temps de préparation relativement limité, plutôt qu’une règle stricte car le « grand jeu » est avant tout fondé sur la faculté de chacun à s’approprier les règles. Intérêt : Les thématiques choisies peuvent reprendre les lignes de force de l’événement, ou au contraire élargir le débat vers d’autres perspectives. Nous avions choisi : « agir en citoyen », « planète en danger », « Lutter contre les inégalités », « travailler pour vivre ou vivre pour travailler ? » « Etre jeune aujourd’hui ». 30
L’Orage est une coopérative d’éducation populaire œuvrant à réintroduire du politique dans le débat public 31
Ces propositions, à adapter, concernent un grand groupe de 100 à 160 personnes.
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Ce temps permet de susciter la participation de tous grâce aux « animations » simples qui ne nécessitent pas obligatoirement une prise de parole. Une nouvelle relation avec le public se crée. D’une part la bienveillance est très présente, mais les animations encouragent les « joueurs » à solliciter le public. Avant Attention à bien répartir les participants dans la salle pour pouvoir repérer les groupes et mieux les équilibrer. Les participants se constituent en grands groupes en fonction de leur thématique et de leur animation. Pendant a) Temps d’introduction : explication des consignes (Jeu en 2 parties : la 1 ère est à expliquer, pour la seconde tout est écrit sur la feuille) b) Distribution des documents (un par personne). Le jeu se passe ensuite en deux temps : 1ère partie : (env. 10 min) Objectif : le premier temps est au service du second, il casse radicalement les postures classiques (concentration, posture d’acteur). Concrètement ; chaque participant se met en binôme avec la personne qui est à côté d’elle (l’idéal étant d’être avec une personne que l’on ne connait pas). Chacun d’entre eux doit raconter à l’autre une anecdote/une histoire positive sur le thème précisé sur la feuille qu’il a reçu. Au bout du temps imparti, on demande aux personnes de se regrouper avec les autres personnes de leur thème et ayant la même animation à faire. 2e partie : (20 minutes de préparation + représentation finale) Préparation : Chaque sous-groupe prépare sa représentation (20 minutes). Les animateurs circulent entre les groupes pour orienter et encourager les participants.
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Une fois que les 20 minutes se sont écoulées, faire venir l’ensemble du groupe thématique sur scène (ex : tous les « agir en citoyen ») et les faire passer les différentes animations les unes après les autres. (Les autres attendent sur le côté de la scène ce qui évite que certains s’en aillent.) Résultats attendus : chaque groupe présente à tout le reste de la salle sa petite animation. Animation/méthode: Voici les différents outils pour aiguiller les participants dans leur jeu, au sein de chaque grand groupe thématique : 1 CONTE ton idéal Représentez votre idéal en une ou plusieurs « saynètes » sans paroles. Vous pouvez vous inspirer des anecdotes racontées précédemment… Faites surgir l’univers du conte (avec ses décors, bruitages, etc.) ! L’un-e d’entre vous peut être le narrateur qui expliquera l’action. 2 UNE IDEE EN SIX GESTES Imaginez 6 gestes clairs (sans paroles) qui, effectués successivement, représentent votre idéal (sur le thème proposé) : Sur la scène : Tout le groupe fait le 1er geste, la salle le refait. Tout le groupe fait le 2ème geste, la salle le refait. Etc., jusqu’au 6ème ! Le groupe fait alors les six gestes à la suite, la salle les refait ! Une personne prend alors la parole pour expliquer brièvement l’idée qui voulait être symbolisée. 3 UNE MACHINE DE GESTES ET DE MOTS (machine humaine infernale) Une 1ère personne s’avance sur le devant de la scène, commence un geste et énonce un mot ou une expression. Geste et mot(s) doivent être répétés en boucle. Puis une 2ème vient se rajouter au tableau (en suivant le rythme), puis la 3ème, etc. Personne ne doit arrêter son geste et son expression!
