N°8
Pour un service civique universel porteur d'éducation citoyenne, de brassage social et de bien commun
Éléments pour un débat
Rédaction Didier MINOT
Décembre 2006
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Pourquoi ce travail ?
Après les révoltes urbaines de novembre 2005, le président de la République avait annoncé la création d’un « Service Civil Volontaire », associant accompagnement et formation, destiné à promouvoir l’emploi et l’engagement des jeunes (qui s'est mis en place depuis lors). Cette réponse ne parlait pas vraiment aux jeunes, mais envoyait un message au reste de la population pour la rassurer « nous allons prendre en main des jeunes, particulièrement les jeunes des banlieues »1 En réaction à cette décision, diverses voix se sont élevées pour souligner la nécessité d’un Service Civique obligatoire qui s'adresse à toute une tranche d'âge, et pas seulement aux jeunes des banlieues, avec des objectifs beaucoup plus ambitieux que l'éloignement et l'occupation de ces jeunes loin de leur territoire. Un appel a été lancé par l’hebdomadaire La Vie qui a recueilli 10 000 signatures, dont 440 parlementaires. L’idée a séduit beaucoup de parlementaires (Assemblée Nationale et Sénat confondus) et a été reprise par trois des candidats à l'élection présidentielle. Cette unanimité n’est pas rassurante, car ce thème tend à devenir un thème de marketing politique, mais ne garantit ni l'aboutissement du projet ni le sérieux de son contenu. D’où l’utilité du mouvement qui s’est dessiné depuis février dernier pour étudier la mise en place d’un service civique universel, avec des exigences fortes de cohérence entre les finalités et les modalités de mise en oeuvre.
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Bruno Julliard, UNEF, aux rencontres « la démocratie au risque de la spiritualité »
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Une élaboration partagée
Ce travail est issu des échanges au sein de RECIT et de la Plate-forme interassociative qui s’est réuni depuis février dernier
Le travail de la plate-forme inter associative A la suite de l'appel lancé par La Vie en novembre 2005, 40 organisations se sont réunies activement pour dégager des principes communs et travailler à l'élaboration d'un projet de mise en oeuvre. Au sein du collectif, les sensibilités sont très variées, de même que les pratiques. Le mode de travail a été essentiel pour rapprocher les points de vues. Chacun s’est exprimé librement pour approfondir les questions posées par la plate-forme de départ, Philippe MERLANT et l'équipe de La Vie effectuant des synthèses objectives et concises. Deux débats publics ont permis de préciser les positions et les points en débat, au Salon de l’Éducation le 18 novembre et au colloque « la démocratie au risque de la spiritualité » à Saint-Denis le 2 décembre. Un certain nombre de conclusions de ces débats ont été intégrées au présent document. Grâce à ces multiples échanges, les positions initiales ont beaucoup évolué, chacun prenant progressivement en compte des avis parfois opposés. Les tenants du volontariat ont admis la nécessité d'un service universel. Les tenants d'un service obligatoire ont pris en compte la nécessité d'une progressivité et d'une cohérence dans la mise en oeuvre. Le dialogue a été facilité par le plaisir à travailler ensemble et par le sens de ce travail commun.
La mobilisation de RECIT RECIT, pour sa part, a participé activement à cette dynamique en essayant de préciser les conditions de mise en oeuvre du service civique, et en
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mobilisant tous ceux qui, au sein de son réseau s'intéressent à cette question (environ 70 personnes). Nous pensons en effet que le renouvellement de la citoyenneté est une question vitale pour l'avenir de la société et de la démocratie, et le service civique constitue un levier permettant que l'éducation citoyenne devienne une priorité dans notre pays. Nous tenons à remercier tous ceux qui ont participé à ces échanges, et particulièrement Philippe MERLANT, journaliste à La Vie, qui a animé les travaux de la plate-forme associative, Tom Roberts, membre de RECIT et ancien volontaire, dont l’expérience et les propositions ont été décisives pour amorcer ce travail, Claire CABOCHE et Denise MAIL, qui ont assurée la participation de RECIT dans tous ces débats, et tous ceux qui par leur critiques, leurs compléments et leurs propositions ont alimenté par écrit et par oral la réflexion tout au long de ces cinq mois. Cette rédaction provisoire s'efforce de tenir compte de nombreux points de vue pour essayer de construire les éléments d'un projet de service civique universel, porteur d'éducation citoyenne, de brassage social et de réponse aux besoins de la société. Nous espérons que ce document permettra de nourrir les débats locaux et sera encore largement critiqué et complété par tous ceux qui le souhaitent.
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Table des matières Pour un service civique universel................................1 porteur d'éducation citoyenne,................................. 1 de brassage social et de bien commun..................... 1 Éléments pour un débat................................................... 1 Pourquoi ce travail ?........................................................ 3 Une élaboration partagée.................................................4 Le travail de la plate-forme inter associative..........................4 La mobilisation de RECIT..................................................... 4
Table des matières............................................................ 6 1........................................................................................ 10 La nécessité d'une révolution civique........................... 10 Le besoin de réagir aux dérives de notre société ..................10
2........................................................................................ 11 Un service civique universel, élément décisif...............11 Pourquoi un service civique universel ?............................... 11 …mais non suffisant, dans un parcours de citoyenneté tout au long de la vie........................................................................ 11 Des questions fondamentales à débattre............................... 12 Un travail sur les mots......................................................... 12
3........................................................................................ 13 Une mise en place progressive....................................... 13 Les raisons d’une mise en place progressive........................13 Une loi-cadre portant renforcement de la citoyenneté..........14 Un référendum ? .................................................................. 15
4........................................................................................ 16 Objectifs et définition..................................................... 16 Ce que le service civique ne doit pas être.............................16 Les objectifs : réponse aux besoins, éducation citoyenne, brassage social...................................................................... 16 Plusieurs formes possibles................................................... 17 Nombre, durée, âge, modalités............................................. 18 6
La nécessaire validation des acquis...................................... 20 Un service civique territorialisé............................................ 20 Liens avec un service civil européen.................................... 20 Quelles garanties d’indépendance ? .................................... 21
5........................................................................................ 22 Le choix d’une affectation, conclusion d’un parcours de citoyenneté..................................................................22 1 Au préalable, un parcours du citoyen pour faire émerger les capacités et le désir d’agir, tenant compte des capacités de chacun, et des engagements préexistants..............................23 Recenser les inégalités devant la santé et les savoirs............23 Tenir compte des projets, de l'expérience et des capacités . . .24 2 L'affectation sur un territoire............................................. 24 3 Une période introductive : 15 jours de découverte du territoire et des missions....................................................... 25 4 Des missions au sein du territoire...................................... 25 5 Un temps de conclusion.................................................... 25
6........................................................................................ 26 Le rôle des collectivités et des structures accueillantes. .......................................................................................... 26 Une contribution collective aux progrès de la citoyenneté sur les territoires de proximité.................................................... 26 La commune peut faire trois choses immédiates..................27 Le rôle des structures intercommunales, des pays et des agglomérations..................................................................... 27
7........................................................................................ 28 Des missions s'inscrivant dans un projet partagé........28 Des projets à forte utilité sociale.......................................... 28 Le rôle des structures accueillantes...................................... 28 Proposer aux jeunes d'être acteurs sur un territoire..............29 Quels services dans quels domaines ?.................................. 29 Quelques exemples............................................................... 29 Un service, mais aussi un temps de formation......................30
8........................................................................................ 32 L’interférence avec l'emploi et avec une autre conception de la richesse................................................ 32 Éviter la concurrence avec les emplois non qualifiés...........32 7
Une autre conception de la richesse..................................... 33 Un projet globalement créateur d'emplois............................33 Une source de vocations professionnelles et civiques .........34
9........................................................................................ 35 Vie commune, expérience de l’autonomie et du brassage social.................................................................35 Une vie de groupe autonome, pour apprendre à vivre ensemble.............................................................................. 35 Des maisons du service civique, ou des co-locations...........35 Les jeunes locataires de leur chambre.................................. 36 Le nécessaire réexamen de certaines normes.......................36
10...................................................................................... 37 L'importance de l'encadrement.................................... 37 Apporter un cadre commun.................................................. 37 L'animateur maître de maison. ............................................ 38 Un maître des chantiers ....................................................... 38 Former progressivement les 30 000 encadrants....................39
11...................................................................................... 40 Moyens nécessaires.........................................................40 Dépenses liées aux missions................................................. 42
12...................................................................................... 43 L'organisation administrative : ....................................43 Une délégation à la citoyenneté..................................... 43 Des crédits d'État.................................................................. 43 Une Délégation à la citoyenneté........................................... 43 Une agence du service civique............................................ 44 L'importance du cahier des charges des associations partenaires............................................................................ 44
13...................................................................................... 46 Conclusion provisoire.....................................................46 Annexe : plateforme associative.................................... 47 Pour le service civique obligatoire................................ 47 Un choix de société.............................................................. 47 Une obligation qui construit................................................. 47 Un parcours adapté et reconnu............................................. 48 Un temps ouvert sur l'avenir................................................. 48 8
1 La nécessité d'une révolution civique. Le besoin de réagir aux dérives de notre société Nous sommes confrontés à de multiples enjeux de survie de l'humanité et des sociétés où nous vivons : révolution de l'information, mondialisation libérale, menaces sur l'écologie de la planète et l'espèce humaine, écarts croissants entre les riches et les pauvres, force des fondamentalismes religieux, logiques de guerre… La pression médiatique cultive la peur et le seul intérêt individuel, elle infantilise la société. En France, le chômage, l'exclusion, l’insécurité, les discriminations, la solitude touchent la majorité des habitants. La société se fractionne en de multiples groupes. Faute de sens pour la vie collective et de perspectives politiques, de plus en plus de citoyens se replient sur l'individualisme et rejettent les institutions. Pour inverser la tendance, une mobilisation nationale est nécessaire. Nous avons à préparer aujourd'hui les citoyens capables d'inventer un avenir incertain, de construire un monde fraternel et solidaire. Cela veut dire que les citoyens de demain devront être capables de réagir dans toutes les situations, tout en gardant le cap sur l’essentiel, par une éducation à la citoyenneté tout au long de la vie. Cette exigence n'est pas optionnelle, elle intéresse tous les citoyens de la même manière que le contrat social qu’il faut restaurer. Mais cette obligation n'engage pas que les jeunes. C'est toute la société qui a l'obligation de se situer dans une perspective d'éducation citoyenne, de brassage social et de restauration du bien commun, sous peine de disparaître On ne peut pas demander au service civique d'assurer seul une éducation à la citoyenneté à contre-courant de tous les messages de compétition, de lutte de tous contre tous, de droit du plus fort, d'individualisme, que les jeunes massivement reçoivent par ailleurs, que ce soit de la part des médias, de l'école ou de la vie politique.
