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SOMMAIRE Archibat N°30

Revue maghrébine d'aménagement de l'espace et de la construction

Editorial

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Séminaire : Exportation des services de la maîtrise d’œuvre tunisienne

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EXPOSITION : « 50 ans d’Architecture en Tunisie »

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Le Corbusier et la maison Baizeau à Carthage : une conception partagée (1930)

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L’architecture de la reconstruction tunisienne (1943-1956)

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L’architecture tunisienne des premières années de l’Indépendance, modernité et défis (1956-1970)

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Sur les traces de l'héritage : Vers une tunisianité architecturale contemporaine (1970-1990)

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L’architecture en Tunisie de 1990 à 2013

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SOMMAIRE L'ARCHITECTURE POST-INDÉPENDANCE EN TUNISIE EN 23 PROJETS

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Aéroport Tunis-Carthage

40

Palais de Carthage

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Cité sportive d'El Menzah I

44

Palais des Congrès

46

Hôtel Africa

48

Projet El Hafsia

50

Port El Kantaoui

54

Cité El Ahmadi La Marsa

58

Projet Bab Souika

60

Hôtel Tamarza Palace

64

INSAT

66

Médina Yasmine Hammamet

70

Revitalisation de l'hypercentre de Tunis

74

Cité Olympique Radès

76

Cité des sciences

80

Hôtel Villa Didon

82

Maison de la télévision

84

Aéroport Enfidha

88

Musées Bardo/Sousse/Djerba

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Hôtel Dar Hi

94

Bourse des valeurs mobilières

96

Siège Attijari Bank

98

Mosquée El Khalil

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ÉDITORIAL ARCHIBAT Revue maghrébine à parution semestrielle, publiée par : ABC Architecture Bâtiment et Communcation, S A 19 Rue Abou Bakr Bekri, Imm. Luxor I, Br. M/2 - Montplaisir 1073 Tunis Tél. : 216 71 904 467 - 71 907 952 Fax : 216 71 902 485 E-mail : archibat.com@planet.tn

www.archibat.tn Directrice de publication Amel SOUISSI TALBI Rédactrice en chef Alia ALLAL Ont collaboré à ce numéro : Héla Nasrallah Hochlaf Houneida DHOUIB Denis LESAGE Leila AMMAR Olfa BOHLI NOURI Faika BEJAOUI Membres fondateurs Leïla AMMAR Ali DJERBI Amel SOUISSI TALBI Achraf BAHRI MEDDEB Morched CHABBI Denis LESAGE Responsable commerciale Nawel AYADI ALLANI Publicité Zouhaira TALBI REBAI Sabra DABOUSSI Conception graphique Nadia CHIHAOUI JAZIRI Abonnement Lobna MCHIRGUI BELHAJ Impression FINZI USINES GRAPHIQUES Site web Mouna MATTOUSSI TRABELSI Les articles publiés dans cette revue, et les idées qui peuvent s’y exprimer n’engagent que la responsabilité de leurs auteurs. Tous droits de reproduction, réservés pour tous pays. Les textes et photos reçus et leurs envois impliquent l’accord de l’auteur pour leur libre publication. VISA N° 2796 Décembre 2013 Autre publication de ABC

Ce numéro spécial d’Archibat est une invitation à la réflexion sur le bilan des cinquante dernières années de l’architecture tunisienne. A travers une perspective chronologique et des superpositions historiques, les architectes/chercheurs, Houneida Dhouib, Leila Ammar, Olfa Bohli et Denis Lesage, nous dressent une synthèse des moments qui ont marqué l’évolution de l’architecture tunisienne. Dans des conditions difficiles, après la seconde guerre mondiale, surgit en Tunisie une œuvre architecturale différente des approches orientalistes et de registres monumentaux de l’architecture coloniale et arabisante. C’était en 1943, sous l’égide de l’architecte Bernard Zehrfuss, que fut créé le service d’architecture et d’urbanisme qui a regroupé des architectes tels que Jean Le Couteur, Paul Herbé, Jason Kyriacopoulos et Jacques Marmey. Ces architectes de la reconstruction, en partant des lignes de force de l’architecture locale, ont réalisé entre 1943 à 1956, des équipements marqués par une architecture fonctionnelle et ouverte d’une manière intelligente sur la modernité. Houneida Dhouib, nous présente le contexte et les réalisations majeures de cette période de l’architecture tunisienne, dite de la reconstruction. L’héritage de la reconstruction des architectures et des idées maîtresses en urbanisme reste présent et se prolonge dans la Tunisie post-indépendance. Au lendemain de l’indépendance, architectes, ingénieurs et urbanistes dans la plupart restent étrangers, sont appelés à concrétiser les objectifs souhaités par Habib Bourguiba : la construction de la Tunisie moderne. Cette période marquée par les œuvres de Olivier Clément Cacoub, promu architecte de la présidence, voit naitre une architecture de style international, dont la cité universitaire (1965), la Cité olympique des sports d’El Menzah (1967), l’immeuble de l’Africa (1970). Les années 1960 marquent aussi l’impulsion du tourisme balnéaire en Tunisie et à partir de 1980 la production hôtelière tente d’allier une architecture moderne alliée à la tradition, que l’on retrouve aussi dans l’habitat des années 1970 à 80. Le bilan des ces premières années de l’indépendance, que qualifie Leila Ammar dans sa réflexion comme période de modernité de synthèse. « A la recherche d’une tunisianité contemporaine, le langage architectural des années 1970-1990, se caractérise par une disparité référentielle qui balance entre une tendance d’alignement aux standard internationaux initiés par les avant-gardes européennes… comme éveil patrimonial puisant dans le registre architectural hérité du passé synonyme d’authenticité », nous dit Olfa Bohli dans sa réflexion sur le bilan de cette période. La valeur de l’héritage s’est vue conjuguée à l’introduction d’une volonté de rattacher l’enseignement architectural dans son contexte local, depuis la création du département d’architecture et d’urbanisme à l’ITAAUT en 1972. Les édifices de l’avenue Mohamed V, tel que l’hôtel du Lac, la banque centrale, l’hôtel des congrès, le siège de la STB et de la BNA, constituent un témoignage des choix officiels en matière de langage architectural de cette période inscrite dans la course au développement. Au début des années 90, marquées par les créations de nouvelles équipes d’architectes, on comptait 662 architectes diplômés en Tunisie, dont 84 femmes, souligne Denis Lesage dans son bilan des années 90 à 2013. Le maître mot de l’architecture des bâtiments officiels était « le cachet tunisien », jamais discuté, jamais explicité… nous dit-il. Ce qui frappe dans le paysage urbain d’aujourd’hui, aux Berges du Lac ou au quartier d’Ennasr, c’est l’éclectisme total de leur façade au détriment de la cohérence urbaine… le maître mot de l’époque est extraversion, au contraire des siècles passés et probablement un rapport entre ces nouvelles expressions et l’avènement de l’informatisation des projets, commente Denis Lesage. Cette même année 2013, l’Ordre comptabilise 3904 architectes inscrits dont 1.325 femmes, avec une majorité de jeunes architectes de moins de quarante ans. Quel sera le rôle des architectes sur les questions de logement, d’aménagement urbain, de développement régional et de durabilité ? Quel avenir pour la profession d’architecte et quel dessein pour l’architecture dans une Tunisie en gestation qui cherche ses repères ? Le débat reste ouvert. Amel Souissi Talbi Archibat 30 / 12 - 2013

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SEMINAIRE Exportation des services de la maîtrise d’œuvre tunisienne, quels atouts, quelle stratégie ?

Inauguré par le Ministre de l’Equipement et de l’Environnement, M. Mohamed Selmène, la secrétaire d’Etat à l’Habitat, Mme Chahida Fraj Bouraoui et le Chef de Cabinet, M. Moncef Sliti, le séminaire sur l’exportation des services de la maîtrise d’œuvre tunisienne, a eu lieu au Cepex le 2 décembre dernier. Organisé par la revue Archibat en partenariat avec le Cepex, l’OAT, l’ANBEIC et l’ATU, ce séminaire a réunit d’éminents experts et professionnels du cadre de vie.

Lors de son discours d’ouverture M. Med. Selmène a mis en exergue la qualité de la maîtrise d’œuvre tunisienne qui bénéficie, d’atouts, de références et de savoir-faire qui mériteraient d’êtres plus valorisés et encouragés pour se développer à l’international. La Tunisie présente un potentiel important d’ingénieurs et d’architectes employés en Tunisie dans le secteur public et privé. L’impulsion de l’exportation des services de la maîtrise d’œuvre permettrait l’élargissement du marché cible, le développement des compétences tunisiennes, le renforcement de leurs compétitivités sur le marché international et la création d’emplois pour les nouveaux diplômés. Suite à un éclairage sur l’état des lieux de l'exportation des services de l’architecture et d’ingénierie, les atouts, les potentialités et les difficultés rencontrés, présenté par M. Ali Cheikhrouhou, les intervenants ont insisté sur les conditions de réussite qui nécessitent : une maîtrise d’œuvre structurée, dotée d’une assise financière, ayant fait ses preuves au plan national et des solutions globales et intégrées comportant un ensemble de services, qui impliquent le regroupement des compétences (architecture, ingénierie, urbanisme, décoration, paysagisme, économie de la construction et de l’énergie, « façadisme » etc…). La stratégie de développement de l’activité export, ciblée sur les relations avec les bailleurs de fonds internationaux du bureau d’étude Scet, a été exposée par M. Said Drira, DGA Scet Tunisie qui a présenté les récents projets décrochés en Afrique, tel que l’extension du siège de la BAD à Abidjan en Côte d’ivoire. Ce projet gagné par voie d’appel d’offre international, par le groupement Scet international et les architectes M. Noureddine Rebai et Wassim Ben Mahmoud est un bon exemple de rayonnement culturel pour la Tunisie en Côte d'Ivoire d’abord et en Afrique ensuite vu la symbolique du bâtiment. Autre, réussite, celle de M. Ajmi Mimita, architecte qui a présenté ses projets réalisés en Turkménistan : un complexe hôtelier et le Ministère de l’Economie et des Finances à Ashgabat.