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4 PAROLES BOXEES En une phrase, en quelques mots, en un slogan, ce qui te vient, déclame à la salle ton idéal (sur le thème proposé) ! Sur la scène : chaque personne du groupe s’avance face au public et « boxe » sa phrase, les uns après les autres ! · [ durée de la représentation : 3 minutes ] [ temps de préparation du groupe : 20 minutes ] Une 5eme animation fut proposée lors de la représentation et son originalité mérite d’être soulignée : La photo instantanée : deux tableaux montrent l’évolution d’une situation jusqu’à sa résolution. En fonction de la thématique : illustrer, en incarnant des personnages (ou des objets), la situation problématique (ex : « planète en danger : mimer un comportement de pollueur, mimer un avion etc.) Originalité de l’animation : Chaque joueur se « fige » après avoir adopté sa position. De plus, le public est invité à monter sur scène rapidement pour participer à « l’instantané » Cela constitue une photographie vivante géante. Puis, dans un second temps (cette transition est expliquée par un narrateur), après avoir quitté la scène les joueurs reviennent pour constituer un second tableau : une société « idéale » maintenant, (ex : mimer le travail potager, le déplacement à vélo, se reposer allongé dans l’herbe, etc.) Le public est à nouveau invité. Et tous se « figent » pour que le public resté face à la scène puisse constater « l’instantané ». Notes et remarques générales · L’idéal est d’avoir au moins un animateur par thématique (5 minimum). · Si les participants sont nombreux, travailler dans un amphithéâtre permet de mieux constituer les groupes, en définissant au préalable l’emplacement des différents sous-groupes.
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· Encourager les groupes à jouer avec le public, afin de renverser la posture traditionnelle. · Nous avons opté pour des « thématiques » assez larges afin que son application par le biais des différentes animations soit assez aisée. En conclusion : Une animation simple qui donne cependant des résultats impressionnants. Elle demande néanmoins de la rigueur au niveau de l’explication des règles et différents temps du jeu. Cette animation donne la possibilité à un rassemblement d’individus divers de devenir un groupe, qui va partager des expériences individuelles, et inventer des possibles. De plus, elle permet de réfléchir collectivement à des enjeux actuels par le biais de jeux scéniques : c’est ainsi un outil remarquable pour provoquer l’envie d’agir concrètement sur des thématiques citoyennes. Les 5emes Rencontres furent donc marquées par une séance de clôture innovante, réjouissante et participative.
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Développement Inventif Sénégal ne laissera pas Gandiol seul face à son destin C’est pendant les 5èmes Rencontres Internationales de l’Education Citoyenne, à Zagora, que nous avons rencontré l’association Développement Inventif Sénégal (DIS). Juan des P’tits Déb nous décrit sa rencontre avec Lamine, et sa découverte du film documentaire « Gandiol seul face à son destin ? » réalisé par DIS. Le film, Gandiol seul face à son destin ?, a été achevé en juillet 2011, puis restitué auprès des acteurs (villageois, professionnels, conseillers ruraux...) qui y ont participé. Ce film met en évidence les menaces écologiques qui pèsent sur le Gandiolais, zone rurale près de Saint Louis (Où l’association DIS est présente depuis quelques années), sur le Parc national de la Langue de Barbarie, sur les villages de l’estuaire du fleuve Sénégal et sur les activités génératrices de revenus, notamment la pêche, les cultures maraîchères et le tourisme. A partir de l’histoire de Gandiol et surtout de la nouvelle embouchure du fleuve Sénégal creusée à quelques kilomètres la ville de Saint Louis (2004), le film s’appuie sur des entretiens d’habitants et des images inédites pour évoquer la destruction du village Doune Baba Dieye par la mer, la salinisation des eaux, les déchets envahissants, les problèmes de santé publique et les difficultés pour écouler les produits des seules terres agricoles où des cultures résistent encore. Rappelons que Gandiol a connu une forte immigration clandestine, et que l’avenir de ses jeunes, dont beaucoup déscolarisés, reste trop souvent problématique. D’emblée, le film avait plusieurs objectifs : offrir aux acteurs locaux la possibilité de s’exprimer, y compris pour les vieux pêcheurs et les femmes qui vivent des produits maraîchers, rechercher des solutions aux difficultés du Gandiolais, trouver des fonds pour promouvoir des actions futures, surtout celles susceptibles de créer des revenus et d’intéresser les jeunes. Bien que les tendances lourdes (y compris les changements climatiques) soient préoccupantes, des idées pour l’avenir de Gandiol ne manquent pas : la promotion volontariste de l’écotourisme sur mesure, favorisant les échanges entre les populations de Gandiol et les étrangers, l’extension de la
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mangrove existante avec pisciculture, des activités socioculturelles avec le renforcement des liens ville/campagne... Ce projet est entré maintenant dans une phase de postproduction afin le diffuser le film plus largement (notamment auprès des chaînes de télévision, dans des festivals et auprès de réseaux de jeunes). Le film a été très apprécié par tous ceux qui l’ont visionné. Il ouvre des perspectives et notamment celui d’autres commandes de films à Saint Louis et celui de la création d’une unité mobile audiovisuelle pour la région de Saint Louis. Un nouveau film sur le quartier de Guet Ndar, le quartier des pêcheurs de la ville de Saint Louis est en préparation, plaçant les évolutions écologiques et les difficultés des pêcheurs dans le contexte des changements climatiques. Voir le documentaire : Developpement-Inventif-Senegal-ne
http://www.recit.net/?