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2 Un service civique universel, élément décisif Pourquoi un service civique universel ? La mise en place d'un service civique obligatoire, nous préférons dire universel, est un élément décisif pour engager cette conversion. Elle permet de concrétiser « la capacité de chaque individu de contribuer, dans la mesure de ses moyens, à accroître le bonheur commun. Ce projet montre aussi que « la création de richesses ne se réduit pas à l’échange monétaire et que l’être humain représente la véritable valeur d’un pays »2.. Il conduit à « reconnaître le fait que les jeunes prennent une place dans la société comme acteurs du changement social ». « Le service civique doit être obligatoire, sinon il n’atteindra pas son objectif de toucher toute une génération. Il constitue une transition entre la scolarité et le monde du travail, un temps nécessaire sur le plan professionnel, personnel et psychologique »3. Pour avoir une visée de mixité sociale et une réelle efficacité, il se doit d’être obligatoire pour tous 4. Un volontariat, même fortement promu, intéressera 5 à 10 % d'une tranche d'âge. Le caractère obligatoire s'inscrit dans la refondation du contrat social.
…mais non suffisant, dans un parcours de citoyenneté tout au long de la vie. Si l’exigence citoyenne concerne toute la société, le service civique doit représenter un temps fort dans un parcours de citoyenneté tout au long de la vie, qui commence dès la première jeunesse et se poursuit après le service 2
Texte de l’appel lancé par La Vie
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Samir MEBARKI, « L’Union çà crée à Roubaix » et RECIT
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INTOLÉRAGE, Marseille
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civique par la possibilité de périodes de volontariat et d'activités au service du bien commun. De ce fait, le développement du service civique suppose qu’une importance plus grande soit donnée à toutes les politiques ayant une incidence sur l'intégration et la justice sociale, l'éducation et la citoyenneté. Il serait incohérent de mettre en place un projet dont le coût est d’environ 4,5 milliards par an (voir p 37) en laissant dépérir les politiques de logement social, de solidarité ou de la jeunesse.
Des questions fondamentales à débattre. Le débat qui s'instaure pose des questions plus fondamentales sur l'évolution de notre société : - quelle est la place de la jeunesse dans notre société, quelle est son utilité, quelle confiance la société lui accorde ? - comment, dans une société dont l'âge moyen s'élève, repenser le lien entre les générations, permettre à chaque génération d'être un appui pour les générations suivantes, mais aussi permettre à ceux qui accèdent à la citoyenneté d'innover et de trouver des solutions neuves à des problèmes nouveaux ? - comment refonder le lien à la citoyenneté, à la République, avec quelle rupture par rapport aux dérives actuelles ?
Un travail sur les mots Un important travail reste à faire sur la définition des mots, leurs connotations, ce qu'ils impliquent. En particulier les mots « civil », « civique », « citoyen », doivent être distingués en fonction de leurs connotations et de leurs usages, parfois abusifs. « Il faut travailler sur les mots. Nous ne sommes pas clairs sur la distinction civique-citoyen. Un service civique n’est pas un service citoyen. »5. Au-delà de ces termes fondamentaux, nous réutilisons les mots du service militaire pour parler de contingent, d'appelés, d'affectation, d'encadrement, de périodes de classes, de solde, etc… Il serait nécessaire de forger un vocabulaire spécifique, porteur des valeurs du service civique, au lieu d'utiliser les termes anciens faute de mieux.
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Eric Favey, Ligue de l’Enseignement
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3 Une mise en place progressive. Les raisons d’une mise en place progressive Ce rendez-vous collectif pour un temps de vie commune, de brassage social et d'apprentissage de la citoyenneté ne peut pas être optionnel mais doit concerner tous les jeunes d’une tranche d'âge. On penche donc pour un service obligatoire. Mais « il serait illusoire de penser qu’on peut rendre obligatoire d’emblée un service civique de 6 mois »6 pour quatre raisons : 1 La mise en place des formes de service civique qui s'avéreront efficaces ne peut être précisée que progressivement, par une expérimentation de plus en plus large tenant compte des leçons des premières expériences. En particulier, la démarche ne sera légitime aux yeux des jeunes que s'ils sont convaincus que la société change de comportement à leur égard et qu’ils peuvent en retirer un « plus ». -2 Il faut du temps pour que l'idée du service civique fasse son chemin, qu'elle favorise un basculement des valeurs. Il faut que les premières expériences rendent l'engagement citoyen aussi désirable, aussi valorisant que possible, que les grands frères et soeurs l'aient éprouvé, qu'un film ou un roman le célèbre, qu'une représentation sociale se fabrique. 7 -3 Un encadrement fort et qualifié est nécessaire pour que le service civique soit porteur d'éducation citoyenne. Pour former 30 000 responsables, il faudra mettre en place un dispositif sur plusieurs années, avec là aussi de l'expérimentation.
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Marie Trellu-Kane, Unis-Cités
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Claude DELBOS, RECIT
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4 Enfin, une obligation qui ne serait pas assortie de la cohérence nécessaire dans la mise en œuvre doit être énergiquement refusée. Le risque est grand, dans une démarche obligatoire réduite à sa dimension administrative, de tuer les acquis du volontariat associatif et les expériences qui se sont développées8.. C'est pourquoi, « afin d'éviter toute improvisation ou précipitation, il serait souhaitable d'envisager un processus progressif de généralisation du service civique obligatoire »9
Une loi-cadre portant renforcement de la citoyenneté C'est pourquoi nous penchons pour une loi-cadre, portant renforcement de la citoyenneté, qui traiterait à la fois des temps de service obligatoire et des temps de service volontaire, en particulier lors des changements d'orientation professionnelle ou au début de la retraite, en consolidant le principe d'un statut du volontaire qui permettrait d'exercer dans la légalité, des tâches au service du bien commun à différents âges de la vie. Le temps fort du service civique obligatoire peut ainsi trouver sa place dans un parcours de citoyenneté tout au long de la vie, de la maternelle à l'âge de le retraite, avec à chaque étape un encadrement des cadets par les aînés, sous des formes diverses à préciser, chaque palier de citoyenneté servant à préparer le suivant. Cette loi mettrait en place sur une période de 5 ans un service civique, obligatoire à terme, volontaire pendant toute une période d'essai, et s'appuyant sur les acquis du volontariat. Cette mise en place progressive doit être programmée avec des objectifs de montée en puissance et une évaluation participative, impliquant les jeunes, dès les premières mises en application. Ce processus est très important pour le sens de la démarche aux yeux de l'opinion. Ce temps donné à la collectivité est la contrepartie des droits que garantit la République à chacun de ses citoyens. Il doit donc s'adresser à l'ensemble d'une classe d'âge, garçons et filles. Les moyens doivent venir de l’État. La 8
Dans un autre domaine, celui du développement local, l'expérience montre le danger d'un passage du volontariat à l'obligation. Alors que les expériences porteuses de participation s'étaient développées pendant 20 ans, l'instauration de la loi Voynet s'est souvent traduite par un recul de la participation là où elle s'était instaurée. Le projet de loi initial était relativement satisfaisant en termes de principes et de démarche, mais l'addition des amendements parlementaires a beaucoup dénaturé le projet. Un risque de même nature existe pour le projet de service civique. 9
Comité de liaison des ONG de volontariat
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loi prévoirait une montée en puissance avec des objectifs en nombre de jeunes concernés chaque année. Les modalités de financement doivent reposer sur des recettes fiscales ou parafiscales identifiées. Le dispositif serait conduit par une instance paritaire, avec des représentants des jeunes, disposant de l'autonomie de gestion et de la souplesse nécessaires.
Un référendum ? Certains ont proposé que l'adoption du caractère universel fasse l'objet d'un référendum autour de la question : « Etes-vous d'accord pour rendre obligatoire un service civique universel, au terme d'une expérimentation de cinq ans ? ».