Les opportunités et les marchés potentiels, présentés par M. Abdellatif Hamam, PDG du Cepex sont essentiellement la Libye et l’Afrique Subsaharienne, dont 5 marchés cibles en Afrique : Burkina-Faso-Cameroun-Côte d’Ivoire-Gabon-Sénégal. M. Hamam qui a insisté sur la valeur ajoutée que représente l’exportation du secteur de l’exportation des services de la maîtrise d’œuvre, a aussi annoncé l’ambition du Cepex de doter les services de la maîtrise d’œuvre, d’un plan d’action export à partir de 2014. La table ronde qui a réunit, architectes, ingénieurs, urbaniste, chef d’entreprise BTP, représentant du Cepex et du Ministère de l’équipement s’est penchée sur les conditions de mise en place d’une stratégie à moyen et long terme, qui permettrait la promotion et le développement du savoir-faire tunisien à l’international. L’appui de la puissance publique, un partenaire considéré dans un premier temps comme indispensable et l’implication des structures professionnelles, des réseaux exports, des associations, de l’université, et des opérateurs du secteur du bâtiment sont aussi nécessaires. Mme Raoudha LARBI, en tant que représentante du Ministère de l’Equipement et de l’Environnement, a assuré l’assistance, quant à la ferme volonté du Ministère de tutelle des ingénieurs et des architectes, de piloter une commission chargée du programme de développement de la maîtrise d’œuvre tunisienne à l’International. La réussite d’une stratégie de développement de l’exportation de la maîtrise d’œuvre tunisienne, dépendra de la synergie entre tous les acteurs concernés. Archibat envisage de consacrer, au sujet de la maîtrise d’œuvre à l’export, un dossier dans son prochain numéro et présentera des projets réalisés par des architectes tunisiens à l’international.


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EXPOSITION

« 50 ans d’Architecture en Tunisie » Dans le cadre de son programme d’actions culturelles, l’Ordre des Architectes de Tunisie organisera en 2014, sous le haut patronage de la Présidence de la République, en partenariat avec le Ministère de l’équipement et de l’environnement, le Ministère de la culture, le Ministère du tourisme, l’école nationale d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis, la revue Archibat et en collaboration avec l’association de sauvegarde de la Médina de Tunis, l’agence de mise en valeur et de promotion du patrimoine et l’institut français de Tunisie, une exposition nationale intitulée « 50 ans d’Architecture en Tunisie » au musée national du Bardo.

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ette manifestation a pour objectif de faire connaitre la production des architectes et de promouvoir la création architecturale de qualité en Tunisie. Cette première exposition de l’architecture, dans son genre, mettra en perspective plus de cinquante années de production architecturale en Tunisie, qui a commencé à partir de 1943 avec la reconstruction du pays par des architectes français tels que B. Zehrfuss, J. Marmey, J. Drieu, Kyriacopoulos, etc., ainsi que des architectes tunisiens diplômés en France (DPLG ou ESP) et d’autres pays. La première promotion d’architectes tunisiens issus de l’école des Beaux-Arts de Tunis, vit le jour en 1973.

Communiquer l’architecture par l’exposition Cette exposition ambitionne d’interroger le trajet de la production architecturale, à travers différents supports (photos, plans, éléments graphiques, croquis, perspectives, maquettes, documentaires et livres) incluant aussi des projets de fin d’études d’étudiants en Architecture. Elle est l’aboutissement d’une ambitieuse initiative lancée depuis plus d’une année. La sélection des projets distingués par un comité d’organisation témoigne de la diversité des champs d’intervention des architectes. L’exposition sera consacrée à la présentation des projets d’architecture réalisés, qui ont marqué l’histoire de la Tunisie de l’après-indépendance. Elle montre aussi l’évolution de l’architecture à travers un demi-siècle d’histoire et porte un éclairage sur la contribution de l’architecte dans la construction du pays. Sorte de panorama, qui se veut le portrait d’une Tunisie en voie de construction, la sélection de projets, permettra une première prise de contact avec les tendances architecturales et offrira aux professionnels comme aux citoyens, l’occasion de découvrir l’architecture en Tunisie à travers ses édifices et ses bâtisseurs. Offrant une rétrospective des œuvres réalisées en Tunisie durant les cinquante dernières années, l’exposition réunit une centaine de projets qui permettront de valoriser le rôle de l’architecte en positionnant l’architecture en tant que référent économique, social et culturel dans la société. Cette exposition qui aura lieu au musée national du Bardo, évoquera les caractéristiques de l’architecture en Tunisie en l’abordant selon deux thèmes : le rapport à la tendance architecturale et l’originalité et la représentativité du projet exposé. Elle vise

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à montrer que l’œuvre architecturale émane d’une vision créatrice globale, qu’elle est en soi un processus créatif et qu’elle se veut provocatrice de référence. Une exposition conçue pour l’itinérance A travers la présentation d’une centaine de projets sélectionnés, l’exposition donnera à (re) découvrir les œuvres qui marquent la période de l’après-indépendance et développera aussi les relations entre les œuvres construites, l’évolution de l’architecture et le développement du pays. Les réalisations présentées regroupent des projets variés (habitats collectifs, bâtiments civils, hôtels, équipements, maisons, etc.), représentant des tendances architecturales différentes et couvrent l’ensemble du territoire tunisien. Les architectes occupent un rôle de premier plan dans l’acte de bâtir et sont responsables de la qualité de vie des espaces qu’ils projettent, mais nous ne pouvons pas oublier que pour atteindre cet impératif de qualité, il nous faut la complicité des maîtres d’ouvrages réceptifs et compétents. Hela BEN NASRALLAH HOCHLAF

COMMISSARIAT : Hela Ben Nasrallah Hochlaf - Architecte/Urbaniste Imen Bouslama Troudi - Architecte

COMITE D'ORGANISATION : Wassim Ben Mahmoud - Architecte/Urbaniste Raoudha LARBI - Architecte générale /Directeur d’unité au Ministère de l’Equipement et de l’Environnement Olfa HADJ SAÏD SAADI - Architecte en chef/Directeur de l’Architecture et des Métiers au Ministère de la Culture Amel Souissi Talbi - Architecte /Directrice de la revue Archibat Faika Béjaoui - Architecte /Urbaniste/ Directrice de la réhabilitation et du permis de bâtir à l’ASM


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Le Corbusier et la maison Baizeau à Carthage : une conception partagée (1930) Denis lesage Architecte

Le contexte L’histoire commence à Stuttgart, l’été 1927. Dans le cadre de l’exposition « Die Wohnung », le Deutsche Werkbund a construit un quartier urbain, le Weissenhof Siedlung, qui se présente comme une vitrine internationale de l’architecture moderne : 21 constructions, 63 appartements viennent d’être réalisés par 17 architectes représentatifs du mouvement moderne, choisis par Ludwig Mies Van der Rohe, membre du Werkbund et qui deviendra directeur du Bauhaus en 1928.

L’architecte

gulières, pour artistes et des collectionneurs (ateliers et villas) et pour des industriels (logements sociaux). Il s’y efforce de mettre en œuvre son système Dom-Ino, conçu en 1914 (fondations par plots, 3 dalles de béton posées sur 6 poteaux, escalier en porte à faux), qui permet le « plan libre » c'est-à-dire la libre disposition des façades, et le système « Citrohan », conçu en 1920-22 (double hauteur du séjour et espaces de nuit réduits). En 1925 le pavillon de l’« Esprit Nouveau » à l’Exposition Internationale des Arts Décoratifs de Paris, a présenté aux yeux

Parmi les architectes invités : Le Corbusier, qui a bénéficié du plus grand lot dans le plan masse conçu par Mies Van der Rohe et du plus gros budget. A cette époque, le Corbusier a 40 ans. Il commence à être très connu sur le plan international, grâce à ses écrits et à ses projets théoriques. Il a fondé la revue « l’Esprit Nouveau » en 1920, où il utilise pour la première fois le pseudonyme de Le Corbusier, qui défend « l’avant–garde » dans les arts. Son atelier d’architecture, qui a démarré en 1922 grâce à son association avec son cousin Pierre Jeanneret, a commencé à produire des œuvres sin-

La première version du projet de Le Corbusier, février 1928, in Tim Benton « la matita del cliente » Rassegna n°3, luglio 1980.

Esquisse de Lucien Baizeau accompagnant la lettre de commande du 28 janvier 1928 à Le Corbusier, in Tim Benton « la matita del cliente » Rassegna n°3, luglio 1980.

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Perspective Nord, quatrième version du projet, Août 1928, in Tim Benton « la matita del cliente »

du public une première concrétisation de ces conceptions. En 1927, à l’occasion du projet du Weissenhof, Le Corbusier a édité une plaquette « les 5 points d’une architecture nouvelle » qui expose ses principes : 1) Les pilotis (pour libérer l’espace au niveau du sol). 2) Le « plan libre » (dégagé des contraintes des murs porteurs.) 3) La façade libre (autonomie de la façade et de la structure). 4) La fenêtre en bande horizontale (donnant libre accès à la lumière). 5) Le toit terrasse (qui rend à la nature l’emprise de la maison).