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Place à la Parole à Roubaix : Un individu, une voix, un mégaphone - une parole libre Donner la parole aux jeunes est une chose, leur permettre d’en prendre réellement possession en est une autre. Les outils nous manquent dès lors que l’on souhaite permettre l’expression d’un public qui n’est pas habitué à aborder sa propre situation, ou son quotidien en public. Dans un contexte d’élections présidentielles, qui rappelle la forte abstention des élections passées, il était nécessaire de mobiliser la ville qui cumule les titres de « la plus jeune » et « la plus pauvre » de France pour permettre aux jeunes de faire acte de citoyenneté en exposant leurs messages. L’enjeu de l’événement porté le 31 mars 2012 résidait dans l’appropriation par les jeunes roubaisiens d’une parole libre et battre en brèche les idées reçues sur les jeunes. L’aménagement de l’espace, le profil social de la population, ainsi que les lieux culturels ont favorisé l’émergence de pratiques labellisées « street ». L’objectif principal était de favoriser l’engagement de la jeunesse, en faisant émerger une conscience citoyenne, tout en permettant, par le biais d’un moyen d’expression citoyen, le partage et l’expression des problèmes vécus par la jeunesse roubaisienne en vue de favoriser leur résolution. Les structures qui ont conjointement organisé ce rendez-vous sont très diverses : de la Maison Des Associations, dont le cœur de métier est de soutenir et dynamiser la vie associative, au Conseil Municipal des Jeunes, en passant par des associations de pratiques de rue : So Street (œuvre pour l’insertion des jeunes par les cultures urbaines) ou encore Parkour 59, (association de Parkour, discipline sportive de franchissement des obstacles que constituent le mobilier et l’espace urbains.) L’animation et la co-construction : des ateliers de préparation à la prise de parole des jeunes eurent lieu avec Picardie Laïque, (association Belge qui mène des actions d’accompagnement des individus dans l’exercice actif de la citoyenneté). Des interventions eurent lieu auprès des lycéens de Roubaix, et des jeunes des quartiers. Les ateliers de préparation à la prise de parole en public visaient à travailler sur le ressenti des jeunes à propos de l’environnement politique, social, économique, et de leur quotidien. Il s’agissait de réveiller l’expression libre et d’apprendre à entendre. Ainsi, lors de la construction des propositions à exprimer lors de Place à la Parole, 81
un partage des enjeux de la citoyenneté et du mieux vivre ensemble a réellement émergé. Le déroulement : pour une demi-journée, la « Place de la Liberté » accueillant la liberté de parole s’est transformée pour accueillir l’action : « Place à la parole ». Un « speaker-corner » mouvant a été choisi comme estrade pour la prise de parole des jeunes. Le principe est simple : Un individu, une voix, un mégaphone ; une parole libre. Et pour ne pas figer le lieu, plusieurs points ont tour à tour accueilli la parole de ces jeunes. De nombreuses animations ont contribué à valoriser la jeunesse. Puis, entre deux représentations de Capoeira, Hip-Hop, ou de Parkour, la parole a été donnée aux jeunes. Le bilan est aussi instructif que réjouissant. L’opération a révélé notamment, lors de la préparation des ateliers, une représentation négative voire très négative de la politique. Une telle journée n’en