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4 Objectifs et définition
Ce que le service civique ne doit pas être10. Le service civique ne peut pas être un alibi qui masque la responsabilité de l'État dans le logement social, l'accès aux services publics, les carences de la formation professionnelle. Il ne peut pas servir d’excuse pour masquer l'absence de toute action sérieuse de transmission de la citoyenneté à l'école, dans la vie politique et dans les médias. Le passage de témoin de la citoyenneté est une nécessité majeure. Le service civique ne doit pas être une possibilité d'occupation des jeunes de fourniture de main-d'oeuvre au rabais pour les associations et les entreprises. Il n'est pas non plus un message sécuritaire qui serait adressé aux personnes âgées pour les protéger des jeunes.
Les objectifs : réponse aux besoins, éducation citoyenne, brassage social. Le service civique doit répondre à quatre objectifs fondamentaux : répondre à des besoins non satisfaits de la société, être porteur d'éducation citoyenne, favoriser le brassage social entre des jeunes de tous les milieux. Il constitue également un temps symbolique de passage à à l'état de citoyen adulte.
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Bruno JULLIARD, UNEF se
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Le service civique sera attractif s'il est d'abord une réponse aux dysfonctionnements de notre société, à l'urgence sociale, à la nécessité d'un sursaut civique pour aller vers un monde plus humain. « L’objectif de citoyenneté ne suffit pas. Il faut accompagner la transformation de la société.»11. Beaucoup de jeunes sont prêts à s'engager dans la mesure où ce qu'on leur propose contribue à répondre aux grands enjeux de la planète : périls écologiques, menaces sur la paix, inégalités grandissantes, fossé Nord-Sud… La conscience citoyenne est déjà présente chez beaucoup d'entre eux, plus qu'on ne le croit. Mais ils ne sont pas prêts à accepter le double langage et les mesures de façade. Cela signifie que le service civique est un lieu d'apprentissage à l'égalité, en mettant sur le même pied riches et pauvres, dominants et dominés, travailleurs et chômeurs, hommes et femmes, tous citoyens placés dans les mêmes conditions. Il est un lieu d'apprentissage à la liberté, en offrant des possibilités de vivre dans un autre milieu, sur un autre territoire, pour réaliser des projets qui correspondent à des perspectives nouvelles. Il est un lieu d'apprentissage à la fraternité, en offrant une occasion, peut-être unique, de vivre ensemble pendant un temps déterminé avec des règles de vie commune qui permettent de se connaître et de s'apprécier malgré les différences. « Le service civique doit conduire au progrès et à l’émancipation, et non servir à la pacification sociale. »12 Le service militaire constituait déjà un rite de passage pour une génération. « La société reconnaissait symboliquement l'entrée en citoyenneté des jeunes gens dans leur capacité de prendre part à l'organisation sociale. Mais il était réservé aux garçons et cette entrée se faisait par le patriotisme, la défense nationale. Il ne s'agit donc pas de revenir au processus qui a été supprimé, mais d'en extraire la plus-value »13. Il est très important qu'une société se donne des repères symboliques, et le service civique peut constituer l'un de ces repères. Cette fonction symbolique est également importante pour le jeune, pour l'amener à se penser comme adulte, et pour la société, qui doit reconnaître la capacité de la jeune génération à agir pour le bien collectif.
Plusieurs formes possibles. La base du service requis est de créer un cadre amenant les jeunes à « rendre service » à la société pendant un temps donné. Cette obligation peut 11 12 13
Gus MASSIAH, CRID Eric FAVEY, Ligue de l’enseignement MRJC. « Quelques éclairages sur le service civique ».
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être remplie de plusieurs manières, entre lesquelles les jeunes devront pouvoir choisir. « Il faut à la fois protéger le volontariat, porteur d’un certain sens, et trouver une formule obligatoire, et chercher la meilleure complémentarité entre les deux formules. »14 Si tout doit être fait pour que le service civique soit choisi par la majeure partie d'entre eux, certains refuseront et devront pouvoir effectuer un autre type de service. Le jeune aurait le choix entre un service civique, un service militaire, et peut-être d’autres formes (pompier, etc…) comme en Allemagne, où il est obligatoire d'effectuer un service de 10 mois. Certains estiment que la défense du territoire est constitutive de la citoyenneté, mais cette question fait débat pour ceux qui ont opté naguère pour un service civil.
Nombre, durée, âge, modalités Tous sont concernés. Le service civique universel doit s'adresser à tous, garçons et filles. Une tranche d'âge représente 800 000 jeunes, garçons et filles. On peut estimer que, pour des raisons diverses, 200 000 seront exemptés. Avec 600 000 jeunes par an relevant du service civique, une durée de six mois conduit à 300 000 jeunes chaque semestre, soit un service civique pour 200 habitants. Y compris les jeunes de nationalité étrangère. Les jeunes de nationalité étrangère qui résident sur le sol français depuis plus de cinq ans doivent pouvoir faire le service civique s'ils le désirent (volontariat). Cela est un élément important pour envisager leur accès à la nationalité française. « Il faut une formule universelle pour tous ceux qui sont sur le sol français, sans distinction de nationalité »15 Durée. La réflexion se cale sur un service obligatoire de 6 mois en une seule période, afin que ce service soit «utile» et «formateur ». Une durée trop courte ? Certains soulignent qu’il faut un an pour être réellement marqué par une vie de groupe, et que cette durée ne permet pas la reprise d'études l'année même. Beaucoup risquent de perdre leur temps avant de reprendre un parcours normal. Une prolongation de trois à six mois permettrait de prolonger l’action engagée, avec une rémunération un peu supérieure, et des tâches d'encadrement des nouveaux.
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Gilbert Lagouanelle, Secours catholique Véronique BUSSON, Cotravaux
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Une durée trop longue ? Certaines organisations proposent « un temps initial, très court de regroupement dans un lieu symbolique. Ensuite, chacun serait libre d’affecter telle ou telle période de sa vie à un engagement choisi. » « Cette idée de libre choix casse le caractère contraignant de l’obligation. »16 « Chaque jeune pourrait disposer d’un passeport citoyen et réaliser ce temps obligatoire quand il le souhaite dans son parcours de vie. »17. Toutes ces formules méritent d'être analysées avec précision. Mais elles ne doivent pas conduire à diluer le symbole que représente l'universalité, à parvenir à un service symbolique, ni à réduire la durée nécessaire à l'éducation citoyenne. », Pour nous, toute période en dessous de six mois serait plutôt un alibi qu’autre chose. De même, le fractionnement en plusieurs périodes irait à l'encontre des finalités poursuivies. Une protection légale. Ceux qui bénéficient déjà d'un CDI pourraient bénéficier d'une suspension légale de celui-ci et une protection comparable à une maternité déclarée 18. Mais on peut penser que les jeunes auront plus de mal à trouver un emploi si l’employeur sait que, peu après, il doit se séparer temporairement de celui qu’il vient d'embaucher. Nous n'avons encore pas la solution à ce problème. L’âge. Pour le brassage social de toute une génération, il est préférable que ceux qui effectuent leur service civique aient un âge comparable. L'avis majoritaire est que l’âge normal de ce service devrait être 18 ans, avec une possibilité d'aller jusqu'à 22 ans, de façon à se situer entre le bac et les études supérieures ou entre la fin de l'apprentissage et la vie professionnelle, avec un système de sursis. « Aux USA, Il est devenu fréquent qu’un jeune fasse une rupture entre lycée et université, pour voyager, agir avec une association, etc… »19. Mais certains pensent que «la tranche d'age 18-22 ans est inappropriée, car la période la plus difficile pour un jeune c'est 18-25 ans20. Contradiction entre mixité sociale et utilité sociale ? Le service entre 18 et 22 ans se comprend dans un objectif de mixité sociale, mais il pose problème quant à l'utilité sociale de ce temps. En effet, tous n'ont pas acquis 16
Lucien Bouis, CPCA et Unaf
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Guillaume Rodelet, UFCV
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Claude DELBOS, RECIT
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Tom ROBERTS, RECIT
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Samir MEBARKI, « L’Union çà crée à Roubaix » et RECIT
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leurs compétences dans cette tranche d'âge. Il est peut-être trop ambitieux de vouloir conjuguer mixité sociale et utilité sociale.
La nécessaire validation des acquis Pour que ce parcours soit pleinement reconnu par la collectivité, « Les compétences acquises doivent être validées par la VAE. »21 (valorisation des acquis de l'expérience). Le "service" doit être reconnu et valorisé. Cela implique un changement de mentalités en France, pour admettre que le temps de ce "service" n'est pas du "temps perdu"... . Une évaluation doit être faite pour que le "service" (pas seulement les missions) puisse, notamment, être pris en compte dans la VAE.
Un service civique territorialisé Le service civique sera nécessairement territorialisé. En effet, si l’on compte un « service civique » pour 200 habitants et un regroupement des jeunes par unités d'une trentaine, cela conduit à 10 000 maisons du service civique sur le territoire. Un quartier ou une commune rurale de 5000 habitants accueillerait en moyenne 25 jeunes. Le succès de l'opération repose donc sur le soutien actif des collectivités, au niveau des territoires de proximité (commune, quartier, territoire rural) et pas seulement au niveau des agglomérations ou des pays.