Le client L’exposition de Stuttgart (ouverte de fin juillet à fin octobre 1927) et le quartier modèle du Weissenhof ont rencontré un succès inattendu : 500.000 visiteurs. Parmi ces visiteurs : Lucien Baizeau, venu de Tunis. Il a 54 ans, c’est un des plus grands hommes d’affaires de la Tunisie de l’époque, le patron de plusieurs entreprises dans le domaine du Bâtiment et des Travaux Publics (production et négoce de matériaux, importation et distribution de matériel et de machines). Il vit à Tunis dans une grosse villa édifiée dans un style « classique français » au début du 20e siècle à proximité de la place Pasteur et voyage beaucoup, à la recherche de nouveaux produits ou de nouveaux procédés. Donc, il visite Weissenhof et il est séduit par les deux maisons modèles de Corbu qui déclinent la maison Dom-ino, en deux maisons « ouvrières » jumelées, et la maison Citrohan, dans une version plus largement dimensionnée que celles des schémas théoriques de 1920-22. On peut supposer que Lucien Baizeau, homme d’action, est séduit par leur modernité, leur simplicité « industrielle » et leur rapidité d’exécution (l’ensemble des logements du Weissenhof a été construit en 21 semaines). Il rencontre Le Corbusier à Paris début novembre, pour discuter de ses méthodes de construction et pour envisager de lui confier l’étude d’une maison personnelle.

Les plans de Lucien Baizeau, en complément de sa lettre d’observation à Le Corbusier du 2 mai 1928, in Tim Benton « la villa Baizeau et le brise-soleil ». Le Corbusier et la Méditerranée, éd. Parenthèses, Marseille 1987.

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Niveau 0

Niveau 1

Niveau 3 La quatrième version du projet de Le Corbusier, d’août-septembre 1928, approuvé par le client, in Max Risselada « Raumplan versus Plan libre, Adolf Loos and Le Corbusier 1919-1930 ». Delft University Press, 1988.

Le projet Le 23 janvier 1928, l’industriel signe une lettre de commande à l’architecte (honoraires prévus : 7 %), pour les plans d’une maison de week-end sur la côte de Carthage, face à la mer, qui doit s’ouvrir au Nord-est et se protéger au Sud-ouest du sirocco et qui devrait être construite à partir de mars 1928. Dans la lettre d’envoi, le directeur de la « Tunisoise industrielle », l’une des sociétés de Lucien Baizeau, écrit : « Monsieur Baizeau tient absolument à ce que vous apportiez tous vos soins à l’étude de la ventilation qu’il voudrait parfaite dans toutes les zones des pièces » Le plan du terrain, des photographies du site et des croquis du Rdc et de l’étage, tels que les imagine Lucien Baizeau sont joints. Le Corbusier esquisse aussitôt une variante sophistiquée de la maison Citrohan, avec deux espaces à double hauteur décalés et imbriqués, déterminant quatre niveaux, couverts par une dalle parasol, les dalles étant supportées par un réseau de 12 poteaux sur une trame régulière, 16 Archibat 30 / 12 - 2013

comme la maison Dom-ino. Ce principe de « coupe libre » permet une circulation de l’air à travers toute la maison. Cette première version, datée du 25 février 1928, est examinée par le client à Paris qui note que les volumes sont plus importants que ce qu’il avait imaginé et surtout qu’il ne retrouve pas les protections contre le sirocco qu’il a demandées. En mars, Le Corbusier établit une deuxième version plus compacte, qui réduit la trame centrale et les surfaces de planchers, mais conserve le principe de coupe de la version initiale. Cette version ne convient pas non plus à Lucien Baizeau qui, le 2 mai 1928, envoie à l’architecte une série de plans présentant sa propre solution, avec les commentaires suivants : « Madame Baizeau et moi-même, nous avons examiné longuement les plans que vous nous avez envoyés début avril… vous remarquerez que nous avons fait disparaître les différents niveaux des étages car, si cette disposition présente un avantage du point de vue


architectural, elle aurait pour nous le grave inconvénient de nuire à l’isolement auquel nous tenons essentiellement » et « il importe de se garantir contre le soleil et contre la réverbération trop vive de la lumière. Nous avons donc prévu des débordements de terrasse très importants sur trois faces de la maison. » En mai juin Le Corbusier est très occupé par la préparation du 1er Congrès International d’Architecture Moderne (La Sarraz, Suisse, 26-28 juin 1928). Il étudie une troisième version pour la maison Baizeau, qui revient aux dimensions de la première, se ferme au Sud et à l’Ouest mais, malgré les observations du client, conserve toujours le principe de « coupe libre » en niveaux décalés des deux premières versions. Le 9 juillet 1928, Lucien Baizeau, homme d’affaires important, habitué à être servi et suivi par ses employés et contractants, se fâche. Il écrit à l’architecte : « je suis désolé de voir que vous n’avez que très peu tenu compte de mes indications précises que je vous avais données au mois de mai. Je vous prie donc de les étudier immédiatement et de vous y conformer aussi exactement que possible. Ces conditions correspondent strictement à mes besoins et je tiens donc absolument à ce qu’elles soient respectées » En septembre Le Corbusier propose une 4ème version, qui sera acceptée. Cette version abandonne la coupe décalée et revient à une solution type Dom-ino de dalles sur poteaux, avec une répartition des espaces sur les 3 niveaux, conforme aux schémas envoyés par le client en mai. Ce long processus de conception, avec les allers et retours entre l’architecte et le client est analysé de manière détaillée par Tim Benton dans la revue « Rassegna » sous le titre : « le crayon du client ».

La réalisation C’est sur cette version que sera construite la maison en 1929, après que le client ait redessiné les plans d’exécution envoyés fin mars 1929 par M. Sommer, l’entrepreneur habituel de Corbu, pour les adapter aux techniques constructives tunisiennes de l’époque, incompatibles avec celles prévues. Le Corbusier n’avait cependant pas fini de voir ses propositions contestées ou refusées. Pour les couleurs de la maison, il propose, le 10 janvier 1930 : « tout blanc » pour l’extérieur, porte extérieure et encadrements de fenêtres colorés, portes intérieures en okoumé naturel vernis et portes des penderies blanches. Cette proposition est refusée. Deuxième proposition le 30 décembre 1930, à la fin du chantier : Dalles et poteaux blancs, murs des façades tous colorés, avec des indications précises et des échantillons (bleu outremer, gris clair, brun rouge, rose, vert pâle, gris moyen) portes intérieures en okoumé naturel vernis. Cette proposition est également refusée.


Villa en chantier, 1930

Ni Le Corbusier, ni l’un de ses collaborateurs n’ont jamais visité la maison Baizeau, que ce soit avant, pendant ou après le chantier. Les honoraires de 7 % prévus par le contrat de 1928 ont été intégralement réglés par le client.

Conclusion Pour Le Corbusier, les projets pour la maison Baizeau ont été importants dans la suite de ses réflexions sur les questions de ventilation et de terrasse brise-soleil (en particulier à Chandigarh) même si la solution de la terrasse brise-soleil est apparue presque fortuitement à Carthage, à l’instigation du client. Dans le volume 1919-1929 de ses œuvres complètes, éditées de son vivant, Corbu écrit à propos de la maison Baizeau, dont il présente les plans, coupes et perspectives intérieures de la première version et les plans et coupe de la dernière version : Le problème consistait à fuir le soleil et à assurer la ventilation constante de la maison. La coupe a apporté ces diverses solutions : la maison porte un parasol qui projette de l'ombre sur les chambres. Depuis le rez-de-chaussée jusqu'en haut, les salles communiquent entre elles établissant un courant d'air constant.

Maison achevée 1930

Ce projet n'a pas été exécuté. Deuxième projet (en cours d'exécution). La coupe n'a plus le même intérêt. Le principe de l'ossature portant les divers planchers est intéressant, c'est le même principe de plan libre qu'à Garches, mais par contre, seuls les poteaux dessinent à l'extérieur une enveloppe régulière et chaque étage s'exprime à l'intérieur de ces poteaux sous une forme exactement conforme aux fonctions, dessinant ainsi, sous forme de noyau, des formes très variées d'étage en étage et mises à l'abri du soleil par la projection des terrasses qui les entourent. Quant à la maison Baizeau existante elle-même, qui doit autant à son client qu’à Le Corbusier, que ce soit dans sa structure en terrasses débordantes, dans la répartition des espaces et dans la mise en couleur, elle reste un rare exemple d’ « architecture moderne » des années 20 en Tunisie. A ce titre, elle mériterait d’être sauvegardée et affectée à un usage permettant sa visite, notamment des étudiants en architecture et en histoire de l’architecture. ■

1- Le Deutsche Werkbund , créé en 1907, était une structure originale associant des artistes et des industriels, ce qui lui permettait d’organiser et de financer des expositions de grande envergure, notamment celle de Cologne en 1914. 2- En 1932, la société Schwich et Baizeau créera les « Ciments Artificiels de Tunisie » qui restera jusqu’en 1962 l’unique cimenterie de Tunisie. 3- La villa a été démolie en 2010. A sa place s’élève aujourd’hui le Centre de Formation et d’Appui à la Décentralisation du Ministère de l’Intérieur, en cours de finition. 4- Même programme que pour la villa Savoye, dont l’étude commencera à l’automne 1928. 5- Tim Benton est l’un des plus grands spécialistes de Le Corbusier. « the client’s pencil » est paru dans Rassegna n° 3 - juillet 1980. 6- La maison Baizeau a été incorporée dans les années 60 au parc du palais présidentiel de Carthage lors de la construction du palais, pour raison de sécurité, puisqu’elle surplombe l’une des entrées du parc. Elle a abrité divers services administratifs du Palais et ne semble pas avoir bénéficié d’une maintenance très importante. Une visite de diagnostic fait par des spécialistes (ICOMOS ?, ENAU ?) permettrait d’en savoir plus.