apparaît que plus indispensable. De plus, l’action a été couronnée de succès par une mobilisation importante : environs 500 personnes se sont succédé sur la place de la Liberté. En termes d’écho politique, le mégaphone a bel et bien résonné dans les oreilles des élus, qui se sont déplacés en nombre ce jour là. Mais au-delà du rassemblement d’un jour, c’est la mise en avant de la jeunesse comme une richesse et non un coût pour la société, comme une source de solutions dynamiques et innovantes et non pas un problème à prendre en charge, c’était là l’enjeu principal d’un tel rendez-vous. http://www.recit.net/?Place-a-la-Parole-a-Roubaix-Un
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Conclusion Les spécialistes de l'énergie disent que, quand plusieurs personnes sont réunies dans un lieu et qu'elles partagent un but commun, se forme une énergie collective qui n'est pas l'addition des énergies individuelles : c'est quelque chose de nouveau et d'une certaine façon indépendant de la volonté de chacun. Ils appellent cette énergie collective : un égrégore. C'est aussi ce phénomène qui fait dire à plusieurs participants qu'ils ont vécu une expérience unique qui les a galvanisés et qu'ils n'oublieront jamais. Bien sûr, l'organisateur-rice accaparé-e par l'opérationnel, la logistique, la machine qui doit bien fonctionner, ne bénéficie bien souvent pas de cet égrégore, de ce moment magique ou alors seulement partiellement. L’événement se termine, chacun atterrit plus ou moins en douceur et le travail d'inscrire ce qui s'est passé dans la continuité, commence. C'est effectivement un travail car la continuité ne se crée pas naturellement : l'événement est par sa nature extra-ordinaire. Le travail d'accueillir l'événement dans la continuité est à la fois individuel et collectif : collectif pour RECit aussi bien en son sein que dans les relations avec ses partenaires anciens et nouveaux. Intégrer les nouveautés que nous avons rencontrées et vécues, comprendre le sens qu'elles ont dans notre histoire et dans l'histoire des personnes et des groupes que nous avons rencontrés, c'est cela qui va enrichir notre propre humanité. Et des nouveautés nous en avons eues et de taille ! Nous retiendrons que : • les Rencontres se sont passées à l'étranger, avec une autre organisation partenaire • la participation des jeunes (dont des mineurs) a été massive, • les jeunes des "quartiers" étaient nombreux, • des groupes de jeunes étaient présents avec un projet spécifique, • l'équipe organisatrice a fait preuve d'une grande générosité, et solidarité • le déficit financier a été minime
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Ce travail collectif d’inscription de l’événement dans la continuité en revenant sur le sens et les implications de toutes ces nouveautés, a indéniablement fait émerger, ou du moins a renforcé, certaines réflexions au sein de RECit, remis en cause certaines façons de procéder, consolidé d’autres… Et tout cela nous confirme bien que RECit n’est pas une entité figée mais bien en perpétuelle construction, se nourrissant de ses expériences passées, positives ou non. Les thématiques mises en exergue durant les Rencontres (particulièrement durant les temps d’ateliers) feront également l’objet de prolongements et d’approfondissements, car trois d’entre eux se prolongent par un travail dans le cadre du Forum Social Mondial de Tunis, qui a lieu en mars 2013.