Liens avec un service civil européen. « Il faut réfléchir à la question de la citoyenneté européenne et penser le service civique dans ce cadre. ».22Certains proposent d'emblée l'organisation d'un service civique européen « La citoyenneté européenne se représente aujourd’hui comme le réceptacle de toutes nos autres appartenances communautaires, municipales, régionales ou nationales. C’est cette citoyenneté qu’il faut aujourd’hui faire vivre. »23 Mais la disparité entre les 25 pays européens est telle qu’une semblable proposition a peu de chances de voir le jour dans un avenir prévisible. De plus, les valeurs qui sont à la base du présent projet de service civique ont peu de chances de faire l'objet d'un consensus au niveau des gouvernements européens. C'est pourquoi on prévoit la possibilité pour les jeunes qui le souhaitent de participer au service civil européen, déjà en place pour quelques milliers de 21
Isabelle Dufau, Francas
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Guillaume Rodelet, UFCV
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Mouvement européen France
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jeunes, et de développer une expérience nationale. Si celle-ci réussit, elle fera tache d'huile dans d'autres pays européens et pourra créer un état d'esprit nouveau.
Quelles garanties d’indépendance ? Certains posent la question d'une utilisation possible du service civique à des fins autres que celles prévues au départ. « L’une des questions les plus inquiétantes que pose un service civique obligatoire est celle d’une manipulation des jeunes, qui pourrait être utilisée à des fins économiques, sociales ou politiques perverses, notamment dans des moments de tensions. C’est pour cela que l’on a distingué un service civique qui dépend de l’Etat et un service civil qui est une initiative indépendante 24.
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Régis PLUCHET, RECIT
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5 Le choix d’une affectation, conclusion d’un parcours de citoyenneté
L'affectation résulte de la rencontre entre les besoins de la société et du territoire et les capacités des jeunes, mais les choix effectifs doivent laisser une large préférence à leurs vœux et à leurs centres d'intérêt, afin que ces services ne soient pas imposés mais répondent à leurs aspirations 25. C'est une condition de leur motivation. Cette possibilité de choix tempère, intellectuellement et pratiquement, le caractère contraignant de l’obligation. Il est en effet essentiel que les jeunes soient acteurs de leur propre service, et que chacun doive recevoir une réponse individualisée à ses attentes. L'affectation pourrait se faire en quatre temps : un parcours du citoyen permettant à chacun de se situer progressivement et de préciser ses désirs, l'affectation à un territoire, un temps de préparation sur le territoire et le choix d'une mission sur ce territoire.
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Les premiers objecteurs étaient affectés à l’ONF (Office National des Forêts). On les larguait dans des bois par-ci par-là… C’était un bon plan car on les divisait pour couper court à la contestation. Lorsque les insoumis ont rejoint le mouvement volontaire, cela s’est traduit par une dynamique qui a conduit à l’obtention du droit de la libre affectation. Tom ROBERTS, RECIT
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1 Au préalable, un parcours du citoyen pour faire émerger les capacités et le désir d’agir, tenant compte des capacités de chacun, et des engagements préexistants. Pour que le service civique soit une école de citoyenneté, il faut une motivation et celle-ci ne peut pas émerger sans un parcours de citoyenneté en amont du service civique. Dès l'école, dès le plus jeune âge, l'éducation à la citoyenneté est fondamentale. L'école, le collège et le lycée ont un rôle essentiel, mais c'est l'ensemble de ce qu'il vit (parents, loisirs, culture, médias, relations, vie politique…) qui permet à un jeune de se situer et voir ce qu'il peut faire. Chacun a sa part de responsabilité pour faire ou défaire un citoyen26. Dans les deux années qui précèdent le service civique, une préparation devrait être organisée pour permettre à ceux qui le souhaitent de découvrir la richesse et la diversité des actions porteuses de citoyenneté, de solidarité, de respect des droits, afin qu'ils soient à même de choisir leur affectation en connaissance de cause. L'expérimentation du « parcours du citoyen » actuellement entreprise en Île-de-France va dans ce sens. La journée d'appel et de préparation au service civique (JAPD) devrait permettre de faire émerger les désirs, les attentes et les capacités de chacun.
Recenser les inégalités devant la santé et les savoirs On constate aujourd'hui une détérioration de l'état sanitaire éducatif de toute une génération27. Faute de moyens et de reconnaissance, les services qui permettent de dépister et de corriger les inégalités devant la santé sont en régression. La journée d'appel essaye de réaliser en quelques heures un dépistage de l'illettrisme. Le service civique doit être l'occasion de recenser les problèmes particuliers dont souffrent certains jeunes (santé, santé mentale, illettrisme, drogue, alcool,…) , afin de s'attaquer sérieusement aux inégalités de développement humain au sein de la population.
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Des réseaux importants ont déjà largement pratiqué et outillé l'éducation à l'environnement, à l'économie solidaire, à la citoyenneté, à la solidarité internationale, au développement durable. 27
Bruno Julliard, UNEF
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Tenir compte des projets, de l'expérience et des capacités Chaque jeune serait invité à exprimer ses souhaits d'affectation géographique (dans la région, en France, en Europe, dans d'autres pays…) ou sectoriels, en tenant compte en particulier des engagements préexistants et de ses projets Des milliers de jeunes sont déjà engagés dans ce genre de démarche, dans des projets d'intérêt général. Ils sont responsables, militants bénévoles associatifs, pompiers volontaires, etc, leur engagement est déjà en soi un service rendu la société. Ces engagements de jeunes doivent être reconnus. Les modalités d'affectation doivent être suffisamment souples pour intégrer les engagements préexistants. Pourquoi ne pas aussi imaginer que des groupes de jeunes concernés par le SCO s’organisent d’eux même et proposent leur propre terrain d’action sous forme d’un projet ? Ils seraient accompagnés dans le montage du projet, puis régulièrement suivis dans sa progression. On pourrait imaginer que des jeunes montent un projet , mettent leur projet en ligne, sous forme d’une sorte de «bourse aux projets». D'autres jeunes pourraient consulter cette «bourse » et proposer de rejoindre ce projet.28
2 L'affectation sur un territoire Il y a cent ans, il fallait mêler les particularismes régionaux dans le creuset du service militaire. Aujourd’hui le problème n'est plus l'unité de la nation face aux régionalismes, comme il y a un siècle, mais l'unité du pays face à la fracture sociale. Il n'est pas nécessaire d'obliger les jeunes à changer systématiquement de région pour découvrir d'autres milieux, d'autres territoires. L'essentiel est de vivre ensemble pendant six mois ou un an. Concrètement, en tenant compte des besoins des territoires, un jeune serait affecté à un territoire, hors du territoire de son domicile. L'instance d'affectation favorisera la mixité sociale et géographique des groupes et tiendra compte dans toute la mesure du possible des attentes, des capacités et des compétences de chacun des jeunes. En effet, un jeune sera motivé dans la mesure où il peut faire part de ses préférences géographiques et sectorielles et où il reçoit satisfaction Une souplesse est nécessaire pour ceux qui sont mariés, sont de santé fragile ou ont des contraintes particulières. Par exemple, on peut concevoir que des personnes mariées ou chargées de famille puissent se loger chez elles et effectuer leur service sur place. 28
Tom ROBERTS, RECIT
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3 Une période introductive : 15 jours de découverte du territoire et des missions Pour les jeunes, il est nécessaire de prévoir au départ, pendant une durée de 15 jours à un mois, un temps pour constituer le groupe, découvrir le territoire et appréhender les besoins de ce territoire, c'est-à-dire les raisons d'agir et la finalité du travail qu'on leur demande. On peut organiser des rencontres de terrain pour permettre aux jeunes de choisir en connaissance de cause les missions sur lesquelles ils se mobiliseront. Mais ce temps est également celui pendant lequel les jeunes peuvent préciser leurs désirs et leurs propositions face aux choix concrets et aux missions.
4 Des missions au sein du territoire Pour les acteurs du territoire, un travail collectif est nécessaire pour déterminer les besoins prioritaires en fonction d'un état des lieux, d'objectifs et d’une stratégie que l'on souhaite articulée à un projet de territoire (Voir plus loin). Ces besoins se traduisent par une offre de missions entre lesquelles les jeunes devront choisir. Les actions proposées s'intègrent dans des projets pilotés par les structures accueillantes. On peut aussi prévoir que, face aux besoins du territoire, certains élaborent des projets communs qu’ils proposent aux acteurs locaux, ou des activités qui correspondent à leurs capacités29.
5 Un temps de conclusion A l’issue du temps de service, un temps d’évaluation et de « suite à donner » est nécessaire. Il permet de faire le lien avec la suite du parcours de citoyenneté tout au long de la vie : périodes de volontariat, engagement citoyen pour ceux qui le souhaitent.
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Par exemple, on peut imaginer qu’un centre de loisirs organise des activités « selon arrivage » tous les trois mois, les activités étant fonction des capacités et des savoirs des « service civique » du moment : djumbe, cerf-volant, informatique, en direction des jeunes, des personnes âgées, des malades, etc.