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L’architecture de la reconstruction tunisienne (1943-1956) HouNEIDA DHOUIB Architecte

Dans des conditions matérielles difficiles, mais avec une grande liberté d’action, les architectes de la reconstruction marquèrent la Tunisie par un ensemble de conceptions homogènes, ponctuées de quelques expressions individuelles. Une écriture épurée, d’une grande intelligence constructive, située entre l’exploitation intuitive de l’architecture traditionnelle et l’expérimentation d’une modernité transgressant les recettes et les dogmes. Durant la reconstruction de la Tunisie, après la seconde guerre mondiale, surgit une œuvre architecturale différente des approches orientalistes et des registres monumentaux de l’architecture coloniale et arabisante. Cette production peut être partagée en deux grandes catégories : une première dans laquelle la référence à l’architecture vernaculaire locale était fortement déterminante et, une deuxième qui s’en écarte pour explorer des tendances fonctionnalistes et modernes.

Ecole type deux classes, deux logements de Sidi Mansour, Sfax, état actuel.

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Bien que de caractères différents, ces deux catégories étaient le fruit de l’effort d’une même équipe d’architectes français, appelés hâtivement à reconstruire le pays sinistré après sa libération en mai 1943, sous l’égide de Bernard Zehrfuss qui reçut le titre, qu’aucun texte statuaire ne mentionnait, d’architecte en chef du gouvernement tunisien. La création de la section qu’il dirigea pendant quatre ans s’inscrivait dans la quête de l’organisme convenablement équipé et organisé de façon à embrayer toutes les actions de construction et de planification de la Régence. Ce fut pendant cette première période que l’équipe Zehrfuss, qui comprenait des architectes tels que Jean Le Couteur, Paul Herbé et Jacques Marmey, s’était penchée sur un vaste plan d’équipement essentiellement fondé sur le principe de plans-types destinés à l’Instruction, à l’Assistance et la Santé publique et au recasement.

Vue en perspective du dispensaire rural, Archives Nationales de Tunisie.

Infirmerie-dispensaire de Tebourba, état actuel.

Un regard novateur posé sur l’architecture traditionnelle. Une approche originale fut alors mise en œuvre pour traduire les formes architecturales locales dans ces nouveaux programmes, faisant largement appel aux traditions tunisiennes dans le domaine de la construction. Un intérêt longtemps mis sur le compte de la pénurie de matériaux dont souffrait le pays, mais dont le fondement idéologique est à rechercher également dans la formation académique des concepteurs à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts de Paris et leurs aspirations tournées vers le mouvement moderne qui révolutionnait la scène architecturale mondiale.

En partant de l’architecture locale, non de sa diversité ou de ses multitudes expressions colorées, mais de ses formes épurées, de sa blancheur et de ses principales unités typologiques, les architectes disposaient des programmes proposés par l’Etat commanditaire et les interprétaient dans une architecture tunisienne moderne. Leur souci constant d’économie et de rationalisation des constructions dans un contexte de fortes restrictions budgétaires, contribuerait à justifier l’abandon du décoratif au profit du constructif. L’architecture officielle du protectorat exaltait désormais des voûtes, des coupoles, des murs continus, des jeux d’enduits soulignant le parti structurel, mais aussi le silence d’une blancheur immaculée.

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Ecole des jeunes filles musulmanes à Bizerte, état actuel.

Des équipements étaient venus ainsi ponctuer le paysage tunisien dans les villes et les centres secondaires : des écoles accompagnées de logements, des dispensaires ruraux comme étant les plus petites cellules destinées aux consultations, des infirmeries/dispensaires, mais aussi des recasements, tels que le quartier d’habitations individuelles de Zarzouna, appelé également cité ouvrière ou les logements-types urbains et ruraux. D’autres projets étaient signés comme des œuvres individuelles après la rupture du contrat de l’équipe Zehrfuss avec l’administration en 1947, tels que le centre de formation professionnelle du bâtiment de la place aux moutons de Bernard Zehrfuss et Jason Kyriacopoulos, ou l’école des jeunes filles musulmanes à Bizerte, conçue par Jean Le Couteur. Dans tous ces projets, la composition était une ligne de force. Symétrique, asymétrique ou dissymétrique, elle ordonnançait en deux et trois dimensions, non pas dans un idéal palladien mais avec des valeurs plastiques de son temps. Transposées de l’univers du visible, du monumental et de la magnificence décorative, les affinités entrete-

nues avec l’architecture traditionnelle se jouaient désormais dans le domaine de l’abstraction, de la sobriété et des valeurs d’ambiance. Par un métissage savant, se trouvaient dans une architecture qui se voulait actuelle et qui n’avait rien à envier au label européen, l’âme et l’essence des formes ancestrales de construction et d’artisanat.

Architecture moderne et fonctionnalisme Après une première série de réalisations marquées par les valeurs héritées du passé, à travers laquelle les architectes reconstructeurs cherchèrent à livrer avec les moyens de l’époque une certaine métaphore de la modernité, ils commencèrent progressivement à se détacher de leur source d’inspiration dans le cadre de la deuxième catégorie de projets de grande envergure. Les architectures réalisées dans ce sens n’illustraient pas uniquement un choix stylistique mais aussi une diversité de réponses, plus individuelles et personnelles, correspondant à des commandes reçues par les anciens collaborateurs de Zehrfuss exerçant en tant qu’architectes libéraux.

Centre de formation professionnelle du bâtiment - Place du mouton, actuellement collège de la place du Leader, conçue par Bernard Zehrfuss et Jason Kyriacopoulos de 1943 à 1945. 22 Archibat 30 / 12 - 2013


Dans l’école d’agriculture de Moghrane, œuvre de Jean-Pierre Ventre, la rigueur de la composition et de l’ordonnancement des élévations était d’un classicisme comparable aux travaux d’Auguste Perret, un ordre architectural fondé sur les performances techniques du béton armé. De plus, le choix de laisser les matériaux à l’état brut contribuait à mettre en valeur une esthétique spécifique du béton, qui fut ici combinée à l’usage d’un matériau naturel, la pierre. Dans l’architecture religieuse, l’intérieur de l’église NotreDame de France à Bizerte, signée Jean Le Couteur, dégage les mêmes valeurs d’ambiance que Notre-Dame de Raincy, œuvre d’Auguste Perret, par l’élancement des éléments porteurs et la valorisation de la structure en tant que partie intégrante du projet architectural. Dans l’immeuble de la direction des services de Sécurité à Tunis, aujourd’hui siège du ministère de l’Intérieur, tout emprunt aux systèmes constructifs traditionnels avait disparu. L’ensemble de ces projets, dessinés pour la plupart par de jeunes architectes en début de carrière, dénotait la volonté d’appliquer les idées de la Charte d’Athènes et les critères fonctionnalistes d’orientation et de salubrité, alors que même en France, aux cinq points de l’architecture moderne ne substituait souvent la logique du chemin de grue. Il représentait une tentative d’ouverture sur une modernité discrète et mesurée, dont les principes avaient été occultés par l’enseignement reçu mais qui avaient toutefois l’avantage d’être expérimentés sans contrainte en Tunisie. Dans les cursus de certains praticiens, cet inlassable travail de création allait leur servir de tremplin et les propulser sur le devant de la scène française, après avoir marqué l’histoire de l’architecture tunisienne par une œuvre sensible et intelligente. ■

Perspective, Jaques Marmey - Lycée de Carthage (1957)

L'église Notre-Dame de France, Jean Le Couteur. Cité de l’Architecture et du Patrimoine. Archives d’Architecture du XXe siècle

1- Bernard Zehrfuss (1911-1996), né à Angers, il s’installa avec sa famille à Paris après le décès de son père. Christine Desmoulins relate les faits importants de son enfance et de sa scolarité. DESMOULINS (Christine), Bernard Zehrfuss Un architecte français (1911-1996). Une figure des trente glorieuses, Doctorat d’histoire de l’architecture sous la direction de François Loyer, Université de Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines, 1er juillet 2008. Il intégra l’atelier d’Emmanuel Pontrémoli à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts et obtint le premier grand prix de Rome en 1939. Assistant d'Eugène Beaudouin alors basé à Marseille, il participa entre 1941 et 1943 au groupe d’Oppède. 2- L’équipe était organisée en différentes sections et délégations régionales. Voir à ce sujet Zehrfuss (Bernard), « Etudes et réalisations d’architecture et d’urbanisme faites en Tunisie depuis 1943 », Architecture d’Aujourd’hui, n° 20, octobre 1948, pp. 16-18. 3- Jean Le Couteur (1916-2010), né à Brest où il commença sa scolarité. En 1936, il intégra l’atelier régional de Rennes sous la direction de Georges Robert Lefort. Il suivit durant trois années un enseignement proche de la pédagogie de l’Ecole des Beaux Arts. Il était l’élève d’Eugène Beaudouin à Marseille avant de rejoindre le groupe d’Oppède. 4- Paul Herbé (1903-1963) était né à Reims, de père architecte. Admis à l’Ecole Nationale Supérieure des Beaux Arts en 1928, il s’inscrivit dans l’atelier d’Emmanuel Pontremoli où il fut primé par le prix du meilleur diplôme et par le prix Blumenthal. Il s’affirma comme l’élève spirituel de Pontremoli, au moment où Zehrfuss le fréquentait. 5- Jacques Marmey (1906- 1988), né à Marseille, il avait travaillé entre 1933 et 1943 en tant qu’architecte des biens Habous du nord du Maroc, où il s’était imprégné de la richesse des villes et du savoir-faire des maçons marocains. 6- Jason Kyriacopoulos, était né en 1909 à Alexandrie, architecte diplômé par le gouvernement en 1938 et élève de Georges Gromort à l’Ecole Nationale des Beaux Arts. Ayant effectué des stages, notamment chez Michel Luyckx à Alger, il était bon en construction. 7- L’influence de Perret n’est pas à exclure d’autant plus que les architectes reconstructeurs pour la plupart issus de l’atelier Pontrémoli, avaient des rapports étroits avec celui de Perret, grâce à des transferts d’étudiants. Quand l’atelier de bois ferma ses portes en 1930, certains élèves dont Michel Luyckx regagnèrent l’enseignement de Pontrémoli. 8- Œuvre de Bernard Zehrfuss, Léontine Glorieux Monfred et Jason Kyriacopoulos.