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Table des matières Remerciements.........................................................................................3
Introduction..............................................................................5 Présentation des Rencontres...................................................................6 Construire des Rencontres Participatives..............................................9 Pourquoi ce fascicule ?...........................................................................13
Première partie :....................................................................15 .................................................................................................15 Quelques éléments de contexte.............................................15 1. La place des jeunes dans la société...................................................16 2. Où en est le développement de la vallée du Draa ?.........................27 Introduction______________________________________________27 1. Une société en crise______________________________________28 L'accroissement de la pression démographique..............................30 D'importantes transformations sociales..........................................31 3. L’action des Pouvoirs publics______________________________31 3. La mobilisation locale____________________________________35 Une forte prédominance des associations d'usagers des eaux agricoles...........................................................................................35 De RADZED.....................................................................................37 De RADEC.......................................................................................37 4. Précisions sur les principaux domaines d’action_______________38 La préservation des écosystèmes et des sociétés oasiennes ............38 L’appel des oasis (2002)..................................................................38 Les actions physiques menées par l’ADEDRA pour la gestion concertée des terroirs......................................................................39 La mobilisation des ressources en eau des nappes locales.............40 La lutte contre la désertification......................................................41 Le tourisme durable : un intérêt économique .................................43 La valorisation du patrimoine local................................................44 … et ses retombées sur l’écotourisme..............................................44 La poterie.........................................................................................45
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Le tapis.............................................................................................45 Les Bijoux.........................................................................................45 L'évolution de la démographie.........................................................46 L’amélioration des conditions de santé...........................................46 L’organisation des femmes..............................................................47 Appui aux associations de handicapés............................................47
Deuxième partie : ..................................................................49 .................................................................................................49 Synthèse des ateliers thématiques et des conférences interactives..............................................................................49 Introduction ...........................................................................................50 1. Qu'est ce qu'être citoyen-ne ? ..........................................................50 2. Citoyenneté, territoire et démocratie ..............................................57 A. Le Territoire : une dimension clé dans la construction du citoyen_57 B. Nord/Sud, Rural/Urbain : des contextes différents, des problématiques communes et des interactions entre territoires______59 3. Au cœur de l'action citoyenne : l'éducation émancipatrice............63 A. Le sens des mots : vous avez dit « éducation citoyenne ?! »______63 Une éducation mutuelle...................................................................63 B. Transformation personnelle et transformation collective_________64 Identité sociale, identité politique ...................................................64 Genre et citoyenneté........................................................................65 Education « à », Education « vers »................................................66 Sensibiliser et former « à », éduquer « pour »...............................66 Pour une citoyenneté axée sur l’environnement..............................67
Troisième partie: ...................................................................68 .................................................................................................68 Expériences porteuses d'alternatives...................................68 L'association des personnes handicapées de Zagora (APHZ) ...........69 Construire une conférence gesticulée sur l’anecdote et créer un archipel d’images...................................................................................71
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Au Maroc, les espaces libres de débat de l’association junior Al Gharb pour la Protection de l’Environnement...................................73 Méthodologie du Grand jeu de clôture................................................74 Développement Inventif Sénégal ne laissera pas Gandiol seul face à son destin.................................................................................................79 Place à la Parole à Roubaix : Un individu, une voix, un mégaphone une parole libre.......................................................................................81 _______________________________________________________81
Conclusion .............................................................................83
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Comment accompagner ensemble la jeunesse à être actrice d'un développement humain et solidaire ? Ce document rend compte des échanges réalisés au cours des 5èmes Rencontres Internationales de l'éducation citoyenne, qui se sont déroulées du 29 octobre au 3 novembre 2012 à Zagora (Maroc). Ces 5èmes Rencontres ont rassemblé environ 300 participants, venant de 15 pays, autour des questions : « Comment accompagner ensemble la jeunesse à être actrice d'un développement humain et solidaire ? » Les 5èmes Rencontres de Zagora ont marqué une étape importante dans l’histoire de RECIT, et ce à plusieurs titres : par le fait qu’elles ont été organisées au Maroc d’abord, ces Rencontres donnent une nouvelle dimension à la composante interculturelle du Réseau ; par le fait que le thème central ait été la jeunesse ensuite, elles nous amènent à nous ré-approprier la question de l’éducation sous l’angle du lien bien particulier entre « éducateur » et « éduqué ». Au final, loin d’être un énième projet d’éducation « à » (à la citoyenneté, à l’environnement, à la solidarité internationale, etc...), notre projet est celui d’une « co-éducation vers ». D’une co-éducation vers la liberté, vers l’égalité, pour construire ensemble ce chemin vers la paix sur lequel nous nous engageons ! Avec le soutien de :
5 euros
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