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6 Le rôle des collectivités et des structures accueillantes. Une contribution collective aux progrès de la citoyenneté sur les territoires de proximité A travers les missions qu'ils réalisent, les jeunes du service civique vont effectuer, en partenariat avec les instances locales (communes, établissements publics, associations…), un certain nombre de tâches participant à un programme d'ensemble, qui peuvent contribuer au développement participatif, durable et solidaire de ce territoire. Les propositions de lieux de services, en lien avec les collectivités et les principaux partenaires, s'inscrivent alors dans le cadre des démarches de développement local. La démarche de projet maintenant bien rodée pour le développement local peut être appliquée à la mise en place du service civique sur une commune, avec les mêmes étapes : énoncé des enjeux, état des lieux et diagnostic, objectif à moyen terme, priorités, programme d'action, évaluation participative tout au long du processus. Dans cette optique, les missions confiées aux jeunes cessent d'être atomisées et répondent à des priorités du territoire. L'apport du service civique peut s'avérer essentiel en particulier pour développer un volet « citoyenneté » dans ces projets de territoire. Quel partage des compétences entre l’État et la commune ? Dans cette optique la commune sera souvent amenée à affecter un agent communal à la recherche de locaux pour loger les jeunes en groupe de façons autonome. et au suivi des jeunes sur les lieux de service civique. Elle pourra le faire à condition que le bénéfice des tâches réalisées revienne à la commune (bénéfice en terme d'utilité sociale et de réponse aux besoins communaux).
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La commune peut faire trois choses immédiates Sans attendre la mise en place de démarches de projet, nécessairement longue, la commune peut contribuer à la mise en place du service civique de trois manières en adaptant son organisation actuelle : - recenser toutes les associations qui ont des besoins non satisfaits correspondant à l'intérêt général, avec une dimension pédagogique pour les jeunes et des capacités minimum d'encadrement. - affecter un agent communal à la recherche et au suivi des lieux de services civique, à condition que le bénéfice des tâches réalisées revienne à la commune (bénéfice en terme d'utilité sociale et de réponse aux besoins communaux). - trouver des locaux pour loger les jeunes en groupe de façon autonome. Il semble plus facile de trouver des logements de huit personnes que des habitats collectifs de 25 personnes.Il n'est donc pas évident qu'il faille, de façon uniforme créer des maisons du service civique qui soient en même temps le lieu de réunion, le lieu d'animation et le lieu d'habitation. Trouver trois grands logements à réhabiliter ne pose en général pas de problème à une commune. Il serait cohérent que cette réhabilitation soit faite aux normes de l'éco construction, en associant les jeunes des premières promotions à la réalisation des travaux concernant leur propre habitat. Mais la réhabilitation coûte cher, plus cher que la construction neuve. « Nous venons de réhabiliter une maison pour les étudiants et en plus un petit studio pour un couple. Nous l'avons fait parce que cela permet de sauver le patrimoine. Mais c'est un acte politique qui coûte plus cher que construire la même surface »30.
Le rôle des structures intercommunales, des pays et des agglomérations L’articulation avec les projets de territoire ne peut pas se faire seulement au niveau de la commune. Dans la mesure où cette démarche conduit à développer un volet citoyenneté dans les projets de territoire, l'organisation générale et les orientations sont à réfléchir au niveau intercommunal, et au sein des pays et des agglomérations communales.
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Sébastien MINOT, RECIT, en tant que SGA d'une commune
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7 Des missions s'inscrivant dans un projet partagé
Des projets à forte utilité sociale La justification du service civique aux yeux des jeunes est largement fonction de la gravité des problèmes qui se posent sur le terrain,marquant la trace au sol des dysfonctionnements de la société. Les missions trouvent leur utilité sociale pour la capacité des jeunes à répondre, même de façon très partielle, à des besoins fondamentaux de notre société, à des problèmes non résolus. Ils le feront le plus souvent collectivement. « Les missions doivent être de vraies missions, où les jeunes sont acteurs et décisionnaires, pas des missions pour tuer le temps. Pour cela, les encadrants doivent être responsables, avoir une grande conscience professionnelle, être convaincus de l'importance de leur mission et disposer des moyens nécessaires ».31 « Le service civique doit être basé sur un projet partagé entre la structure d'accueil (associations, collectivités territoriales, …) et la personne. Il doit être basé sur les échanges, sur une dynamique de temps et de temps long entre le jeune et la société. Cette dimension est importante car elle permet l'émancipation dans l'engagement »32
Le rôle des structures accueillantes Les jeunes travailleront en équipe au sein d'une équipe comportant des professionnels ou des bénévoles, pour la réalisation de projets dont ils assurent certaines parties de la réalisation. Il est essentiel que les tâches qu'ils réalisent leur permettent de faire ensemble quelque chose dont ils
31
Samir MEBARKI, « L’Union çà crée à Roubaix » et RECIT
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MRJC « Quelques éclairages sur le service civique »
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voient la finalité et les résultats, et dont ensuite ils seront fiers. Ce travail d'équipe constitue un élément essentiel de brassage social. Le rôle des structures accueillantes est à la fois technique et pédagogique. Leur première mission est de répondre à un besoin en organisant un travail effectif qui change la réalité sur le terrain. C'est ce besoin qui justifie le service civique. L'objectif étant de répondre à des besoins qui n'étaient pas couverts, il sera d'ailleurs parfois nécessaire de développer des structures nouvelles.
Proposer aux jeunes d'être acteurs sur un territoire Mais, en même temps, il s'agit d'apprendre aux jeunes à travailler, à développer leur capacité d'initiative, de leur apprendre à coopérer. « Les propositions faites aux jeunes doivent être de l'ordre de la responsabilisation et non de l'occupation. Il s'agit de proposer à des jeunes d’être acteurs sur un territoire, et pour cela de faire émerger des projets au service du bien collectif et de les mettre en oeuvre. Si le service est universel, il faut amener chaque jeune, quel que soit son parcours, son origine, à pouvoir participer à une démarche commune. »33 Cela suppose un travail de formation des structures accueillantes à l'éducation émancipatrice, à la conduite de projet, à l'écoute, au dialogue et à la participation. Ce sera en particulier le rôle du « maître des chantiers ».
Quels services dans quels domaines ? Il existe aujourd’hui une foule de dysfonctionnements sociaux qui perdurent, qui s’amplifient et qui se multiplient faute de politiques efficaces et appropriées. De nombreux besoins ne sont pas satisfaits car non solvables, mais sont extrêmement urgents. Ces domaines sont très divers. Nous avons recensé quelques exemples.
Quelques exemples Éducation des plus jeunes à la citoyenneté. Si l'on se place dans la perspective d'un parcours de citoyenneté tout au long de la vie, une des tâches des jeunes en service civique sera de préparer les plus jeunes en développant des activités porteuses d'éducation à l'environnement, au commerce équitable, à une consommation responsable, à d'autres modes de vie et d'habitat, à la solidarité internationale, à la lecture des médias, etc.
33
MRJC idem
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Accompagnement des jeunes. Accompagnement scolaire, soutien aux loisirs, encadrement d'activités de sport ou culturelles. On manque beaucoup d'aides éducateurs dans les collèges et à l'éducation nationale. Environnement, agriculture. Beaucoup d'entretien des paysages, de travaux forestiers avec la perspective de développer à cette occasion les énergies renouvelables, de faire basculer un certain nombre de chaudières vers le bois énergie. Soutien à l'agriculture paysanne, celle qui entretient l’espace et préserve la biodiversité. Services aux personnes âgées. Un énorme besoin d'accompagnement des personnes âgées : leur apprendre à utiliser Internet, les aider à faire des courses, monter la bonbonne de gaz, aller pour eux à la pharmacie. Aider les personnes âgées à trier leurs déchets, faire leur bois, faire, pour leur compte, des petites réparations (changer une tuile, réparer une gouttière, un volet ou une prise électrique). Tout ceci nécessite une convivialité, une écoute. Tous ces services contribuent à favoriser le maintien à domicile des personnes âgées. Services aux personnes en situation de handicap. Là aussi les besoins sont énormes pour assurer l’accueil, les campagnes d’information, l’accompagnement des personnes handicapées lors de sorties de loisirs, culturelles, ou sur les lieux de vacances. Par exemple, les 25 000 bénévoles de l'association des paralysés de France font un travail très important, mais ne suffisent pas à la tâche. Lien social local. Un travail d'animation peut aider au lien social local à travers, par exemple, un réseau d'échanges de savoirs, des contacts entre générations impliquant les personnes âgées et les jeunes enfants, etc. Sécurité. Des jeunes en service civique peuvent contribuer à la sécurité locale s'ils sont solidement encadrés. Leur présence peut permettre d'équilibrer le risque d’abus de pouvoir de la part de certains corps de métiers (bavures policières). La sécurité, comme naguère la Défense, est une chose trop précieuse pour la laisser aux seuls professionnels et aux caméras de vidéosurveillance. Échanges et solidarité internationale. Une partie des jeunes doivent pouvoir effectuer leur service civique dans un autre pays européen ou en coopération, sur des tâches de solidarité internationale qui doivent répondre aux mêmes types de critères que pour les opérations menées en métropole.
Un service, mais aussi un temps de formation. L’expérience du volontariat et de l'éducation populaire montre que la participation à des projets, au sein d'équipes comportant des professionnels,
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est toujours un temps d'éducation à l'autonomie, à un travail opérationnel, au sens critique, et en définitive à la construction de son propre projet personnel. « La compréhension des problématiques sociales et sociétales, peut permettre aux jeunes de se situer dans notre société. C'est aussi ces formations (complémentaires de la formation initiale) qui aideront les jeunes à développer un esprit critique »34. Pour des jeunes qui sont au chômage, on peut présenter le service civique comme un an d'emploi garanti par l'État avec une vie de groupe et une dimension pédagogique. On peut reconstituer dans le cadre du service civique l'alternance avec un mi-temps utilisé à passer le permis de conduire, à apprendre ce que le jeune n’a jamais appris, s’il en a le désir, et à se former sur les tâches en rapport avec le service qu’il exerce. Certains proposent une alternance entre les temps de terrain et des temps de formation avec des modules de connaissance des institutions, des débats, de la réflexion, des rencontres d’intervenants professionnels (justice, élus, travailleurs sociaux...), des séances interactives sur les thèmes de la citoyenneté (philosophie, laïcité, connaissance des religions, différences, racisme, intégration..)35
34 35
Marie-Pierre Cattet, MRJC INTOLÉRAGE, Marseille
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8 L’interférence avec l'emploi et avec une autre conception de la richesse. L’interférence avec l'emploi et la conception que nous avons de la richesse constituent des éléments essentiels du dossier. Un dialogue avec les partenaires sociaux serait nécessaire pour approfondir certains des points évoqués ici.