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L’architecture tunisienne des premières années de l’Indépendance, modernité et défis (1956 -1970) LEIla AMMAR Architecte

Au lendemain de l’Indépendance le pays, l’Etat, la nation tunisienne sont à construire. En 1956, le Président Habib Bourguiba a 53 ans. Sa formation intellectuelle l’a imprégné de rationalisme. Comme ses devanciers il est hanté par cet « homme nouveau » et dans la confrontation avec la modernité il s’oriente avec pragmatisme dans une véritable révolution culturelle.

Immeubles de logements HLM à loggias et cage d’escalier centrale , El Menzah 1.

Immeubles de logements HLM El Menzah 1, architectes SCET France 1965. 24 Archibat 30 / 12 - 2013

L’heure est au progrès, à la cohésion de la collectivité et à l’efficacité d’un Etat nouveau qui se construit jour après jour. La Tunisie nouvellement indépendante va se lancer dans une série de mesures, de créations d’institutions et de réformes radicales (enseignement, santé, scolarisation, création d’une université, …). Toutes les couches de la population et toutes les compétences sont appelées à la création et à la construction du pays. Dans le même temps le visage des villes tunisiennes et de ses architectures se transforme rapidement. Architectes et ingénieurs, dont la plupart restent étrangers, urbanistes et professionnels sont appelés à concrétiser les objectifs et les réalisations de la Tunisie moderne. L’héritage de la Reconstruction des architectures et des idées maîtresses en urbanisme, reste présent et se prolonge dans la Tunisie post-indépendance. Ainsi les principes du mouvement moderne en urbanisme, mais également les architectures référencées de la période de la Reconstruction (1943-1956) alliant tradition et modernité, trouvent-ils écho dans la Tunisie des premières années de l’Indépendance. Jacques Marmey, Jason Kyriacopoulos, Bernard Zehrfuss poursuivront leurs activités dans la Tunisie indépendante aux côtés de l’architecte Olivier Clément Cacoub promu architecte de la présidence. Sur le plan urbain les défis sont immenses. Il faut répondre à l’urbnisation qui s’accélère, organiser le territoire, équiper les nouveaux quartiers qui apparaissent, construire sites industriels et équipements, préparer l’éradication des gourbivilles sans eau et sans électricité aux portes des villes. Le Secrétariat d’Etat aux Travaux Publics et à l’Habitat créé en 1958 envisage la question urbaine sous l’angle technique de l’organisation viaire et de la localisation programmation des grands équipements (universités, aéroports, hôpitaux). Les municipalités nouvelles initient des plans d’aménagement et des plans communaux. La Société Nationale Immobilière SNIT est créée en 1957 pour intervenir sur la gestion du patrimoine municipal et la construction de logements sociaux. Mais la migration rurale s’accentue et les tissus anciens périclitent. Les médinas grossissent avec l’arrivée massive de nouveaux citadins sans emploi et leur niveau d’équipement est en deçà des besoins modernes.


Dans le cadre d’une pensée qui envisage les tissus anciens comme archaïques et ne répondant pas aux objectifs de progrès, il est envisagé dès 1956 de moderniser la médina de Tunis et sa circulation en proposant une percée de grande envergure entre la porte Bab Bhar et la Qasba. Michel Kosmin urbaniste est l’auteur d’un premier plan en 1956 pour le Ministère de l’Urbanisme et de l’Habitat qui envisage de faire de la ville ancienne le cœur de l’agglomération tunisoise moderne avec une voie majeure dotée d’un large terre plein central bordée d’immeubles de hauteur et de parkings. Le projet de percée de la médina sera repris en 1958 par Bernard Zehrfuss puis en 1960 par Olivier Clément Cacoub architecte conseil de la présidence et enfin en 19641 par les urbanistes Giancarlo de Carlo et Ludovico Quaroni qui proposent de créer de vastes voies à travers le tissu ancien. Les vives réactions à ce projet, la création de l’Association de Sauvegarde de la Médina de Tunis (ASM) en 1967 et la mobilisation de la société civile, mettront un terme à ces projets qui ne seront pas réalisés. L’ASM mènera de 1969 à 1975 un travail remarquable de relevés, de diagnostic et d’études opérationnelles à travers ses ateliers d’urbanisme et d’architecture. Tandis que ruralisation et prolétarisation de la Médina se poursuivent dans les années 1960-1965, Tunis voit naître de nouveaux quartiers résidentiels diversifiés architecturalement et socialement. Au nord du parc du Belvédère le quartier de Notre-Dame lié à l’Hôtel Hilton est composé d’habitations individuelles aisées sur grandes parcelles. L’architecture est résolument moderne voire de style international. Y habitent les rares Tunisiens de professions libérales qui peuvent à ce moment acquérir un terrain et y faire construire une villa. Plus au sud l’ancien quartier de Crémieuxville2 dénommé maintenant El Menzah, accueille dans les années 1965 des opérations de logements en immeubles HLM réalisés par la SCET France et la toute nouvelle Cité Olympique des Sports (1967) comprenant une salle couverte en coupole, un stade et une piscine réalisée par Olivier Clément Cacoub en collaboration avec une équipe d’architectes et d’ingénieurs bulgares, Bulgarproject et Zidarov. La Cité Olympique est un véritable monument au progrès, qui fait démonstration des prouesses techniques du béton et d’une esthétique moderniste fondée sur l’expression de la vérité constructive. A côté de ces cités et quartiers aisés ou destinés à la classe moyenne naissante, l’effort pour résorber les problèmes posés par les gourbivilles est réel. Ainsi naissent des quartiers nouveaux tels la Cité Ezzouhour destinés aux petits fonctionnaires ou aux employés aux revenus modestes qui sont juxtaposés en quartiers populaires de logements économiques dont le principal producteur est la SNIT. La SNIT sera le seul et unique promoteur immobilier public jusqu’en 1973. Elle réalisera de 1957 à 1973 plus de 70 % du parc de logements construits en Tunisie. Autre équipement prestigieux des années 1965, la Cité universitaire sur les hauteurs de la ville qui

Cité Olympique des Sports El Menzah 1, Olivier Clément Cacoub et Bulgarproject, 1967, La Coupole

Cité Olympique des Sports , Olivier Clément Cacoub et Bulgarproject, 1967, La piscine

Immeuble des assurances STAR , Tunis, avenue de Paris, 1966 Archibat 30 / 12 - 2013

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Maison du parti du Néo-Destour, architecte Olivier Clément Cacoub 1968.

Faculté des Lettres du 9 avril, Tunis, 1967.

montre par son architecture moderne qu’en cette période de progrès et de construction de la nation indépendante la tradition et ses formes architecturales sont volontiers considérées comme obsolètes voire archaïques. Les années 1965-1969 sont aussi celles d’une volonté de réaménager le territoire, de contrôler l’urbanisation informelle encore à ses débuts, d’ouvrir les régions du pays aux activités nouvelles industrielles, de transformation ou touristiques dans le cadre d’une économie planifiée socialiste. Au plan urbain, l’Etat planificateur a réussi à contrôler l’évolution de la ville de Tunis et en partie à contrer les disparités et les déséquilibres du territoire. Au centre de Tunis la rénovation modifie le paysage urbain. L’immeuble de 23 étages de l’hôtel Africa conçu par l’architecte Olivier Clément Cacoub est édifié sur des pieux de fondations profondes dans la vase de la lagune. Il marquera pendant la décennie suivante le paysage de l’avenue Habib Bourguiba et sera suivi quelques années plus tard par l’immeuble de l’hôtel International qui achève de donner à l’axe majeur de la capitale une image internationale en adéquation avec l’image que les pouvoirs publics se font d’une ville contemporaine moderne. Les années 1970 sont celles d’une remise en cause de l’Etat planificateur en Tunisie et celles de la libéralisation de l’économie dont les impacts seront nombreux sur l’organisation urbaine, sa gestion et celle de l’économie du bâtiment. Sur le plan culturel et idéologique c’est aussi le début de la remise en cause du Mouvement moderne et l’apparition à travers les différentes nations nouvellement indépendantes 26 Archibat 30 / 12 - 2013

de la notion de différence culturelle et de la valeur anthropologique des sociétés. Si les années 1960 ont été caractérisées par l’équipement des villes, le contrôle de l’évolution urbaine et l’impulsion du tourisme balnéaire, les traits pertinents de la décennie suivante sont d’une part le développement d’une urbanisation spontanée spectaculaire, d’autre part les retombées d’une planification économique libérale où la gestion du sol urbain et des besoins s’aligne sur les impératifs du marché foncier et la disponibilité du sol. Au plan architectural, on commence à rencontrer des maisons réalisées dans un style arabe nouveau qui fait référence à certains éléments décoratifs de l’architecture tunisienne traditionnelle avec une grande liberté d’emprunt dans la réutilisation de ces éléments. Cette architecture néoarabe que l’on repère dans l’habitat courant des années 1970-1980 mais aussi dans les productions hôtelières se développera plus intensément à partir de 1980 date où les critiques du Mouvement moderne aidant et la redécouverte du patrimoine favoriseront une inspiration et un goût de la modénature et du décor puisant dans les sources tunisiennes mais aussi marocaines et andalouses. Peut-on avec le recul d’aujourd’hui, tirer un bilan de l’expérience architecturale et urbanistique tunisienne des premières années de l’Indépendance ? Certes les défis étaient immenses mais l’enthousiasme général pour la construction de la nation et des villes tunisiennes aussi. Ces années 1956-1970 représentent un jalon important dans la modernisation du pays et de sa structure urbaine. Elles sont également un moment crucial pour la formation des élites et des cadres du pays. Au plan urbain et architectural, elles constituent un moment de la réflexion particulièrement intéressant, qui s’est poursuivi dans les décennies suivantes à travers remises en question, mais aussi à travers continuités et permanences dans la recherche d’une modernité alliée à la tradition et capable de synthèse architecturale. Une modernité vecteur de l’universalité mais aussi attentive au lieu, à la géométrie, au climat aux gestes artisanaux et aux spécificités culturelles. Une modernité de synthèse que l’expérience architecturale contemporaine en Tunisie cherche à maintenir et à renouveler. ■

1- Un concours international sera organisé en 1960 sans qu’aucun projet ne sorte vainqueur. Le jury de ce concours se prononce contre l’idée de percer la Médina. 2- Le quartier de Crémieuxville (El Manzah) avait fait l’objet en 1945 d’un plan directeur d’urbanisme dû à L.Jerold assisté de C.Blanchecotte plan directeur repris après l’Indépendance par l’urbaniste Deloge .Ce plan prévoyait notamment la réalisation de cités de logements HLM qui seront mises en œuvre dans les années 1960-1965 par le bureau d’études de la SCET France.