Éviter la concurrence avec les emplois non qualifiés On constate en France un effondrement de l'offre d'emplois non qualifiés. C'est une des raisons du chômage de masse. La mise en place du service civique risque d'aggraver cette évolution, car des jeunes de 18 à 22 ans n'ont en général pas de qualification très marquée. La première réaction d'un cadre de collectivité territoriale face à l'arrivée des jeunes en service civique, sous forme de boutade : « Nous avons 10 personnes non qualifiées employées aux espaces verts. Nous en licencions cinq et nous prenons cinq “service civique” à plein temps ». C'est pourquoi il est essentiel de veiller, dans la nature des tâches confiées aux jeunes, à ne pas opérer de substitutions. Dans le cadre des projets territoriaux, il sera nécessaire de veiller à la complémentarité entre les tâches relevant du service civique et celles constituant des « gisement d'emplois » pour les moins qualifiés. Cependant, on ne peut pas accepter que les missions du service civique soient définies par défaut comme celles qui ne font pas obstacle à une concurrence libre et non faussée, car par définition toutes les actions réalisées pourraient être confiés à des entreprises ou à des salariés si on y mettait le prix.
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Par exemple, 20 % des personnes âgées souffrent d'une solitude complète, dans toutes les couches de la société, mais spécialement les personnes âgées à bas revenus. Les services de proximité et d'aides à la personne répondent à la nécessité d'accompagnement physique des personnes qui ne pouvant plus réaliser certaines tâches, deviennent dépendantes, mais il ne répondent pas à l'ensemble des besoins. Le besoin d'accompagnement humain des personnes âgées est énorme.
Une autre conception de la richesse Dans une société à finalité humaine, la réponse à la solitude ne doit pas être un marché, mais relève de la fraternité et de la solidarité au sens où nous l'entendons36. Il en est de même des autres domaines envisageables pour le service civique. C'est pourquoi il convient de sanctuariser un certain nombre de domaines dévolus aux jeunes, en interdisant que le marché ne s’en empare, car ils constituent des « gisements de citoyenneté ». Dans le cadre du service civique, ces services sont remplis autrement, avec une portée humaine et sociale importante. Ils constituent le signe d'un renouveau civique. Ils ont un autre sens, car ils démontrent qu'une certaine gratuité est possible dans notre société. Les missions de service civique apportent de ce fait à toute la société un surcroît de liberté, d’égalité, de fraternité et de lien social. Cela est en lien avec une autre conception de la richesse que l'approche classique par la croissance et l'emploi. « Nous sommes tous d’accord pour montrer que la création de richesses ne se réduit pas à l’échange monétaire » 37 Ces considérations devront être négociées à Bruxelles comme des dérogations aux directives européennes relatives à la concurrence, au nom des principes généraux de l'Union.
Un projet globalement créateur d'emplois Les propositions qui précèdent conduisent à la création d'environ 30 000 postes d'encadrement des jeunes en service civique. À cela s'ajoutent les travaux d'entretien des maisons et le surcroît d'activités sur les territoires, dont l'incidence n'a pas été chiffrée. 36
« La solidarité n'est pas une assistance, mais une réciprocité et une coresponsabilité de chacun envers tous » (charte de RECIT). En particulier les liens intergénérationnels sont porteurs de réciprocité. 37
Marie Trellu-Kane, Unis-Cités
32
Par ailleurs, le service civique diminue le nombre de jeunes au chômage durant le temps d'incorporation et permet une meilleure employabilité ultérieure des jeunes, du fait de l'ouverture à des horizons nouveaux, de la formation réalisée pendant le temps du service et de la motivation que certains trouveront à travers le service civique. Nous n'avons pas encore chiffré cette incidence. Pour des jeunes au chômage, le service civique représente aussi un emploi d’un an garanti par l'État, avec une vie de groupe et une dimension pédagogique.
Une source de vocations professionnelles et civiques Beaucoup de jeunes perdent du temps parce qu'ils ne savent pas ce qu'ils veulent faire, ils ne savent pas de quelle manière ils peuvent être utiles à la société à travers leurs engagements professionnels. Cette indécision, liée à la perte de sens, a un coût social très important. Pour beaucoup, une ouverture sur des missions socialement utiles est de nature à faire naître des vocations professionnelles. Il permet aussi aux jeunes de se situer dans la société pour la transformer. « Les gens n’ont pas conscience de leur responsabilité vis-à-vis de la planète. Le service civique pourrait contribuer à donner des connaissances sur ces questions. »38
38
Jean-Pierre Raffin, France Nature Environnement
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9 Vie commune, expérience de l’autonomie et du brassage social
Une vie de groupe autonome, pour apprendre à vivre ensemble Il ne suffit pas d'affecter des jeunes à des tâches particulières pour que, magiquement, ce temps devienne un temps d'éducation citoyenne. Une vie de groupe est nécessaire durant toute la durée du service civique afin que celui-ci soit réellement un temps de brassage social et d'apprentissage du "vivre ensemble". Ces groupes ne doivent pas être des casernes avec plusieurs centaines d'individus, mais des groupes à taille humaine. L'expérience de l'éducation populaire montre que l'habitat collectif est un élément essentiel du brassage social et de l'éducation citoyenne. Cela conduit à proposer des équipes de base de 6 à 8 jeunes, vivant ensemble, et prenant en charge leur vie commune, ces équipes ne coïncideront pas obligatoirement avec les équipes de travail.
Des maisons du service civique, ou des co-locations. Ces équipes de base seraient regroupées par 3 ou 4 dans des « maisons du service civique », réparties sur des territoires de proximité, ou réparties dans le quartier dans des co-locations de six à huit personnes. Un certain tuilage est souhaitable, de deux mois en deux mois, correspondant aux dates d'incorporation et assurant une continuité. Pour que ce temps soit un temps d'éducation à l'autonomie et à la responsabilité, il est essentiel que les jeunes fassent eux-mêmes leurs repas, leur ménage et l'entretien des parties communes. La gestion est assurée par
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les jeunes eux-mêmes, qui se donnent un règlement intérieur dont l'animateur maître de maison est le garant et le « juge de paix ». Cependant, aujourd'hui on trouve des jeunes en échec scolaire et peu structurés dans tous les milieux. Qui va les faire se lever le matin ? Comment éviter que certains « vivent la nuit et dorment le jour, fument des joints et mettent la musique à fond ? ». On peut compter sur un contrôle et une éducation par le groupe. Un conseil des jeunes doit pouvoir se réunir et examiner les problèmes avec les intéressés et l'animateur maître de maison. Le rôle de ce dernier sera essentiel pour que ces difficultés soient source d’éducation à la citoyenneté, comme elles le sont déjà aujourd’hui. Élément de débat. Les maisons de service civique permettent une vie collective avec des équipements communs, mais des grands groupes sont moins favorables aux prises de responsabilité.
Les jeunes locataires de leur chambre Dans l'un et l'autre cas, les jeunes seraient locataires de leur chambre pour un montant symbolique, mais juridiquement autonomes, et les maisons relèveraient du statut d'un logement privé39. Cela est nécessaire pour permettre à chacun de disposer d'un espace qu'il peut s'approprier, de temps d’intimité où il peut s'abstraire de la vie de groupe, recevoir qui il veut.
Le nécessaire réexamen de certaines normes La normalisation a permis d'immenses progrès en matière de sécurité du travail, de respect de l'environnement ou de transparence des marchés publics. Mais elle a également constitué un outil pour transformer en marchandises des secteurs qui pouvaient s'en passer. La normalisation européenne, sous couvert de libre circulation des produits et des services, a accentué ce phénomène, de même que la recherche du risque zéro en matière de sécurité. Comme toute démarche pédagogique, l'éducation citoyenne a besoin de favoriser une autonomie des jeunes, incompatible avec le risque zéro. C'est pourquoi la mise en oeuvre du service civique, qui constituera une grande priorité nationale, doit s'accompagner d'une application de normes prenant en compte d'autres finalités, porteuse d'un autre projet de société.
39
De façon à échapper aux contraintes réglementaires, paralysantes, des centres d'habitat collectif.