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Sur les traces de l'héritage : Vers une tunisianité architecturale contemporaine (1970-1990) Olfa BOHLI NOURI Architecte

Le paysage urbain, ponctué notamment par les réalisations architecturales, représente l'image de la ville, son histoire, sa culture mais aussi son développement. L'architecture en tant qu'artefact est une manifestation historique matérielle ; elle est à la fois la représentation et le vecteur de la transmission de références culturelles. À la recherche d'une tunisianité contemporaine, les années 1970 et 1980 se caractérisent, par un foisonnement d'approches et d'idéologies relatives à la définition de l'architecture tunisienne dans un dessein de caractérisation d'une identité propre de nos villes, prise dans la richesse des différentes strates historiques du pays. Le langage architectural se caractérise par une disparité référentielle qui balance entre une tendance d'alignement aux standards internationaux initiés par les avant-gardes européennes perçues comme vitrine du développement économique, et un éveil patrimonial puisant dans le registre architectural hérité du passé et synonyme d'authenticité. Il est néanmoins à noter que la première attitude dépeint un discours officiel inscrit, depuis l'indépendance, dans la modernisation du pays. Elle est surtout perceptible dans l'architecture savante de la commande publique. La deuxième attitude résulte, quant à elle, de plusieurs facteurs ; notamment suite à la création des associations de sauvegarde des médinas face aux menaces de percées du tissu historique de la médina de Tunis et de l'îlot du Théâtre municipal. La prise de conscience de la valeur de l'héritage s'est vue conjuguée à l'introduction d'une volonté de rattacher l'enseignement architectural à son contexte local, depuis que le département d'architecture et d'urbanisme à l'ITAAUT a été créé en 1972. L'enseignement y est devenu axé sur la référence à l'architecture traditionnelle dans une perspective d'intégration des particularités contextuelles locales dans les écritures architecturales proposées. Cette bipolarité de renvoi symbolique à l'une ou l'autre des cultures, universelle ou régionale, renvoie tant à une tension qu'à une tentative de syncrétiser les deux pôles.

Les édifices publics se sont inscrits dans une expression de la modernité et dans la course au développement, entamée par la construction et l'équipement des institutions de l'État depuis l'indépendance. L’avenue Mohamed V constitue un témoignage des choix officiels en matière de langage architectural à partir de la fin des années 1960. Cette avenue est devenue le terrain d'édification des symboles de la politique économique libérale de l'État entreprise après l'échec des années collectivistes. Le plan d'aménagement élaboré en 1975 par l'agence foncière de l'habitat (AFH) prévoyait, entre autres des immeubles de bureaux, administratifs et bancaires, de l’hôtellerie et des activités commerciales. Après avoir accueilli à la fin des années 1960 la salle des fêtes du parc Kennedy (aujourd'hui Palais des Congrès), de grands projets tels que l'Hôtel du lac, la Banque centrale, le Centre international des Congrès (plus connu comme l'hôtel Abou Nawas), le siège de la Société Tunisienne de Banque et celui de la Banque Nationale Agricole, viennent ponctuer cette avenue. Ces édifices, immeubles de grande hauteur pour la plupart, paraissent dans la continuité de ceux bâtis à l'avenue Habib Bourguiba ; l'Hôtel Africa et l'immeuble des deux Avenues (l'hôtel international). La politique culturelle de l'État en matière d'architecture apparaît, à l'époque, dirigée vers une internationalisation plutôt que vers une valorisation de l'héritage de la Tuni-

Les références aux architectures d'avant-garde avec le vocabulaire des fenêtres en longueur de la Banque centrale, au brutalisme avec le volume pyramidal renversé de l'hôtel du lac ou au style international incarné par l'immeuble des deux avenues, reflètent l'orientation officielle d'exprimer à travers l'architecture l'inscription de l'État dans le processus du développement mondial et l’alignement symbolique à l'échelle des métropoles internationales. 28 Archibat 30 / 12 - 2013


Des ébauches de ramener l'ornementation à la typologie des bâtiments tertiaires de grande hauteur ont été expérimentées dans les sièges de la STB et de la BNA avec des panneaux de façades en béton architectonique galbés avec des motifs imprimés depuis le coffrage.

sie. On y relève une quasi absence de référence au vocabulaire architectural local et même à l'ornementation, si ce n'est au travers des façades en panneaux de bétons décoratifs à base de motifs géométriques. Des systèmes constructifs à ossature en acier ou en béton armé avec un remplissage en briques ou en éléments préfabriqués, conjugués au verre et à un parti plastique avec souvent un volume unique percé régulièrement par des ouvertures rectilignes caractérisent ainsi ces édifices. Cette architecture savante officielle était conçue par des architectes formés à l'étranger avec un culture architecturale moins enracinée dans l'héritage local que dans les tendances occidentales ; Raffaele Contigiani pour l'hôtel du lac, Abdelmajid Bouzid pour la Banque centrale, tous deux formés en Italie, Olivier Clément Cacoub pour l'hôtel des Congrès et les associés Éric Hoechel et Ali Ben Soltane pour les sièges de la STB et de la BNA. Qu'il s'agisse d'une volonté politique de fonder un État moderne, en lui associant l'image de villes et d'architectures modernes ou de l'inspiration des maîtres d'œuvre d'architectures et de théories d'avant-garde, l'architecture de la Tunisie à partir de 1970 n'était pas à l'abri de la dénotation esthétique ni de la connotation symbolique de l'inscription dans la course au développement. Néanmoins, une tendance de regain patrimonial a caractérisé ces années. Au-delà de ce qui se rattache à l'architecture savante, la mémoire collective des citoyens s'est notamment vue ravivée revendiquant, dans le cadre d'une architecture plus courante et à travers le vocabulaire des habitations, une certaine appartenance culturelle. L'architecture traditionnelle, dite « arabo-musulmane », s'est ainsi hissée au rang de patrimoine référentiel symbolisant l'affiliation culturelle des Tunisiens. Si la dialectique modernité/tradition a été explorée depuis le début du siècle avec la tendance de l’arabisance, la valorisation de l’aspect traditionnel s'est particulièrement développée à partir des années 1970 dans l'architecture courante tunisienne et surtout dans les villas bourgeoises de banlieue.

Les façades de villas deviennent le lieu de composition avec le transfert ornemental des détails traditionnels comme habillage des maisons pavillonnaires. Les arcatures sculptées sur Kedhel en rez-de-chaussée ou en étage y sont le plus souvent conjuguées à des bordures en tuiles vertes ou bleues. Le revêtement en céramique, les moucharabiehs en bois et les fenêtres saillantes en fer forgé bleu à volutes constituent aussi des éléments de conception du vocabulaire ornemental spécifique à chaque villa..

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L'intérêt grandissant pour le modèle médinal était à l'origine d'une charge référentielle qui a déclenché ainsi des processus identificatoires allant jusqu'à sa reproduction, partielle plus que totale et formelle plus que fonctionnelle. Les façades des villas des quartiers bourgeois présentent une modénature largement inspirée des détails architectoniques de la médina et de Sidi Bou Said. Les éléments ornementaux sont divers, depuis les balcons en moucharabiehs en bois, passant par les tuiles vertes en écailles placées au-dessus des fenêtres, le fer forgé avec grille à volutes, jusqu'aux arcs et colonnes à chapiteaux hafsides ou turcs en plâtre sculptés dans le kadhel. Le revêtement en carreaux de céramique de quelques portions de la façade et l'invention de certains détails notamment dans le traitement des escaliers, caractérisent certaines productions. Le langage des devantures pourrait ainsi être qualifié d'un retournement de celui des façades sur patio des maisons traditionnelles. L'ornementation paraît être plus élémentaire. Elle varie du simple emprunt plastique des composants, en passant par des tentatives de reconversion jusqu'à la reprise littérale. Cependant, ce

registre ornemental vient contraster avec la typologie architecturale pavillonnaire et le système constructif à base de structure en poteaupoutre en béton armé et remplissage de briques pour la plupart ; la pierre étant réservée aux plus aisés. Cette tendance qu'on pourrait qualifier de néo-arabisante ou néomauresque caractérise surtout l'ornementation des façades. Si la typologie pavillonnaire évoque un alignement, à moindre échelle, sur le modèle des demeures d'été beylicales et des palais de plaisance des banlieues, elle pourrait tout simplement relever d'une accommodation à un nouveau mode de vie moderne auquel la maison traditionnelle à patio s'avère incompatible. De l'espace centré de la cour intérieure, on passe à un espace au centre d'un jardin. L'introversion du décor architectonique de maisons de la médina cède désormais la place à l'extraversion dans les villas. Cette réappropriation des éléments spécifiques au vocabulaire architectural pré-protectorat relève de l'adaptation à l'usage et à la représentation des occupants, mais aussi de la pensée architecturale de certains maîtres d'oeuvre. Dans une optique de réinterprétation

Les devantures dichromatiques blanc et bleu de certaines villas dénotent une référence au village de Sidi Bou Said. Les éléments ornementaux sont moins nombreux avec une quasi absence de Kedhel. On fait appel parfois à des coupoles ou à des moucharabiehs pour marquer l'entrée. De légers encadrements en céramique sont parfois rajoutés. 30 Archibat 30 / 12 - 2013


Le parti chromatique est aussi révélateur de la spécificité du registre référentiel. L'usage des tuiles et du fer forgé en vert, combinés à des volumes blancs ponctués d’éléments architectoniques en calcaire ocre marquent une réinvention du vocabulaire mauresque.

contemporaine des architectures traditionnelles, les analogies de certaines productions d'architectes dépassent l'emprunt des modénatures des façades pour intégrer la typologie de la maison à patio dans celle de la villa. Le patio, un espace à ciel ouvert délimité par une galerie, se voit redéfini en un espace ouvert sur le jardin et permettant la transition intérieur/extérieur mais aussi la réinvention d'une nouvelle typologie d'habitat métissée entre la villa et la maison à patio. L'intérêt spécifique à certaines morphologies urbaines et typologies architecturales locales durant la période 1970-1990 traduit une conscience de la valeur à la fois cognitive et emblématique que les édifications du passé présentent. Le débat de la primauté de l'usage et de l'adaptation aux modes de vie contemporains sur l'expressivité identitaire de l'architecture tunisienne, reste néanmoins d'actualité dans le paysage urbain tunisien. Le legs référentiel principal dit « arabo-musulman » que le tissu de la médina avec, ses mosquées, médersas et maisons à patio, incarnait parfaitement la tunisianité. Plus tard, cet héritage labellisé comme patrimoine de référence, inclura le registre architectural de la ville européenne. Des références à l'architecture néo-classique et éclectique de la fin du XIXème siècle, se répandront surtout dans l'architecture savante des bâtiments tertiaires. ■

Plusieurs éléments décoratifs du répertoire de l'architecture traditionnelle sont repris littéralement ou réinventés. La sélection des uns et des autres et le mélange opéré entre différents ornements confèrent à chaque villa un caractère unique. Le résultat varie pouvant atteindre parfois la surcharge décorative et l'éclectisme, mais aussi le syncrétisme où les différents décors fusionnent pour donner forme à un nouveau vocabulaire métissé.


L’architecture en Tunisie de 1990 à 2013 Denis Lesage Architecte

Les années 1990 Un nouveau chapitre s’était ouvert. La vieille garde de l’après-guerre s’était éclipsée depuis longtemps. Jacques Marmey, le dernier des architectes artisans de cette époque était décédé en 1988. Depuis une vingtaine d’années de nouvelles équipes, nées avec la création de l’Ordre en 1973, s’étaient installées. L’animateur de la plus grosse agence d’architecture des années 80, Brahim Taktak, venait lui aussi de disparaître, fin 1988, après avoir commencé le chantier du siège de Tunisair. A l’étranger, Hassan Fathy était lui aussi décédé, fin 1989. Au début des années 1990, on comptait environ 662 architectes diplômés en Tunisie, dont 84 femmes seulement. Le concours était devenu le seul moyen d’accès à la commande publique. Le maître mot de l’architecture des bâtiments officiels était « le cachet tunisien », jamais discuté, jamais explicité, qui renouait avec le concept « d’authenticité » des années 70 et profitait de l’émergence récente du patrimoine comme centre d’intérêt. On peut citer à ce propos l’ANEP (Agence de Mise en Valeur et d’Exploitation du Patrimoine) qui venait d’être créée en 1988, pour notamment améliorer la présentation des musées et des sites archéologiques et historiques. On peut citer aussi les Prix Aga Khan attribués en 1989 et en 1995 à l’école Sidi el Aloui1 près de la

Hôtel Pyramides - Nabeul - Architecte, Brahim Taktak

place Halfaouine et au projet Hafsia 22 dans la Médina de Tunis. En matière de bâtiments civils, le programme des ISET3 (Instituts Supérieurs d’Etudes Technologiques, trois années d’études après le baccalauréat) qui se mettait en place au Ministère de l’Enseignement Supérieur et de la Recherche Scientifique, avec une contribution de la Banque Mondiale, allait dans son domaine renouveler complètement le processus de production des édifices et révéler une nouvelle génération de jeunes architectes de talent. Le tourisme, en pleine expansion, fonctionnait comme un laboratoire d’expérimentation, de formes architecturales, de décors intérieurs et de matériaux. La créativité des architectes s’y exprimait aussi bien dans la modernité que dans la citation du patrimoine. Il est d’ailleurs paradoxal que les architectes aient souvent plus inventifs dans les hôtels conçus sans appel à la concurrence que dans les bâtiments publics attribués sur concours. Comme si une sorte d’autocensure s’était exercée de la part des concurrents et des jurys. Deux révolutions se préparaient en silence, une révolution technologique : l’informatique dans le travail des architectes, et une révolution sociologique : la féminisation de la profession.

École Sidi El Aloui - ASM, architecte Samir Hamaïci


Municipalité de la Kasbah - Architecte, Wassim Ben Mahmoud

Les évolutions A partir des années 90, l’expression architecturale des édifices commence à changer en Tunisie avec une utilisation de plus en plus grande des matériaux - verre, aluminium - de l’architecture internationale. Deux projets réalisés peuvent illustrer ce changement : - Avant 1990 : le siège de la SNIT, à Manar, terminé en 1979, architecte Brahim Taktak et Othman Ben Ghanem (agence A et U). Un bâtiment très représentatif du travail de l’agence A et U et de son époque : primauté du plein sur le vide, fonctionnalité affirmée, volumétrie cubiste, ombres fortes, enduits grenus, menuiseries bois vernis, décor intérieur sobre, d’enduits et de menuiseries en bois vernis. - Après 1990 : la municipalité de Tunis à La Kasbah4, terminé en 1998, architecte Wassim Ben Mahmoud avec Mustapha Ben Jannet, attribué sur concours. Une combinaison de « modernité » (murs rideaux en verre) et de « tradition » (décor extérieur inspiré du minaret almohade de La Kasbah et décor intérieur calepiné sur le modèle des anciennes demeures de la Médina). Dans la référence au patrimoine, la municipalité de Tunis avait été précédée par le projet Hafsia 2, cité plus haut et par le projet de restructuration du quartier Bab Souika/Halfaouine autour d’un tunnel automobile (1983-1987). Pour ce projet le plan masse d’ensemble avait été décomposé en plusieurs sous projets, attribués à des architectes5 différents qui avaient chacun proposé une relecture du vocabulaire arabisant. En 1974, le lycée de Metlaoui6, avait constitué un premier essai de réutilisation du patrimoine, ici la brique de Tozeur, pour un édifice moderne7.

Dans l’architecture hôtelière, les sources d’inspiration des architectes ont été de plus en plus variées, tunisiennes de toutes époques et également internationales, au service de programmes de plus en plus importants : l’hôtel Nahrawas8 à Hammamet, par exemple, terminé en 1994, compte 350 chambres. Dans les halls d’accueil et les chambres, l’effort de création est relayé par une catégorie professionnelle nouvelle en Tunisie, les architectes d’intérieur/décorateurs. Cette profession a pris son essor grâce au marché de l’hôtellerie et a développé des décors de plus en plus élaborés utilisant le marbre, la céramique, le bois, le stuc, et les effets lumineux. Peu à peu, ces différents concepts décoratifs hôteliers ont constitué une sorte de catalogue de solutions architecturales et décoratives et, pour les nouvelles générations ce catalogue est venu remplacer le catalogue des formes et décors traditionnels de la Médina qu’elles n’avaient pas connues. Le projet phare du tourisme de cette époque est la « médina reconstituée » de la station touristique de Yasmine Hammamet ou Hammamet Sud, dû au promoteur Poulina et à l’architecte Tarak Ben Miled9. Les études datent de 1992-1993, alors que la réalisation est de 19982004, avec une ouverture au public en 2002. Le concept général est de proposer une médina composée de morceaux choisis d’architecture, entièrement dédiée au loisir et au contentement des visiteurs, une médina idéalisée, propre, en parfait état technique et esthétique. Quant au « cachet tunisien » de l’architecture officielle, il est parfaitement illustré par le projet de la mosquée de Carthage, attribué sur concours en 2000 et inauguré en 2003. Le projet lauréat, dû à l’architecte Ayed Sriha, est une scrupuleuse réutilisation de modèles architecturaux et de détails architectoniques anciens (mosquée de Kairouan et mosquée Zitouna) alors que d’autres projets proposaient des formes « modernes ». Tout s’est passé comme si le champ de la religion ne pouvait accepter une expression architecturale autre que celle de la tradition.