35
10 L'importance de l'encadrement
Apporter un cadre commun. Tous les jeunes ne sont pas prêts d'emblée à une vie en autonomie. « Si on transpose des jeunes du quartier dans une maison du service civique, ils vont vivre la nuit et dormir le jour, fumer des joints et mettre la musique à fond. S'il n'y a pas une autorité et un encadrement, quelques jeunes peuvent empêcher tout un groupe de fonctionner. » Mais aujourd'hui on trouve des jeunes peu structurés dans tous les milieux. Quel senior peut dire que ses propres enfants ont échappé à ce mode de vie ? Un fort accompagnement des jeunes est nécessaire pour faire de ce temps un temps d'éducation citoyenne. Certains ont parlé d'un poste pour 10 jeunes, soit 30 000 postes à créer. Cet encadrement est bien sûr essentiel pendant la période initiale de sensibilisation, mais il doit se poursuivre durant toute la période du service. Il inclut la gestion de l'habitat collectif et l'encadrement de l'animation du groupe. Cet encadrement doit être solide, formé, motivé, suffisant. « Les associations encadrent depuis des années des jeunes en mal de solidarité, qui assistent des personnes démunies, isolées, pour qu’elles ne perdent pas pied dans la société. En contre partie, ces associations offrent déjà à ces volontaires des conseils pour préparer leur avenir professionnel »40.
40
Colette Thomas, RECIT, Centre social du Diois
36
De leur côté, les ONG pratiquant le volontariat ont une expérience très approfondie des conditions dans lesquelles sont confiées des missions. Elles ont formulé toute une série de propositions.41 Ces expériences constituent aujourd'hui une base solide pour organiser l'encadrement sur une échelle plus large. Nous proposons de recenser les expériences qui permettent de préciser les principes d'action, les méthodes et les conditions de réussite de cet encadrement.
L'animateur maître de maison. L’encadrement de la vie de groupe serait assuré par un animateur maître de maison. Le premier travail est de faire lever les gens le matin, à être prêts à l’heure, à dormir la nuit, à respecter la vie commune (bruit, prise en charge de l’entretien, etc.). Il organise la vie de la maison, ou des appartements collectifs s'il y en a plusieurs. Mais il a essentiellement un rôle humain et pédagogique, avec un suivi individualisé de chacun. Le maître de maison doit pouvoir développer une pédagogie du vivre ensemble à travers les réussites, les difficultés, les problèmes de vie commune, les conflits, et faire de la vie de groupe un lieu d'apprentissage à la citoyenneté. Son rôle est pour cela de catalyser la vie de groupe. En cas de problème grave, il doit pouvoir appliquer des solutions, pouvant aller jusqu'à l'exclusion de certaines personnes, en remettant le jeune à des formes plus encadrées de service civique. Il doit, pour tout cela, disposer de l'autorité et du pouvoir de décision pour changer un jeune d’équipe, et dans certains cas le remettre à des formes plus directives d’encadrement. De nombreuses expériences montrent qu'il est possible de construire avec tous des démarches pédagogiques qui permettent aux jeunes de se construire42. Ce travail pourrait être confié par convention à une association réalisant un travail d'éducation populaire, labellisée ou non, sur la base d'un cahier des charges.
Un maître des chantiers La deuxième fonction fondamentale est celle du maître des chantiers. Il assure un encadrement technique, organise et encadre à plein temps les chantiers de jeunes au sein de la collectivité. Cette personne peut être un 41
voir « Les mérites et les risques du service civique obligatoire, le point de vue du comité de liaison des ONG de volontariat » 6 pages. 42
Voir sur le site de RECIT
37
cadre associatif ou un fonctionnaire territorial ayant le profil comparable à celui de l'encadrement des chantiers d'insertion (cette fonction existe déjà au sein de la fonction publique territoriale). Sa mission est de suivre chacun dans son travail, de le motiver en l'aidant à réussir sa mission et à régler les problèmes, d’assurer la relation avec les structures accueillantes, les former et les accompagner, de renouveler les lieux de missions sur le territoire. Il a une tâche à la fois technique et pédagogique. … avec des équipes de bénévoles et des comités civiques locaux. L'un et l'autre de ces responsables doivent pouvoir compter sur des appuis, soit de bénévoles, soit d'anciens « appelés » prolongeant leur service. L'ensemble du dispositif suppose en particulier la mobilisation de très nombreux bénévoles, dans le cadre de comités civiques locaux qui constitueraient la base d'appui de la mise en place du service civique.
Former progressivement les 30 000 encadrants Un certain nombre d'organisations d'éducation populaire, de volontaires, d’organismes de solidarité et d'universités travaillent depuis déjà longtemps dans une perspective d'éducation émancipatrice, avec des méthodes coopératives. Ils disposent aujourd'hui d'un savoir-faire et d'une expérience qui peuvent servir de base à la formation des encadrants. L’effort de formation nécessaire pour former les encadrants est néanmoins considérable. Compte tenu du nombre de personnes à former en quelques années, un dispositif à deux niveaux semble nécessaire : un institut national de formation chargé de former les formateurs et de procéder aux recherches et expérimentations nécessaires, des instituts régionaux formant les encadrants et travaillant au plus près des réalités du terrain.
38
11 Moyens nécessaires.
L’évaluation des coûts est essentielle. On trouvera ci-dessous une première approche. Quelques organisations ont fourni des chiffres approximatifs. Mais nous ne disposons pas d'une expertise complète. Allocations personnelles d'un jeune par an (soit pour 2 jeunes) Nature Allocation des jeunes Celle-ci couvre l'alimentation et l'habillement 600 euros par mois Couverture sociale et cotisations de retraite 155 euros par mois aide au déplacement sur place 100 € par jeune pour 6 mois (Carte de transport allouée par les collectivités) Compensation voyages SNCF 200 € par jeune pour 6 mois
Nbre
prix unitaire
Total pour 6 mois
12
600
7 200
12
155
1860
2
100
200
2
200
400
TOTAL Soit par jeune et par mois
9 660 805
On observera que ce coût inclut une couverture sociale et des cotisations de retraite, ainsi qu'une aide au déplacement à l'intérieur et à l'extérieur du territoire. Cette comptabilisation est discutable pour ce qui concerne l'assurance-maladie, car le jeune aurait été couvert socialement en l'absence de service civique. L'allocation permet aux jeunes d'assurer leur alimentation, leur habillement et leurs loisirs, le coût du loyer étant symbolique.
39
Coût d'une maison du service civique par an (30 jeunes x 2 promotions) Un animateur à demeure
30 000
Maintenance et entretien de la maison (1 ≈ mi temps)
15 000
Suivi des missions : un animateur plein temps
30 000
Organisation des périodes introductives et conclusives (2 fois 15+ 5 jours)
40
600
Sensibilisation des accueillants :10 jours pas an
10
600
24 000 6 000
Divers
20 000 TOTAL
125 000
Coût annuel de fonctionnement. (pour 600 000 jeunes pendant 6 mois, soit 300 000 en année pleine) Coût global annuel en fonctionnement Allocations et avantages individuels Fonctionnement des maisons et encadrement Agence et échelons intermédiaires 2 000 pers x 75 000 €
9660
300 000
2 898 000 000
125 000
10 000
1 250 000 000
75 000
150 000 000
2 000
TOTAL/an 4 298 000 000
Cette estimation conduit à un coût global de 4,3 milliards d'euros par an pour 600 000 jeunes. L'allocation aux jeunes, les charges sociales et les déplacements représentent les deux tiers de ce montant, le tiers restant correspondant à l'encadrement et l'organisation. Ce chiffre peut paraître élevé par rapport aux chiffres annoncés pour l'Allemagne par exemple, où l'on a annoncé un coût global de 750 millions d'euros par an. À y regarder de plus près, ces montants sont relativement comparables, car ce dernier chiffre ne couvre que les allocations directes aux jeunes de sexe masculin qui choisissent le service civique, soit 150 000 volontaires par an, et ne couvre que la solde mensuelle et les frais de nourriture Investissements nécessaires Formation animateurs locaux
20 000
2 000
40 000 000
Aménagement 6 000 maisons
500 000
6 000
3 000 000 000
1 000 000
4 000
4 000 000 000
TOTAL
7 400 000 000
Construction de 4 000 maisons
Les investissements immobiliers peuvent être amortis sur 30 ans, les formations sur 5 ans.
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Dépenses liées aux missions A ce coût direct s’ajoutent les dépenses induites par les chantiers euxmêmes. S’agissant de tâches non rentables et non réalisées jusqu’ici, des dépenses nouvelles devront être faites pour réaliser ces actions. On peut penser que les collectivités prendront en charge les dépenses directement liées à des actions utiles aux habitants. Mais une expertise de détail est nécessaire pour évaluer cette incidence, qui peut augmenter notablement le coût global.
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12 L'organisation administrative : Une délégation à la citoyenneté
Le caractère obligatoire impose à l'État de mettre les moyens nécessaires pour que le service civique soit réellement porteur des objectifs qu'on lui assigne43. « Pour assurer la pérennité, c'est à l'État qu'il appartient de mettre en œuvre les moyens nécessaires – financiers et humains, notamment – pour favoriser l’engagement de tous les citoyens »
Des crédits d'État Les moyens doivent venir de l’État. Il est impératif d’avoir des garanties sur la neutralité, la continuité et les modalités de financement du dispositif. Il serait préférable que le financement de l'ensemble de la loi portant renforcement de la citoyenneté évoquée plus haut repose sur des recettes fiscales ou parafiscales identifiées. Dans la mesure où nous parlons ici d’un projet ambitieux qui, pour le monde associatif, représente un véritable « projet de société », il faut que les moyens consacrés soient à la hauteur de ces ambitions44.
Une Délégation à la citoyenneté Si le renouvellement de la citoyenneté devient un objectif essentiel de l'action publique, il est logique que soit créée une délégation à la 43
Bruno JULLIARD, UNEF
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Les associations exerçant des tâches d'intérêt collectif ont connu trop de difficultés par rapport aux délais de paiement des objecteurs de conscience (parfois jusqu’à deux ans de retard)…, puis des actions associatives de ces dernières années (conventions d’objectifs, FNDVA etc…).pour qu'on reste flou sur ce point.