Mosquée de Carthage - Architecte, Ayed Sriha et Sourour Aounallah

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ISET Nabeul

Factulté de médecine de Tunis - Jalel Sakli, Architecte

Le programme des ISET est né de la volonté du gouvernement tunisien de développer des études supérieures techniques en filières courtes, pour servir le développement économique. Un rappel de l’évolution de l’enseignement supérieur, en deux vagues, est utile. - La première vague, dans les années 60, juste après l’indépendance, a concerné les établissements classiques : faculté de sciences, faculté de lettres, faculté de droit, faculté de médecine, Ecole Normale Supérieure, tous établis à Tunis, et tous permettant des filières longues. A cette première vague se rattachent également deux établissements particuliers ; l’ENIT (Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunis) créée en 1968 et l’ITAAUT (Institut Technologique d’Art, d’Architecture et d’Urbanisme de Tunis) créée en 1973. - La deuxième vague, dans les années 90, est une vague de décentralisation : création de vingt-quatre ISET dans toute la République (filières courtes). On est ainsi passé d’une université d’élite (en 1987 les 42.000 étudiants ne représentaient que 10 % des classes d’âge 18/25ans) à une université de masse (en 2010 les 360.000 étudiants représentaient 30 % des classes d’âge 18/25 ans). La mise en place du programme ISET a été assuré, à partir de 1990, par une Direction Générale des Etudes Technologiques réunissant d’une part, des équipes pédagogiques pour la programmation des enseignements et d’autre part, des équipes techniques d’architectes et d’ingénieurs pour la maîtrise d’ouvrage des bâtiments : programmation quantitative et qualitative, organisation des concours d’architecture, assistance aux concepteurs, préparation des appels d’offres, désignation et suivi des entreprises. Ces équipes ont mené à bien la réalisation de 24 ISET10 en une vingtaine d'années. Quelques équipements complémentaires sont encore en cours : résidences et restaurants.

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Cité Ennasr


La révolution de l’ordinateur Elle a été la grande affaire des architectes tunisiens au cours des années 90, portée par la mondialisation technologique et aidée par des initiatives tunisiennes. La première version d’Autocad date de 1982 et le quasi-monopole de ce logiciel a été atteint avec la version de 1992. Le CBMI (Centre Bourguiba de Micro Informatique) a été créé par Mokhtar Latiri en 1984. L’ordinateur s’est introduit dans les administrations et les entreprises à partir des années 90, pour remplacer les machines à écrire, et aussi dans les familles (politique de l’ordinateur familial). Les premiers ordinateurs pour les élèves des lycées ont été livrés en 1990 et les premières connexions internet en Tunisie datent de 1991. ISET Kebili, - Lamine Ben Hibet, Architecte

Tous ces projets montrent la place importante de la commande publique dans l’architecture tunisienne. Mais ce qui frappe dans le paysage urbain d’aujourd’hui, aux Berges du Lac ou au quartier Ennasr c’est la place des immeubles privés, d’habitation ou de bureaux, et l’éclectisme total de leurs façades, souvent au détriment de la cohérence urbaine. Il y a une irruption des murs rideaux en verre, quelle que soit l’orientation, quelquefois partiellement occultés par de « grands gestes » de formes obliques ou courbes sans rapport avec les espaces intérieurs. On l’aura compris, il s’agit de se singulariser à tout prix, le maître mot de l’époque est extraversion, au contraire des siècles passés. Quant aux villas privées, on voit de plus en plus de projets « extravertis derrière la clôture haute », de formes cubistes et de portes à faux recouvrant des pans vitrés en retrait. Ces expressions architecturales modernes dont les références ne sont plus dans le patrimoine, témoignent souvent d’une réelle maitrise, une fois franchie la haute clôture sur rue. Il y a probablement un rapport entre ces nouvelles expressions et l’informatisation des projets, qui permet de présenter visuellement et rapidement des formes imbriquées et/ou complexes.

L’informatique a fait l’objet d’un enseignement officiel à l’ENAU en 1996 (traitement de texte, 2D,3D). A partir de 1990 de multiples programmes d’initiation à l’informatique pour les architectes ont été mis en place : programmes académiques, stages pour jeunes diplômés, programmes commerciaux, sessions des vendeurs d’ordinateurs, etc... et les agences ont commencé à s’équiper et à modifier leurs habitudes. Aujourd’hui tous les projets sont traités sur ordinateur, ainsi que tous les travaux de fin d’études de l’ENAU. L’informatique a apporté de nouvelles libertés, elle permet la représentation des surfaces courbes, elle permet des rendus « réalistes », elle permet l’intégralité de la représentation du projet sur l’écran, avec possibilité de transfert pour les ingénieurs de toutes spécialités. Elle a permis et accompagné au cours des dix dernières années le développement de l’éclectisme et l’utilisation des expressions architecturales les plus variées, y compris dans ses variantes les moins pertinentes de façades vitrées plein ouest, qui entrainent la généralisation de la climatisation.

Images 3D - Technopole Borj Cédria, Taoufik Ben Hadid, Architecte


REPÉRES HISTORIQUES

Quelques effets secondaires de l’informatisation, qui seront sûrement surmontés par la suite : - la possibilité de dessiner des images inconstructibles, sans l’épaisseur des matériaux, - la standardisation des rendus, avec l’utilisation de « bibliothèques » d’objets et de personnages identiques, - la dévalorisation du travail du concepteur, par l’apparence de facilité donnée par l’ordinateur au maître d’ouvrage, toujours plus exigeant, - l’éloignement du réel, par la perfection de l’image et l’imperfection de la réalisation correspondante - le transfert de la mémoire des projets à la machine, puisque chaque projet peut avoir été travaillé par plusieurs intervenants qui n’ont pas eu de vision d’ensemble.

La révolution de la féminisation Les premières promotions d’architectes de l’ITAAUT, les premières promotions d’architectes inscrits à l’Ordre étaient des promotions masculines, ce qui correspondait bien avec l’idée reçue que l’architecture était une profession d’hommes. Cependant, chaque année, la proportion de filles dans les nouveaux inscrits à l’ITAAUT puis à l’ENAU augmentait peu à peu, suivant avec un peu de retard la tendance de l’enseignement supérieur en général. En 1987, les filles ne représentaient que 30 % des étudiants. En 1999/2000, elles atteignaient la parité, 50 %. En 2010/2011 elles représentaient 60 % des étudiants. A l’ENAU, à la session de diplôme de 1990, il n’y avait que 9 filles sur 45 diplômés, soit 20 %. A la session de diplôme de 2012, on comptait 127 filles sur 257 diplômés soit 49 %. Cette même année 2012 les nouveaux inscrits étaient au nombre de 290 dont 160 filles soit 55 %. Au total pour l’année 2013 l’ENAU compte 2.400 étudiants inscrits dont 1.300 filles soit 54 %. Cette même année 2013 l’Ordre comptabilise 3.904 architectes inscrits dont 1.325 femmes. On peut estimer que d’ici une génération, si les tendances se poursuivent, il y aura autant d’architectes femmes que d’architectes hommes. Cela influera-t-il sur la façon de travailler des architectes, ou même sur la production architecturale ? Rendez-vous dans Archibat, d’ici vingt ou vingt-cinq ans pour le savoir. ■

1943 – 1957 : Architecture de la reconstruction. 1943 : Création du service de l'Architecture et de l'Urbanisme chargé de la Reconstruction, sous la direction de Bernard Zehrfuss 1956 : Le Président Habib Bourguiba, désigne Olivier Clément Cacoub, architecte de la Présidence de la République 1956-1970 : Architecture tunisienne des premières années de l’indépendance, modernité et défis. 1957 : Création de la Société nationale Immobilière (SNIT) 1958 : Création du Secrétariat d’Etat aux Travaux et Travaux Publics 1967 : Création de l’Association de sauvegarde de la médina de Tunis 1968 : Création de l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Tunisie (ENIT) 1970 -1990 : Architecture tunisienne marquée par un retour à la tradition et l’identité. 1973 : Création de l’Institut Technologique d’Art, d’Architecture et d’Urbanisme ITAAUT 1974 : Création de l’Ordre des Architectes de Tunisie, premier Président de l’OAT - architecte : Abdesselem Ben Said 1972 : Création du District de Tunis De 1990 à aujourd’hui : Architecture contemporaine tunisienne, entre diversité et éclectisme. 2000 : l’ITAAUT, devient l’Ecole nationale d’Architecture et d’Urbanisme (ENAU), localisée à Sidi-Bou Said 2013 : Environ 2000 étudiants sont à l’ENAU 2013 : l’Ordre des architectes comptabilise 3 904 architectes, dont 1 325 femmes.

1- ASM, architecte Samir Hamaïci, avis du jury : « cette école constitue un ensemble remarquablement élégant et adapté au tissu urbain environnant ». 2- ASM, architectes Samia Akrout, Achraf Bahri, Amor Jaziri, avis du jury : « l’expérience apportée par ce projet et les solutions adoptées sont pertinentes pour les différents problèmes auquels font face ceux qui souhaitent sauvegarder les vieilles cités historiques dans le monde musulman d’aujourd’hui ». 3- Loi 92-50 du 18 Mai 1992 relative aux ISET, Décret 92-2055 du 16 Novembre 1992 portant organisation des ISET. 4- Sur le site officiel de la municipalité, on lit : « … le nouveau bâtiment incarne l’esprit architectural authentique de la ville de Tunis d’aujourd’hui… il marque l’avènement d’une nouvelle tradition de bâtiments publics alliant la tradition aux exigences de la vie moderne, proposant une relecture du vocabulaire traditionnel. » 5- Plan masse : ASM ; architectes : Tarak Ben Miled,Taoufik Bouslama, Fathi Djelassi,Tijani Ellouze, Amira Nouira. 6- Architecte : Tijani Ellouze. 7- Projet nominé pour le prix Aga Khan. 8- Architecte Taoufik Bouslama, décorateur Ahmed Bouslama, complété en 2004 par un centre de thalassothérapie. 9- La plaquette présente le projet (10 hectares, médina 5,5 ha et parc de loisirs) ainsi : « une ville mémoire, reconstitution fidèle et soignée d’une ville araboandalouse du bassin méditerranéen ». En 2004, lors d’un colloque scientifique, P-A Barthel écrivait dans sa communication : « Le projet vise à construire une médina idéale destinée à enchanter les touristes… Ainsi le choix est-il d’avoir voulu ancrer cet espace de tourisme par le biais d’une profusion de références au patrimoine architectural, urbain et immatériel et d’un imaginaire orientaliste… ». 10- Exemple : Iset Radès, architectes : Chokri Makhlouf et Taoufik El Euch. 36 Archibat 30 / 12 - 2013


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