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citoyenneté auprès du Premier Ministre qui puisse lui proposer des décisions relevant de l'ensemble des départements ministériels. En effet, l'action de l'État en matière de citoyenneté s'exerce à travers l'ensemble de l'action publique et ne saurait constituer une simple politique additionnelle, corrective, à des politiques publiques qui continueraient à oeuvrer dans l'autre sens. Cette délégation exercerait la tutelle de l'agence du service civique et disposerait de la direction de la jeunesse et de l'éducation populaire. Le corps de la jeunesse de l'éducation populaire devrait être profondément rénové, dans le sens d'une administration de mission, afin que l'État soit en mesure d'appliquer sur le terrain des orientations nouvelles.
Une agence du service civique. L'organisation du service civil volontaire, en cours de mise en place a été confiée à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances. Cette appartenance indique l'origine du projet, inscrit dans la loi sur «l’égalité des chances». Il va sans dire que cette construction ne peut pas répondre aux objectifs d'un service civique universel porteur d'éducation citoyenne, de brassage social et de réponse aux urgences de notre société. L'agence du service civique aurait pour missions de coordonner la mise en oeuvre du service civique sur le territoire, avec des délégations régionales, en lien avec les collectivités concernées, et de développer la recherche, l'expérimentation et les formations nécessaires à la cohérence du dispositif mis en place avec les objectifs que fixera la loi. Sa gestion pourrait être paritaire afin d'associer les services de l’État concernés, les collectivités territoriales, les associations partenaires et les organisations de jeunesse.
L'importance du cahier des charges des associations partenaires Avec la mise en place du service civil volontaire, on voit dès à présent des organismes de formation et certains réseaux associatifs se précipiter sur ce qui leur apparaît comme un nouveau marché, le marché de l'éducation à la citoyenneté, sans trop se préoccuper du contenu et du sérieux de la démarche. Il est urgent de définir, avant la mise en place des premières expérimentations, un cahier des charges précisant les méthodes et les outils en cohérence avec les objectifs du service civique, et de développer en amont les formations de formateurs qui permettront d'instaurer un certain état d'esprit.
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Complémentairement, un travail de recherche est nécessaire pour collecter l'expérience des 30 dernières années, pour recenser les expériences et les expérimentations en cours, les rendre accessibles à ceux qui participeront à cette gigantesque entreprise.
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13 Conclusion provisoire
En conclusion, le service civique sera attractif s'il permet aux jeunes : - de se sentir responsables et porteurs des questions qui se posent à notre temps, - d'avoir une ouverture sur d'autres réalités, sur une mixité sociale, dans une rencontre avec l'autre, - de disposer d'un rite de passage à l'âge adulte, - de se situer en tant que citoyens pour la suite de leur existence. Cela suppose des modalités de mise en place cohérente avec les trois objectifs d'éducation citoyenne, de mixité sociale et de service du bien commun. Mais il ne peut trouver sa place que dans une véritable révolution civique qui concerne toute la société et suppose une prise de conscience des graves enjeux auxquels nous sommes confrontées aujourd'hui et des changements considérables pour les comportements, les politiques et les réglementations. Ainsi conçu, l'instauration du service civique peut constituer le point de départ d'un nouvel état d'esprit et d'une société plus humaine.
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Annexe : plateforme associative Pour le service civique obligatoire Un choix de société Depuis un an, plusieurs événements majeurs, de la révolte des banlieues à la mobilisation anti-CPE, ont mis en lumière l'inquiétude des jeunes quant à la place qui leur était faite, mais aussi leur besoin d'expression et leur désir d'engagement. Plus largement, et toutes générations confondues, nos sociétés, envahies par le fondamentalisme de l'argent, peinent à traduire en actes les idéaux de solidarité et de fraternité. Il y a urgence à redéfinir des valeurs partagées sur le lien entre générations et entre milieux sociaux, à élaborer les règles d'un nouveau vivre ensemble, à reformuler le contrat qui organise notre vie en société. Engagés au quotidien à faire vivre les valeurs de solidarité et de fraternité, nous pensons que la mise en place d'un service civique obligatoire, autrement dit universel, peut constituer une base de ce nouveau contrat social. Elle doit concrétiser la capacité de chaque individu à contribuer, dans la mesure de ses moyens, à accroître le bonheur commun. Mais aussi montrer que la création de richesses ne se réduit pas à l’échange monétaire et que l’être humain représente la véritable valeur d’un pays. Ainsi, ouvrir le débat sur le service civique, c'est d'abord poser la question : quelle société voulons-nous?
Une obligation qui construit Le caractère obligatoire de ce service civique fait débat. Nous l'assumons dans un triple souci : • exigence de pérennité : c'est à l'Etat qu'il appartient de mettre en œuvre les moyens nécessaires – financiers et humains, notamment – pour favoriser l’engagement de tous les citoyens. • exigence de réciprocité : il s'agit de trouver le juste équilibre entre les droits et obligations des citoyens et ceux de la collectivité. • exigence d'universalité : il s'agit d'affirmer que la citoyenneté n’est pas une matière à option et qu'il ne saurait y avoir de passe-droit, ni compétences pré-requises ni critères d’aptitude en ce domaine. Mais cette obligation ne doit pas être vécue sur le mode de la coercition. D'abord, parce que la conception et la mise en place du service civique devra se faire en associant les principaux intéressés (les jeunes euxmêmes, mais aussi les mouvements de jeunesse et d’éducation populaire, les collectivités territoriales). Ensuite, parce qu'il faudra faire en sorte que tous
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les jeunes y trouvent vraiment leur compte : utile pour la société (afin de la rendre plus juste, plus solidaire, plus fraternelle, de répondre à des besoins sociaux ou environnementaux, de transmettre les valeurs de liberté, d’égalité, de fraternité, de démocratie, d’humanisme et de paix), le service devra l’être tout autant pour les jeunes (par la mobilité et le brassage qu’il permet, mais aussi par son aspect formateur).
Un parcours adapté et reconnu Les applications dans le temps et l’espace doivent résulter d’une mise en œuvre la plus souple et la plus pragmatique possible, en fonction des besoins du pays et des capacités de chacun. Ce service civique devra conjuguer : un rendez-vous collectif pour permettre le brassage social de toute une génération ; et une série de "missions", utiles à la société et adaptées au parcours de vie de chaque citoyen. Ce service civique devra être reconnu et valorisé (et non considéré comme du "temps perdu"). Une évaluation devra en être faite pour qu’il puisse, notamment, être pris en compte dans la VAE (validation des acquis de l’expérience). Son caractère formateur devra résulter d'une démarche d'accompagnement et de suivi.
Un temps ouvert sur l'avenir L'idée d'un service civique obligatoire ne prend tout son sens que dans le cadre d'une dynamique plus globale, visant à permettre à chacun(e) d'exercer pleinement sa citoyenneté et à tou(te)s de retrouver le sens de l'engagement collectif. C'est pourquoi la formule retenue ne devra pas casser, ni même gêner, les dynamiques spécifiques du volontariat et du bénévolat, éléments essentiels de la solidarité et de la fraternité, mais au contraire contribuer à leur promotion, à leur extension et à leur généralisation. Le service civique devra aussi éviter toute forme de concurrence avec l’emploi salarié. Enfin, il devra donner le goût de l'engagement citoyen et en faire connaître les diverses formes, associatives, syndicales ou politiques, notamment. Enfin, le service civique obligatoire rappellera qu'il y a d'autres formes de contribution au bien public que le seul paiement de l'impôt et permettra de réhabiliter le don en temps. Pourquoi ne pas imaginer des formes d'encadrement du service civique ouvertes à des personnes volontaires dont l'investissement au profit de la collectivité leur permettrait de bénéficier d’avantages fiscaux en mesure du temps consacré ?
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Nous sommes confrontés à de multiples enjeux de survie de l'humanité et des sociétés où nous vivons Pour inverser la tendance, nous avons à préparer aujourd'hui les citoyens capables d'inventer un avenir incertain, de construire un monde fraternel et solidaire. La mise en place d'un service civique universel peut être pour cela un élément déterminant Si le service civique doit répondre à des besoins non satisfaits de la société, être porteur d'éducation citoyenne, favoriser le brassage social entre des jeunes de tous les milieux, constituer un temps symbolique de passage à l'âge adulte et à l'état de citoyen, quelles sont les options de mise en oeuvre cohérentes avec ces objectifs ? Ce document, provisoire à ce stade, a pour objet d'introduire le débat sur cette question.
RECit (réseau des écoles de citoyens) se propose de mettre en lien tous ceux dont l'action contribue à l’éducation citoyenne en permettant à chacun d'être acteur de sa propre vie et citoyen d’un monde solidaire. RECit rassemble aujourd'hui 300 organisations et 3000 personnes en France et dans quelques pays pour des échanges d'expériences, des rencontres et des réflexions communes, avec des groupes locaux dans différentes villes.
Achevé de rédiger le 30 novembre 2006 et édité par RECIT Pour plus d'information on peut consulter le site www.recit.net RECIT (réseau d’écoles de citoyens) recit@recit.net 15 avenue Robert Fleury 78 220 VIROFLAY (France) 06 67 05 58 95
Prix : 4 euros 48